M. le président. La parole est à M. Charles Guené.
M. Charles Guené. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je consacrerai mon propos à la seule péréquation horizontale du bloc communal, celles des autres collectivités devant attendre 2013.
Il s’agit d’une réforme majeure qui vient compléter la première phase de la réforme fiscale réalisée à l’occasion de la suppression de la taxe professionnelle. Elle constitue un acte déterminant pour l’équité entre les territoires dans l’accès à la ressource, dans lequel le Sénat a pris toute sa part en modifiant au départ les équilibres du partage de la valeur ajoutée, puis en travaillant sur le dispositif lui-même au sein du groupe de travail auquel j’ai eu l’honneur de participer avec mes collègues Pierre Jarlier, Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier. Le Sénat ne devrait donc pas manquer d’apposer sa marque et son expertise aujourd’hui.
Le texte qui nous est parvenu à l’issue des travaux de la commission reprenait l’essentiel des préconisations de notre groupe de travail. Le consensus entre François Marc et Pierre Jarlier adopté par la commission des finances en améliore sensiblement l’architecture. Mais chacun sait que le diable se cache dans les détails, et peut-être dans les nouveaux amendements que nous allons examiner.
Il me paraît donc utile de vous rappeler le dispositif proposé à l’origine, pour faire ensuite le point sur le texte résultant des travaux de la commission, de manière à vous faire mieux mesurer la portée et les enjeux des amendements sur lesquels les élus de France attendent toute notre vigilance.
Le principe de la péréquation horizontale repose sur la mise en œuvre progressive en quatre ans d’un partage de la richesse entre collectivités d’un même niveau. Son innovation essentielle tient à l’évaluation de la richesse au niveau des 4 200 territoires constitués par les intercommunalités et les communes isolées, en appréhendant leurs ressources de manière agrégée, sans que le mode d’organisation ou d’intégration fiscale ait une influence.
Le prélèvement s’opère sur l’écart entre le potentiel financier du territoire et les 90 % du potentiel moyen de sa strate de population, le potentiel financier intégrant le maximum de ressources, à l’exclusion de celles qui sont affectées.
La répartition du prélèvement au sein du territoire s’effectue alors sur la base du prorata des ressources entre commune et intercommunalité, puis entre les communes grâce à des règles fixées par le législateur, sauf si le territoire en décide autrement.
Le FSRIF, le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France qui est un système de péréquation propre à l’Île-de-France, intervient avant la péréquation nationale de façon à intégrer les corrections locales déjà effectuées, comme nous l’avions voulu lors du projet de loi de finances pour 2010.
Enfin, les attributions du FPIC sont réparties à raison d’un indice synthétique intégrant le potentiel financier agrégé et le revenu par territoire, la redistribution entre EPCI et commune s’effectuant à l’identique du schéma utilisé pour le prélèvement.
L’Assemblée nationale a apporté un certain nombre de modifications que, avec la commission des finances et en accord avec la plupart des préconisations de François Marc et Pierre Jarlier, nous récusons ; nous souhaitons à cet égard revenir au texte du Gouvernement et aux conclusions de notre mission.
Il s’agit du retour à une montée en puissance du fonds en quatre ans au lieu de cinq et de la fixation du montant du fonds en valeur absolue – soit 1 milliard d’euros à terme – et non en pourcentage de recettes, ce qui risque d’être une source de contestations ultérieures. L’Assemblée nationale a également tenté de réduire le plafond de contribution à 10 % : il convient de le relever à son montant initial de 15 % du potentiel fiscal.
À cet égard, si j’approuve le principe d’un objectif de réduction des inégalités par la fixation d’un niveau minimal de ressources au terme de dix années, il est dommage que, à l’instar de nos voisins d’outre-Rhin, nous n’ayons pas fixé de maximum à cette occasion. En outre, nous déterminons de manière paradoxale et coupable un plafond de prélèvement, de plus sans limitation dans le temps, ce qui conduira inéluctablement les collectivités « classes moyennes » à cotiser en lieu et place des collectivités plus aisées.
M. Benoît Huré. Eh oui !
M. Charles Guené. Ce « bouclier fiscal » sans justification est, à mon avis, le vice introduit dans le système. Il ne manquera pas de conduire à l’essoufflement du prélèvement et, ce qui est plus grave, de son effet d’équité. Cela devra impérativement être corrigé dans les années à venir.
De la même manière, il ne me paraît pas judicieux, en l’état actuel des critères de redistribution, de porter le seuil de prélèvement de 0,9 à 1, ainsi que le propose la commission des finances : une telle mesure reviendrait à pincer à nouveau le spectre du prélèvement, cette fois par le bas, et conduirait à concentrer la charge sur la tranche moyenne. Cependant, nous ne nous y opposerons pas violemment, car on peut y voir la légitime contrepartie du plafonnement.
Enfin, bien que n’étant pas un adepte forcené des strates, pour des raisons d’équité, je rappelle qu’elles sont la garantie d’acceptabilité consensuelle du dispositif. En effet, leur suppression conduirait à l’échec programmé de la réforme ou à la nécessité d’une plus grande prise en compte des charges. À cet égard, la solution logarithmique proposée par MM. Marc et Jarlier présente l’avantage d’éviter les effets de seuils, tout en majorant le facteur population dans les mêmes proportions que les strates, c’est-à-dire de un à deux.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Très bien !
M. Charles Guené. Je veux cependant être certain de la faisabilité du dispositif proposé ; sur ce sujet, j’écouterai avec attention le Gouvernement.
Pour compléter l’amélioration du dispositif, je présenterai plusieurs amendements.
Tout d’abord, je proposerai, pour le principe, la réintroduction dans le potentiel financier de l’ensemble des dotations comme base de prélèvement. Cette option me paraît, de loin, beaucoup plus équitable dans la mesure de la richesse comparée. Je regrette que MM. Jarlier et Marc n’aient conservé cette approche que dans le cadre prospectif à dix ans, et non dans les calculs opérationnels effectifs.
Dans un autre amendement – l’amendement n° II-232 –, je proposerai que le potentiel financier, plutôt que le produit fiscal, soit utilisé pour le prélèvement et la distribution de la péréquation. Mais, à défaut, je préférerais un retour aux produits fiscaux, ce qui me semble un meilleur choix tant que les valeurs locatives ne sont pas révisées et, surtout, alors que le potentiel fiscal n’a plus qu’un lointain rapport avec la ressource réelle.
Par ailleurs, il est important que soit mis fin à la pierre d’achoppement que constitue l’objection des communes pauvres au sein d’un territoire riche. Pour ce faire, je propose de préciser que ces communes ne seront pas prélevées si leur potentiel financier est inférieur à 80 % du potentiel financier moyen de leur strate démographique. Dans ce cas, les autres communes, riches par définition et ayant bénéficié d’un moindre prélèvement du fait de la présence des communes pauvres, pourront légitimement prendre en charge la part de ces dernières.
Enfin, pour satisfaire les territoires urbains les plus défavorisés, il conviendrait de réintroduire des critères de redistribution plus fins, en prenant en compte plus largement le revenu et l’effort fiscal ainsi que les critères de charges en général. À cet égard, je souhaite que la direction générale des collectivités locales puisse, d’ici à l’examen de cette mesure par l’Assemblée nationale, produire des simulations ; je crains en effet que, faute d’avoir anticipé les effets d’une telle mesure, nous ne puissions parvenir à un consensus aujourd’hui.
Mes chers collègues, en dépit du temps de parole très court qui m’était imposé et que j’ai dépassé (Rires sur les travées de l’UMP.),…
M. Roger Karoutchi. Largement !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On avait remarqué !
M. Charles Guené. … j’espère vous avoir suffisamment éclairés afin que nous puissions faire ensemble les bons choix pour ce dispositif tant attendu par les territoires, en l’inclinant vers plus de lisibilité et, surtout, vers plus d’équité au sein du bloc communal. En effet, il est important, pour le cas où nous n’aboutirions pas aujourd’hui, que le Sénat balise le terrain en vue d’une autre étape, ou pour éclairer l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Elle en a besoin !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Relations avec les collectivités territoriales », avec 2,5 milliards d’euros, ne représente que 5 % de l’enveloppe normée des concours de l’État, mais elle flèche des crédits dont l’affectation est particulièrement sensible sur le terrain ; les débats sur les questions de péréquation en sont d’ailleurs l’illustration.
