Mme Catherine Tasca. Globalement affaiblie par la réduction des moyens, l’aide publique au développement ne devrait pas dépasser 0,4 % du PIB, alors que l’objectif affiché s’établit à 0,7 %, au mépris, notamment, de l’action des nombreuses ONG investies dans ce domaine. Elle subit un discrédit lié à des décisions arbitraires, à un pilotage institutionnel éclaté et à une instrumentalisation au service de considérations de politique intérieure, notamment l’obsession « anti-immigration ».
M. Christian Cambon. Ce n’est pas vrai !
Mme Catherine Tasca. Ainsi, la politique dite de « codéveloppement » est restée marginale et a servi de « faux nez » aux accords de gestion des flux migratoires.
Quant à la récente offensive de M. Guéant visant à renvoyer au plus vite dans leur pays des diplômés formés chez nous au lieu de les autoriser à acquérir une première expérience professionnelle en France, elle va carrément à contre-courant des intérêts de nos universités, de nos entreprises et des pays d’origine de ces jeunes étrangers.
Monsieur le ministre d’État, quel partenariat, quel nouveau visage de l’aide française au développement comptez-vous offrir aux sociétés africaines, que notre histoire commune et, pour certaines, notre langue partagée, autorisent à espérer de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord saluer l’initiative de Jean-Louis Carrère, qui a souhaité l’organisation de ce débat, auquel je participe bien volontiers, de même que je me rends de bonne grâce à chacune des réunions de la commission des affaires étrangères, au sein de laquelle les échanges sont toujours très fructueux.
Je vous remercie de me donner l’occasion de faire un point devant vous sur les grandes priorités de notre politique étrangère et de sécurité, à un moment où la vigilance et l’action demeurent plus que jamais nécessaires, le monde étant entré depuis plusieurs mois dans une phase de mutations accélérées, de crises et de ruptures. De tels moments historiques donnent lieu à des évolutions positives, font naître des occasions, mais comportent aussi des inconnues et des risques.
Au cours des derniers mois, notre première priorité a été – et demeure – le sauvetage de la zone euro et la consolidation de l’Union européenne. Ne nous le cachons pas : la crise de la dette et la crise économique ont fait passer l’Europe près d’un véritable naufrage. Nous l’avons évité, avec nos amis allemands, à force de volonté politique et de courage.
Nous ne sommes pas encore complètement tirés d’affaire, mais nous sommes sur la bonne voie. Nous commençons ainsi à convaincre les marchés financiers et nos grands partenaires, comme M. Pozzo di Borgo l’a signalé.
Il n’y a pas de solution durable à la crise actuelle en dehors d’un projet européen renforcé et renouvelé. D’une certaine manière, cette crise peut représenter pour nous la chance d’aller plus loin dans le processus d’intégration de la zone euro. Ce n’est qu’ensemble que les pays européens pourront peser dans les équilibres nouveaux du monde. Le repli sur les égoïsmes nationaux n’est pas une issue. En revanche, il nous faut un vrai gouvernement économique, une plus grande coordination des politiques économiques, une vraie politique de croissance européenne, pour recréer de l’innovation, de la richesse et de l’emploi. (M. Daniel Reiner acquiesce.) C’est très exactement ce que nous sommes en train de faire.
Je voudrais maintenant souligner l’ampleur des résultats obtenus lors du Conseil européen du 30 janvier dernier et marquer tout le chemin parcouru dans l’élaboration de la réponse globale à la crise de la dette depuis le premier plan d’aide à la Grèce du mois de mai 2010.
Au cours de ce Conseil ont été conclus deux traités intergouvernementaux essentiels pour parachever les mécanismes de solidarité et de stabilité dans la zone euro.
