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Sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé
Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (projet n° 130, rapport n° 162, 2011-2012).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la Haute Assemblée entame la discussion en nouvelle lecture du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
Tout aurait-il été dit sur ce texte ? Pas encore ! La commission des affaires sociales du Sénat présente une motion tendant à opposer la question préalable. Elle souhaite ainsi témoigner de son désaccord avec le texte tel qu’il ressort des travaux de l’Assemblée nationale en deuxième lecture.
M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le présent projet de loi est vital pour l’avenir de notre système de santé. Grâce à lui, j’en ai la conviction, il y aura un avant et un après Mediator. Je sais que beaucoup sont de cet avis, même s’ils ne l’admettent pas publiquement !
Ce texte refonde le système de sécurité sanitaire des produits de santé, afin de concilier sécurité des patients et accès au progrès thérapeutique.
Comme je l’ai indiqué, je ne me contenterai pas de ce projet de loi. Des décrets seront pris, et il y aura une refonte de l’organisation de l’agence chargée de la sécurité du médicament. Cette réforme aura une dimension européenne.
Par ailleurs, je souhaite que soit fixé dès à présent un rendez-vous, à deux ou trois ans, pour que le Parlement et l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, vérifient que la loi aura bien été appliquée dans l’esprit ayant présidé à son élaboration. L’importance du sujet l’exige : il doit y avoir un « service après-vote ».
Permettez-moi de revenir sur plusieurs points majeurs.
Je pense tout d’abord à l’interdiction de liens d’intérêts pendant les trois ans précédant la nomination des dirigeants de la Haute Autorité de santé, la HAS, de l’Institut national du cancer, l’INCa, de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS, qui a été supprimée après les débats à l’Assemblée nationale.
Cette proposition pouvait apparaître intellectuellement satisfaisante, mais il faut veiller à ne pas confondre liens d’intérêts et conflits d’intérêts.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est votre pouvoir d’appréciation qui devra s’exercer lors des auditions parlementaires des candidats. Si la situation n’apparaissait pas suffisamment claire, la nomination ne serait pas validée.
En tout état de cause, si une telle interdiction avait existé à l’époque, M. Maraninchi n’aurait jamais pu être nommé à la tête de l’INCa, ce qui eût été dommage.
Nous avons besoin de personnalités compétentes, disposant d’une réelle expérience. Faudrait-il exiger des candidats qu’ils viennent de la planète Mars, afin que nous soyons sûrs qu’il n’y aura aucun risque de liens d’intérêts ? Je caricature, mais je pense réellement qu’il serait préférable d’apprécier la situation des candidats lors des auditions parlementaires et de s’opposer le cas échéant à leur nomination si les choses ne sont pas suffisamment claires plutôt que d’adopter la solution que vous aviez proposée.
J’en viens à la question du nom de l’agence chargée de la sécurité du médicament. Dans un dossier comme celui-ci, les querelles sémantiques n’ont pas leur place, mais c’est néanmoins un point qui a son importance. Il faut donner un nouveau nom à cette agence, car, qu’on le veuille ou non, celui d’« Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé » est indissolublement lié au dossier du Mediator. Bien sûr, ce changement de nom n’est pas l’alpha et l’oméga de la réforme, mais pour prendre un nouveau départ, il faut un nouveau nom : tout ayant changé, il faut aussi changer le nom. Cela permettra en outre d’affirmer de manière plus forte la vocation de l’agence en matière de police du médicament.
Un autre point important est l’interdiction, que vous aviez inscrite à l’article 5, aux associations de patients recevant des subventions ou des avantages des entreprises pharmaceutiques de siéger au conseil d’administration de l’agence.
Nous avions longuement débattu de cette question au cours de la première lecture du projet de loi. L’adoption de cette mesure aurait exclu la quasi-totalité des associations de patients et créé une inégalité de traitement entre les professionnels de santé et les associations.