Le gel en valeur des principales dotations de l’État est acté. Nous pouvons comprendre cette mesure, mais nous déplorons son application trop uniforme.
Ma première observation concerne les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle, qui n’avaient pas été réellement anticipées, la mesure ayant été imposée brutalement sans simulations financières crédibles.
Certaines de ces simulations manquent d'ailleurs toujours à l’appel !
M. Jean-Jacques Mirassou. Exactement !
M. Jacques Mézard. À cet égard, je suis heureux que la mission sénatoriale sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle, dont j’avais demandé la création, soit au travail. En effet, nous voyons bien, grâce au rapport de nos deux collègues, que les difficultés que nous avions présagées hier se posent effectivement aujourd'hui.
Ma deuxième remarque a trait à la complexité chaque année croissante des mécanismes de la fiscalité locale, dont ceux du calcul des dotations de l’État. Ces mécanismes sont devenus illisibles et incompréhensibles pour l’immense majorité non seulement de nos concitoyens, mais aussi de nos collègues élus.
Je prendrai pour seul exemple l’inclusion, dans la détermination du potentiel fiscal d’un établissement public de coopération intercommunale, d’un « indicateur de ressources élargi », que proposent les rapporteurs spéciaux : s’il s’agit là d’une bonne idée, et je vous laisse imaginer notre bonheur quand nous aurons à expliquer, en réunion publique, en conseil communautaire ou en conseil municipal, les mécanismes de péréquation !
M. Roger Karoutchi. Ça, c’est sûr !
M. Jacques Mézard. Une telle complexité est très néfaste pour le fonctionnement de la démocratie.
Monsieur le ministre, que dire sinon des incertitudes inacceptables auxquelles nos collectivités doivent faire face, s’agissant des recettes de cotisation foncière des entreprises ? En fait, vous multipliez – ou nous multiplions, si l’on considère qu’il s’agit d’une œuvre collective – les usines à gaz qui fabriquent de moins en moins de gaz ! (Sourires.)
Ma troisième remarque concerne les conséquences du gel des dotations de l’État sur les mécanismes de péréquation. Pour avoir, voilà deux ans, cosigné avec notre collègue Rémy Pointereau un rapport sur la péréquation, j’en connais, comme vous, toutes les difficultés.
Au premier chef, si tout le monde est d’accord sur le principe de la péréquation, chacun veut y contribuer le moins possible...
M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Très bien ! C’est le cœur du débat !
M. Roger Karoutchi. Je vous expliquerai tout à l'heure les raisons d’une telle attitude !
M. Jacques Mézard. Mon cher collègue, vous êtes en effet un spécialiste de la question !
Il est clair que, moins l’État dégagera de fonds pour la péréquation verticale, plus il conviendra de développer la péréquation horizontale, c’est-à-dire le concours des territoires les plus riches au profit des plus pauvres, sans oublier toutefois que la dotation globale de fonctionnement est encore le premier levier de péréquation.
M. Jacques Mézard. Il est bon que les rapporteurs spéciaux aient écrit, dans un sous-titre figurant en page 21 de leur rapport, que l’obligation constitutionnelle de péréquation prévue par l’article 72-2 de la Constitution était « contredite par les faits » et, en premier lieu, au détriment du bloc communal et des communes.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, c’est ce qu’ils ont écrit !
Plusieurs difficultés se posent : la résistance des territoires riches à devenir plus solidaires ; celle de l’État à déterminer de nouvelles orientations dans sa politique de péréquation verticale ; la détermination d’indicateurs plus fiables et compréhensibles, en particulier sur les potentiels fiscal et financier.
Par exemple, le bouleversement, dans la version du texte issue de l’Assemblée nationale, des indicateurs de richesse des départements, à la suite de la prise en compte de la réforme de la taxe professionnelle, met en évidence les errements, que l’on aggrave au lieu de les réduire. À cet égard, le double exemple de la Creuse, passée, en termes de potentiel financier, de la quatre-vingt-seizième à la trente-quatrième place, et du Cantal, passé de la quatre-vingt-sixième à la cinquante-deuxième place, est révélateur. Ou comment finir de tuer les départements en perte démographique, enclavés et sans industrie… (M. Francis Delattre s’exclame.)
