Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Votre temps de parole est de dix minutes !
M. Claude Guéant, ministre. Cette amélioration s’est d’abord traduite par l’acquisition d’un hélicoptère dédié au secours outre-mer, afin de compenser les effets du redéploiement des moyens aériens militaires voulu par le Livre blanc à partir de 2012.
Cette amélioration passe aussi par la modernisation d’une partie de notre flotte d’avions bombardiers d’eau.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faudrait que les ministres respectent les temps de parole !
M. Claude Guéant, ministre. Vous vous êtes légitimement inquiétés, mesdames, messieurs les sénateurs, du vieillissement de notre flotte, notamment de nos Trackers. Les inspections très poussées qui ont été diligentées ont montré que nous pouvions continuer à utiliser ces avions jusqu’en 2020, à condition que les travaux de remotorisation et de rénovation des cellules se poursuivent. Ce délai nous laisse le temps nécessaire à l’étude de leur remplacement, qui sera engagé de manière progressive à partir de 2015. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Louis Carrère s’exclament.)
J’ai donc mis en place, en septembre dernier, un groupe d’experts chargés de réfléchir à l’évolution de la flotte d’avions de la sécurité civile. J’attends ses conclusions pour le début de l’année 2012 et ne manquerai pas de vous tenir informés des actions que j’engagerai sur leur base.
En outre, je vous confirme que les crédits consacrés à la maintenance des avions, stables depuis trois ans, permettront en 2012 de disposer du même potentiel opérationnel que les années précédentes. Et s’ils se révèlent insuffisants, des abondements seront réalisés.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de la sécurité civile pour 2012 s’inscrit pleinement dans la continuité d’une politique tout à la fois budgétairement responsable et ambitieusement moderne. Il offre les moyens de protéger non seulement notre population, mais aussi les hommes et les femmes de la sécurité civile, qui font, à chaque mission, le choix de l’engagement citoyen.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fait vingt minutes que vous vous exprimez !
M. Claude Guéant, ministre. Adopter les crédits de cette mission, c’est donc, aussi, leur manifester notre respect et notre reconnaissance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Sécurité civile », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Sécurité civile |
408 714 129 |
436 805 268 |
Intervention des services opérationnels |
255 687 977 |
260 706 977 |
Dont titre 2 |
159 389 023 |
159 389 023 |
Coordination des moyens de secours |
153 026 152 |
176 098 291 |
M. le président. L'amendement n° II-368, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Intervention des services opérationnelsDont Titre 2 |
9 200 000 |
|
9 200 000 |
|
Coordination des moyens de secours |
2 500 000 |
2 500 000 |
||
TOTAL |
11 700 000 |
11 700 000 |
||
SOLDE |
+ 11 700 000 |
+ 11 700 000 |
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Avec cet amendement, nous proposons de rétablir les 11,7 millions d’euros qui ont été supprimés à l’Assemblée nationale par le Gouvernement.
Je rappelle que la suppression de ces crédits se traduira dans les faits par la réduction des moyens de fonctionnement de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, le report du déploiement du système d’alerte et d’information des populations, l’abandon du projet d’acquisition d’un aéronef de liaison et de coordination, le remplacement d’un hélicoptère Dauphin par un appareil moins onéreux, enfin la diminution des crédits pour les produits retardants utilisés dans la lutte contre les feux. Tout cela n’est pas admissible !
Comme je l’ai souligné au cours de la discussion, d’autres sources de financement existent pour améliorer le budget de la sécurité civile. C’est d’autant plus vrai que nous avons formulé des propositions pour dégager des recettes supplémentaires lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2012.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à adopter le présent amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. Cet amendement vise à rétablir les 11,7 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement supprimés par l’Assemblée nationale dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’économies supplémentaires d’un milliard d’euros.
