M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Dominique Watrin. Si elle redoute à ce point une évolution des taux d’intérêt, c’est que la politique de sous-financement de la sécurité sociale, que vous menez depuis longtemps, se poursuit encore cette année.
Cet affaiblissement méthodique a rendu l’ACOSS dépendante des marchés financiers, la contraignant même à emprunter pour financer des besoins intra-annuels.
Cette politique vous conduit non seulement à courir encore et toujours derrière la crise, mais aussi, ce qui est pire, à ne prendre aujourd’hui que des mesures d’urgence, non pérennes, insuffisantes et injustes.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Dominique Watrin. Le plan de rigueur sociale qui prend corps dans ce PLFSS, après son deuxième passage à l’Assemblée nationale, n’est qu’un « colosse aux pieds d’argile », suffisamment grand et puissant pour terrifier et frapper les plus faibles, mais trop fragile pour affronter les adversaires de taille que sont les boursicoteurs et les spéculateurs.
M. Roland Courteau. Bien vu !
M. Dominique Watrin. Comme l’indiquait d’ailleurs le journal Le Monde daté du mardi 22 novembre 2011 dans son supplément « Économie », nous avons déjà perdu, de fait, le triple A qui vous sert de justificatif.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Dominique Watrin. Ainsi, selon le journaliste et économiste Adrien de Tricornot, « pour les marchés, la France est déjà dégradée », précisant d’ailleurs que « les taux d’intérêt ont en effet augmenté, l’écart avec l’Allemagne atteignant 1,9 point. Du jamais vu depuis la crise du système monétaire ». (M. Roland du Luart s’exclame.)
M. Alain Milon. Il baisse : c’est 1,75 ce soir !
M. Dominique Watrin. Cette course à la notation est d’ailleurs vaine. Comme le rappelle cet économiste, « les marchés, qui prêtent aux États, ne demandent pas du marketing – un plan de rigueur tous les trois mois –, mais une stratégie durable ».
Cette remarque n’est pas sans nous en rappeler une autre, formulée par la Cour des comptes : la nécessité, pour qui veut réduire les déficits sociaux, de prendre des mesures structurelles.
Démentant le Gouvernement, selon lequel la crise serait responsable des déficits sociaux, la Cour des comptes, dans son dernier rapport sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, précise : « Les facteurs structurels expliquent environ 0,7 point d’un déficit du régime général qui a représenté 1,2 point de PIB en 2010 ».
M. Roland Courteau. C’est clair !
M. Dominique Watrin. Cette situation, que les Sages de la rue Cambon n’hésitent plus à qualifier d’« anomalie », doit cesser. À cette fin, il n’existe qu’une solution : tout faire pour garantir durablement le financement de la sécurité sociale.
Cela passe par des mesures d’économies, en supprimant les niches sociales injustes et inefficaces. Mais vous vous y refusez. Cela passe surtout, contrairement à ce que vous voudriez nous faire croire, par une politique accroissant les ressources de la sécurité sociale.
La réduction des dépenses que vous affichez dans votre discours ne constitue qu’une rustine et les travaux réalisés par le Sénat lors de la première lecture en sont la démonstration.
Par dogmatisme ou par adoubement aux possédants, vous avez, à l’Assemblée nationale, détricoté tout ce que le Sénat avait fait. Comme si nous pouvions nous passer des quelque 5 milliards d’euros de financements nouveaux que la Haute Assemblée avait apportés à la sécurité sociale pour 2012.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Dominique Watrin. Comme si la réduction de plus de 30 % des déficits sociaux, que la nouvelle majorité sénatoriale avait permise, devait s’effacer pour imposer 1,2 milliard d’euros de mesures nouvelles d’austérité aux Français.
Ce n’est d’ailleurs pas une seule question de chiffres qui nous oppose. Nos projets sont différents dans leur nature. Lorsque vous imposez la rigueur, au point d’entraîner la récession, lorsque vous taxez les plus faibles, nous proposons, pour notre part, plus de solidarité et un meilleur partage des richesses.
Madame la ministre, chers collègues de l’opposition sénatoriale, nous avions préconisé, par exemple, de limiter les exonérations de cotisations sociales aux petites entreprises et de les conditionner à celles qui respectent l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Vous vous y êtes opposés, ne nous proposant qu’un rapport sur la question. De ce document, nous n’avons pas besoin, puisque tous ceux qui existent aujourd’hui, à commencer par ceux de la Cour des comptes, le montrent déjà : ces exonérations s’analysent comme des trappes à bas salaires, des subventions à l’emploi précaire et non rémunérateur, qui pénalisent les comptes publics et sociaux en affaiblissant les recettes fiscales et sociales.
Cette année encore, les exonérations de cotisations sociales approcheront les 30 milliards d’euros. La part non compensée, c'est-à-dire la perte sèche pour les comptes sociaux, avoisinera les 2 milliards d’euros.
Si l’État remboursait à la sécurité sociale les dettes qu’il a accumulées à ce titre dans le passé, nous pourrions diviser par deux le déficit de la sécurité sociale prévu pour 2012. (Mmes Laurence Cohen et Catherine Génisson applaudissent.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacky Le Menn. Il ne faut pas rêver…
M. Dominique Watrin. Quant à la part compensée de ces exonérations, elle grève les comptes publics et prive chaque année l’État de plusieurs dizaines de milliards d’euros, qui pourraient être utilisés pour mener une autre politique.
Cessez donc de nous faire croire que ces exonérations permettent de lutter contre les délocalisations dans un contexte économique international tendu. Nous n’avons que trop entendu cet argument. (M. Jacky Le Menn s’exclame.) La Cour des comptes est formelle : dans un rapport publié en 2007, elle fait la démonstration que le secteur de la grande distribution est le principal bénéficiaire de ces exonérations, alors qu’il n’est pas exposé à la concurrence internationale.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ni aux délocalisations !
M. Dominique Watrin. Nous avions également proposé de taxer les bonus exorbitants perçus par les traders. Ces rémunérations sont scandaleuses par leur montant,…
M. Roland Courteau. En effet !
M. Dominique Watrin. … encore plus si l’on mesure combien ces derniers ont participé à aggraver la crise que nous connaissons actuellement. Malgré celle-ci, les bonus n’ont pas diminué, tant s’en faut, alors que les banques annoncent des coupes sociales : tout continue à fonctionner comme avant.
M. Jacky Le Menn. Comme avant, en effet !
M. Dominique Watrin. Les grandes banques que sont la Société générale, le Crédit agricole et Natixis ont versé, en 2010, à leurs traders des bonus équivalant à ceux de l’année 2009.
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Dominique Watrin. Ainsi, au Crédit agricole, le bonus moyen versé en 2010 a été de 150 000 euros ; il est de 291 000 euros par collaborateur chez BNP Paribas.
Sur notre initiative, le Sénat avait également retenu le principe d’une hausse de la contribution sociale due par les bénéficiaires des retraites chapeaux. Compte tenu de l’importance des sommes en jeu et de la nature des bénéficiaires, des cadres dirigeants pour l’essentiel, il était nécessaire et légitime de renforcer les prélèvements sur ces dispositifs. Quoi de plus logique ?
De tout cela, vous n’avez pas voulu ! Aux mesures d’équité, de solidarité, de justice sociale que le Sénat avait retenues, vous avez préféré la poursuite de ce qui s’apparente à une politique de classe.
Les mesures nouvelles, qui devaient initialement trouver leur place dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et que vous avez finalement introduites dans cette nouvelle mouture du PLFSS, n’ont de nouvelles que le nom.
Elles sont la continuité, dans le sens d’une aggravation, d’une politique conservatrice déjà fortement engagée, avec la mise en place des franchises, des déremboursements, des dépassements d’honoraires, de l’augmentation à répétition du forfait hospitalier.
C’est, par exemple, le cas des mesures contre la fraude sociale. Bien évidemment, vous ne trouverez personne pour considérer que la fraude aux prestations sociales est normale.
M. Dominique Watrin. Mais vous instruisez un faux procès. Oui, il faut sanctionner ceux qui fraudent, mais sans perdre de vue, comme le précise le directeur de la Caisse nationale des allocations familiales, que cette fraude est très minoritaire.
C’est pourquoi nous refusons de pointer du doigt une partie de nos concitoyens, tantôt les bénéficiaires du RSA, tantôt les résidents non communautaires ou les fonctionnaires.
M. Jean-Yves Leconte. Les fameux voleurs !
M. Dominique Watrin. La fraude aux prestations, certes scandaleuse, est à relativiser ; elle représenterait moins de 3 milliards d’euros selon la Cour des comptes.
