M. Philippe Dallier. Ils le seront !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas possible, monsieur Dallier !
M. Philippe Dallier. Mais si, madame !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas parce que l’amendement n° 44 rectifié sera adopté que les dispositions législatives existantes seront en quoi que ce soit bafouées !
L'article 40 de la Constitution ne peut s’appliquer puisque la proposition qui nous est faite n’emporte pas création d’une charge nouvelle. Elle induit simplement la possibilité d’une utilisation différente des dépenses existantes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je me suis expliqué, hier soir, sur le fond du problème. Si je ne partage pas les observations de M. Dallier sur l'article 40 de la Constitution, je maintiens, en revanche, au nom de mon groupe, la position que j’ai déjà exposée sur l’amendement.
Il y a, dans la Constitution, un principe relatif au droit de propriété. J’entends les arguments qui ont été développés et il est parfaitement légitime, sur le plan social et humain, de s’intéresser à ceux, nombreux, qui sont dans des situations de détresse en matière de logement.
Mais cela suppose de prendre d’autres dispositions législatives que celles qui nous sont proposées par le biais de cet amendement, dont l’objet est double : surseoir à toute mesure d’expulsion dès qu’une demande est déposée au titre de la loi DALO ; interdire le concours de la force publique aussitôt qu’une personne est reconnue prioritaire par la commission DALO.
Certes, je comprends parfaitement le message qui est adressé à nos concitoyens, mais je doute que ce ne puisse être autre chose qu’un message. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, la loi en elle-même ne se contente-t-elle pas d’adresser uniquement des messages ?
À quoi bon recourir à ce type de procédures sachant qu’elles n’auront malheureusement aucun effet sur le terrain ? En effet, je le maintiens, nous sommes face à un principe constitutionnel, le respect du droit de propriété.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 81 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 163 |
Contre | 168 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 611-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes éprouvant des difficultés particulières, au regard de leur patrimoine, de l’insuffisance de leurs ressources ou de leurs conditions d’existence ne peuvent faire l’objet d’une procédure d’expulsion sans relogement. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Afin que nous ne perdions pas de temps, je le retire, monsieur le président.
M. André Ferrand. Cela part d’un bon sentiment ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié est retiré.
Article 2 bis AA (nouveau)
La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifiée :
1° L’article 17 est ainsi modifié :
a) Le a est ainsi rédigé :
« a) Le loyer des logements vacants ou faisant l'objet d'une première location est fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables dans les conditions définies à l'article 19.
« En cas de non-respect par le bailleur des dispositions de l'article 19, le locataire dispose, sans qu'il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours, d'un délai de six mois pour contester le montant du loyer auprès de la commission de conciliation.
« À défaut d'accord constaté par la commission, le juge, saisi par l'une ou l'autre des parties, fixe le loyer. » ;
b) Le b est abrogé ;
2° Le premier alinéa de l'article 18 est ainsi rédigé :
« Dans les zones géographiques où le niveau et l'évolution des loyers comparés à ceux constatés sur l'ensemble du territoire révèlent une situation anormale du marché locatif, un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de concertation, peut fixer le montant maximal d'évolution des loyers des contrats renouvelés définis au c de l'article 17 ainsi que le niveau des loyers des logements vacants ou faisant l'objet d'une première location définis au a du même article. Dans ce dernier cas, le niveau de loyer ne peut être inférieur à 80 % du loyer moyen constaté pour des logements de caractéristiques comparables par les observatoires de loyers visés à l’article 16. »
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, sur l'article.
M. Gérard Cornu. Cet article, inséré dans le projet de loi sur l’initiative du rapporteur, vise à encadrer les prix des loyers.
Les prix des biens et services sont libres depuis l’ordonnance du 1er décembre 1986 et déterminés par le jeu normal de la concurrence.
Le code de commerce a, certes, prévu une possibilité dérogatoire d’encadrement réglementaire des prix en cas de situation de monopole. Tel n’est pas le cas ici.
