Article 35 bis
(Non modifié)
La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. – (Adopté.)
Article 35 ter
Les armes détenues par les particuliers à la date de la promulgation de la présente loi sont soumises aux procédures d’autorisation, de déclaration ou d’enregistrement prévues par celle-ci à compter de la survenance du premier des événements suivants :
a) Leur cession à un autre particulier ;
b) L’expiration de l’autorisation pour celles classées antérieurement dans l’une des quatre premières catégories.
Les armes dont l’acquisition et la détention n’étaient pas interdites avant la promulgation de la présente loi et qui font l’objet d’un classement en catégorie A1 doivent être remises aux services compétents de l’État. Un décret en Conseil d’État peut toutefois prévoir les conditions dans lesquelles les services compétents de l’État peuvent autoriser les personnes physiques et morales à conserver les armes acquises de manière régulière dans le cadre des lois et règlements antérieurs. L’autorisation a un caractère personnel et devient nulle de plein droit en cas de perte ou de remise de ces armes aux services de l’État.
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
la promulgation
par les mots :
la publication des mesures réglementaires d'application
II. - Alinéa 4, première phrase
a) Remplacer le mot :
promulgation
par les mots :
publication des mesures réglementaires d'application
b) Compléter cette phrase par les mots :
dans un délai de trois mois à compter de cette publication.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Antoine Lefèvre, rapporteur. Amendement de précision.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 35 ter, modifié.
(L'article 35 ter est adopté.)
Article 36
(Non modifié)
Les charges qui pourraient résulter de l’application de la présente loi pour l’État sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 36
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par M. César, est ainsi libellé :
Après l’article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre VIII du titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense est complété par un article L. 2338-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 2338-4. – I. – Pour des raisons tenant à la sécurité publique, sauf pour les cas prévus aux articles L. 2338-1, L. 2338-2, L. 2338-3 et au I de l’article L. 2339-9, une personne qui porte une arme en public dans un lieu public doit être titulaire d’une autorisation de port d’arme. La personne titulaire d’une telle autorisation doit la conserver sur elle et la produire sur injonction des services de police ou de gendarmerie.
« 1° Une autorisation de port d’arme est délivrée à la personne qui :
« 2° Remplit les conditions d’octroi de l’autorisation d’acquisition et de détention d’armes ;
« 3° Rend vraisemblable qu’elle a besoin d’une arme pour se protéger ou pour protéger des tiers ou des choses contre un danger ;
« – A réussi un examen de tir qui atteste qu’elle connaît les dispositions légales et le maniement de l’arme considérée.
« III. – L’autorisation de port d’armes est délivrée par le service de la préfecture territorialement compétente pour une durée maximale de cinq ans.
« IV. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’octroi de l’autorisation de port d’arme. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, je constate que vous n’avez pas répondu aux questions que je vous ai posées au sujet des armes à impulsion électrique, Taser et flash-ball. Cela fait dix ans que je mène cette bataille !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous m’avez répondu qu’il s’agissait d’armes non pas létales, mais sublétales. Je connais cette subtile distinction qui conduit à dire que ces armes ne sont mortelles que pour certaines personnes. Il reste que, lorsqu’on les emploie, on ne sait pas si les personnes susceptibles d’être atteintes font partie de celles pour lesquelles elles sont létales. Donc, elles peuvent être mortelles. Mais c’est également le cas d’autres armes qui peuvent être mortelles et qui ne le sont pas si l’on tire à côté !
J’ajoute que de nombreuses études ont démontré leur possible dangerosité, en raison sans doute de la complexité de leur maniement. Se pose, dès lors, la question de leur emploi par la police. C’est pourquoi mon groupe réclame, avec d’autres, qu’elles ne puissent être utilisées au cours de rassemblements compte tenu des accidents très graves, voire mortels, qui se sont produits dans de telles circonstances.
Pour cette raison, je serais bien évidemment tentée de ne pas voter ce texte, mais je ne voudrais pas qu’on puisse considérer que mon groupe s’oppose à la réglementation des armes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous le voterons donc, mais nous poursuivrons notre combat afin que la sagesse l’emporte s’agissant de l’emploi de ces armes à impulsion électrique.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Je reprends à mon compte les propos de notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat. Je crois en effet, monsieur le ministre, que vous avez été trop catégorique votre réponse ; or cela ne vous ressemble pas.
Les armes à impulsion électrique sont bien « létales », selon le terme consacré, pour ceux qui ont, si j’ose dire, de la « ferraille » dans le corps : par exemple un pacemaker, tout simplement !