Bien plus importante est la fraude aux prélèvements, c’est-à-dire celle qui est réalisée par les employeurs. Elle coûterait entre 8 et 14 milliards d’euros, dont au moins 80 % seraient imputables au travail dissimulé. Pour autant, sur cette fraude-là, on ne vous entend jamais ! Sans doute est-il plus facile de faire la chasse aux pauvres qu’aux employeurs et aux dirigeants d’entreprises !
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est bien dit !
M. Dominique Watrin. Ce sont, d’ailleurs, aujourd’hui les mêmes, les travailleurs, les précaires et les chômeurs, qui sont les victimes de ce nouveau plan d’austérité.
Ainsi, votre décision de précipiter la réforme des retraites en accélérant le report de l’âge légal de départ conduira à paupériser des catégories entières de nos concitoyens. Je pense à ceux qui sont déjà partis en préretraite et qui comptaient pouvoir accéder rapidement à la retraite ; ils devront encore patienter quelques mois. Mais je pense surtout aux salariés, en activité ou non, les fameux seniors.
On le sait, la majorité des entreprises sont aujourd’hui réticentes à l’idée d’embaucher des salariés de plus de cinquante ans.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Dominique Watrin. C’est une réalité ! Elles les voient comme des freins à la croissance, et repousser l’âge de la retraite ne les fera pas changer d’avis. Cela explique sans doute pourquoi seulement 38 % des personnes âgées de cinquante-cinq à soixante-quatre ans sont actives.
La contre-réforme des retraites et les mesures nouvelles contenues dans ce PLFSS risquent donc d’accélérer la paupérisation d’une partie des seniors. Les chômeurs de cinquante à soixante ans, au lieu de partir à la retraite, resteront plus longtemps au chômage !
Mme Gisèle Printz. Voilà !
M. Dominique Watrin. Et, après le chômage, viendra le temps douloureux des minima sociaux.
Vous vous employez, en effet, à défaire un à un tous les dispositifs de sécurisation des revenus qui existaient jusqu’alors.
Voilà le sort que vous réservez à des milliers de nos concitoyens, pour une mesure qui ne devrait générer que 50 millions d’euros d’économies en 2012 et 1,2 milliard d’euros au plus d’ici à 2015 ! Des économies modestes, insuffisantes pour rétablir les comptes sociaux, mais suffisamment pénalisantes pour les salariés concernés. Cela ne semble pas compter beaucoup pour vous, car, ce qui vous importe, c’est de poursuivre dans la droite ligne de la réforme des retraites initiée en 2010 dont on nous annonçait déjà qu’elle était destinée à rassurer les marchés financiers. La boucle est bouclée !
Je pense également à la réintroduction de la taxe sur les mutuelles complémentaires. Nos concitoyens se souviendront que c’est le même gouvernement qui, après avoir refusé l’augmentation des contributions sociales sur les stock-options, aura aussi décidé d’accroître la taxation sur les mutuelles complémentaires !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Dominique Watrin. Cette mesure, qui conduira de plus en plus de personnes à renoncer aux soins, constitue, en fait, une nouvelle taxe sur la santé. Vous faites ainsi la preuve d’une réalité que nous ne cessons de dénoncer : il y a deux poids et deux mesures, selon que l’on est riche et puissant ou pauvre et faible !
Quant à la réduction de l’ONDAM de 2,8 % à 2,5 %, nous ne connaissons que trop les conséquences qu’elle aura ! Les deux tiers des CHU sont actuellement en déficit. C’est la conséquence d’une logique comptable, l’application de la T2A et la convergence tarifaire entre le public et le privé.
Avec ces deux mesures, on va tout droit vers la privatisation du système public, oubliant au passage que celui-ci assure des missions particulières et non rentables de service public.
Cette réduction de l’ONDAM entraînera la dégradation de la qualité des soins et la souffrance au travail, alors que des milliers d’emplois ont déjà été supprimés et que de nombreuses structures de proximité ont fermé, aggravant les inégalités territoriales en termes de santé.
Ce sont bien, mes chers collègues, deux conceptions du financement de la sécurité sociale qui s’opposent ici. Il y a, d’un côté, ceux qui, bien que prônant la règle d’or, laissent filer les déficits et font supporter le poids de la crise par les salariés, et, de l’autre, ceux qui veulent réintroduire un peu de justice sociale avec un seul objectif : conserver notre système de protection sociale, dans l’intérêt de toutes et de tous.
