M. Alain Richard, rapporteur. La loi ATR, c'est-à-dire relative à l’administration territoriale de la République !
M. Jean-Pierre Chevènement. … dont la mise en œuvre a été une réussite en milieu rural, et la loi du 12 juillet 1999, qui a permis la création d’au moins 170 communautés d’agglomération et de plusieurs communautés urbaines nouvelles, ainsi que de nombreuses intercommunalités autour de gros bourgs ou de villes petites et moyennes, jusqu’à la loi du 16 décembre 2010 rectifiée, qui permettra d’achever sur tout le territoire la carte de l’intercommunalité ! Et tout cela a été réalisé avec des majorités très larges, voire à l’unanimité des assemblées parlementaires, si l’on excepte les groupes communistes.
Veillons à ce que cet esprit consensuel perdure sur le territoire, car c’est le gage d’une réussite véritable. En votant ce texte conforme, pendant que siègent encore les assemblées, nous répondrons à l’attente, sur le terrain, des élus, qui souhaitent que la concertation se poursuive. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UCR.)
Mme la présidente. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la promulgation de la loi du 16 décembre 2010, notre organisation territoriale s’articule désormais autour de deux pôles complémentaires : un pôle départements-région et un pôle communes-intercommunalité. Cette grande réforme a conforté les communes dans leur rôle de cellules de base de la démocratie locale et de notre organisation territoriale, ce qui, malgré tout, ne semble pas avoir convaincu nos collègues communistes.
Monsieur le ministre, vous avez raison de dire que notre rendez-vous, aujourd’hui, est l’occasion de dresser le bilan d’un texte voté il y a tout juste quatorze mois, qui a imposé un rythme de réalisation soutenu. Dans un certain nombre de départements, la cadence n’a pas été tenue, un nouveau SDCI, un schéma départemental de coopération intercommunale, n’ayant pu être adopté avant le 31 décembre 2011.
L’initiative de notre collègue et ami Jacques Pélissard doit être saluée, car elle permet de respecter les engagements qu’il avait pris devant les maires de France en novembre dernier.
Monsieur le ministre, vous avez parlé de consensus et de concertation. Tel est bien le climat qui prévaut aujourd’hui au sein de la Haute Assemblée. Je tiens d’ailleurs à saluer à cet égard les travaux de la commission des lois et de M. le rapporteur, Alain Richard, qui a eu l’honnêteté de ne pas modifier un texte voté par l’Assemblée nationale et dont les dispositions conviennent aux élus de droite et de gauche.
Je regrette qu’une telle démarche n’ait pas prévalu pour la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales déposée par notre collègue Éric Doligé ! L’ambiance n’était pas la même, le texte non plus !
M. Jean-Claude Lenoir. On le regrette tous ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. François-Noël Buffet. La nouvelle carte, dont le calendrier de mise en place a été défini par la loi du 16 décembre 2010, devait instaurer des intercommunalités cohérentes fondées sur la réalité des territoires et des bassins de vie et supprimant les structures dites « redondantes ».
L’objectif de cette « remise à plat » était bien de permettre à un acteur renouvelé, chargé des politiques essentielles au développement local, de devenir identifiable : je veux parler de l’établissement public de coopération intercommunale, l’EPCI, qui doit apparaître, pour sa population, comme un pôle d’organisation des services de proximité mais aussi d’aménagement et de maintien des équipements structurants, tout en incarnant la diversité des territoires par des formes juridiques et des compétences différenciées.
Cependant, l’obligation faite à chaque commune de trouver sa place au sein d’une carte intercommunale rénovée n’a pas été sans provoquer parfois des tensions dans certains départements, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, malgré le travail minutieux des préfets, chargés de formuler des propositions cohérentes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle vous avez donné pour instruction à ces derniers de ne pas considérer la date du 31 décembre 2011 comme un horizon indépassable et de prolonger la concertation, quitte à ce qu’elle ne débouche pas sur l’établissement d’un SDCI en temps et en heure. Nous sommes aujourd’hui confrontés à de telles situations, certains départements étant aujourd’hui dépourvus de schéma.