Si l’on examine ces crédits, il convient de noter qu’une partie correspond, vous l’avez souligné, au système d’alerte et d’information des populations, qui prend du retard. Si je le regrette, il ne me semble pourtant pas nécessaire d’inscrire ces crédits, qui risquent de ne pas être compensés.
Par ailleurs, je me réjouis que nous fassions l’acquisition d’un EC 145 plutôt que d’un Dauphin ; pour avoir personnellement étudié la question des aéronefs, je sais que les EC 145 non seulement coûtent moins cher, mais sont plus en adéquation avec les missions que l’on souhaite leur confier.
Je voudrais noter, pour m’en réjouir, que, fort heureusement, il y a eu moins de feux de forêts au cours de cette année 2011 et que, par conséquent, nous disposons d’un certain nombre de stocks au titre des produits retardants.
La commission des finances avait examiné le texte initial. Après s’être penchée sur le budget voté par l’Assemblée nationale, elle a confirmé sa proposition d’adopter les crédits de cette mission.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° II-368.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. Je ne saurais mieux dire que M. le rapporteur spécial ; j’ajouterai simplement que les moyens de fonctionnement de la direction de la sécurité civile font déjà l’objet d’une réduction de crédits, à hauteur de 200 000 euros.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-368.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. Roland du Luart. Je ne comprends plus : les membres socialistes de la commission des finances avaient émis un avis défavorable !
M. Gérard Larcher. Ils sont devenus déraisonnables en vingt-quatre heures !
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurité civile », figurant à l’état B.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. La commission des finances avait émis un avis favorable sur l’adoption de ces crédits, y compris avec la réduction de 11,7 millions d’euros.
Après le vote de l’amendement n° II-368, je serais bien en peine de vous livrer l’avis de la commission, étant donné que, en son sein, mes collègues avaient voté en faveur des crédits adoptés par l’Assemblée nationale !
M. Roland du Luart. Effectivement !
Mme Catherine Procaccia. Contradictions sénatoriales !
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission « Sécurité civile ».
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’avis de la commission des finances sur la mission « Sécurité » est pour le moins assez critique envers la politique prévue par le Gouvernement pour l’année budgétaire à venir.
Mme Catherine Procaccia. Quelle surprise !
M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. J’en conviens, ma chère collègue, ce constat n’est guère étonnant.
En tant que rapporteur spécial, je dois souligner que les conséquences de la RGPP inquiètent tous des membres de la commission, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent.
Globalement, le projet de loi de finances pour 2012 consacre 9,276 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 9,21 milliards d’euros de crédits de paiement à la police nationale. Ces chiffres ne doivent cependant pas masquer la baisse de 2,3 % que subissent les dépenses de fonctionnement.
Le programme « Gendarmerie nationale », quant à lui, comporte 7,914 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 7,875 milliards d’euros de crédits de paiement. Néanmoins, je souligne que le Gouvernement a choisi de « sanctuariser » les dépenses de fonctionnement courant au détriment des investissements, pourtant indispensables.
Mes chers collègues, nous avons donc tout lieu d’estimer qu’un seuil a été atteint, au-delà duquel le potentiel opérationnel de la police et de la gendarmerie court un risque réel. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Le recul de la délinquance sous toutes ses formes est, d’après le Gouvernement – nous venons encore de l’entendre –, le premier objectif de cette mission.
M. Jean-Louis Carrère. Ne nous y trompons pas !
M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Dès lors, comment expliquer cet essor inconcevable des atteintes portées à l’intégrité physique des personnes ? (M. le ministre proteste.)
Monsieur le ministre, les chiffres parlent d’eux-mêmes, ils sont d’ailleurs publiés par vos propres services : 11 437 crimes et délits supplémentaires ont été enregistrés en 2010 par rapport à 2009 !
Mes chers collègues, je n’ai malheureusement pas le temps d’égrener l’ensemble des domaines concernés par ce mouvement global. Je précise simplement que, en matière d’escroqueries et d’infractions économiques et financières, par exemple, le nombre des crimes et délits explose également.
Monsieur le ministre, vous nous aviez promis une baisse de 2,5 % en la matière pour l’année 2011, mais force est de constater que le Gouvernement – vous n’en êtes certes pas le seul membre – n’a pas atteint ses propres objectifs.
Concernant la mesure de la performance, vous nourrissez une telle obsession de la « culture du résultat » que la sécurité se résume désormais à une politique du chiffre, essentiellement orientée vers la sanction et la répression.
Or la prévention constitue le second pilier central de cette mission. Partant, il conviendrait de mieux la prendre en compte dans le cadre de l’évaluation de la police et de la gendarmerie.
Je le répète, la commission s’inquiète des dégâts causés par la politique menée depuis plusieurs années sous l’empire de la RGPP.
Au sein de la police nationale, 3 594 emplois équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, ont été supprimés pour les seules années 2009 à 2011. En 2012, la RGPP II – le retour ! – doit opérer de nouvelles suppressions de postes, à hauteur de 1 682 ETPT au sein de la police et de 1 466 ETPT dans la gendarmerie.
Mes chers collègues, j’ai personnellement auditionné le général Mignot, ainsi que M. Péchenard, le directeur général de la police nationale. Or, si de par leurs fonctions mêmes, ils soutiennent la politique gouvernementale,…
M. Jean-Louis Carrère. Ils ne soutiennent pas, ils exécutent ! (M. Roger Karoutchi proteste.)
M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. … ils ne m’ont pas caché leurs inquiétudes au sujet de cette situation.
Monsieur le ministre, j’en appelle à votre bon sens : ces réductions d’effectifs mettent en péril le niveau de sécurité dû à nos concitoyennes et à nos concitoyens et réduisent drastiquement la présence des forces de sécurité sur le terrain.
Par ailleurs, ces suppressions de postes se sont doublées d’une réelle dégradation des emplois et des conditions de travail des agents. Les difficultés s’accumulent : recrutement d’adjoints de sécurité en nombre, tensions professionnelles, recours aux heures supplémentaires ou à des citoyens « surveillants » pour compenser les manques d’effectifs, etc.
Mes chers collègues, dans ce paysage d’ensemble dessiné par la RGPP, plusieurs points noirs méritent tout spécialement d’être distingués.
Premièrement, il convient d’évoquer la police de proximité, sur laquelle nous reviendrons dans quelques instants. L’instabilité et l’illisibilité des dispositifs visant à mettre en œuvre son action traduisent en réalité le malaise du Gouvernement et son incapacité à appréhender ce sujet convenablement : il est temps de réinventer cette police, en la fondant sur des liens de confiance étroitement noués avec la population, l’action de prévention et l’ancrage durable dans le temps.
Deuxièmement, la commission suivra avec attention, en 2012, la poursuite de la mise en œuvre de la réforme des transfèrements engagée en 2011, qui, pour l’heure, subit de trop nombreux dysfonctionnements. Il ne s’agit pas là d’un propos politique : il convient simplement d’appréhender cette question avec un souci d’efficacité opérationnelle. Monsieur le ministre, vous êtes, sauf erreur de ma part, sensible à cet impératif.
Troisièmement, je déplore vivement les investissements coûteux qu’impliquent des systèmes de vidéosurveillance attentatoires aux libertés publiques.
Mes chers collègues, sur ce point, je suis quelque peu isolé au sein de la commission des finances, j’en conviens.
M. Roger Karoutchi. Vous avez l’honnêteté de le reconnaître !
M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Monsieur Karoutchi, vous vous souvenez de notre discussion sur ce sujet, à laquelle ont d’ailleurs pris part mes amis socialistes et communistes. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)
En tant que rapporteur, la parole est libre, même si parfois la plume est serve… Aussi, je tiens à souligner qu’aucune étude sérieuse n’a prouvé l’efficacité en termes de sécurité de ces systèmes de vidéosurveillance, qui sont coûteux et, selon moi, particulièrement attentatoires aux libertés publiques. À mes yeux, ces caméras n’ont d’autre but que de masquer les manques d’effectifs sur le terrain ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Dans un tel contexte de crise, je considère que ces investissements sont non seulement honteux, mais irresponsables.
Monsieur le ministre, la RGPP a atteint ses limites. Elle conduit – disons-le clairement – à une privatisation rampante de la sécurité dans notre pays et, faute de moyens humains suffisants, à une précarisation des agents et à un désengagement de l’État, qui fait peser une charge supplémentaire sur les collectivités territoriales.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Mes chers collègues, pour l’ensemble de ces raisons, et au vu de ces motifs de profonde inquiétude, la commission des finances, dans sa majorité, vous propose de rejeter les crédits proposés pour la mission « Sécurité » et pour chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Éliane Assassi, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à rendre un hommage appuyé à tous les policiers et gendarmes qui, chaque jour, assument des missions difficiles, dans des conditions parfois extrêmes. Je salue tout particulièrement la mémoire de celles et ceux d’entre eux qui ont perdu la vie : j’ai une pensée particulière pour leur famille, leurs proches et leurs collègues.
Mes chers collègues, dans le temps qui m’est imparti, j’évoquerai trois points.
Premièrement, si l’ensemble des forces de l’ordre est touché par la réduction des moyens et des effectifs, j’insisterai plus spécialement sur la question des personnels administratifs, techniques et scientifiques de la police nationale.
En effet, la communication du ministère de l’intérieur, tout comme le rapport annexé à la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI, mettent l’accent sur le développement de la police technique et scientifique, la PTS, présentée comme le corollaire de la « culture de la preuve » elle-même mise à l’honneur par la réforme de la garde à vue, qui obligerait à renoncer à la « culture de l’aveu ».
Mes chers collègues, vous le savez, les personnels de la PTS ont manifesté l’année dernière pour protester contre un manque de moyens flagrant, qui contraste avec des exigences toujours plus fortes à leur égard. Avec une stagnation des moyens de fonctionnement courant et une augmentation de quatre-vingts agents seulement en 2012, il est peu probable que la situation s’améliore. Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment développer cette fameuse « culture de la preuve » ?
L’année 2012 sera d’ailleurs marquée par une nouvelle diminution des personnels administratifs et techniques de la police nationale. Ceux-ci ne représentent que 12 % environ de l’ensemble des personnels, alors que ce taux est supérieur à 20 % dans bien des pays européens. Or de nombreux postes administratifs sont occupés par des personnels actifs – gardiens de la paix, voire majors de police – dont le salaire est bien plus élevé que celui des agents de la filière administrative. Cette solution est donc à la fois inefficace et coûteuse : c’est pourquoi la notion de « substitution des personnels administratifs » est mise en avant depuis plusieurs années.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous affecter les personnels actifs aux postes qu’ils ont vocation à occuper, si le ministère ne dispose pas des agents administratifs nécessaires pour les remplacer dans les bureaux ?
Deuxièmement, il convient d’aborder la question des statistiques et de la « politique du chiffre » dans la police et la gendarmerie nationales.
Monsieur le ministre, alors que l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, élargit l’approche de la délinquance au-delà des simples faits constatés par la police et la gendarmerie nationales – par exemple via les enquêtes de victimisation – vous persistez à n’évoquer devant le Sénat que les faits de l’état 4001, comme si la délinquance s’y résumait tout entière.
J’illustrerai le caractère pour le moins risqué d’une telle approche par l’exemple des escroqueries à la carte de crédit. En septembre 2010, l’ONDRP a constaté une baisse d’environ 10 % des faits d’escroquerie et d’infractions économiques et financières sur un an, soit 35 000 faits de moins. En réalité, les services de police et de gendarmerie n’enregistraient plus les plaintes en matière d’escroqueries à la carte bleue, au motif que seule la banque était vraiment lésée, puisqu’elle devait systématiquement rembourser la somme volée. Une circulaire de la chancellerie a fini par faire évoluer cette pratique.
