compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
Secrétaires :
M. Gérard Le Cam,
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Démission de membres de délégations et candidatures
M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que Mme Bernadette Bourzai a démissionné de la délégation sénatoriale à la prospective et que le groupe socialiste et apparentés a présenté la candidature de Mme Renée Nicoux pour la remplacer.
Je vous informe également que Mme Renée Nicoux a démissionné de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et que le groupe socialiste et apparentés a présenté la candidature de Mme Bernadette Bourzai pour la remplacer.
En application des articles 110 et 8, alinéas 2 à 11, du règlement du Sénat, ces candidatures ont été affichées.
Elles seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
3
Demande d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010–837 et de la loi n° 2010–838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et en application du décret n° 93–861 du 18 juin 1993, M. le Premier ministre, par lettre en date du 17 février 2012, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière d’environnement sur le projet de reconduction de M. François Jacq, en qualité de président-directeur général de l’établissement public Météo France.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Acte est donné de cette communication.
4
Dépôt de rapports du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat :
- en application de l’article 11 de la loi n° 2011–1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011, le rapport sur les avantages et les inconvénients en matière de lutte contre la fraude fiscale de signer une convention entre la République française et la Confédération suisse portant création d’une taxe forfaitaire sur les revenus de placement financier en Suisse des résidents français n’ayant pas fait l’objet de déclarations ;
- en application de l’article 67 de la loi n° 2004–1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2011–835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Le premier a été transmis à la commission des finances, le second à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et, pour information, à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Ils sont disponibles au bureau de la distribution.
5
Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 17 février 2012, trois décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2011-221 QPC, 2011-222 QPC et 2011-223 QPC).
Acte est donné de ces communications.
6
Agents contractuels dans la fonction publique
Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique (texte de la commission n° 383, rapport n° 382).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Tasca, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, dans quelques jours, moins d’un an après sa signature, s’ouvrira la période de quatre ans fixée par l’accord du 31 mars 2011 pour la mise en œuvre du quinzième plan de résorption de la précarité dans les administrations de l’État, des collectivités locales et des établissements sociaux et de santé.
Initialement destiné à traduire, dans la loi, les éléments du protocole du 31 mars 2011, le projet de loi, de nouveau soumis au vote du Sénat, après la réunion de la commission mixte paritaire, est devenu un ensemble de dispositions diverses relatives à la fonction publique : il comporte tout à la fois d’importants et très attendus volets d’évolution des administrations et des cadres statutaires, ainsi que des retouches ou des prolongements des récentes réformes de la mobilité et du dialogue social, en « balayant » l’ensemble des agents publics, considérés dans toute leur diversité.
Ce texte n’ayant fait l’objet que d’une seule lecture dans chaque chambre, je retracerai l’apport de chaque assemblée.
En première lecture, le Sénat a tout d’abord conforté le dispositif de titularisation, en intégrant dans le calcul de l’ancienneté requise les services accomplis pour pourvoir des besoins temporaires sur des emplois permanents ; en clarifiant, en toute équité, les modalités de détermination des cadres et corps d’emplois accessibles ; en élargissant le périmètre du protocole aux personnels des établissements exclus du bénéfice des dérogations à l’emploi titulaire et aux contractuels des administrations parisiennes ; en retenant un décompte spécifique plus favorable des services accomplis par les agents handicapés au titre de l’ancienneté requise pour la titularisation.
Puis la Haute Assemblée a renforcé les garanties encadrant le recours à des non-titulaires : allongement de trois à quatre mois de la durée des interruptions entre deux contrats, qui autorise la prise en compte des services discontinus dans le calcul de la condition de six ans, pour l’accès au CDI ; sécurisation de la situation des contractuels des établissements et institutions qui perdraient le bénéfice de la dérogation à la règle de l’emploi titulaire pour l’ensemble ou une partie de leurs emplois ; institution de commissions consultatives paritaires pour les non-titulaires des collectivités locales.
Par ailleurs, la durée maximale des contrats conclus pour faire face à une vacance temporaire d’emploi dans la fonction publique territoriale a été portée de deux à quatre ans, l’accès au CDI a été ouvert aux collaborateurs des groupes d’élus et le principe d’un registre unique du personnel pour la fonction publique a été retenu.
En matière de recrutement et de mobilité, la durée de validité des listes d’aptitude de concours d’accès aux cadres d’emplois de la fonction publique territoriale a été portée de trois à quatre ans ; la situation statutaire des fonctionnaires de la DGSE a été clarifiée ; la date d’effet de l’intégration en catégorie B des personnels du corps des permanenciers auxiliaires de régulation médicale a été rétroactivement fixée au 16 juin 2011 ; la période d’option ouverte aux fonctionnaires de La Poste pour leur intégration dans l’un des corps ou cadres d’emplois d’une des trois fonctions publiques a été prolongée de trois ans jusqu’au 31 décembre 2016.
Le volet « dialogue social » a été enrichi par l’intégration, dans le projet de loi, du relevé de conclusions relatif à la modernisation des droits et moyens syndicaux établi à la suite d’une concertation conduite par vous-même, monsieur le ministre, avec les organisations syndicales.
Bien que le catalogue de mesures que je viens de rappeler soit fort diversifié, mais il n’est pas exhaustif, je retiendrai ici, au titre des dispositions diverses, deux articles tendant à tirer les conséquences de la réforme des retraites de 2010. Le premier vise à prévoir un dispositif transitoire au bénéfice des fonctionnaires territoriaux en congé spécial, le second à aligner l’âge d’ouverture des droits à retraite des agents ayant la qualité de travailleur handicapé sur celui du régime général d’assurance vieillesse.
Le maintien en activité au-delà de la limite d’âge légale dans les emplois fonctionnels de la fonction publique territoriale a été assoupli ; la durée du sursis de l’exclusion temporaire de fonctions a été harmonisée entre les trois versants de la fonction publique ; le statut de fonctionnaire des personnels des syndicats interhospitaliers a été expressément maintenu, au-delà de la transformation de ces structures en communautés hospitalières de territoire, groupement de coopération sanitaire ou groupement d’intérêt public.
Le Sénat a porté la réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique territoriale, qui lui était soumise par le Gouvernement. Celle-ci s’inspirait notamment des conclusions d’un groupe de travail du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.
Enfin, le projet de loi nous a offert l’opportunité de poursuivre la réflexion ouverte par notre collègue M. Hugues Portelli pour renforcer les centres de gestion de la fonction publique territoriale.
Le texte contenait aussi un chapitre consacré au recrutement dans les juridictions administratives et financières.
Le Sénat a ouvert l’intégration au corps des membres du Conseil d’État par le biais de la mission permanente d’inspection des juridictions administratives. Il a élargi les perspectives de carrière des membres des juridictions administratives, en créant des emplois de premier vice-président pour les quatre tribunaux administratifs comptant au moins huit chambres et pour les huit cours administratives d’appel.
Enfin, notre assemblée a souhaité tirer les conséquences de l’attribution de la qualité de magistrat aux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel par la loi statutaire de 1986, en précisant que le statut général leur est applicable dès lors qu’il n’est pas contraire au statut des magistrats administratifs.
Le Sénat a assorti le détachement au sein du corps des magistrats des cours régionales des comptes de garanties suffisantes quant au niveau des personnels concernés, en autorisant le détachement des seuls fonctionnaires de corps et cadres d’emplois de même catégorie et de niveau comparable.
Ces dispositions, bien que nécessaires, n’en demeuraient pas moins insuffisantes. C’est la raison pour laquelle notre assemblée a choisi d’enrichir le projet de diverses mesures destinées, d’une part, à diversifier le recrutement des membres des juridictions administratives et financières et à faciliter leur mobilité, et, d’autre part, à améliorer l’exercice de leurs missions. Le Sénat a ainsi pérennisé le recrutement complémentaire de conseillers des cours régionales des comptes, créé un statut des experts près la Cour des comptes, relevé de quarante à quarante-cinq ans l’âge minimal requis pour la nomination des conseillers maîtres de la Cour des comptes, facilité la participation à des travaux communs des magistrats de la Cour des comptes et des cours régionales des comptes. Enfin, notre assemblée a supprimé les quotas parmi les présidents des cours régionales des comptes selon leur corps d’origine.
Saisie des 103 articles votés par le Sénat, soit 40 de plus que dans le projet de loi initial, l’Assemblée nationale en a adopté 66 conformes et a complété le texte par un ajout également substantiel de 34 articles.
Sur le cœur du projet de loi, à savoir le protocole du 31 mars 2011, au-delà de précisions, clarifications et harmonisations rédactionnelles, l’Assemblée nationale a introduit plusieurs modifications : ouverture du dispositif de titularisation aux contractuels des institutions qui perdraient le bénéfice de déroger à l’emploi titulaire ; suppression de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances du nombre de ces bénéficiaires et ouverture à leurs personnels titulaires du dispositif de titularisation, lequel l’est également aux contractuels de droit public de l’Office national des forêts ; en revanche, en sont exclus, dans les trois fonctions publiques, les contractuels qui ont acquis ou acquièrent la qualité de fonctionnaire entre le 31 mars 2011 et la date de clôture des inscriptions aux recrutements exceptionnels ; exclusion du champ de la CDlsation de l’ensemble des contrats conclus dans le cadre d’une formation doctorale, quel qu’en soit le fondement ; précisions du régime d’emploi des collaborateurs de groupes d’élus ; retour à la durée initiale de deux ans de la période de recours à des non-titulaires en cas de vacance temporaire d’emploi ; fixation par voie réglementaire, conformément à l’accord, des motifs de licenciement, des obligations de reclassement et des règles de procédure applicables en fin de contrat dans les trois fonctions publiques ; suppression du registre unique du personnel, dont l’objectif est soumis à la réflexion d’un groupe de travail.
Un dernier article portant sur ce statut « contractuel » a soulevé l’ire des intéressés et la préoccupation des parlementaires. Dans le cadre du régime des conventions de recherche entre un établissement public à caractère scientifique et technologique et un organisme assurant un financement externe, la durée d’accès au CDI a été portée à neuf ans au plus.
Le régime de mobilité entre les fonctions civile et militaire a été précisé, notamment au regard des obligations statutaires.
La condition d’ancienneté exigée pour le bénéfice du congé de reconversion des militaires blessés en opération a été supprimée.
Les exceptions au principe des promotions continues de grade à grade ont été simplifiées en cas d’action d’éclat ou de services exceptionnels.
Les dispositions relatives au dialogue social ont été enrichies par la clarification du droit applicable au sein de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
En ce qui concerne le volet « juridictions administratives et financières », l’Assemblée nationale est revenue au projet de loi initial pour le recrutement annuel de maîtres des requêtes choisis parmi les conseillers de tribunaux administratifs et de cours administratives d’appel : une nomination obligatoire assortie d’une nomination facultative.
L’Assemblée nationale a approuvé l’institution de maîtres des requêtes en service extraordinaire. Mais elle a supprimé la faculté annuelle d’intégration au corps des membres du Conseil d’État, à l’issue de quatre années, d’un fonctionnaire ou un magistrat.
L’Assemblée nationale a aussi rejeté la diversification des nominations au grade de conseiller référendaire à la Cour des comptes destinée aux rapporteurs extérieurs.
Enfin, elle a écarté certaines des dispositions régissant les experts près la Cour des comptes.
Au titre des dispositions diverses, je mentionnerai : le report d’un an, au 1er juillet 2013, de l’entrée en vigueur du dispositif de l’écrêtement du minimum garanti de pension ; le maintien du droit au départ anticipé à 57 ans pour les agents soumis au risque d’insalubrité, aux ouvriers des parcs et ateliers intégrés dans la fonction publique territoriale à la suite du transfert aux départements des parcs de l’équipement ; trois dispositions reprenant les articles censurés par le Conseil constitutionnel comme cavaliers de la loi initiée par notre ancien collègue Jean-Pierre Fourcade pour modifier le cadre de gestion des emplois supérieurs de la fonction publique hospitalière ; enfin, le recours au télétravail dans le secteur public promu par le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, M. Pierre Morel-À-l’Huissier.
Je tiens aussi à saluer l’enrichissement du volet consacré à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dont l’accroche dans le projet de loi était, convenons-en, monsieur le ministre, indigente, mais qui ne demandait qu’à s’enrichir ! Il devrait bousculer des comportements établis depuis trop longtemps...
L’Assemblée nationale a substantiellement enrichi ce volet qui, disons-le, constituait le talon d’Achille du texte déposé par le Gouvernement. Elle a principalement fixé une proportion d’au moins 40 % de femmes dans le Conseil commun de la fonction publique, les commissions administratives paritaires, les jurys de concours et comités de sélection, dans les emplois supérieurs.
Je conclurai ce tableau par les modifications portées par nos collègues Hugues Portelli, Jean-Pierre Vial, rapporteur de la proposition de loi, Michel Delebarre et Virginie Klès, au régime des centres de gestion de la fonction publique territoriale.
Le Gouvernement a repris les deux amendements frappés d’une irrecevabilité financière dans cette enceinte. Soyez remercié, monsieur le ministre, de la concertation que vous avez bien voulu conduire avec nos collègues de l’Assemblée nationale.
Je crois que les cinq articles figurant dans ce projet de loi, qui correspondent aux amendements déposés au Sénat, permettront une évolution décisive de ces structures, favorable au renforcement du statut de la fonction publique territoriale.
La commission mixte paritaire, réunie jeudi 16 février, a travaillé dans l’esprit consensuel qui a marqué l’ensemble de l’examen de ce texte.
Les positions des deux assemblées n’étaient pas si éloignées l’une de l’autre si l’on excepte quelques désaccords très limités sur les soixante et onze articles restant en navette.
Chaque chambre a eu à cœur de permettre la mise en place rapide des dispositifs prévus par l’accord du 31 mars 2011.
C’est pourquoi, au-delà des précisions et rectifications rédactionnelles, les principales décisions adoptées par la commission mixte paritaire se résument en sept points.
Quelques-uns de ses membres ont considéré que les modifications entourant le régime des conventions de recherche méritaient une réflexion plus approfondie avec les parties concernées – rappelons qu’elles ont été introduites en séance dans la seconde assemblée saisie – ; aussi, la commission mixte paritaire a supprimé l’article 32 bis A les introduisant.
Pour le volet juridictionnel, le texte qui vous est aujourd’hui soumis est le fruit d’un équilibre, me semble-t-il, satisfaisant : la CMP a retenu la rédaction adoptée par le Sénat pour l’intégration au corps des membres du Conseil d’État des maîtres des requêtes en service extraordinaire et pour les experts près la Cour des comptes. À l’inverse, la commission mixte paritaire est convenue que, en l’état actuel, le caractère obligatoire d’une seconde nomination annuelle d’un maître des requêtes tout comme la diversification de la nomination au tour extérieur au grade de conseiller référendaire à la Cour des comptes n’apparaissent pas indispensables.
Enfin, la commission mixte paritaire a encadré plus précisément le dispositif de nomination en surnombre des personnels de direction des établissements sociaux et de santé, directeurs de soins et praticiens hospitaliers en recherche d’affectation.
En définitive, le texte aujourd’hui soumis au vote de la Haute Assemblée comporte de notables avancées du droit de la fonction publique.
Mais l’objectif premier de ce texte, la résorption de la précarité, ne prendra tout son sens que si les employeurs publics s’inscrivent résolument dans cette démarche. La Haute Assemblée restera attentive à la mise en œuvre de ces dispositifs. Pour l’heure, je vous propose d’adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et de l'UMP. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment d’aborder la lecture des conclusions de cette commission mixte paritaire, je veux tout d’abord saluer le travail qui a été celui du Parlement, à chacune des étapes de la procédure législative, sur un projet de loi qui, vous l’avez rappelé, madame le rapporteur, est important, parce qu’il concernera très directement dans leur vie de tous les jours des dizaines de milliers d’agents de la fonction publique qui sont aujourd’hui en situation précaire.
