M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est sur un mode consensuel que la commission mixte paritaire a adopté le projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France. Comme M. le rapporteur l’avait souhaité, le texte modifié par le Sénat a été approuvé par un seul vote.
Lors de son examen en séance publique, le 24 janvier dernier, nous avions déjà créé les conditions de cette belle unanimité. En effet, sans bouleverser l’équilibre général du projet de loi, nous l’avions enrichi en ajoutant à l’article 1er l’alinéa suivant : « Cet hommage ne se substitue pas aux autres journées de commémoration nationales. » Cette précision utile a permis de lever les dernières réserves qu’avaient légitimement exprimées des associations d’anciens combattants soucieuses de maintenir les spécificités de chaque conflit. J’avais moi-même craint que l’instauration d’une journée unique n’occulte les enjeux mémoriels propres à chacune des commémorations qui jalonnent actuellement le calendrier national.
Nous avons écarté le risque de l’instauration d’un Memorial Day. Comme chaque année, nous continuerons de nous réunir, dans nos villes, dans nos villages, pour célébrer la mémoire de tous les combattants et de tous les civils emportés dans les tourments de l’histoire. Il y aura désormais le jour de tous les morts pour la France, le 11 novembre, mais il y aura encore le jour pour les combattants de la Seconde Guerre mondiale,…
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Robert Tropeano. … le jour pour ceux qui sont morts en Indochine, celui pour les morts de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie. Je souscris d’ailleurs au souhait d’Alain Néri de voir le 19 mars devenir une date officielle, particulièrement cette année, cinquantième anniversaire de la signature des accords d’Évian.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Robert Tropeano. N’oublions pas non plus l’hommage aux harkis et aux membres des formations supplétives ni toutes les autres manifestations dédiées aux trop nombreuses victimes innocentes, qu’il s’agisse des civils tués dans leur quotidien ou des hommes, femmes et enfants assassinés dans la barbarie.
Mes chers collègues, on a parfois reproché à notre calendrier commémoratif d’être trop chargé. C’est vrai, il ne cesse de s’enrichir puisque nous sommes passés de six commémorations publiques ou nationales avant 1999 à douze. Pour ma part, je ne vois rien d’excessif dans cette évolution, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, la reconnaissance ne se marchande pas. Il n’est pas envisageable de hiérarchiser les événements, sous peine de porter atteinte à la mémoire des victimes et à la douleur de leurs proches. Nous devons conserver pour eux un moment privilégié.
Ensuite, le devoir de reconnaissance est un instrument d’unité nationale. Notre République est à la recherche permanente de cette indispensable cohésion. Il serait donc malvenu d’opposer des événements les uns aux autres, alors que tous étaient animés par le même espoir de liberté.
Dans ces conditions, pourquoi distinguer le 11 novembre et en faire une journée d’hommage aux morts civils et militaires pour la France ? Nous nous sommes tous exprimés sur ce point.
La commémoration de la Grande Guerre a toujours constitué le point d’orgue de la mémoire collective française, sans jamais rien retirer aux autres épisodes qui se sont déroulés postérieurement. Ce conflit est le symbole du sacrifice pour la patrie. Si l’exaltation patriotique peut paraître surannée à notre époque, la conséquence dramatique de cet élan demeure à jamais inscrite dans notre histoire nationale : une génération du feu anéantie dans l’horreur de la guerre. Et c’est autour de ce triste constat de millions de vies perdues que l’on peut se retrouver, quelle que soit son opinion de la cause militaire !
Ce constat doit nous conduire non seulement au respect d’une mémoire partagée, mais aussi à l’enseignement intelligent de celle-ci. En effet, chaque 11 novembre, il s’agira de partager la douleur de ceux qui ont perdu un père, un fils ou un ami mort un jour pour la France, mais pas seulement.
La commémoration n’est pas juste l’expression collective des souffrances individuelles Elle est aussi le moyen de sensibiliser les nouvelles générations aux moments forts du passé qui ont construit ce qu’elles possèdent de plus précieux aujourd’hui : la paix et la démocratie. Nos jeunes doivent en connaître le prix, car, ainsi Ceux de 14, comme les avait appelés Maurice Genevoix, ne seront pas morts pour rien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte de cette discussion est particulier : nous nous prononçons sur un texte dont nous avons déjà débattu et que nous avons adopté, mot pour mot, dans ce même hémicycle voilà quelques semaines.
La volonté des socialistes de ne pas voir l’hommage du 11 novembre se substituer aux autres commémorations n’était pas celle de la majorité de l’Assemblée nationale, mais les députés de la majorité présidentielle, lors des travaux de la commission mixte paritaire, ont accepté l’ajout de cette disposition ainsi que les quelques modifications rédactionnelles apportées à l’article 3.
Je tiens à saluer la sagesse des députés qui se sont rendus à l’avis de la nouvelle majorité sénatoriale. Le 31 janvier dernier, le bicamérisme a montré ses vertus démocratiques, chaque chambre acceptant de prendre en compte les apports de son homologue. Le succès de la commission mixte paritaire est d’autant plus remarquable que la nouvelle majorité sénatoriale a connu bien des désillusions en la matière depuis le 1er octobre dernier.
Comme j’avais eu l’occasion de l’exprimer voilà trois semaines dans cet hémicycle, en tant qu’écologiste, je suis plutôt favorable à ce texte. Faire du 11 novembre la date d’hommage à tous les morts pour la France doit nous permettre de faire œuvre de pédagogie. Il s’agit non pas tant de célébrer l’inutile boucherie de 1914-1918, qui a dévoré 1,4 million de nos soldats et 20 millions d’Européens, militaires et civils confondus, mais de témoigner notre reconnaissance à toutes celles et à tous ceux qui sacrifient leur bien suprême, leur propre existence, afin que les autres puissent vivre.
En effet, la Grande Guerre symbolise la destruction d’une certaine Europe gangrénée par l’exacerbation des nationalismes. Elle illustre pour nous une barbarie d’État qui, au nom de l’idée de Nation, a nié l’individu en le transformant en chair à canon dans les tranchées. Par son ampleur, par son caractère industriel, la « der des ders » fut tout aussi monstrueuse que stérile. Ainsi, vingt ans à peine après l’armistice et la signature d’un traité de paix inique, le continent tout entier replongea dans le chaos et la violence. La longue nuit ne devait se terminer qu’en 1945. Désormais, les principes de droit et de justice devraient primer la simple affirmation de la force.
Dès lors, à cette date, nous saluerons la mémoire des soldats tombés en opérations extérieures, car nous sommes très attachés au principe de non-discrimination des morts pour la France. Non pas que nous approuvions toutes les interventions, bien au contraire. Mais, bien souvent, ces dernières, menées dans le cadre des Nations unies, visaient au maintien de la paix.
Monsieur le ministre, je vous ai déjà fait part des difficultés que j’ai à voter des lois visant à satisfaire une catégorie de population spécifique en période électorale, et ce indépendamment de l’opinion politique des initiateurs des textes en question. L’histoire est une chose trop importante pour être instrumentalisée à des fins politiques, car elle joue un rôle capital dans le façonnement de la mémoire collective.
Au-delà d’un hommage aux morts, le 11 novembre doit permettre de reconnaître le courage et la lucidité de ceux qui ont refusé d’être sacrifiés sur l’autel des nationalismes. À travers l’hommage aux désobéissants de ce conflit, le 11 novembre doit être le moment d’une prise de conscience globale quant à l’absurdité de certaines guerres, mais pas seulement. Il doit aussi nous inviter à méditer sur le sens du mot « devoir » : celui d’agir à tout moment en conscience et pour des valeurs humanistes.
À ce titre, ce jour pourrait être envisagé comme une double manifestation : nous l’avons vu, il représente une période extrêmement sombre et destructrice de notre passé ; mais il doit également dessiner un espoir pour l’avenir. Que signifie le mot « engagement » en ce début de millénaire, alors que le monde se transforme de manière radicale ? Les conflits d’aujourd’hui et de demain ne sont plus ceux d’hier, tandis que leur nature mute profondément. Par conséquent, comment repenser toutes ces notions de manière innovante et ouverte, en vue d’intégrer l’ensemble de ces nouvelles réalités ?
Longtemps, nous avons commémoré ceux que l’on a sacrifiés pour la victoire. Il est temps désormais de rendre hommage à ceux qui se sacrifient encore aujourd’hui, non plus pour gagner la guerre, mais pour gagner la paix.
Les guerres ont changé, leurs acteurs aussi, et la nouvelle donne géopolitique pousse en première ligne les travailleurs humanitaires, qui assistent les populations. Elle expose aussi les journalistes, relais essentiels de l’information auprès des opinions, dans la mobilisation des peuples pour gagner leur démocratie. Enfin, elle conduit les défenseurs des droits humains et des libertés fondamentales à s’engager pour le respect du droit international dans les régions les plus chaotiques sur le plan politique.
