M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Claude Bérit-Débat. On peut d’ailleurs s’interroger sur les raisons de l’annulation de ces trois permis et sur le sort qui sera réservé aux autres tant que la distinction entre hydrocarbures conventionnels et hydrocarbures non conventionnels ne sera pas définitivement inscrite dans la loi.
Peut-être ces annulations, à défaut d’être parfaitement fondées, sont-elles dues à la forte mobilisation locale contre les permis octroyés ?
Devant les contradictions de la loi Jacob, il est donc plus que jamais nécessaire que les associations, les citoyens et les élus continuent de se mobiliser.
Sachez, monsieur le ministre, que tel est le cas en Dordogne : tous les acteurs de la société civile et tous les élus du département sont et resteront fermement mobilisés contre les deux permis de recherche qui frappent notre territoire, le permis de Cahors et le permis de Beaumont-de-Lomagne.
L’instruction de ces permis est pour l’instant suspendue. Nous attendons qu’ils soient purement et simplement annulés. Je voudrais d’ailleurs souligner ici l’ampleur de la mobilisation contre ces permis, afin que vous vous rendiez bien compte du rejet qu’ils suscitent auprès des Périgourdins.
L’association qui anime le collectif « Non au gaz de schiste » est particulièrement active contre ces projets. J’ai eu l’occasion de rencontrer ses responsables et de juger du sérieux tant de leur démarche que de leur motivation. Ce collectif a, par exemple, organisé plusieurs manifestations réunissant à chaque fois plusieurs fois centaines de personnes.
Le 17 février dernier, lors de la visite de Mme la ministre à Sarlat, ville de dix mille habitants emblématique du patrimoine de notre département, ils étaient près de cinq cents à manifester contre le permis de Cahors.
Ce collectif a participé également à la manifestation qui a rassemblé à Cahors, le 17 avril 2011, quatre mille manifestants ; il a également lancé une pétition qui a déjà été signée par plus de deux mille personnes et il a organisé plusieurs réunions d’information dans les communes concernées par un éventuel permis d’exploration, réunions qui ont toutes été très suivies.
Vous le voyez, l’inquiétude légitime quant aux conséquences de ces permis reste très forte et la mobilisation citoyenne ne faiblit pas. Soyez persuadé qu’elle perdurera jusqu’à ce que nous obtenions gain de cause, car, aujourd’hui, cette mobilisation citoyenne est fortement relayée par les élus du territoire, comme en témoignent les motions votées par le conseil général de la Dordogne et par le conseil régional d’Aquitaine.
La situation exige donc une clarification juridique que vous vous refusez à réaliser. La question dépasse en réalité la méthode même d’exploitation ; il s’agit en fait de savoir si nous acceptons ou si nous refusons d’exploiter ces gisements fossiles.
Aujourd’hui, nous sommes dans une impasse. Nous attendons toujours le projet de ratification de l’ordonnance réformant le code minier, tandis que la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux n’est toujours pas constituée ; nous ne saurions non plus nous satisfaire du seul rapport Gossement.
Autrement dit, monsieur le ministre, il n’est plus temps de tergiverser : si vous admettez leur dangerosité, quand allez-vous enfin interdire définitivement l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste, sous quelque forme que ce soit ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui me donne l’occasion d’une mise au point à laquelle je tiens tout particulièrement : j’ai été, en effet, le rapporteur, au Sénat, de la loi du 13 juillet dernier visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures par fracturation hydraulique. Cette loi était très attendue, notamment dans mon département, la Seine-et-Marne.
Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi que vous avez déposée après le vote de la loi avec vos collègues socialistes, madame Bricq, vous osez dire qu’il n’existe pas, à ce jour, de législation spécifique pour ce nouveau type de ressource que constituent les huiles et gaz de schiste. Comment pouvez-vous nier la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 qui, non seulement, constitue une législation spécifique, mais représente une première mondiale ?
Mme Nicole Bricq. Il faut le dire à Total !
M. Michel Houel. Nous avons voté cette loi, mais vous ne nous avez pas suivis, tout simplement peut-être parce que cette loi a pour origine une proposition de loi déposée par des membres de l’UMP, en l’occurrence notre collègue député Christian Jacob. Or il s’agit de la seule loi qui interdit l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures par fracturation hydraulique.
