M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous étions d’accord avec vous...
M. Alain Milon. Je déposerai prochainement une proposition de loi relative à la biologie médicale ; nous aurons donc l’occasion de revenir sur le sujet.
De façon générale, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale se caractérise par la volonté de concilier le rétablissement de nos comptes publics et la justice sociale. Cette démarche est d’autant plus méritoire à la lumière du contexte actuel de crise, qui impose de réduire la prévision de croissance de 1,75 % à 1 %. Les nouvelles mesures, ajoutées au présent texte par l’Assemblée nationale, visent à garantir la maîtrise des dépenses et nos objectifs de finances publiques dans l’environnement économique que nous connaissons.
En proposant ce plan, le Gouvernement a démontré sa capacité à s’adapter au contexte financier, avec une réactivité que le groupe UMP tient à saluer.
En matière sociale, ce plan s’articule autour de trois grandes orientations qui permettent de concilier la maîtrise des dépenses et le maintien d’un haut degré de prise en charge par notre système de santé.
Je me contenterai de citer la progression de l’ONDAM, initialement fixée à 2,8 % dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, qui sera ramenée à 2,5 %. Cette première mesure représente 4,3 milliards d’euros supplémentaires consacrés exclusivement, pour 2012, à la santé.
En vue d’atteindre l’ONDAM en 2012, comme nous y sommes parvenus lors des deux années précédentes, le Gouvernement a fixé plusieurs objectifs, notamment une baisse du prix des médicaments génériques, représentant une économie de 290 millions d’euros, ainsi qu’une baisse des tarifs pratiqués par les spécialités médicales dont les revenus sont les plus élevés. Ces mesures montrent bien que toutes les catégories sociales seront soumises à contribution, sans pour autant que l’accès aux soins des Français en pâtisse.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ainsi rénové tient pleinement compte des conséquences de la crise sur l’équilibre budgétaire des comptes sociaux, tout en préservant l’avenir de notre système solidaire. Comme l’a souligné Mme la ministre du budget, ce plan permettra d’éviter près de 65 milliards d’euros de dettes d’ici à 2016.
En tant que parlementaires responsables et soucieux de la pérennité de notre modèle social, nous ne pouvons qu’adhérer à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, tel qu’il a été amélioré par le Gouvernement.
Je demande à mes collègues de suivre cette voie, qui est celle de la lucidité, de la responsabilité, et aussi, monsieur Kerdraon, du courage. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames les secrétaires d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, alors que nous sommes réunis pour la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire et après la dénaturation, par l’Assemblée nationale, du texte voté par notre majorité sénatoriale, je veux exprimer, au nom de mon groupe politique, nos regrets et, plus encore, notre colère.
Le texte voté par la Haute Assemblée présentait un projet de justice sociale dessinant les prémices de la restructuration de notre système de santé, et ce en toute responsabilité, puisque nous avions prévu une diminution du déficit de nos comptes sociaux de 3,5 milliards d’euros.
Je veux d’abord dénoncer l’irréalisme de nos échanges. Le premier jour de l’examen du projet de loi au Sénat, le Premier ministre annonçait en effet un nouveau plan d’austérité gouvernemental, qui rendait, dès lors, le texte sur lequel on nous demandait de travailler virtuel et caduc.
M. Ronan Kerdraon. Eh oui !
Mme Catherine Génisson. Pour autant, nous avons, je le répète, débattu en toute responsabilité, sachant quelles difficultés sociales et sanitaires connaissent nos concitoyens.
Nous tenons à exprimer ce soir, après Mme Escoffier, notre désapprobation devant l’organisation de nos travaux parlementaires.
Après quarante-huit heures de débats menés à la hussarde à l’Assemblée nationale, et alors même que nos travaux en commission viennent de s’achever, nous devons examiner ici, en nouvelle lecture un PLFSS qui, en fin de compte, aura « bénéficié » d’amendements gouvernementaux, en lieu et place du projet de loi de financement rectificative qui devait suivre. Voilà qui traduit bien la fébrilité et l’incapacité d’anticipation du Gouvernement.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Catherine Génisson. À ce stade de nos travaux législatifs, le temps est venu de faire le bilan des politiques de protection sociale mises en place depuis 2007, quand, madame la ministre du budget, les comptes sociaux n’ont cessé de dériver, mettant en péril notre système de protection sociale, héritage de la Résistance.