Tous sont engagés au service de la paix et de la démocratie et jouent un rôle essentiel dans l’édification de sociétés moins violentes et plus justes dans les régions sensibles du monde.
Or, mes chers collègues, certains s’exposent dans les conflits armés au sacrifice de leur vie. À titre d’exemple, au cours de la décennie 1990, ce sont plus de 700 travailleurs humanitaires qui ont perdu la vie, alors que des milliers d’autres ont subi des bombardements, enlèvements, attaques, détournements, vols et viols. Plus récemment, la mort de Gilles Jacquier nous a également montré à quel prix peut parfois se payer la liberté d’informer.
En 2012, il importe que l’État et la Nation témoignent leur reconnaissance à ces travailleurs. C’est pourquoi je souhaite qu’à terme puisse être instituée une journée dédiée aux « morts pour la paix et la liberté d’informer ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme les précédents orateurs l’ont indiqué, nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire portant sur le projet de loi visant à faire du 11 novembre, date de l’armistice de 1918, à laquelle sont chaque année célébrées, depuis la loi du 24 octobre 1922, la victoire et la paix, une journée de commémoration de tous les morts pour la France.
Mon groupe l’a clairement exprimé lors de l’examen de ce texte en première lecture : nous n’avons pas d’opposition de principe au fait d’honorer le 11 novembre tous ceux qui sont tombés en faisant leur devoir pour leur pays. Notre collègue Alain Néri vient de le rappeler fortement. En effet, notre pays ne peut et ne doit jamais oublier la somme d’engagement et de courage de nos soldats ni les souffrances de leurs familles, quels que soient les conflits. L’année 2011 illustre parfaitement cet engagement, que ce soit en Libye, en Afghanistan, en Côte d’Ivoire ou au Liban, notamment.
D’ailleurs, nous nous retrouvons tous, j’en suis certain, autour d’une même volonté : celle de réaffirmer le respect indéfectible que nous devons aux anciens combattants et la fidélité que nous portons à la mémoire de tous ceux qui sont tombés pour la France, quelles que soient les générations du feu, y compris celles qui sont tombées en opérations extérieures.
Notre crainte, et celle d’ailleurs de nombreuses associations d’anciens combattants, n’était pas tant le fait d’étendre le champ de la commémoration du 11 novembre aux jeunes générations du feu que celui de priver chaque commémoration de sa spécificité, donc de la vider de son sens historique.
Le 11 novembre comme le 8 mai devaient conserver tout leur sens et toute leur spécificité. La mémoire ne supporte pas la confusion. Nous nous opposions à la mise en place d’un Memorial Day.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Ronan Kerdraon. C’est tout le sens de l’amendement « de précision, de garantie et de protection » déposé par notre collègue Alain Néri, amendement voté à l’unanimité de la commission des affaires étrangères et à une très large majorité du Sénat. Je me félicite qu’il ait été repris dans la version finale. Ainsi complété, le texte correspond à nos souhaits.
Il est désormais établi que le 11 novembre n’est pas un Memorial Day à la française et n’a pas vocation à le devenir, comme cela a pu être dit parfois lors des débats de la Commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques, son président, André Kaspi, ayant toutefois lui-même écarté cette hypothèse dans son rapport.
De même, je me félicite de l’inscription du nom sur le monument aux morts de nos communes des militaires de l’armée française décédés au cours d’une guerre ou d’opérations assimilées. Nous témoignerons ainsi pour toujours de notre reconnaissance envers ces hommes et femmes, souvent très jeunes, morts pour la France.
Cependant, dans mon intervention ici même voilà quelques semaines, j’avais regretté le contexte dans lequel s’inscrivait le projet de loi, à l’aube d’une année électorale décisive pour l’avenir de notre pays. Il nous avait été expliqué à l’époque que la procédure accélérée voulue par le Président de la République était motivée par le souci de préparer le centenaire du début de la Grande Guerre.
J’ai donc regardé le calendrier, et je me suis rendu compte que ce centenaire ne démarrait qu’en 2014. Il n’y avait donc aucune raison majeure à déclarer une telle urgence,…
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Ronan Kerdraon. … sauf à reconnaître celle d’adopter le projet de loi avant la fin de la législature. C’est pourquoi je regrette que la précipitation ayant présidé à nos travaux n’ait pas permis l’instauration d’une large réflexion sur la politique de mémoire autour des différentes commémorations annuelles organisées en France.