Le premier d’entre eux vise le mécanisme européen de stabilité. Signé le 2 février, il sera soumis à ratification parlementaire avant la fin du mois. Il crée le fameux et tant attendu pare-feu permanent et pose les bases d’un véritable fonds monétaire européen, avec une capacité effective de prêts de 500 milliards d’euros, qui pourrait être éventuellement renforcée par les reliquats du FESF, le Fonds européen de stabilité financière. Son entrée en vigueur a été avancée au 1er juillet prochain, et les décisions en cas d’urgence se prendront non plus à l’unanimité, mais à une majorité qualifiée fixée à 85 %. C’est, là aussi, une percée très importante. En à peine dix-huit mois, nous avons convaincu l’Allemagne de créer un premier fonds, le FESF, que je viens d’évoquer, puis de faire un saut d’intégration considérable avec ce mécanisme de solidarité permanent pour la zone euro.
Le second traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire a été signé à vingt-cinq. En effet, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Royaume-Uni et la République tchèque n’ont pas souhaité s’y joindre. Ce traité, négocié en à peine deux mois, apporte un réel saut d’intégration économique.
Je voudrais bien insister sur ce point : il comporte trois volets équilibrés, et non pas un seul, comme je l’entends répéter ici ou là.
Le premier volet consiste en la mise en place d’un vrai gouvernement économique de la zone euro, avec des réunions régulières des pays de la zone, un président du Conseil de la zone euro, et des mécanismes de concertation régulière. La prise de décision au sein de la zone euro sera ainsi facilitée, ce qui est bien nécessaire, comme nous avons pu le constater au cours des derniers mois.
Le deuxième volet du traité se compose des règles de responsabilité budgétaire visant à maîtriser l’endettement avec, d’une part, la règle d’or, qui devra être introduite dans les législations nationales, et, d’autre part, des sanctions en cas de non-respect des règles de la discipline budgétaire, mises en œuvre sur l’initiative de la Commission, sauf si une majorité qualifiée s’y oppose au Conseil.
Le troisième volet comprend l’affirmation d’une vraie politique de soutien à la croissance, à la convergence et à la compétitivité ; est prévue la possibilité de recourir à des coopérations renforcées pour parvenir à mettre en œuvre de tels programmes.
Je voudrais souligner deux points.
Ce traité respecte la souveraineté budgétaire et la subsidiarité, car il laisse les autorités nationales responsables de la définition des mécanismes qui assureront le respect de la règle d’or, le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne ne portant que sur la transposition des règles du traité dans le droit interne.
Ce traité assure en outre un contrôle démocratique accru, en associant les parlements au pilotage de la politique économique. Il crée ainsi une conférence des présidents des commissions des finances des parlements nationaux et du Parlement européen, qui seront associés aux mécanismes de la zone euro.
J’y insiste, dans cette réponse globale à la crise en zone euro, évidemment aucun diktat n’a été relevé. Présenter les choses ainsi est une mauvaise caricature. Quelle est la réalité ? Des compromis ont été faits et le moteur franco-allemand a excellemment fonctionné, comme on a pu s’en rendre compte encore hier, à l’occasion du conseil des ministres franco-allemand. Notons également un résultat équilibré, des mécanismes de solidarité devenus permanents, qui sont combinés avec un saut de gouvernance économique, de responsabilité budgétaire et de soutien à la croissance.
Certes, la situation de la Grèce n’est pas stabilisée. L’année 2012 restera très difficile. Elle verra la poursuite de la consolidation de la situation ; tout devra être fait pour stimuler la croissance. Mais nous avons à présent les outils pour nous battre, et rien ne serait plus périlleux, ainsi que l’a souligné Robert del Picchia, que de tout remettre en cause.
Au-delà de ces dispositions juridiques et institutionnelles, il nous revient, bien sûr, de recréer ce désir d’Europe, que Christian Cambon a appelé de ses vœux, ce qui me semble possible. Effectivement, malgré la difficulté de la tâche et la complexité des mécanismes qui ont été mis en œuvre, les opinions publiques européennes se sont bien rendu compte que, dans ce monde extraordinairement turbulent, seule l’Union européenne peut nous apporter un surcroît de stabilité.