Les autres limites de l’approche par les faits constatés sont bien connues, et je n’en rappellerai que deux.
Tout d'abord, le fait est enregistré au lieu du dépôt de la plainte, et non au lieu de la commission de l’infraction. Ainsi, une personne qui a subi une agression à Paris mais qui habite Amiens pourra porter plainte dans cette dernière ville. En revanche, le fait, s’il est élucidé, le sera à Paris. Les faits constatés ne permettent donc pas de dresser une cartographie de la délinquance.
Ensuite, l’état 4001 ne prend pas en compte les contraventions, y compris les violences volontaires les moins graves.
Quant au taux d’élucidation, chacun sait qu’il ne présente aucune rigueur méthodologique.
Monsieur le ministre, votre prédécesseur avait renoncé, au moins dans le tableau de bord des forces de l’ordre, au chiffre unique. Ne serait-il pas temps d’aller plus loin et d’évoquer désormais les statistiques avec toutes les précautions de rigueur, en les complétant de surcroît avec les nouvelles sources de données dont nous commençons à disposer ?
Troisièmement, j’évoquerai la vidéosurveillance.
Le projet annuel de performance fixe toujours un objectif de 60 000 caméras sur la voie publique à moyen terme. Or les études scientifiques qui ont été réalisées en grand nombre dans les autres pays dressent un constat convergent : si la vidéosurveillance peut faire baisser la délinquance dans des lieux de taille réduite et fermés tels que des parkings, elle n’a aucun effet mesurable en terrain ouvert, sur la voie publique.
Quant à son efficacité en termes de répression, il est bien entendu aisé de trouver des exemples dans lesquels la vidéosurveillance a permis d’appréhender un délinquant. C’est pourquoi, monsieur le ministre, vous disposez toujours d’un tel exemple pour répondre aux critiques qui vous sont adressées en ce domaine.
Toutefois, il est évident qu’un exemple, ou même cinquante, ne signifie rien d’un point de vue global. Il convient de rapporter les faits élucidés par ce moyen aux milliers d’actes de délinquance éclaircis chaque année sans caméras.
Or même l’enquête très favorable à la vidéosurveillance de l’Inspection générale de l’administration et de l’Inspection générale de la police réalisée en 2010 ne trouve, au mieux, qu’un taux de 3 % de faits élucidés par ce moyen, sur la base des chiffres de quinze circonscriptions de sécurité publique. Ces 3 % peuvent sembler non négligeables, mais ils coûtent très cher à l’État et aux collectivités locales.
Par conséquent, il me semble nécessaire de réaliser, en France cette fois, une étude scientifique sérieuse présentant toutes les garanties d’objectivité. En effet, si la situation n’est pas la même dans notre pays qu’au Royaume-Uni ou au Canada, bien sûr, encore faudrait-il savoir en quoi elle diffère et à quelles conditions cette technologie pourrait être efficace dans notre pays.
Cette étude a été maintes fois annoncée, mais jamais réalisée. Il est nécessaire qu’elle soit au plus vite financée par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, et que, dans l’attente de ses résultats, un moratoire soit décidé sur l’installation de nouvelles caméras.
Bien entendu, je n’ai évoqué ici que la question de l’efficacité de la vidéosurveillance. Toutefois, cette technique pose également d’évidents problèmes de contrôle au regard des libertés publiques et de respect des garanties posées par le législateur, des sujets sur lesquels je n’aurai pas le temps d’intervenir aujourd’hui.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous aurez compris que la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission « Sécurité » pour 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, rapporteur pour avis.
M. Michel Boutant, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la gendarmerie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais avant toute chose saluer la mémoire des gendarmes tombés en service et avoir une pensée pour celles et ceux qui ont été blessés dans l’exercice de leur mission ou qui, engagés sur des opérations extérieures, se trouvent actuellement loin de notre pays.