Ainsi, en 2010, le régime général de la sécurité sociale affichait un solde négatif de 23,9 milliards d’euros, soit plus du double de celui de 2008. Dans le même temps, le déficit de la branche maladie s’élevait à 11,6 milliards, soit trois fois plus qu’en 2008.
Vous avez avancé, madame la ministre, l’impact de la crise économique pour tenter de justifier l’ampleur sans précédent du creusement des déficits. Cet argument n’est pas recevable. Les comptes sociaux auraient dû être équilibrés avant 2008. C’était d’ailleurs l’objectif de la loi du 13 août 2004 portant réforme de l’assurance maladie.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme Catherine Génisson. C’était avant 2008, donc avant la crise !
Le doublement de la dette sociale depuis 2007 est une conséquence de vos choix politiques, des choix que devront malheureusement assumer les générations futures.
Depuis 2002, et singulièrement depuis 2007, les inégalités se creusent entre les classes supérieures et les classes moyennes et populaires, en particulier en matière d’accès à la santé.
Aujourd’hui, 19 % des Français redoutent de ne pas avoir les moyens de se soigner ; ils étaient 13 % voilà quatre ans. Par ailleurs, 32 % de nos concitoyens sont susceptibles de renoncer à leur assurance complémentaire santé. Et je pourrais multiplier les indicateurs.
M. Roland Courteau. Hélas !
Mme Catherine Génisson. Dans ce contexte, la majorité sénatoriale a fait un travail sérieux,…
Mme Chantal Jouanno. Ah bon ?
Mme Catherine Génisson. … responsable…
Mme Chantal Jouanno. Ah bon ?
Mme Catherine Génisson. … et juste,...
M. Jacky Le Menn. Et courageux !
Mme Catherine Génisson. ... sous l’impulsion de Mme la présidente de la commission des affaires sociales, et avec le soutien de notre excellent rapporteur général, Yves Daudigny, ainsi que des différents rapporteurs.
En première lecture, nous avons insisté sur l’irréalisme des prévisions économiques du Gouvernement, même modifiées. En effet, prévoir 1 % de croissance économique et 3 % pour la masse salariale est bien optimiste, trop optimiste, comme l’a excellemment rappelé le rapporteur général.
Nous avons rejeté les comptes de la sécurité sociale pour l’année 2010, et condamné le déficit historique de 28 milliards d’euros qu’ils prévoyaient. Nous avons également rejeté les comptes pour 2011.
Mme Chantal Jouanno. Était-ce bien utile ?
Mme Catherine Génisson. Nous avons de même rejeté les tableaux d’équilibre pour 2012, assis sur des projections économiques irréalistes, d’ailleurs corrigées aujourd’hui par voie d’amendements gouvernementaux. (M. Roland Courteau opine.)
Notre majorité sénatoriale, après des débats longs et constructifs, a dessiné les contours d’un projet de politique réformatrice s’articulant autour deux axes : d’une part, la consolidation des recettes de notre sécurité sociale et la recherche de nouvelles ressources ; d’autre part, la consolidation des politiques à l’égard des assurés par la mise en place de réformes structurelles devant garantir à nos concitoyens l’égalité d’accès aux soins et un niveau élevé de protection face aux risques sociaux.
Nous voulons rétablir l’équilibre des comptes de la sécurité sociale mais nous voulons aussi le respect de la justice.
C’est pourquoi nous avons abrogé l’article 1er de la loi TEPA instituant l’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires.
Mme Chantal Jouanno. Bravo, grand succès ! Merci pour les travailleurs...
Mme Catherine Génisson. Ce faisant, nous ne nous opposons pas au recours aux heures supplémentaires ; nous dénonçons simplement un dispositif destructeur d’emplois potentiels. On estime à 90 000, au moins, le nombre d’emplois qui n’ont pu être créés du fait de la mise en place de cette mesure, alors même que les chiffres du chômage ne font que s’aggraver.