Ce PLFSS pour 2012, tel qu’il a été modifié à l’Assemblée nationale sous l’action des députés UMP et du Gouvernement, n’est qu’une traduction du plan de rigueur annoncé par François Fillon le jour même où commençait l’examen de ce texte en première lecture au Sénat.
Nous avons fait, à cette occasion, la démonstration qu’une autre politique était possible. C’est la raison pour laquelle l’adoption de ce PLFSS pour 2012, qui ne prévoit le retour à l’équilibre ni à court terme ni à moyen terme, ne nous paraît pas souhaitable, et ce d’autant moins que vous imposez de nouvelles mesures d’austérité !
Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC vous invitent donc, chers collègues, à repousser le texte en votant la motion que vous présentera la présidente de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames les secrétaires d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, heureux les citoyens qui ignorent tout du travail parlementaire, heureux les citoyens qui ne se sont jamais préoccupés de ce jeu de navette, pourtant garant des principes de la démocratie !
Heureux sont-ils, ceux qui, avec naïveté, croient encore que de la confrontation de nos idées – de la bonne confrontation ! – sortent des solutions d’équilibre, illustrations de ces vertus républicaines que, je veux y croire encore, nous partageons tous au sein de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Roland Courteau. C’est bien dit !
Mme Anne-Marie Escoffier. Ils seraient déçus, ces citoyens, s’ils voyaient les conditions dans lesquelles nous avons examiné ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Ronan Kerdraon. Tout à fait d’accord !
Mme Françoise Laborde. Absolument !
Mme Anne-Marie Escoffier. Ils ne comprendraient assurément pas comment, après les assurances que les ministres nous avaient données sur la présentation d’un PLFSS rectificative destiné à tenir compte des annonces faites par le Premier ministre quelques heures seulement avant le début de l’examen dudit texte – ils ne comprendraient donc pas le retournement auquel nous sommes confrontés.
M. Roland Courteau. Oui !
Mme Anne-Marie Escoffier. Je ne critique pas seulement la forme - vous pourriez penser que c’est peu de chose. Je mesure et je comprends que le calendrier parlementaire nous contraint tous et que l’on ait dû agir par voie d’amendement gouvernemental. Mais alors, pourquoi ne pas l’avoir admis directement ? Pourquoi avoir voulu jouer un faux apaisement qui revient comme un mauvais retour de flamme, cinglant, et qui déshonore notre travail parlementaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait !
Mme Anne-Marie Escoffier. Dans ma courte vie d’élue, j’ai toujours voulu croire que la vérité n’est pas plus entièrement sur les travées de droite que sur celles de gauche ; si elle doit exister, elle est une précieuse alchimie entre les deux, dans le parfait respect des valeurs de la République que nous disons tous reconnaître. Quelle erreur de ma part, et que d’illusions perdues ! (Exclamations sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Parce qu’il y va autant de la forme que du fond, l’une et l’autre ont fonctionné sans égards pour le travail parlementaire. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
Qui d’entre nous ici n’a pas compris l’absolue nécessité dans laquelle nous sommes de réduire nos dépenses, de chercher le retour à l’équilibre budgétaire le plus rapide, en même temps que le plus efficient et le plus efficace, sous réserve que l’effort soit également partagé entre tous les acteurs, de l’État aux différents agents économiques jusqu’aux bénéficiaires des dispositions à caractère social ?
Je ne suis pas sûre qu’il me soit utile de reprendre ici les propos de mon collègue Gilbert Barbier, intervenant en mon nom également pour démontrer comment le PLFSS pour 2012 ignore ce principe d’égal partage de l’effort et comment il met à mal votre volonté, dont je ne doute pas, madame la ministre, de présenter un texte pleinement sincère.
Tout tend à prouver que le Gouvernement va d’atermoiements en atermoiements.
Mme Françoise Laborde. Ah oui !
Mme Anne-Marie Escoffier. Pour preuve, cette mesure consistant à instaurer un quatrième jour de délai de carence dans le secteur privé qui, à peine annoncée, a été retirée, comme sur la pointe des pieds. On ne fera que s’en réjouir !
