Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Avec la question préalable, vous éliminez toute discussion !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Une chose est certaine, la crise ne s’arrêtera pas pendant la campagne présidentielle…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Pas grâce à vous, ça c’est sûr !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … et il est à parier que la différence se fera sur les questions économiques.
M. Alain Gournac. On verra !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La question qui intéresse nos compatriotes – la seule qui vaille, à vrai dire – est celle des solutions à trouver pour renouer avec la croissance, qui est la grande oubliée des sommets européens qui se sont multipliés.
Sur le terrain de la croissance, la majorité sortante a fait la preuve de son incompétence. (Vives protestations sur les travées de l’UMP.) Nos compatriotes sauront en tirer les conséquences ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, personne ici, en tout cas du côté gauche de l’hémicycle, ne se fait d’illusions quant à l’issue de nos travaux, car le terminus de la navette, chacun le sait, se trouve au Palais Bourbon : nos institutions sont ainsi faites ! Au demeurant, cela ne retire rien à la qualité et à la pertinence de nos débats, d’autant qu’il en reste toujours quelque chose.
M. Roland Courteau. Heureusement !
M. Yvon Collin. En première lecture, le Sénat a tout de même adopté quarante-neuf articles conformes ; ce n’est pas rien !
J’ajouterai que nous partageons tous, quels que soient nos engagements, mes chers collègues, la même volonté de maîtriser nos finances publiques. Et comment pourrait-il en être autrement ? Notre pays est directement dans le viseur des agences de notation ! Si l’on est fondé à s’interroger sur le crédit excessif qui est accordé à ces agences – celles-là mêmes qui, ne l’oublions pas, avaient certifié des produits toxiques à la veille de la crise des subprimes –, force est de constater qu’elles exercent une pression à laquelle il est actuellement difficile pour un pays de se soustraire.
La crise des dettes souveraines oblige donc la France à s’engager rapidement sur la voie d’une réduction de ses déficits publics.
Tel est d’ailleurs l’objet de ce projet de loi de finances rectificative, le quatrième de l’année. Cette boulimie budgétaire illustre bien les difficultés que connaît notre pays pour restaurer un climat de confiance. Elle montre également, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement n’a pas pris assez tôt la mesure, dans sa politique économique et fiscale, du danger qui nous guettait. Plus exactement, sa politique budgétaire s’est enlisée en raison d’une succession de dispositifs qualifiés, à juste titre, par notre collègue rapporteure générale d’« inefficaces et injustes ». Nous avons eu l’occasion de le démontrer ici même à plusieurs reprises lors de nos débats, lesquels ont d’ailleurs toujours été constructifs et intéressants.
Une nouvelle fois, le projet de loi de finances rectificative, tel qu’il résulte des travaux de nos collègues députés, ne trace pas, selon nous, la meilleure des voies pour écarter le risque d’une crise auto-réalisatrice. En outre, il n’épargne pas la rigueur à nos concitoyens les plus fragiles.
Certes, ce collectif budgétaire affiche une « gestion rigoureuse » des dépenses, respectant la double norme en la matière : « zéro volume » et « zéro valeur ». Cela ne saurait toutefois masquer l’augmentation de 1,4 milliard d’euros des dépenses nettes par rapport à la loi de finances initiale, traduisant une hausse de 1 milliard d’euros de la charge de la dette, laquelle progresse ainsi de 5,9 milliards d’euros par rapport à 2010, et un accroissement de 0,4 milliard d’euros des crédits de personnel.
Si le gel en valeur des dépenses de l’État hors charge de la dette et pensions est respecté, c’est donc surtout grâce à la réduction des dépenses d’investissement des collectivités locales, une réduction dont nous serions bien mal avisés, ici, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, de nous réjouir.
Mes chers collègues, nous sommes nombreux à l’avoir déploré : la forte diminution de l’investissement local liée à la crise se traduit par une baisse des prélèvements sur recettes, en particulier de celui qui alimente le FCTVA. Certes, l’effort de maîtrise doit toucher tous les comptes publics, mais les investissements des collectivités territoriales constituent aussi un des moteurs essentiels – pour ne pas dire « le » moteur – de la croissance.
En outre, je remarque que l’État ne s’applique pas à lui-même les injonctions en matière de croissance des dépenses de personnels qu’il adresse régulièrement aux collectivités territoriales, jugées trop dépensières par le Gouvernement, puisqu’il s’autorise en 2011 un dérapage de 0,4 milliard d’euros des crédits du titre II.
