M. Thierry Mariani, ministre. Il a été déposé à l’Assemblée nationale en avril ; il est ainsi appliqué depuis dix mois déjà, comme le veut la jurisprudence en la matière. En particulier, douze demandes de permis à l’instruction sont sur le site du ministère de l’écologie pour recueillir l’avis du public.

Tous ces préliminaires vous servent à justifier le dépôt, par le groupe socialiste et apparentés, d’une nouvelle proposition de loi. Mais c’est la troisième au Sénat et la septième en tout !

M. Thierry Mariani, ministre. C’est de l’acharnement ou de l’aveuglement !

M. Daniel Raoul. C’est de la constance !

M. Claude Bérit-Débat. De la lucidité !

M. Thierry Mariani, ministre. C’est de l’aveuglement par rapport à tout ce qui a déjà été fait, et de l’acharnement parce que notre pays a vraiment d’autres urgences à traiter, alors que le temps parlementaire est compté.

M. Daniel Raoul. Surtout pour vous !

M. Thierry Mariani, ministre. Cette proposition de loi est d’autant plus inappropriée qu’elle est inapplicable et mal rédigée.

Je ne vais pas en faire la critique détaillée aujourd’hui mais, par exemple, l’article 3 prévoit que « tout permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux est abrogé », avec effet rétroactif. Il s’agit bien des soixante-quatre permis, et pas seulement des permis relatifs à la roche-mère puisqu’ils n’existent pas en tant que tels !

Or, je vous le rappelle, une abrogation avec effet rétroactif n’a pas d’existence juridique. Ce qu’il y aurait de plus proche, ce serait l’annulation des permis, mais cela voudrait dire que l’administration a fauté en les délivrant,…

Mme Nicole Bricq. Eh oui, elle a fauté !

M. Thierry Mariani, ministre. … ce qui est juridiquement faux, car le code minier de 2010 a été appliqué, et cela ouvrirait la porte aux industriels qui pourraient demander des dédommagements financiers particulièrement coûteux pour le contribuable.

Voilà rectifiés vos propos introductifs, madame Bricq. J’ai ainsi largement répondu à Mmes Évelyne Didier, Marie-Christine Blandin et Laurence Rossignol, ainsi qu’à MM. Michel Teston, Robert Tropeano et Claude Bérit-Débat.

Je vais maintenant apporter des réponses complémentaires, mais, au préalable, je tiens à remercier Michel Houel et Alain Milon de la confiance et de la solidarité dont ils ont assuré ce soir Nathalie Kosciusko-Morizet.

Monsieur Dubois, vous souhaitez obtenir des informations sur la mission de préfiguration. Deux commissions, dont la structure respectera l’esprit du Grenelle de l’environnement, seront en fait créées.

La loi du 13 juillet 2011 prévoit un décret en Conseil d’État pour la mise en place d’une commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux. Le projet de décret est en cours d’examen au Conseil d’État. Il pourrait être signé à la fin du mois de février ou au début du mois de mars. En parallèle, une commission de modernisation du code minier sera instaurée afin de faire participer la société civile à ce grand chantier.

Vous avez également indiqué que la fracturation hydraulique était possible pour les hydrocarbures conventionnels. Relisez la loi : ce n’est pas vrai ! L’article 1er de la loi prévoit que « l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche sont interdites sur le territoire national ». L’interdiction s’applique donc à tous les hydrocarbures.

Madame Didier, vous vous êtes étonnée que le site du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement rappelle que des permis ont été attribués il y a longtemps et que nous aurons encore longtemps besoin d’hydrocarbures. Oui, des permis de recherches d’hydrocarbures ont été attribués par des gouvernements de gauche ! Et l’effort sans précédent accompli par l’actuel gouvernement (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) en faveur de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables n’enlève rien au fait que nous aurons encore longuement besoin d’hydrocarbures, notamment pour les transports.

Monsieur Tropeano, vous avez évoqué le colloque « Le bouquet énergétique dans tous ses états ! » et sa table ronde intitulée « La France peut-elle se passer d’une ressource, les hydrocarbures de schiste ? », au cours de laquelle a été posée la question : « L’interdiction française, comment en sortir ? ».

Nous sommes dans une démocratie et le Gouvernement dialogue avec tout le monde, mais il s’opposera bien entendu à tout détournement éventuel de la loi du 13 juillet, loi qu’il a souhaitée et approuvée.