Je salue la sagesse de la commission des lois sur la question de l’accroissement des garanties, permettant d’éviter un bouleversement incontrôlé des mécanismes de péréquation. Il est également sage que la commission n’ait pas pris en compte le nouveau potentiel financier pour la péréquation des droits de mutation pour 2012.
Cependant, eu égard à l’ensemble des évolutions négatives que nous avons majoritairement constatées, nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Roger Karoutchi s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma collègue Jacqueline Gourault, à la suite d’un empêchement de dernière minute, m’a chargé de la remplacer au pied levé. Je m’efforcerai de le faire du mieux que je peux…
Tout d’abord, je veux bien sûr souligner l’importance des collectivités locales dans l’action publique. Un certain nombre d’orateurs l’ont déjà dit : les trois quarts de l’investissement public sont réalisés au niveau local, alors que les collectivités ne représentent que 10 % de l’endettement global en France.
Ce résultat est obtenu grâce à la « règle d’or », que beaucoup, dont moi-même, voudraient voir instituer au niveau national et dont je pense qu’elle existe déjà dans nos collectivités locales. Cette règle est très stricte : les collectivités locales doivent dégager un autofinancement suffisant pour rembourser le capital de leur dette, ce qui leur permet de ne pas avoir de déficit.
En effet, contrairement à ce que je lis parfois ici ou là, les collectivités locales ne sont pas en déficit.
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. Vincent Delahaye. Il est vrai que de tels propos ne vont pas dans le sens des critiques que l’on entend à l’égard des collectivités locales. Or ces dernières sont dans l’ensemble bien gérées. Certes, ce n’est pas une règle générale : il existe des cas particuliers dans lesquels certaines dépenses pourraient encore être rognées.
L’effort financier de l’État, qui s’élève à 51 milliards d’euros, est important. Mais, monsieur le ministre, pourriez-vous nous communiquer des informations concernant la TVA versée par les collectivités locales sur leurs dépenses de fonctionnement ? Il y va, me semble-t-il, d’un montant compris entre 10 milliards d’euros et 20 milliards d’euros.
Autrement dit, en ne récupérant pas la TVA sur leurs dépenses de fonctionnement, les collectivités locales financent une recette de l’État. Mettre fin à un tel système permettrait à mon avis d’amoindrir l’effort financier global de l’État au regard des 200 milliards d’euros de budget des collectivités locales.
Nous sortons d’une réforme sur les collectivités locales dont il sera impératif de revoir un certain nombre de points. De façon conjoncturelle, je rappelle que le Gouvernement s’est engagé à inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, avant la fin de la session, les propositions de loi relatives à l’intercommunalité, déposées respectivement par notre collègue Jean-Pierre Sueur et par le député Jacques Pélissard.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument ! On attend cette inscription chaque jour !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Et chaque nuit !
M. Vincent Delahaye. Sur un plan plus structurel, mes chers collègues, nous avons à mon avis trop d’échelons de collectivités locales. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
Selon certains, l’existence de ces différents niveaux ne coûterait pas grand-chose.
Monsieur le ministre, j’aimerais que vous puissiez, sur ce plan, nous communiquer le bilan, en termes à la fois de dotation et d’effectifs, de la mise en place des intercommunalités. En effet, je suis sûr que, dans l’augmentation globale des effectifs des collectivités locales depuis dix ans, les intercommunalités ne sont pas pour rien.
Pour ma part, je pense que plus on crée d’échelons, plus on crée de dépenses. Il serait temps de revenir à un système qui soit un peu plus économe des deniers publics !
Je veux bien sûr évoquer également la péréquation, élément fort de ce projet de loi de finances. Je la juge pour ma part indispensable. Bien sûr, certains l’ont dit, il faudrait des crédits supplémentaires ; mais on sait bien que l’État n’en a plus. Pour que la péréquation soit bien acceptée, il faut trouver un système juste et équitable. À cet égard, je crois sage de prévoir une année supplémentaire pour la mise en œuvre de la péréquation horizontale. Tel est l’objet de l’amendement adopté hier soir à l’unanimité par la commission des finances.