On pourrait également être tenté de féliciter le Gouvernement pour la réduction du déficit budgétaire, lequel s’établit à 99,4 milliards d’euros en octobre 2011, soit un recul de plus de 33 milliards d’euros en un an. Mais, derrière l’habillage, monsieur le secrétaire d’État, il y a la réalité des chiffres. Or ceux-ci révèlent que cette diminution est surtout due à des facteurs exceptionnels tels que la non-reconduction des dépenses liées aux « investissements d’avenir » ou au « grand emprunt », ainsi qu’à la baisse des prélèvements sur recettes résultant de la fin du surcoût engendré par la réforme de la taxe professionnelle.
Enfin, ce collectif est l’un des trois textes dans lesquels sont intégrées les mesures issues du deuxième plan de rigueur. Le Gouvernement a insisté à maintes reprises sur le fait que ces mesures pèseraient principalement sur les dépenses. Ce collectif budgétaire entretient effectivement cette illusion en utilisant l’« artifice de l’horizon 2016 ». En effet, si l’on prend seulement en compte les années 2011-2012, la réduction du déficit repose majoritairement sur les recettes.
On attend donc toujours les arbitrages en termes de réduction des dépenses. Pour le moment, ceux-ci se résument essentiellement à la sacro-sainte révision générale des politiques publiques. Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, nous regrettons cette orientation.
Mes chers collègues, compte tenu de ces observations, la très grande majorité des membres du groupe RDSE votera la motion tendant à opposer la question préalable déposée par notre collègue rapporteure générale. (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, nous voici de nouveau appelés à discuter du collectif budgétaire de fin d’année, six jours à peine après son adoption en première lecture, au lendemain de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale et de la nouvelle lecture du projet de loi de finances au Sénat.
L’habituel marathon budgétaire a été particulièrement intense cette année, d’autant qu’il s’est doublé d’un chassé-croisé plutôt inédit des textes budgétaires.
Où en sommes-nous aujourd'hui ?
L’Assemblée nationale est revenue hier sur la plupart des dispositions votées par la majorité de gauche au Sénat, soit pour réintroduire les articles supprimés, soit pour supprimer certaines dispositions introduites, contre l’avis du Gouvernement et malgré l’opposition du groupe UMP, par la Haute Assemblée.
Notons néanmoins que, concernant le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ, et le financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale, la position unanime du Sénat n’a pas été remise en cause, ce dont nous nous félicitons. Le renforcement de la part des représentants des collectivités territoriales au sein du conseil d’administration du FACÉ, qui est passée d’un tiers à deux cinquièmes des sièges, et l’encadrement par la loi des modalités d’action du Fonds constituent d’incontestables avancées.
Les députés ont cependant, plutôt à juste raison, rejeté la proposition de réaliser un rapport sur la transformation de ce Fonds en compte d’affectation spéciale, une telle transformation ayant justement pour vocation d’apporter au Parlement toutes les garanties nécessaires et rendant obligatoire la publication d’un rapport annuel de performance.
Les députés ont par ailleurs rétabli l’augmentation du taux réduit de TVA de 5,5 % à 7 %, laquelle avait été supprimée par la majorité de gauche du Sénat.
Le présent collectif budgétaire a encore été l’occasion pour la gauche sénatoriale, comme ce fut le cas avec le projet de loi de finances pour 2012, de détricoter une grande partie des mesures emblématiques proposées par le Gouvernement. Le relèvement du taux réduit de TVA, qui est l’une des mesures les plus importantes du plan de retour à l’équilibre des finances publiques présenté courageusement par François Fillon le 7 novembre dernier, devrait pourtant rapporter la bagatelle de 1,8 milliard d’euros au budget de l’État…
Les sénateurs de gauche choisissent donc la facilité plutôt que la responsabilité ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Jean Bizet. Eh oui !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Philippe Dallier. Ainsi, au-delà de la TVA, le Sénat a voté la semaine dernière le projet de loi de finances rectificative après l’avoir expurgé de la plupart des autres mesures issues du deuxième plan Fillon.