M. Jean-Pierre Plancade. Ces armes-là peuvent tuer, et j’aimerais vraiment que le Gouvernement y réfléchisse.
Cela étant dit, comme je l’ai annoncé lors de la discussion générale, le groupe du RDSE se réjouit non seulement de l’excellent travail accompli par la commission et par son rapporteur, mais aussi de la compréhension dont le Gouvernement a fait preuve et de la qualité de chacune des interventions dans cet hémicycle. Nous voterons donc cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Sur les travées du Sénat se trouvaient aujourd’hui des parlementaires avertis, maîtrisant parfaitement le sujet en débat. Les diverses interventions nous ont d’ailleurs permis de constater que cette question est complexe et qu’elle mérite, partant, une attention particulière.
À ce titre, je reviens sur une remarque que j’ai formulée lors de la discussion générale : pas à pas, méthodiquement, nous sommes parvenus à satisfaire des revendications ou des demandes émanant des 2 millions de personnes qui détiennent et utilisent des armes en toute légalité.
Nous avons réussi à prendre, par la définition de sanctions appropriées, des mesures qui sont de nature à dissuader ceux qui, pour telle ou telle raison, seraient tentés de détenir des armes dans des conditions illégales et, surtout, d’en faire usage.
Toutefois, il ne faudrait pas que nos débats sèment la confusion dans les esprits, au sein de l’opinion publique ou chez des personnes moins averties que nous. À mes yeux, concernant l’acquisition et l’usage des armes, le travail législatif que nous venons d’accomplir est allé le plus loin possible.
Pour conclure, je souligne que ce texte permet de répondre à des attentes exprimées de longue date. Le groupe socialiste-EELV le votera. Ce texte a fourni au Sénat l’occasion de démontrer une fois de plus qu’il savait accomplir, en l’espèce à la suite de l’Assemblée nationale, un travail tout à fait pertinent et de grande qualité.
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Je souhaite à mon tour exprimer brièvement ma satisfaction.
Premièrement, en matière de transposition, nous serons – pour une fois ! – exemplaires : de fait, la France ne fait pas toujours figure de bon élève à cet égard, transposant parfois les directives européennes avec de nombreuses années de retard. Concernant la classification des armes, le délai s’élève à trois ans ; je me réjouis que nous soyons ainsi dans la moyenne quant au temps de transposition.
Deuxièmement, je me félicite que nous ayons rendu hommage, en tant que parlementaires, au bon travail de concertation mené entre le Gouvernement – deux ministères – et tous les acteurs concernés par ce délicat problème des armes, notamment les chasseurs, évoqués à plusieurs reprises au cours de ce débat, les tireurs sportifs, les membres des clubs de ball-trap, sans oublier, bien sûr, les armuriers.
Troisièmement, je souligne qu’il était urgent de voter ce texte : de fait, le travail réalisé par l’Assemblée nationale était incomplet ; il laissait même peser des menaces sur l’acquisition d’un certain nombre d’armes et sur le transport de certaines autres. Il me semble que ce que le Sénat a fait sera de nature à rassurer les personnes concernées.
Quatrièmement, enfin, nous venons d’étudier ce texte et d’adopter un grand nombre de mesures pénales très utiles avec une rapidité incroyable. Nous étions, il est vrai, nombreux à défendre les groupes dont nous avons entendu les représentants, les chasseurs et les tireurs sportifs, notamment. Mais nous nous sommes armés – passez-moi l’expression ! –d’un bon instrument pour lutter contre la délinquance, le trafic et le banditisme. Ce faisant, nous avons fait œuvre très utile.
Le groupe UMP votera, bien sûr, en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Je me réjouis par avance du vote, probablement unanime, de cette proposition de loi. Je suis d’autant plus satisfaite que, au cours de ce débat, on a systématiquement fait une claire distinction entre, d’une part, les personnes qui possèdent ou souhaitent détenir une arme légalement, afin de l’utiliser dans le cadre de leurs loisirs et, de l’autre, celles qui en font malheureusement un usage tout à fait illégal, dans le cadre d’activités délinquantes.
Même si la formule est un peu galvaudée, je crois qu’il n’est pas inutile de la répéter : ce n’est pas l’arme en elle-même qui est dangereuse, c’est l’utilisation que les êtres humains en font.