Le texte qui nous est soumis constitue donc une occasion intéressante. Il vise à aménager les modalités de consultation des commissions départementales de coopération intercommunale, afin d’organiser la poursuite de la concertation tout au long de l’année 2012, là où le schéma départemental de coopération intercommunale n’a pas été arrêté. Il tend également à aménager la réforme, en introduisant une certaine souplesse et des solutions concrètes aux difficultés ponctuelles signalées par les associations représentatives d’élus locaux.
Si la rationalisation et l’achèvement de la carte intercommunale représentent l’objectif prioritaire de ce texte, nous ne pouvons rester sourds aux besoins des élus et des représentants de l’État dans les départements : il est donc urgent d’aménager les modalités de mise en œuvre de la réforme intercommunale, en adaptant son calendrier et en apportant des solutions viables, sans en dénaturer les objectifs.
Premièrement, l’Assemblée nationale n’a pas souhaité revenir sur la date du 31 décembre 2011, aujourd’hui échue. Elle a préféré substituer à son report une réécriture des dispositions limitant le rôle de la CDCI en cas d’absence de schéma. C’est une idée à la fois judicieuse et pragmatique.
Ainsi, dans les trente-trois départements dépourvus de schéma, la commission retrouvera la possibilité d’émettre un avis et de voter à la majorité des deux tiers de ses membres d’éventuels amendements, non plus sur un schéma global, mais sur chaque arrêté de périmètre proposé par le préfet, portant création, modification ou fusion d’établissements publics. Or n’était-ce pas notre objectif commun que de donner du sens à l’action de la CDCI, même en cas de négociations complexes ?
Deuxièmement, la proposition de loi prévoit d’avancer la révision des schémas au lendemain des élections municipales de 2014. C’est une idée intéressante.
Ne l’oublions pas, nous avions collectivement souhaité, au moment de l’adoption de la loi portant réforme des collectivités territoriales, d’une part, une clause de rendez-vous « souple », afin de pouvoir réviser le schéma selon la procédure retenue lors de son adoption initiale, soit « au moins tous les six ans à compter de sa publication », et, d’autre part, l’instauration d’une procédure exceptionnelle, une fois le schéma adopté. Celle-ci, applicable « pendant une période d’un an suivant la publication du SDCI révisé » et « pendant l’année 2018 », consistait à regrouper les prérogatives du préfet et l’abaissement des seuils de majorité nécessaires à la mise en application du schéma révisé.
Ainsi avons-nous prévu une clause de rendez-vous en 2017, pour organiser la concertation en vue de l’élaboration d’un schéma actualisé, et sa mise en œuvre en 2018.
Cependant, ces rendez-vous n’excluent pas une remise en chantier anticipée de la carte intercommunale. Il est ainsi possible d’imaginer, en cas de recomposition volontaire d’un ou plusieurs EPCI structurants, une remise à plat des grandes orientations décidées en 2011. Ce processus pourra être mené dans les départements où cela semblera nécessaire, sans qu’une opération concertée au niveau national soit organisée.
Afin que la concertation puisse suivre son cours dans chaque département, la volonté d’améliorer de trois manières différentes la clause de rendez-vous paraît particulièrement opportune.
Tout d’abord, le schéma sera réexaminé après les prochaines échéances électorales municipales de mars 2014. Ensuite, un examen de l’état de l’intercommunalité est rétabli, pouvant aboutir à une refonte du schéma, tous les six ans après la première présentation d’un schéma rénové. Enfin, la CDCI aura la possibilité de provoquer, concurremment avec le préfet, un processus anticipé de refonte de la carte de l’intercommunalité, dans les départements où les élus le jugeraient nécessaire.
Ce calendrier permet de faire coïncider l’actualisation des schémas avec le renouvellement des conseils municipaux, les nouvelles municipalités élues ayant ainsi leur mot à dire. Il permet aussi de favoriser la reprise de la concertation, dès 2014, dans les départements où les élus le souhaiteraient.
Je me réjouis également que la disposition présentée par notre collègue Jean-Claude Lenoir lors de la discussion de la proposition de loi dite « Sueur », sur l’allongement du délai de détermination des compétences et l’aménagement des conditions de leur restitution partielle en cas de fusion d’EPCI ait été reprise par nos collègues députés.