Ce projet marque aussi une étape importante dans l’évolution de la place faite aux femmes dans la fonction publique. Je ne sais pas si le premier texte justifiait le qualificatif d’« indigent », madame le rapporteur, mais, chacun en avait conscience, il méritait des enrichissements. Les débats ont permis l’émergence d’une solution qui a priori – j’y reviendrai – n’était pas de celles qui s’imposent à l’évidence. Je veux bien entendu parler des quotas de nominations ou, du moins, des pourcentages, pour employer un mot moins connoté, pour l’accès aux postes à hautes responsabilités. Mais, nous le savons tous, si nous n’avions pas fait bouger les choses, elles n’auraient pas bougé naturellement.
Là où ce texte, vous l’avez également rappelé, madame le rapporteur, ne comportait, dans sa version initiale, que 63 articles, celui qui vous est soumis aujourd’hui en compte près du double avec, sur certains points, des dispositions nouvelles et ambitieuses. Cette évolution du texte est d’abord le fruit du débat, que je n’hésite pas à qualifier d’exemplaire, entre les assemblées et le Gouvernement. Ce débat a été marqué par la volonté d’avancer ensemble sur des sujets concrets, tout en recherchant sinon les voies d’un consensus, à tout le moins celles d’une convergence. Et je tiens vraiment à insister sur ce point, car la qualité du texte doit évidemment beaucoup au climat d’écoute et de dialogue qui a marqué les différentes étapes de son élaboration.
Je veux donc saluer, monsieur le président de la commission des lois, le travail de votre commission, sous l’égide de Mme le rapporteur, ainsi que celui de l’ensemble des porte-parole des groupes et des parlementaires qui se sont impliqués sur ce projet de loi. J’y reviendrai brièvement.
Avec ce texte, vous l’avez rappelé, il s’agit d’abord de lutter contre la précarité dans la fonction publique, une précarité qui est souvent méconnue de nos compatriotes, mais qui frappe pourtant plusieurs dizaines de milliers d’agents contractuels, titulaires de CDD renouvelés, engagés au quotidien au service du public, que ce soit dans nos administrations d’État, dans nos collectivités locales ou dans nos hôpitaux.
Avec ce texte, il faut que chacun en ait conscience, nous adressons un message à ces agents contractuels et plus largement à tous ceux qui, dans notre pays, concourent au service public. C’est un signal de responsabilité, de justice et d’équité.
Conformément aux engagements qui avaient été pris en janvier 2010 par le Président de la République, nous apportons aujourd’hui une réponse nouvelle à un phénomène ancien et récurrent, celui du recours à des agents contractuels employés sur la base de simples CDD reconduits d’année en année.
À la différence des grands plans de titularisation – au nombre de seize, me semble-t-il, depuis 1946 –, ce projet de loi répond à la précarité en posant des règles pour empêcher qu’elle ne fasse demain son retour dans nos services publics.
À cet égard, je veux aussi saluer la qualité du dialogue social, car ce projet de loi, je le rappelle, est la traduction d’un protocole d’accord conclu le 31 mars dernier et signé par six des huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique.
Concrètement, le texte permettra aux agents publics aujourd’hui en CDD d’accéder à un CDI dès lors qu’ils auront exercé pendant une durée minimale de six ans sur les huit dernières années.
Par ailleurs, vous le savez, nous allons ouvrir aussi aux agents contractuels des voies d’accès spécifiques à l’emploi titulaire pendant une durée de quatre ans à compter de la publication de la loi, ce qui permettra, et j’y étais profondément attaché, de valoriser les acquis de l’expérience professionnelle.
Cela m’amène à préciser, sans rouvrir le débat, monsieur le président Sueur, que nous serons sans doute conduits à reconsidérer le contenu des épreuves des concours afin de rendre ces derniers plus « professionnalisants » et moins pénalisants sur certains aspects.
Ces deux mesures permettront ainsi de régler la situation des agents aujourd’hui en situation de précarité : quelque 100 000 agents seront concernés.
Comme je vous l’indiquais, la grande nouveauté de ce projet, vous l’avez d’ailleurs souligné, madame le rapporteur, tient au caractère automatique, à l’avenir, du mécanisme du passage de CDD en CDI pour tout agent, à quelque fonction publique qu’il appartienne, occupant depuis plus de six ans un emploi répondant à un besoin permanent de son service. Si le projet de loi est voté, ce que je souhaite ardemment, ces agents se verront proposer un CDI.
C’est un changement profond dans la manière dont nous entendons lutter contre la précarité dans la fonction publique. C’est surtout un changement pour les agents eux-mêmes, et c’est bien à eux que nous devons penser aujourd’hui.
Le débat parlementaire a été l’occasion de conforter et d’enrichir les principes du protocole d’accord. Je m’en tiendrais à la question, qui était en suspens, des contractuels recrutés, notamment dans l’éducation nationale, dix mois sur douze. Dès lors que nous avions décidé de lutter contre la précarité, cette situation n’était pas acceptable et chacun avait conscience qu’elle devait évoluer. C’est pourquoi j’ai tenu, lors de nos débats en première lecture, à ce que la spécificité de ces agents puisse être prise en compte de manière à la fois juste et équitable.
J’en viens à quelques sujets pour lesquels le texte établi par la commission mixte paritaire prolonge – j’insiste sur ce terme – le travail engagé par le Sénat à l’issue de la première lecture du texte. Si j’emploie le verbe « prolonge », c’est bien parce qu’il y a eu la recherche d’une convergence entre les deux assemblées.
En ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, sujet sur lequel le débat s’était engagé ici même, j’ai toujours considéré que le fait d’inscrire dans la loi l’obligation de présenter un rapport annuel sur l’évolution de la place faite aux femmes dans la fonction publique, devant le Conseil commun de la fonction publique, que j’ai installé le 31 janvier, était une façon de poser de manière récurrente et permanente la question de l’accès des femmes à des postes de haute responsabilité. Ce rapport sera bien évidemment transmis au Parlement. Au-delà des différentes délégations spécifiques de chaque assemblée, c’est donc l’ensemble des deux chambres du Parlement qui pourront se saisir de ce sujet.
Certes, il fallait aller au-delà. Néanmoins, madame le rapporteur, je ne tiens pas pour mineure l’obligation faite par la loi d’un débat annuel sur cette question devant le Conseil commun de la fonction publique, instance représentative dont je souhaite qu’elle joue tout son rôle à l’avenir. Il ne s’agit pas de le mettre en concurrence avec le Conseil supérieur de la fonction publique d’État, celui de la fonction publique territoriale ou celui de la fonction publique hospitalière, mais cette instance doit jouer tout son rôle, notamment en ce qui concerne la mobilité ou la place faite aux femmes dans l’accès aux plus hautes responsabilités.
Le constat, en effet, chacun le connaît : alors que les femmes représentent 60 % des effectifs de la fonction publique, elles restent extrêmement minoritaires, parfois moins de 10 %, aux postes de direction.
Afin de briser ce véritable plafond de verre, j’ai pris mes responsabilités, madame le rapporteur. Pour ne rien vous cacher, je vous indique que le chef de l’État a joué un rôle majeur dans les propositions que je vous ai présentées. Il a eu un rôle d’impulsion que je tenais à souligner devant vous, dans un souci de transparence et afin de lui rendre les mérites qui sont les siens.
J’ai donc pris mes responsabilités, et les députés ont approuvé ce principe de pourcentages de nominations, de quotas de femmes dans les nominations aux plus hautes responsabilités dans les trois versants de la fonction publique.
Cette décision s’inspire de la loi Copé-Zimmermann, issue d’une proposition de loi présentée par ces deux députés. Je n’étais pas a priori très enthousiaste sur cette idée, mais je constate qu’elle a produit ses effets. Si on s’en était tenu aux circulaires, et certaines ont été portées avec beaucoup d’engagement – je me souviens d’une circulaire du gouvernement Jospin –, les choses n’auraient pas évolué.
J’ai bien conscience, mesdames, messieurs les sénateurs, du caractère novateur et contraignant de ces dispositions visant à imposer des quotas de nominations. Même si j’ai lu ici ou là dans la presse que ce n’était pas assez, pour ma part, je n’hésite pas à les qualifier de véritable révolution dans la gestion de la haute fonction publique. Je tiens à le dire comme je le pense !