Le deuxième grand défi que nous devons relever, c’est, bien évidemment, le printemps arabe, ainsi que l’ont souligné plusieurs orateurs. Cette mutation majeure change complètement la donne dans le proche environnement de nos pays.
Pendant des années, c’est vrai, au nom de la sécurité et de la stabilité, de l’endiguement de l’islamisme djihadiste et de la lutte contre le terrorisme, nous avons soutenu – j’entends par « nous » de nombreux gouvernements et pays – des gouvernements qui ne respectaient pas les droits de l’homme et freinaient le développement de leur pays. D’une certaine manière, c’était admettre que certaines régions du monde ne sont pas faites pour la démocratie.
Par son ampleur, que nul ne pouvait prévoir, pas même vous, monsieur Boulaud, le printemps arabe a balayé des décennies d’immobilisme. (M. Didier Boulaud marque son approbation.). J’ai apprécié le quitus que vous avez donné au Gouvernement, monsieur le sénateur, et j’ai bien noté vos questions. Je le reconnais, nous avons tous été pris par surprise. Je voudrais rappeler que le président Obama recevait encore à Washington au mois de septembre 2010 le président Moubarak, avec beaucoup de solennité. Nous n’avons pas été doués d’une prescience plus grande que nombre de nos partenaires, mais, je le crois, les torts sont largement partagés.
Ce printemps arabe a montré la force des aspirations des peuples. Il nous a renvoyés à notre propre histoire, en nous rappelant aussi que le chemin vers la démocratie est long et exigeant, et que chaque pays avance à son rythme. Nous avons su réagir vite et avec lucidité, et c’est bien là le point important.
Avec les pays qui ont d’ores et déjà engagé la transition démocratique, nous faisons le pari de la confiance, je l’ai dit à plusieurs reprises. Nous savons tous que la démocratie ne se fera pas en un jour. Nous en savons quelque chose, il lui a fallu presque un siècle pour s’imposer en France ! Nous savons aussi tous que l’histoire peut réserver des déceptions ou des surprises. Nous sommes tous déterminés à faire preuve de vigilance pour que les nouveaux gouvernements restent fidèles aux valeurs pour lesquelles ils ont été élus et respectent les règles de la vie démocratique. Mais je ne vois pas au nom de quoi nous pourrions refuser à des peuples dont la voix a été si longtemps étouffée le droit d’exprimer leur choix.
Nous apportons donc notre soutien à ces pays, à leurs nouvelles institutions, à leurs économies, à leurs projets de société grâce à notre coopération nationale, à l’Union pour la Méditerranée ou au « partenariat de Deauville », lancé par le G8, et dont Jean-Louis Carrère a dit tout à l'heure qu’il était une initiative salutaire. Je signale au passage que ce partenariat – cela a pu être constaté lors de la réunion que j’ai présidée au nom de la France, alors présidente du G8, à la fin de l’an dernier – représente une masse de manœuvre de 60 à 80 milliards de dollars, qui pourra être mobilisée au profit des pays du printemps arabe : le Maroc, la Tunisie, l’Égypte, la Jordanie et la Lybie, les quatre premiers ayant été représentés à Deauville lors dudit sommet. Les organisations multilatérales contribueront à hauteur de la moitié, environ, de ces 60 à 80 milliards de dollars, ce qui est considérable. Je vous signale que, d'ores et déjà, pratiquement 4 milliards de dollars ont été décaissés au profit de ces pays, pour les aider dans leur processus de transition.
Les esprits chagrins ne verront que la montée de l’islamisme radical, qui est réelle. Je le répète, nous faisons le pari de la confiance, du dialogue avec l’islam modéré et de la construction d’un espace méditerranéen commun.
Nous nous sommes rangés avec détermination aux côtés des peuples qui ont dû engager la lutte pour se libérer de la tyrannie.
Cela a été le cas en Libye. Je ne cesserai de le dire, ce que nous avons fait pour le peuple libyen est un motif de fierté pour la France ! (MM. Christian Cambon et Robert del Picchia applaudissent.) Je garde très fort au fond de moi l’image du drapeau tricolore flottant à Benghazi durant les mois de lutte, puis à Benghazi et à Tripoli lorsque le Président de la République et moi-même nous y sommes rendus.
Je voudrais aussi affirmer, comme tous nos partenaires qui partagent cette conviction, que nous avons respecté l’esprit et la lettre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU. C’est nous faire une mauvaise querelle que de nous accuser d’avoir déformé le principe de la responsabilité de protéger. J’ai été très attentif au développement que M. le président de la commission des affaires étrangères a fait sur ce point.
Posé en 2005, ce principe affirme, je le rappelle, la responsabilité de chaque gouvernement de protéger ses propres populations contre les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité et donne le droit à la communauté internationale de se substituer à un gouvernement qui ne serait pas à la hauteur de cette mission.
À mon sens, ce principe, même s’il fait aujourd'hui l’objet de critiques, de remises en cause, de demandes de réexamen, notamment par un certain nombre de pays émergents, doit rester pour nous une ligne de force de l’action internationale.
J’écoute toujours avec beaucoup d’intérêt et de respect les interventions de M. Chevènement. Mais la fresque qu’il a dressée aujourd'hui de la situation en Lybie est caricaturale. À l’entendre, je me suis demandé si nous n’aurions pas mieux fait de rester inertes et de laisser M. Kadhafi continuer à réprimer le peuple libyen.
Pour ma part, je fais confiance aux nouvelles autorités libyennes. Certes, leur tâche est extrêmement difficile. Je me suis rendu en Lybie voilà quelques semaines encore. J’y ai rencontré le président Moustafa Abdel Jalil et le nouveau Premier ministre, M. Abderrahim Al-Kib, qui m’a fait une bonne impression ; c’est un homme sage et déterminé.
Bien sûr qu’il y a des tensions ! Bien sûr que les factions ne sont pas encore toutes réunifiées ! Bien sûr qu’il y a encore des milices disposant d’armes ! Mais je crois que la volonté des autorités libyennes, comme du peuple libyen, est de respecter la feuille de route politique qu’elles ont fixée. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt une déclaration récente du président Moustafa Abdel Jalil dans laquelle il se réclamait, selon ses propres termes, d’un « islam modéré ».
Et, monsieur Chevènement, le fait que la charia soit invoquée par les nouvelles autorités libyennes peut nous déranger, mais je vous ferai observer que c’est aussi le cas dans nombre de pays arabes avec lesquels nous continuons à entretenir des relations privilégiées.
Quoi qu’il en soit, je le répète, c’est l’obstination du colonel Kadhafi qui a mené au résultat que nous connaissons. S’il avait accepté les propositions de règlement politique qui lui ont été adressées à plusieurs reprises, y compris par la coalition, nous n’aurions pas été obligés d’aller jusqu’au bout du chemin et de le débusquer dans son dernier repère de Misrata.
Je veux également vous répondre à propos de la Syrie. On ne peut pas renvoyer dos à dos le gouvernement en place et ceux que certains, notamment les Russes, appellent les « terroristes ». On ne peut pas tout mettre sur le même plan !
D’un côté, nous avons un régime qui a du sang sur les mains et qui se livre à une répression parmi les plus sauvages observées depuis longtemps. J’ai cité les chiffres au Conseil de sécurité, ils sont connus et validés par les Nations unies. On relève 6 000 morts, dont près de 400 enfants assassinés. La torture est pratiquée. On dénombre également 15 000 prisonniers dans les geôles syriennes.
De l’autre, nous avons une grande partie de la population qui se bat à mains nues, notamment à Homs. Il est vrai que, ici ou là, des milices commencent à s’armer pour protéger les populations civiles. Mais on ne peut pas mettre les deux attitudes sur le même plan.
Vous le savez, la France est depuis des mois à la pointe du combat international pour faire cesser les violences.
Si je me suis rendu à New York assister à une séance du Conseil de sécurité des Nations unies consacrée à la Syrie, c’est pour convaincre quelques États encore réticents de mettre un terme à ce que j’ai qualifié de silence « scandaleux » : la situation en Syrie ne cesse de se détériorer et le Conseil de sécurité doit jouer pleinement son rôle.
La France a donc été à l’initiative de onze trains de sanctions imposées par l’Union européenne à l’encontre du régime et de ses protagonistes. J’ai également entretenu – je continue à en entretenir – des contacts réguliers avec l’opposition pacifique pour l’aider à poursuivre ses efforts d’unification, notamment en intégrant mieux la diversité syrienne, c'est-à-dire les minorités religieuses et ethniques. Je salue le travail du Conseil national syrien, qui est pour nous un interlocuteur légitime. Je veux surtout rendre hommage au courage extraordinaire du peuple syrien.
Comme je l’ai indiqué, la France a tout fait pour obtenir une résolution du Conseil de sécurité. Je suis allé moi-même plaider en ce sens à New York avec plusieurs de nos partenaires.
Nous étions parvenus à un texte qui aurait pu obtenir un accord général au Conseil, parce que nous avions accepté un certain nombre de concessions, afin d’entraîner le vote russe. Il n’y avait ni référence au chapitre VII de la Charte des Nations unies, ni embargo sur les armes, ni menace de sanctions. Il était inscrit noir sur blanc dans le projet de résolution qu’il n’y aurait pas d’option militaire, afin de ne pas fournir de prétexte à certains, comme cela avait pu se produire lors la résolution 1973. Nous nous cantonnions donc à une condamnation morale de la répression – c’est bien le minimum – et à un soutien au plan de règlement politique du conflit présenté par la Ligue arabe.
Mais la Russie et la Chine ont finalement fait le choix d’émettre un veto, prenant ainsi une très lourde responsabilité devant l’Histoire, à un moment où le régime de Damas est dans une fuite en avant criminelle et menace tout le peuple syrien.
Néanmoins, nous ne nous résolvons pas à l’impuissance. Nous ne baissons pas les bras ; je le dis à Jean-Michel Baylet, qui nous a invités à poursuivre le combat. Nous ne relâcherons pas la pression sur Bachar Al Assad. Dès l’annonce du veto, le Président de la République a proposé la constitution d’un groupe des amis du peuple syrien rassemblant tous ceux qui, au sein de la communauté internationale, considèrent la situation actuelle inacceptable et veulent continuer à apporter leur soutien à l’initiative de la Ligue arabe.
Je le rappelle, sur ce projet de résolution, nous avons obtenu au Conseil de sécurité treize voix sur quinze, y compris celles de l’Inde ou de l’Afrique du Sud, dans un premier temps réticentes.
Nous voulons donc garder ce momentum, associer les pays que je viens de mentionner, les pays de l’Union européenne, ainsi que tous les pays qui voudront se joindre aux efforts de la Ligue arabe pour accentuer la pression non seulement sur ceux qui continuent à mettre leur veto, mais aussi sur le pouvoir syrien lui-même.
Le régime syrien ne doit pas se tromper : il est isolé et discrédité au plan international ; ses jours sont comptés et le veto à New York n’est pas un blanc-seing pour continuer à massacrer le peuple syrien.
Toujours à propos du printemps arabe, j’aimerais répondre à Mme Josette Durrieu sur le processus de paix au Proche-Orient.
Nous n’avons eu de cesse de le répéter, il n’y a pas d’autre solution que les deux États.
Vous le savez, depuis le 3 janvier, la Jordanie a accueilli plusieurs rencontres entre Israéliens et Palestiniens sous l’égide du Quartet. Nous avons soutenu ces efforts pour relancer des pourparlers directs, tout en restant sceptiques sur les chances de réels progrès, et les événements récents ont confirmé notre scepticisme.