Mme Chantal Jouanno. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. Elle est inefficace !
M. Michel Houel. Nous avons jugé souhaitable d’améliorer l’information et la consultation du public : cette préoccupation trouve sa traduction juridique dans le projet de loi de ratification de l’ordonnance de codification de la partie législative du code minier, d’ores et déjà appliquée par l’administration.
Que les élus locaux, les associations environnementales, les citoyens des territoires concernés se soient mobilisés pour manifester leur inquiétude quant à l’exploitation de gisements de cette « nouvelle » ressource fossile, rien n’est plus légitime. Il est indispensable, avant d’entamer toute exploitation minière, de s’assurer qu’il n’y a aucune incidence sur l’environnement et sur la santé humaine. Je m’en suis d’ailleurs moi-même inquiété, comme vous le savez, puisque la Seine-et-Marne renferme dans ses sous-sols de nombreuses ressources fossiles de ce type.
Malgré tout, l’information était certainement défaillante dans mon département, puisque j’ai vu partout fleurir des pancartes dénonçant les gaz de schiste, alors que, tout le monde le sait, on n’en trouve pas en Île-de-France !
Mme Nicole Bricq. Et les huiles de schiste ?
M. Michel Houel. Cette préoccupation m’a poussé à déposer une proposition de loi avec mes collègues de l’UMP. Face à ces inquiétudes, pas moins de sept propositions de loi, et non deux, ont été déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat, émanant tant de l’opposition que de la majorité. Toutes visent à interdire la fracturation hydraulique, seule technique aujourd’hui connue et opérationnelle pour exploiter les huiles de schiste.
Sur ce point, nous sommes donc tous d’accord. Alors, pourquoi remettre en cause cette loi, adoptée définitivement par le Sénat le 30 juin dernier, que les populations des territoires concernés appelaient de tous leurs vœux ?
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas nous qui la remettons en cause, c’est Total !
M. Michel Houel. Vous avancez divers arguments : la loi omettrait de définir la technique de la fracturation hydraulique ; la loi n’interdirait absolument pas le recours à d’autres techniques d’exploitation de mines d’hydrocarbures de schiste, comme la « fracturation pneumatique » ou la fracturation avec injection de propane gélifié, deux techniques actuellement utilisées aux États-Unis, au Canada ou dans d’autres pays.
Tout cela est faux : contrairement à ce que vous affirmez, la fracturation hydraulique est parfaitement définie pour les professionnels et n’utilise que deux mots de la langue française qui sont très clairs, tandis que des définitions qui ont été proposées au cours des débats parlementaires n’ont fait qu’embrouiller le concept. D’ailleurs, votre proposition de loi n’est pas cohérente avec son exposé des motifs, puisqu’elle ne conteste ni ne redéfinit l’expression.
La fracturation hydraulique, tout le monde en convient, est à ce jour la seule technique opérationnelle pour l’exploration complète et l’exploitation des hydrocarbures de schiste, mais elle est interdite par la loi que nous avons votée. En tout état de cause, l’administration ne permettrait pas l’utilisation de techniques nouvelles qui n’auraient pas fait leurs preuves, qu’il s’agisse des travaux soumis à déclaration, pour l’exploration, ou soumis à autorisation, pour l’exploitation.
Relisons donc la loi du 13 juillet 2011 : elle interdit bien la technique de la fracturation hydraulique, y compris pour des expérimentations. La loi organise en outre l’abrogation des permis de recherche de gaz et d’huiles de schiste en limitant les risques juridiques et financiers liés à une telle abrogation.
La loi donnait deux mois aux titulaires de permis pour rendre un rapport et trois mois à l’administration pour publier au Journal officiel la liste des permis exclusifs de recherches abrogés. Cette liste a pris la forme d’un arrêté, publié, vous le savez tous, le 13 octobre 2011. Les rapports demandés aux détenteurs de permis ont permis de consolider juridiquement les abrogations qui ont été faites ensuite et les permis litigieux ont été annulés.
