M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission sénatoriale, mes chers collègues, mon intervention comportera trois volets.
Le premier est une position de principe. La création de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois est une bonne chose, monsieur le président Assouline. Elle s’inscrit – cela a été rappelé – dans une démarche relativement ancienne, puisque le Parlement, et plus précisément le Sénat, s’est préoccupé dès 1971 de l’application des lois. Je suis heureux de constater que, dans le cadre instauré par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 voulue par le président Sarkozy, le Sénat, où la gauche est aujourd'hui majoritaire, s’inscrit dans une démarche de rééquilibrage des pouvoirs entre le Parlement et l’exécutif.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Louis Nègre. À la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a fait suite – vous la connaissez tous – une circulaire interministérielle du 28 février 2009. Vous n’étiez pas encore majoritaires, chers collègues de gauche ; c’était la droite qui jugeait alors souhaitable et nécessaire de rééquilibrer les pouvoirs. Deux ans plus tard a été adoptée la loi du 3 février 2011 tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques.
Je tiens à vous rendre hommage, monsieur le ministre, pour l’action personnelle que vous avez conduite dans ce domaine. En effet, vous avez vous-même créé un comité de suivi de l’application des lois le 10 mars 2011. Qui plus est, vous êtes un « récidiviste », puisque vous aviez déjà, lorsque vous étiez parlementaire, mis en œuvre ce contrôle de l’application des lois. Vous êtes un homme tenace, votre vision n’a pas changé dans le temps : vous avez toujours été favorable à ce rééquilibrage des pouvoirs que nous attendons tous.
La décision prise dans la foulée – le 16 novembre 2011 – par le Sénat de créer une commission pour le contrôle de l’application des lois s’inscrit dans une démarche que nous ne pouvons qu’approuver : favoriser un meilleur équilibre des pouvoirs et une meilleure représentation du Sénat et du Parlement en général, et faire en sorte que le contrôle de l’application des lois permette un approfondissement de notre démocratie. Il existe incontestablement un consensus sur ces objectifs.
Après le principe et la forme, j’en viens au fond ; c’est le deuxième volet de mon intervention. Vous l’avez souligné dans votre rapport, monsieur le président Assouline : le taux d’application des lois par le Gouvernement a beaucoup augmenté. De fait, sur l’initiative du ministre chargé des relations avec le Parlement, le Gouvernement a accompli un énorme travail.
Je citerai deux faits, au sujet desquels nous nous accorderons tous puisqu’il s’agit de chiffres. Au 31 janvier de cette année, 87 % des décrets d’application ont été pris dans les six mois suivant la promulgation de la loi.
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale. Non, c’est 42 % !
M. Louis Nègre. J’ai même cru comprendre, monsieur le ministre, que vous souhaitiez atteindre 90 %. Il s'agit d’un résultat remarquable ! À titre de comparaison, en 2002, sous le gouvernement Jospin, seuls 62 % des décrets d’application avaient été pris dans un délai de six mois.
M. Éric Doligé. Ce n’était pas beaucoup !
M. Louis Nègre. Il s’est donc produit une évolution importante, très importante même, et je remercie tous ceux qui l’ont saluée.
Au-delà de l’aspect quantitatif, qui n’est pas négligeable, j’ai remarqué également – j’en suis très heureux – que vous aviez fait preuve d’une bonne volonté exceptionnelle à l’égard de votre opposition. En effet, vous avez, sous mes yeux, transmis au président Assouline vos fiches personnelles ! Celui-ci craignait qu’on ne lui cache quelque chose… L’actuel gouvernement pratique la transparence la plus totale, monsieur le président de la commission sénatoriale ! (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.) La meilleure preuve en est que M. le ministre vous a transmis ses fiches personnelles : vous avez ainsi pu vérifier que le Gouvernement n’avait rien à cacher ! (Mêmes mouvements.)
Nous gagnons tous lorsqu’il y a davantage de transparence et de démocratie ! Je pense que, avant le gouvernement actuel, aucun autre n’avait fait autant et n’avait été aussi réactif et déterminé dans son ouverture vers le Sénat. (MM. Michel Teston et Yves Chastan sourient.)
J’en viens au troisième et dernier volet de mon intervention : mes propositions. Peut-on faire mieux ? Je serai constructif ; je participe avec la meilleure volonté aux travaux de cette commission pour le contrôle de l’application des lois.
Sur le fond, il est incontestable que le contrôle qualitatif pourrait être nettement plus développé. On peut contrôler non seulement l’application des lois, mais aussi leur évaluation concrète, sur le terrain ; M. le ministre et M. le président Assouline sont également d’accord sur ce point. On pourrait effectuer une analyse comparative bien plus poussée du contrôle de l’application des lois dans les différents parlements. On pourrait renforcer – je pense que c’est un élément important – les études d’impact en amont pour éviter de voter trop de lois peut-être inutiles. Enfin, nous pourrions réaliser des contrôles sur pièces très importants.
Sur la forme, dans la mesure où je reconnais avec vous, monsieur le président Assouline, que nous ne sommes pas là uniquement pour donner des satisfecit, je vous ferai une remarque : vous avez écrit dans votre rapport qu’il ne s’agissait plus « de se contenter, de la part du Gouvernement, à quelques rares moments de l’année, de communications solennelles sur des bilans statistiques figés, davantage adaptés à une communication grand public ». Mon Dieu ! Vous avez également évoqué de « fantomatiques rapports du Gouvernement au Parlement ». Cela me paraît très excessif !
Je fais appel à votre sagesse ainsi qu’à celle de tous nos collègues, et vous invite à répondre au souhait que vous avez formulé dans le même rapport : « L’année parlementaire 2010-2011 devrait pouvoir marquer un nouveau départ…
Un sénateur du groupe socialiste. On espère bien !
M. Louis Nègre. … avec le lancement d’une coopération quotidienne, spontanée et de fond entre le Gouvernement et le Parlement. » C’est le vœu que je forme en ce début d’année ! (MM. Éric Doligé, Joël Bourdin et Claude Léonard applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais à mon tour saluer la décision de la nouvelle majorité sénatoriale et du président Jean-Pierre Bel de créer une commission pour le contrôle de l’application des lois. Je suis convaincue que le président de cette commission, David Assouline, aura à cœur de la faire travailler et de la faire respecter dans cette assemblée et au-delà.
Cette initiative traduit la volonté du Parlement de reconquérir une partie des prérogatives que la Constitution de 1958, d'une part, et les pratiques des gouvernements et de la technostructure, d'autre part, ont quelque peu grignotées.
On peut certes adopter une approche quantitative, comptable de l’application des lois : combien de décrets d’application, quelle proportion d’engagements pris, combien ont déjà été menés à bien ? Toutefois, à en juger par l’exemple des lois Grenelle I et II, qui ont déjà été citées, j’ai le sentiment qu’il en va de l’application des lois comme du froid : il y a les statistiques « sous abri » mais aussi le ressenti !
S'agissant des lois Grenelle I et II, les statistiques « sous abri » indiquent qu’environ 50 % – entre 48 % et 51 % selon les calculs – des décrets d’application ont été publiés, mais le ressenti c’est que le compte n’y est pas ! Nos collègues députés Philippe Tourtelier et Bertrand Pancher ont présenté en juin dernier un rapport d’étape sur le suivi des lois Grenelle, selon lequel 20 % des décrets d’application avaient été publiés, 22 % étaient en cours d’examen par le Conseil d'État et 31 % devaient encore faire l’objet d’un arbitrage interministériel. C’est donc par une addition un peu étrange que nous atteignons le chiffre de 50 % de décrets publiés : cela revient à considérer que les décrets examinés par le Conseil d'État seront forcément publiés – ce n’est pas toujours le cas – ou que les décrets qui doivent faire l’objet d’un arbitrage finiront tous par être soumis au Conseil d'État puis publiés.
Au-delà des statistiques, je voudrais évoquer quelques-unes des mille et une façons de paralyser l’application des lois.
La première, la plus courante, est de manquer de vélocité dans la publication des décrets. La cause du retard peut être la surcharge de travail des administrations centrales ou leurs difficultés à produire des normes souvent complexes qui exigent des expertises et des compétences pointues. C’est souvent le cas des textes d’application des lois relatives à l’environnement. À ce propos, j’attire l’attention de nos collègues de la majorité gouvernementale : il est quelque peu contradictoire de dénoncer le matin le trop grand nombre de fonctionnaires dans notre pays et de demander le soir que plus de décrets soient rédigés et publiés !
La deuxième façon de retarder l’application des lois est la résistance passive. On dit que le décret est en cours de rédaction… En réalité, cela signifie qu’il est bloqué quelque part car le pouvoir exécutif ne veut pas le publier. C’est un peu comme lorsque vous attendez une livraison et qu’on vous dit que votre colis est « parti »… Parfois celui-ci n’arrive pas ! Il en va de même de certains décrets.
La troisième façon consiste à reporter la date d’application d’année en année. Je choisirai à nouveau mon exemple dans la loi Grenelle I. Celle-ci prévoyait la création d’une éco-redevance poids lourds : en 2009, la date d’entrée en vigueur a été fixée à 2011 ; le Gouvernement a ensuite annoncé que ce serait pour 2012 ; un peu plus tard, le même gouvernement a indiqué que finalement ce serait 2013…
Même si les relations entre le Parlement et le Gouvernement ne sont pas de nature contractuelle, j’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la date de publication des textes d’application d’une loi est une condition substantielle de cette loi. Nous ne votons pas des déclarations d’intention ! Reporter indéfiniment la date de publication constitue donc une forme de dol.
La quatrième façon de paralyser l’application des lois est de publier des décrets qui trahissent l’esprit du législateur. Nos collègues députés Philippe Tourtelier et Bertrand Pancher, qui sont plus délicats que moi, n’emploient pas le verbe « trahir » mais notent que certains décrets « écornent la loi ». C’est le cas du décret relatif à l’affichage public, qui devait à l’origine limiter les pollutions visuelles provoquées par l’affichage publicitaire, mais qui, après un an de concertation, de lobbying et de pressions diverses de différents ministères, a atteint l’objectif inverse, puisqu’il accroît les surfaces où la publicité est autorisée et permet l’affichage publicitaire dans des lieux où il était auparavant interdit.
M. le ministre a évoqué l'inflation des articles d'origine parlementaire. Son observation est juste, même si elle est malicieuse. Néanmoins, de la part d'un Gouvernement qui lui-même s’est adonné à une certaine logorrhée législative en faisant voter sept lois sur la récidive en dix ans, la critique à notre égard perd quelque peu de sa force.
Mes chers collègues, je conclurai par une remarque. Il en va de la santé de la démocratie comme de celle des individus : il faut des contrôles, des examens de routine, mais il faut aussi de la prévention et une hygiène de vie. C'est à nous, parlementaires, de faire preuve de plus de rigueur quand nous examinons des textes : il nous faudrait prendre l'habitude de voter davantage d'articles et de dispositions qui soient directement applicables.
La critique que nous formulons à l'encontre du Gouvernement, nous pouvons en partie la retourner à nous-mêmes : la loi est un outil de régulation, pas un outil de communication. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Marie-Christine Blandin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission sénatoriale.
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de ce débat. La qualité des interventions témoigne que nous sommes aujourd'hui prêts à aller plus loin dans le contrôle de l’application des lois et qu’il s’agit d’un véritable enjeu. Probablement, le souci particulier que nous accordons à cette mission était déjà dans les gènes du Sénat depuis quarante ans. Depuis quinze ans, les gouvernements successifs ont cherché à donner un élan en ce sens ; depuis le gouvernement de Lionel Jospin, les directives, notamment avec le Secrétariat général du gouvernement, le SGG, étaient nombreuses et précises.
Confier aux parlementaires le pouvoir de légiférer sans leur donner celui d'exercer de manière suffisante le contrôle de l’application des lois se révèle une particularité française et a une conséquence directe : une loi sur deux ne s'applique pas dans des délais raisonnables.
Sur le terrain, nos concitoyens ressentent souvent cette situation douloureusement. Ils considèrent alors que, dans nos hémicycles, nous parlons beaucoup, sans que cela ait toujours de traduction concrète. Or les forces qui alimentent l’antiparlementarisme se sont toujours nourries de ces appréciations.
S’il en est ainsi, c’est aussi parce que, sous la Ve République, l’exécutif détient un pouvoir exorbitant et qu'une certaine lecture de la Constitution a permis que seul le pouvoir réglementaire donne aux lois une réalité tangible. Cela explique sans doute que le Parlement se soit senti limité, voire se soit autolimité dans son pouvoir de contrôle. C’en est désormais fini. Tous les parlementaires, quelle que soit leur appartenance politique, ont désormais conscience qu’il faut aller plus loin.
C'est la nouvelle gouvernance voulue par le président du Sénat, M. Jean-Pierre Bel, qui a permis ce nouvel élan. Ce n'est pas le président Gérard Larcher. Certes, monsieur Louis Nègre, la création de la commission de contrôle de l’application des lois a été permise par la révision constitutionnelle, mais il aurait été possible de le faire au Sénat depuis trois ans !
Le débat d’aujourd'hui montre que nous sommes prêts à exercer cette nouvelle mission et que nous avons choisi de saisir cette opportunité.
M. Hyest a souligné le paradoxe qu’il y aurait pour nous, qui nous opposons au Gouvernement, à réclamer l’application des lois que nous avons combattues. Je citerai cette formule d'un président américain peu connu, Ulysses S. Grant : « Je ne connais pas de meilleure méthode pour faire annuler les mauvaises lois que de les mettre rigoureusement à exécution. » Il s’agit d’une boutade. Cependant, même si nous dénonçons les lois dont le Gouvernement a eu l’initiative, nous considérons, par principe, que leur application est nécessaire, pour que notre démocratie ait un sens et soit renforcée aux yeux de nos concitoyens. D’autant que, au sein des lois ne nous satisfaisant pas, ce sont souvent les meilleures dispositions qui rencontrent des difficultés d'application.
C’est pourquoi, afin que le prochain rapport de la commission sénatoriale apporte des éléments d’analyse à la fois quantitatifs et qualitatifs, nous avons choisi de nous pencher sur des lois précises.
Ainsi, la loi handicap de 2005 fera l'objet d'un examen minutieux. En effet, non seulement le nombre d’enfants handicapés scolarisés prévu par cette loi n’est pas respecté, mais le nombre antérieur est en régression, car les moyens déployés diminuent chaque année et ne permettent pas que ce droit puisse s’exercer.
Mme Claire-Lise Campion. Oui !
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale. Mme Campion, qui pilotera l'élaboration de ce rapport, en a conscience. Et je ne parle pas de l’accessibilité universelle en 2015, irréalisable dans ce délai, tout le monde le sait, car, là encore, les moyens mis en œuvre ne permettent pas qu'il en soit autrement.
Il en est de même pour le Grenelle II : sur environ 200 dispositions réglementaires prévues, seules 100 ont été publiées, soit 50 %. Mme Rossignol, qui étudiera plus en détail ce texte, a cité quelques chiffres dans son intervention.
Je pourrais tout aussi bien prendre l’exemple de la loi sur l’audiovisuel dont nous avons largement débattu et sur laquelle nous nous sommes longuement exprimés dans cet hémicycle. Si la plus grande partie des décrets sont parus, je constate que tout ce qui a suscité notre opposition et nos confrontations est appliqué autrement que prévu dans la loi. Cette dépense d'énergie a donc été vaine ! Les taxes qui devaient compenser la suppression de la publicité ne rentrent pas dans les caisses, les dispositions qui les concernent ont été modifiées en cours de route. Alors que l’arrêt de la publicité devait être total, il ne prend effet qu'après vingt heures.
De nombreuses autres mesures prévues par le texte législatif n'ont finalement pas pu être mises en application, certaines parce que des modifications sont intervenues, d’autres parce que les évaluations étaient erronées. Ainsi, on a pensé que, pour compenser les recettes publicitaires, il suffisait de créer une taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet ; or la Commission européenne en a contesté le bien-fondé. De la même façon, on a cru pouvoir taxer la publicité diffusée sur les chaînes privées pour compenser l'arrêt de la publicité sur les chaînes de service public ; or cela ne s'est pas passé ainsi. En outre, la crise n’a pas permis que les rentrées financières soient conformes aux prévisions.
Par conséquent, sur ce sujet, nous avons discuté et légiféré en nous appuyant sur des études d'impact et des estimations qui n'étaient peut-être pas exactes, mais, surtout, cette réforme n’avait à mes yeux qu’un seul but, satisfaire le souhait du Président de la République, quitte à faire fi des arguments qui pouvaient s'y opposer ; cet impératif supplantait tout le reste. Cette réalité n'a pas été suffisamment évoquée, mais je veux le dire, puisqu’un débat sur l'aspect qualitatif des lois aura lieu ici.
Et que dire des lois d'affichage ? Nous avons légiféré six ou sept fois sur l'immigration sans jamais commencer l'examen d'un nouveau texte par un débat d'évaluation de la loi précédente, empilant mesures sur mesures et travaillant alors même que les décrets d'application de la précédente loi n'avaient pas été publiés ou n'avaient pas pu montrer leurs effets. Je pense aux lois sur la sécurité. Cette façon de faire, le nez collé aux journaux télévisés ou les yeux rivés sur la prochaine échéance électorale, n'est pas bonne. Nous œuvrons pour améliorer la vie de nos concitoyens et pour faire en sorte que de nouveaux droits soient créés. C'est de cela qu'il s'agit.
Les polémiques sur le pourcentage de mise en application des lois ne m’intéressent pas. Je l'ai souligné en conférence de presse, je vous l'ai dit, monsieur le ministre, tous les rapporteurs ont insisté sur ce point : sur le plan normatif et réglementaire, on note une amélioration. Vous-même, monsieur le ministre, ainsi que M. le secrétaire général du gouvernement avez donné des impulsions en ce sens. Je pense que cette démarche se poursuivra sous les prochains gouvernements.
Ce n’est pas le seul problème. En matière de rapidité, nous avons encore beaucoup de progrès à accomplir : entre un taux de mise en application de 80 % et un taux de 42 % dans les six mois suivant la promulgation de la loi, la marge est importante ! Or l'objectif est bien qu'une loi puisse être complètement mise en application dans les six mois.
Par volonté de transparence, monsieur le ministre, vous m’avez transmis des éléments d’informations supplémentaires. Savez-vous, mes chers collègues, que treize étapes sont nécessaires pour qu’un décret puisse paraître ?
Ces treize étapes sont les suivantes :
1. Identification des décrets nécessaires ;
2. Élaboration par le ministère chef de file d’un projet ;
3. Concertation interservices ; consultation des autres ministères concernés ;
4. Vérification des accords et, le cas échéant, demande d’arbitrage au cabinet du Premier ministre et organisation d’une réunion interministérielle ;
5. Saisine des instances consultatives obligatoirement consultées ;
6. Saisine du Conseil d’État, le cas échéant parallèlement à l’étape 5 ;
7. Le Conseil d’État délivre au ministère porteur son avis ;
8. Choix de version : le Gouvernement doit déterminer s’il retient la version du Conseil d’État ou son projet initial ;
9. Le projet de décret est présenté aux contreseings des ministres chargés de son exécution par les soins du ministère pilote ;
10. Le ministère pilote adresse le dossier au SGG en vue d’une présentation à la signature du Premier ministre et d’une publication au JORF ;
11. Recueil de l’accord juridique du chargé de mission du SGG et du visa politique du conseiller ministre compétents ;
12. Présentation à la signature du Premier ministre ;
13. Publication au Journal officiel de la République française.
Comment s'étonner ensuite qu'il faille plus de six mois pour publier un décret ? Il est nécessaire pour notre démocratie que cette procédure soit allégée et simplifiée.
La commission pour le contrôle de l'application des lois sera vigilante. Les interventions des présidents de commission ont montré à quel point les commissions permanentes étaient attachées à ce travail. C'est fort d'une collaboration avec ces commissions et leurs présidents que le Sénat poursuivra dans cette voie, qui a permis ce débat et a donné de premiers résultats. C'est nécessaire pour notre démocratie et pour la vitalité de notre Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Marie-Christine Blandin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Ollier, ministre. Monsieur le président de la commission sénatoriale, je constate avec beaucoup de plaisir que vous venez de faire état d'un document de travail que je vous ai remis lorsque nous nous sommes rencontrés pour préparer ce débat. Il n’a rien de confidentiel : il fait état des différentes étapes d’élaboration d’un projet de décret avant sa publication au Journal officiel.
Vous avez eu raison de le lire – je n'avais pas prévu de le faire –, car cela montre la complexité de la procédure et le travail qu’il faut accomplir. Un décret d'application n'est pas un simple document que l'administration produit, c'est un texte qui concrétise la loi et a vocation à s’appliquer tout au long de la durée de celle-ci. Ce n'est pas rien ! Il faut veiller à ne pas commettre d'erreur et c'est pour cela que toutes les étapes que vous avez rappelées sont prévues et que de multiples concertations entre les ministères sont organisées. En effet, dès qu'un décret d'application implique plusieurs ministères, des discussions s'imposent, qui ralentissent le processus.
Que le gouvernement soit de gauche ou de droite importe peu. Il s’agit avant tout de garantir la sécurité de la loi. Au sein de l'administration française, des fonctionnaires extrêmement compétents, le Secrétariat général du Gouvernement dont j'ignore totalement l'appartenance politique – cela ne me regarde pas – ont pour objectif de rédiger le mieux possible les décrets d'application afin que la loi soit mise en œuvre dans les meilleures conditions possibles. Et ils travaillent énormément pour cela. Je tiens donc à leur rendre hommage.
Lorsqu’une mesure est prise au niveau interministériel – à titre d’exemple, certains décrets d’application des lois mettant en œuvre le Grenelle de l’environnement ont impliqué dix ministères –, il est facile d’imaginer la complexité du circuit décisionnel.
J’ai en ma possession un exemplaire des fiches que M. Louis Nègre évoquait tout à l’heure. (M. le ministre brandit un document.) J’en distribue régulièrement au conseil des ministres. De même, j’envoie tous les mois des lettres à mes collègues du Gouvernement, dont voici un exemplaire (M. le ministre brandit de nouveau un document.), avec la liste des décrets restant à signer par chacun des ministres.
Je vais tenter de répondre du mieux possible à tous les présidents de commissions permanentes, ainsi qu’à tous les intervenants qui se sont succédé.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, a relevé, et je l’en remercie, la diligence avec laquelle, notamment, les lois relatives à la lutte contre la piraterie et aux exportations de matériels de guerre ont commencé à être appliquées.
Cependant, il a regretté un certain manque d’informations sur l’avancée des textes. À cet égard, je souhaite lui préciser que la loi relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés sera totalement applicable au 31 décembre 2014, comme le texte lui-même le prévoyait. Par ailleurs, l’unique décret prévu par la loi du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'État en mer, qu’il a cité, a d’ores et déjà été transmis au Conseil d’État, le 31 décembre 2011 me semble-t-il. Vous le voyez, les choses avancent rapidement.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances, s’est aussi félicité de la nette amélioration du taux d’application des lois, constat que tout le monde a partagé. C’est une bonne chose pour le comité de suivi que j’ai lancé et pour la commission que préside M. Assouline.
Je n’ai jamais dit – je ne sais pas d’où il tient cela – que le taux d’application de 100 % serait atteint à la fin de la législature. J’ai seulement annoncé que je me fixais un objectif tendant vers 100 %. Ce n’est pas la même chose.
Néanmoins, je suis désolé de devoir vous le dire, en dépassant 90 % à la fin du mois de février, nous nous rapprocherons du taux de 100 %.
M. Jean-Jacques Hyest. À partir de 90 %, cela devient plus difficile !
M. Patrick Ollier, ministre. Je suis déterminé à aller le plus loin possible, mais qu’on arrête de me dire que j’ai promis d’atteindre 100 %, car cela me met mal à l’aise.
S’agissant du décret simple prévu à l’article 51 de la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 pour préciser le dispositif de lutte contre le trafic des métaux précieux, les ministères financiers m’assurent que le projet est maintenant prêt, si bien que sa publication doit pouvoir intervenir dans les semaines qui viennent. M. le président Marini devrait en être satisfait.
Le rapport sur l’agence de financement des investissements des collectivités territoriales doit, selon l’article 109 de la loi de finances pour 2012, être transmis au Parlement d’ici au 15 février. Il a été préparé et les ministères financiers m’assurent que l’échéance sera respectée. Je vous donne donc rendez-vous dans quelques semaines.
À ce sujet, mesdames, messieurs les sénateurs, il faut que vous soyez bien conscients du grand nombre de rapports demandés par la loi au Gouvernement. Lorsque j’étais président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, je me battais contre les amendements de députés tendant à demander des rapports au Gouvernement à tout propos. N’oubliez pas que les fonctionnaires compétents pour rédiger les rapports sur un sujet donné sont également ceux qui répondent aux questions écrites et qui préparent les décrets. En effet, la compétence ne peut pas se diviser à l’infini. Ces précieux fonctionnaires sont donc bien souvent appelés à faire des travaux très différents, ce qui pose des problèmes de délais de réalisation.
Madame Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, vous avez raison, il reste des dossiers sur lesquels il nous faut progresser. Vous avez cité la loi du 7 juillet 2011 sur la bioéthique. À ce sujet, le Gouvernement avait d’emblée annoncé au Parlement que la parution des décrets ne pourrait intervenir qu’en mars 2012. Deux projets de décrets sont d’ores et déjà au Conseil d’État.
Concernant la loi du 9 juin 2010 relative aux assistants maternels, je puis vous indiquer que le décret qui fixera le référentiel des critères d’agrément est au Conseil d’État depuis le 26 décembre 2011. Il fait donc partie des quarante décrets en instance dans cette institution, que j’ai cités tout à l’heure. Monsieur Assouline, je pense que mes services vous ont transmis cette liste. Si ce n’est pas le cas, je la tiens à votre disposition.