En apparence, le budget de la gendarmerie nationale augmente légèrement en 2012, avec une hausse de 1,7 %.
Toutefois, cette progression est uniquement due aux pensions. Hors pensions, les crédits de la gendarmerie pour 2012 sont en diminution.
Compte tenu de la stabilisation des dépenses de personnel et de la « sanctuarisation » des dépenses de fonctionnement, la réduction du budget porte principalement sur les investissements.
Après avoir connu une forte diminution de 13 % l’an dernier, les investissements devraient connaître une nouvelle baisse de 5 % en 2012.
M. Jean-Louis Carrère. C’est leur variable d’ajustement !
M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, comme beaucoup d’autres, je m’inquiète de cette diminution, qui risque de porter atteinte au renouvellement des matériels et des équipements, ainsi qu’à la rénovation de l’immobilier de la gendarmerie.
Lors de votre audition devant la commission, vous avez indiqué que 2 200 véhicules neufs devraient être livrés en 2012 et 850 commandés pour 2013. J’ai fait quelques calculs : étant donné que la gendarmerie dispose d’un parc de 30 000 véhicules et que la durée de vie moyenne de ces derniers est de huit ans, il faudrait commander chaque année 3 000 nouveaux véhicules pour maintenir en l’état le parc automobile. Or, en 2013, seuls 850 véhicules neufs seront livrés.
Le même problème se pose à propos du renouvellement des 29 hélicoptères de type Écureuil, en service dans la gendarmerie depuis les années soixante-dix, dont le remplacement par de nouveaux modèles s’impose au regard de la nouvelle réglementation : celle-ci interdit le survol des habitations par des appareils monoturbines, ce qui réduit considérablement leur champ d’intervention.
Et je ne parle pas des véhicules blindés à roues de la gendarmerie mobile, que Gérard Larcher et moi-même avons pu voir hier à l’occasion de notre visite du groupement blindé de gendarmerie mobile de Satory, et qui datent, eux aussi, des années soixante-dix.
Pour maintenir certains blindés en état de marche, la gendarmerie est contrainte de les « cannibaliser », c’est-à-dire de prélever des pièces détachées sur les véhicules hors d’usage pour intervenir sur les autres.
Enfin, je voudrais dire un mot sur la forte baisse des effectifs de la gendarmerie.
Après une suppression de 4 500 emplois entre 2008 et 2011, ce sont de nouveau 1 185 postes qui devraient être supprimés en 2012.
Au total, ce sont donc plus de 6 500 emplois qui devraient être supprimés dans la gendarmerie, le même traitement s’appliquant aux policiers, avec une baisse de 1 720 postes en 2012.
Au moment même où les effectifs de la gendarmerie et de la police nationales connaissent ces fortes diminutions, ceux de la police municipale sont passés de 14 300 à 19 370, soit plus de 5 000 postes supplémentaires.
Lorsque l’on répète à l’envi, ici ou dans d’autres lieux, que les collectivités locales recrutent trop, n’oublions pas que ces dernières agissent ainsi également pour compenser le retrait de l’État en matière de sécurité.
M. Jean-Louis Carrère. C’est un transfert de compétences !
M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. Après la suppression de postes dans les écoles de gendarmerie – quand ce ne sont pas des écoles elles-mêmes –, des états-majors et de quinze escadrons de gendarmerie mobile, la gendarmerie est aujourd’hui « à l’os », pour reprendre l’expression de l’un de ses hauts responsables.
Au rythme actuel, il ne fait pas de doute que les suppressions d’effectifs toucheront de plus en plus les brigades territoriales, comme je peux d’ailleurs déjà le constater dans le département dont je suis l’élu, la Charente, où, depuis maintenant trois ans, une brigade est dissoute chaque année.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous maintenir le maillage territorial assuré par les brigades territoriales malgré cette baisse des effectifs de gendarmes ?