Le Gouvernement, monsieur le ministre, a fait un effort sans précédent en faveur des énergies renouvelables et décarbonées, comme en faveur de l’efficacité énergétique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Nous savons qu’une réforme du code minier est en cours et la loi que nous avons votée en juin dernier y aura largement contribué.
Un véritable chantier de modernisation de ce code a été mené à bien par le Gouvernement afin d’accroître la transparence des attributions de permis et des ouvertures de travaux. Il permettra également de mieux prendre en compte la préservation de l’environnement comme la réduction des nuisances. Pour cela, nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, et nous vous réitérons notre entier soutien !
Je voudrais soumettre un dernier élément à votre réflexion, mes chers collègues : le 19 janvier dernier, le prix du gaz aux États-Unis a atteint son niveau le plus bas depuis dix ans : il est désormais trois fois inférieur à celui que paient les Européens. Cette baisse spectaculaire s’explique par la mise en exploitation des gaz de schistes… (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialise.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand nous serons à la retraite, nous nous livrerons peut-être à des travaux d’écriture. Nous pourrons alors rédiger un essai qui s’intitulerait De la duplicité dans l’administration des affaires publiques. À cette fin, nous remémorant soigneusement tous les faits, nous conterons par le menu l’histoire des permis d’explorer les gaz de schiste qui, depuis plus de cinq ans, révèle de la part du Gouvernement des méthodes d’administration ni franches ni loyales à l’égard des citoyens français.
Je vois un premier exemple de duplicité dans l’attitude du ministre Borloo qui, pendant qu’il occupe la scène politique et environnementale avec le Grenelle de l’environnement, délivre en catimini plus de soixante permis d’exploration, au mépris total de l’esprit même du Grenelle, c’est-à-dire la codécision, la gouvernance partagée et citoyenne ainsi que la transparence.
Je vois un deuxième exemple de duplicité dans le comportement de la majorité gouvernementale, qui prône une politique énergétique décarbonée, le plus souvent d’ailleurs pour justifier son choix du nucléaire, mais n’hésite pas, en même temps, à laisser la porte ouverte à l’exploration des gaz de schiste, alors que cette énergie émet trois à cinq fois plus de gaz à effet de serre que le pétrole conventionnel !
Je vois un dernier exemple de duplicité dans le fait que, depuis que ces permis sont connus, depuis que le Gouvernement a eu affaire à des mouvements citoyens, environnementaux et à une mobilisation des élus locaux dans les territoires, le Premier ministre a déclaré, le 13 avril dernier, en réponse à une question d’actualité, que les autorisations qui avaient été données l’avaient été dans des conditions qui n’étaient pas satisfaisantes.
Et le Premier ministre de déplorer notamment le fait que la concertation et l’information aient été insuffisantes assurant, la main sur le cœur, « pour qu’il n’y ait aucun doute, dans le débat, entre les Français et le Gouvernement sur ce sujet », qu’il fallait « tout remettre à plat », « annuler les autorisations déjà accordées » et, pour finir, que le Gouvernement soutiendrait les propositions de loi déposées en ce sens. Alors que se multipliaient les manifestations contre les permis exclusifs de recherche – octroyés, il faut bien le dire, dans la plus grande opacité par le Gouvernement –, le Premier ministre ne pouvait pas faire moins !
Mais, alors que le Gouvernement s’était pourtant engagé à déplacer les montagnes, nous n’avons finalement assisté qu’à l’accouchement d’une petite souris : la loi promulguée le 13 juillet dernier ne règle en rien les problèmes soulevés par l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, pas même d’ailleurs les problèmes soulevés par le Premier ministre et le Gouvernement !
Sur soixante-quatre permis octroyés, seuls trois ont été annulés : nous sommes bien loin du compte ! S’agissant de la mise en place des structures de consultation et de participation du public aux décisions, sur lequel le Gouvernement avait pris un engagement, rien n’a été fait. Je suis moi-même l’élue d’un département concerné par le permis d’exploitation évoqué par Nicole Bricq : nous n’avons vu aucune structure se mettre en place.
De même, nous attendons toujours le projet de loi de ratification de l’ordonnance portant codification de la partie législative du code minier, annoncé il y a des mois par la ministre de l’écologie.