En aggravant la pénurie de logements, un régime de plafonnement des prix pour les primo-locations aurait un certain nombre d’effets néfastes pour le consommateur.
Il aurait, d’abord, pour effet de revenir sur le principe de libre fixation des loyers entre les parties pour les logements vacants ou des logements qu’ils souhaitent mettre en première location. Il aurait, ensuite, pour conséquence de diminuer les incitations à remettre des logements en location, alors qu’il faudrait, au contraire, accroître l’offre pour faire baisser les prix. Il aurait, enfin, pour résultat de diminuer les investissements des bailleurs privés dans la rénovation des logements.
Par ailleurs, le dernier alinéa de l’article précise que le niveau des loyers des logements faisant l’objet d’une première location, dans les zones de situation anormale du marché locatif, ne peut pas « être inférieur à 80 % du loyer moyen constaté pour des logements de caractéristiques comparables par les observatoires de loyers visés à l’article 16 ».
Cela impliquerait, a contrario, que le loyer issu du calcul d’évolution pourrait donc être inférieur au niveau du marché. Dans ces conditions, les propriétaires n’auraient réellement aucun intérêt à investir !
La seule réponse pertinente à la hausse des loyers est de relancer la construction à grande échelle dans les zones les plus tendues.
La réponse aux enjeux de la hausse de loyers s’inscrit non dans une réglementation trop contraignante et source de multiples contentieux entre locataires et bailleurs, mais dans la recherche de solutions pragmatiques.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que le groupe UMP demandera la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, sur l’article.
M. Claude Jeannerot. Vous n’en serez pas étonnés, la tonalité de mon intervention sera très différente de celle de M. Cornu !
L’article 2 bis AA du projet de loi a pour finalité de permettre de contenir la hausse continue des loyers observée depuis plus de dix ans.
Chacun sait ici que, pour beaucoup de nos concitoyens, la stagnation, voire la baisse de leur niveau de vie depuis de longues années, est en bonne partie liée au coût du logement. Les sommes qui lui sont consacrées ont plus que doublé en dix ans !
Pourtant, les loyers sont déjà en partie régulés. C’est d’ailleurs ce qui explique que, même si leur augmentation est trop élevée, elle reste deux fois moins rapide que celle des prix de l’immobilier à l’achat. Elle demeure, néanmoins, très importante. Ainsi, dans le parc locatif privé, qui accueille 24 % des ménages, un locataire ne peut pas subir, au cours d’un bail, une augmentation supérieure à l’indice de référence de loyers, qui est lui-même basé sur l’indice des prix à la consommation.
Au contraire, lors du renouvellement du bail d’un locataire, tous les trois ans, le loyer peut être réévalué si le propriétaire prouve qu’il était sous-évalué par rapport au niveau des loyers dans le voisinage.
Cependant, cette régulation demeure insuffisante pour enrayer les difficultés d’accès aux logements. Jugez-en : d’après les observations faites, les hausses lors des relocations ont été de 5,7 % par an depuis 1998, avec des pointes à 7 % certaines années, soit, en dix ans, près de 60 % d’augmentation des loyers à la relocation à Paris, contre 40 % en province !
Ces chiffres ont de quoi interloquer lorsque l’on sait qu’un bailleur privé change de locataire en moyenne tous les quatre ans.
Ces hausses de loyer rendent illusoire le droit au logement, pourtant consacré par l’article 1er de la loi de 1989.
Les jeunes ménages sont les plus touchés par ce phénomène. En effet, souvent locataires, ils ont tendance à déménager fréquemment au démarrage de leur vie professionnelle.
Le manque de fluidité du marché de la location est l’un des effets pervers de cette situation.
C’est ainsi que nombre de ménages hésitent à changer de logement, bien que celui-ci soit devenu inadapté par sa taille ou sa localisation, tout cela parce qu’ils redoutent d’être pénalisés financièrement.
