M. Philippe Dallier. Bravo ! Vive le Grand Paris !
M. Gérard Collomb. Dans mon agglomération, la commune de Vénissieux n’aurait jamais pu se sortir seule de ses difficultés !
Oui à la péréquation, mes chers collègues, mais il faut la redéfinir : si l’amendement de la commission des finances est adopté, nous disposerons d’un an pour le faire, en procédant à des simulations. Mais surtout, il faut redéfinir les intercommunalités au bon niveau, afin de pouvoir aborder les problèmes de manière globale, et non pas de manière parcellaire. Si nous continuons dans la voie où nous sommes engagés, jamais nous ne réussirons à surmonter les difficultés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Francis Delattre. Très bien !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Laissons faire les élus ! Il n’est pas besoin de légiférer !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. On a appelé le Grand Paris, me voici ! (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà bien longtemps que j’espérais pouvoir monter à cette tribune afin non plus seulement de défendre l’idée d’une plus juste et plus efficace péréquation financière entre collectivités locales, mais de voter enfin des dispositions refondant cette péréquation. Malheureusement, je crains que ce 30 novembre ne soit pas encore tout à fait le bon jour pour cela !
Certes, nous savions que la tâche ne serait pas facile, d’abord parce que le contexte budgétaire est très tendu : il est encore plus compliqué de réformer quand il y a moins de grain à moudre ! Cependant, la réforme de la taxe professionnelle offrait – et offre encore – l’occasion d’une refonte globale de ces mécanismes ; il ne s’agit d’ailleurs pas seulement de profiter d’une occasion, mais de répondre à une nécessité absolue.
Les transferts de bases d’imposition, conséquences de la réforme de la taxe professionnelle, sont tels que si personne ne peut s’estimer appauvri, parce que le Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR, est là pour compenser les effets de la réforme,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il fallait le dire !
M. Philippe Dallier. … certains ont vu les perspectives de développement de leurs bases fiscales s’amoindrir. Je vous invite cependant à la réflexion, mes chers collègues : si la conjoncture s’aggrave, les collectivités territoriales dont les bases d’imposition de la valeur ajoutée sont importantes verront leurs ressources baisser, alors que le versement du FNGIR est garanti.
S’agissant de collectivités locales déjà pauvres ou peu riches, il faut, grâce à de meilleurs mécanismes de péréquation, leur redonner des capacités qu’elles ne peuvent plus trouver par elles-mêmes, fût-ce en consentant d’importants efforts pour le développement économique.
Surtout, indépendamment des effets de la réforme de la taxe professionnelle, bien que des dispositifs de péréquation existent déjà, les écarts de richesse entre collectivités locales de même nature sont encore considérables et, pour tout dire, inacceptables par nos concitoyens, au regard du principe d’égalité.
Oui, il y a des collectivités locales qui sont bien gérées et d’autres qui ne le sont pas, mais cela ne suffit pas, loin de là, à expliquer la situation que nous connaissons. Il existe aussi des territoires structurellement pauvres et des populations pauvres : refuser l’idée même de péréquation, c’est nier cette réalité !
L’an dernier, nous avons enfin décidé d’inscrire dans la loi l’obligation, pour 2012, de refonder nos mécanismes de péréquation.
Il s’agit tout d’abord de refonder le Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, le FSRIF, seul mécanisme de péréquation horizontale existant au niveau du bloc communal. Sa refondation est une nécessité, car il a tout simplement disparu, dans son ancienne forme, avec la suppression de la taxe professionnelle. C’est sur mon initiative que le Parlement a décidé, l’an dernier, d’en augmenter le montant de 50 % d’ici à 2015.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Bravo !
M. Philippe Dallier. Nous avons également admis, pour le bloc communal, le principe de la mise en place d’un fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, auquel l’ensemble des communes, y compris celles d’Île-de-France, pourraient contribuer, l’ensemble des communes, y compris celles d’Île-de-France, pouvant être bénéficiaires de ce fonds.
Cela dit, pour réaliser cette ambitieuse réforme de la péréquation, plusieurs méthodes étaient envisageables.
Une approche « par le haut » aurait consisté à engager une réforme de la DGF, qui est censée avoir des effets péréquateurs. On sait bien que, dans la réalité, ces effets théoriques se sont perdus dans les sables des réformes successives qui ont empilé les mesures, figé les situations acquises et, au bout du compte, privé la DGF de tout véritable rôle péréquateur.
M. Francis Delattre. Très bien !
M. Philippe Dallier. C’est d’ailleurs pour cette raison que des mécanismes de péréquation spécifiques ont été mis en place : la DSU pour les villes ayant à faire face à des difficultés sociales particulières au regard de la faiblesse de leurs ressources, la DSR pour les communes rurales, le fameux FSRIF en Île-de-France, qui avait vocation à corriger les inégalités de ressources considérables que connaît la région-capitale. La province regarde toujours l’Île-de-France comme une poule aux œufs d’or, mais cette région, j’y insiste, est marquée par des disparités énormes.
Nous n’avons pas retenu cette approche « par le haut », parce que c’était trop compliqué, nous disait-on. On a donc pris les choses « par le bas », en décidant, à l’instar du FSRIF, de créer un FPIC. Pourquoi pas ?
Cela étant, on voyait bien le risque : comment, en y soumettant toutes les communes, de la plus petite à la plus grande, construire un mécanisme qui soit juste et efficace ? Comment mesurer la richesse réelle d’une commune ou d’un EPCI ? Comment prendre en compte – et c’est bien là tout le débat – les charges auxquelles ces différentes catégories de communes ou d’EPCI ont à faire face ?
S’il y avait eu des réponses simples à ces questions, la DSU et la DSR n’existeraient pas : il n’y aurait qu’une seule dotation ; s’il y en a deux, assorties de critères distincts, c’est à l’évidence que le problème est très compliqué ! Si le FSRIF existe, c’est aussi parce que la région d’Île-de-France est un cas particulier.
Dans ces conditions, vouloir inventer un nouveau fonds de péréquation qui serait la voiture-balai de tous les autres dispositifs et qui traiterait sur un même pied Paris et la plus petite de nos communes, est-ce là une bonne idée ?
Nous venons, monsieur le ministre, de démontrer que non, grâce aux simulations que vous avez bien voulu nous transmettre. Ces simulations arrivent très tard, mais elles sont là, heureusement, pour nous empêcher de faire une énorme bêtise !
Le FPIC, tel qu’il a été imaginé par le Gouvernement ou amendé par l’Assemblée nationale, est en fait, dans les simulations que vous nous communiquez, l’anti-DSU. C’est absolument inacceptable ! Même si cette dotation doit être réformée, on ne peut pas demander à des communes qui sont attributaires de la DSU parce qu’elles connaissent des difficultés sociales importantes au regard de leurs ressources de contribuer au FPIC ! Or vos simulations montrent que la totalité des collectivités de Seine-Saint-Denis, hormis Clichy-sous-Bois, Montfermeil et quelques autres communes, devront contribuer au FPIC, ce qui annulera les effets de la DSU et du FSRIF. C’est une aberration qu’il faut ici dénoncer !
À l’évidence, ce n’est pas en touchant aux seuls critères qui nous sont proposés que nous réglerons le problème. Il faut prendre en considération les critères de charges, non pas seulement pour le reversement, mais également pour le prélèvement. Je ne crois pas, contrairement à M. Dilain, que nous puissions le faire dans le délai qui nous est imparti et sans simulations.
C’est pourquoi j’approuve la proposition de la commission des finances de nous donner une année supplémentaire pour travailler sur la prise en compte des critères de charges pour le calcul à la fois du prélèvement et du reversement, en nous fondant sur des simulations, afin que nous puissions enfin construire un mécanisme de péréquation juste, efficace et surtout pérenne. Si c’est pour recommencer tous les ans, cela n’en vaut pas la peine ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous confrontés à un exercice difficile, et je voudrais souligner, en essayant de garder un peu de distance et de capacité d’analyse, que cette difficulté sera durable.
Le premier enjeu, c’est celui des ressources disponibles. Nous sommes passés – les plus anciens d’entre nous ont assisté au changement – d’une situation de ressources croissantes à répartir à une situation de ressources stables.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est le problème de fond.
M. Alain Richard. Ce n’est pas une abstraction administrative ; c’est simplement la contrepartie d’une réalité dans laquelle nous sommes entrés depuis une décennie, celle de la faible croissance.
Nous savons tous que, au cours des deux ou trois décennies écoulées, nos systèmes de péréquation, de répartition de ressources entre collectivités avaient du grain à moudre, parce que les recettes collectives, qu’il s’agisse de celles de l’État ou de celles des collectivités, étaient en croissance ; elles accompagnaient la croissance du PIB.
Quand le PIB croît de 1 % par an, au lieu de 2 % ou de 3 %, cela change durablement le paysage. Je voudrais souligner que, malheureusement, cette situation est partie pour durer. En dix ans, la compétitivité de notre pays et son potentiel de croissance, quelles que soient les politiques économiques qui ont été menées, ont baissé.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Eh oui, triste bilan !
M. Alain Richard. Si nous ne sommes pas capables, comme d’autres pays européens riches l’ont été, de surmonter cette contrainte, nos exercices de péréquation seront toujours plus difficiles et forcément plus conflictuels.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Très bien ! C’est la réalité.
M. Alain Richard. Ajoutons que la réforme de la taxe professionnelle, qui relève d’un choix politique, a apporté une complication supplémentaire, en rendant plus complexes et plus difficiles les prévisions, et par conséquent les exercices. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
En même temps, l’honnêteté intellectuelle oblige à dire que personne ne la recréera. Nous sommes entrés dans un système de répartition de la ressource économique des collectivités locales qui n’est pas encore stabilisé, mais qui fonctionnera forcément sous contrainte, si l’on reconnaît que nous avons un problème de compétitivité – et il me semble difficile de le nier.
Nous vivons donc dans un contexte dans lequel la DGF par habitant est durablement en baisse. Si on veut en faire un outil de péréquation, cela signifie qu’il s’agira essentiellement de répartir la baisse de la principale dotation des collectivités territoriales, de manière à assurer un minimum de croissance à celles qui sont le plus en difficulté.
Cela signifie en outre que les mécanismes de péréquation n’ont aucune ressource nouvelle à répartir. Heureusement, la majorité de la commission des finances a fait des propositions visant, à un niveau modeste, à procurer des ressources supplémentaires afin de faciliter un peu la péréquation. Cependant, quand nous regardons l’horizon, nous savons que le contexte sera celui d’une péréquation à somme nulle ou quasiment nulle.
Nous ne sommes pas devant un dossier vide, puisque le Parlement a déjà voté le principe d’une péréquation horizontale, dont je rappelle le caractère peu euphorisant : elle consiste à répartir les ressources au sein des collectivités territoriales, c'est-à-dire à prendre aux unes pour alimenter les autres, exercice extrêmement peu gratifiant.
La vraie question est de savoir si quelqu’un a une recette réellement créative pour y échapper.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Alain Richard. Pour ma part, je ne suis pas sûr de l’avoir détectée…
Le Parlement a donc adopté le principe, largement partagé, d’une péréquation horizontale consistant à répartir entre les collectivités une enveloppe d’un montant fixe. Nous allons tous rencontrer la tentation, à un moment ou à un autre, de rompre cette contrainte en cherchant à prendre l’argent, suivant une formule célèbre, « là où il est ». Je préfère ne pas m’engager dans ce que je crois être une facilité.
Nous avons trois ou quatre sujets intéressants de débat.
Il s’agit, tout d’abord, de la définition de la richesse de la collectivité, en sachant que l’on compare 4 000 entités de nature extrêmement diverse. Il me semble, même si je reste très prudent, que l’on s’approche de ce qui doit être la bonne unité de mesure. Une partie des dotations doivent être prises en compte, mais de préférence pas celles qui relèvent de la redistribution. Il se trouve que j’ai eu à constituer, par le passé, une sorte de DGF locale, le type d’intercommunalité où j’exerçais des responsabilités ayant inauguré la taxe professionnelle unique vingt ans avant les autres. Nous savons bien que la recherche d’un indicateur de richesse pour des collectivités différentes est toujours un exercice compliqué.
À cet égard, je voudrais signaler un point de détail qui peut avoir son importance. Il me semble que l’on n’a pas encore inclus dans la définition du potentiel financier les droits de mutation ou la taxe sur l’électricité, par exemple, parce que l’on considère ne pas être en mesure de les transformer en potentiel financier. Méthodologiquement, s’il s’agit de recettes réelles non affectées, on doit pouvoir les intégrer.
En revanche, la redevance et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, dont on connaît le poids financier, ne peuvent selon moi pas y figurer rationnellement, puisqu’elles sont affectées à une mission spécifique.
Alors, comment prélever ? Il faut prendre comme base le potentiel financier, mais en se rappelant que l’on est en train de prélever sur la ressource vive et que l’on va donc se heurter à des obstacles politiques majeurs.