M. Roland Courteau. Exact !
Mme Catherine Génisson. Nous avons augmenté le forfait social, en le portant à 11 % ; le Gouvernement avait quant à lui proposé une augmentation de 8 %.
Nous avons, de même, augmenté la taxation du capital, des retraites chapeaux, des stock-options et des parachutes dorés.
En modulant le niveau d’exonération de cotisations sociales des contrats à temps partiel, nous permettons une plus grande égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise.
Mais il faudra, pour garantir l’équilibre de nos comptes sociaux, approfondir toutes ces mesures, en particulier s’agissant des exonérations de cotisations sociales, sujet complexe sur lequel le Gouvernement, madame la ministre, n’a pas souhaité s’engager plus avant.
Par les différentes mesures que j’ai rappelées, nous avons pu réduire le déficit des comptes sociaux de 3,5 milliards d’euros, tout en supprimant l’augmentation de taxes sur les mutuelles, en exonérant de taxes les contrats destinés aux étudiants et en maintenant la revalorisation des allocations familiales au 1er janvier ainsi que la garantie de droits constants en matière d’indemnités journalières en cas de maladie, alors même que le Premier ministre reconnaissait, enfin, le caractère injuste et inefficace de l’instauration d’un quatrième jour de carence.
M. Ronan Kerdraon. Non sans mal !
Mme Catherine Génisson. Tout à fait ! Et nous avons des craintes sur la façon dont il va compenser le manque de recettes !
Le débat sur la création ou la réévaluation de taxes me semble stérile, et délétère. Depuis 2007, la majorité présidentielle n’est d’ailleurs pas en reste sur le sujet. Que chacun assume ! Et si les députés de la majorité présidentielle ont supprimé la réévaluation des taxes que nous avions mise en place, nous, majorité sénatoriale, nous l’assumons, et nous la revendiquons même, au nom du maintien des principes fondamentaux de notre sécurité sociale que sont l’universalité et la solidarité.
MM. Roland Courteau et Jacky Le Menn. Très bien !
Mme Catherine Génisson. L’application de l’article 40 de la Constitution nous a empêchés de supprimer les franchises sur les médicaments,…
M. Jacky Le Menn. Eh oui !
Mme Catherine Génisson. … et de mettre un coup d’arrêt à la convergence tarifaire entre les actes médicaux du secteur hospitalier public et privé.
D’ailleurs, certains commencent à être convaincus du manque de pertinence de ce dispositif. À cet égard, je remercie notre collègue Alain Milon d’avoir qualifié d’« utopie » la convergence intersectorielle…
M. Alain Milon. Uniquement la convergence intersectorielle !
Mme Catherine Génisson. … quand, par ailleurs, des questions ô combien sérieuses concernent notre tissu hospitalier.
Je ne reviendrai pas sur les difficultés d’organisation de l’hôpital public, qui doit intégrer, en amont, celles que rencontre la médecine libérale en matière notamment de permanence des soins et, en aval, la spécialisation très importante des services, qui ne permet pas toujours d’accueillir l’urgence dans les meilleures conditions.
Au-delà de ces questions ô combien prégnantes, je veux souligner des points qui me semblent importants.
J’évoquerai tout d’abord le déséquilibre existant entre le public et le privé en matière d’offre de soins ou d’organisation des soins, dans certaines spécialités, notamment la chirurgie. Dans cette spécialité, 60 % à 80 % des actes médicaux sont réalisés dans le privé, ce qui a pour corollaire une dépendance financière préoccupante, d’autant que le financement, via la bourse, est aujourd’hui particulièrement fragile.
Dans le rapport qu’il avait commis sur l’organisation de notre système de santé, notre collègue Gérard Larcher avait largement évoqué cette question, mais nous ne trouvons aujourd'hui aucune proposition dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ce constat en télescope d’ailleurs un autre : la perte d’attractivité de l’hôpital public pour les médecins. Ainsi, 43 % des anesthésistes-réanimateurs, par exemple, regrettent d’avoir choisi ce métier. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Comment envoyer ce message à nos concitoyens ? Et aux étudiants en médecine ? Le sujet est grave. Sans doute ces professionnels regrettent-ils leur choix pour des questions de rémunération, mais ils le regrettent aussi parce que les conditions de travail qui leur sont imposées ne leur permettent plus d’exercer leur spécialité en toute plénitude.