Dès lors, les personnes qui se conforment à une certaine éthique dans l’utilisation de ce matériel, pour le loisir ou pour le sport, et par conséquent les professionnels qui travaillent dans ce domaine – notamment les armuriers – méritent également notre entière attention : il ne faut pas laisser croire au grand public, chaque fois que survient, hélas, un événement dramatique, que les armes sont partout, que toute personne possédant une arme est nécessairement une sorte de cow-boy en puissance !
À mon sens, il était donc nécessaire d’opérer cette mise au point.
Mes chers collègues, je prendrai un exemple que je connais bien, celui du tir sportif : je vous assure qu’en pratiquant cette discipline les jeunes apprennent la maîtrise de soi, la patience et la rigueur. Ils accordent ainsi une grande attention à leurs gestes et, ce faisant, prennent conscience du risque et du danger ; ils ne se laissent donc pas manipuler par les jeux vidéos ou les autres medias évoqués tout à l'heure, qui tendent à présenter la destruction de la vie d’autrui comme un acte presque banal.
M. Ladislas Poniatowski. Et que ces jeunes nous rapportent des médailles des jeux Olympiques de Londres !
Mme Catherine Troendle. Parfaitement !
Mme Odette Herviaux. Je me félicite d’autant plus de cette belle unanimité qu’elle n’est pas si fréquente.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, au commencement de cette séance, nous avons évoqué le sort du policier blessé à Vitrolles, qui était entre la vie et la mort. Je suis malheureusement au regret de vous annoncer qu’Éric Lales, gardien de la paix à la brigade anti-criminalité d’Aix-en-Provence, vient de décéder des suites de ses blessures.
Cet exemple illustre combien ce texte est utile, car il doit nous permettre de lutter plus efficacement contre cette forme de criminalité qui est à l’origine de la mort de ce policier.
En même temps, ainsi que ceux qui viennent de s’exprimer l’ont rappelé, il nous fallait prendre en compte ceux qui emploient des armes en toute légalité, comme ces personnes que vous avez évoquées, madame Herviaux, et qui ne doivent pas pâtir du renforcement de cette lutte contre la délinquance. (Mme Odette Herviaux acquiesce.)
Le travail qui a été effectué, d’abord par les trois députés auteurs de la proposition de loi, puis par l’Assemblée nationale, ensuite par le Sénat – et il faut ici saluer la part qu’y a prise M. le rapporteur –, mais aussi dans le cadre des nombreux contacts noués entre le Gouvernement, la fédération des chasseurs, les représentants de tous ceux qui pratiquent le tir sportif, ainsi que les collectionneurs, dont il convient de définir le statut, nous a permis d’avancer progressivement, dans un constant souci d’écoute mutuelle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’un sujet particulièrement sensible, nous le savons : nous devons donc nous féliciter du consensus qui s’est dégagé entre le Gouvernement, les deux chambres du Parlement et l’ensemble des acteurs concernés. Si nous sommes conscients de la nécessité d’avancer encore comme des limites auxquelles nous nous heurtons, nous ne pouvons que nous réjouir de ce résultat.
Je tiens à remercier le Sénat de la célérité dont il a su faire preuve au cours de cette discussion puisque de très nombreux articles et amendements ont pu être examinés en un court laps de temps. Mais après tout, comment s’en étonner quand il était clair pour chacun que c’était l’intérêt général qui était en jeu ? Et c’est bien l’intérêt général que, ce matin, ensemble, nous avons défendu ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. À l’unanimité !
5
Communication d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. En application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et en application de l’article L. 332-3 du code de la recherche et du décret n° 70-878 du 29 septembre 1970, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a émis un vote unanime – seize voix pour – en faveur de la nomination de M. Bernard Bigot aux fonctions d’administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; ils seront repris à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
6
Droit de vote et d’éligibilité des étrangers
Discussion d'une proposition de loi constitutionnelle dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France (proposition n° 329 [1999-2000], texte de la commission n° 143, rapport n° 142).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en inscrivant cette proposition de loi constitutionnelle à l’ordre du jour de votre Haute Assemblée, vous invitez le Gouvernement à défendre sa conception de la citoyenneté française. L’occasion m’est apparue suffisamment importante pour que je livre mes convictions au Sénat.
Ce débat s’attache en effet à l’organisation de notre République et à notre vision de la France. Pour moi, il n’y a pas de thème plus fondamental.
C’est un débat où les clivages n’obéissent pas nécessairement aux frontières partisanes, ce qui doit nous conduire à écouter les arguments de chacun.
Enfin, c’est un débat ancien...