M. Alain Néri. Très juste !
M. Ronan Kerdraon. Chacun d’entre nous se souvient sans doute de décisions qui ont suscité et suscitent encore de très vives oppositions, notamment l’instauration par le Président Chirac du 5 décembre comme date de commémoration de la guerre d’Algérie. Au demeurant, il me semble que le 19 mars aurait mérité d’être privilégié. Je m’associe donc à la déclaration de notre collègue Alain Néri sur la nécessité de reconnaître et d’instaurer une journée spécifique le 19 mars à l’occasion du cinquantième anniversaire.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Ronan Kerdraon. Ce texte aurait dû être l’occasion de nous interroger sur le regard que notre société porte sur son passé, sur la relation entre la France d’aujourd’hui et son histoire.
Ces problématiques essentielles relatives à la politique de la mémoire, à la transmission des grands événements de notre pays de génération en génération, aux sacrifices de nos soldats pour les valeurs de la République, par le consensus qu’elles font émerger, font partie des ciments de la cohésion sociale de notre pays. Il est par conséquent de notre responsabilité collective de faire en sorte que les actions de mémoire soient consolidées et, bien sûr, pérennisées, d’autant qu’une telle politique de mémoire doit également s’adapter à un environnement en perpétuelle mutation.
À l’évidence, c’est grâce à l’action conjuguée de tous, institutions du monde combattant, collectivités locales, associations patriotiques et d’anciens combattants, mais aussi établissements scolaires et monde enseignant, que nous pourrons ensemble ancrer la cohésion sociale dans la connaissance d’une histoire commune. Malheureusement, le texte fait l’impasse sur cet enjeu. C’est d’autant plus regrettable que les travaux menés ces dernières années auraient pu permettre une remise en perspective globale.
Au sens étymologique, commémorer, c’est se remémorer ensemble. Dans notre société, cela introduit l’idée de dette et de reconnaissance envers des générations passées. C’est également construire une identité nationale collective. C’est inculquer des valeurs comme la morale du devoir ou la glorification de la liberté.
C’est à la base, à l’école, que commence à se construire cette identité nationale collective. Les enseignants d’histoire sont des « relais de la mémoire ». Ils font connaître ces lieux de mémoire que sont Caen, Oradour-sur-Glane ou encore Péronne. Ils rendent l’événement intelligible, et ce d’autant plus s’ils l’inscrivent dans un cadre interdisciplinaire. Et, bien évidemment, dans ce travail pluriel, les associations et les fondations ont toute leur place !
Or, de tout cela, ce texte ne parle pas. C’est fort dommage. Mais nous nous en contenterons dans l’immédiat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame Aïchi, la commission a pris l’engagement de créer autour de vous un groupe de travail pour réfléchir à l’élaboration d’un texte conduisant, comme vous le souhaitez, au dépôt d’une proposition de loi rendant hommage aux non-militaires. Cet engagement sera tenu.
Monsieur Charon, vous étiez membre de la commission mixte paritaire, et je vous remercie d’avoir accepté de suppléer M. Cléach, notre rapporteur, qui était empêché.
Mes chers collègues, le Sénat s’apprête, en adoptant le texte de la commission mixte paritaire, à confirmer son vote du 24 janvier, puisque c’est la rédaction de la Haute Assemblée qui a recueilli l’accord de la commission, ce dont je me réjouis.
D’abord, il s’agit d’une reconnaissance du travail accompli collectivement au sein de notre commission lorsqu’elle a eu à procéder à l’examen du projet de loi. Je salue à mon tour l’esprit d’écoute et de compréhension qui nous a permis d’aboutir à un large consensus, à partir d’un amendement déposé par notre collègue Alain Néri, très expert en la matière, et rectifié ensuite à la demande de M. Laffineur, le secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants.
Ensuite, le texte est désormais, me semble-t-il, équilibré. S’il reconnaît le 11 novembre comme jour de commémoration nationale de tous les morts pour la France, il souligne aussi l’importance des autres journées de commémoration, qui rappellent à l’évidence des épisodes douloureux de notre histoire nationale et contribuent à inscrire leur souvenir dans notre mémoire collective. C’est le socle des valeurs républicaines et patriotiques, monsieur Kerdraon, à la transmission desquelles nous sommes très attachés. Il était important qu’aucun doute ne subsistât à cet égard et que le texte fût rédigé de manière à rassurer les plus craintifs.
Enfin, il était impensable que la représentation nationale puisse se diviser sur un projet de loi de cette nature. Peut-être aurait-on dû le préparer dans des conditions permettant un plus large consensus. Mais nous sommes en tout état de cause parvenus à un accord assez large, même s’il n’est pas totalement consensuel, ce que je regrette.