Ce constat est d’ailleurs très largement partagé par les personnels soignants, qui s’inscrivent contre la logique de rentabilité l’emportant sur l’ensemble de leur engagement, en particulier dans la relation qu’ils souhaitent continuer d’avoir et d’entretenir avec les malades. Voilà le sujet, et il est aujourd'hui très prégnant.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, je veux vous alerter sur la gravité de la situation. Celle-ci est d’autant plus préoccupante que l’annonce de la progression des dépenses de santé ramenée à 2,5 % et le gel, à hauteur de 100 millions d’euros, des dotations prévues pour la modernisation des établissements hospitaliers continuent de noircir le tableau. Et que dire du gel des dotations relatives aux missions d’intérêt général, sinon que la question est toujours en suspens ?
Je ne veux pas faire ici de catastrophisme, mais je tenais à attirer votre attention sur la gravité de la situation de l’hôpital public au regard à la fois de sa situation financière et de la crise morale profonde qu’il traverse.
Le malaise est d’autant plus grand que ne figurent pas dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 des réformes structurelles permettant notamment de traiter de la démographie médicale tout comme des dépassements d’honoraires. Or, en termes d’efficacité et d’accès aux soins, l’absence de réponse à ces deux questions est terriblement discriminatoire pour nos concitoyens.
Je ne reviendrai pas longuement sur la question de la mise en place, par voie législative, du secteur optionnel, mais, à notre avis, ce n’est pas une solution. Il importe de revoir la question des dépassements d’honoraires de manière beaucoup plus globale, en reconnaissant certainement mieux les honoraires du secteur 1, ainsi que le travail réalisé par la très grande majorité de nos médecins généralistes, mais en encadrant de façon beaucoup plus coercitive les dépassements d’honoraires, qui, je le répète, sont pratiqués par une minorité de praticiens, mais dénaturent l’image de la médecine dans son ensemble.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Catherine Génisson. Il faut vraiment traiter cette question. Certes, seule une minorité de praticiens est en cause,…
M. Roland Courteau. Oui !
Mme Catherine Génisson. … mais ces pratiques mettent en cause la qualité de l’acte médical et la confiance que nos concitoyens placent en leur médecin.
M. Roland Courteau. Il fallait le dire !
Mme Catherine Génisson. Après les débats que nous avons eus en commission, comment ne pas s’insurger, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, contre les mesures relatives au volet social du plan d’austérité gouvernemental ?
J’ai évoqué précédemment la baisse de la prévision de croissance de l’ONDAM à 2,5 %. Dès lors, comment ne pas craindre les désordres importants que cette décision va entraîner au niveau de l’organisation de notre système de santé, particulièrement à l’hôpital public, qui pâtit vraiment de vos réformes, notamment des économies drastiques que vous lui imposez et qui sont aujourd'hui à la limite du supportable ?
M. Jacky Le Menn. C’est un garrottage !
Mme Catherine Génisson. Je veux dénoncer avec force l’accélération de la réforme des retraites. Vous avez avancé d’un an, à 2017, le passage à soixante-deux ans de l’âge légal du départ à la retraite, alors même que nous sommes, nous le savons tous, l’un des pays européens qui comptent le plus de seniors au chômage.
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Catherine Génisson. Enfin, dans le contexte de crise sociale profonde particulièrement difficile à vivre pour les plus précaires, comment ne pas condamner le mode de revalorisation des prestations sociales et familiales, qui sera désormais indexée sur la seule croissance ?
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Catherine Génisson. Cette mesure est délétère pour une majorité de nos concitoyens. (Mme Chantal Jouanno proteste.)
Vous avez indiqué que 6 millions de nos concitoyens seraient concernés, mais je pense qu’ils sont malheureusement beaucoup plus nombreux.
Mme Chantal Jouanno. Votre modèle social, c’est la Grèce ?...
Mme Catherine Génisson. Les propositions que vous faites pour diminuer les dépenses touchent toujours les mêmes : les classes moyennes, les plus précaires.