Des mesures doivent être prises pour rétablir la confiance et permettre aux Palestiniens de poursuivre les échanges. Dans cet esprit, nous avons demandé à Israël de libérer des prisonniers palestiniens détenus de longue date, sans succès à ce jour.
Par ailleurs, l’intensification de la colonisation porte un coup dur non seulement à la confiance, mais également à la possibilité territoriale de la solution de deux États. Nous avons condamné cette politique, en plein accord avec tous nos partenaires européens.
Je ne peux pas non plus souscrire aux propos de Mme Durrieu sur l’Iran. Il est fallacieux de parler de « deux poids, deux mesures ».
L’Iran a signé et ratifié le traité de non-prolifération des armes nucléaires de son plein gré, contrairement à Israël, à l’Inde et au Pakistan, qui l’ont repoussé ; c’était bien leur droit.
Par conséquent, il est clair que l’Iran viole aujourd'hui ses engagements internationaux. Il bafoue non seulement la lettre et l’esprit du traité de non-prolifération, mais aussi les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, ainsi que les décisions du Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale pour l’énergie atomique.
L’argument qui a été avancé ne tient donc pas la route, je le répète.
En plus, l’Iran menace d’extermination et d’éradication un des États de la région, ce qui le place dans une situation assez particulière…
Pour ma part, je n’ai aucun doute quant à la volonté de l’Iran de se doter d’un programme militaire nucléaire. Les rapports de l’Agence internationale pour l’énergie atomique, que j’ai lus, sont formels sur ce point. On n’enrichit pas l’uranium à 20 %, on n’enfouit pas dans les profondeurs du sol une usine d’enrichissement d’uranium pour faire de l’énergie nucléaire civile…
D’ailleurs, la meilleure manière pour l’Iran de nous faire changer de conviction est simple : venir s’asseoir à la table des négociations, comme nous n’avons de cesse de lui proposer. Cela suppose évidemment que le régime ne pose pas de condition préalable et accepte de discuter de son programme nucléaire, et non de l’air du temps ou de la situation générale de la région… Pour l’instant, l’Iran refuse cette proposition, qui lui a été adressée par Mme Ashton au nom du groupe des Six.
Aussi, et afin d’éviter une option militaire, qui aurait des conséquences irréparables, nous avons choisi d’aller beaucoup plus loin dans les sanctions. C’est une nouvelle initiative de la France. Le Président de la République a proposé à nos partenaires européens et à un certain nombre de partenaires extra-européens des sanctions efficaces, qui portent sur le gel des avoirs de la banque centrale et sur les exportations pétrolières de l’Iran. Le Congrès américain les a votées, le président des États-Unis les a ratifiées et les Européens se sont mis d'accord à la fin du mois de janvier lors d’un conseil des ministres des affaires étrangères.
Certes, ces sanctions peuvent être douloureuses pour le peuple iranien. Mais je crois que c’est la seule manière pour nous de faire plier ce régime et de le ramener à la table des négociations, afin d’éviter la tentation militaire.
Je voudrais enfin rappeler que le régime est de nature répressive. Vous avez parlé tout à l’heure de l’organisation des élections. J’espère qu’elles ne se passeront pas dans les mêmes conditions que les précédentes ; les deux leaders de l’opposition sont en résidence surveillée dans des conditions qu’il est fort difficile d’apprécier !
J’en viens à l’Afghanistan, qui mérite, je le crois, des développements plus approfondis. C’est une priorité importante de notre action.
C’est bien sûr avec une très grande émotion que, comme chacune et chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons appris la mort de quatre de nos soldats le 20 janvier dernier. Ils ne sont pas morts au combat. Ils ont été assassinés – c’est le terme qui convient – dans un camp pendant l’entraînement par un taliban déguisé en soldat afghan.
Le Président de la République et le Gouvernement ont immédiatement tiré les conséquences d’une telle attaque. Après s’être entretenu avec le président afghan en visite à Paris, le chef de l’État a pris des décisions importantes.
Afin de répondre aux infiltrations de talibans dans l’armée afghane, nous avons obtenu des engagements précis du président Karzaï sur la modification des conditions de recrutement et d’exécution de notre mission de formation.
Parallèlement, le transfert graduel des responsabilités de combat permettra de planifier le retour de la totalité de nos forces combattantes dès la fin de l’année 2013.
À cet égard, je veux être tout à fait clair. Le retrait a déjà commencé. Ainsi, 400 soldats sont déjà rentrés en France l’an dernier ou au début de cette année. D’ici à la fin de cette année, compte tenu des progrès de la transition, ce sont 1 000 soldats supplémentaires qui quitteront l’Afghanistan. Ce retrait correspond bien au schéma arrêté à Lisbonne au mois de novembre 2010, c'est-à-dire la transition et le transfert à l’armée afghane de la sécurité des régions, lorsqu’elle est en mesure d’assumer ses responsabilités. Cela a déjà été fait pour la Surobi. C'est la raison pour laquelle nous avons déjà retiré 400 hommes qui seront bientôt suivis par 400 autres.
Nous avons obtenu du président Karzaï l’assurance que l’ensemble de la région de la Kapisa figurerait dans la troisième vague de régions en transition, ce qui nous permettra d’achever le retour de nos forces combattantes à la fin de l’année 2013.
C’est donc un retrait ordonné, en parfaite cohérence avec ce que nous avions annoncé en 2010 et en 2011. Il s’inscrit dans le cadre de la stratégie de transition. Le président Karzaï s’est engagé sur ce point de manière très claire.
Nous avons aussi souhaité mobiliser l’Alliance atlantique. J’en viens ainsi à la deuxième question de M. Boulaud. La réflexion s’est engagée entre les Alliés sur une prise en charge des missions de combat de l’OTAN par l’armée afghane au cours de l’année 2013. Nous avons aussi demandé à l’OTAN une réflexion collective sur des mesures de sécurité. Quand M. Hue affirme que nous nous sommes alignés sur les États-Unis, c’est évidemment une inexactitude totale. Nous avons notre propre marge d’initiative. Naturellement, nous agissons en concertation avec nos alliés.
Plus généralement, notre stratégie de transition se fonde sur une action politique, qui repose elle-même sur trois piliers.
Le premier pilier concerne la reconstruction et le développement du pays. Je rassure M. de Montesquiou : nous avons déjà construit des écoles des routes et aménagé des hôpitaux.
M. Alain Juppé, ministre d'État. Non ! Nous l’avons fait de manière significative.
Et la France ira beaucoup plus loin. En effet, le 27 janvier dernier, lors de la visite du président Karzaï, nous avons signé – nous sommes le premier pays à l’avoir fait – un traité d’amitié et de coopération portant sur une période de vingt ans et comprenant un plan d’action de cinq ans et un effort budgétaire sensible pour nous permettre de contribuer au développement économique dans de nombreux secteurs déjà mentionnés, comme la santé, l’éducation ou l’agriculture.
Ce traité comporte également une action de formation des forces afghanes sur le long terme. Au-delà du retrait de nos forces combattantes, quelques centaines de militaires demeureront sur place pour assumer cette mission.
Le deuxième pilier de l’action vise la recherche d’une solution politique associée à un processus de réconciliation inter-afghane – c’est votre troisième question, monsieur Boulaud. Ce processus, auquel nous sommes associés, est amorcé, grâce, notamment, à l’ouverture annoncée d’un bureau des talibans au Qatar, mais reste très fragile.
Le troisième pilier, autre question que vous avez soulevée, monsieur le sénateur, correspond à une dynamique régionale, lancée par la France, qui a suggéré de mettre en place un système de sécurité collective autour de l’Afghanistan mobilisant ses voisins. Un tel effort nécessite beaucoup d’énergie, car il est extrêmement difficile de réunir autour d’une même table l’Iran, le Pakistan et les pays d’Asie centrale.