Je voudrais, à cet égard, mettre en garde contre la multiplication des initiatives « sectorielles » suggérant qu’il ne soit pas tenu compte de certaines ressources. Pour faire une comparaison loyale et opérationnelle entre 4 000 collectivités différentes, il faut compter toutes les ressources, y compris les compensations d’anciennes recettes fiscales.
En revanche, nous sommes maintenant tous convaincus qu’il faudra, y compris dans l’opération de prélèvement, tenir compte des charges à caractère social.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Alain Richard. Comme l’atteste la comparaison des contributions, beaucoup de collectivités confrontées à des problèmes sociaux sur leur sol ont aussi des ressources. On ne peut pas ne pas en tenir compte.
M. Alain Richard. Simplement, il faudra que la répartition tienne compte, dès le prélèvement, des charges à caractère social, en n’oubliant pas que ce qui ne sera pas prélevé sur ceux qui disposent de ressources et assurent de telles charges le sera sur d’autres. En prenant sur la ressource existante, nous allons forcément nous heurter à des résistances, qui ont d’ailleurs commencé à s’exprimer ici avec une belle éloquence.
Il faut en particulier tenir compte de l’attribution de la DSU. Cette dotation peut être attribuée à des collectivités assez fortunées, mais il faut lui reconnaître le mérite – même si les barèmes peuvent évoluer – de fonctionner selon des coefficients et donc d’éviter les seuils et les discontinuités. C’est un système qui permet de comparer des centaines de collectivités entre elles, en plaçant le curseur où on veut, sans produire d’effets de seuil.
Nous serons obligés de tomber d’accord sur la prise en compte de l’effort fiscal. Il me semble toutefois que cela n’est pas applicable au niveau de la contribution. L’effort fiscal doit être pris en compte, et ce substantiellement, au stade de la répartition.
M. Alain Richard. Si nous prenons une année de plus, il faut en profiter pour élargir l’éventail de la comparaison du potentiel fiscal. Ne pas faire de différence entre les collectivités qui sont à 90 % de l’effort fiscal moyen et celles qui sont à 120 % ou à 130 % n’est ni équitable ni efficace.
Il faudra également prévoir un curseur bas. Il n’est guère justifiable de ne marquer qu’une différence proportionnelle entre 70 % et 50 % de l’effort fiscal moyen. La différence doit être dissuasive, afin d’éviter de gaspiller l’argent de la péréquation au bénéfice de collectivités qui ne sont qu’à la moitié de l’effort fiscal national.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est très juste !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Alain Richard. Mon temps de parole étant épuisé, je m’abstiens de m’exprimer sur la redistribution.
Je souligne simplement que, comme le savent ceux qui ont essayé de manipuler les différents indicateurs sociaux, plus leur éventail est élargi pour affiner la réalité, plus ils se neutralisent entre eux.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Alain Richard. Les indicateurs pour lesquels nous disposons déjà de données, que nous savons utiliser, c'est-à-dire le revenu par habitant, la proportion de logements sociaux et le nombre de bénéficiaires de l’APL, me semblent suffisants pour établir une différenciation équitable entre les collectivités.
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Alain Richard. Si nous décidons de reporter d’un an le débat, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour ceux qui attendaient légitimement quelque chose,…
M. Benoît Huré. Eh oui !
M. Alain Richard. … nous devons mettre ce délai à profit pour ne pas nous retrouver l’année prochaine dans le même état de déficit d’information. Le Gouvernement et les différentes administrations devront donc fournir un effort.
Pour conclure, permettez-moi d’indiquer, mes chers collègues, que cela demandera aussi un effort aux parlementaires. Il est de notre responsabilité de travailler en amont, afin de ne pas découvrir, comme c’est le cas aujourd'hui, en lisant la note d’un collaborateur, des réalités sur lesquelles nous aurions pu réfléchir voilà six mois, et non la veille du débat budgétaire.
Nous devons prendre le temps de la réflexion et du dialogue, afin de proposer des solutions consensuelles, que le Gouvernement sera prêt, je l’espère, à écouter. (Très bien ! et applaudissements sur la plupart des travées.)
M. Jean-Pierre Sueur. Voilà un beau discours rocardien ! De vieilles différences à l’intérieur du parti socialiste reparaissent… (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus de deux mois après le renouvellement historique du Sénat, je m’attendais à ce que le Gouvernement entende enfin le mécontentement des élus.