Quant à l’engagement pris par le Premier ministre de soutenir les propositions de loi relative à l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste, il semble qu’il n’avait tout simplement pas encore pris connaissance de ces textes. Il lui aurait pourtant suffi d’en lire le titre : la proposition de loi déposée ici même, le 7 avril 2011, par les sénateurs du groupe UMP visait en effet « à abroger les permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national ».
Si nous débattons aujourd’hui à nouveau de la question, c’est parce que la loi du 13 juillet 2011 n’a pas répondu à l’inquiétude des Français. Elle interdit le recours à la fracturation hydraulique, mais tout laisse à penser, comme l’a rappelé tout à l’heure Nicole Bricq, que le Gouvernement ne cherche qu’à gagner du temps : on autorise l’exploration et on attend.
Bien que mes collègues l’aient déjà fait plusieurs fois, permettez-moi de citer, parmi les indications et les expertises dont nous disposons sur la nocivité de cette source d’énergie, le rapport examiné le 3 octobre dernier par la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen. On y conclut au caractère « inévitable » des conséquences environnementales de l’extraction des hydrocarbures de schiste, à commencer par « une occupation de terrain importante » nécessaire aux opérations de forage et de transport et l’on souligne également « les impacts potentiels importants » sur la pollution de l’air et de l’eau, ainsi que le risque d’accidents, comme ce fut le cas aux États-Unis.
J’évoque cette réflexion du Parlement européen parce que, dernière manifestation de la duplicité de la majorité gouvernementale, il semblerait que la France ait aussi mis fin à son soutien à une directive européenne visant à désigner les sables bitumineux canadiens comme la forme de pétrole de loin la plus néfaste pour le climat.
Plus grave encore, la France demanderait à la Commission européenne des études complémentaires n’ayant d’autre objet que de retarder les applications éventuelles de la directive de 2009. Il faut dire que les dirigeants du groupe Total passeraient beaucoup de temps dans le bureau de M. Besson, qui est généralement un bon relais pour défendre les groupes de production d’énergie…
Monsieur le ministre, ma question sera simple : quelle est exactement la position de la France à Bruxelles ? A-t-elle ou non rejoint le groupe des pays favorables à l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels ? Avec la réponse à cette question, nous en saurons davantage sur ce que vous voulez exactement faire de ces permis ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en vous écoutant et en intervenant ce soir, il me semble revenir quelques mois en arrière, lorsque nous débattions, l’été dernier, d’une loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.
L’exploration des gaz et huiles de schiste avait alors donné lieu à une série de débats parlementaires de qualité et à l’expression forte d’inquiétudes légitimes de la part d’une partie des populations locales. Cette loi a ensuite été adoptée, puis promulguée, et aujourd'hui le groupe socialiste, qui a refusé de voter le texte, mais qui, au lendemain de son adoption, avait immédiatement déposé une nouvelle proposition de loi quasi identique, le groupe socialiste, donc, revient à la charge.
Mme Nicole Bricq. Elle n’est pas identique : vous ne l’avez pas lue !
M. Alain Milon. À quoi bon un nouveau texte ? Dans quel but ? Que dire de plus et que demander de plus que les riches discussions que nous avions eues il y a quelques mois ?
Comme beaucoup d’entre vous au cours du premier semestre de l’année dernière, j’avais été saisi de ce problème, de cette inquiétude que représentaient, pour certains maires de mon département, ce nouveau modèle d’énergie et l’utilisation de ses gisements.
Comme beaucoup d’entre vous, j’ai perçu les craintes et les interrogations des membres de certains conseils municipaux, j’ai été le destinataire de courriers, voire de pétitions, de certaines associations de populations vivant à proximité des zones potentielles de forage.
Comme beaucoup d’entre vous, j’ai écouté, entendu, fait remonter les appréhensions des uns et des autres, puis expliqué à mes interlocuteurs le contenu de la loi du 13 juillet 2011. Ce texte les a en grande partie rassurés.