Les loyers des logements vacants ou faisant l’objet d’une première location seront fixés « par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables ». Cette disposition va dans le bon sens, mes chers collègues.
D’ailleurs, un tel dispositif, connu sous le nom de « miroir des loyers », existe en Allemagne, où il a fait la preuve de son succès. En tout cas, contrairement à ce qui a été dit et à ce que craignent certains membres de l’opposition sénatoriale, il n’a pas découragé les investissements dans l’immobilier locatif ni entraîné une dégradation des logements. Au contraire ! Le parc locatif privé allemand représente 52 % du parc total en Allemagne, contre 24 % en France.
Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir trouver un toit qui réponde à leurs besoins et à leurs moyens. L’encadrement raisonné, raisonnable et équilibré des loyers me paraît représenter une réponse nécessaire pour faire face à une situation dans laquelle le coût du logement est devenu inabordable pour beaucoup, insupportable pour les catégories moyennes et de plus en plus difficile pour les classes moyennes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Cornu et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Ce moment est important. On voit bien les clivages politiques entre la majorité sénatoriale et l’opposition. De plus, au sein de la majorité sénatoriale peuvent s’exprimer des différences, comme on l’a vu lors du scrutin public précédent.
Je voudrais rappeler à l’ensemble de nos collègues ici présents la teneur de cet article. C’est vraiment très important ! Et c’est la raison pour laquelle nous voulons le supprimer.
Cet article dispose que « le loyer des logements vacants ou faisant l’objet d’une première location » – je dis bien : « une première location » – « est fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables [...] ».
Il est donc porté atteinte à la propriété privée, à la libre gestion de cette dernière dans la mesure où un propriétaire ne pourra plus fixer son loyer comme il le souhaite.
Et « en cas de non-respect par le bailleur des dispositions de l’article 19, le locataire dispose, sans qu’il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours, d’un délai de six mois pour contester le montant du loyer auprès de la commission de conciliation ».
Et cela ne suffisait pas ! On en rajoute encore ! « À défaut d’accord constaté par la commission, le juge, saisi par l’une ou l’autre des parties, fixe le loyer. » !
L’article 2 bis AA est donc loin d’être anodin.
Il faut se réveiller ! Cet article n’est pas réaliste et produira l’effet inverse de celui qui est recherché. Mettez-vous à la place des propriétaires ! Ils ne feront plus de travaux dans les logements et investiront ailleurs.
Croyez-vous vraiment qu’un propriétaire qui reçoit 800 euros de loyer par mois et auquel on annonce qu’il n’en percevra plus que 700 continuera à faire des travaux dans le logement qu’il loue ? (Non ! sur les travées de l’UMP.) Non, il le revendra et investira son argent ailleurs ! Cette disposition aura des conséquences catastrophiques.
M. Claude Bérit-Débat. Démagogie !
M. Gérard Cornu. Dans ce domaine, vous êtes en dehors de la réalité ! (Ce n’est pas vrai ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Vous serez ensuite les premiers à vous plaindre que l’on ne construit plus et que le nombre de logements locatifs régresse ; d’ailleurs on n’en trouvera plus que dans le secteur social.
La France, c’est l’un de ses atouts, compte encore des bailleurs privés dans le secteur locatif. Cet article va complètement les décourager. J’en appelle à votre bon sens ! Encore une fois, réveillez-vous ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et le rapport entre les salaires et les loyers !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La commission a inséré dans le texte, sur mon initiative, l’article 2 bis AA, qui renforce l’encadrement de l’évolution des loyers.
Cet amendement de suppression ne me surprend pas, car cette disposition, je le sais, est loin de satisfaire la minorité sénatoriale.
M. Francis Delattre. Oh !
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Cependant, je souhaite faire les remarques suivantes.
