M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2011 constituait, au départ, l’un des volets du plan de rigueur auquel le Gouvernement, prétendument pour préserver la position internationale de la France et sa crédibilité, entend soumettre le pays et ses habitants.
Notre collègue Albéric de Montgolfier vient d’évoquer les agences de notation, mais je ne partage pas son avis. Aujourd’hui, il est établi que le fameux triple A n’est qu’un leurre et que l’instrument a, de fait, été utilisé pour mieux tromper l’opinion, dans la mesure où il n’apporte aucune facilité comparative à notre pays quant aux conditions de financement de l’action publique.
De grands pays industrialisés pourtant plus endettés que la France, comme le Japon, la Grande-Bretagne et les États-Unis, peuvent continuer à tirer parti du bonus que leur accorde la maîtrise publique de leur politique monétaire, qu’ils n’ont pas eu l’imprudence de remettre aux vues d’une banque centrale indépendante.
La vérité, c’est que le Gouvernement, plutôt que de reconnaître qu’il se soumet à la loi des marchés financiers, aux vœux et aux attentes du patronat, préfère, une fois encore, faire largement payer le prix de l’ajustement au plus grand nombre. Nous l’avions d'ailleurs dénoncé.
Nous avions d’emblée déposé une motion tendant à opposer la question préalable sur ce texte, les marges de manœuvre laissées à l’initiative parlementaire étant, selon nous, pour le moins étroites.
Nous n’avions pas de latitude sur les ressources que l’État peut dégager dans l’immédiat et nous ne pouvions que procéder à des ajustements symboliques pour l’avenir, la réalisation même de ce collectif étant étroitement subordonnée aux aléas de la vie politique de notre pays.
À l’issue du débat, la majoration du taux réduit de TVA et le gel du barème de l’impôt sur le revenu ont été supprimés, mesures parmi les plus manifestes de la volonté de la nouvelle majorité sénatoriale. Cependant, cher collègue et ami Frécon, ces mesures seront balayées par la commission mixte paritaire, qui devrait aboutir au même constat d’échec que celle qui s’est prononcée sur le projet de loi de finances pour 2012.
Nous aurions pu faire l’économie de cette discussion, d’autant que nombre de nos collègues n’ont pas participé au débat autant qu’ils l’auraient souhaité. Plus de 20 % des amendements déposés sur le texte n’ont ainsi pas été soutenus.
Nous ne faisons, pour l’heure, que laisser nos concitoyens juges des propositions fiscales du Gouvernement et des membres de la droite parlementaire, face aux propositions qui ont été formulées par la gauche sénatoriale, certes avec sa diversité et ses différences.
Nous adopterons donc le texte issu des travaux du Sénat, sans illusion quant à son devenir immédiat (M. Philippe Dallier s’exclame.), dans la seule perspective de nourrir, encore et toujours, le débat public sur la nécessaire réforme fiscale dont notre pays a besoin et qui constitue d’ores et déjà l’un des éléments clés du débat politique en vue des prochaines échéances et rendez-vous citoyens.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je voudrais tout d’abord vous remercier, monsieur le président, ainsi que les présidents de séance qui ont organisé nos débats tout au long de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative, de la sobriété et de l’efficacité avec laquelle vous avez exercé votre magistère.
Je salue également Mme la ministre, qui est revenue pour ce moment important qu’est le vote sur l’ensemble du texte, ainsi que les ministres qui se sont succédé et qui ont sans doute pris plaisir à retrouver le Parlement en siégeant au banc du Gouvernement ; je pense en particulier à M. Ollier et à M. Lellouche, que j’ai bien connus en tant qu’éminents parlementaires à l’Assemblée nationale.
Je remercie, enfin, les sénateurs de tous les groupes politiques, en particulier les plus vaillants qui sont restés jusqu’au bout. Quand vous ferez les comptes, vous constaterez que la commission des finances et sa rapporteure générale ont accepté de nombreux amendements de l’opposition sénatoriale. Les groupes de la majorité sénatoriale ont défendu fidèlement les amendements du groupe socialiste-EELV comme ceux du groupe CRC, et je les en remercie. M. Foucaud est lui aussi revenu pour la meilleure part du texte, le vote sur l’ensemble.
J’adresse en outre mes remerciements à l’administration, dont le travail a été compliqué par les navettes parlementaires. Nous avons encore dû nous réunir ce soir, lors de la suspension de séance, les députés n’ayant adopté le projet de loi de finances pour 2012 qu’à dix-neuf heures, et Mme la ministre a également présenté d’ultimes amendements.
Comme le rappelait notre collègue Frécon, un projet de loi de finances rectificative est toujours un moment où l’on regarde les territoires dans les yeux. Nous l’avons fait à l’occasion de la réforme du Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACE – nous y avons consacré plus d’une heure –, qui a permis à tous les collègues attachés au service public de l’électricité de s’exprimer, et ce soir, encore, à propos de la taxe locale sur la publicité extérieure.
Plus fondamentalement, madame la ministre, ce projet de loi de finances rectificative est la dernière pièce, pour 2011, du patchwork budgétaire qui devrait permettre de respecter la trajectoire de nos finances publiques en 2012.
Nous ne sommes pas revenus sur les débats qui nous ont opposés au Gouvernement sur le projet de loi de finances pour 2012, même si certains votes du Sénat ont été réitérés, notamment à l’occasion de l’examen des amendements du groupe CRC.
Le Sénat – notre collègue l’a rappelé – s’est opposé aux mesures qu’il juge injustes et, pour certaines, contre-productives dans la période qui s’annonce : je pense au relèvement du taux réduit de la TVA et au gel du barème de l’impôt sur le revenu.
Cela me sert de transition pour en venir aux propos très graves que je vais tenir, car ce projet de loi de finances rectificative s’inscrit dans un contexte économique où les incertitudes sont malheureusement devenues des réalités plutôt négatives, la zone euro ne parvenant pas à sortir de la crise.
À chaque sommet européen, des espoirs naissent, mais, une fois passé le temps de la communication, ils sont pour le moins déçus, la zone euro – puisqu’il s’agit essentiellement d’elle – ne réussissant pas à prendre la mesure de la grave crise que nous traversons, je veux parler de sa gouvernance.
Les derniers chiffres de l’INSEE nous sont parvenus au cours du débat. Les perspectives s’annoncent très défavorables et la prévision de croissance de 1 % que vous avez maintenue pour 2012, madame la ministre, devra vraisemblablement être révisée très rapidement. En effet, selon ces chiffres, l’acquis de croissance serait de 0 % en juin, ce qui impliquerait, pour réaliser votre prévision, que le produit intérieur brut augmente de 1,3 % sur chacun des deux derniers trimestres.
Aussi, tous les parlementaires se demandent, alors qu’ils vont interrompre leurs travaux à la fin de la semaine prochaine, si un nouveau projet de loi de finances rectificative leur sera soumis pour l’année 2012. Ce serait l’occasion pour le Gouvernement d’adapter sa prévision de croissance. Cette épreuve de vérité est indispensable, même si nous sommes en période électorale. Il faut tenir compte de la réalité, car, comme le disait un Premier ministre, les faits sont têtus !
Nous ignorons quel sera le calendrier retenu par le Gouvernement pour la mise en œuvre du futur Mécanisme européen de stabilité, le MES, alors que l’accord intervenu le 10 décembre dernier prévoit l’apport anticipé d’une première tranche par la France.
Nous débuterions l’année 2012 dans une situation très fragilisée si le Gouvernement conservait une trajectoire des finances publiques fondée sur des hypothèses de croissance pour le moins incertaines et sur des hypothèses d’évolution des dépenses publiques irréalistes.
Nous aurons donc l’occasion d’y revenir, et nous espérons que le Gouvernement entendra raison.
Cette année ne s’ouvrira pas, nous l’avons bien compris, sous les meilleurs auspices pour les Français. Le débat qui nous opposera en 2012 portera non pas sur la nécessité de l’effort, mais sur la manière dont cet effort devra être partagé. Nous voulons que celui-ci soit équitablement réparti afin qu’il soit le moins douloureux possible pour les couches les plus modestes. À l’inverse, nous souhaitons – c’est tout le sens du débat fiscal – que les catégories aisées, pour ne pas dire riches, y prennent toute leur part, et pas seulement parce que le contexte de la crise l’exige.
Ainsi que nous l’avons souligné à maintes reprises, ce qui s’est passé depuis le début du quinquennat invite la majorité qui soutient le Président de la République à réviser tout ce qu’elle a engagé depuis 2007. Et il faudra même aller plus loin, puisque nous allons être confrontés à des perspectives de croissance négatives ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Effectivement, madame la rapporteure générale, les prévisions de l’INSEE viennent de tomber ce soir.
Il ne s’agit que de prévisions, fondées sur des enquêtes réalisées auprès de chefs d’entreprise ; ce ne sont donc pas des données réelles. Mais elles font état d’un arrêt de la croissance lié aux inquiétudes provoquées par les turbulences que la zone euro traverse.
Pour le Gouvernement, l’accord européen qui vient d’être scellé est de nature non seulement à ramener la confiance dans la zone euro, mais aussi à stimuler et à soutenir notre croissance. Cet accord comporte un volet relatif à la gouvernance et à la convergence économiques. Comme vous le savez sans doute, l’Union européenne vient d’accepter la proposition de la France et de l’Allemagne de consacrer le premier sommet européen de la gouvernance économique de la zone euro à la croissance,…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il serait temps !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … à la compétitivité et à l’emploi. Ainsi, la question de la stimulation de la croissance sera au cœur de la rentrée économique de la zone euro.
Madame la rapporteure générale, vous nous connaissez désormais bien. Vous savez donc que nous tiendrons nos engagements budgétaires et que nous ne dévierons pas de notre voie.
Nous aurons effectivement un rendez-vous au premier semestre de l’année 2012 pour examiner un collectif budgétaire qui mettra en œuvre le Mécanisme européen de stabilité. L’entrée en vigueur de ce dispositif est prévue pour le mois de juillet, mais nos partenaires allemands imaginent de le mettre en place dès le mois de juin. Le rendez-vous que je viens d’évoquer nous permettra également de faire le point sur la trajectoire que nous suivons. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne plus demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2011.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 73 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 168 |
Le Sénat a adopté le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2011.
12
Nomination de membres de deux éventuelles commissions mixtes paritaires
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion de commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011, que nous venons d’adopter, et du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu, il va être procédé à la nomination des membres de ces commissions mixtes paritaires.
La liste des candidats établie par la commission des finances a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires :
Titulaires : M. Philippe Marini, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Richard Yung, Thierry Foucaud, Francis Delattre et Vincent Delahaye ;
Suppléants : MM. François Marc, Michel Berson, Jean Germain, François Fortassin, Philippe Dallier, Albéric de Montgolfier et Jean-Paul Emorine.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de ces commissions mixtes paritaires et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
13
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 19 décembre 2011, à quinze heures et le soir :
1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rémunération pour copie privée (n° 141, 2011–2012).
Rapport de M. André Gattolin, fait au nom de la commission de la culture (n° 192, 2011–2012).
Texte de la commission (n° 193, 2011–2012).
2. Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la limite d’âge des magistrats judiciaires (n° 187, 2011–2012).
Rapport de M. Jean-Yves Leconte, fait au nom de la commission des lois (n° 194, 2011–2012).
Texte de la commission (n° 195, 2011–2012).
3. Proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme et l’action du Sénat en matière de développement durable, présentée par M. Jean-Pierre Bel, président du Sénat (n° 139, 2011–2012).
Rapport de M. Alain Anziani, fait au nom de la commission des lois (n° 169, 2011–2012).
Texte de la commission (n° 170, 2011–2012).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures vingt.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART