compte rendu intégral
Présidence de Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,
Mme Odette Herviaux.
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Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Dépôt d'un rapport
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. Gaël Yanno, président de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, le premier rapport d’activité de cette commission, établi en application de l’article 74 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des finances, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, ainsi qu’à la commission des affaires sociales.
Il est disponible au bureau de la distribution.
3
Loi de finances pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 106, rapport n° 107).
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Recherche et enseignement supérieur
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur »
La parole est à M. Michel Berson, rapporteur spécial.
M. Michel Berson, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Philippe Adnot et moi-même, rapporteurs spéciaux de la commission des finances sur la mission « Recherche et enseignement supérieur », nous sommes répartis les compétences de la manière suivante : notre collègue a examiné le bloc « Enseignement supérieur », qui correspond à la moitié environ des crédits de la mission, et je me suis chargé du bloc « Recherche », ainsi que des considérations d’ensemble.
Je ne vous assommerai pas de chiffres, vous rappelant simplement que, avec 25,4 milliards d’euros de crédits de paiement, c’est la mission la plus importante de ce projet de budget, après les missions « Défense », « Enseignement scolaire » et, bien sûr, « Engagements financiers de l’État », qui regroupe les dotations affectées à la charge de la dette. C’est aussi la mission dont les crédits permettent de préparer l’avenir, en investissant dans l’économie de la connaissance et l’innovation, aujourd’hui moteurs de la croissance.
Puisque l’heure est au bilan, monsieur le ministre, qu’en est-il de l’évolution, depuis 2007, des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ? La commission des finances considère que, si l’on compare « objectivement » les moyens de la recherche et de l’enseignement supérieur entre 2007 et 2012, l’augmentation aura été plus proche de 5,6 milliards d’euros que des 9 milliards d’euros promis par le Président de la République au début de son mandat et des 9,4 milliards d’euros annoncés par vous-même.
Pour atteindre ce chiffre de 9,4 milliards d’euros, vous avez recours à deux procédés. Le principal consiste à comptabiliser des dépenses qui seront réellement payées, avec un effet sur les besoins de financement, par les législatures suivantes. Une telle logique conduit, dans le cadre des crédits budgétaires, à prendre en compte non pas les crédits de paiement, mais les autorisations d’engagement. Ainsi, pour ce qui concerne les dépenses fiscales, vous retenez non pas le coût budgétaire, en 2012, du crédit d’impôt recherche, le CIR, qui s’élèvera à 2,3 milliards d’euros, mais le montant de la créance correspondante des entreprises, qui s’établit à 5,3 milliards d’euros, somme représentant le coût moyen annuel du CIR pour les prochaines législatures.
Le deuxième procédé auquel vous avez recours, pour « gonfler » – permettez-moi l’expression – les chiffres consiste à prendre en compte 1,2 milliard d’euros qui correspond non pas à des dépenses de 2012, mais à des dépenses cumulées de 2007 à 2012 : il s’agit des intérêts cumulés de l’opération Campus et des autorisations d’engagement des partenariats public-privé sur toute la période. J’ajoute que ces dépenses sont encore virtuelles, en particulier si l’on raisonne en crédits de paiement.
L’engagement présidentiel d’augmenter, sur la période 2007-2012, les moyens de la recherche et de l’enseignement supérieur de 9 milliards d’euros n’a donc pas été respecté.
Je veux maintenant souligner le scepticisme de la commission des finances sur le grand emprunt, dont la vocation devait être de financer massivement les investissements d’avenir.
Le Président de la République a décidé d’afficher un effort sans précédent en faveur de la recherche, en réservant à ce domaine 22 milliards d’euros, sur les 35 milliards d’euros du grand emprunt. Mais ces crédits ne pouvant pas être réellement dépensés par les administrations publiques – l’État n’avait pas l’argent nécessaire –, ces 22 milliards d’euros ont été attribués à un opérateur, l’Agence nationale de la recherche, ou ANR, qui « redonne » en quelque sorte ces crédits à l’État et attribue les financements au compte-gouttes. Le grand emprunt se traduit donc en réalité par des décaissements des administrations publiques que le Gouvernement évalue, dans le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances, à « environ 2 milliards d’euros en 2011, 3 milliards d’euros en 2012 et environ 3 à 4 milliards d’euros par an entre 2013 et 2015 ». Était-ce la peine de monter une telle usine à gaz – permettez-moi l’expression – pour, finalement, augmenter les dépenses de seulement quelques milliards d’euros par an pendant quelques années ?
Par ailleurs, l’argent confié aux opérateurs est débudgétisé et échappe donc, dans une large mesure, au contrôle du Parlement. Dans ces conditions, vous le comprendrez, nous sommes en droit de nous demander si le grand emprunt ne conduit pas les opérateurs à répondre de façon moindre aux appels à projets de l’ANR ou de l’Union européenne ou s’il ne se substituera pas finalement aux crédits budgétaires.
J’en viens à la question centrale qui nous est posée. Nous nous trouvons aujourd’hui à une période charnière. Le projet de budget pour 2012 de la recherche et de l’enseignement supérieur marque la fin d’un cycle budgétaire, mais il ne trace pas de perspectives claires sur le nouveau cycle qui s’ouvre.
On observe en effet une stagnation, voire une régression, des crédits pour 2012. Les crédits de paiement de la mission n’augmentent que de 1 % en euros courants, soit un recul de 1 % en euros constants. Les seules dépenses de recherche baissent de 0,8 % en crédits de paiement et les dotations des grands organismes de recherche varient de moins 0,5 % à plus 0,5 %, créant ainsi des situations budgétaires très critiques.
Aujourd’hui, tout laisse à penser que la nécessité de réduire les déficits publics incitera à diminuer les dépenses en matière de recherche et d’enseignement supérieur. Pourtant, ce sont celles qui, à long terme, soutiennent la croissance et réduisent le déficit public, comme j’ai tenté de le montrer dans le rapport écrit.
Diminuer ces dépenses contribuerait à réduire à long terme la soutenabilité des finances publiques. À cela s’ajoute le fait que, sans un effort très soutenu en matière d’innovation, c’est l’ensemble du tissu industriel de la France qui se trouvera fragilisé, ce qui accroîtra parallèlement son déficit extérieur.
Dans le rapport, au vu des travaux du Conseil d’analyse économique et de la direction du Trésor, j’ai essayé de répondre à une question simple : dans quelle mesure les dépenses en matière de recherche et d’enseignement supérieur influent-elles sur la croissance de long terme de l’économie et sur le solde public ?
Les résultats sont, je le concède, quelque peu conventionnels. Pour résumer, on peut affirmer, d’après les estimations disponibles, qu’une dépense de 5 milliards d’euros chaque année en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur permet d’enregistrer, au bout de trente ans, une augmentation du PIB d’environ 1 point et de réduire le déficit public de quelques dizaines de points de PIB.
Dès lors, à quel niveau faut-il mobiliser l’argent public pour financer la recherche et l’enseignement supérieur dans notre pays ? Il convient d’abord d’en faire le constat, le taux de subvention publique aux entreprises privées, résultant des subventions budgétaires et du généreux crédit d’impôt recherche, est très élevé en France. Ce taux, si on l’augmentait encore, risquerait de correspondre à un pur effet d’aubaine. En revanche, une croissance des crédits publics en faveur de la recherche fondamentale n’aurait pas telles conséquences.
Dans ces conditions, la commission des finances considère que l’objectif de notre pays doit être de stabiliser, en points de PIB, les moyens publics consacrés à la recherche et à l’enseignement supérieur. Si l’on considère que le PIB a tendance à évoluer sur une longue période de 4 % par an en valeur, une telle stabilisation correspond à une augmentation de un milliard d’euros par an en moyenne. Aller très au-delà en matière d’augmentation des dépenses publiques ne serait pas nécessairement efficace. En revanche, il s’avère impératif de faire croître les dépenses totales de recherche par une augmentation des dépenses privées.
En France, les dépenses publiques et privées en matière de recherche et développement représentent, depuis dix ans, environ 2 points de PIB, ce qui est nettement inférieur aux dépenses de l’Allemagne, qui y consacre 2,6 points de son PIB, des États-Unis, dont les dépenses en la matière atteignent 2,8 points de son PIB, et du Japon ou de la Suède, qui affichent des sommes représentant plus de 3 points de leur PIB, niveau fixé par la stratégie de Lisbonne. Pour notre part, nous devrions dépenser un point supplémentaire de PIB, soit environ 20 milliards d’euros. Ce n’est pas l’insuffisance de la recherche publique qui explique un tel écart, mais bien celle de la recherche privée.
Malgré la croissance des aides directes et fiscales de l’État, les dépenses en faveur de la recherche en entreprise stagnent. À cet égard, je ferai deux remarques.
Le sous-investissement dans la recherche et développement des grandes entreprises françaises se manifeste, notamment en comparaison avec l’Allemagne, par le faible recrutement de docteurs.
Dans les grands groupes, le pilotage de la recherche échappe généralement aux équipes de R&D et aux sous-traitants, pour passer aux mains des financiers qui visent l’optimisation dans tous les domaines, et notamment l’optimisation fiscale avec le crédit d’impôt recherche. Une telle situation nécessitera une réelle évaluation des effets du crédit d’impôt recherche sur l’effort de recherche des entreprises, grandes et petites.
Aujourd’hui, les véritables enjeux en matière de recherche dépassent le champ de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ; ils dépassent même, plus généralement, celui des questions purement budgétaires.
Ce qu’il nous faut, c’est une vraie politique industrielle, privilégiant les filières technologiques de pointe, une politique en faveur des TPE, des PME et des entreprises de taille moyenne, qui sont trop peu nombreuses dans notre pays, et une politique qui améliore la compétitivité globale de l’économie.
Mes chers collègues, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de vous présenter plus particulièrement les deux programmes qui concernent l’enseignement supérieur.
Le bloc que forment ces deux programmes représente environ 14 milliards d’euros. En hausse d’un peu plus de 2 %, ses crédits de paiement paraissent relativement épargnés par rapport à ceux du bloc de la recherche, même si une partie de cette augmentation résulte des sommes versées sur le compte d’affectation spéciale « Pensions ».
De façon générale, quelles que soient les critiques qu’on peut adresser à la mission « Recherche et enseignement supérieur », il n’est à mon avis pas possible de faire abstraction du contexte extrêmement contraint qui pèse sur nos finances publiques.
Je souhaite, pour ma part, insister sur trois questions.
La première est l’accès des universités à l’autonomie. La loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU, a prévu l’accession à l’autonomie de toutes les universités, d’ici au 1er janvier 2013, dans le domaine budgétaire et la gestion des ressources humaines. En 2012, presque toutes seront devenues autonomes.
Si le rythme relativement soutenu de mise en œuvre de la loi LRU me satisfait, je souhaite attirer votre attention sur deux défis qu’il importe de relever pour rendre cette réforme parfaitement effective.
Le premier réside dans l’amélioration de la connaissance des besoins de masse salariale des établissements et l’adéquation des moyens alloués au regard de ces besoins.
En effet, pour ce transfert de compétences comme pour tous les autres, la question se pose à court terme de l’adéquation des moyens alloués aux besoins résultant du transfert et de l’évolution des réglementations.
Sur le plan des moyens, le Gouvernement a annoncé, le 19 octobre dernier, un abondement de 14,5 millions d’euros au titre de la question du glissement vieillesse technicité, le GVT.
Je me félicite de cette mesure, qui permet à la fois de compenser certaines charges supportées par les établissements d’enseignement supérieur pour des raisons qui ne sont pas de leur fait, comme le vieillissement des personnels, et d’épargner les universités qui, en partie grâce à leurs efforts de gestion, réussissent à dégager des marges de manœuvre.
Si le GVT peut résulter de facteurs techniques liés au vieillissement des personnels, il dépend aussi de certaines décisions prises par les universités elles-mêmes au sujet de leur schéma d’emplois. Selon moi, les universités devront, à terme, assumer les conséquences financières de ces choix et les articuler avec une vision globale de leur politique budgétaire.
Mais une juste adéquation des moyens aux besoins n’est possible que sur le fondement d’une évaluation précise des besoins des universités en matière de masse salariale.
Or, comme la Cour des comptes l’a récemment souligné, une incertitude pèse aujourd’hui sur les besoins réels des établissements d’enseignement supérieur. Il me semble donc indispensable, monsieur le ministre, d’améliorer rapidement la fiabilité des instruments d’évaluation.
La réussite de l’accession des universités à l’autonomie suppose un traitement équilibré de cette question, qui est à la croisée de différents enjeux : la lisibilité qu’il est nécessaire de donner aux établissements d’enseignement supérieur sur les financements alloués par l’État, la responsabilisation des universités dans leurs choix de gestion et la maîtrise des finances publiques.
Le second défi qu’il faut relever concerne la montée en puissance de l’allocation des moyens par la performance.
Un nouveau dispositif d’allocation a été mis en place en 2009 : le système de répartition des moyens à la performance et à l’activité, dit SYMPA.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, ce système permet-il effectivement de prendre en considération la performance des universités ? Tient-on suffisamment compte de la performance pour justifier certains rééquilibrages ? À terme, en effet, il semblerait logique qu’un établissement non performant voie sa dotation diminuer…
L’autonomie et le nouveau dispositif d’allocation des moyens illustrent des logiques nouvelles qui devraient conduire à des modifications durables dans le fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur.
Le fait est que le système d’attribution des moyens, dans son fonctionnement actuel, ne permet pas aux universités les moins bien dotées de rattraper leur retard : même exprimées en pourcentages, les augmentations n’empêchent pas certains établissements de rencontrer concrètement des difficultés.
Je parle non pas de l’équilibre des comptes des universités, beaucoup évoqué ces jours-ci, mais seulement de la nécessité de doter les établissements qui n’ont pas été bien pourvus au départ des moyens de rattraper un jour leur retard.
Plus généralement, monsieur le ministre, compte tenu de la manière très diverse dont sont dotées les entités, faudra-t-il mettre en place un fonds de péréquation, pour les universités comme pour les collectivités territoriales ?
Ma deuxième question porte sur la dévolution du patrimoine immobilier.
L’autonomie immobilière constitue, pour les universités, une compétence optionnelle. En 2011, il a été procédé à trois transferts de propriété au profit des universités les plus avancées : Clermont-I, Toulouse-I et Poitiers. Une quatrième université devrait bénéficier de la dévolution en 2012.
Si je me félicite de cette décision, qui marque le début de la mise en œuvre de l’une des dernières dispositions de la loi LRU, je souhaite, monsieur le ministre, obtenir des précisions sur le schéma de financement retenu.
Près de 27 millions d’euros sont prévus pour financer en 2012 la contribution récurrente que l’État a promis d’allouer aux universités bénéficiaires de la dévolution.
Lorsque j’ai conduit, en 2010, une mission de contrôle sur l’immobilier universitaire, une soulte, d’un montant variable et versée pendant une durée limitée, était également prévue pour financer notamment les travaux préalables de mise en sécurité prévus par la loi LRU. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est, monsieur le ministre ?
Par ailleurs, j’avais formulé plusieurs observations et proposé en particulier la mutualisation d’une partie du produit des cessions, afin de contribuer au financement du coût global de la dévolution. Cette piste de réflexion sera-t-elle suivie ?
Si une université peut espérer céder un bien immobilier avec plus-value à Paris, cela risque d’être un peu plus compliqué à réaliser à Clermont-Ferrand (M. le ministre manifeste son étonnement.),… à moins que le prix de l’immobilier n’y soit extraordinairement élevé ? Monsieur le ministre, que je vois s’étonner, va nous apporter des explications ; et si l’université de Clermont-Ferrand voulait donner un peu d’argent aux universités qui n’en ont pas assez, ce serait très bien ! (Sourires.)
Je souhaite enfin aborder la question de l’opération Campus, destinée à financer l’émergence de campus de niveau international par la remise à niveau du patrimoine immobilier universitaire. Plusieurs vagues de sélection de projets se sont succédé, qui n’ont pas donné lieu à des financements identiques.
Le financement des dix premiers projets repose sur une dotation non consommable de 5 milliards d’euros, issue, d’une part, de la vente par l’État d’une partie de ses titres d’EDF et, d’autre part, de fonds réunis dans le cadre du grand emprunt. Seuls les intérêts produits par la rémunération de la dotation sur un compte du Trésor seront utilisés pour le financement des opérations immobilières.
En plus de cette dotation, l’opération Campus est financée par le grand emprunt, à hauteur de 1 milliard d’euros supplémentaires, intégralement consommables, qui bénéficient aux opérations du plateau de Saclay.
Quant aux projets retenus après la première phase de sélection, ils seront financés par des crédits budgétaires.
Le plan de relance de l’économie mis en place en 2009 a aussi été sollicité pour le financement de l’ingénierie des opérations.
Enfin, des apports des collectivités territoriales sont également prévus ; en général, ils sont relativement importants.
La Cour des comptes insiste sur le manque de clarté des modalités de financement de l’opération Campus : celle-ci repose sur des montages financiers complexes impliquant de multiples acteurs. Compte tenu de l’ampleur des projets, la Cour des comptes suggère d’élaborer des scenarii financiers permettant d’apprécier leurs risques financiers potentiels et de compléter le dispositif d’évaluation des opérations programmées. Je m’associe à ces deux préconisations.
Je souhaite aussi attirer votre attention sur les risques que pourrait faire peser la situation économique actuelle sur le périmètre des opérations envisagées : aucun partenariat public-privé n’ayant à ce jour été signé, la remontée des taux d’intérêt à laquelle nous assistons ne risque-t-elle pas, compte tenu du fait que le produit des placements n’augmentera pas, de renchérir le coût des projets, et donc de rendre nécessaire leur recalibrage ?
Le coût des opérations envisagées ayant évolué, à la différence du produit des intérêts, des problèmes de financement se poseront inévitablement.
Ce propos m’offre l’occasion de souligner, pour conclure, la complexité accrue du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche.
À une liste d’organismes déjà longue, le grand emprunt a ajouté une multitude de strates nouvelles : les initiatives d’excellence, ou IDEX, les laboratoires d’excellence, ou LABEX, les équipements d’excellence, ou Equipex, les instituts Carnot, les sociétés d’accélération du transfert de technologies, ou SATT, les instituts hospitalo-universitaire, ou IHU, les instituts de recherche technologique, ou IRT,…
Même si leur création procède de bonnes intentions, ces structures forment un système complexe dont le fonctionnement est assez délicat à suivre : quand un Labex fait partie d’une Idex, il n’y a pas deux financements qui s’ajoutent, mais un qui est compris dans l’autre… Et pour peu qu’il y ait des associations entre les organismes, il n’est pas très aisé d’y retrouver ses petits !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je prends acte de la décision de la commission des finances d’inviter le Sénat à rejeter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ; à titre personnel, cependant, et sous réserve des observations que je viens de formuler, je voterai les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du temps qui m’est imparti, je ne répéterai pas toutes les remarques, négatives ou positives, que j’ai faites en commission, lors de la présentation de mon rapport, au sujet du budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Beaucoup a été dit, notamment pour regretter la baisse en euros constants des crédits alloués ; les chiffres ont déjà été cités. Pour ma part, je souhaite insister sur trois problèmes qui me semblent préoccupants.
D’abord, je regrette la baisse de crédits budgétaires qui touche certains organismes de recherche, en particulier l’institut national de recherche en informatique et en automatique, l’INRIA, et l’IFP Énergies nouvelles.
Je sais, monsieur le ministre, que cette question vous agace un peu, parce qu’elle ne relève pas directement de votre ministère… Mais vous représentez le Gouvernement !
M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je ne suis pas du tout agacé !
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. On ne peut pas tenir un discours et avoir une pratique différente !
En dix ans, la dotation de l’IFP Énergies nouvelles a baissé de 40 %. Cet institut est pourtant tellement remarquable que vous-même lui confiez des compétences nouvelles, monsieur le ministre, mais en réduisant ses moyens… On ne peut pas prétendre vouloir protéger l’environnement et limiter les moyens de l’organisme de recherche qui est le plus en pointe dans ce domaine !
Ma deuxième inquiétude porte sur l’Agence nationale de la recherche, ou ANR, dont les crédits d’intervention baissent de 1,6 %. Mon collègue Michel Berson a parlé de « machine à gaz » : je crains en effet qu’elle n’en devienne une, après avoir été pourtant un outil formidable : elle a créé un tel appel d’air pour les projets qu’elle se trouve aujourd’hui complètement asphyxiée.
Mais comme on lui accorde avec parcimonie les moyens supplémentaires qu’elle demande, le taux de sélection des projets est aujourd’hui d’à peine 20 %. Or pour celle qui vous a précédé dans vos fonctions, monsieur le ministre, ce taux devait atteindre 25 ou 30 % pour que le système fonctionne bien... Nous n’y sommes pas !