La loi permet en effet d’interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures par des forages suivis de fracturation hydraulique de souche sur le territoire national ; elle prévoit la création d’une commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation de ces hydrocarbures composée d’élus, de représentants de l’État, des collectivités locales et d’associations directement concernées ; elle entraîne l’abrogation des permis de recherche de gaz et huiles de schiste en limitant les risques juridiques et financiers liés à de telles abrogations ; elle prévoit enfin la remise par le Gouvernement d’un rapport de suivi annuel sur l’évolution des techniques et la connaissance du sous-sol en matière d’hydrocarbures, ainsi que sur les conditions de mise en œuvre d’expérimentations réalisées à seule fin de mener des recherches scientifiques, sous contrôle public.
Ainsi la loi votée a-t-elle apporté des éléments rassurant pour les collectivités locales et les associations qui, à juste titre, s’inquiétaient. Elle a interdit toute technique de fracturation hydraulique, y compris pour des expérimentations, ce que souhaitaient en particulier les élus vauclusiens que j’avais rencontrés, répondant ainsi aux diverses pétitions et mouvements de protestation.
La question du gaz de schiste a effectivement inquiété, et nous sommes nombreux à y avoir été attentifs, mais la loi votée le 13 juillet dernier apporte des éléments de réponse suffisants dans un premier temps, puisque désormais chaque initiative devra être assortie d’un encadrement strict, et surtout aucune nouvelle expérimentation impliquant l’utilisation de la fracturation hydraulique – technique d’extraction qui a suscité la crainte et la contestation des populations – ne pourra être réalisée sans une nouvelle loi.
Il est clair que nous ne pouvions autoriser n’importe qui à faire n’importe quoi, n’importe où. Cependant, la discussion de ce soir n’apportera aucun élément supplémentaire, car la promulgation de la loi est trop récente et nous ne bénéficions d’aucun recul pour y apporter des modifications ou des améliorations.
Je veux bien admettre que, à l’approche d’une période électorale riche et intense, tous les sujets redeviennent d’actualité. Pour ma part, comme la majorité des sénateurs du groupe UMP, je me félicite du contenu de la loi votée l’année dernière, première loi qui interdit l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures par fracturation hydraulique.
Nous assurons M. le ministre de notre solidarité dans le domaine de la recherche sur les énergies renouvelables lesquelles, quoi qu’en disent certains, ne sont pas laissées pour compte par le Gouvernement, puisqu’il n’est pas question que les gaz de schiste soient l’occasion d’un quelconque recul environnemental. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
Mme Nicole Bricq. Nous verrons !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le président, madame Nicole Bricq, auteur de cette question orale avec débat, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez tout d’abord d’excuser Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ; elle aurait aimé participer à ce débat qui lui tient à cœur, mais elle a été retenue ce soir.
Nous sommes réunis de nouveau aujourd’hui pour débattre des gaz et huiles de schiste, une véritable saga que nous aurions pu croire sortie du débat parlementaire après le vote de la loi du 13 juillet 2011 qui a pris en compte les inquiétudes légitimes du public en interdisant la fracturation hydraulique et en permettant l’abrogation des permis de recherche correspondants.
C’était une première mondiale, et je salue ici le travail de Michel Houel, qui a été votre rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui vient de faire une intervention remarquable. Le groupe socialiste du Sénat a cependant refusé de voter cette loi sous le prétexte – je vous cite, madame Bricq – « qu’elle permet aux sociétés extractrices d’attendre des jours meilleurs ».
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Thierry Mariani, ministre. Eh bien, ce n’est pas l’avis de l’entreprise Schuepbach, qui a renoncé de facto à ses permis de Villeneuve-de-Berg et de Nant. Ce n’est pas non plus l’avis de Total, qui a engagé un recours contentieux contre l’abrogation de son permis de Montélimar. Ce n’est pas plus l’avis des autres industriels, dont les permis de recherche sont d’une durée limitée – de trois à cinq ans –, ce qui est bien court pour « attendre des jours meilleurs » !
Aujourd’hui, vous m’interrogez sur les intentions du Gouvernement à l’égard de l’ensemble des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels qui n’ont pas été abrogés ou qui font l’objet d’une demande de prolongation. Avant de répondre précisément à votre question, je tiens à rectifier vos propos introductifs.