Je citerai encore l’accélération d’un an du calendrier de la réforme des retraites qui montre, de façon éclatante, que cette réforme n’a pas trouvé sa pleine mesure et qu’elle a manqué le rendez-vous avec une vraie vision stratégique. (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exactement ! C’est un aveu d’échec !
Mme Anne-Marie Escoffier. J’ai encore du mal à comprendre, alors que la commission s’est efforcée de proposer des mesures tendant à réduire le déficit de près de 4 milliards d’euros, que vous rejetiez en bloc ces dispositions pour en adopter d’autres, qui limiteront les économies à 1,2 milliard d’euros !
M. Roland Courteau. Incroyable !
Mme Anne-Marie Escoffier. De contradictions en contradictions, d’approximations en approximations, je crains, madame la ministre, mesdames les secrétaires d’État, qu’en dépit de vos bonnes intentions, que nous apprécierons lors de l’examen des crédits des missions, vous n’ayez pas atteint votre objectif : celui d’un texte responsable et crédible.
M. Roland Courteau. C’est certain !
Mme Anne-Marie Escoffier. C’est pourquoi, dans sa très grande majorité, le groupe RDSE ne pourra pas vous suivre sur une voie qui n’est ni celle du progrès ni celle d’une plus grande justice sociale ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon.
M. Ronan Kerdraon. Courage ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Alain Milon. Je n’en manque pas, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)
Madame la présidente, madame la ministre, mesdames les secrétaires d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous nous trouvons, cette année, dans une situation inédite à l’occasion de ce processus budgétaire.
En effet, si nos collègues de l’Assemblée nationale ont voté un projet de loi de financement de la sécurité sociale équilibré et responsable, la nouvelle majorité de cette assemblée en a décidé autrement. Elle a dénaturé le texte en première lecture à tel point que nous étions légitimement contraints, et pour des raisons que je rappellerai dans mon propos, de refuser son adoption.
Logiquement, la commission mixte paritaire a échoué.
Dans ces circonstances, je souhaite apporter, au nom du groupe UMP, mon total soutien au texte de l’Assemblée nationale tel que modifié par le Gouvernement.
En effet, ce projet de loi de financement prend en compte le plan d’économies annoncé par le Premier ministre le 7 novembre dernier et apporte ainsi une réponse efficace dans le contexte de tension économique que traversent notre pays et, au-delà, l’Union européenne. Ce faisant, il permet d’amplifier l’effort du Gouvernement de maîtrise des dépenses publiques, tout en préservant les possibilités de croissance de notre économie.
Par ailleurs, le choix d’insérer ces mesures par amendements en lieu et place du dépôt, certes inhabituel, d’un PLFSS rectificative se justifie pour les raisons que Mme la ministre a rappelées : non seulement ces amendements permettent de ne pas alourdir un agenda parlementaire que chacun sait surchargé, mais, en outre, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ils sont en relation directe avec les dispositions restant en discussion.
Sur le fond, nous partageons sans réserve l’esprit de responsabilité du Gouvernement et du Président de la République.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s’inscrit dans un contexte budgétaire que chacun, y compris les membres de la nouvelle majorité sénatoriale, sait très difficile. Nous ne pouvons donc que désapprouver la création immodérée, en première lecture, de trop nombreuses taxes par cette même majorité, qui ne s’est pas préoccupée de leur utilité réelle ! Nous arrivons tout de même à un montant total de plus de 5,2 milliards d’euros !
M. Roland Courteau. Justice sociale !
M. Alain Milon. Ces taxes touchent plus particulièrement les entreprises et les revenus du travail.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Et les bonus ? Et les retraites chapeaux ?
M. Alain Milon. Je citerai les plus symboliques d’entre elles.
Vous vouliez supprimer le dispositif d’exonération des heures supplémentaires, instauré par la loi TEPA d’août 2007, qui bénéficie à 9 millions de salariés gagnant, en moyenne, 1 500 euros par mois. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Grâce à cette exonération, ils perçoivent environ 450 euros de plus par an.
M. Jean-Yves Leconte. Nous avons fait œuvre d’efficacité économique !
M. Alain Milon. Vous voulez taxer le travail ; nous préférons soutenir la hausse du pouvoir d’achat.
M. Roland Courteau. Et les taxes que la droite a créées ?
M. Alain Milon. Vous prétendiez limiter les allégements de charges aux seules entreprises employant moins de 25 % de salariés à temps partiel, alors que le dispositif a permis de préserver près de 800 000 emplois. (C’est faux ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Catherine Génisson. À quel prix !