Gardons-nous de toute précipitation, car un système imparfait – il sera toujours imparfait, mais on peut sans doute l’améliorer – risquerait de tuer dans l’œuf cette idée de péréquation horizontale, ce qui serait vraiment dommage pour l’ensemble des collectivités.
J’appelle également de mes vœux une bonne articulation entre la péréquation nationale et la péréquation régionale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Oui !
M. Vincent Delahaye. Le Fonds de solidarité pour la région d’Île-de-France doit être pris en compte dans la péréquation nationale ; je ne suis pas sûr toutefois qu’une telle adaptation soit à ce stade bien anticipée.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En tout cas, elle devrait l’être !
M. Vincent Delahaye. Je voudrais aussi insister sur l’effort national de redressement de nos comptes publics. Je le dis souvent en commission des finances, et je l’ai déjà dit en séance publique : comme tout le monde, je pense que cet effort représente la priorité des priorités.
Les collectivités locales ne peuvent donc pas s’exonérer de leur participation à cet effort national, car nos compatriotes ne comprendraient pas qu’elles ne soient pas capables d’économiser un millième de leur budget, le Gouvernement leur ayant demandé un effort de 200 millions d’euros sur 200 milliards d’euros. Cet effort me paraît tout à fait supportable.
Le groupe de l’Union centriste et républicaine est d’accord pour que les collectivités locales apportent leur pierre à l’édifice du redressement des comptes de l’État, mais il souhaite que cette contribution fasse l’objet d’un contrat clair et transparent avec l’État.
Valérie Pécresse a évoqué hier la nécessité d’une révision générale des politiques locales. Pourquoi pas ? Mais prenons le temps de bien réfléchir, travaillons sur la définition des différents niveaux de collectivités et sur la nature de leurs dépenses. Sur cette base, nous pourrions établir un bon accord, afin que les collectivités locales soient partenaires du redressement des comptes de l’État.
Je ne serai pas plus long, mes chers collègues. Certains orateurs ont dépassé de plus de 60 % leur temps de parole ; quant à moi, je fais une économie de plus de 30 % : ce sera ma contribution au bon déroulement du débat ! (Sourires. –Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le problème des inégalités de richesse entre les communes est réel. Mettre en place des mécanismes de péréquation pour y faire face est évidemment un objectif auquel nous souscrivons tous, qui participe de l’essence même du pouvoir de l’État, car la correction des inégalités entre territoires, dans un pays, relève effectivement du rôle de l’État.
M. Francis Delattre. Très bien !
M. Gérard Collomb. C’est pourquoi, depuis des années, l’État remplit ce rôle avec la mise en place de mécanismes de péréquation verticale.
Alors que les ressources sont aujourd’hui plus difficiles à trouver, le Gouvernement nous demande d’ajouter – ou, peut-être, de substituer – une péréquation horizontale à la péréquation verticale. Sur le principe, nous sommes prêts à examiner la mise en œuvre de nouveaux mécanismes de solidarité entre territoires et à ajouter cette péréquation horizontale au dispositif existant.
Cependant, monsieur le ministre, au vu de vos propositions, nous pensons que vous ratez votre cible. Voilà quelques semaines, lorsque vous avez présenté vos projets devant l’Assemblée des communautés de France, Jacques Pélissard, au nom de l’Association des maires de France, l’AMF, Michel Destot au nom de l’Association des maires des grandes villes de France, l’AMGVF, et moi-même, pour ce qui concerne l’Association des communautés urbaines de France, avons eu l’occasion de vous le dire.
Aujourd’hui, ce sont essentiellement les grandes villes, mais aussi les villes moyennes, qui vont être mises à contribution.
M. Francis Delattre. Surtout les moyennes !
M. Gérard Collomb. Or, monsieur le ministre, je crois que vous négligez deux réalités essentielles.
Tout d’abord, c’est dans ces villes que se développe aujourd’hui l’économie française, pour la plus grande part, surtout dans les domaines de l’innovation et de la recherche ; c’est dans ces villes que nous pourrons mener, demain, une politique de réindustrialisation de notre pays. Dès aujourd’hui, ces collectivités locales jouent un rôle actif en ce sens : réduire les moyens qu’elles y consacrent serait déjà une première erreur.