D’abord, vous vous étonnez que seuls trois permis sur soixante-quatre aient été abrogés. Or la proposition de loi que vous avez déposée le 27 juillet 2011 avec les membres du groupe socialiste et apparentés ne permettrait pas d’en abroger plus, puisqu’elle vise les « mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux de roche-mère ».
Juridiquement, vous le savez, cela a été suffisamment dit dans cet hémicycle, les permis sont délivrés pour toutes les recherches de mines d’hydrocarbures, sans distinguer particulièrement les hydrocarbures situés dans la roche-mère, que l’on appelle communément « hydrocarbures non conventionnels ».
Mme Nicole Bricq. C’est bien le problème !
M. Daniel Raoul. C’est là qu’est la difficulté !
M. Thierry Mariani, ministre. En pratique, après vérification non seulement des dossiers déposés lors des demandes de permis mais aussi des rapports remis par les industriels en application de la loi du 13 juillet 2011, tous les permis visant spécifiquement la recherche d’hydrocarbures de roche-mère ont été abrogés.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas vrai !
M. Thierry Mariani, ministre. Ensuite, vous affirmez que la loi du 13 juillet est permissive « en n’interdisant pas le recours à des techniques alternatives », mais il n’y a pas actuellement de technique opérationnelle qui serait une alternative à la fracturation hydraulique.
Cela étant, ce que la loi du 13 juillet n’interdit pas n’est pas pour autant autorisé.
En effet, nous parlons des permis de recherche, mais ce n’est que la première étape. Un détenteur de permis de recherche doit ensuite faire une déclaration de travaux au préfet s’il veut réaliser, par exemple, un forage. Le préfet en informe alors les maires et prescrit les conditions de ces travaux. Vous pensez bien que les préfets n’accepteraient pas une technique alternative d’avant-garde alors que la fracturation hydraulique est interdite par la loi !
Vous affirmez également que la loi du 13 juillet est contraire au code de l’environnement, notamment parce qu’elle ne respecte pas les procédures de transparence, de consultation et de participation du public. Si vous avez demandé, comme le Gouvernement, que le code minier prévoie plus de transparence et de participation du public, vous n’aviez encore jamais dit dans cet hémicycle que la loi était contraire au code de l’environnement ! Et pourquoi pas aussi, tant que vous y êtes, contraire à la Constitution ? Vous auriez dû saisir le Conseil constitutionnel !
Dans votre propos introductif, vous citez, pour critiquer le Gouvernement, le rapport d’Arnaud Gossement qui recommande « de faire évoluer le droit minier dans le sens d’une meilleure information et participation du public et d’une évaluation environnementale renforcée ».
N’oubliez pas que c’est Mme la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet qui a commandité ce rapport, justement pour réfléchir sur l’évolution du droit minier.
Mme Nicole Bricq. Oui, mais elle n’en a rien fait !
M. Thierry Mariani, ministre. Le rapport formule des propositions concrètes qui ont été présentées en décembre, sur son initiative, au Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement, le CNDDGE, c’est-à-dire le comité de suivi du Grenelle de l’environnement. Certaines seront reprises dans le cadre de la réforme en cours du code minier.
Mme Nicole Bricq. Nous l’attendons !
M. Claude Bérit-Débat. Mais quand ?
M. Thierry Mariani, ministre. Vous devriez donc féliciter le Gouvernement plutôt que de le critiquer !
D’ailleurs, vous critiquez également le Gouvernement parce qu’« il a prévu un chantier de dix-huit mois pour la refonte et la modernisation du code minier » et parce qu’« il ne souhaite plus inscrire à l’ordre du jour du Parlement le projet de loi de ratification de l’ordonnance portant codification de la partie législative du code minier ».
Mais c’est ce gouvernement qui a lancé la refonte du code minier, en commençant bien entendu par sa partie législative ; et cela a demandé plusieurs années ! Alors ne vous étonnez pas qu’il faille dix-huit mois pour la partie réglementaire, d’autant plus que le public doit être consulté, comme le prévoit la loi, dans l’esprit du Grenelle.
Quant au projet de loi de ratification de l’ordonnance, s’il n’est pas encore inscrit à l’ordre du jour, c’est que le Gouvernement a soumis au Parlement des textes plus prioritaires.