Alors que la crise financière, économique et sociale, nationale et internationale frappe massivement nos concitoyens et les angoisse au-delà même des difficultés qu’ils rencontrent au quotidien, vous n’avez qu’un credo : taxer les classes moyennes et populaires, diminuer leurs prestations ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Chantal Jouanno. Et les heures supplémentaires ? Ce sont les classes moyennes qui en bénéficient !
Mme Christiane Demontès. Et le chômage ?
Mme Catherine Génisson. Vous n’avez de cesse de parler des heures supplémentaires, mais il y a bien d’autres mesures à prendre ! Il faut favoriser la négociation salariale ! Vous cherchez toujours des expédients pour valoriser les revenus des salariés ! Mais il serait préférable d’encourager les négociations salariales, au lieu de proposer des expédients comme les heures supplémentaires ou les primes à l’intéressement ! Ce serait reconnaître la valeur du travail ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Mme Chantal Jouanno proteste de nouveau.)
M. Roland Courteau. Catherine Génisson a raison !
Mme Catherine Génisson. En recherchant des ressources nouvelles, réparties solidairement, la majorité sénatoriale veut rétablir la justice sociale, tout en adoptant, bien évidemment, une attitude responsable dans le contexte actuel, ô combien difficile. Elle refuse en conséquence ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et votera bien évidemment la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce texte nous attriste, nous les écologistes, mais aussi toutes les sénatrices et tous les sénateurs de gauche, eux qui ont, en première lecture, vaillamment, courageusement, contribué à nous rendre, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, plus à même d’assumer les responsabilités qui sont les nôtres face à la crise économique, sanitaire et sociale !
M. Ronan Kerdraon. Très bien !
M. Jean Desessard. Oui, madame la ministre, c’est par souci de responsabilité que nous avions travaillé non seulement à l’établissement de nouvelles recettes, mais également à l’abaissement et à la suppression de taxes qui touchaient les plus précaires, même de façon indirecte, comme les taxes sur les mutuelles.
Aujourd’hui, nous examinons avec effarement le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale, qui a rejeté en bloc nos amendements…
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Ronan Kerdraon. Ils n’ont pas lu les amendements !
M. Jean Desessard. … et a intégré dans le projet de loi de nouvelles mesures gouvernementales. Non seulement notre travail s’est trouvé effacé d’un trait de plume, mais la version du texte que nous sommes censés réexaminer aujourd'hui demanderait une révision encore plus intense que la première, le Gouvernement ayant accentué, par ses mesures, l’iniquité sociale.
M. Ronan Kerdraon. Très bien !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jean Desessard. Non seulement le texte rétablit le doublement de la taxation des contrats complémentaires santé des mutuelles et assurances ;…
M. Jacky Le Menn. Cela va de mal en pis !
M. Jean Desessard. … non seulement il supprime plusieurs augmentations de taxes que nous avions adoptées sur les retraites chapeaux, les stock-options et les bonus des traders ;…
M. Roland Courteau. C’est scandaleux !
M. Jean Desessard. … non seulement il annule le relèvement de 0,5 point de la contribution sur les revenus du capital, mais, aujourd’hui, coup de grâce gouvernemental ! il diminue de facto les prestations sociales, qui seront désormais indexées sur le taux de croissance présumée, à savoir 1 %, …
M. Roland Courteau. Voilà la justice de la droite !
M. Jean Desessard. … et non plus sur l’inflation, qui est de 1,7 %, touchant ainsi les citoyens et les familles les plus fragiles. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Je disais tout à l’heure, madame la ministre, combien ce texte constituait une régression au regard de la société d’avenir que nous devons préparer pour nos enfants.
Mme Gisèle Printz. Ah oui !
M. Jean Desessard. Je ne prendrai qu’un seul exemple, ô combien d’actualité, pour illustrer ce recul : la question du travail.
Ce travail, nous devons apprendre à le partager, surtout en temps de crise, …
Mme Chantal Jouanno. On a vu les résultats !
M. Jean Desessard. … avec un chômage qui s’étend et une planète dont les richesses s’épuisent et qui doit être préservée d’un productivisme lié à une consommation toujours plus importante.
M. Roland Courteau. Il a raison !
M. Jean Desessard. Eh bien, madame la ministre, le travail se retrouve encore une fois dans le sillage de ce slogan aberrant : « Travailler plus pour gagner plus » !