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. François Fillon, Premier ministre. ... et récurrent. Depuis 1981, il ressurgit avant chaque élection, avant d’être inhumé aussitôt après. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux ! Il ne ressurgit pas avant chaque élection !
M. François Fillon, Premier ministre. Permettez-moi tout d’abord de dire un mot sur la méthode utilisée aujourd’hui. Je la réprouve, car elle crée un brouillage démocratique qui affaiblit la cohérence politique de nos institutions. (Très bien ! sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Je connais la tradition parlementaire qui veut que le Sénat reste saisi des textes émanant de l’Assemblée nationale même lorsque celle-ci est renouvelée. Un tel usage est utile pour assurer une certaine continuité de l’action législative. En revanche, il n’a certainement pas été conçu pour exhumer une proposition de loi vieille de plus de dix ans. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. Roland Courteau. À qui la faute si elle a plus de dix ans ?
M. François Fillon, Premier ministre. Depuis lors, l’Assemblée nationale a été renouvelée deux fois, et le Sénat l’a été dans son intégralité.
M. Jean-Pierre Michel. Et il est passé à gauche !
M. François Fillon, Premier ministre. Cette initiative n’a donc plus le moindre lien avec la représentation nationale actuelle, ce qui pose un problème au regard de la clarté démocratique. (M. Alain Gournac acquiesce.)
Je récuse donc la méthode employée.
Toutefois, ce qui m’importe avant tout, c’est de vous livrer ma conception de la France, car elle diverge de celle qui s’exprime dans cette proposition de loi constitutionnelle.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis plus de deux siècles, depuis que la nationalité française existe dans notre droit avec le code civil napoléonien, la citoyenneté en est indissociable.
Du lien entre nationalité et citoyenneté découle le lien entre nationalité et droit de vote.
Des cinq régimes républicains que la France a connus tout au long d’une histoire mouvementée, aucun n’a remis en cause ce socle de notre cohésion ! Aucun n’a vu dans son abolition une conquête ou un progrès légitimes !
Parce que voter, c’est participer à l’exercice de la souveraineté nationale. C’est aussi participer à la vie de notre République, que notre Constitution définit comme le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Or il n’y a qu’un seul peuple : le peuple français ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Non !
M. François Fillon, Premier ministre. Comme la République, la citoyenneté française est une et indivisible. Elle n’est ni locale ni nationale.
Pour exercer la plénitude des droits civiques, un ressortissant étranger doit faire le choix et se montrer digne d’acquérir la nationalité française.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. La nationalité française ouvre des droits spécifiques. Ainsi, la qualité de fonctionnaire, pour l’exercice de fonctions de souveraineté ou d’autorité, est réservée aux Français. On conçoit mal que des ressortissants étrangers rendent la justice « au nom du peuple français ».
La nationalité française comporte aussi des obligations particulières. On nous propose aujourd’hui d’ouvrir une brèche dans cet édifice, où s’équilibrent les droits et les devoirs. Et cette brèche ne peut que déstabiliser les repères.
Au nom de quoi le droit de désigner les conseillers municipaux ou d’être élu au sein d’un conseil municipal ne serait-il plus un attribut de la citoyenneté française ?
Plusieurs sénateurs du groupe CRC. C’est déjà le cas !
M. François Fillon, Premier ministre. Aucune des raisons avancées ne justifie, à mes yeux, ce travail de sape d’un des fondements de notre République. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Soignez le vocabulaire !
M. François Fillon, Premier ministre. On nous dit tout d’abord que les Français n’ont déjà plus le monopole du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales, puisque les ressortissants de l’Union européenne en disposent, sous réserve de réciprocité et dans les conditions prévues par la Constitution.
Mais pourquoi avons-nous fait le choix historique d’élargir ainsi notre droit de vote aux Européens ? Parce que nous voulions qu’émerge une citoyenneté européenne,...
Mme Éliane Assassi. Elle n’existe pas !
M. François Fillon, Premier ministre. ... une citoyenneté ancrée dans les traités, sous le sceau d’un accord entre des pays ayant explicitement décidé d’établir les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens.
M. Robert Hue. C’est discriminatoire !
M. François Fillon, Premier ministre. Cet objectif d’unir nos peuples ne peut pas être avancé pour tous les étrangers issus de pays, certes amis, mais qui n’appartiennent pas à l’aventure collective qui distingue l’Europe au sein du monde.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils vivent une autre aventure collective avec la France !
M. François Fillon, Premier ministre. J’entends ensuite que la reconnaissance de ce droit aux étrangers non communautaires serait nécessaire à leur intégration.