Or les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s’inscrivent dans la continuité de votre politique, monsieur le ministre, laquelle n’a jamais pris en considération le rôle primordial des collectivités dans la vie des territoires, dans le fonctionnement des services publics et dans l’action sociale.
Vous n’avez eu de cesse de porter des coups de boutoir au principe de l’autonomie financière des collectivités territoriales, pourtant inscrit à l’article 72-2 de la Constitution !
M. Marc Daunis. Vous avez raison !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est vrai !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut faire progresser les choses…
M. Jean-Michel Baylet. Je constate aujourd’hui que, malgré nos avertissements pressants, la suppression de la taxe professionnelle est un échec complet.
M. Roland Courteau. Total !
M. Jean-Michel Baylet. Loin d’être la recette miracle présentée par certains, la contribution économique territoriale qui l’a remplacée a, au contraire, fait fondre les ressources de la majorité des collectivités, sans pour autant satisfaire, contrairement à ce que vous espériez, les entrepreneurs, lesquels continuent de se plaindre de payer trop.
En tout cas, les radicaux de gauche souhaitent rendre aux collectivités territoriales la capacité d’action que vous leur avez retirée, monsieur le ministre, en leur octroyant une fraction de la TVA proportionnelle à leur population.
Par ailleurs, compte tenu du tarissement du crédit bancaire, nombre de collectivités ne pourront mener à bien des investissements qu’elles avaient pourtant inscrits dans leur budget pour 2011. Les investissements des collectivités territoriales représentant près de 75 % de l’investissement public, des conséquences néfastes pour l’ensemble de l’économie française sont à redouter !
La situation n’évoluera pas favorablement au cours de l’année 2012. L’augmentation de 3 milliards à 5 milliards d’euros de l’aide de la Caisse des dépôts et consignations annoncée avec fracas par le Premier ministre ne permettra pas aux collectivités de mener à bien l’ensemble de leurs projets, l’enveloppe initiale de 3 milliards d’euros étant déjà épuisée pour de nombreuses régions.
Monsieur le ministre, la création d’une agence de financement des investissements locaux permettrait de rendre aux collectivités une réelle capacité financière. Mais ce projet, pourtant lancé en 2009, n’est toujours pas d’actualité.
De plus, vous avez fait le choix calamiteux de poursuivre le gel en valeur des dotations de l’État. Pis, compte tenu de l’inflation, qui devrait atteindre 2,1 % en 2012, c’est à une véritable diminution des concours de l’État que nous assistons. Fort heureusement, la commission des finances a su réagir avec pertinence pour neutraliser cette décision inique du Gouvernement.
Déjà étouffées financièrement par la disparition du contrat de stabilité, les collectivités, nous le savons, n’auraient pu supporter une baisse injuste des dotations de l’État de 200 millions d’euros supplémentaires.
Monsieur le ministre, le Gouvernement se fourvoie pour deux raisons au travers de ce projet de budget.
En premier lieu, il justifie ce gel par la volonté « d’associer les collectivités territoriales à l’effort de maîtrise des finances publiques », alors même que la part du déficit des administrations publiques locales est à peine supérieure à 10 % du déficit global.
Je le répète, les élus locaux ont toujours fait preuve de sens des responsabilités. Certes, en cette période de troubles économiques, ils peuvent comprendre que des efforts leur soient demandés. Pour autant, le triste record détenu par l’État en matière de déficit public, alors qu’il se présente comme un parangon de vertu budgétaire, ne fait qu’accroître la défiance des élus envers un gouvernement qui ne leur donne pas les moyens d’assurer l’ensemble de leurs missions.
En second lieu, il n’est pas acceptable que l’on veuille faire croire que les collectivités territoriales peuvent diminuer leurs dépenses comme par miracle, alors même que pèsent sur elles un nombre croissant de dépenses obligatoires et de transferts, toujours plus difficiles à financer.
Je citerai un seul exemple à cet égard : l’État ne compense que les deux tiers des dépenses sociales…
M. Didier Guillaume. Et encore !
M. Jean-Michel Baylet. … prises en charges par les départements, qui sont donc asphyxiés par un effet de ciseaux, entre des charges toujours croissantes, dans la période terrible que nous vivons, et des recettes en berne.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, et comme l’a déjà dit M. Mézard, les sénateurs radicaux de gauche et la majorité de mes collègues du RDSE ne voteront pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est certain que la réforme de la taxe professionnelle et le remplacement de celle-ci par la contribution économique territoriale ont bouleversé en profondeur l’économie générale de la fiscalité locale.