M. Jean-Claude Lenoir. Merci de le souligner !
M. François-Noël Buffet. Il s’agit bien de faciliter la restitution partielle de compétences facultatives, c'est-à-dire ni obligatoires ni optionnelles, en cas de fusion d’EPCI dont l’un au moins est à fiscalité propre.
Le texte porte donc à deux ans le délai pendant lequel l’EPCI à fiscalité propre issu de la fusion peut exercer de manière différenciée les compétences facultatives dans son périmètre territorial, en attendant la détermination précise des compétences conservées ou devant être rendues aux communes. Un tel allongement permet de résoudre le problème posé par une nouvelle structure intercommunale ne reprenant pas l’intégralité des compétences des communautés fusionnées. En effet, le délai actuel peut se révéler trop court pour organiser une concertation et trouver un consensus local.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce texte attendu est utile pour la poursuite de notre grande réforme territoriale, afin de procéder, après les premiers mois de sa mise en œuvre, aux ajustements nécessaires, sans remettre en cause son esprit ambitieux et constructif.
Je veux en témoigner à cette tribune, les travaux menés par les préfets avec les élus locaux se déroulent très majoritairement dans de très bonnes conditions et dans un réel esprit de concertation.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !
M. François-Noël Buffet. Il n’y a pas de conflits ouverts. Dans le cadre des débats qui se sont engagés, les élus, quel que soit leur bord, ont toujours eu la volonté de faire aboutir cette réforme. Ainsi, entre ce qui est dit à la tribune et ce qui est réalisé sur le terrain, il existe malgré tout une différence qu’il convient de souligner.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !
M. François-Noël Buffet. Cette loi, je tiens à le rappeler, a permis d’engager dans tous les départements une réflexion collective approfondie. En bonne logique, le groupe UMP votera donc ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que les premiers recours ont déjà été déposés par des communes insatisfaites des schémas départementaux de coopération intercommunale – on nous signale des problèmes dans trente départements –, nous étudions aujourd’hui un texte dont l’examen intervient bien tardivement.
Pourtant, dès sa victoire au Sénat, la gauche avait déposé, par l’intermédiaire de notre collègue Jean-Pierre Sueur, une proposition de loi visant à régler un certain nombre de questions et à répondre aux inquiétudes soulevées par les élus locaux. Le Sénat l’avait adoptée le 4 novembre 2011.
Les recours déjà signalés portent sur trois points essentiels.
Tout d’abord, certaines commissions départementales de coopération intercommunale n’ont pas toujours disposé de la période légale de quatre mois pour se prononcer sur le projet de schéma élaboré par le préfet.
Ensuite, l’obligation pour les préfets de consulter la CDCI du département voisin pour les projets de groupements intégrant des territoires limitrophes n’aurait pas toujours été respectée.
Enfin, les études accompagnant les schémas sont insuffisantes, notamment dans certains départements.
Toutes ces récriminations et réserves montrent à quel point le Gouvernement a une nouvelle fois confondu réforme structurelle et coup médiatique précipité. Le Gouvernement, sous la pression d’un président-candidat – maintenant, il n’y a plus de surprise ! – a une nouvelle fois imposé aux acteurs d’agir dans la précipitation et ne permet donc pas une véritable concertation. Pourtant, celle-ci aurait sans doute pu désamorcer un certain nombre de conflits.
En outre, selon l’Association des communautés de France, l’ADCF, le report du vote des SDCI dans les trente-trois départements qui n’ont pas encore adopté leur schéma résulte moins d’un blocage que d’un choix politique lié à une volonté de se donner du temps. On le voit, c’est bien du temps qui est demandé par les élus, afin d’engager une réflexion de fond pour avancer.
Nous étudions donc aujourd’hui un texte qu’il est nécessaire d’adopter dès la première lecture, sous peine qu’il ne puisse être définitivement voté avant la fin de la session parlementaire.
Ce texte, déposé le 8 novembre 2011 par M. Jacques Pélissard, député et président de l’Association des maires de France, s’inspire largement de la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur qui, je le répète, a été adoptée par le Sénat le 4 novembre 2011.
Dès lors, on se demande pourquoi avoir déposé un texte dont les propositions sont proches de celui qui a été adopté précédemment par le Sénat au lieu d’avoir repris la version de la Haute Assemblée ?
M. Jean-Claude Lenoir. Il y a tout de même quelques différences !
M. Jean Desessard. Pourquoi ne pas avoir repris le texte du Sénat pour l’étudier, voire l’améliorer au travers de la navette dans ce qui est l’exercice normal de l’activité législative d’amélioration de la qualité de la loi ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Bonne question !
Mme Nathalie Goulet. À cause de l’amour-propre d’auteur !
M. Jean Desessard. Pourquoi n’étudier qu’en février un texte qui est censé corriger, en particulier, l’impossibilité d’adopter l’ensemble des schémas départementaux de coopération intercommunale avant le 31 décembre 2011 ?
Cette procédure a obligé l’Assemblée nationale et le Sénat à faire une sorte de « pré-CMP » avant même la première lecture et nous met face à l’impossibilité matérielle d’avoir une deuxième lecture avant la fin de la session parlementaire. Ces méthodes sont condamnables, certes, mais il faut bien avancer.
Encore une fois, on réforme tardivement, dans la précipitation et sans prendre le temps d’approfondir les sujets. Dans cette perspective, je veux revenir sur certains points de ce projet de loi.
Favorables à la parité, nous nous réjouissons que, dans les communes qui n’ont qu’un délégué, soit introduite la parité entre le ou la titulaire et le ou la suppléante.
L’un des objectifs de cette réforme étant la rationalisation du périmètre des intercommunalités, nous sommes satisfaits de la possibilité donnée aux îles composées d’une seule commune de déroger à l’obligation pour les communes d’être intégrée à une structure intercommunale. Cette intégration n’aurait en effet aucun sens en termes de projet commun ; or, tel est l’objectif de l’intercommunalité.
À l’heure actuelle, soixante-six SDCI ont été adoptés. Quant aux départements qui n’en ont pas encore, la proposition de loi votée à l’Assemblée nationale permet à la CDCI de retrouver les prérogatives dont elle disposait avant le 31 décembre 2011. Ainsi, cette instance pourra, à la majorité des deux tiers, modifier le projet préfectoral en l’absence de schéma, avant que ce projet de périmètre d’un EPCI ne soit envoyé aux communes devant se prononcer.
Enfin, les services déconcentrés de l’État devront accompagner et conseiller les communes pour leur éviter le recours à de forts onéreux consultants « privés ».
D’une manière générale, nous, écologistes, souhaitons le renforcement de l’échelon intercommunal, c’est pourquoi nous pensons que l’achèvement et la rationalisation de la carte intercommunale vont dans le bon sens. Il s’agit non pas, au travers de cette loi, de repousser ad vitam aeternam le processus de couverture de l’ensemble du territoire par des structures intercommunales et de mise en cohérence de celles-ci, mais de donner la possibilité aux élus locaux et à l’État de dialoguer au sujet du meilleur schéma intercommunal possible afin d’avoir une action cohérente à long terme sur les territoires.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous faire part de nos souhaits en matière d’intercommunalité.
Nous souhaitons que les délégués communautaires soient élus au suffrage universel direct, pour que les citoyens choisissent directement les élus qui souvent, aujourd’hui, prennent les décisions les plus importantes et qui gèrent le budget le plus élevé à l’échelle du bloc communal.
Nous souhaitons, en un mot, mettre fin à cette anomalie démocratique qu’est l’élection au second degré, qui permet de s’affranchir des mesures favorisant la parité et d’éloigner les citoyens du processus de décision.
Nous privilégions par ailleurs la démocratie participative – nous ne sommes pas les seuls –, qui s’exprime aux niveaux des communes et des quartiers.
En outre, ce suffrage direct permet aux citoyens de s’identifier d’autant mieux à ce qui doit être, à notre sens, une « collectivité » intercommunale répondant mieux aux enjeux actuels des territoires.