Mme Chantal Jouanno. C’est aberrant ?...
M. Jean Desessard. Oui, ça l’est !
Mme Christiane Demontès. Nous, nous disons : « Travailler tous » !
M. Jean Desessard. En effet, la défiscalisation des heures supplémentaires tant prônée par votre gouvernement est revenue dans la version du projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous examinons aujourd’hui. Que faut-il faire pour que vous compreniez, madame la ministre, chers collègues de l’UMP,…
M. Roland Courteau. Il n’y a rien à faire !
M. Jean Desessard. … que le partage du travail est la condition sine qua non d’une société du « vivre mieux » ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Quand certains travaillent à flux tendu, ne comptant plus les heures supplémentaires que vous défiscalisez aujourd’hui, et ce au détriment de leur santé et de leur qualité de vie, d’autres, de plus en plus nombreux, sont dans une situation de chômage durable, ce qui, là aussi, a un coût social, sanitaire et économique majeur pour notre pays.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean Desessard. De la même manière, quand vous accélérez la mise en œuvre du passage à soixante-deux ans de l’âge légal de la retraite, qui interviendra en 2017 au lieu de 2018, cela va contre toute vision d’avenir. Faire travailler plus une partie de la population quand l’autre est laissée pour compte, ce n’est pas la solution, madame la ministre, et c’est une attitude que vous qualifiez à tort de « réaliste » !
Le réalisme, madame la ministre,…
M. Jacky Le Menn. Parlons-en !
M. Jean Desessard. … ce serait de nous épauler toutes et tous, et ce de manière tangible face aux désordres mondiaux ; ce serait de nous protéger contre le chômage, la pauvreté et la destruction programmée de notre planète ; ce serait de nous tourner dès aujourd’hui avec ce plan de financement de la sécurité sociale vers une société écologique.
M. Jacky Le Menn. Voilà !
M. Alain Milon. Sans nucléaire ?
M. Jean Desessard. Et un plan sanitaire digne de ce nom devrait remettre l’emploi au centre du débat, d’une manière radicalement différente.
En effet, l’emploi détermine l’assiette des cotisations, il est la clé de voûte d’un régime de retraite par répartition.
Le capitalisme est en passe d’épuiser les ressources naturelles comme les ressources humaines : de même que la terre atteint les limites de ce qu’elle peut donner, la productivité du travail humain approche de son plafond. Il est donc vain d’attendre le retour d’une croissance forte et durable, comme il est vain d’espérer de nouveau le plein emploi des trente glorieuses.
Mme Chantal Jouanno. Vive le chômage ?
M. Jean Desessard. Pour nous, écologistes, une profonde conversion écologique de l’économie s’impose.
Les nouvelles activités vertes, le plus souvent non délocalisables, car liées au territoire, ou non mécanisables, car relevant du lien social, peuvent offrir de nouveaux débouchés.
Dans le même temps, les bénéfices de la mécanisation passée et de l’augmentation de la productivité doivent être partagés entre tous et toutes, plutôt que réservés à quelques-uns, quand d’autres perdent leur emploi.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean Desessard. Un partage accru du temps de travail devra donc être organisé, sous peine d’un chômage pérenne d’une partie de la population, mise durablement au ban de la société.
« Il faut apprendre à porter sur lui un regard différent ; ne plus le penser comme ce qu’on a ou n’a pas, mais comme ce que nous faisons », affirmait André Gorz à propos du travail.
Madame la ministre, ce regard dont parle André Gorz devrait être celui du Gouvernement : un travail qui préserve la solidarité au lieu de la détruire, un travail qui concerne toute l’activité humaine, un travail qui soit source non plus de souffrances, de maladies et d’épuisement des ressources planétaires, mais bien de renforcement des liens, des richesses humaines et naturelles.
Oui, nous sommes favorables à une réforme des retraites ; oui, nous pensons qu’il faut revoir les fondements du système dans le sens de plus de solidarité et de responsabilité pour les générations futures.
En d’autres termes, nous voulons un système de retraite égalitaire qui ne soit pas fondé sur le principe du « travailler toujours plus » et sur les écarts de salaires faramineux que nous connaissons aujourd’hui.