Jamais à un paradoxe près, la gauche accuse la majorité de construire le budget sur des hypothèses de croissance « fantaisistes »,…
M. Ronan Kerdraon. Oui !
M. Philippe Dallier. … tout en entravant l’action du Gouvernement visant à anticiper le ralentissement de la croissance mondiale !
La gauche accuse le Gouvernement de mener une « politique d’austérité » tout en votant 32 milliards d’euros de taxes supplémentaires en deux mois… (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.)
M. Jean Bizet. Allez comprendre !
M. Philippe Dallier. Cherchez l’erreur ! Imaginez les conséquences de cette décision ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Si l’on suivait la gauche, il faudrait parler non plus d’austérité, mais de récession programmée.
Le plan Fillon II permet un effort dosé, sans peser sur la croissance. L’objectif est bien d’adapter la contribution de chacun en fonction de ses capacités, de préserver les plus fragiles et de laisser des marges de manœuvre aux entreprises.
Le groupe UMP approuve les modifications apportées par l’Assemblée nationale concernant l’augmentation du taux réduit de TVA.
Ainsi, sur l’initiative de notre collègue député François Scellier, le taux de 5,5 % a été maintenu en faveur de l’ensemble des opérations de logement social, de construction et de rénovation, à la condition que ces opérations aient obtenu une autorisation de l’État avant le 1er janvier 2012 ou, dans le cas où une telle autorisation ne serait pas prévue, qu’un avant-contrat de vente ait été signé, une demande de permis de construire déposée ou un acompte versé avant cette même date.
De même, pour les travaux dans les logements, le taux réduit de 5,5 % est maintenu quand un devis a été établi avant le 20 décembre 2011 et le paiement encaissé.
Le groupe UMP approuve également le délai de trois mois laissé aux libraires pour s’organiser avant le passage à 7 % du taux de TVA sur les livres.
Enfin, nous approuvons la suppression par les députés de la mesure réintroduite par la gauche sénatoriale dans le projet de loi de finances rectificative – elle l’avait déjà introduite dans le projet de loi de finances – et mettant fin à la défiscalisation des heures supplémentaires. Sans refaire tout le débat sur ce sujet, je rappellerai simplement que ce sont 9 millions de salariés, dont le salaire mensuel moyen s’élève à 1 500 euros, qui bénéficient de ces heures supplémentaires et gagnent ainsi 460 euros de plus par an. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Philippe Dallier. C’est bien du pouvoir d’achat supplémentaire pour les ouvriers, les employés, les enseignants. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.) Ces catégories ne sont pas les plus aisées, contrairement à ce que vous laissez parfois entendre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
D’ailleurs, ne vous en déplaise, chers collègues de la majorité sénatoriale, le nombre d’heures supplémentaires est en hausse.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est un effet d’aubaine !
M. Philippe Dallier. C’est bien la preuve que les salariés et les entreprises ont adopté ce dispositif. (Interjections véhémentes sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Contrairement à ce que vous pensez, le travail n’est pas un gâteau que l’on partage en parts égales : l’emploi ne se décrète pas ! (Hourvari sur les mêmes travées.)
Lorsque j’entends nos chers collègues du nouveau groupe EELV nous proposer de passer maintenant aux 32 heures,…
M. Alain Gournac. Ah ! Et pourquoi pas 22 ?
M. Philippe Dallier. … les bras m’en tombent !
Mme Renée Nicoux. Que font les Allemands ?
M. Philippe Dallier. Si les 35 heures avaient permis de créer des emplois, cela se saurait ! Et si les 32 heures doivent créer des emplois, autant passer tout de suite aux 25 heures : on réglera ainsi le problème du chômage !
M. Gilbert Roger. Vous, vous êtes plus forts pour la caricature que pour la lutte contre le chômage !
M. Philippe Dallier. À la vérité, avec les 35 heures, on a tiré le niveau de vie des Français et les finances publiques vers le bas, sans remplir la promesse de l’emploi pour tous. (Protestations renouvelées sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Renée Nicoux. Et où en est-on des promesses de la droite sur l’emploi ?
M. Philippe Dallier. La défiscalisation des heures supplémentaires permet d’assouplir la logique sclérosante des 35 heures.
MM. Jean Bizet et Bruno Sido. Très bien !
M. Philippe Dallier. Le groupe UMP tient également à rappeler une nouvelle fois que ce collectif budgétaire témoigne du respect des engagements pris par le Gouvernement en matière de réduction des déficits publics.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Philippe Dallier. En 2011, le déficit budgétaire de l’État diminue de plus d’un tiers et, pour la première fois depuis 1945, les dépenses de l’État hors dette et pensions baissent en valeur. Ça, c’est une vraie nouveauté, mais vous oubliez d’en parler, chers collègues !
M. Jean-Pierre Caffet. C’est surtout un artifice !
M. Philippe Dallier. L’objectif initial de gel en valeur des dépenses de l’État est ainsi dépassé : dès 2011, les dépenses sont réduites de plus de 200 millions d’euros et les économies réalisées affectées au désendettement de l’État.
Engagements tenus, réactivité face à la crise : voilà pourquoi le groupe UMP est favorable au présent projet de loi de finances rectificative pour 2011. En conséquence, il votera contre la motion tendant à opposer la question préalable et à rejeter le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que la commission mixte paritaire ait abouti à un désaccord n’est finalement rien de moins que logique. La discussion du texte initial, la semaine dernière, et l’issue des débats sur le projet de loi de finances pour 2012 ont déjà montré les désaccords et les divergences d’appréciation existant entre les deux assemblées sur les lois budgétaires.
Le projet de loi de finances rectificative qui nous est aujourd'hui soumis présente les caractéristiques habituelles d’un collectif de fin d’année : c’est l’occasion d’adopter des mesures de dernière minute, insuffisamment mûres pour pouvoir être incluses dans un autre texte financier, d’ouvrir des crédits pour les dépenses dites « de guichet », lesquelles sont régulièrement sous-évaluées en loi de finances initiale – il faudra d’ailleurs un jour se demander pourquoi on ne parvient pas à les évaluer correctement –, d’annuler des crédits dits « de la réserve de précaution », mais, comme souvent, au-delà des ouvertures nettes de crédits votées par le Parlement.
Ce collectif est également l’occasion d’économies de constatation, dont il n’y a pas lieu de particulièrement se réjouir, surtout lorsqu’elles résultent de la diminution de l’investissement des collectivités territoriales : l’écart serait de près de 10 %, comme l’a rappelé tout à l’heure notre collègue Yvon Collin. Cela témoigne d’ailleurs des difficultés rencontrées par les collectivités.
Plus fondamental est le débat sur les remèdes déclinés dans ce collectif budgétaire pour réduire le déficit public et, par voie de conséquence, la dette publique.
Quel constat peut-on faire à la fin de notre marathon budgétaire ?
La réduction de la dette publique n’est pas forcément à l’ordre du jour : en effet, la situation de 2012 laisse perdurer un déficit de fonctionnement, produit du poids, parfaitement excessif selon nous, de la dépense fiscale et surtout des abandons de recettes.
Que fait le Gouvernement pour réduire le déficit, alors que la situation économique globale, marquée par une récession qui devrait durer au moins deux trimestres, se dégrade ? Il s’attaque à l’un des moteurs de la croissance : la consommation des ménages.
L’augmentation du taux réduit de TVA sur un certain nombre de produits, de biens ou de travaux, pour un rendement attendu d’environ 2 milliards d’euros, représente l'équivalent de l’allégement de l’ISF que vous avez décidé en 2011. Or cette mesure contribuera clairement à réduire la consommation.
Quant au gel du barème de l’impôt sur le revenu, dont la discussion a montré, avec force exemples, qu’il frappait d’abord les contribuables les plus modestes, il suscitera probablement une sorte d’épargne de précaution de la part des contribuables se situant à la limite des différents plafonds de l’impôt.
Surtout, l’imposition effective de plusieurs dizaines de milliers de contribuables mettra aussi en cause l’exercice de certains droits connexes, à commencer par le plafonnement des impositions locales, ainsi que les conditions d’attribution des aides personnelles au logement. Au vu du poids que représente la part consacrée au logement par les foyers à revenu modeste, il apparaît que la cible qui sera touchée est particulièrement mal choisie.
Enfin, l’Assemblée nationale a supprimé la proposition présentée par notre collègue Christian Cambon, sous-amendée par notre groupe et le groupe socialiste-EELV, puis approuvée unanimement par le Sénat, qui mettait en place les moyens rendant effectif l’accès à l’eau. La France va aborder le Forum mondial de l’eau, à Marseille, dans de bonnes conditions…
La taxation temporaire des entreprises réalisant plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires au titre de l’impôt sur les sociétés nous a, quant à elle, été présentée comme une mesure de justice, visant à protéger les PME. Évidemment ! Les ménages étant déjà fortement mis à contribution par le Gouvernement, il aurait été difficile de ne pas solliciter, ne fût-ce qu’un peu, les entreprises !
Le Gouvernement et sa majorité devraient envisager de ne pas demander plus d’efforts aux ménages, car ils ont déjà largement payé la facture du déficit, notamment via la hausse de la fiscalité et la mise à mal des services publics. Le présent collectif, tout comme la loi de finances initiale pour 2012, accentue ces choix politiques.
L’accompagnement des PME appelle d’autres réponses que celles que vous apportez. Si l’on veut vraiment que la France redevienne un pays producteur de ce qu’elle consomme, à moins que j’interprète mal le nouveau credo que je vous ai entendu proclamer ce matin à la radio, monsieur le secrétaire d'État,…
M. Bruno Sido. Non, c’est bien ça !
Mme Marie-France Beaufils. … une démarche bien différente de celle que vous proposez me semble devoir être suivie.
Les petites et moyennes entreprises éprouvent aujourd'hui des difficultés pour obtenir auprès des établissements bancaires les moyens financiers indispensables à leur activité et à leur développement. De très petites entreprises et des artisans voient assez souvent la taxe professionnelle laisser place à une contribution économique territoriale plus élevée, alors qu’ils sont déjà les premiers à ressentir la baisse de la consommation des ménages.
Il est grand temps de remettre les choses à l’endroit. Nous sommes arrivés au bout d’un cycle économique, largement guidé par la dérégulation, le laisser-faire, la libéralisation de la circulation des capitaux, la financiarisation des activités économiques. Il faut en sortir !
Vingt-cinq ans de libéralisme sans obstacles majeurs ont conduit à des déficits toujours plus lourds et à une dette publique de moins en moins maîtrisée. Toute politique budgétaire nouvelle appelle une rupture avec ces pratiques du passé, ce mode de gestion publique qui fait supporter le risque et les coûts sociaux de l’économie de marché par les finances publiques, en privatisant de manière exclusive les bénéfices que l’on peut en tirer.
Le passage au crible de l’ensemble de la dépense fiscale et des dépenses publiques motivées par l’« aide aux entreprises » – expression fourre-tout recouvrant des acceptions fort différentes –, dont l’efficacité n’est pas toujours démontrée, est une nécessité.
Accroître les recettes publiques est une obligation pour relancer l’activité. Il est temps de réhabiliter l’impôt progressif sur le revenu et d’en accroître le rendement. C’était le sens des propositions qu’avait faites la majorité sénatoriale en première lecture de la loi de finances pour 2012.
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Exactement !
Mme Marie-France Beaufils. Il s’agissait par là non seulement de réduire les déficits, mais d’abord d’accroître l’activité en décourageant la financiarisation et en facilitant les réinvestissements, et de faire face à la dépense publique, indispensable au maintien et au développement des services publics dont notre pays a besoin.
Le débat est ouvert et le restera au moins jusqu’au printemps prochain. Espérons qu’il donnera naissance à une nouvelle conception de la croissance, plus respectueuse des équilibres sociaux et environnementaux. Car ce sont bien les électeurs qui, en dernière instance, arbitreront cette confrontation d’idées.
En attendant, nous voterons en faveur de la motion présentée par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. François Marc, vice-président de la commission des finances.
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je n’avais pas prévu d’intervenir à ce stade de la discussion, mais les propos de M. le secrétaire d'État me conduisent à formuler quelques commentaires.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je suis très heureux de vous donner cette possibilité ! (Sourires.)
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Je suis d’autant plus enclin à le faire qu’ils s’inscrivent dans la même ligne que ceux qui nous ont été tenus ici hier par Mme Pécresse, ministre du budget.
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Nous qui avons travaillé pendant six semaines sur le projet de budget ne pouvons que regretter l’approche manichéenne adoptée par le Gouvernement. (Protestations sur les travées de l’UMP.) À vous écouter, elle et vous, monsieur le secrétaire d'État, on a le sentiment que, dans ce débat, s’opposent la vertu et la médiocrité, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, le Gouvernement, ou la droite, et les autres !
M. Alain Gournac. Mais c’est vrai !
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. La gauche, à travers ses propositions, ne se livre pas à un exercice de style « baroque », comme l’a affirmé hier Mme Pécresse. Cette caricature me semble tout à fait regrettable dans l’exercice du débat parlementaire. Il est en outre inacceptable d’avancer, comme elle l’a fait hier à plusieurs reprises, et comme vous venez de le faire à votre tour, monsieur le secrétaire d'État, qu’une seule politique est possible aujourd'hui en France.
Au contraire, notre conception de la politique nous pousse à envisager plusieurs voies. Nous respectons tout à fait celle qui a été empruntée ces dernières années, mais ne pouvons que voir à quel échec elle a conduit : en cinq ans, la dette de la France a augmenté de 500 milliards d’euros ! Est-ce là le « quinquennat d’avance » dont on nous a parlé hier ?
M. Roland Courteau. Oui, ce doit être ça !
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Si c’est le cas, nous avons raison de ne pas vouloir suivre cette voie !
J’en viens au présent projet de loi de finances rectificative.
La centaine d’amendements que nous avons adoptés, qui ont malheureusement été pour nombre d’entre eux refusés par les députés, avaient vocation à répondre à trois exigences principales.
J’exclus d’emblée la question du désendettement, car nous nous sommes déjà longuement expliqués sur ce sujet lors de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2012, qui nous a permis de dégager 11 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Vous nous dites que la vocation de la gauche est de créer des taxes, toujours des taxes… En vérité, monsieur le secrétaire d'État, je crois plutôt que nous avons fait le travail à votre place (MM. Jackie Pierre et Alain Gournac s’esclaffent.), en trouvant des recettes qui respectent le principe d’une plus grande équité. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut oser le dire !
M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Le désendettement est une contrainte qui s’impose malheureusement à tous. Les recettes que nous avons trouvées montrent que nous y prenons notre part.
Trois exigences, donc, ont guidé nos propositions.
La première est de faire en sorte que le pouvoir d’achat des plus fragiles de nos concitoyens soit préservé. Sur ce point, les différences entre les propositions du Gouvernement et les nôtres sont particulièrement significatives.
Différents économistes ont récemment observé que le décrochage de la croissance française au cours de l’année 2011, en particulier au deuxième trimestre, est provenu de la baisse de la consommation des ménages les plus modestes. Nos concitoyens dont le revenu se situe entre 0,5 et 1,5 SMIC – ils représentent quelque 30 % de la population – sont les plus affectés par toutes les mesures qui créent de l’inquiétude face à l’avenir et qui induisent déjà une perte de pouvoir d’achat à court terme.
C’est pourquoi nous avons souhaité ne pas vous suivre, en particulier, sur deux mesures contenues dans le présent projet de loi de finances rectificative.
La première mesure consiste dans le relèvement de 5,5 % à 7 % du taux réduit de TVA, car nous avons démontré qu’elle touchait surtout les plus modestes.
La seconde mesure est le gel du barème de l’impôt sur le revenu, car, là encore, nous avons apporté la preuve que, contrairement à ce que vous avanciez tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État, un ménage situé au plus bas de l’échelle de l’impôt sur le revenu devra s’acquitter d’un impôt majoré de 80 %, tandis qu’un ménage situé en haut de l’échelle ne verra sa contribution augmenter que de 1 % environ. Le gel du barème, loin de servir la progressivité de l’impôt, tend donc à pénaliser les foyers les plus modestes.
Notre deuxième exigence porte sur la fiscalité, qui n’est aujourd'hui ni équitable ni efficace. Les propositions que nous avons faites en la matière n’ont pas été retenues par l’Assemblée nationale, ce qui est regrettable. La fiscalité doit en effet être améliorée et tendre vers un rééquilibrage de la taxation des revenus du travail et du capital.
Notre troisième exigence concerne les PME et les PMI. Il n’a pas dû vous échapper, monsieur le secrétaire d'État, que le tissu des PME était de plus en plus sclérosé. Il semble plus que jamais incapable de répondre aux enjeux du moment, et au premier chef à celui de l’exportation. Vous connaissez les chiffres mieux que nous : le commerce extérieur de la France connaît une véritable déroute. Son déficit, qui était de 51 milliards d’euros l’an passé, atteindra 70 milliards à 75 milliards d’euros cette année, soit une augmentation de 50 % !