Alors que l’information et la transparence fondent la confiance, cette interdiction aurait marqué un véritable recul pour la démocratie sanitaire. L’Assemblée nationale a supprimé cette mesure : sans opposer une assemblée à l’autre, je veux saluer la sagesse dont elle a fait preuve ce faisant.
Par ailleurs, selon vous, le renvoi à des textes réglementaires viderait le projet de loi, en particulier l’article 9 bis, d’une grande partie de sa portée.
Soyons très clairs sur ce sujet : je l’ai dit dès le 15 janvier dernier, pour qu’un médicament soit admis au remboursement, les essais cliniques devront avoir été réalisés contre comparateurs actifs, lorsque ceux-ci existent. L’objet du décret sera seulement de définir avec précision, en envisageant toutes les situations possibles, la mise en œuvre pratique de cette mesure. Ne nous trompons pas de débat : je défends cette position y compris à l’échelon européen.
S’agissant des autorisations temporaires d’utilisation, les ATU, je crois sincèrement que le durcissement de leur régime, tel que vous l’aviez souhaité, aurait immanquablement pénalisé les patients nécessitant un traitement de longue durée. Dans sa rédaction issue de la nouvelle lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale, l’article 15 permet de conserver un juste équilibre entre la sécurité des patients et l’accès aux progrès thérapeutiques.
Sans me faire le porte-parole de quiconque, je tiens à souligner que nombre d’associations engagées dans la lutte contre les maladies rares s’étaient émues d’un tel durcissement, craignant qu’il ne s’accompagne d’une perte de chances pour les patients : cela ne serait pas acceptable.
S’agissant du régime de responsabilité, de la charge de la preuve ou des actions de groupe, vous conviendrez que, compte tenu de leur ampleur, les réformes correspondantes ne peuvent pas être introduites au détour de l’examen de ce projet de loi, de surcroît sans concertation avec les associations de patients, les entreprises et les secteurs ministériels concernés, ni surtout sans études d’impact.
J’en arrive à la question de l’expérimentation d’une visite médicale collective à l’hôpital, c’est-à-dire au fameux article 19…
Ma position est très simple : même si je suis le dernier dans ce cas, je continue à croire que nous ne pouvons pas conserver la visite médicale telle qu’elle existe.
Ce sont non pas les visiteurs médicaux qui sont en cause, mais les consignes données à une époque par les firmes qui les employaient.
Il reste que, sur ce point, la rédaction du projet de loi qui vous est soumise ne me satisfait pas : si l’on exclut de son champ les médicaments réservés à l’hôpital ou de prescription hospitalière, ainsi que les dispositifs médicaux, cela revient à vider cette expérimentation de tout son sens.
Je le répète, il ne s’agit pas pour moi de stigmatiser la profession de visiteur médical, mais la visite médicale doit aujourd’hui profondément évoluer ; les professionnels en sont d’ailleurs conscients. Les firmes auront la responsabilité d’accompagner cette évolution, mais la visite collective à l’hôpital, dite « en staff », existe déjà : elle représente de 30 % à 40 % des visites médicales pratiquées à l’hôpital.
On nous dit que, pour améliorer la sécurité sanitaire, la visite collective doit s’accompagner de visites individuelles. Ces activités de suivi de l’utilisation des médicaments pourront se poursuivre dans un cadre individuel, mais je veux que lorsqu’un délégué médical hospitalier vient présenter son portefeuille de médicaments ou de dispositifs médicaux, il le fasse devant plusieurs professionnels de santé. J’ai conscience que, dans les hôpitaux locaux, l’organisation d’une telle visite collective peut être compliquée, mais « plusieurs » commence à deux…
C’est donc une réforme d’ampleur que Nora Berra et moi-même proposons. Nous serons particulièrement attentifs à sa mise en œuvre effective. Elle doit permettre de redonner aux Français confiance dans notre système du médicament. N’ayons pas de réflexes partisans sur un tel sujet, car la santé est l’affaire de tous ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Cazeau, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord rappeler dans quel état d’esprit le Sénat a abordé la discussion du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
Notre approche, dénuée d’a priori politique, s’est fondée avant tout sur des propositions auxquelles nous avions unanimement souscrit à l’issue de notre mission commune d’information sur le Mediator et l’évaluation et le contrôle des médicaments.
M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Ces propositions reprenaient d’ailleurs celles qui avaient déjà été formulées en juin 2006 dans le rapport de la mission d’information sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments présidée par M. Gilbert Barbier.
Nous avions été confortés dans cette démarche par l’attitude, qui nous avait semblé ouverte, de l’Assemblée nationale. En adoptant l’article 9 bis du projet de loi, celle-ci avait soumis les médicaments candidats au remboursement à des essais comparatifs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le groupe socialiste, radical et citoyen de l’Assemblée nationale s’était abstenu lors du vote sur l’ensemble du projet de loi, dans l’intention de lui laisser ainsi une seconde chance au Sénat. C’est selon cette même logique, qui aurait dû être pleinement consensuelle, que le groupe UCR du Sénat, a voté le texte en première lecture.
Je regrette que l’intransigeance de la majorité présidentielle ait fait voler en éclats la possibilité d’aboutir à un texte commun en commission mixte paritaire. La nécessité de garantir la sécurité sanitaire des médicaments est pourtant pleinement reconnue par tous !
M. Ronan Kerdraon. Eh oui !
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Nous voilà donc saisis du texte issu de la nouvelle lecture du projet de loi par l’Assemblée nationale.
Parmi les quarante et un articles restant en discussion, dix-sept ne diffèrent de la version adoptée par le Sénat que parce qu’ils rétablissent, pour la future agence chargée de la sécurité du médicament, le nom que le Gouvernement avait initialement souhaité lui donner.
On peut considérer qu’il ne s’agit pas d’un enjeu majeur. J’en conviens, monsieur Bertrand, même si je persiste à penser qu’il n’est pas judicieux de qualifier cette agence de « nationale » : lui conserver le qualificatif de « française » aurait davantage de sens aux yeux des instances internationales.
Monsieur le ministre, vous accordez plus d’importance que nous au nom de cette agence. Pour notre part, nous avons toujours soutenu que les appellations sont secondaires : ce sont les pratiques qui doivent évoluer.
À ce propos, je remarque que, malgré vos affirmations répétées sur la nécessité d’une rupture entre l’avant et l’après Mediator, l’identité des personnes chargées de préfigurer la nouvelle organisation de l’agence montre que la vigilance est encore nécessaire ; vous voyez certainement à quoi je fais allusion…
Au sujet des autres articles, j’observe que la plupart des améliorations rédactionnelles apportées par le Sénat ont été conservées. De même, quelques amendements de fond adoptés par notre assemblée ont été maintenus : il s’agit d’ailleurs principalement de ceux qui avaient été déposés par le Gouvernement ou le groupe UMP…
M. Ronan Kerdraon. Allez savoir pourquoi…
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Si quelques miettes des propositions émanant du groupe CRC, du groupe socialiste et des sénateurs écologistes ont également été sauvegardées, je déplore en revanche que l’Assemblée nationale ait rejeté les apports du Sénat en matière de contrôle des liens d’intérêts et de prévention des conflits d’intérêts. Monsieur le ministre, ce sont les liens d’intérêts qui entraînent les conflits d’intérêts ! Nous ne confondons pas les deux notions, contrairement à ce que vous avez dit à plusieurs reprises, mais nous considérons qu’il n’est pas possible de les dissocier complètement.
À l’Assemblée nationale, ont été écartés tous les débats de fond tendant à l’octroi de moyens publics pour la mise en place d’un corps d’experts indépendants, à la formation initiale et continue des professionnels de santé, à l’avenir de la profession de visiteur médical ou au financement des associations de patients. Certes, les positions sur ce dernier sujet avaient évolué lors de la commission mixte paritaire, mais il n’en demeure pas moins nécessaire de repenser le financement des associations de patients.
Il n’est pas anodin que même les avancées adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture aient été restreintes par celle-ci lors de la deuxième lecture.
C’est ainsi que l’article 9 bis, issu d’une initiative heureuse des députés, qui soumet à des essais comparatifs les médicaments proposés au remboursement, a vu son application conditionnée à la publication d’un décret en Conseil d’État. Pour quelle raison ? Le prétendu risque d’entraver la diffusion de médicaments innovants a servi, une fois encore, à protéger le remboursement des nombreux « me too », ces médicaments sans apport thérapeutique réel par rapport à l’existant qui encombrent le marché.
Au total, à l’exception d’une amorce de contrôle des dispositifs médicaux – enjeu majeur de sécurité sanitaire – et de mesures renforcées pour prévenir les ruptures de stock et d’approvisionnement, les mesures contenues dans ce projet de loi se résument, pour l’essentiel, à la transposition de la directive communautaire relative à la pharmacovigilance !
M. Ronan Kerdraon. Eh oui !
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Les autres dispositions du projet de loi visent soit des compétences déjà dévolues à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, soit dépendront à titre principal, pour leur application, de mesures réglementaires dont le contenu est incertain, même si, monsieur le ministre, vous avez affirmé, la main sur le cœur, que vous feriez le mieux possible…
En outre, le flou qui entoure plusieurs dispositions est de nature à favoriser les contentieux et à inhiber la future agence dans l’exercice de ses compétences.
Arrêtons-nous un instant sur nos quelques points saillants de désaccord avec le texte qui nous est soumis aujourd’hui.
Tout d’abord, l’Assemblée nationale a rejeté notre proposition d’harmoniser la procédure de contrôle des déclarations d’intérêts prévue pour les acteurs de la sécurité sanitaire avec celle que vise à mettre en place, de manière plus large, le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique qui est en cours d’examen. Elle en est donc restée à un contrôle de l’exactitude des déclarations, confié à des comités d’éthique internes aux organismes et dotés de moyens limités : cette procédure sera très peu efficace.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a supprimé l’interdiction, de portée pourtant limitée, que nous avions introduite de tous liens d’intérêts pendant trois ans avant d’accéder à la direction des principales agences sanitaires.
Or la position tout à fait particulière des dirigeants de ces agences me semble justifier une telle exclusion. Le fait que d’éminents professeurs de médecine auraient été privés de la possibilité d’accéder à ces postes ne me paraît pas une objection déterminante : ils auraient toujours pu, dans ce cas, exercer des fonctions d’expertise au sein des agences en question ou, mieux encore, continuer à œuvrer directement pour la recherche et le soin au sein des services hospitaliers.
L’Assemblée nationale a également supprimé la mise en place d’un site internet gratuit centralisant les informations relatives aux avantages consentis par les entreprises. La personne désireuse de connaître les liens particuliers entretenus avec elles par un professionnel de santé ou un établissement devra donc consulter l’intégralité des sites des entreprises du secteur, ou espérer que son moteur de recherche lui fournira un lien vers toutes les pages utiles… La transparence dépendra donc de l’efficacité de Google !
S’agissant des autorisations temporaires d’utilisation, ou ATU, l’Assemblée nationale est revenue sur le choix du Sénat de limiter leur durée de vie à une année renouvelable deux fois. Pourtant, trois ans, ce n’est pas rien ! Je demeure convaincu qu’il aurait été préférable de marquer clairement la différence entre les ATU de droit commun, qui ne sont qu’une première étape, par définition temporaire, vers l’autorisation de mise sur le marché, et les ATU délivrées dans le cadre d’une procédure dérogatoire, qui répondent à des situations isolées et douloureuses et qui ne doivent être soumises à aucune contrainte temporelle.
Le Sénat avait fait le choix d’inscrire dans la loi une interdiction de principe de la publicité concernant les vaccins. Nous regrettons le choix de l’Assemblée nationale, qui a estimé que la politique de prévention en matière de vaccins ne devait pas relever exclusivement de la puissance publique.
Concernant l’expérimentation de la visite médicale collective dans les établissements de santé, que reste-t-il de vos propositions à l’article 19 du projet de loi, monsieur Bertrand ?
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Vous semblez oublier que nous discutons aujourd’hui du texte adopté par l’Assemblée nationale, et non de celui issu du Sénat !
Vos propositions ont été censurées par votre propre majorité. Il n’en reste plus rien, et vous le savez très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Et François Hollande qui reçoit les visiteurs médicaux… N’y a-t-il pas là un double langage du parti socialiste ?
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Autant dire que l’expérimentation qui nous est proposée est aujourd’hui totalement vidée de son sens ! Je note que, sur ce point, vous n’avez pas su convaincre une majorité de votre propre majorité, prompte à prendre en compte des intérêts particuliers. J’ai encore en tête ce que m’a dit l’un des responsables de notre système de sécurité sanitaire lorsque je l’ai auditionné : « Le prochain Mediator sera un dispositif médical. » Mais, là encore, il ne reste plus rien !
J’en viens maintenant à la question de la protection des droits des patients.
Sur l’initiative des groupes socialiste-EELV et CRC, le Sénat avait introduit dans le projet de loi trois articles mettant directement en pratique le principe énoncé par le ministre de la santé selon lequel « le doute doit désormais bénéficier au patient ». L’Assemblée nationale est revenue sur ces trois avancées.
L’article 17 bis portait sur la responsabilité du fabricant du fait d’un produit défectueux. Depuis la transposition, en 1998, de la directive du 25 juillet 1985 en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, un fabricant ne peut être jugé responsable du dommage causé par un produit défectueux lorsqu’il lui est impossible, au moment de sa mise en circulation, de déceler l’existence d’un défaut dans sa conception. Prenant en compte la spécificité des médicaments, l’article 17 bis visait à supprimer cette exonération en matière de médicaments, alignant par là même leur régime juridique sur celui qui s’applique actuellement aux produits issus du corps humain.
Revenant lui aussi sur les conséquences défavorables de la directive de 1985 pour les victimes d’accidents médicamenteux, l’article 17 ter mettait en place un système de faisceau d’indices pour alléger la charge de la preuve pesant à l’heure actuelle sur les requérants qui demandent réparation des dommages causés par un médicament.
Si elle a reconnu l’intérêt que pouvaient présenter ces deux articles, l’Assemblée nationale n’a pas jugé bon de les conserver.
Enfin, l’article 30 bis A visait à introduire en droit français, sur notre initiative, une procédure d’action de groupe au bénéfice des victimes d’accidents médicamenteux. Il s’agissait de régler une situation paradoxale : tout le monde, ou presque, reconnaît l’utilité de ce type d’action, mais toutes les tentatives pour introduire une telle procédure en droit français ont échoué. Plutôt que de reporter la question sine die, il eût été préférable de profiter de la mise en œuvre d’un texte symbolique comme celui-ci pour au moins prévoir une procédure spécifique pour les victimes d’accidents médicamenteux. Pourtant, l’Assemblée nationale a préféré le statu quo et a renvoyé, une fois de plus, cette question aux calendes grecques, avec la complicité du Gouvernement.
Finalement, monsieur le ministre, au fur et à mesure que le temps passe, les propos très rigoureux et unanimement accueillis que vous aviez tenus, voilà un peu moins d’un an, sur la sécurité du médicament perdent de leur fermeté et de leur originalité.
M. Ronan Kerdraon. Ils ont fait pschitt !
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Il nous a paru inutile de nous acharner à essayer de convaincre les députés de votre majorité ou vous-même du bien-fondé de nos observations. Afin de manifester son désaccord profond avec le projet de loi tel qu’il ressort des travaux de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, la commission des affaires sociales a donc adopté une motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. André Reichardt. Encore !
Mme Chantal Jouanno. Quel esprit constructif !