Sans compter que le programme Investissements d’avenir vient d’être lancé. L’idée en est formidable, mais on a l’impression que la machine patine et que les choses n’avancent pas…
Ceux qui s’en occupent ne sont d’ailleurs pas forcément en cause : je conviens volontiers que le système, complexe, est difficile à mettre en place. J’ai même découvert que, à la tête des plus grands instituts de recherche du pays, des personnalités éminentes – non politiques, monsieur le ministre, si cela peut vous rassurer… – avaient une conception un peu étriquée de la coopération. J’en ai été très contrarié, mais c’est ainsi.
C’est dans ce contexte que l’ANR, avec seulement la douzaine de postes supplémentaires que vous allez lui accorder en 2012, est chargée d’évaluer les projets.
Cela étant, comme l’a dit M. Berson, cette agence doit veiller aussi à ne pas devenir une superstructure bureaucratique qui, en étant trop tatillonne, retarderait ou empêcherait le choix des projets. Le risque est bien réel. Nous avons auditionné un certain nombre de partenaires de l’ANR et certains d’entre eux se plaignent des difficultés que leur cause son zèle excessif.
L’utilité de l’agence est avérée et c’est la raison pour laquelle il faut trouver un juste équilibre entre subventions aux organismes et financement sur projets. Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas en réduisant ses crédits qu’on atteindra cet équilibre ; au contraire, c’est la recherche sur projets qui en pâtira directement.
Monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous répondiez sur l’ensemble de ces sujets.
Enfin, le principe qui préside aux sélections du programme des investissements d’avenir, le PIA, ne retient que le critère d’excellence et ne préjuge aucune thématique a priori. Dans ces conditions, comment est assurée la coordination entre le PIA et la stratégie nationale de recherche et d’innovation ?
Bien sûr, une évaluation des politiques de recherche ne saurait se réduire à la question des moyens, aussi importante fût-elle. Depuis 2006, notre pays a à la fois renforcé les moyens alloués et procédé à une restructuration importante du paysage institutionnel.
À ce jour, je n’ai entendu aucun interlocuteur remettre en cause le principe même de ces réformes ni les mutations majeures de l’organisation structurelle de la recherche et de l’enseignement supérieur qu’elles ont permis d’engager dans notre pays, en dépit de quelques tiraillements, prévisibles dans la mesure où tout changement suscite des craintes. Aujourd’hui, le bilan est plutôt positif.
Cette réorganisation se traduit également dans le domaine de la valorisation et de la diffusion de la culture scientifique et technique.
Chef de file de cette nouvelle gouvernance, Universcience a pour mission de coordonner le réseau national des acteurs de la culture scientifique. Notre commission a souhaité unanimement qu’il prenne en compte les inquiétudes et attentes des plateformes territoriales, en vue d’approfondir la réflexion sur leur financement, leurs missions et l’échelle des regroupements.
Le risque existe d’une sorte de régression scientifique, et les actions en faveur de l’information des jeunes doivent encore être confortées. La culture scientifique doit irriguer nos territoires, et ce travail en réseau devrait y contribuer.
Certes, il ne faudrait pas que le budget pour 2012 marque un temps d’arrêt dans des réformes qui nécessitent un accompagnement financier. J’appelle donc le Gouvernement à poursuivre les efforts en faveur de ces priorités nationales.
Je reconnais volontiers que ce budget est globalement préservé compte tenu de la crise internationale sévère que nous traversons. Voilà le côté positif. Pour autant, la commission de la culture a émis défavorable sur les crédits de la MIRES pour 2012.
Par ailleurs, je me réjouis que le Sénat ait adopté deux amendements identiques présentés, pour l’un, par la commission des finances, pour l’autre, par la commission de la culture, et qu’il ait ainsi restauré, par l’insertion dans le projet de loi de finances d’un article 5 bis B, le soutien public en faveur des jeunes entreprises innovantes, supprimé l’an passé contre l’avis de notre commission.
Nous devons être vigilants : les entreprises ont besoin de visibilité. À mes yeux, cela vaut aussi pour le crédit d’impôt recherche. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l’UMP. –M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, et Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis, applaudissent également.)