Pour autant, rendre cette réforme responsable de tous nos maux, ce serait oublier que la taxe professionnelle a fait l’objet de soixante-huit réformes en trente-cinq ans d’existence et perdre de vue qu’elle frappait plus lourdement l’industrie que les services, constituant ainsi un handicap pour notre compétitivité ; elle aurait, à terme, fragilisé nos finances locales, puisque la part de l’industrie dans le PIB est passée de 21 % en 1998 à 14 % en 2007.
Sachant que 2 millions d’entreprises environ gagnent à cette réforme et que 850 000 y perdent, étant donné en outre que celles qui contribuent le plus ne sont pas forcément installées dans les territoires les plus pauvres et inversement, on voit bien que la création de la CET est porteuse en elle-même d’une exigence renforcée de péréquation.
Cette exigence, que, je pense, nous partageons tous, conduit à poser la question de la mesure de la richesse et de la pauvreté. Reconnaissons, mes chers collègues, que nous sommes souvent plus prompts à nous comparer aux plus riches de nos voisins, en espérant bénéficier de la solidarité collective, qu’aux plus pauvres d’entre eux, tant nous rechignons à contribuer à un effort de redistribution.
Je me réjouis donc de la création d’un fonds de péréquation, car cela constitue une innovation et une avancée. Toutefois, comme nombre d’entre nous, je constate que les simulations fondées sur le texte adopté par l’Assemblée nationale qui viennent de nous être communiquées ne sont pas cohérentes avec les objectifs affichés. En effet, il apparaît que des territoires réputés défavorisés contribueront alors que des territoires n’ayant pas, a priori, de difficultés particulières seront bénéficiaires.
Avant même d’avoir eu connaissance de ces simulations, la commission des finances du Sénat a abandonné le principe des strates de population, qui permettrait de comparer des territoires d’importance semblable pour le calcul de la péréquation. Cette évolution du texte n’a pas fait l’objet d’une évaluation.
Les études d’impact qui devraient précéder toute évolution législative n’étant pas au rendez-vous, il devient difficile de légiférer. Devant tant d’imprécisions, le report de la mise en place effective du fonds peut apparaître comme une mesure de sagesse. Toutefois, je ne voudrais pas, mes chers collègues, que le Sénat semble en retrait sur ce sujet, sur lequel nous sommes attendus dans nos collectivités.
Quels que soient les développements futurs, je rappelle qu’il ne peut y avoir de péréquation sans que soient effectués, à un moment ou à un autre, des prélèvements, dont le niveau et les modalités ne donneront pas, par hypothèse, satisfaction à ceux qui devront contribuer.
M. Dominique de Legge. En outre, les bénéficiaires trouveront au mieux que le reversement est un dû, et plus généralement sans doute qu’il est insuffisant !
Il nous faudra bien, mes chers collègues, accepter de donner un contenu à la solidarité, ce qui nécessite de faire preuve de courage. Il est paradoxal que nous soyons si prompts à mettre en place des mécanismes de solidarité entre citoyens, et si frileux ou hésitants lorsqu’il s’agit de nos collectivités.
Les critères de redistribution, à savoir le potentiel financier, le revenu moyen par habitant et le taux d’effort fiscal, font consensus, mais il me semble que la notion de charges doit apparaître à un moment ou à un autre. Ne sous-estimons pas, pour autant, la difficulté de l’exercice, car si certaines dépenses sont quasiment incontournables, d’autres peuvent paraître plus discutables. Comme tout se tient, je regrette que la réforme des collectivités territoriales n’ait pas permis d’aller plus loin dans la clarification des compétences. Cela nous aurait sans doute été utile dans le débat actuel sur le calcul des charges.
Il est clair que plus nous progressons sur la voie de la décentralisation, plus se pose la question de l’adéquation entre richesses locales et dépenses obligatoires liées aux transferts de compétences.
Je m’étonne toujours de la contradiction, illustrée à l’instant par M. Baylet, consistant à réclamer plus de dotations de l’État pour faire face aux dépenses – leur versement constitue bien une péréquation entre territoires – et, dans le même temps, le maintien d’une autonomie fiscale, laquelle est antinomique du principe de solidarité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)