À cet égard, je remercie le Sénat, qui, après que le débat se fut poursuivi à l’Assemblée nationale, a accepté en commission mixte paritaire de retenir cette proposition. Ainsi, les quotas de femmes dans les flux de nominations s’élèveront progressivement d’ici à 2018, jusqu’à atteindre un taux d’au moins 40 %.
Là où les circulaires, je le redis, ont échoué à faire changer les mentalités, il nous appartient désormais de prendre des mesures fortes et ambitieuses ; c’est tout le sens du mécanisme qu’il vous est proposé d’adopter.
J’ajoute que les mesures figurant dans le projet de loi en faveur d’un égal accès des femmes et des hommes aux postes à responsabilité permettront aussi une meilleure représentation de chacun des deux sexes dans les jurys de concours ou de recrutement – ce n’est pas anecdotique – ainsi que dans les instances paritaires. En outre, la mesure Copé-Zimmermann, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, s’imposera également – si le projet de loi est définitivement adopté – dans les conseils d’administration des établissements publics administratifs.
Au final, le chapitre consacré à l’égalité professionnelle est particulièrement dense, solide et, une fois encore, ambitieux.
Nous avons également beaucoup avancé en ce qui concerne les centres de gestion de la fonction publique territoriale, sujet qui tenait particulièrement à cœur au Sénat. À cet égard, je veux saluer, comme vous l’avez fait, le travail effectué notamment sur ce point par MM. Hugues Portelli, Jean-Pierre Vial et Michel Delebarre, pour améliorer le dispositif. La commission mixte paritaire a confirmé les termes du compromis qui avait été acté avec vous, et ce conformément aux conclusions du groupe de travail que j’avais mis en place au ministère de la fonction publique, à la suite de l’engagement pris devant votre Haute Assemblée. Par conséquent, monsieur le président de la commission des lois, cet engagement a été tenu !
Les points de vue de l’Assemblée nationale et du Sénat ont pu se rapprocher, pour aboutir à des évolutions que je qualifie, là aussi, de très importantes. D’ailleurs, depuis que ces dispositions ont été introduites, les centres de gestion – monsieur Portelli, vous pouvez en témoigner – ont salué le travail que nous avons réalisé ensemble.
C’est pour moi l’occasion de saluer une nouvelle fois l’esprit de convergence qui a prévalu dans la recherche de solutions.
S’agissant de la réforme de l’encadrement supérieur, qui n’est pas anecdotique, je me suis rendu à Brest afin de rencontrer les cadres de la fonction publique territoriale, qui attendaient cette réforme. Celle-ci sera désormais actée si le présent texte est définitivement adopté.
Le débat qui s’est déroulé sur le statut des collaborateurs des groupes d’élus au sein des collectivités territoriales a été dense.
La réforme des moyens syndicaux n’a pas été une réforme mineure, car elle visait à permettre aux syndicats et à la démocratie sociale de s’exprimer sur la base de la représentativité, tout en assurant la transparence quant à l’utilisation des moyens. Il s’agit aussi d’une grande avancée, qui sécurise le dialogue social en même temps qu’elle crée une responsabilité dans la mesure où il s’agit de moyens publics. C’est sous cet engagement de responsabilité partagée que nous avons pu aboutir à un accord.
La loi, je vous le rappelle, ne concerne que la fonction publique territoriale, les moyens mis à disposition de la fonction publique d’État et de la fonction publique hospitalière relevant, comme vous le savez, du décret. Celui-ci a d’ailleurs été publié, madame le rapporteur, pour la fonction publique d’État.
Donc, ma détermination est grande et celle du Gouvernement réelle, afin que nous puissions appliquer très rapidement la loi si elle est votée, comme vous en avez vous aussi exprimé le vœu.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en dépit de l’inflation qui a marqué le présent texte, j’ai compris que, du fait de sa proximité avec les grandes échéances électorales à venir, tout le monde y a trouvé un intérêt tout à fait particulier, y compris le Parlement. Ainsi, s’agissant des juridictions administratives et financières, le débat a été amorcé, et vous aurez noté, monsieur le président de la commission, que je n’ai pas ménagé mes forces pour parvenir à la convergence sur ce point, à tel point que le Gouvernement a pris la décision de ne proposer aucun amendement après la commission mixte paritaire.