L’hommage aux morts pour la France doit nous rassembler, comme il nous rassemble dans nos communes à l’occasion de chaque commémoration devant le monument aux morts. Je me souviens, dans mon enfance, il n’y avait pas d’un côté ceux qui restaient au bord du chemin et de l’autre ceux qui venaient déposer leur gerbe de fleurs. Nous devions donc avoir le même état d’esprit sur la question des commémorations, même si certains contestent la méthode ou la date choisie.
Je me félicite donc que le projet de loi puisse être adopté à une très large majorité au sein des deux assemblées du Parlement dans la rédaction qui nous est proposée aujourd’hui. Ce sera un bon socle pour notre travail à venir et pour notre unité devant cette commémoration. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il est appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, statue d’abord sur les amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la france
Article 1er
(Adoption du texte voté par le Sénat)
Le 11 novembre, jour anniversaire de l’armistice de 1918 et de commémoration annuelle de la victoire et de la Paix, il est rendu hommage à tous les morts pour la France.
Cet hommage ne se substitue pas aux autres journées de commémoration nationales.
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Article 3
(Adoption du texte voté par le Sénat)
La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.
M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Jean Boyer, pour explication de vote.
M. Jean Boyer. Parmi d’autres ici, mais qui se comptent sur les doigts d’une main – je pense, bien sûr, à Robert Tropeano, qui a été blessé sur cette terre d’Algérie, dans les Aurès –, je suis de ceux qui, à dix-neuf ans ou à vingt ans, sont partis. Sans hésitation ni murmure, dans la fleur de l’âge, nous avons traversé la « grande bleue ».
Certes, le fait d’avoir combattu en Algérie ne me donne pas le monopole de la parole dans ce débat ni aucune priorité. Qu’il me soit néanmoins permis de livrer mon témoignage. Les anciens combattants, ceux d’Algérie, d’Indochine ou de 39-45, ne songeaient pas à ce qui pourrait les diviser. Ils pensaient simplement à défendre les couleurs de la France, en respectant les directives qui leur avaient été données, parfois différentes d’un ministère à l’autre, notamment pour la troisième génération du feu.
Tout a été dit et bien dit, que ce soit par Alain Néri ou par d’autres. Il a notamment été rappelé qu’une commune est symbolisée non seulement par sa mairie, son église, son école, mais aussi par son monument aux morts, qui recense tous ceux qui sont « morts pour la France » en 14-18, en 39-45, en Indochine, en Algérie ou ailleurs.
Je souhaite très modestement que cette journée de commémoration de tous les morts pour la France soit l’occasion de diffuser un message de paix. Rappelez-vous ce que Victor Hugo, qui a siégé sur ces travées, a écrit :
« Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie
« Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie ».
Aujourd’hui, c’est dans la simplicité qu’un hommage doit leur être rendu, mais il n’en sera pas moins emprunt d’émotion.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui pourrait peut-être nous diviser doit nous rassembler. L’instauration d’une journée commémorative nationale le 11 novembre de tous les morts pour la France n’empêchera pas la célébration, par ailleurs, de soldats qui ont accepté de donner leur sang au Moyen-Orient ou sur d’autres terres au service de notre pays. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’étais pas en Algérie, mais ma famille compte beaucoup de combattants.
Je dirai quelques mots au nom du groupe de l’UMP.
Le texte de la commission mixte paritaire qui nous est soumis est le résultat d’un consensus qui honore le travail parlementaire, même s’il y a quelques petites remarques à faire, comme l’a souligné M. Carrère.
Le projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France crée les conditions d’un rendez-vous de la Nation avec leur mémoire. Désormais, le 11 novembre sera l’occasion pour les citoyens français d’avoir rendez-vous avec leur histoire et de rendre un hommage collectif à toutes celles et à tous ceux qui ont combattu pour notre pays et qui se sont sacrifiés pour les valeurs et les idéaux de la France.
Ce texte offre aux Français un moment de recueillement, de commémoration et de transmission de leur histoire. Pour autant, cette célébration ne se substituera pas aux autres commémorations, ce point nous semble primordial. On ne hiérarchise pas l’histoire. Il y va du respect du calendrier mémoriel, qui est aussi riche que l’est notre histoire nationale. Nous ne pouvons que nous féliciter du travail effectué par la commission sur ce point.
Enfin, au-delà des éventuelles polémiques relatives au calendrier, ce texte contribuera surtout à renforcer l’unité nationale, qui est notre bien le plus précieux et un héritage que nous devons transmettre.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l’UMP votera ce texte.
M. Pierre Charon, rapporteur. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté.)