Cette disposition vise à apporter une réponse à la flambée des loyers dans notre pays, plus particulièrement dans les zones tendues. Les loyers augmentent ainsi sensiblement à la relocation : en 2010, ils se sont ainsi appréciés de près de 9 % à Paris, de 5,4 % en proche banlieue et de près de 2 % en province, ce dernier chiffre étant d’ailleurs trompeur puisqu’il ne différencie pas les zones tendues des zones non tendues. Il s’agit d’une réponse souple et adaptée aux réalités locales.
Il est ainsi prévu, aux alinéas 2 à 7, que les loyers des logements vacants ou faisant l’objet d’une première location doivent être fixés par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage. Il s’agit donc bien de limiter l’augmentation des loyers en tenant compte de la réalité locale.
Les alinéas 8 et 9 prévoient un encadrement spécifique dans les zones tendues. Les auteurs de cet amendement considèrent qu’il s’agit d’une disposition archaïque.
M. Francis Delattre. Idéologique !
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Je souhaite faire deux remarques à ce propos.
Quelles solutions alternatives nos collègues proposent-ils afin de limiter l’augmentation des loyers ? Leur flambée actuelle montre que se contenter de faire confiance au marché n’est pas responsable.
Par ailleurs, le dispositif mis en place par cet article s’inspire du dispositif existant pour l’évolution des loyers au renouvellement du bail, qui figure au c de l’article 17 de la loi de 1989. Ce dispositif a porté ses fruits puisque l’évolution des loyers au renouvellement de bail est très limitée, de l’ordre de 0,5 %. Est-ce à dire que le dispositif actuel, qui semble fonctionner, est archaïque ?
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Je suis d’accord avec M. Cornu : cet amendement illustre en effet un certain clivage entre nous, et nous l’assumons totalement.
Si cet article a rencontré un tel écho dans cet hémicycle et ailleurs, c’est parce qu’il symbolise notre volonté de mettre en place une politique équilibrée, visant à garantir à tous nos concitoyens, quels que soient leurs revenus, la possibilité de se loger. Personne n’ignore ici, en effet, que les loyers augmentent beaucoup plus vite que le coût de la vie et les revenus des Français.
Aujourd’hui, dans les petites annonces, des studios parisiens sont proposés à la location à 700 ou 800 euros. Est-ce normal ?
M. Gérard Cornu. Paris n’est pas la France !
M. Thierry Repentin. C’est le cas, aussi, dans d’autres zones tendues. J’ai lu ce matin qu’un studio de 30 mètres carrés, à Annecy – une commune que nous connaissons bien, le président de séance et moi-même ! – se louait 800 euros.
Cet article, inséré par la commission sur l’initiative du rapporteur, est tout à fait juste et équilibré.
Il est juste, car il ne spolie personne. Je récuse en effet votre exemple, monsieur Cornu. Vous avez dit que, si cet article était adopté, un propriétaire percevant un loyer de 800 euros pourrait se voir privé, du jour au lendemain, de 100 euros. C’est faux !
La fixation de loyers de référence – les loyers ne devront pas dépasser, par exemple, 80 % de ce plafond – ne s’appliquera en effet qu’aux logements vacants, et donc remis sur le marché, ou à ceux qui seront proposés pour la première fois à la location. Les loyers d’ores et déjà perçus ne sont pas visés.
L’article prévoit simplement, en cas de changement de locataire, de plafonner l’augmentation du loyer. Une telle disposition a d’ores et déjà été en vigueur entre 1989 et 1997, sous plusieurs gouvernements successifs, de droite comme de gauche ; ceux que vous souteniez, à l’époque, ne l’ont pas remise en cause.
De superbes graphiques reproduits dans le rapport montrent l’évolution des loyers dans la période précédant 1997, lorsque ce dispositif était en place, puis dans la période postérieure : après 1997, les loyers à la relocation ont explosé, comme par magie. Cela ne vous interpelle pas ?
En revanche, des locataires demeurés dans leur logement du parc privé et qui entretenaient une relation normale avec leur propriétaire ont vu leur loyer progresser régulièrement, en fonction de l’évolution de l’indice de référence des loyers, l’IRL. Leur propriétaire n’a pas vendu pour autant leur appartement, au motif qu’il ne leur rapporterait pas suffisamment !