En conclusion, même si ce texte ne va pas aussi loin que nous l’aurions voulu, il constitue une avancée. Les élus locaux ne nous pardonneraient pas de ne pas avoir saisi l’occasion d’améliorer les conditions d’application de la réforme intercommunale. C’est pourquoi, vous l’aurez compris, mes chers collègues, malgré les réserves qu’ils émettent sur la méthode suivie et sur certains points, les sénatrices et sénateurs du groupe écologiste voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de raconter brièvement l’histoire comme elle s’est passée.
En novembre dernier, la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur, largement améliorée et complétée par notre rapporteur, Alain Richard, s’est heurtée à l’obstruction de la minorité et, il faut bien le dire, du Gouvernement.
En effet, monsieur le ministre, au cours de cette séance, vous avez témoigné d’une attitude chez vous plutôt inhabituelle : vous avez joué la montre et parlé très longtemps afin que le texte ne puisse être voté dans le temps imparti à son examen par l’ordre du jour réservé. Malgré tout, la proposition de loi a été adoptée et, bien entendu, vous vous êtes abstenu de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, comme vous auriez pu le faire.
Devant la montée des inquiétudes des élus locaux, et même des sénateurs, car certains ici étaient favorables, sous réserve de l’adoption de quelques amendements peut-être, à la proposition de loi du groupe socialiste, vous avez convaincu de présenter une proposition de loi le président de l’Association des maires de France, le député UMP Jacques Pélissard.
M. Jean-Claude Lenoir. M. Pélissard a été largement réélu ! À 65%.
M. Jean-Pierre Michel. Oui, monsieur Lenoir : chaque commune ayant une voix, Paris et Pétaouchnock pèsent le même poids !
M. Jean-Claude Lenoir. Et alors ? Les communes ont le droit d’exister !
M. Jean-Pierre Michel. On constate combien est démocratique l’élection du président de l’Association des maires de France. Paris a une voix, comme la plus petite commune de mon département : il ne faut tout de même pas exagérer !
M. Jean-Claude Lenoir. C’est extraordinaire ! Vous niez l’existence des communes. Monsieur le rapporteur, réagissez !
M. Jean-Pierre Michel. Je poursuis. Monsieur le ministre, vous avez donc convaincu M. Pélissard de présenter une proposition de loi qui s’inspirait de ce qui avait été voté au Sénat. En effet, sur les dispositions « simples et pratiques », comme disait Jean-Pierre Chevènement, il ne pouvait pas y avoir de grandes différences.
Cette proposition de loi a bien entendu été votée, le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale étant fort heureusement revenus à de meilleurs sentiments, sans doute compte tenu de ce qu’ils avaient entendu. Il y a eu des contacts entre le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale et le rapporteur de la commission des lois du Sénat, Alain Richard, qui, je le rappelle, n’est pas dénué d’expérience puisqu’il fut le rapporteur des lois Defferre de décentralisation de 1982-1983.
M. Alain Richard, rapporteur. Absolument !
M. Jean-Pierre Michel. Cela ne nous rajeunit pas, mon cher collègue… (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Cela ne rajeunit personne !
M. Jean-Pierre Michel. À l’époque, nous siégions tous deux au banc de la commission des lois.
Je reprends le cours des événements. Après ces rapprochements, la proposition de loi Pélissard a finalement été votée dans des termes qui, pour ce qu’elle contient, nous conviennent. Elle reprend certaines des améliorations apportées par le Sénat à la proposition de loi que j’appellerai « Sueur-Richard » – je considère que c’est ainsi qu’il faut la nommer – et, en conséquence, elle répond à l’attente de nombreux élus locaux, à celle des trente-trois départements qui n’ont pas encore établi leur carte intercommunale. Il aurait été déraisonnable de ne pas permettre que ce texte soit définitivement voté avant la fin de la session.
Bien entendu, pour nous, cette question n’épuise pas le débat, car on ne retrouve dans cette proposition de loi ni la future méthode pour définir l’intercommunalité ni le rôle respectif des élus et du préfet.
Sans aller peut-être jusqu’aux exigences de nos collègues communistes, nous avons toujours considéré que les pouvoirs du préfet, auquel on en appelait pour trancher d’autorité la situation, sans même l’accord des élus locaux, n’étaient pas admissibles. Mais d’autres questions restent en suspens et la présente discussion ne clôt pas ce que nous croyons devoir être une réforme territoriale.