Pensez-vous vraiment que vous êtes intégré parce que vous votez ou parce que vous pouvez voter ? (Non ! sur les travées de l’UMP. – Oui ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. )
Croyez-vous que les pays qui ont élargi leur droit de vote aux étrangers aient résolu leurs problèmes d’intégration ?
Mme Samia Ghali. Oui !
M. François Fillon, Premier ministre. Songeons au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, où – on peut le voir – ce droit est loin d’apaiser toutes les difficultés liées à l’intégration, qui, dans ces sociétés, sont aussi vives, sinon plus encore, que dans la nôtre ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
S’intégrer, c’est d’abord remplir des devoirs, avant de disposer de plus de droits. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
S’intégrer, c’est s’insérer économiquement et socialement ; c’est respecter, épouser, assimiler la culture du pays d’accueil.
Pour moi, le droit de vote est la conséquence d’un parcours individuel. C’est l’aboutissement d’un parcours d’adhésion à notre communauté nationale.
M. Roger Karoutchi. Bien sûr !
M. François Fillon, Premier ministre. Le droit de vote n’est pas une condition ! Il n’est pas un préalable !
Au fond, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi constitutionnelle prend les choses à l’envers.
Quitte à choquer certains d’entre vous, je veux dire que ce sont aux étrangers de faire l’effort de s’ancrer dans la République, car la République, elle, fait tous les jours la preuve de son ouverture. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. – Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Christiane Demontès. Parlons-en !
M. François Fillon, Premier ministre. L’honneur de la France, c’est de récompenser un chemin d’intégration par l’octroi de la nationalité française.
Mme Samia Ghali. Dix ans d’attente !
M. François Fillon, Premier ministre. Ce n’est pas de récompenser l’étranger qui, de manière somme toute légale et légitime, travaille et paye ses impôts.
Au demeurant, l’absence de droit de vote ne signifie nullement que l’étranger soit privé de sa capacité à participer à notre vie sociale.
M. Roland Courteau. Si !
M. François Fillon, Premier ministre. Rien n’est plus faux et plus injuste que de présenter notre pays comme fermé, suspicieux ou xénophobe.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont les étrangers qui le pensent !
M. François Fillon, Premier ministre. Les étrangers qui le souhaitent peuvent participer à la vie de la cité, dans le cadre associatif, dans l’entreprise, dans les comités de quartiers. Je ne peux que les encourager à le faire, car c’est le signe d’une volonté d’intégration.
À l’évidence, un étranger qui réside de longue date en France, qui respecte nos lois et qui s’investit n’aura aucune difficulté à obtenir la nationalité française. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Christiane Demontès. C’est faux !
M. François Fillon, Premier ministre. S’il ne le souhaite pas, c’est parce qu’en son for intérieur, il ne se sent pas entièrement partie prenante du peuple français.
Dans ce cas, il est tout à fait normal qu’il ne puisse pas désigner les représentants d’une collectivité de la République.
M. Roger Karoutchi. Bien sûr !
M. François Fillon, Premier ministre. J’ajoute que le choix de devenir Français n’est pas exclusif. Notre patriotisme n’est pas fondé sur les origines. Il n’est pas sectaire. Il admet parfaitement que chacun puisse conserver dans son cœur plusieurs attaches.
La personne qui devient française n’est pas automatiquement contrainte à renoncer à sa nationalité d’origine, puisque notre droit admet le cumul de nationalités.
Il n’y a donc aucune forme de déchirement dans le choix d’accéder à la nationalité française. Il y a là simplement, et c’est fondamental, l’expression d’un désir d’être Français.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. François Fillon, Premier ministre. Chaque année, plus de 130 000 personnes décident d’acquérir la nationalité française. Pour eux, c’est très souvent un moment important, émouvant, solennel.
Dans les nombreuses cérémonies d’acquisition de la nationalité française que j’ai présidées, j’ai pu voir, comme vous, la joie et la fierté dans les yeux des personnes naturalisées au moment de la remise du document officiel.
M. Roger Karoutchi. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Michel. Sortez les mouchoirs !
M. François Fillon, Premier ministre. Cette joie, cette fierté, c’est un cadeau que leur fait la France en les accueillant en son sein, mais c’est aussi un cadeau que ces étrangers font à la France en rejoignant son destin ! (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
Cette proposition de loi ne rend pas justice à tous nos compatriotes qui ont fait l’effort de s’assimiler pour acquérir la nationalité française.