M. Alain Milon. Vous voulez pénaliser les bas salaires et les emplois peu qualifiés ; nous préférons soutenir l’emploi.
Pour compenser la suppression de l’exonération des heures supplémentaires, vous vouliez majorer le forfait social pour le porter à 11 %. Or, je le rappelle, cette contribution porte sur les rémunérations accessoires, comme l’intéressement, la participation aux résultats de l’entreprise, les plans d’épargne pour la retraite collective ou les prestations de retraites supplémentaires.
M. Jean-Pierre Caffet. Ce sont les employeurs qui paient !
M. Alain Milon. Vous voulez remettre en cause les compléments de revenus des salariés ; nous préférons les protéger. (Protestations renouvelées sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Enfin, vous aviez augmenté les taux des prélèvements, que ce soit sur les stock-options, les actions gratuites, les retraites chapeaux, ou bien encore les parachutes dorés. Noble intention !
M. Roland Courteau. Tout de même !
M. Alain Milon. Vous semblez oublier que nous sommes à l’origine des prélèvements sociaux sur ce type de rémunérations et que nous avons rapproché leur niveau de taxation de celui qui est en vigueur pour les salaires ordinaires.
Mme Gisèle Printz. Tant mieux !
M. Jean-Pierre Caffet. Alors, pourquoi nous reprocher de créer cette taxe ?
M. Alain Milon. Vous prétendez jouer les justiciers, mais vous avez pris le train en marche ; nous préférons mettre en place des mesures justes.
Nous sommes satisfaits que la majorité de l’Assemblée nationale ait supprimé toutes ces dispositions. (M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales marque sa désapprobation.)
Je me réjouis qu’elle ait maintenu la disposition de l’article 19 du projet de loi de financement de la sécurité sociale relative au financement de la future agence de sécurité du médicament, que j’ai proposée et qui vise à mettre à contribution les entreprises de produits cosmétiques au même titre que celles qui fabriquent des dispositifs médicaux.
De même, je ne peux que me féliciter de la réintégration par l’Assemblée nationale à la fois du dépistage précoce de la surdité – ne vous en déplaise ! - et de la création d’un secteur optionnel. L’accès aux soins ne pourra qu’en être renforcé et la prise en charge des troubles de l’audition améliorée.
Par ailleurs, les articles 37 bis A relatif à la prorogation des conventions tripartites des maisons de retraite et 37 bis E sur la non-requalification en contrats de travail des coopérations entre professionnels de santé libéraux, établissements et services sociaux et médico-sociaux, ont été conservés.
Même si l’Assemblée nationale a modifié la rédaction des dispositions adoptées par le Sénat, l’essentiel de l’objectif est préservé. Je souhaite que l’esprit de ces deux articles puisse trouver un aboutissement, sachant que la limitation aux seuls services de soins infirmiers à domicile, opérée par l’Assemblée nationale, apporte une réponse d’ores et déjà significative aux gestionnaires médico-sociaux.
En revanche, je regrette que l’Assemblée nationale soit revenue sur le texte qu’elle avait proposé initialement pour l’article 35 bis, qui introduit une tarification libre pour les actes de biologie médicale dans le cadre d’accords ou de conventions passés entre laboratoires et établissements de santé. Cet article aura notamment deux conséquences.
D’une part, la biologie médicale sera assimilée à une prestation de service. Or, à la suite de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne de 2010 réaffirmant la différence entre examen de biologie médicale et activité commerciale, il est important que, pour les modalités de facturation des actes prescrits en France, l’examen de biologie médicale ne soit pas assimilé à une prestation de service. Les tentatives d’instauration de la liberté des prix des actes de biologie médicale doivent par conséquent être prohibées, à l’instar de ce qui prévaut pour les autres professions de santé.
D’autre part, on crée les conditions propices à la disparition des laboratoires de proximité.
Dans un contexte économique difficile pour les petits laboratoires, cette liberté des prix favorisera en effet mécaniquement, lors des négociations avec les établissements de santé, les grosses structures. Ces dernières seront en effet mieux à même de proposer des rabais intéressants, ce qui peut faire peser des risques sur la qualité du service rendu au patient.