M. Francis Delattre. Très bien !
M. Gérard Collomb. Ensuite, si l’on examine la question du point de vue non plus de l’économie, mais de la justice sociale, quelles seront les grandes villes touchées, celles qui seront le plus fortement mises à contribution ?
Sur cette liste, je vois par exemple Dunkerque, dont l’agglomération a déjà été l’une des plus affectées par la réforme de la taxe professionnelle. J’y vois également Grenoble, qui compte des quartiers guère privilégiés, tels que la Villeneuve, dont on a beaucoup parlé, Mistral ou Teisseire, les communes d’Échirolles ou de Saint-Martin-d’Hères, dans l’agglomération, ne l’étant pas davantage.
M. Francis Delattre. Effectivement !
M. Gérard Collomb. Mes chers collègues, je crains qu’on ne demande, au nom de cette péréquation, à celles et à ceux qui connaissent déjà les conditions les plus difficiles de payer pour des territoires sous-fiscalisés, mais dont la population serait beaucoup plus aisée.
M. Francis Delattre. Il a raison !
M. Gérard Collomb. Pour prendre l’exemple de mon agglomération, peut-on penser que les habitants de Vénissieux, de Vaulx-en-Velin, de Pierre-Bénite, de Saint-Fons ou de Rillieux-la-Pape qui, demain, vont être appelés à payer des impôts supplémentaires au nom de la solidarité, à la fois au titre du Grand Lyon et de leur commune, sont des privilégiés, devant être davantage mis à contribution ? Eh bien non !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Les habitants des communes rurales ne sont pas non plus des privilégiés !
M. Gérard Collomb. Et pourtant, si on appliquait le projet que vous nous avez présenté, monsieur le ministre, Dunkerque paierait, dès la première année, 3,2 millions d’euros supplémentaires au titre de la péréquation et 12 millions d’euros au terme de quatre ans ; Grenoble paierait 1,2 million d’euros supplémentaires dès la première année, et 4,8 millions d’euros quatre ans après ; quant à Lyon, championne du monde – des impôts, pas de football ! (Sourires.) –, elle paierait dès la première année 5,5 millions d’euros, puis 22 millions d’euros quelques années plus tard.
Pis encore, les habitants de Vaulx-en-Velin, de Vénissieux, de Rillieux-la-Pape, de Givors, de Saint-Fons seraient amenés à payer, eux aussi : ces communes seraient en effet mises à contribution à hauteur, respectivement, de 140 000 euros, de 200 000 euros, de 70 000 euros, de 60 000 euros et de 8 000 euros.
M. Gérard Collomb. Mes chers collègues, ces communes ne sont pas riches : elles font même l’objet, à l’échelon intercommunal, de politiques visant à les tirer de la paupérisation, de la ghettoïsation ! La solidarité horizontale existe déjà dans nos intercommunalités…
M. Gérard Collomb. La dotation de solidarité communautaire s’élève à 20 millions d’euros à Lyon. En même temps, nous consacrons 80 millions d’euros à la politique du logement social, 200 millions d’euros à la rénovation urbaine, et nous dépensons chaque année 120 millions d’euros pour que les transports en commun desservent les quartiers défavorisés !
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Gérard Collomb. Alors oui, il faut reprendre la question de la péréquation, pour la penser à la bonne échelle.
M. Gérard Collomb. À cet égard, monsieur Dilain, je reconnais que l’Île-de-France pose un vrai problème. La péréquation doit aussi prendre en compte la dimension de nos territoires.
Aujourd’hui, dans l’agglomération lyonnaise, si nous pouvons mener une politique de création de logements sociaux au cœur de la ville-centre, Lyon-Villeurbanne, ou dans les quartiers aisés de l’ouest lyonnais, c’est parce que notre intercommunalité est suffisamment vaste et qu’elle comprend des communes riches et des communes pauvres ! En revanche, très souvent, en Île-de-France, des intercommunalités pauvres côtoient des intercommunalités riches : la véritable réforme consisterait donc à délimiter un territoire pertinent pour qu’une solidarité et des politiques de péréquation puissent être mises en place sur toute l’Île-de-France.