Toutefois, nous sommes convaincus, moi le premier, que nous connaîtrons bientôt une alternance politique…
M. Éric Doligé. Nous allons reprendre le Sénat ?
M. Jean-Pierre Michel. … et que pourront enfin se tenir les états généraux de la décentralisation, qui ont été proposés par le président Jean-Pierre Bel mais bloqués par le groupe UMP du Sénat jusqu’aux prochaines échéances électorales.
Cela n’empêche pas que le débat s’instaure dans certains départements. J’ai ainsi assisté samedi dernier, dans le département dont je suis l’élu, à l’une de ces discussions, qui s’est tenue devant plus de 300 élus de toutes tendances, en présence du président de l’association locale des maires de France UMP. J’ai constaté que certains élus ne comprenaient pas les raisons pour lesquelles le débat était bloqué sur le plan national. Je leur ai dit qu’ils devaient s’adresser à M. Gaudin et au bureau du groupe UMP, ainsi qu’au Gouvernement qui avait probablement inspiré le groupe UMP du Sénat.
M. Jean-Claude Lenoir. Mais notre groupe est minoritaire ! C’est extraordinaire !
M. Jean-Pierre Michel. Par ailleurs, notre candidat à l’élection présidentielle, François Hollande, probable futur Président de la République, a promis un acte III de la décentralisation, qui réglera définitivement la question et tordra le cou au conseiller territorial, ainsi qu’à son mode d’élection, qui va à l’encontre de la parité,…
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean-Pierre Michel. … pour ne citer que ce seul défaut.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe socialiste votera conforme le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président de la commission des lois, rappelez-vous les paroles, fortes, que vous aviez prononcées lors du vote sur l’ensemble de la proposition de loi qui porte votre nom, le 4 novembre 2011.
Je vous en rappelle les termes : « Au moment où nous nous apprêtons à voter cette proposition de loi, il convient de souligner que nous avons tenu nos engagements, tenu les promesses que nous avons faites aux centaines d’élus locaux que nous avons tous rencontrés au cours des derniers mois. [...]
« Nous sommes donc nombreux à leur avoir promis que, si nous avions l’honneur d’être élus ou réélus au Sénat, nous nous emploierions à défendre leur point de vue. Si nous avons tout fait pour être en mesure d’adopter ce soir cette proposition de loi, c’est qu’il était à nos yeux absolument prioritaire de répondre aux attentes de très nombreux élus locaux. […]
« Puisque nous avons admis depuis le début que chacun faisait de la politique et que nul n’avait à s’en excuser, car c’est une tâche noble, nous revendiquons un premier texte qui […] est une première étape et qui est susceptible, à notre sens, de recueillir un large consensus. »
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Comme c’est bien dit ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. C’est parfait, en effet !
Reste la seconde étape : si c’est ce texte qu’avec la commission des lois et le rapporteur vous nous proposez aujourd’hui de voter conforme, il s'agit d’une étape vers l’arrière… Nous reculons pour mieux sauter !
Mme Nathalie Goulet. C’est la Chandeleur !
M. Pierre-Yves Collombat. Les élus locaux qui, en septembre 2011, ont clairement voté contre la loi de décembre 2010 apprécieront.
C’est un retour en arrière, parce que l’essentiel de la proposition de loi Pélissard, à quelques micro-différences près, était déjà contenu dans feu la proposition de loi Sueur (M. le président de la commission des lois s’exclame.) : restitution partielle des compétences facultatives en cas de fusion d’EPCI dont l’un au moins est à fiscalité propre ; maintien de certains syndicats à vocation spécifique ; maintien des règles de désignation du conseil communautaire antérieures à 2010 jusqu’en 2014 ; maintien, enfin, des règles de composition des organes des EPCI modifiés jusqu’au renouvellement général des conseils municipaux ; mesures destinées à résoudre les problèmes des îles et des communes enclavées ; règles de suppléance ; règles de transfert partiel des pouvoirs de police.
Si l’urgence à légiférer sur ces sujets était telle, pourquoi l’Assemblée nationale n’a-t-elle pas tout simplement repris, en l’amendant, ce que le Sénat avait déjà voté ?