Cessez de dire que, avec ce type d’article, nous montrons du doigt tous les propriétaires en les taxant d’être des profiteurs. Nous ne visons que les situations anormales.
Cet article a aussi le mérite de prendre en compte les spécificités des territoires. Il dispose que le loyer des logements faisant l’objet d’une première location ou des logements vacants remis sur le marché sera fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage, dans le bassin de vie.
Il n’est pas normal, selon nous, que les loyers, au cours des dix dernières années, aient augmenté de 23 % dans le secteur locatif social, de 43 % dans le secteur privé, et de 90 %, pour les relocations. On ne peut continuer ainsi, sauf à considérer qu’il est légitime de priver de logement une partie de la jeunesse issue des classes moyennes et populaires.
Nous vous proposons simplement de revenir à des dispositions qui ont fait leurs preuves dans le passé, afin de remettre de l’ordre, en temps de crise, dans un marché aujourd’hui totalement dérégulé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. J’ai écouté avec attention, hier, notre collègue aux étranges lucarnes. Il avait pris la parole juste auprès des personnes chargées de la campagne de M. Hollande...
L’article que le Sénat examine aujourd’hui, nous l’avons bien compris, est l’une des premières pierres de la campagne présidentielle du candidat socialiste. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Je suis moi-même élu dans une zone dite « tendue ». En région parisienne, où construit-on ? Sûrement pas à Paris !
Mme Nathalie Goulet. Ni à Neuilly !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En tout cas, on construit à Paris beaucoup plus qu’à Neuilly !
M. Francis Delattre. Certes, ma chère collègue, mais le maire de cette ville est M. Fromentin...
Dans les départements limitrophes de Paris, nous construisons !
Hier, après notre collègue aux étranges lucarnes, est intervenu un véritable expert, qui recommandait quant à lui de construire, car c’est la seule vraie réforme utile pour résoudre les problèmes de pénurie de logements et de flambée des prix.
Construisez-vous, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, dans les grandes métropoles que vous dirigez ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Claude Bérit-Débat. Bien sûr !
M. Francis Delattre. Lorsque l’on contrôle toutes les régions, plus de 50 % des grandes villes et 60 % des conseils généraux, il est légitime de s’interroger sur sa responsabilité en matière de construction de logements. (Protestations sur les mêmes travées.)
Selon vous, les problèmes ont commencé, comme par hasard, en 2007. Je dirai plutôt que la pénurie de logements est apparue dans les années 2005-2006. D’après vous, quelle en est la raison ?
Vous souvenez-vous, mes chers collègues de gauche, du nombre de logements sociaux construits par le dernier gouvernement que vous ayez soutenu ? Il en construisait 40 000 par an ! Pour notre part, nous en sommes à 120 000. Cessez donc de nous donner des leçons !
Loin de nous l’idée de vous faire la leçon à notre tour. Nous tenons seulement à vous appeler au réalisme et au bon sens.
Vous feriez mieux de réfléchir au moyen de mieux contrôler le foncier dans nos villes, en région parisienne par exemple. Voilà un vrai sujet !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et vous, que faites-vous ?
M. Francis Delattre. Il y avait des instruments pour cela : un compte spécial du Trésor, un système de revolving favorisant les opportunités foncières, l’Agence foncière et technique de la région parisienne, l’AFTRP, qui intervenait en cas de besoin.
Nous avons construit les villes nouvelles – je le rappelle devant de l’une de leurs représentantes – et géré leurs milliers d’hectares. Nous avons su, aussi, maîtriser les principaux massifs fonciers. Pourquoi avez-vous abandonné cette politique foncière ?
Vous m’objecterez que nous aurions pu, depuis dix ans, reprendre cette action. Or il est très compliqué de relancer une politique foncière à partir de zéro. Il faut du temps non seulement pour construire, mais aussi pour maîtriser le foncier !
Par ailleurs, s’agissant de votre aparté sur les petites surfaces parisiennes scandaleusement chères, notamment celles qui sont louées aux étudiants, j’ai du mal à comprendre votre logique, mon cher collègue.
La commission des finances du Sénat a en effet déposé, lors du débat budgétaire, un amendement tendant à supprimer la mesure mise en place par le Gouvernement pour mettre fin au scandale des loyers abusifs des chambres de bonne. Même votre journal préféré, Libération, a consacré une demi-page à ce sujet. Quelle est la cohérence ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. M. Repentin a cité les exemples de Paris et Annecy. Or le présent article ne concerne pas uniquement les zones tendues, mais l’ensemble de la France !
En outre, ces exemples ne sont pas représentatifs de la réalité française en matière locative.
Vous ne comprenez pas, monsieur Repentin, le point de vue de l’investisseur potentiel. Nous avons de la chance, en France, que des personnes souhaitent encore investir dans l’immobilier. Ces investisseurs regardent avant tout le rapport entre le prix d’achat et leur revenu locatif, qui est aujourd’hui de l’ordre de 3 % ou 4 %, et non plus de 5 %, compte tenu du prix de la construction.
Si un investisseur potentiel n’a pas la possibilité de fixer librement son loyer – il serait fou de louer à un prix indécent ; la loi de l’offre et la demande ne le permettrait pas ! –, il va fuir.
M. Thierry Repentin. En Suisse ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Gérard Cornu. Vous allez faire fuir les investisseurs potentiels qui sont prêts à investir dans l’immobilier locatif pour aider leurs compatriotes à se loger ! Voilà ce que vous ne comprenez pas !
Vous vous plaindrez, demain, que l’on ne construise plus de logements et que l’on n’investisse plus dans le secteur privé ! Pensez-vous vraiment que vous réglerez le problème à l’aide des seuls investisseurs institutionnels ?
Vous le savez, c’est la grande force de la France que d’avoir des bailleurs privés. Ne les découragez pas ! Avec cette disposition, ce sera le cas... (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne voterai pas cet amendement. En effet, contrairement à ce qu’a dit la droite, cet article prend en compte les spécificités territoriales.
Chers collègues de l’opposition sénatoriale, vous êtes tout de même extraordinaires !
En tant qu’élue parisienne, je vais vous parler de ce que je connais.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Une toute petite partie du territoire !
M. Francis Delattre. Paris, ses musées...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, Paris n’est pas la France, mais, après tout, cet article tend à s’adapter à chaque territoire.
À Paris, le nombre d’appartements privés vacants – je ne parle pas des locaux libérés par les banques, les assurances, etc. – s’élève à plus de 100 000. En fait, ce sont de purs objets spéculatifs, et leurs propriétaires sont beaucoup plus nombreux que ceux qui investissent dans la construction de logements.
D’aucuns me rétorqueront que les personnes à la recherche d’un logement n’ont peut-être pas vocation à s’installer dans de tels appartements, mais telle est la réalité.
Avant même la date prévue par la loi SRU, la ville de Paris parviendra prochainement au seuil de 20 % de logements sociaux publics, et ce grâce à sa majorité d’union de la gauche. Je crois pouvoir dire que nous ne sommes pas étrangers à ce résultat dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Pour ma part, je connais maintes villes dirigées par d’autres majorités qui sont loin d’avoir atteint ce seuil ! Et je constate que vous piétinez tous les jours la loi SRU, mes chers collègues de l’opposition sénatoriale.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il n’est pas toujours possible d’atteindre ce seuil !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Appliquer cette loi permettrait de répondre à la demande de logements locatifs.
M. Francis Delattre. Nous, nous l’appliquons, contrairement à vous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans de multiples municipalités, qu’elles soient grandes ou petites, que vous dirigez, vous vous refusez à appliquer cette loi !