Madame Jouanno, vous souhaitez savoir si les gaz et huiles de schiste ont du sens dans notre mix énergétique, pour la phase de transition écologique ou à plus long terme.

Nous ne connaissons pas réellement le potentiel de notre sous-sol. Le gaz de schiste est déjà un élément essentiel du mix énergétique aux États-Unis et il est à l’origine, avant même la catastrophe de Fukushima, d’un moindre intérêt pour l’énergie nucléaire.

Pour autant, nous avons vu les graves inconvénients environnementaux et sociaux de son exploitation aux États-Unis, ce qui a conduit à l’adoption de la loi du 13 juillet 2011. Celle-ci est très claire : il n’y aura pas en France d’exploration et d’exploitation de gaz ou d’huiles de schiste, ni même d’expérimentation avec fracturation hydraulique, sans une autre loi. À cet égard, le Gouvernement doit présenter un rapport annuel au Parlement, notamment sur l’évolution des techniques et sur la connaissance des sous-sols.

Par ailleurs, vous souhaitez savoir si la commission prévue par la loi du 13 juillet 2011 s’intéressera également aux hydrocarbures non conventionnels. La loi a créé la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux, c’est-à-dire une commission qui s’intéressera à tous les hydrocarbures. Toutefois, la commission ayant été créée par une loi relative aux hydrocarbures non conventionnels, ces hydrocarbures seront son premier sujet de travail.

Madame Rossignol, vous souhaitez connaître la position de la France à Bruxelles sur les schistes bitumineux. La France n’est pas opposée aux projets de la Commission visant à améliorer la qualité environnementale des carburants consommés en Europe – ce texte a d’ailleurs été adopté sous présidence française –, mais nous avons demandé des explications à la Commission sur les modalités, en particulier sur les questions de traçabilité.

Pour conclure, j’en viens à votre question, madame Bricq, sur « les intentions du Gouvernement à l’égard de l’ensemble des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels qui n’ont pas été abrogés ou qui font l’objet d’une demande de prolongation ».

Tout d’abord – pardonnez-moi de le dire –, la question est mal posée…

Mme Nicole Bricq. Ah bon !...

M. Thierry Mariani, ministre. … puisque, comme cela a été dit à de nombreuses reprises, il n’y a pas des permis conventionnels et des permis non conventionnels, il y a des permis tout court. La loi du 13 juillet 2011 prévoit que seront exclusivement utilisées des techniques classiques, quel que soit le permis délivré.

Toutefois, je comprends que vous souhaitiez savoir ce que deviennent les soixante et un permis qui n’ont pas été abrogés.

Certains font l’objet de recours devant les tribunaux formés par des associations de protection de l’environnement. Dans l’attente d’une éventuelle décision de justice contraire, ces permis continuent d’être valides. Pour autant, l’administration est très vigilante lorsque les industriels passent aux travaux pratiques, si je puis m’exprimer ainsi, c’est-à-dire lorsqu’ils veulent réaliser des travaux miniers, par exemple des forages.

Oui, comme vous l’avez dit, madame Bricq, il s’agit là d’un choix de société : il nous faut choisir entre avoir peur de l’avenir et croire en lui sans pour autant faire preuve de naïveté. Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit de faire un choix de cohérence intellectuelle et éthique.

C’est pourquoi Mme Kosciusko-Morizet a personnellement soutenu l’inscription de la Charte de l’environnement et du principe de précaution dans la Constitution.

Alors que la plupart des socialistes se sont abstenus lors du vote de cette charte, …

Mme Nicole Bricq. J’ai fait partie de ceux qui l’ont votée. Mauvaise pioche !

M. Thierry Mariani, ministre. Certains ont fait exception, heureusement !

Alors donc que la plupart d’entre eux se sont abstenus, les socialistes proposent aujourd'hui d’adopter une loi qui est non seulement mal rédigée, mais également inutile après cette première mondiale qu’a constituée l’interdiction de la fracturation hydraulique ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. le président. Nous en avons terminé avec cette question orale avec débat sur le devenir des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels après le vote de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011.

18

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 8 février 2012 :

À quatorze heures trente :

1. Question orale avec débat n° 9 de Mme Anne-Marie Escoffier à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés sur le droit à la protection de la vie privée.

2. Question orale avec débat n° 10 de Mme Nicole Bonnefoy à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement sur la lutte contre la prolifération du frelon asiatique.

À dix-huit heures trente :

3. Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.

À vingt et une heures trente :

4. Débat sur la biodiversité.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 8 février 2012, à zéro heure vingt.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART