Sommaire
Présidence de Mme Bariza Khiari
Secrétaires :
Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx, Marie-Noëlle Lienemann.
2. Décision du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
3. Loi de finances pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme Marie-France Beaufils, M. Jean Louis Masson.
Amendement n° I-36 de M. Jean Louis Masson. – M. Jean Louis Masson.
Amendement n° I-40 de M. Thierry Foucaud. – Mme Marie-France Beaufils.
Amendement n° I-111 de M. François Marc. – M. François Marc.
Mmes Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances ; Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement ; M. Philippe Marini, président de la commission des finances ; François Marc, Jean Louis Masson, Philippe Dallier, Mme Marie-France Beaufils, M. Thierry Foucaud. – Adoption par scrutin public, après une demande de priorité, de l’amendement no I-111, les amendements nos I-36 et I-40 devenant sans objet.
M. Roger Karoutchi, Mme la présidente.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Articles additionnels après l’article 2
Amendement n° I-43 rectifié de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mme la rapporteure générale. – Retrait.
Amendement n° I-51 rectifié de M. Thierry Foucaud. – MM. Thierry Foucaud, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-37 de M. Jean Louis Masson. – MM. Jean Louis Masson, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Rejet.
Amendement n° I-47 rectifié de M. Thierry Foucaud. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-35 de M. Jean Louis Masson. – M. Jean Louis Masson, Mmes la rapporteure générale, la ministre, Catherine Procaccia, M. Roger Karoutchi, Mme Nathalie Goulet, M. Yann Gaillard. – Rejet.
Amendement n° I-112 de M. François Marc. – M. Marc Massion, Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. le président de la commission, Mme Marie-France Beaufils, M. François Marc, Mme Catherine Procaccia. – Adoption, par scrutin public, de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-41 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mmes la rapporteure générale, la ministre, MM. le président de la commission, Jean-Pierre Caffet, Philippe Dallier. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos I-42 de M. Thierry Foucaud et I-191 de M. Jean Arthuis. – Mmes Marie-France Beaufils, Nathalie Goulet, la rapporteure générale, la ministre. – Retrait des deux amendements.
Amendement n° I-1 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 3
Amendement n° I-53 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mme la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-4 de la commission. – Mme la rapporteure générale.
Amendement n° I-44 de M. Thierry Foucaud. – Mme Marie-France Beaufils.
Amendement n° I-45 de M. Thierry Foucaud. – Mme Marie-France Beaufils.
Mme la ministre, M. le président de la commission, Mmes la rapporteure générale, Marie-France Beaufils, M. François Marc. – Adoption de l'amendement n° I-4 insérant un article additionnel, les amendements nos I-44 et I-45 devenant sans objet.
Amendement n° I-54 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. le président de la commission. – Rejet.
Amendement n° I-49 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. François Marc. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-115 de M. François Marc. – MM. François Marc, Mmes la rapporteure générale, la ministre, Marie-France Beaufils. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-5 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-3 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-2 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre, MM. Albéric de Montgolfier, le président de la commission, Mme Catherine Procaccia, M. Philippe Dallier, Mme Marie-France Beaufils. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-48 de M. Thierry Foucaud. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-50 rectifié de M. Thierry Foucaud. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, le ministre, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Philippe Dominati, François Marc, le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-70 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mmes la rapporteure générale, la ministre, MM. Yann Gaillard, le président de la commission, Philippe Dominati, Mme Marie-France Beaufils. – Rejet.
Amendement n° I-46 rectifié de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-166 de Mme Marie-France Beaufils. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, la ministre, MM. le président de la commission, Albéric de Montgolfier, Mme Nathalie Goulet. – Rejet.
Amendement n° I-52 de M. Thierry Foucaud. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-114 de M. François Marc. – M. Jean-Marc Todeschini, Mmes la rapporteure générale, la ministre, Marie-France Beaufils. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-195 de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-117 de Mme Virginie Klès. – Mmes Michèle André, la rapporteure générale, la ministre, Nathalie Goulet, Catherine Procaccia, Marie-France Beaufils. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-205 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption.
Amendement n° I-84 rectifié bis de Mme Esther Sittler. – Mmes Esther Sittler, la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l’article 3 bis
Amendement n° I-201 de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Articles 3 ter à 3 sexies (nouveaux). – Adoption
Articles additionnels après l’article 3 sexies
Amendement n° I-91 rectifié de M. Michel Houel. – M. Philippe Dominati, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-7 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-118 rectifié de M. Georges Patient. – M. Georges Patient, Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. Serge Larcher. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
M. le président de la commission.
4. Mise au point au sujet d'un vote
M. Vincent Delahaye, Mme la présidente.
Suspension et reprise de la séance
5. Communication du Conseil constitutionnel
6. Loi de finances pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Articles additionnels après l'article 4
Amendement n° I-56 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud.
Amendement n° I-121 de M. François Marc. – M. Richard Yung.
Mmes Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances ; Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement ; MM. Thierry Foucaud, Richard Yung. – Retrait de l’amendement no I-56 ; adoption de l’amendement no I-121 rectifié insérant un article additionnel. .
Amendement n° I-120 rectifié ter de M. François Marc. – M. François Marc, Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. Philippe Marini, président de la commission des finances. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-10 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre, MM. Thierry Foucaud, le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-57 de M. Thierry Foucaud. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, la ministre. – Rejet.
Amendement n° I-55 de M. Thierry Foucaud. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, la ministre. – Rejet.
Amendement n° I-119 rectifié de M. François Marc. – M. François Marc, Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-69 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-173 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mmes Anne-Marie Escoffier, la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-8 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-9 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-11 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-92 rectifié de M. Michel Houel. – M. Philippe Dallier, Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-12 rectifié de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre. – Adoption.
Amendement n° I-13 de la commission. – Mmes la rapporteure générale, la ministre, M. Richard Yung. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 4 ter (nouveau). – Adoption
M. le président de la commission.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décision du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier du vendredi 18 novembre 2011, une décision du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité (n° 191-2011, n° 194-2011, n° 195-2011, n° 196-2011 et n° 197-2011 QPC).
Acte est donné de cette communication.
3
Loi de finances pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2012 (projet n° 106, rapport n° 107).
Nous en sommes parvenus à la discussion des articles de la première partie.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS
A. – Autorisation de perception des impôts et produits
Article 1er
I. – La perception des impôts, produits et revenus affectés à l’État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers habilités à les percevoir continue d’être effectuée pendant l’année 2012 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi.
II. – Sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s’applique :
1° À l’impôt sur le revenu dû au titre de 2011 et des années suivantes ;
2° À l’impôt dû par les sociétés sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2011 ;
3° À compter du 1er janvier 2012 pour les autres dispositions fiscales.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
B. – Mesures fiscales
Article 2
I. – Le I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 088 € le taux de :
« – 5,50 % pour la fraction supérieure à 6 088 € et inférieure ou égale à 12 146 € ;
« – 14 % pour la fraction supérieure à 12 146 € et inférieure ou égale à 26 975 € ;
« – 30 % pour la fraction supérieure à 26 975 € et inférieure ou égale à 72 317 € ;
« – 41 % pour la fraction supérieure à 72 317 €. » ;
2° Le 2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le montant : « 2 336 € » est remplacé par le montant : « 2 385 € » ;
b) À la fin de la première phrase du deuxième alinéa, le montant : « 4 040 € » est remplacé par le montant : « 4 125 € » ;
c) À la fin du troisième alinéa, le montant : « 897 € » est remplacé par le montant : « 916 € » ;
d) Au dernier alinéa, le montant : « 661 € » est remplacé par le montant : « 675 € » ;
3° Au 4, le montant : « 439 € » est remplacé par le montant : « 448 € ».
II. – À la première phrase du second alinéa de l’article 196 B du même code, le montant : « 5 698 € » est remplacé par le montant : « 5 817 € ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure générale,…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Rien que des femmes, cela change !
Mme Marie-France Beaufils. … mes chers collègues, l’article 2 du projet de loi de finances pour 2012 porte, comme d’habitude, sur le barème de l’impôt progressif sur le revenu.
Je ne ferai pas de longs développements sur notre conception générale de la fiscalité et la place que doit y trouver l’impôt sur le revenu, présumé le plus juste de nos impôts puisqu’il tient compte du revenu des assujettis. Nous avons souvent regretté qu’il n’occupe pas une place plus importante dans l’architecture de nos prélèvements obligatoires. En fait, c’est une véritable réhabilitation de l’impôt que nous entendons exprimer et une vraie progressivité que nous voulons mettre en œuvre,…
M. Roger Karoutchi. À 72 %, c’est de la progressivité !
Mme Marie-France Beaufils. … afin de mieux faire vivre le principe selon lequel chacun doit contribuer, en fonction de ses capacités, à l’intérêt général.
Nous souhaitons donc rendre toute sa place à l’impôt sur le revenu et en accroître le rendement, et cela pour une raison simple : il est temps d’imprimer à notre droit fiscal une évolution majeure, en abandonnant les vieilles formules de taxation indirecte de la consommation qui pénalisent les ménages les plus modestes et en rendant à l’impôt direct républicain toutes ses vertus.
Depuis dix ans, la majorité gouvernementale soutient, sans avoir toujours mesuré l’ampleur des conséquences, une politique qui a conduit au doublement de la dette publique, au creusement des déficits, à l’atonie de la croissance.
Si nous tirons quelques leçons de cette gestion, c’est d'abord que le taux de nos prélèvements obligatoires n’a jamais été aussi élevé, à plus de 44 %. Vous vous souvenez peut-être des déclarations d’un ancien Président de la République, selon lesquelles au-dessus de 40 % de prélèvements on était dans une société socialiste ! Ce n’est pourtant pas le cas, me semble-t-il…
M. Roger Karoutchi. Cela dépend !
Mme Marie-France Beaufils. En dix ans, le nombre de chômeurs de catégorie 1 est passé de près de 2 millions à 3 millions !
Le bilan du quinquennat, nous le connaissons : une croissance faible en 2007, une surchauffe financière et une récession en 2008 ; à peine relancée, la machine se fatigue à nouveau et le commissaire européen en charge des affaires économiques et monétaires évalue à 0,6 % le taux de croissance de notre PIB en 2012, même si Mme la ministre annonçait hier un taux de 1 %.
Tous les paris économiques tentés par la majorité de droite depuis dix ans ont échoué à résoudre les problèmes que subissent nos compatriotes : la stagnation des salaires et du pouvoir d’achat, la désindustrialisation, la précarisation du travail, les difficultés d’intégration des jeunes dans l’entreprise, rien n’a été résolu !
Par contre, il est vrai que les personnes dont les revenus sont les plus élevés ont vu baisser leurs impôts, que les entreprises ont gagné de nouvelles niches fiscales et la suppression de la taxe professionnelle, que les patrimoines les plus importants sont de plus en plus épargnés.
Du côté de la baisse de la pression fiscale sur les plus riches, les objectifs auront été atteints ! Quant aux grands groupes, ils ont engrangé de très bons résultats et amélioré leur rentabilité.
Cet argent n’a pas fait le bonheur de la grande majorité des habitants de notre pays. Nous voulons donc mieux traiter cette population, comme l’avait souhaité le Président de la République dans l’une de ses déclarations, en faisant en sorte que cet impôt progressif soit plus efficace.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour réduire la dette et améliorer l’équilibre budgétaire de la France, la solution est simple : si je compare ce problème à celui posé par le remplissage d’une baignoire, il faut à la fois réduire l’écoulement de l’eau et ouvrir plus grand le robinet.
Or je regrette que le Gouvernement et le Président de la République essaient uniquement de réduire les dépenses, alors que la gravité de la situation commande d’augmenter aussi les recettes.
Il serait donc tout à fait opportun de créer une ou plusieurs tranches d’impôt sur les très hauts revenus. Dans le système actuel, en effet, les gens les plus favorisés peuvent tout de même faire un effort.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-36, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
« – 41 % pour la fraction supérieure à 70 830 € et inférieure ou égale à 100 000 € ;
« – 42,5 % pour la fraction supérieure à 100 000 € et inférieure ou égale à 250 000 € ;
« – 45 % pour la fraction supérieure à 250 000 € et inférieure ou égale à 500 000 € ;
« – 47,5 % pour la fraction supérieure à 500 000 €. » ;
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Le redressement des finances publiques passe à la fois par des économies budgétaires et par un effort fiscal supplémentaire, chacun contribuant alors dans la juste proportion de ses moyens. Nous devons donc accepter le principe de cet effort fiscal et, plus encore, celui d’une réelle équité dans sa répartition ; cela passe par un signal fort pour plus de justice fiscale.
Actuellement, la tranche d’impôt sur le revenu la plus élevée est de 41 % pour la fraction supérieure à 70 830 euros par part. Dans un souci de solidarité nationale, le présent amendement vise à créer trois nouvelles tranches d’imposition sur le revenu aux taux de 42,5 %, 45 % et 47,5 %, afin de mettre plus fortement à contribution les très hauts revenus.
Mme la présidente. L'amendement n° I-40, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
1° Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et inférieure à 100 000 €
2° Après l’alinéa 7
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« – 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 € ;
« – 50 % pour la fraction supérieure à 250 000 € ; »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement a pour objet de poser de nouveau la question des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu et de revenir sur le rendement même de cet impôt.
L’impôt sur le revenu est, au fond, assez mal défini. L’un de ses défauts essentiels réside dans son assiette, par trop réduite, notamment au regard de la contribution sociale généralisée, qui s’apparente de plus en plus à un impôt sur le revenu minimal.
Cette étroitesse de l’assiette de l’impôt relativise toujours le débat que nous avons sur les taux d’imposition des tranches du barème. À nos yeux, la question du taux marginal est donc importante, sans être nécessairement déterminante.
Il ne s’agit pas pour nous d’un dogme immuable de notre système fiscal, d’un signe fort qu’il conviendrait de préserver coûte que coûte : c’est tout simplement une nécessité.
Nous nous attachons depuis de longues années à défendre et à illustrer le principe constitutionnel en vertu duquel chacun contribue à la charge publique à proportion de ses facultés.
Je ne citerai pas ici les termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais les conditions sont peut-être réunies, dans notre assemblée, pour leur donner un relief particulier. Il est bon aussi que l’opinion publique puisse entendre les propositions que nous sommes en mesure de porter.
La défense et l’illustration de ce principe passent, à notre sens, par un double mouvement de renforcement de la progressivité de l’impôt par le biais du barème et de rééquilibrage du traitement de la matière fiscale pour chacune des catégories de revenu. Cet amendement vise à favoriser le premier terme de ce mouvement, en affirmant plus clairement la progressivité du barème.
C’est aussi pour des raisons évidentes de rendement de l’impôt que nous avons déposé cet amendement. Si l’on s’en tient aux seuls contribuables dont le revenu excède 100 000 euros, cette mesure est susceptible de rapporter 7 à 10 milliards d’euros de recettes.
Autant de recettes qui permettraient de prendre en charge les dépenses utiles, de réduire les déficits et, donc, dans les années à venir, de diminuer les impôts de tout le monde et d’éviter à la France les travers de l’austérité durable !
Mme la présidente. L'amendement n° I-170, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Barbier, Bertrand, Chevènement et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et inférieure à 100 000 € ;
II. - Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - 46 % pour la fraction supérieure à 100 000 €.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-80 rectifié, présenté par MM. Arthuis, Zocchetto, de Montesquiou, Jarlier et Delahaye, Mme Dini, MM. Amoudry, Merceron, Dubois, Deneux et J. Boyer, Mme Gourault, M. Détraigne, Mmes Férat et N. Goulet et MM. Tandonnet, Capo-Canellas, Namy, Roche, Lasserre et Maurey, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et inférieure ou égale à 150 000 euros
II. – Après l’alinéa 7
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« – 45 % pour la fraction supérieure à 150 000 euros et inférieure ou égale à 500 000 euros ;
« – 50 % pour la fraction supérieure à 500 000 euros. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-111, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et inférieure à 100 000 euros ;
II. – En conséquence, après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros. » ;
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement est, à nos yeux, essentiel. En période de crise, dans un contexte budgétaire marqué par la raréfaction de l’argent public et la régression de la solidarité, il importe de donner un signal fort à nos concitoyens à travers l’impôt sur le revenu.
Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à considérer que le système social français est moins redistributif qu’il y a vingt ans. Une étude publiée par l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, le 16 novembre dernier vient de l’établir.
Depuis 1990, le système est moins redistributif. En particulier, la redistribution qui était assise sur l’impôt sur le revenu s’effectue dans des conditions nettement moins favorables.
Ces éléments ont été confirmés dans une étude récente menée par trois économistes de renom, à savoir Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez, dans un ouvrage bien connu publié il y a quelques mois.
Cet ouvrage montre comment les systèmes fiscaux très progressifs mis en place aux États-Unis et en Europe dans les années soixante ont été peu à peu démantelés via la baisse du taux maximal de l’impôt sur le revenu.
Mes chers collègues, c’est dans ce contexte de déperdition manifeste des effets redistributifs de l’impôt sur le revenu que nous vous proposons aujourd'hui cet amendement.
Bien sûr, le Gouvernement prévoit une taxation provisoire de 3 % des revenus à partir de 500 000 euros par part pour les contribuables célibataires et à partir d’un million d’euros pour les contribuables soumis à imposition commune, mais cette taxation est selon nous bien faible. Notre système fiscal demeure injuste, les contribuables aisés payant moins d’impôts, proportionnellement à leurs revenus, que les Français moyens et modestes.
Nous souhaitons donc rétablir une forme d’équilibre, réintroduire davantage de progressivité, restaurer la confiance de nos concitoyens dans l’impôt et, bien sûr, parvenir à l’équilibre des comptes publics, madame la ministre, car c’est là une préoccupation que nous partageons tous.
Dans cette période particulièrement troublée, nous devons aujourd'hui en France, comme l’ont fait les Allemands en instaurant une tranche à 45 %, comme l’ont fait les Britanniques en créant une tranche à 50 %, envoyer le signal que la fiscalité sur les revenus doit être plus importante pour les revenus les plus élevés.
Tel est dont l’objet de l’amendement n° I-111, qui tend à créer une tranche supplémentaire à 45 % pour la fraction de chaque part de revenu qui excède 100 000 euros.
Si elle était adoptée, cette disposition constituerait la première étape d’une réforme bien plus vaste, que nous pourrions envisager pour la suite, de la fiscalité des revenus. Toutefois, dès aujourd'hui, je le répète, ce serait là envoyer un signal très fort à nos concitoyens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos I-36, I-40 et I-111 ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je rappelle, pour la clarté de nos débats, que l’amendement n° I-36 de M. Masson vise à créer une tranche à 41 % pour la fraction supérieure à 70 830 euros et inférieure ou égale à 100 000 euros ; à 42,5 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros et inférieure ou égale à 250 000 euros, à 45 % pour la fraction supérieure à 250 000 euros et inférieure ou égale à 500 000 euros ; à 47,5 % pour la fraction supérieure à 500 000 euros.
L’amendement n° I-40 du groupe CRC a pour objet de créer deux tranches supplémentaires : une tranche à 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros et une autre à 50 % pour la fraction supérieure à 250 000 euros.
L’amendement n° I-111 du groupe socialiste tend à créer une tranche à 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros.
François Marc a montré, une fois de plus, que l’impôt sur le revenu avait perdu en progressivité, notamment depuis la réforme de 2006 et le passage de sept à cinq tranches d’imposition. Cet impôt est même devenu dégressif pour les contribuables très aisés, car le taux net d’imposition décroît après le dernier centile de la distribution.
Je rappelle qu’il n’est pas le seul impôt sur le revenu. La CSG, la contribution sociale généralisée, dont l’assiette est plus large et qui est un impôt proportionnel, a un rendement de 88,7 milliards d’euros pour 2012, contre 58,4 milliards d’euros pour l’impôt sur le revenu.
Je précise, afin que nous ayons une vision globale de la fiscalité des personnes physiques, que le Gouvernement crée à l’article 3 un troisième impôt sur le revenu applicable aux seuls contribuables dont les revenus excèdent 250 000 euros et dont l’assiette, comme le barème, est encore différente.
Je tire deux enseignements de cet état des lieux. Le premier, c’est qu’il serait peut-être plus clair et plus lisible de regrouper tous ces dispositifs en un seul. Le second, c’est que, à droit constant, et en l’absence de réforme globale de la fiscalité des personnes physiques, à laquelle certains ici sont très attachés, il faut rétablir de la progressivité dans le dispositif. À cet effet, il faut à la fois réduire les niches fiscales et « reprofiler » le barème.
Quelles conséquences opérationnelles allons-nous en tirer ?
Mes chers collègues, nous n’allons pas aujourd'hui refonder l’impôt sur le revenu des personnes physiques, car nous n’en avons ni les moyens ni le temps. Cela étant, il faudra bien le faire un jour. Pour l’heure, nous allons adopter des amendements qui visent à éclairer l’avenir et à faire sens pour le présent.
L’amendement n° I-111 du groupe socialiste tend à créer une seule tranche supplémentaire, à un taux d’imposition correct – fixé à 45 % – pour la fraction supérieure à 100 000 euros. Si je commence par évoquer cet amendement, c’est parce qu’il me semble être le plus rationnel.
Si nous créions deux tranches supplémentaires, comme nous le propose le groupe CRC, nous devrions, par souci de cohérence, supprimer l’article 3 du projet de loi de finances. En effet, le produit du nouvel impôt crée par le Gouvernement à l’article 3 est sensiblement équivalent à celui de l’une des tranches que souhaite instaurer le groupe CRC. Pour ma part, je préfère que nous conservions l’article 3.
Je rappelle que dans la version initiale du texte, telle qu’elle a été transmise par l’Assemblée nationale, ce nouvel impôt était d’une durée limitée. Il était en effet prévu que cette surtaxation – il s’agit en fait d’une nouvelle modification du barème – disparaisse dès le retour à l’équilibre de nos finances publiques. La commission des finances du Sénat l’a pérennisée. Telle est la raison pour laquelle je préfère que nous conservions l’article 3.
J’ajoute, Madame la ministre, qu’il est assez intéressant qu’un gouvernement de droite, car vous l’assumez comme tel, propose un impôt sur le revenu à l’assiette large,…
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Eh oui !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … plus large en tout cas, et qui taxe selon un même barème progressif les revenus du travail et les revenus du capital. Puisque vous vous rangez aux propositions que formule le groupe socialiste depuis des années, il faut le faire sur l’ensemble des impositions sur le revenu ! Nous y reviendrons.
Je souhaite que le Sénat se rallie à l’amendement n° I-111 du groupe socialiste. Je le dis notamment à nos collègues du groupe CRC. Vous avez votre cohérence, mes chers collègues, je ne la nie pas – vous avez d’ailleurs déposé un amendement de suppression de l’article 3. Toutefois, il me semble nécessaire, je le répète, de conserver le nouvel impôt créé par le Gouvernement et adopté par l’Assemblée nationale. On engrange ! Ce nouvel impôt repose sur des bases proches des nôtres. Il faut instaurer une tranche supplémentaire à 45 %, car créer deux tranches, ce serait aller vers des eaux tout de même assez fortes pour les contribuables.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° I-36 de M. Masson.
Enfin, madame la présidente, je demande le vote par priorité de l’amendement n° I-111.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente. La priorité est de droit.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements restant en discussion ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est défavorable à la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu à 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros, comme tend à le prévoir l’amendement auquel Mme la rapporteure générale demande à l’hémicycle de se rallier.
Nous sommes contre cette proposition, comme nous sommes opposés à toutes les créations de tranches supérieures. En effet, si l’objectif aujourd'hui est que ceux qui ont le plus contribuent davantage à la solidarité, il faut frapper les ménages qui sont véritablement les plus aisés. De ce point de vue, la contribution de solidarité à la réduction des déficits que propose le Gouvernement à l’article 3 est un outil beaucoup plus puissant et bien plus efficace. (M. François Marc manifeste son scepticisme.)
Je vais vous expliquer pourquoi, monsieur Marc. C’est très simple : le dispositif du Gouvernement permet un rendement de 400 millions d’euros pour 20 000 foyers. La mesure que propose le groupe socialiste aurait un rendement de 500 millions d’euros pour 300 000 foyers. Vous voyez bien que vous ne touchez pas les mêmes personnes.
Pour notre part, nous considérons que l’assiette doit être très large et inclure à la fois les revenus des personnes physiques et ceux du patrimoine. En effet, les revenus des personnes véritablement aisées sont non pas des revenus d’activité ou de retraite, mais des revenus du patrimoine. C’est à partir de 250 000 euros par part – ce seuil nous semble pertinent – que la bascule s’opère : c’est alors davantage grâce à son patrimoine qu’à ses revenus d’activité que l’on est riche.
Le seuil que nous proposons nous paraît adapté à la taxation des ménages véritablement aisés. La contribution de solidarité à la réduction des déficits, je le rappelle, va progressivement faire passer le taux de fiscalité de l’impôt sur le revenu de 41 % à 45 %.
Si l’on prend en compte l’ensemble des mesures annoncées par le Premier ministre, le taux de fiscalité des revenus du patrimoine sera, pour la première fois dans notre pays, le même que celui des revenus du travail. Nous aurons autant mis à contribution les revenus du patrimoine que ceux du travail.
J’ajoute que si l’on met en parallèle la situation de la France et celle de l’Allemagne – une comparaison à laquelle on procède beaucoup sur ces travées –, on constate que les revenus du patrimoine en France sont taxés 15 % de plus qu’en Allemagne. C’est cela l’équité ! Cette solidarité est nécessaire à la réduction de nos déficits.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos I-36, I-40 et I-111.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le souvenir que l’ancienne commission des finances avait défendu à différentes reprises lors de nos débats, plusieurs années de suite, ce que nous appelions la « trilogie », c'est-à-dire la suppression du bouclier fiscal – c’est fait –, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune – il a été réformé –, et la création d’une tranche marginale supplémentaire de l’impôt sur le revenu.
Cette trilogie n’est naturellement plus à l’ordre du jour : le bouclier fiscal a été abrogé dans son principe et sa suppression effective est en cours ; l’impôt sur le patrimoine a été « reprofilé » et ses taux ont été redéfinis afin de réduire les effets antiéconomiques ou pervers que l’on connaissait. Par conséquent, le troisième élément de la trilogie ne se justifie absolument plus. Je le rappelle par souci de continuité des positions prises.
Cela dit, mes chers collègues, j’avoue être assez surpris – j’aurai bien des occasions dans la suite de cette discussion de vous exprimer mon étonnement, ce que je tenterai de faire avec un minimum de mots – que la nouvelle majorité sénatoriale ne veuille pas et ne sache pas choisir entre deux dispositifs, c'est-à-dire entre la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus d’un côté et la tranche marginale supplémentaire de l’autre. En effet, ces deux dispositifs sont redondants.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ils sont redondants ! Tous deux visent le même objectif.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mme la ministre vient de démontrer le contraire !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Après tout, pourquoi ne pas « reprofiler » l’article 3 si vous estimez, chers collègues, qu’il ne répond pas exactement à vos attentes ?
Vous pouvez relever le taux de la contribution ou élargir son assiette, mais pourquoi ajouter un dispositif à l’autre ?
Je rappelle enfin que, d’année en année, l’effort de réduction des dépenses fiscales au titre de l’impôt sur le revenu se poursuit. Le plafonnement des avantages fiscaux est chaque année plus contraignant et les mesures ciblées s’ajoutent les unes aux autres. Ainsi, le cliché voulant que les hauts et les très hauts revenus puissent habilement utiliser tous les dispositifs possibles et imaginables pour faire baisser leur impôt devient de moins en moins vrai. Il ne correspond plus aujourd'hui à la réalité, comme c’était le cas il y a quelques années.
Du point de vue de la précédente commission des finances, dont je m’efforce, en quelque sorte, d’être le gardien de la continuité,…
M. Roger Karoutchi. Le gardien du temple ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … je ne puis qu’être tout à fait opposé aux amendements relatifs à la création d’une tranche marginale supplémentaire de l’impôt sur le revenu. Toutefois, je ne répéterai pas ma position lors des discussions à venir sur le sujet, car cela me paraît inutile.
Comme les membres de la minorité de la commission des finances actuelle l’ont fait ce matin, je voterai, bien entendu, contre l’amendement n° I-111.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° I-111.
M. François Marc. Je souhaite expliquer l’importance que revêt l’adoption de cet amendement, que j’ai présenté tout à l’heure comme un signal adressé à nos concitoyens.
Madame la ministre, la croissance des inégalités en matière de patrimoine et de richesse entre nos concitoyens est admise par tous.
C’est pourquoi le Gouvernement, comme de nombreux acteurs politiques aujourd'hui, préconise de taxer davantage le patrimoine. Nous n’y voyons pas d’objection. Le groupe socialiste-EELV va d’ailleurs proposer des amendements qui vont encore plus loin dans ce domaine.
Je souhaiterais ensuite réagir à l’intervention de M. président de la commission des finances, qui nous a, effectivement, parlé à de nombreuses reprises de sa fameuse trilogie. Nous avons le sentiment que, depuis lors, les choses ont plutôt régressé. En effet, la trilogie de l’ancien rapporteur général consistait à supprimer le bouclier fiscal et l’ISF et à créer une tranche d’impôt sur le revenu supplémentaire.
Le bouclier fiscal a bien été supprimé, ce qui a rapporté 600 millions d’euros de recettes supplémentaires. Toutefois, la réforme de l’ISF nous a fait perdre plus de 1,5 milliard d’euros de recettes !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela a été compensé !
M. François Marc. Au total, ces deux réformes ont donc fait perdre environ 1 milliard d’euros au budget de l’État !
Par conséquent, il est tout à fait légitime de revendiquer l’application volontariste du troisième terme de la trilogie ! Cette justification semble parfaitement rationnelle, monsieur le président de la commission des finances.
Je terminerai mon intervention en insistant sur un constat que l’INSEE vient de rappeler dans sa dernière étude. Selon les auteurs de cette dernière : « L’impôt sur le revenu est devenu nettement moins progressif. Les ménages du dernier quintile – les 20 % les plus riches – acquittent un montant d’impôt sur le revenu plus faible avec la législation de 2010 qu’avec celle de 1990, la différence correspondant à 5 % de leur niveau de vie ».
Voilà un argument de poids en faveur de cet amendement : la situation s’est aggravée. Ces différences croissantes de revenus entre nos concitoyens requièrent que nous envoyions, comme cela a été fait Allemagne ou au Royaume-Uni, un signal fort aux Français. Il faut leur montrer que l’effort sera porté par ceux qui en ont les moyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Les dispositions de cet amendement relèvent plus d’une logique de rééquilibrage de la progressivité – ou plutôt de lutte contre la dégressivité ! – de l’impôt sur le revenu que du souci de réduire le déficit et de créer de nouvelles recettes. Sinon, elles auraient pour corollaire la suppression de l’article 3 !
Je préfère la logique de l’amendement n° I-36 que j’ai déposé – quoi de plus normal ? –, car elle permet d’introduire une dose de progressivité. L’amendement n° I-36 vise non pas la création ex abrupto d’une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu, mais la mise en place de trois nouvelles tranches d’imposition sur le revenu, ce qui me semble préférable.
Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi on veut absolument faire voter le Sénat sur l’amendement n° I-111 en priorité. Il y a quelque chose d’un peu déplaisant dans ce procédé.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre l’amendement n° I-111.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Au-delà de la minorité de la commission des finances, le groupe UMP dans son ensemble s’opposera à cet amendement.
Nous ne sommes pas opposés à toute évolution sur le sujet. Vous avez d’ailleurs noté, chers collègues, que notre position bougeait. Cela dit, pour reprendre les arguments de Mme la rapporteure générale, on ne peut pas réformer l’impôt sur le revenu sur un coin de table, pour ainsi dire. Nous savons tous qu’il faudra une grande réforme en la matière, qui posera également la question du financement de la protection sociale, donc du devenir de la CSG. Pourquoi, à ce titre, ne pas reparler de la TVA sociale, puisqu’il semblerait que le sujet ne soit désormais plus tabou ?
L’article 3, me semble-t-il, répond en partie à la préoccupation de Mme la rapporteure générale. Il permet de taxer les plus hauts revenus de manière exceptionnelle. Mme la ministre nous a en outre expliqué que cette taxation avait un rendement intéressant. Laissons le débat s’ouvrir. La campagne présidentielle va s’y prêter, et l’année 2012 verra peut-être la mise en place d’une réforme plus générale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Notre proposition naît du constat de la diminution de la progressivité de l’impôt sur le revenu, depuis que la droite est au pouvoir. On en a vu les conséquences, notamment en termes de pertes de ressources pour notre pays. On a aussi pu constater que, peu à peu, les revenus moyens contribuaient beaucoup plus à l’équilibre du budget que les plus hauts.
Comme l’a indiqué Mme la rapporteure générale, notre proposition est cohérente avec celle qui vise à supprimer le prélèvement exceptionnel.
En effet, madame la ministre, vous n’avez pas évoqué dans votre intervention le caractère exceptionnel de la mesure que vous défendez. Cela signifie que, pour vous, demander aux hauts revenus de contribuer au redressement du pays ne peut être que temporaire. Une fois redressé, le pays n’aurait plus besoin de la contribution de ces revenus ? Nous ne partageons pas cette analyse. C’est pourquoi nous prônons l’affirmation d’un impôt sur le revenu véritablement progressif. Tel est le sens de notre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je voudrais répondre à l’intervention de M. le président de la commission des finances.
Sa trilogie est un trompe-l’œil. Je partage sur ce point l’avis de François Marc, même si nous ne sommes pas tout à fait d’accord sur les chiffres ! En effet, le bouclier fiscal ne sera abrogé qu’en janvier 2013. Son coût s’est élevé à 700 millions d’euros en 2011. Il représentera encore 300 millions d’euros en 2012 ! En revanche, la réforme de l’ISF s’appliquera dès janvier 2012, soit un coût pour le budget de 1,9 milliard d’euros. En tout, ce seront donc 2,2 milliards d’euros qui seront dépensés en 2012, toujours au bénéfice des mêmes : les plus fortunés !
De plus, le barème de l’impôt sur le revenu et de l’ISF, dont le niveau des tranches est actualisé tous les ans en fonction, notamment, de l’indice des prix,…
M. Thierry Foucaud. … ne sera plus indexé sur l’inflation en 2012 et 2013. Cela signifie que le barème relatif aux revenus perçus en 2011 et 2012 sera identique à celui de 2010.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce débat est important, et je sais gré aux parlementaires de toutes tendances de l’enrichir. Il se poursuivra au cours du semestre qui vient. Notre objectif est d’éclairer les choix budgétaires, et à travers eux les choix fiscaux des uns et des autres.
Mme la ministre nous dit qu’elle est attachée à la progressivité de l’impôt : j’en prends acte. Mais la meilleure manière pour ce faire consiste à intégrer tous les revenus dans le barème, y compris ceux du capital. Nous en reparlerons après l’examen de l’article 3.
Je voudrais aussi dire au rapporteur général (Sourires.)…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Au rapporteur général ? (Nouveaux sourires.)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pardon, au président de la commission des finances, bien sûr !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Les habitudes sont tenaces !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. M. Marini a été rapporteur général pendant treize ans, tout de même, il sait donc de quoi il parle ! (Nouveaux sourires.) Je lui accorde ce grand crédit.
Pour répondre au président de la commission des finances, donc, le mécanisme de la tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu et celui de la surtaxe ne sont pas redondants. J’ai bien écouté Mme la ministre : elle nous a démontré le contraire. Elle s’est en effet opposée à la tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu proposée par les groupes socialiste-EELV et CRC, au motif qu’avait été créée une nouvelle imposition sur les plus aisés. Elle nous a même reproché de prévoir une assiette plus large que celle de la nouvelle contribution.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. À mon avis, les deux propositions ne sont donc pas redondantes.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous pourrons continuer cette conversation tout à l’heure, lorsque nous étudierons les amendements déposés par Mme la rapporteure générale.
Pourquoi avons-nous choisi, dans le cadre des plans anti-déficit « Fillon I » et « Fillon II », de créer cette taxation exceptionnelle, et non pas, comme nous aurions aussi pu le faire, d’intégrer tous les revenus du patrimoine dans l’imposition sur le revenu, ce qui aurait eu, peut-être, le mérite de la simplicité ? Tout simplement parce que se serait produit dans ce cas un décalage de trésorerie de 4,4 milliards d’euros !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je le sais !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ayant déjà vécu, d’ailleurs avec douleur, une difficulté similaire avec la réforme de l’ISF, qui est totalement compensée et équilibrée en vitesse de croisière par la taxation des plus hauts patrimoines, mais qui présente un décalage de trésorerie d’un an à cause du report de la suppression du bouclier fiscal à janvier 2013, nous n’avons pas voulu rencontrer ce problème une nouvelle fois ! Nous avons donc décidé d’augmenter les taux plutôt que de changer l’impôt.
C’est bien ce que disait Mme la rapporteure générale : on ne réforme pas la fiscalité sur un coin de table.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Le Sénat n’est pas un coin de table !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je veux dire que l’on ne peut pas le faire de manière trop rapide, au risque de faire perdre 4,4 milliards d’euros de recettes au budget de l’État, dans une année où chaque euro compte.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous y reviendrons.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons donc préféré créer, pour cette année, la contribution de solidarité.
J’en profite pour répondre au groupe CRC : cette contribution vise à permettre la réduction du déficit. L’objectif du Gouvernement n’est pas d’alourdir la charge fiscale.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-111.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Ça commence !
Mme la présidente. Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 48 :
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 140 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos I-36 et I-40 n’ont plus d’objet.
Je vais mettre aux voix l'article 2, modifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-France Beaufils. Ça vous est arrivé aussi, mes chers collègues !
M. Philippe Dallier. Justement ! Vous nous avez suffisamment fait la leçon !
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement.
M. Roger Karoutchi. Je ne voudrais pas jouer les donneurs de leçons – d’ailleurs, nous serions peut-être mal placés pour cela –, mais, au cours des années précédentes, j’ai entendu M. Jean-Pierre Bel clamer que les scrutins publics étaient « insupportables » et exhorter les groupes de la majorité à mobiliser leurs membres pour être effectivement majoritaires en séance et, par là, dignes de leur prépondérance.
Or, depuis le début de la semaine, nous allons de scrutin public en scrutin public et les débats s’éternisent, parce que la gauche n’arrive pas à mobiliser sur sa réforme fiscale !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La majorité, c’est le combustible du budget ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Roger Karoutchi. Je croyais que c’était le MOX, mais restons-en là ! (Mêmes mouvements.)
Nous ne pouvons pas continuer le débat budgétaire dans ces conditions. Je n’ai pas de conseil à donner aux présidents des groupes de gauche, mais il serait tout de même préférable de faire en sorte de ne pas avoir de scrutin public sur chaque article ou amendement.
M. Jean-Marc Todeschini. Le scrutin public a déjà été annoncé par Mme la présidente !
M. Roger Karoutchi. Je parle des scrutins publics en général, pas forcément de celui-là en particulier. Mobilisez un peu dans vos rangs, chers collègues !
Mme la présidente. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Karoutchi.
Je mets donc aux voix l’article 2, modifié.
Je rappelle que j’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
L'avis de la commission est favorable et l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 49 :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 177 |
Contre | 140 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l’article 2
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-43 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 200-0 A du code général des impôts, après les mots : « supérieure à », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « un montant de 10 000 euros. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° I-51 rectifié.
L’amendement n° I-43 rectifié a pour objet d’abaisser le niveau du plafonnement global des dispositifs fiscaux dérogatoires à 10 000 euros, au lieu de 18 000 euros, sans ajout d’une fraction de revenu imposable.
L’amendement n° I-51 rectifié vise à revenir à un plafond raisonnable pour la réduction d’impôt pour les dépenses liées à l’emploi d’un salarié à domicile.
En effet, voilà plusieurs années que le Gouvernement et l’ancienne majorité augmentent ce plafond de manière déraisonnable. Et cela n’a bénéficié – vous le savez, mes chers collègues – qu’à un nombre restreint de familles, détournant ainsi l’esprit d’une mesure d’ailleurs adoptée lorsque la gauche était aux responsabilités.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Thierry Foucaud. Le plafond a été relevé en plusieurs étapes, mais chaque fois de manière excessive ! À l’origine, il était fixé à 3 811 euros, soit, à l’époque, 25 000 francs. Il a été porté à 3 964 euros, puis à 13 720 euros. Revenue au pouvoir entre 1997 et 2002 – et sans effraction particulière ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.) –, la gauche l’a ramené à 6 860 euros.
En 2005, la majorité de droite a ramené la déduction à un niveau proche de celui qui avait été atteint en 1995. Aujourd'hui, le plafond est fixé à 12 000 euros, et il peut parfois atteindre 15 000 euros, voire 20 000 euros dans certains cas.
Les hausses massives du plafond modifient complètement la cible et la nature d’un dispositif à l’origine destiné à faciliter le recours aux services à la personne, notamment pour les jeunes couples salariés, les retraités modestes ou les familles.
Là, nous sommes bel et bien passés à une plantureuse niche fiscale en faveur des ménages aisés qui possèdent une résidence privée avec gardien ou qui inscrivent leurs enfants à cours particuliers.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Thierry Foucaud. D’ailleurs, je pense que nous devrions nous pencher sérieusement sur cette question. Pour ma part, et je fais référence à nos débats sur l’enseignement, je trouve scandaleux de réduire les impôts des personnes qui font suivre des cours privés à leurs enfants ! (Mme Nathalie Goulet acquiesce.)
Dès lors, et par souci de cohérence avec notre volonté de réduire le poids de la dépense fiscale et de rétablir la justice fiscale et sociale, nous proposons de ramener le plafond à son niveau de 2002, soit 7 000 euros.
Mme la présidente. L'amendement n° I-172 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Barbier, Bertrand et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après les mots : « supérieure à », la fin du 1 de l’article 200-0 A du code général des impôts est ainsi rédigée : « un montant de 15 000 € ».
II. – Cette disposition s’applique aux revenus imposés au titre de l’année 2011.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’amendement n° I-43 rectifié vise à ramener le niveau du plafonnement global des dispositifs fiscaux dérogatoires à 10 000 euros sans fraction supplémentaire du revenu imposable. J’en partage la philosophie et les objectifs.
Pour autant, je propose, et je ferai de même pour d’autres mesures, d’insérer ce dispositif plutôt dans la seconde partie du projet de loi de finances.
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela permettrait, compte tenu des modalités de paiement de l’impôt sur le revenu, d’éviter le problème de la rétroactivité. En outre, ce serait plus cohérent.
Monsieur Foucaud, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-43 rectifié est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Je remercie Mme la rapporteure générale de ses propos et je retire mon amendement, madame la présidente. Nous défendrons un dispositif similaire lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances.
Mme la présidente. L'amendement n° I-43 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-51 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 3 de l’article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Aux premier et deuxième alinéas et aux première et avant-dernière phrases du dernier alinéa, le nombre : « 12 000 » est remplacé par le nombre : « 7 000 » ;
2° Au deuxième alinéa, le nombre : « 15 000 » est remplacé par le nombre : « 10 000 » ;
3° À l’avant-dernier alinéa, le nombre : « 20 000 » est remplacé par le nombre : « 10 000 ».
II. – Ces dispositions sont applicables aux revenus perçus au titre de l’année 2011.
Cet amendement a déjà été défendu.
M. Thierry Foucaud. Je le retire, comme l’amendement précédent et pour les mêmes raisons, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° I-51 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-37, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 4 est ainsi rédigé :
« 4. Pour l’ensemble des contribuables, l’aide prend la forme d’un crédit d’impôt sur le revenu égal à 50 % des dépenses mentionnées au 3 au titre des services définis aux articles L. 7231-1 et D. 7231-1 du code du travail, supportées au titre de l’emploi, à leur résidence, d’un salarié ou en cas de recours à une association, une entreprise ou un organisme, mentionné aux b ou c du 1. Les dispositions du présent alinéa ne s’appliquent qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû. » ;
2° Le 5 est abrogé.
II. – 1. Les articles premier et 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés.
2. Les I et II de l’article 30 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 sont abrogés.
III. – Les pertes de recettes susceptibles de résulter pour l’État des I et II ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 402 bis et 403 du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Le présent amendement vise à remédier à la grande injustice dont sont victimes les personnes retraitées, lesquelles ne peuvent bénéficier du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile.
Le code général des impôts octroie à la plupart des contribuables un crédit d’impôt sur le revenu pour l’emploi d’un salarié à domicile. Ce crédit est égal à 50 % des dépenses. Lorsque le contribuable ne paie pas d’impôt sur le revenu ou s’il en paie peu, la partie de la réduction qui excède l’impôt peut lui être remboursée au titre du crédit d’impôt.
Toutefois, les retraités ont seulement droit à une réduction et non à un crédit d’impôt.
Un retraité fortuné peut donc utiliser pleinement l’avantage fiscal en déduisant de son impôt sur le revenu l’emploi de salariés, contrairement au retraité modeste et non imposable qui est exclu, par ailleurs, du régime du crédit d’impôt.
Or ce sont les personnes âgées qui ont le plus besoin des services à la personne – aide à la mobilité, tâches ménagères, petits travaux. Le dispositif actuel est donc à la fois injuste et discriminatoire, car il pénalise sélectivement les retraités par rapport aux actifs et, au sein des retraités, les plus modestes.
À mon sens, il s’agit d’un amendement de justice fiscale et d’équité à l’égard des personnes les plus défavorisées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. M. Masson souhaite modifier le dispositif concernant la réduction d’impôt accordée aux retraités pour l’emploi de salariés à domicile.
L’avantage fiscal relatif à l’emploi d’un salarié à domicile comporte, en réalité, deux dispositifs : un crédit d’impôt pour les actifs et une réduction d’impôt pour les non-actifs.
Notre collègue veut mettre un terme à la discrimination dont sont victimes les retraités. Toutefois, a-t-il chiffré le coût d’une telle mesure ? Celui-ci sera forcément important.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le coût de cet amendement est important, monsieur Masson, puisqu’il s’élève à 1 milliard d’euros.
Par ailleurs, votre proposition me paraît contraire à la logique du dispositif. Le crédit d’impôt a été réservé dès l’origine aux personnes qui exercent une activité professionnelle ou aux demandeurs d’emploi, pour lesquels la charge d’un salarié à domicile peut sembler excessive.
Quant à la suppression du bouclier fiscal dès 2012, elle serait source d’insécurité juridique et d’iniquité pour les contribuables qui ont décidé d’investir en fonction de la législation en vigueur en 2010.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Il est un peu facile d’objecter que cette mesure coûterait de l’argent.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est pourtant vrai !
M. Jean Louis Masson. Soyez logiques : vous ne voyez rien à redire à ce que les retraités qui ont des revenus très importants puissent bénéficier d’une réduction d’impôt, mais dès qu’il s’agit d’aider les retraités modestes, qui tirent le diable par la queue, qui ont du mal à employer un salarié à domicile parce qu’ils payent plein pot et n’ont droit à aucune déduction, alors là vous trouvez que ça coûte de l’argent !
Le système actuel favorise sélectivement les retraités les plus riches et n’aide absolument pas les retraités modestes, qui ont souvent peu de ressources.
Par ailleurs, pourquoi une personne active, certes, mais qui dispose de revenus très importants, peut-elle déduire de son impôt la quasi-totalité des sommes qu’elle consacre à l’emploi d’un salarié à domicile et bénéficier, de surcroît, d’un crédit d’impôt, contrairement au petit retraité modeste ?
C’est la négation même de la justice fiscale !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-37.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est 1 milliard d’euros de dépenses en plus !
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-47 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du 4 de l’article 200 quater A du code général des impôts, le montant : « 5 000 euros » est remplacé par le montant : « 10 000 euros » et le montant « 10 000 euros » est remplacé par le montant : « 20 000 euros ».
II. – Cette disposition n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû au titre des revenus perçus pour l’année 2011.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Je reviens sur un sujet qui a déjà été discuté l’année dernière, si ma mémoire est bonne.
Le présent amendement vise à doubler les plafonds de dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt pour les travaux obligatoires de renforcement des habitations situées dans le périmètre d’un plan de prévention des risques technologiques, un PPRT, introduit dans le cadre de la loi dite « Grenelle 2 ».
Les populations qui vivent dans le périmètre des PPRT connaissent souvent une situation très difficile. Dois-je rappeler qu’il s’agit ordinairement de populations ouvrières venues habiter, pour certaines depuis des décennies, à proximité de leur lieu de travail ? Ces gens ne peuvent pas toujours supporter le coût de tels travaux. Il est dommage que les aides initialement prévues aient été revues à la baisse. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mme Beaufils revient sur un sujet important. L’année dernière, notre collègue Marc Massion avait défendu un amendement similaire, sans succès.
Dans le cadre de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à instituer un dispositif proche de celui que vous préconisez, ma chère collègue. Étudions plutôt votre proposition lors de l’examen de la seconde partie du texte, plus précisément à l’article 44.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Avant que Mme Beaufils ne retire son amendement, je souhaite lui dire que son combat est juste et que sa proposition est justifiée.
Madame la sénatrice, vous avez été entendue avant même que vous ne vous exprimiez puisque l’Assemblée nationale a voté le doublement du plafond du crédit d’impôt pour les personnes qui résident dans des zones à risques technologiques. L’actuel projet de loi prévoit donc déjà le doublement, que vous proposez, du plafond des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt.
C’est pourquoi le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Madame Beaufils, l'amendement n° I-47 rectifié est-il maintenu ?
Mme Marie-France Beaufils. Non, je le retire, madame la présidente.
Toutefois, s’il se révèle que le dispositif introduit par l’Assemblée nationale, que je n’ai pas encore eu le temps d’étudier, ne correspond pas à nos attentes, nous présenterons un amendement identique dans la seconde partie du texte.
Mme la présidente. L'amendement n° I-47 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-35, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3 de l’article 200 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, pour chaque personne majeure du foyer fiscal, n’ouvrent droit à une réduction d’impôt que les dons à un seul parti ou groupement politique. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. La réglementation du financement des partis politique interdit les dons supérieurs à 7 500 euros pour le financement d’un même parti politique.
En revanche, une personne peut effectuer un don de 7 500 euros à plusieurs partis politiques – même vingt ou trente ! – et cumuler autant de fois les réductions correspondantes d’impôt sur le revenu.
Afin de permettre à un donateur de se soustraire au plafond de 7 500 euros, certains grands partis ont donc favorisé la création de satellites, lesquels rétrocèdent ensuite les dons au parti principal. C’est ce que le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques appelle « un détournement de l’esprit de la loi » dans un article publié par Les Échos le 20 juillet 2010.
Or si un donateur agit par conviction et en dehors de tout artifice fiscal, il ne soutient pas simultanément plusieurs partis politiques.
Le présent amendement a donc pour objet de remédier à ces anomalies. S’il était adopté, une même personne physique ne pourrait pas cumuler les réductions d’impôt sur le revenu pour les dons effectués à plus d’un parti ou groupement politique.
En première lecture à l’Assemblée nationale, le problème a été évoqué à propos d’un amendement similaire présenté par un député UMP. Très curieusement, le Gouvernement s’est déclaré plutôt favorable à la mesure, comme les orateurs du parti socialiste d’ailleurs, et les orateurs de l’UMP ont reconnu qu’il existait, effectivement, une anomalie. Puis, soudain, l’amendement a été retiré.
Si tout le monde est d’accord pour considérer qu’il existe un problème et qu’il faut normaliser la situation, pourquoi ne pas agir ?
Qu’une personne verse des sommes considérables à des partis politiques ne me gêne pas. Mais qu’elle offre des sommes considérables et arrive, par le biais de divers partis satellites, à faire supporter par le budget de l’État 66 % de ses dons, cela me paraît anormal. L’État n’a pas à participer à de tels financements, surtout dans une période où chacun considère, à juste titre, qu’il faut faire des économies et lutter contre les abus.
Telle est la logique de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. M. Masson nous propose, à la faveur de l’examen du projet de loi de finances, de modifier le code électoral.
Le droit commun des dons, quelle que soit leur affectation – association ou parti politique –, donne lieu à une réduction d’impôt égale à 66 % du montant des sommes versées retenues dans la limite de 20 % du revenu imposable.
En application de ces dispositions et dans le respect du plafond de droit commun pour les dons, il est effectivement possible de verser le montant de 7 500 euros à plusieurs partis différents.
L’amendement de M. Masson trouverait certainement un meilleur cadre de discussion dans un texte sur le financement des partis politiques plutôt que dans un projet de loi de finances.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il serait prématuré d’adopter un tel amendement. Certes, monsieur Masson, j’ai émis un avis favorable au nom du Gouvernement sur le plafonnement de la défiscalisation des dons pour les partis politiques en première lecture du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale. Toutefois, les députés nous ont demandé de constituer un groupe de travail, qui pourrait être bicaméral et transpartisan afin d’apporter la meilleure réponse possible à ce problème.
Il est évident que le pluralisme politique et la vie démocratique de notre pays ne se résument pas à des règles fiscales, mais il est évident aussi que la défiscalisation des dons permet à de petits partis et à des courants minoritaires au sein de grands partis d’exister et de mener une action politique.
S’il ne faut pas que nous tuions le pluralisme au sein de la vie politique, il ne faut pas non plus qu’il y ait des abus. Voilà pourquoi le Gouvernement a accepté que soit mis en place un groupe de travail à l’Assemblée nationale. Si Mme la rapporteure générale et M. le président de la commission des finances en étaient d’accord, ce groupe pourrait être bicaméral et nous conduire à proposer des mesures qui seraient inscrites, soit dans le projet de loi de finances rectificative, soit dans un autre texte d’ici à janvier.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il n’y a pas forcément urgence !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Madame la rapporteure générale, il est un peu fort de dire que la mesure proposée modifie le code électoral alors que l’article visé est un article du code général des impôts ! Vous bottez en touche, tout simplement pour essayer de maintenir le système existant.
Madame la ministre, je suis d’accord avec vous : il est nécessaire de permettre aux courants d’opinions minoritaires et aux petits partis d’exister. Toutefois, le problème n’est pas là. Que quelqu’un fasse un don à un petit parti ou à une association, pourquoi pas. Le vrai problème est qu’une personne puisse détourner le système pour faire des dons à dix ou à vingt partis satellites, et tout cela aux frais de l’État.
M. Roger Karoutchi. Il faudrait être richissime !
M. Jean Louis Masson. Dois-je rappeler qu’une somme de 1 million d’euros diluée en plusieurs dons représente 660 000 euros de déductions fiscales ? Si cela ne concerne pas le budget, qu’est-ce qui le concerne !
Ces derniers temps, un grand nombre d’affaires de ce type sont apparues. Si cette mesure de protection du budget de l’État avait été prévue par la loi, elles n’auraient peut-être pas pu se produire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Si l’amendement de M. Masson n’a peut-être pas sa place dans une loi de finances, il me paraît viser un réel problème.
En prévoyant que la réduction d’impôt ne s’applique pour chaque personne qu’aux dons versés à un seul parti ou groupement politique, on limite le pluralisme en dissuadant le donataire de changer d’avis au cours d’une même année et de soutenir d’autres partis, certes.
Cela étant, renvoyer la résolution de cette question au code électoral est un moyen de ne rien faire, car on prendra toujours prétexte des élections qui ne manqueront pas d’avoir lieu dans l’intervalle. Peut-être aurait-on pu prévoir un plafond ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il y en a un !
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’ai bien entendu les propos de M. Masson et les réponses de Mme la rapporteure générale et de Mme la ministre.
Sincèrement, une assemblée comme la nôtre peut-elle examiner le financement de l’activité politique uniquement par le petit bout des dons ? En définitive, c’est l’État qui, au travers de la subvention publique, fait partiellement vivre les partis politiques, lesquels disposent également des contributions individuelles.
Si l’on veut remettre à plat le financement des formations politiques, il faut revoir l’ensemble du système de subventionnement public et de contribution des particuliers, en discutant de tout ce qui s’est pratiqué autrefois, qui ne se fait plus et qui pourrait exister dans un cadre plus organisé.
On ne peut pas, tout d’un coup, décider de baisser les subventions publiques, sans parler des contributions des particuliers. Je comprends l’intérêt du plafonnement et la volonté d’empêcher tout détournement d’une formation politique vers une autre. Toutefois, de grâce, si l’on veut évoquer le financement des formations politiques, expression de la démocratie, il faut remettre à plat l’ensemble du système.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Les interventions précédentes me confortent dans l’idée que nous devons rassembler nos forces dans la mission « Pouvoirs publics ». En effet, la dotation accordée par l’État à chaque parlementaire étant de l’ordre de 46 000 euros par an, nous pourrions peut-être, dans cette période d’austérité, envisager une petite diminution.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Que ne déposez-vous un amendement !
Mme Nathalie Goulet. Absolument, il est en cours de rédaction !
Les dispositions de l’amendement n° I-35 soulèvent en tout cas un problème réel, et je pense que la mission « Pouvoirs publics » sera le cadre idéal pour en débattre.
Mme la présidente. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Pour une fois, je suis d’accord avec M. Masson. Si ses idées sont souvent étonnantes, là, il vise juste.
En effet, on prétend qu’on va diligenter des études approfondies et mettre en place des groupes de travail extraordinaires, tout en sachant que rien ne sera jamais fait. L’adoption de cet amendement obligerait peut-être à progresser sur cette question. Il est tout de même scandaleux de multiplier les réductions d’impôt en finançant plusieurs partis politiques.
Mme la présidente. L'amendement n° I-112, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le IV de l’article 200 sexies du code général des impôts, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :
« IV. bis. – Les montants prévus aux I, II, III et IV sont actualisés chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu et arrondis à la dizaine d’euros la plus proche. »
II. – Cette disposition n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû au titre de l’année 2011.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. Lors de la loi de finances pour 2008, le Gouvernement avait proposé une mesure d’indexation de la prime pour l’emploi, la PPE, en fonction de l’inflation sur l’année 2007. En 2008, l’inflation fut forte – 2,8 % en moyenne –, mais, pour 2009, 2010 et 2011, le barème de la PPE a été gelé. Cela signifie que le salaire de référence pour en bénéficier et le montant attribué ne progressent plus.
Alors que 9,1 millions de foyers bénéficiaient de la PPE en 2005, ils n’étaient plus que 7,7 millions en 2010. De même, alors que le montant moyen de PPE distribué était de 502 euros en 2008, il n’a été que de 470 euros en 2010. Il n’est pas acceptable que le nombre de bénéficiaires de la PPE diminue en même temps que le montant de prime perçu, alors que la situation de l’emploi s’aggrave.
Or cette prime constitue une réelle incitation à la reprise d’un emploi : elle représente un outil de soutien à l’emploi et au pouvoir d’achat pour les faibles revenus.
Compte tenu du coût total de la prime, qui s’est élevé à 3,6 milliards d’euros l’an dernier, le coût d’une mesure d’indexation devrait être bien moindre que celui de la mesure visant les heures supplémentaires dans le cadre du paquet fiscal, soit 4 milliards d’euros. Contrairement à cette destruction d’emplois opérée sur fonds publics, la mesure ici proposée permettrait de soutenir le pouvoir d’achat, tout en incitant à la reprise d’emploi.
Il convient donc d’indexer automatiquement les seuils et les barèmes de la prime pour l’emploi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les auteurs de cet amendement souhaitent réintroduire une revalorisation annuelle de la prime pour l’emploi suivant la même évolution que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Il a donc bien sa place en première partie.
En gelant la prime pour l’emploi, le Gouvernement a réalisé une économie substantielle, qui ne touche pas les foyers les plus aisés.
Depuis l’introduction du RSA, la PPE a, il est vrai, perdu en lisibilité. Elle s’est quelque peu écartée de son objectif originel, qui était de soutenir le retour à l’emploi. Néanmoins, il s'agit d’une mesure de soutien aux populations les plus modestes.
Je suis favorable au dégel de cette prime pour l’emploi,…
M. Roger Karoutchi. On ne sait même pas ce qu’on veut en faire !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … parce que, au moment où elle a été gelée, le Gouvernement dégelait, si j’ose dire, l’indexation du barème de l’ISF. Ce serait une mesure de justice par rapport à ce qui a été fait pour l’impôt sur la fortune.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Outre que le coût de cet amendement est de 275 millions d'euros – mais ce n’est pas le problème financier qui nous arrête –, nous avons, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, créé un dispositif beaucoup plus puissant de réinsertion par le travail, le revenu de solidarité active, ou RSA, qui coûte au budget de l’État 2 milliards d'euros.
Néanmoins, nous n’avons pas souhaité retirer le bénéfice de la PPE aux salariés les plus modestes, pour la bonne et simple raison qu’il n’y avait pas recoupement total des deux publics. À l’évidence, le RSA a vocation à se substituer progressivement à la PPE parce que c’est un outil beaucoup plus puissant, nettement plus proche du terrain et qui correspond beaucoup mieux à l’accompagnement de salariés sur la voie de la réinsertion, notamment dans son volet complémentaire, le RSA « activité ».
Nous souhaitons geler le barème de la PPE, et ce n’est pas inéquitable puisque nous gelons aussi celui de l’impôt sur le revenu pour les ménages plus aisés qui acquittent cet impôt.
M. François Marc. Et le barème de l’ISF ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ainsi que le barème de l’ISF ; monsieur Marc, vous avez fait bien de me le faire remarquer !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Au cours des années passées, il nous est arrivé de nous interroger sur l’adéquation de la PPE aux objectifs visés.
On se souvient que ce dispositif était né comme impôt négatif, qu’il s’agissait d’un levier pour favoriser le retour à l’emploi. Or, comme le rappelait Mme Pécresse, la mise en œuvre progressive du RSA, ainsi que les modifications ayant affecté le dispositif même de la PPE, ont pour conséquence que des appréciations mitigées sont portées sur le tableau actuel.
En réalité, si nous avions accepté, voire souhaité que l’on fige le barème de la PPE, c’est parce que nous n’étions plus suffisamment convaincus de son efficacité. N’est-elle pas trop dispersée, trop largement répartie ? Ne devrait-elle pas, comme certaines études l’ont montré, être davantage concentrée sur certains segments sociaux, c'est-à-dire sur ceux qui ont le plus besoin d’être encouragés à revenir vers l’emploi ?
Ce sont là des questions qui n’ont pas vraiment été traitées. Il est clair qu’elles ne peuvent guère l’être au cours de la séquence 2011-2012, madame la ministre, mais il faudra le faire à l’avenir.
Réévaluer le barème de la prime pour l’emploi ne me paraît pas une bonne mesure, précisément parce que cette prime mérite sans doute d’être réétudiée, focalisée sur les bénéficiaires les plus légitimes et rendue plus efficace.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Lors de l’institution de la prime pour l’emploi, nous étions réservés. Nous le sommes toujours, après son application, car elle n’a pas du tout favorisé le retour à l’emploi, pas plus d’ailleurs que ne le permet le RSA en ce qui concerne les salariés.
En effet, en période de récession économique, il est encore plus difficile d’accompagner le retour à l’emploi, surtout quand le Gouvernement diminue les moyens de Pôle emploi. Nous sommes dans une période plus que complexe.
Aujourd'hui, la part de la PPE reçue par chaque personne est plus faible, de façon non négligeable, alors que la situation économique rend plus que fragile le pouvoir d’achat.
Nous voterons donc la proposition du groupe socialiste, mais en maintenant nos réserves sur ce type de solution, qui n’en est pas une et qui a d’ailleurs plutôt pour effet d’inciter les entreprises à ne pas augmenter les salaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le président de la commission des finances, permettez-moi de vous citer quelques chiffres : le nombre de bénéficiaires de la PPE n’a fait que diminuer depuis 2005, passant de 9 millions cette année-là à 6,7 millions en 2011. Il n’y a donc pas d’éparpillement.
Je ferai un parallèle, non sans une pointe de malignité, mais faute avouée…
M. Roger Karoutchi. Allons ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ainsi, l’économie que, en gelant la PPE, le Gouvernement a réalisée…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas le Gouvernement, c’est l’État !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est lui qui prend les mesures !
Mme Marie-France Beaufils. Ce sont les choix du Gouvernement !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cette économie, donc, est de 2 milliards d'euros, tandis que l’allégement de l’ISF intervenu il y a quelques mois représente 1,9 milliard d'euros. Si je voulais vraiment être désagréable, je dirais, chers collègues, que vous avez payé cet allégement avec la PPE ; je voulais en tout cas montrer que la droite et la gauche n’agissent pas forcément en faveur des mêmes personnes.
C'est pourquoi je soutiens cet amendement, auquel le groupe socialiste est attaché.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. À la suite des propos de Mme la ministre concernant la situation à laquelle nous souhaitons remédier, je voudrais insister sur un point : les inégalités ne cessent de s’accroître entre les travailleurs modestes et les travailleurs les mieux rémunérés.
Ainsi, sur les dix dernières années, le niveau de vie moyen des 10 % de salariés les plus pauvres a progressé de 13 % et celui des 10 % de salariés les plus aisés a augmenté de 27 %, soit plus du double.
Sans entrer dans le détail, aujourd'hui, le niveau de vie des salariés modestes progresse sensiblement moins vite que celui des salariés les plus aisés.
Dans ces conditions, est-il anormal de vouloir que la PPE, versée aux plus modestes, puisse être revalorisée d’une façon modérée, à hauteur de l’inflation ?
Il n’est pas du tout injuste de procéder ainsi : quand on a conscience de l’écart, voire du fossé qui se creuse entre les salariés, quand on sait que, pour les plus modestes de ces derniers, la réalité est de plus en plus dure, on trouve cet amendement totalement justifié. Par conséquent, je vous invite, mes chers collègues, à l’adopter.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-112.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour un rappel au règlement.
Mme Catherine Procaccia. Mon intervention se fonde sur l’article 33 du règlement.
Je m’adresse aux représentants ici présents de la majorité, en particulier du groupe socialiste. Chers collègues, à réclamer ainsi des scrutins publics sur chacun des amendements, de qui vous moquez-vous : des sénateurs UMP, et uniquement d’eux, ou aussi des sénateurs communistes qui vous soutiennent, ainsi que des sénateurs qui votent en toute indépendance, quel que soit leur groupe ?
Madame la rapporteure générale, je pense qu’il faudrait que vous vous posiez des questions sur la stratégie de votre groupe, qui consacre toutes ses troupes et toute son énergie, quitte à les épuiser, à l’examen, jusqu’à trois ou cinq heures du matin, de propositions de loi dont la moitié des Français se moquent éperdument,…
M. Jean-Marc Todeschini. C’est vous qui le dites !
Mme Catherine Procaccia. … mais qui semble considérer que vos propositions sur le projet de loi de finances sont moins importantes. Quant à nous, il n’est pas certain que votre stratégie nous épuise !
Cette semaine, vous avez débattu jusqu’à cinq heures du matin d’une proposition de loi qui devait être examinée en quatre heures ; la semaine dernière, vous avez consacré dix ou onze heures à l’examen d’une autre proposition de loi. Siéger des jours et des nuits entières sur des éléments moins importants que le budget ne semble pas vous déranger !
Alors que vous êtes en train de nous donner des indications très claires sur les orientations que prendrait la fiscalité dans l’hypothèse où les socialistes s’empareraient du pouvoir, je me rends compte que cela ne paraît pas important à la majorité sénatoriale, ce qui me désole.
Pour ma part, j’aimerais que l’on respecte un peu plus les règles. Nous sommes vendredi ; il est prévu que le Sénat siège également demain samedi. Jusqu’à présent, notre assemblée a toujours siégé le vendredi, le samedi et le lundi pour l’examen du PLF, mais nous avancions à un rythme normal ! Est-ce à dire que, désormais, nous allons dépasser les délais et travailler jusqu’à trois heures du matin,…
M. Roger Karoutchi. Voire le dimanche !
Mme Catherine Procaccia. … tout simplement parce que vous n’êtes que vingt sénateurs présents et que vous ne mobilisez pas les absents ?
Vous avez critiqué la formule « travailler plus pour gagner plus ». Une chose est sûre : le personnel du Sénat contraint au travail de nuit va, par votre faute, travailler plus pour être payé autant !
Mme la présidente. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, madame Procaccia.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame Procaccia, vos propos me surprennent : j’ai plutôt l’impression que c’est vous qui retardez les débats ! (Tout à fait ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Je vous rassure, nous respecterons les délais d’examen de la loi de finances, qui sont d'ailleurs constitutionnels.
Mme Catherine Procaccia. À quelles conditions ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Comme d’habitude, nous n’échapperons pas à l’obligation de siéger le samedi, voire, comme cela nous est déjà arrivé, le dimanche.
Comme vous, je déplore que la loi de finances n’attire pas les foules (M. Philippe Dallier approuve.) et qu’il y ait parfois plus de monde dans l’hémicycle pour des sujets pas forcément mineurs, mais dont on peut relativiser l’importance, notamment par rapport à la situation financière que connaît la France.
Toutefois, ne m’attribuez pas des mérites que je n’ai pas. Je ne suis que la modeste rapporteure générale de votre commission des finances (Sourires.), et cette fonction suffit à remplir mes jours comme mes nuits ! (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.)
Mme la présidente. Je mets donc aux voix l’amendement n° I-112.
Je rappelle que j'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
L'avis de la commission est favorable, et celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 50 :
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 140 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 2.
L'amendement n° I-41, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat est abrogé.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Je ne ferai pas de longs développements techniques sur cet amendement, présenté par notre groupe, qui vise à confirmer la volonté de la majorité sénatoriale de voir disparaître le dispositif de défiscalisation et de « désocialisation » des heures supplémentaires introduit dans la loi TEPA.
Selon certains, la suppression de ce dispositif porterait atteinte au pouvoir d’achat des ménages les plus modestes et mettrait en cause l’emploi et la qualité de vie de millions de salariés.
Je rappellerai simplement que, entre la défiscalisation des heures supplémentaires – valables, je le rappelle, pour les entreprises comme pour les ménages – et l’absence de certaines cotisations sociales, ce sont 4,3 milliards d’euros de recettes fiscales et sociales qui sont perdus. Au regard de cette somme, d’après les analyses les plus officielles, le bénéfice du dispositif pour le PIB ne s’élèverait qu’à 3 milliards d’euros…
En clair, la mesure coûte plus aux caisses de l’État et de la sécurité sociale qu’elle ne leur rapporte.
Toutefois, nous pourrions aussi nous demander si la division de cette somme de 4,3 milliards d’euros par le chiffre de 9 millions de salariés ne donnerait pas une idée de l’impact de la mesure. Faisons d'ailleurs cette petite division : la portée du dispositif – exonérations patronales comprises, rappelons-le –est alors réduite à 500 euros environ par an et par salarié, soit 42 euros par mois.
Autrement dit, la réalité de la mesure n’est pas aussi reluisante que M. Xavier Bertrand a cherché à nous le faire croire avant-hier, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical.
En outre, ces fameuses « heures sup » pèsent sur certains droits dits « connexes ». Soyons clairs sur ce point : plus vous effectuez d’heures supplémentaires, moins le montant de votre prime pour l’emploi est élevé, et moins vos impôts locaux seront plafonnés. Surtout, ne l’oublions jamais, une rémunération exonérée de cotisations sociales n’ouvre droit à aucune prestation et, singulièrement, à aucune prestation différée.
Travaillez plus et votre retraite sera plus faible : telle est la vérité de la loi TEPA !
La mesure comporte d’autres effets pervers, en ce qui concerne bien sûr l’emploi, car l’arbitrage entre intérim, embauches et « heures sup » se fait au seul bénéfice du résultat de l’entreprise, mais aussi en termes de modération salariale. Comme nous avons déjà défendu dans cet hémicycle un amendement ayant le même objet, je m’arrêterai là.
Pour toutes ces raisons, nous devons supprimer cette mesure dont la finalité est depuis longtemps connue : il s’agit de donner au patronat un outil supplémentaire de rendement maximal du travail salarié.
En conséquence, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela ne surprendra personne : je suis favorable à cet amendement, qui avait été introduit par le Sénat dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale mais qui a depuis lors été supprimé par l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire n’étant pas parvenue à l’adoption d’un texte commun. Aussi, cette disposition de suppression de la mesure emblématique de la loi TEPA de 2007 garde tout son sens.
Je rappellerai simplement que l’inefficacité des exonérations des heures supplémentaires a été démontrée dans plusieurs rapports. Je pense à celui du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, rédigé sous l’égide de l’Inspection générale des finances, ainsi qu’au rapport parlementaire de référence qu’est le document cosigné par MM. Jean-Pierre Gorges, député UMP, et Jean Mallot, député socialiste, au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale. Ces deux rapports ont abouti à la même conclusion : celle d’un dispositif à l’effet négatif.
Outre celui du coût, je reçois assez mal l’argument selon lequel supprimer l’article 1er de la loi TEPA reviendrait à abroger une disposition favorable au pouvoir d’achat (Mme Marie-France Beaufils approuve.), car, sur ce point, notre raisonnement diffère du vôtre, madame la ministre.
Je m’appuierai d'abord sur quelques chiffres. La mesure a surtout bénéficié aux ménages aisés : les exonérations ont fait gagner, en moyenne, 900 euros de revenu disponible au dernier décile, contre moins de 300 euros pour chacun des cinq premiers déciles. Il s’agit donc là d’une mesure plus qu’inégalitaire.
En outre, dans une période de chômage massif, avec une situation qui risque de se dégrader encore dans les prochains mois, cette mesure est non seulement coûteuse, mais aussi absurde. En effet, elle pénalise l’emploi, alors même que celui-ci n’a pas retrouvé son niveau de 2007. Or, pour trouver des recettes à la fois pour la sécurité sociale et pour le budget de l’État, il faut augmenter le plus possible le volume du travail, de manière à ce qu’il y ait davantage de rentrées fiscales.
Ce dispositif est donc inefficace sur le plan fiscal, inégalitaire dans son attribution et pénalisant pour l’emploi. En période de chômage massif, le maintenir serait une hérésie !
Par conséquent, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. M. Foucaud est constant, le Gouvernement l’est aussi : 9 millions de Français touchent en moyenne 450 euros par an au titre des heures supplémentaires défiscalisées, pour un revenu moyen de 1 500 euros par mois. Cette mesure est donc essentielle pour soutenir le pouvoir d’achat ; elle constitue le cœur de la loi TEPA, que vous condamnez ici.
Quoi qu’il arrive, la défense du pouvoir d’achat et la promotion du travail font partie des valeurs que nous défendons et que nous continuerons à défendre !
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous devons tous assumer nos choix politiques – c’est bien légitime dans une démocratie ! –, mais il me semble que, si la pertinence de cette mesure peut être discutée du point de vue des créations d’emplois – chacun a sa propre interprétation du sujet et je comprends bien les arguments que vous êtes susceptible d’invoquer, madame le rapporteur général –, il est évident, en revanche, qu’elle a un effet positif sur la quantité de travail diffusée dans l’économie.
Nous aurons sans doute l’occasion, à l’avenir, de remettre à plat tous les dispositifs d’aide existants pour chercher à accroître leur efficacité. Toutefois, dans une conjoncture extrêmement difficile, avec une croissance atone, nous savons que nous devrons parcourir un chemin particulièrement ardu dans les mois à venir. Or, si l’on devait supprimer ces allégements, il est très probable, voire certain, que la quantité d’heures supplémentaires se contracterait.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Elle n’a pas augmenté !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elle n’a pas peut-être pas augmenté, mais elle diminuerait, dès lors que ces heures supplémentaires se trouveraient substantiellement renchéries pour les entreprises. Cette diminution provoquerait mécaniquement une perte de pouvoir d’achat pour les salariés qui effectuent aujourd’hui des heures supplémentaires.
C’est pourquoi il me semble, pour l’instant, qu’il vaut mieux défendre le statu quo : si l’on devait pénaliser les entreprises qui allouent des heures supplémentaires, mécaniquement, le complément de ressources fourni par ces heures supplémentaires – il peut se révéler très appréciable pour des salariés modestes ou de condition moyenne – s’en trouverait diminué, causant une perte très importante de pouvoir d’achat.
Enfin, la majorité sénatoriale a souhaité rétablir, tout à l’heure, l’indexation du barème de la prime pour l’emploi, au nom de la défense du pouvoir d’achat. Pourtant, l’influence de cette indexation serait minime, par rapport à la perte de pouvoir d’achat qui résulterait de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires.
Dans le même esprit, vous aurez l’occasion de nous dire que vous êtes hostiles à la hausse de 5,5 % à 7 % du taux de la TVA sur une série de produits et de services, au nom de la défense du pouvoir d’achat. Pourtant, il ne fait pas de doute que cette hausse représente un enjeu très faible en termes de pouvoir d’achat, par rapport aux conséquences dommageables de la suppression des exonérations en faveur des heures supplémentaires.
Il me semble donc, mes chers collègues, que l’opposition sénatoriale doit, sans sourciller, se montrer fidèle à l’esprit des mesures votées en 2007 et sur lesquelles il n’y a pas lieu de revenir, surtout dans la conjoncture économique actuelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur le président de la commission des finances, je crois que vous commettez une erreur en affirmant que la suppression des exonérations fiscales et sociales en faveur des heures supplémentaires diminuerait mécaniquement la quantité de travail.
En effet, la quantité d’heures travaillées ne dépend pas du statut de l’heure de travail accomplie, mais de la demande effective. C’est ensuite seulement que la répartition entre les heures de travail normales et supplémentaires intervient, en fonction des effets d’aubaine offerts, si vous me permettez l’expression.
Dans le cas particulier qui nous occupe, la loi TEPA crée typiquement un effet d’aubaine. Sinon, comment expliquer que, dans la première année de mise en œuvre de ce dispositif, les heures supplémentaires aient augmenté de 35 %, alors même que l’activité économique ralentissait ? Il est évident que ce n’est pas le niveau de la demande qui est à l’origine de cette augmentation, mais l’effet d’aubaine dont ont profité les entreprises, plus que de raison, selon moi.
J’ajoute que le Gouvernement lui-même, dans le rapport qu’il a transmis au Parlement, affirme que le coût de cette mesure est supérieur à la valeur de la production réalisée grâce à ces heures supplémentaires : ainsi, cette mesure représente un coût de cinq milliards d’euros pour les finances publiques et la production supplémentaire résultant de ces heures supplémentaires est évaluée à moins de cinq milliards d’euros.
Monsieur le président de la commission des finances, dans le débat de fond qui nous oppose, je crois que vous avez tort sur ce point.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela prouve que le débat mérite de se poursuivre !
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je souhaite rappeler les termes d’un article commentant le rapport Gorges-Mallot publié par l’Assemblée nationale.
« Votée pendant l’été de 2007, la loi TEPA, symbole du quinquennat de Nicolas Sarkozy, est aujourd’hui une coquille vide. Seule subsiste la défiscalisation des heures supplémentaires, concrétisation du slogan de campagne “ travailler plus pour gagner plus ”. »
Le rapport de Jean-Pierre Gorges et de Jean Mallot dresse un bilan peu flatteur du dispositif qui exonère les entreprises et les salariés des charges sociales sur les heures travaillées au-delà de la durée légale et conclut à l’inefficacité et au coût trop élevé – 4,5 milliards d’euros en moyenne de manque à gagner par an pour les finances publiques – de ces incitations fiscales et sociales en faveur des heures supplémentaires : au total, la mesure a coûté 0,23 % du PIB et n’a rapporté que 0,15 % ; elle est inefficace, car « l’objectif visé, la valorisation du travail, n’a pas été atteint », explique le député d’Eure-et-Loir Jean-Pierre Gorges.
Néanmoins, ce dispositif ne bénéficie ni aux non-salariés ni aux salariés à temps partiel et il ne s’applique, dans sa globalité, qu’aux seuls salariés imposables, c’est-à-dire qu’il exclut les revenus les plus modestes, comme l’a expliqué le député de l’Allier Jean Mallot. En revanche, il offre 1,3 milliard d’euros d’exonérations aux entreprises.
La défiscalisation des heures supplémentaires a surtout facilité les restructurations, notamment dans la fonction publique d’État – le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Soyons clairs : les salariés qui travaillaient déjà, avant l’intervention de cette mesure, 39 heures ou 40 heures et qui récupéraient le manque à gagner sous forme de réductions de temps de travail ou de primes salariales ont « officialisé » ces heures supplémentaires et les ont donc déclarées, « sans qu’il y ait, pour autant, d’heures supplémentaires supplémentaires ».
Pour preuve, comme vient de le rappeler Jean-Pierre Caffet, le volume d’heures déclarées est resté relativement stable, même en période de crise et de ralentissement de l’activité : 730 millions en 2007, 727 millions en 2008, 677 millions en 2009 et 704 millions en 2010.
Ce constat a d’ailleurs été confirmé en 2010 par Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo. Selon ces deux économistes, si le nombre d’heures supplémentaires payées a progressé de 25 % depuis 2007, la durée du travail, c’est-à-dire le nombre d’heures travaillées, n’a pas changé. Ils en concluent que la défiscalisation des heures supplémentaires est en réalité, comme nous l’avons toujours dit et comme vient de le rappeler Mme la rapporteure générale, un outil d’optimisation fiscale pour les entreprises.
Ces éléments prouvent donc, madame la ministre, que ces exonérations grèvent nos comptes publics, sans rien changer aux problèmes du monde du travail.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Sur cette question, on entend vraiment dire tout et son contraire. La gauche nous demande sans cesse de favoriser le pouvoir d’achat en distribuant des allocations et elle plaide pour une augmentation généralisée des salaires, dans la fonction publique comme dans le secteur privé.
M. Thierry Foucaud. Vous, vous préférez la défiscalisation !
M. Philippe Dallier. Les exonérations fiscales et sociales des heures supplémentaires sont favorables au pouvoir d’achat, même si leur coût élevé peut être discuté. Sur toutes les travées, certains estiment que cinq milliards d’euros, par les temps qui courent, représenteraient une économie non négligeable. Nous pouvons en débattre. Cependant, quand j’entends dire que ces exonérations sont strictement inutiles et ne contribuent pas à l’augmentation du pouvoir d’achat, les bras m’en tombent !
Nous avons d’ailleurs entendu des arguments assez étranges. M. Foucaud nous a dit que l’application de cette mesure faisait passer certains salariés au-dessus du seuil d’exonération de la taxe d’habitation, par exemple. Le problème des effets de seuil est bien connu, mais il n’est pas dû uniquement aux heures supplémentaires. Mme Bricq, quant à elle, nous explique que, proportionnellement, le dernier décile des assujettis à l’impôt sur le revenu bénéficie plus de ces mesures…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Trois fois plus !
M. Philippe Dallier. … que les cinq premiers déciles. Effectivement, les heures supplémentaires étant rémunérées selon un taux horaire, le taux auquel sont rémunérés les premiers déciles des contribuables à l’impôt sur le revenu est généralement inférieur au taux de rémunération du dernier décile ! Cela dit, les cadres sont souvent payés au forfait et ils sont assez peu nombreux à toucher des heures supplémentaires.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cette mesure crée un effet d’aubaine pour les entreprises, un point, c’est tout !
M. Philippe Dallier. Si nous réalisions cette économie de cinq milliards d’euros, il est évident qu’elle aurait des conséquences négatives importantes pour nombre de nos concitoyens dont le pouvoir d’achat se trouverait réduit.
Par ailleurs, les entreprises ont peut-être bénéficié, en partie, d’un effet d’aubaine,…
M. François Marc. C’est évident !
M. Philippe Dallier. … je n’en disconviens pas, mais les heures supplémentaires sont aussi un facteur de flexibilité. Par les temps qui courent, nous savons très bien que toutes les heures supplémentaires supprimées ne seraient pas automatiquement transformées en emplois à plein temps. Il serait absurde de prétendre le contraire.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !
M. Philippe Dallier. Je veux bien que l’on discute du montant des exonérations, qui est effectivement important, mais leur remise en cause totale me semble largement excessive.
Le groupe UMP votera donc contre cet amendement.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous ne sommes pas contre les heures supplémentaires, mais nous refusons de leur consacrer plus qu’elles ne rapportent !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 2.
L’amendement n° I-183 rectifié, présenté par MM. Plancade, Fortassin et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du 1° de l’article 81 du code général des impôts est supprimée.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Article 3
I. – Au début du chapitre III du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts, est ajoutée une section 0I ainsi rédigée :
« Section 0I
« Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus
« Art. 223 sexies. – I. – 1. Il est institué à la charge des contribuables passibles de l’impôt sur le revenu une contribution sur le revenu fiscal de référence du foyer fiscal, tel que défini au 1° du IV de l’article 1417 sans qu’il soit fait application des règles de quotient définies à l’article 163-0 A. La contribution est calculée en appliquant un taux de :
« – 3 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 250 000 € et inférieure ou égale à 500 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 500 000 € et inférieure ou égale à 1 000 000 € pour les contribuables soumis à imposition commune ;
« – 4 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 500 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 1 000 000 € pour les contribuables soumis à imposition commune.
« 2. La contribution est déclarée, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties et sanctions qu’en matière d’impôt sur le revenu.
« II. – 1. Toutefois si, au titre de l’année d’imposition à la contribution mentionnée au 1 du I, le revenu fiscal de référence du contribuable est supérieur ou égal à une fois et demie la moyenne des revenus fiscaux de référence des deux années précédentes, la fraction du revenu fiscal de l’année d’imposition supérieure à cette moyenne est divisée par deux, puis le montant ainsi obtenu est ajouté à cette même moyenne. La cotisation supplémentaire ainsi obtenue est alors multipliée par deux.
« Le premier alinéa du présent 1 est applicable aux contribuables dont le revenu fiscal de référence au titre de l’année précédant celle de l’imposition n’a pas excédé 250 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et 500 000 € pour les contribuables soumis à imposition commune.
« Cette disposition est applicable aux contribuables qui ont été passibles de l’impôt sur le revenu au titre des deux années précédant celle de l’imposition pour plus de la moitié de leurs revenus de source française ou étrangère de même nature que ceux entrant dans la composition du revenu fiscal de référence.
« 2. En cas de modification de la situation de famille du contribuable au cours de l’année d’imposition ou des deux années précédentes, les revenus fiscaux de référence mentionnés au 1 sont ceux :
« a) Du couple et des foyers fiscaux auxquels les conjoints ou les partenaires ont appartenu au cours des années mentionnées au présent 2 en cas d’union.
« Toutefois, en cas d’option au titre de l’année d’établissement de la contribution pour l’imposition séparée définie au second alinéa du 5 de l’article 6, le b du présent 2 s’applique ;
« b) Du contribuable et des foyers fiscaux auxquels le contribuable passible de la contribution a appartenu au cours des années mentionnées au présent 2 en cas de divorce, séparation ou décès.
« Le bénéfice du présent 2 est subordonné au dépôt d’une réclamation comprenant les informations nécessaires au calcul de la moyenne calculée selon les modalités ainsi précisées.
« Les réclamations sont adressées au service des impôts dans le délai prévu aux articles R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales. Elles sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d’impôt sur le revenu.
« 3. Pour le calcul de la moyenne mentionnée au présent II, le revenu fiscal de référence déterminé au titre des années 2009 et 2010 s’entend de celui défini au 1° du IV de l’article 1417. Il s’entend de celui défini au 1 du I du présent article pour les revenus fiscaux de référence déterminés à compter de 2011. »
II. – Le dernier alinéa du 1 de l’article 170 du même code est ainsi modifié :
1° Après la référence : « 163 quinquies C bis », le mot : « et » est remplacé par le signe : «, » ;
2° Sont ajoutés les mots : « et le montant net imposable des plus-values mentionnées aux articles 150 U à 150 UD ».
III. – A. – Le I est applicable à compter de l’imposition des revenus de l’année 2011 et jusqu’à l’imposition des revenus de l’année au titre de laquelle le déficit public des administrations publiques est nul. Ce déficit est constaté dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 3 du règlement (CE) n° 479/2009 du Conseil, du 25 mai 2009, relatif à l’application du protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité instituant la Communauté européenne.
B. – Le II s’applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er janvier 2011.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-42 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° I-191 est présenté par MM. Arthuis, Zocchetto, de Montesquiou et Delahaye, Mme Dini, MM. Merceron et Deneux, Mme Férat, M. Détraigne, Mme N. Goulet et MM. Dubois, Amoudry, Capo-Canellas, Tandonnet, Namy, Roche et Lasserre.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Je serai très brève, puisque j’ai déjà abordé cette question tout à l’heure. Compte tenu des positions que nous avons défendues sur l’impôt sur le revenu – mes chers collègues, je vous ai expliqué notre intérêt pour le renforcement de sa progressivité –, on pourrait s’étonner que nous nous opposions à la création d’une contribution exceptionnelle des plus hauts revenus au redressement des comptes publics.
Rien de plus logique, cependant, car nous sommes partisans d’une contribution citoyenne « durable », et pas seulement occasionnelle ou exceptionnelle, destinée autant à réduire les déficits qu’à créer les conditions d’un nouveau développement de l’action publique – celle-ci étant rénovée – au service de la population et du pays, s’appuyant sur l’expertise et la compétence des salariés du secteur public et sur leur implication. En effet, nous voulons mettre un terme à une révision générale des politiques publiques qui défait peu à peu le lien entre le citoyen usager et le service public.
Dans cet esprit, il est logique que nous proposions la suppression de l’article 3, qui prévoit d’ailleurs une contribution somme toute assez réduite, puisqu’elle ne représente que quatre dixièmes de point du rendement de l’actuel impôt sur le revenu.
Le Gouvernement a en outre trouvé le moyen de procéder, parallèlement, à des hausses d’impôt frappant plus directement les autres ménages, notamment les plus modestes d’entre eux, en particulier par le biais de la hausse de la TVA envisagée. Cette hausse pèsera bien plus lourdement sur les ménages populaires que sur les foyers disposant de ressources plus élevées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° I-191.
Mme Nathalie Goulet. Je dois le retirer, puisqu’il est en fait le corollaire de l’excellent amendement n° I-80 rectifié, qui n’a pu être défendu. Il s’agissait d’ajouter deux tranches supplémentaires au barème de l'impôt sur le revenu, l’une au taux de 45 % pour la fraction des revenus comprise entre 150 000 euros et 500 000 euros, l’autre au taux de 50 % pour la fraction des revenus au-delà de 500 000 euros. Le Sénat a manqué une occasion exceptionnelle de se prononcer sur cet amendement exceptionnel !
Mme la présidente. L'amendement n° I-191 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° I-42 ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame Beaufils, j’ai déjà expliqué pourquoi la commission n’est pas favorable à la suppression de l’article 3.
Tout d’abord, le rendement de la contribution exceptionnelle en question, que la commission, je le rappelle, a proposé de pérenniser, sera finalement plus important que celui d’une tranche au taux marginal de 50 % pour la fraction des revenus au-delà de 250 000 euros.
Ensuite, l’adoption de cet amendement entraverait le débat sur la réforme de l’impôt sur le revenu des personnes physiques que nous appelons de nos vœux, en vue de redonner de la progressivité à celui-ci. Nous souhaitons que l’assiette soit le plus large possible et qu’un barème progressif s’applique aussi bien aux revenus du capital qu’à ceux du travail.
Madame la ministre, je profite de cette occasion pour vous rappeler que, en application de l’article 59 de la première loi de finances rectificative pour 2011, le Gouvernement doit remettre au Parlement avant le 1er janvier prochain un rapport sur les conditions de mise en œuvre d’une fusion progressive de l’impôt sur le revenu et de la CSG, d’une part, et du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, d’autre part. Nous sommes le 17 novembre : j’espère que le Gouvernement sera en mesure de respecter l’échéance prévue, car ce rapport permettra notamment d’alimenter le débat de la campagne de l’élection présidentielle.
En tout état de cause, j’invite les auteurs de l’amendement n° I-42 à se rallier à l’amendement n° I-1 de la commission, qui vise à pérenniser la contribution prévue à l’article 3.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Avis défavorable.
La création de cette contribution exceptionnelle est une mesure d’équité majeure de notre dispositif fiscal. J’ajoute que ce n’est pas la seule de cette nature, puisque les ménages les plus aisés seront désormais plus fortement taxés à un triple titre : sur les plus-values immobilières, sur les revenus du patrimoine et sur les revenus du travail.
C’est là, me semble-t-il, un effort d’équité louable, qui mérite d’être souligné. Il convient de ne pas supprimer cet article.
Mme la présidente. Madame Beaufils, l'amendement n° I-42 est-il maintenu ?
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement s’inscrit dans la logique de notre démarche, qui va au-delà de la suppression de l’article 3, comme on le verra dans la suite du débat.
Je sais, madame la rapporteure générale, que la commission a déposé un amendement visant à ôter son caractère exceptionnel à la contribution prévue à l’article 3. Je vais donc retirer le nôtre, mais en insistant sur la nécessité d’instaurer beaucoup plus de clarté dans notre système d’imposition. C’est ce qu’attendent nos concitoyens, or le dispositif de l’article 3, fût-il amendé, ne me semble pas constituer la meilleure des réponses à cet égard.
Mme la présidente. L'amendement n° I-42 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-1, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Même s’il préfère ne pas l’appeler ainsi, pour des raisons d’ailleurs bien compréhensibles, le Gouvernement crée en fait, sous le nom de contribution exceptionnelle, un troisième impôt sur le revenu. Il convient donc de pérenniser cette mesure, sans l’assortir d’une limite temporelle, car elle a vocation à être incorporée à un grand système d’imposition sur le revenu, progressif, assis sur une large assiette intégrant les revenus du capital au même titre que ceux du travail.
Mme la présidente. L'amendement n° I-171, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin et Bertrand, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 21, première phrase
Remplacer les mots :
le déficit public des administrations publiques est nul
par les mots :
l’équilibre des comptes des administrations publiques est atteint
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° I-1 ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il est défavorable. L’Assemblée nationale a voté, avec avis favorable du Gouvernement, la prolongation du dispositif jusqu’au retour complet à l’équilibre des finances publiques, c'est-à-dire jusqu’à 2016.
Mme la présidente. L'amendement n° I-38, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
IV. - Les articles premier et 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés. Les I et II de l’article 30 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 sont abrogés.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
Mme la présidente. L'amendement n° I-53, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À l’article 80 quinquies, les mots : « de la fraction des indemnités allouées aux victimes d’accidents du travail exonérée en application du 8° de l’article 81 et des indemnités » sont remplacés par les mots : « des indemnités qui, mentionnées au 8° de l’article 81, sont allouées aux victimes d’accidents du travail et de celles » ;
2° Au 8° de l’article 81, les mots : « à hauteur de 50 % de leur montant, ainsi que les » sont supprimés.
II. – Le I du présent article s’applique pour les rentes versées au titre de l’année 2011.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Chacun peut trouver des niches fiscales à supprimer où il veut…
À cet égard, je rappellerai que, à l’automne 2009, lors de l’examen du projet de loi de finances, certains de nos collègues avaient proposé et fait adopter, vers une heure du matin, la suppression de l’exemption fiscale des indemnités versées aux salariés victimes d’accidents du travail ayant entraîné une incapacité temporaire de travail. Il s’agissait de percevoir quelque 230 millions d’euros de recettes fiscales, de mémoire, aux dépens des victimes d’accidents du travail. Nous avions fortement combattu cette mesure, dont nous ne partageons évidemment pas la philosophie.
Aujourd'hui, nous estimons que le temps de la rapporter est venu, sauf à ce que quelqu’un ait le courage – ou l’inconscience – d’essayer de nous prouver que les salariés causent délibérément les accidents qui les frappent !
En 2009, ce débat sur la fiscalisation des indemnités temporaires versées en cas d’accident du travail nous avait d’ailleurs empêchés d’aborder les vraies questions : la sécurité au travail, les rythmes, les horaires ou encore les contraintes, notamment en termes de présence. Mes chers collègues, à votre avis, qu’est-ce qui coûte le plus cher à la collectivité : la non-imposition de ces indemnités ou la dégradation de la situation sanitaire d’une bonne part de la population à mesure que se développent le travail précaire et des conditions de travail irrespectueuses de la personne ?...
Il s’agit tout simplement ici d’un amendement humain.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Par cohérence avec la position que nous avions défendue lorsque nous étions dans l’opposition, je donne un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-4, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 117 quater est abrogé ;
2° Au II de l’article 154 quinquies, les mots : « aux articles 117 quater et 125 A » sont remplacés par les mots : « à l’article 125 A » ;
3° Le 3 de l’article 158 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa du 1°, les mots : « aux articles 117 quater et 125 A » sont remplacés par les mots : « à l’article 125 A » ;
b) Le f du 3° est abrogé ;
4° Au dernier alinéa du 1 de l’article 170, les mots : « aux articles 117 quater et 125 A » sont remplacés par les mots : « à l’article 125 A » ;
5° Au c du 1° du IV de l’article 1417, les mots : « aux articles 117 quater, 125 A » sont remplacés par les mots : « à l’article 125 A » ;
6° L’article 1671 C est abrogé ;
7° Le 1 de l’article 1681 quinquies est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « aux articles 117 quater et 125 A » sont remplacés par les mots : « à l’article 125 A » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « du III de l’article 117 quater et » sont supprimés.
II. – Au 2° de l’article L. 169 A du livre des procédures fiscales, les mots : « aux articles 117 quater et 125 A » sont remplacés par les mots : « à l’article 125 A ».
III. – L’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les trois derniers alinéas du I sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les plus-values mentionnées aux articles 150 U à 150 UC du code général des impôts sont également assujetties à cette contribution. » ;
2° Au 8° bis du II, les mots : « aux articles 117 quater et 125 A » sont remplacés par les mots : « à l’article 125 A » ;
3° Le second alinéa du V est supprimé.
IV. – Les I à III s’appliquent aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2012.
V. – Le décalage de trésorerie résultant pour l'État du I ci-dessus est compensé, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous en venons à un sujet important, celui des niveaux de taxation respectifs des revenus du travail et des revenus du capital.
On le sait, nous défendons avec constance un rééquilibrage entre ces deux types de revenus en matière de prélèvements, en nous plaçant dans la perspective d’une refonte globale de la fiscalité pour les personnes physiques, dont nous espérons qu’elle permettra de trancher la question de la place respective des impôts proportionnels et des impôts progressifs.
Le Premier ministre a déclaré souscrire à cet objectif, et si je vous ai bien entendue, madame la ministre, vous avez corroboré ses propos.
Vous avez annoncé, en présentant en conseil des ministres, mercredi dernier, le projet de loi de finances rectificative qui contient cette mesure, le relèvement à 24 % du prélèvement forfaitaire libératoire sur les intérêts et les dividendes.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous ne suivons pas la même logique sur cette question.
Pour notre part, nous défendons le principe de la soumission à l’impôt sur le revenu des dividendes et des intérêts, donc celui de la progressivité, tandis que le Gouvernement maintient le principe de la proportionnalité, même s'il augmente le taux du prélèvement forfaitaire libératoire. Cela étant, notre amendement ne vise à intégrer dans les revenus soumis à l’impôt progressif que les seuls dividendes, parce que je ne méconnais pas le coût de trésorerie que représente, pour l'État, le décalage dans le temps de la perception de cet impôt. Si le dispositif que nous présentons concernait également les intérêts, ce coût risquerait d'être beaucoup trop important. Cependant, dès lors que l'on considère que tous les revenus ont vocation à être soumis au barème progressif, il convient de lisser le coût de trésorerie par une transition progressive. C’est bien ce que nous proposons ici, en limitant aux dividendes le champ d’une mesure qui devrait rapporter au moins 300 millions d'euros à compter de 2013.
Vous le voyez, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes soucieux des deniers de l'État. Toutefois, nous refusons de déroger au principe suivant : tous les revenus, qu’ils soient issus du capital ou du travail, doivent être soumis à un grand impôt progressif, égalitaire, ce que n'est plus l'impôt sur le revenu avec la multiplication des prélèvements forfaitaires libératoires.
Je rappelle d’ailleurs que le Gouvernement a, dans le passé, progressivement ramené le taux de ces prélèvements de 25 % à 18 %. Depuis deux ans, certes, il fait machine arrière, mais en continuant néanmoins à s’inscrire dans une logique de proportionnalité, et non de progressivité.
Par ailleurs, j’indique que l’adoption de l’amendement de la commission rendrait sans objet les amendements nos I-44 et I-45.
Mme la présidente. L'amendement n° I-44, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 117 quater est abrogé ;
2° Les articles 125 A à 125 C sont abrogés ;
3° Le quatrième alinéa du 1 de l’article 187 est supprimé.
II. – Le présent article est applicable aux revenus perçus ainsi qu’aux gains et profits réalisés à compter de la promulgation de la loi n° … du … de finances pour 2012.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la hausse de l’impôt sur les sociétés.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. L’assiette de l’impôt sur le revenu est essentiellement constituée par des revenus d’activité salariée, dans des proportions au demeurant supérieures à ce que les salaires, traitements et allocations de remplacement assimilées peuvent représenter dans le revenu des ménages.
Dans ces conditions, le gel du barème de l’impôt sur le revenu annoncé par le Gouvernement frappera essentiellement les salariés et les retraités, qui devront payer le principal de la facture adressée aux Français.
On peut toujours gloser sur les augmentations des prélèvements demandées par la gauche sénatoriale, mais les mesures qu’elle propose ont au moins l’élégance de la clarté, alors que celles que vous mettez en place, madame la ministre, ne sont que des mesures d’injustice dissimulées !
Sur le fond, les promesses de baisse des impôts faites en 2007 sont bien loin : quand le taux de prélèvements obligatoires dépasse 44 %, il faut savoir être critique à l’égard de sa propre action !
L'impôt sur le revenu, quant à lui, a été plus que réduit, particulièrement à cause de l’extension du champ des prélèvements forfaitaires libératoires. Ainsi, alors que les revenus du capital et du patrimoine constituent de 11 % à 12 % de l’assiette de la CSG, ils ne contribuent plus qu’à hauteur de 3 % à 4 % à l’assiette de l’impôt sur le revenu.
On a donc, d’un côté, un impôt sur le revenu rapportant moins de 60 milliards d’euros par an, de l’autre une CSG plutôt dynamique, qui apporte à la sécurité sociale près de 89 milliards d’euros de ressources. C’est ce décalage que nous proposons de réduire, en revenant sur quelques-uns des prélèvements libératoires les plus significatifs, qui n’ont d’ailleurs d’intérêt que pour les contribuables dont le montant des revenus justifie pleinement d’y recourir.
En effet, même avec un taux marginal d’imposition qui a été progressivement ramené à 40 % pour la tranche la plus haute du barème, le prélèvement forfaitaire libératoire n’avantage que les contribuables aux revenus les plus élevés, c'est-à-dire ceux qui sont soumis à ce même taux marginal.
Mme la présidente. L'amendement n° I-174 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Alfonsi, Bertrand, Chevènement et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa du 1 du I de l'article 117 quater, au premier alinéa du 1°, au 1°bis, au premier alinéa du 6°, au 7°, aux premier et second alinéas du 8° et au premier alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A, au premier alinéa du I de l'article 125 C, au quatrième alinéa du 1. de l'article 187 et au 2. de l'article 200 A du code général des impôts, le taux : « 19 % » est remplacé par le taux : « 25 % ».
II. – Les dispositions du I sont applicables aux revenus perçus ainsi qu’aux gains et profits réalisés à compter du 1er janvier 2011 et aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er janvier 2011.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-45, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 200 A est ainsi modifié :
a) Au 2, les mots : « taux forfaitaire de 19 % » sont remplacés par les mots : « titre de l’impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires selon le barème visé à l’article 197 » ;
b) Les quatrième à avant-dernier alinéas sont supprimés ;
2° À la première phrase du premier alinéa de l’article 200 B, les mots : « taux forfaitaire de 19 % » sont remplacés par les mots : « titre de l’impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires selon le barème visé à l’article 197 ».
II. – Le présent article est applicable aux revenus perçus ainsi qu’aux gains et profits réalisés à compter du 1er novembre 2011.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Avec cet amendement, nous abordons la question de la taxation particulière des plus-values sur cession d’actifs.
Dans notre législation fiscale, ces plus-values font l’objet d’un traitement spécifique, offrant la possibilité aux détenteurs de tels revenus de bénéficier d’un taux minoré d’imposition. Cette opération n’a d’ailleurs de sens et de portée, comme pour les prélèvements libératoires, que si l’on dispose d’un certain montant de plus-values à déclarer, susceptible d’être assujetti au taux marginal de l’impôt sur le revenu. Le régime particulier des plus-values n’est pleinement intéressant que pour les titulaires de revenus élevés, dépassant par exemple les seuils les plus élevés du barème de l’impôt sur le revenu.
Un tel dispositif, censé récompenser l’investisseur qui a conservé un certain temps des titres ou un bien immobilier, a toutefois pour effet pervers de favoriser la reproduction des inégalités sociales, puisque ce sont les plus gros patrimoines, les plus gros revenus et les plus grosses opérations qui permettent d’obtenir le plus fort rendement fiscal.
Ainsi, un ménage de cadres qui revend sa résidence secondaire dégagera peut-être une plus-value, mais celle-ci lui permettra, au mieux, de constituer un apport pour un nouvel achat ; le plus souvent, cela lui donnera seulement quelques moyens financiers supplémentaires pour faire face au quotidien.
En revanche, un propriétaire immobilier à la tête d’une bonne centaine de logements dont il a fait l’une de ses sources de revenus disposera, après en avoir revendu un, deux ou quatre, des liquidités nécessaires pour tirer parti du nouveau dispositif d’incitation à l’investissement immobilier, sans que son train de vie en soit affecté !
Il est donc normal que nous revenions sur le régime particulier de taxation des plus-values sur cession d’actifs, qui de plus se trouve aussi parfois à l’origine d’une forme de spéculation, d’autant plus aisée que le niveau d’imposition ultime se révèle finalement réduit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos I-44 et I-45 ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Comme je l’ai indiqué en présentant l’amendement n° I-4, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les trois amendements restant en discussion commune.
Madame la rapporteure générale, vous découvrez à votre tour les difficultés liées aux décalages de trésorerie lorsque l'on envisage de réformer l'impôt sur le revenu. La France ne peut pas se permettre de perdre 1 milliard d'euros à ce titre en 2012.
J’ajoute qu’en limitant aux seuls dividendes le champ de la mesure que vous préconisez, les intérêts issus de tous les produits d'épargne demeurant quant à eux éligibles au prélèvement forfaitaire libératoire, vous ne contribuez pas à simplifier notre système fiscal !
Le Gouvernement avait pour sa part envisagé de soumettre intérêts et dividendes à l'impôt sur le revenu. Malheureusement, une telle mesure aurait représenté une perte fiscale de 4 milliards d'euros au titre de 2012, ce qui n'était pas supportable pour le budget de l'État.
Par conséquent, il me semble préférable de porter le taux du prélèvement forfaitaire libératoire à 24 % pour les dividendes et les intérêts, ce qui présente l’avantage de les fiscaliser au même taux que celui de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu. L’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire perdant ainsi tout intérêt, les contribuables réintégreront d’eux-mêmes dividendes et intérêts dans l’assiette de l'impôt sur le revenu.
Par ailleurs, madame Beaufils, je rappelle que le Gouvernement avait initialement proposé que les plus-values immobilières réalisées sur les ventes de résidences secondaires ou de placements immobiliers soient soumises à l'impôt sur le revenu. L'Assemblée nationale en a décidé autrement, mais vous conviendrez avec moi qu'elle a singulièrement alourdi la fiscalité des plus-values immobilières pour les biens autres que la résidence principale. Ainsi, aujourd'hui, plus aucun revenu, fût-il exceptionnel, n’échappe à l'impôt.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La question de la fiscalité des dividendes s'est posée dès la fin du dispositif de l'avoir fiscal, dont on pouvait comprendre la logique économique : éviter la double taxation.
Je me souviens des débats que nous avons eus, au début de la période 2002-2007, avec le ministre délégué au budget de l'époque, M. Alain Lambert : nous nous étions très fortement opposés sur ce sujet. M. Lambert était convaincu que l'avoir fiscal était condamné par le droit communautaire. Personnellement, je n'ai jamais souscrit à cette analyse, mais c'était celle de Bercy et, contre Bercy, naturellement, aucun parlementaire ne saurait avoir raison ! (Sourires.)
C'est donc à la suite de la suppression de l’avoir fiscal qu'a été créé le prélèvement forfaitaire libératoire, par la loi de finances de 2008. Cette création est excellemment retracée, de façon aussi précise et concrète qu’on puisse le souhaiter, dans le rapport de Mme la rapporteure générale sur la première partie de la loi de finances.
En réalité, en termes de niveau de taxation, d'effort demandé aux contribuables les mieux pourvus, on ne relève pas de grande différence entre le dispositif de l'amendement n° I-4 de la commission et la position du Gouvernement. On pourrait même considérer, à la limite, que le système prévu par le Gouvernement va un peu plus loin.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pas du tout !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En tout cas, on peut en débattre.
Ce qui distingue vos positions, madame la ministre, madame la rapporteure générale, c'est non pas le niveau de taxation des revenus les plus élevés, mais plutôt une question de principe : les dividendes doivent-ils être soumis à l’impôt sur le revenu ?
Il me semble très difficile de trancher cette question sans disposer d’un minimum d’études comparatives. J’estime sincèrement qu’il ne serait pas raisonnable de le faire dans un cadre purement franco-français. Le problème de la mobilité de l'épargne et de l’attractivité du « site France » se posera nécessairement. Nous aurons à consentir des efforts, qu’il faudra répartir de façon équitable en s’appuyant, je le répète, sur une démarche comparative.
Dans l'immédiat, ce que propose le Gouvernement, c'est une formule d'urgence, liée aux plans d'ajustement. Il est indispensable de procéder avec équité. Vous le faites, madame la ministre, sans modifier sur le fond le dispositif actuel, dont la création ne remonte qu’à 2008. Cela me semble sage.
En tout état de cause, je suis bien sûr favorable au maintien du texte de l’Assemblée nationale. Néanmoins, je comprends les interrogations de Mme la rapporteure générale. Nous devrons nous efforcer d’y répondre dans un cadre plus général, et surtout en prenant en considération les solutions retenues par nos voisins européens.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La multiplication des plans gouvernementaux trouble quelque peu le débat, dans la mesure où Mme la ministre anticipe sur le projet de loi de finances rectificative à venir. Or nous débattons pour l’heure du projet de loi de finances pour 2012.
J’ai bien compris que le Gouvernement n’était pas favorable à la réintégration des revenus du capital dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. Cependant, je propose non pas une mesure brutale, mais une transition progressive, afin de tenir compte des difficultés liées aux coûts de trésorerie, dont j’ai pleinement conscience. C’est pourquoi notre amendement ne vise pas l’ensemble des revenus du capital.
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez bien pointé la différence de fond qui nous sépare : tandis que nous sommes pour la progressivité, le Gouvernement et la minorité sénatoriale persistent à préférer la proportionnalité, parce qu’ils sont acculés à trouver des recettes immédiates, compte tenu de l’état de nos finances publiques.
Par ailleurs, monsieur Marini, vous avez parlé d’équité. Or la mesure que présentera le Gouvernement dans le projet de loi de finances rectificative n’est pas aussi juste que celle que je propose ! En effet, l’application du barème de l’impôt sur le revenu est beaucoup plus équitable que l’augmentation du taux du prélèvement forfaitaire libératoire, en ce qu’elle ne pénalisera que les contribuables assujettis au taux marginal de 41 % et touchant, excusez du peu, plus de 20 000 euros de dividendes par an. Tous les autres seront gagnants, ce qui n’est pas le cas avec votre système !
En outre, madame la ministre, vous ne pouvez ignorer que les conseillers fiscaux incitent beaucoup de contribuables à opter pour le prélèvement libératoire, ce qui amoindrit le produit de l’impôt sur le revenu, dont l’assiette est déjà réduite par toutes sortes de dispositifs. Notre démarche s’inscrit dans une logique non pas de proportionnalité, comme celle du Gouvernement, mais de progressivité. C’est une différence de fond.
Je me plais à penser que nous pourrions accéder aux responsabilités l’année prochaine… En attendant, cet amendement nous permet de manifester notre attachement à la progressivité de l’impôt : il s’agit d’un premier pas, qui, je l’espère, sera suivi d’autres à l’avenir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° I-4.
Mme Marie-France Beaufils. Nos amendements étant appelés à devenir sans objet si celui de la commission est adopté, je voudrais répondre dès à présent à certaines objections qui nous ont été faites.
Mme la rapporteure générale a observé que la mise en œuvre de nos propositions pourrait pénaliser les contribuables relevant des tranches les plus basses du barème de l’impôt sur le revenu. Or elle vient elle-même d’apporter l’argument que je m’apprêtais à lui opposer : bien souvent, des conseillers financiers proposent à des personnes modestes ayant voulu faire quelques placements autres que les livrets classiques d’opter pour le prélèvement forfaitaire libératoire, alors qu’elles seront ainsi beaucoup plus taxées que si elles avaient déclaré leurs dividendes et intérêts au titre de l’impôt sur le revenu.
Cela pose le problème de la complexité de notre système fiscal. Une clarification est nécessaire. À cet égard, renforcer la progressivité et l’efficacité de l’impôt serait une solution pertinente. Dans cet esprit, nous voterons l’amendement de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. L’amendement de la commission est cohérent avec les positions que nous défendons.
Il est nécessaire d’améliorer la progressivité de l’impôt, principe qui, toutes les études le montrent, a été largement bafoué ces dernières années. Dans ces conditions, intégrer dans l’assiette de l’impôt sur le revenu une partie des revenus tirés du capital, en l’occurrence les dividendes, est une bonne mesure.
Par ailleurs, le dispositif proposé ne désavantagera que les contribuables disposant de hauts revenus, soumis au taux marginal de 41 %, et ayant perçu au moins 20 000 euros de dividendes. On le voit, seuls les titulaires de revenus particulièrement élevés seront touchés.
M. le président de la commission des finances a appelé de ses vœux la réalisation d’études comparatives et de simulations. S’il avait fallu, sur d’autres dossiers, attendre que de tels travaux aient été menés, nous n’aurions pas adopté beaucoup de textes ces dernières années ! L’ancienne majorité sénatoriale ne s’est pas embarrassée de telles considérations avant de faire valoir son point de vue sur des sujets importants…
Enfin, notre proposition est de nature à répondre au souhait exprimé par M. le Premier ministre que le niveau de taxation des revenus du capital soit proche de celui des revenus du travail.
Pour toutes ces raisons, j’invite le Sénat à adopter le présent amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3, et les amendements nos I-44 et I-45 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° I-54, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° du II de l’article 125-0 A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au b et au c, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « huit » ;
2° Au d, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « douze ».
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement tend à allonger la durée de détention des contrats d’assurance-vie ouvrant droit à des taux réduits de prélèvement forfaitaire. Il est proposé de porter de quatre à huit ans la durée de détention nécessaire pour bénéficier du taux de prélèvement de 15 %, et de huit à douze ans celle qui est requise pour bénéficier du taux de prélèvement de 7,5 %.
Cette mesure vise à encourager l’épargne à long terme et à favoriser le financement en fonds propres des entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous partageons tous l’objectif visé par les auteurs de l’amendement. Notre pays a certes besoin d’une épargne longue, mais il faut savoir que 64 % des contrats sont aujourd’hui détenus pendant plus de huit ans et 47 % pendant plus de douze ans, ce qui n’est déjà pas mal à cet égard.
En ce qui concerne le financement en fonds propres des entreprises, qui représente effectivement un véritable enjeu, les assureurs ont l’obligation légale d’y consacrer 2 % des fonds qu’ils gèrent, mais il est vrai qu’il est bien difficile de contrôler le respect de cette obligation. (Mme la ministre acquiesce.)
Cela étant, je ne suis pas sûre que la méthode proposée pour encourager le financement des entreprises soit la bonne, car l’amendement ne comporte aucune disposition susceptible d’inciter les assureurs à investir davantage en actions. C’est pourquoi j’en solliciterai le retrait.
Au demeurant, une réflexion est en cours sur le soutien aux PME, toujours dans le cadre de la préparation du débat de la campagne présidentielle. Elle s’oriente plutôt vers la création d’un livret d’épargne dédié au financement des entreprises.
À cet égard, la commission des finances du Sénat a beaucoup travaillé sur les conséquences de la banalisation du livret A, dont les fonds ne sont plus centralisés à la Caisse des dépôts et consignations. L’outil statistique de la Banque de France ne nous permet pas de nous faire une opinion sur le fléchage des ressources du livret A vers le financement des entreprises. Pour y voir clair, la meilleure solution serait de mettre en place un produit d’épargne entièrement consacré au financement des petites et moyennes entreprises.
En conclusion, si nous partageons tous les préoccupations des auteurs de l’amendement, le dispositif proposé ne m’apparaît pas adapté pour atteindre les objectifs visés. Le volume de l’épargne privée est déjà important en France, le problème est d’orienter celle-ci vers l’investissement et le soutien aux entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. L’objectif d’encourager le financement de l’économie réelle par l’épargne des Français est tout à fait louable. Cela étant, je partage certaines des réticences exprimées par Mme la rapporteure générale.
S’agissant de l’assurance-vie, nous constatons que les épargnants adaptent systématiquement leur comportement aux évolutions de la fiscalité. Par conséquent, l’allongement proposé de la durée de détention des contrats d’assurance-vie ouvrant droit aux taux réduits de prélèvements risquerait d’entraîner un gel de l’épargne des Français pendant quatre années supplémentaires, ce qui n’est évidemment pas notre souhait, car il convient de favoriser la consommation.
Par ailleurs, l’assurance-vie traverse aujourd’hui une période très difficile dans notre pays, puisqu’elle est à la limite de la décollecte. Or l’assurance-vie détient une part importante de la dette souveraine française, ce qui n’est pas à négliger dans le contexte actuel.
Il faut donc aborder cette question avec beaucoup de prudence, car un équilibre très subtil doit être respecté. L’assurance-vie, qui est le produit d’épargne préféré des Français, est largement investie dans des obligations d’État.
J’ajoute qu’il n’est pas du tout certain qu’un allongement de la durée de détention des contrats d’assurance-vie ouvrant le bénéfice des taux réduits de prélèvements amènerait un renforcement de l’investissement en actions, surtout dans le climat actuel de morosité sur les marchés.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je peux admettre que cet amendement doive être amélioré. C’est ce que nous ferons, mais, pour l’heure, nous le maintenons.
Il faut rappeler que le développement des produits d’assurance-vie, depuis une bonne trentaine d’années, est allé de pair avec l’accroissement du recours aux marchés financiers pour le financement de l’État et celui des entreprises. L’assurance-vie, assortie d’importantes incitations fiscales, a ainsi permis à l’État d’adosser son endettement à l’épargne nationale.
En proposant d’allonger les durées à partir desquelles le dénouement des contrats d’assurance-vie supporte des taux d'imposition minorés, nous nous attachons non seulement à réduire marginalement le coût, pour les finances publiques, de cet avantage fiscal, mais aussi à assurer une certaine stabilité de l’épargne ainsi mobilisée.
Plus la durée de détention des contrats d’assurance-vie ouvrant droit à réduction du taux de prélèvements sera longue, plus nos compagnies d’assurances seront en mesure d’investir prioritairement l’épargne des Français dans le financement de l'économie nationale et de l’action publique.
N’oublions jamais que les Français eux-mêmes sont, d’une certaine manière, au travers de leur épargne, copropriétaires d’une dette publique sans doute élevée, mais en bénéficiant tout de même de sérieuses contreparties.
Puisque dette il y a, autant s’assurer de la stabilité de notre épargne. Tel est aussi le sens de notre amendement, que nous essaierons donc d’améliorer encore.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le dispositif présenté n’est sans doute pas opportun dans l’immédiat, mais il méritera examen. Les normes comptables internationales conduisant les institutions financières à diminuer leurs engagements en fonds propres, il est permis de penser que l’allongement de la durée de détention de ce produit d’épargne bénéficiant d’une dépense fiscale très élevée, de l’ordre de 1 milliard d'euros, est effectivement l’une des pistes à étudier. Il est à souhaiter que ce sujet important soit approfondi à l’avenir, non pas d’une manière précipitée, mais dans le cadre d’un réexamen de la politique fiscale en matière d’épargne.
Mme la présidente. L'amendement n° I-49, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du 2° du 3 de l’article 158 du code général des impôts, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 20 % ».
II. – Le I ci-dessus est applicable pour l’établissement des impositions perçues en 2011.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement s’inspire d’une proposition formulée par le Conseil des prélèvements obligatoires. Il vise à réduire de 40 % à 20 % le taux de l’abattement proportionnel sur le montant des dividendes perçus.
Historiquement, le taux actuel de cet abattement qui a remplacé l’avoir fiscal pouvait se justifier quand le taux de l’impôt sur les sociétés était de l’ordre de 50 %. Ce dernier est, aujourd’hui, de 33,33 %, le taux effectif s’élevant toutefois plutôt à 12 % ou à 13 %. On constate que, en pratique, il est très faible pour les grandes entreprises et plus élevé pour les petites. De plus, de nombreux bénéfices échappent à cette imposition, grâce à divers dispositifs, notamment ce que nous appelons la « niche Copé ».
Dans son rapport sur la progressivité et les effets redistributifs des prélèvements obligatoires sur les ménages, le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé à quelque 2 milliards d’euros, pour l’année 2009, le coût fiscal de cet abattement.
Bien entendu, nous visons ici les plus gros bénéficiaires de la dépense fiscale associée au crédit d’impôt sur les dividendes, qui ne fait que conforter leur situation déjà privilégiée, et non les tout petits détenteurs de titres et de parts de sociétés.
Au travers de cet amendement, nous nous rallions à la juste préconisation du Conseil des prélèvements obligatoires de réduire quelque peu la portée de la mesure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En proposant, monsieur Foucaud, de ramener de 40 % à 20 % le taux de l’abattement applicable au montant des dividendes perçus soumis à l'impôt sur le revenu, vous abordez encore un vrai sujet.
Le Conseil des prélèvements obligatoires, auquel vous avez fait référence, justifie cet abattement par le souci d’éviter une double imposition, mais son rapport ne fait état d’aucune corrélation arithmétique entre le taux de cet avantage fiscal et celui de l'impôt sur les sociétés réellement acquitté.
Le Conseil des prélèvements obligatoires relève, il est vrai, que le cumul de cet abattement et du deuxième abattement de 1 525 euros conduit à un niveau élevé d’affranchissement de l’impôt sur le revenu. Il a estimé que la réduction du taux de l’abattement était une « piste envisageable », mais il n’a pas, en conclusion, préconisé de taux de substitution. Dans ces conditions, comment justifier votre proposition de retenir un taux de 20 % ?
De plus, le dispositif de l’amendement a une portée rétroactive, puisqu’il s’appliquerait aux dividendes perçus en 2011, ce qui est quelque peu ennuyeux.
Par conséquent, si la piste est intéressante, le sujet mérite d’être approfondi. Dans l’immédiat, la commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Foucaud, l’amendement n° I-49 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Je suis prêt à rectifier cet amendement pour tenir compte de votre remarque sur la rétroactivité de son dispositif, madame la rapporteure générale. L’essentiel est d’agir sur le fond.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je vous remercie, monsieur Foucaud, de cette avancée, mais peut-on proposer un nouveau taux pour l’abattement sans avoir vérifié sa pertinence ?
Je le redis, je comprends votre objectif. Vous avez raison, une telle piste mérite d’être envisagée, mais il aurait été préférable que le Conseil des prélèvements obligatoires formule une préconisation s’agissant du taux à retenir. Il faut poursuivre la réflexion. Dans l’immédiat, la commission maintient sa demande de retrait de l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Madame la rapporteure générale, nous n’avons pas à nous aligner forcément sur la position du Conseil des prélèvements obligatoires…
Nous maintenons l’amendement pour affirmer le principe d’une réduction de l’abattement, la discussion restant ouverte sur le taux à retenir.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Nous voterons cet amendement, qui va dans le bon sens. Il conviendrait de le faire vivre jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire. Le taux proposé pour l’abattement pourra alors être ajusté le cas échéant.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
L'amendement n° I-115, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase de l’article 199 quindecies du code général des impôts, les mots : « d’une réduction d’impôt égale » sont remplacés par les mots : « d’un crédit d’impôt égal ».
II. – Cette disposition n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû au titre de l’année 2011.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Nous proposons de transformer en crédit d’impôt la réduction d’impôt actuellement accordée pour les dépenses liées à l’hébergement de personnes dépendantes.
En effet, le mécanisme de cette réduction d’impôt nous paraît fiscalement injuste : d'une part, ne s’adressant qu’aux seules personnes imposables, il exclut de son bénéfice la moitié des foyers fiscaux, dont les ménages les plus modestes ; d'autre part, sa mise en œuvre conduit à ce que le coût de l’hébergement, après réduction d’impôt, soit, d’une certaine façon, plus avantageux pour les personnes aux revenus élevés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Nous proposerons une réforme de la prise en charge de la dépendance qui inclura l'ensemble des dispositifs.
MM. François Marc et Jean-Marc Todeschini. Quand ? Après 2012 ?
Mme Catherine Procaccia. Vous n’aurez qu’à le faire vous-mêmes quand vous serez au pouvoir ! Comme cela, la réforme correspondra à ce que vous voulez !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Nous voterons cet amendement, car nous sommes résolus à avancer sur ce sujet récurrent. Cela fait trop longtemps que nous est annoncée une réforme de la prise en charge de la dépendance : ce travail devait être achevé cette année, mais, telle sœur Anne, nous ne voyons toujours rien venir…
Il n’est plus possible d’attendre davantage, car les dépenses liées à l’hébergement d’une personne dépendante dans une structure dédiée pèsent lourdement sur les finances de nombreuses familles. Nous voterons donc cet amendement avec conviction !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je rappelle à la Haute Assemblée que cette réduction d’impôt a été créée par le Président de la République lui-même lorsqu’il était ministre du budget.
M. Jean-Marc Todeschini. Quelle référence…
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
L'amendement n° I-5, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 1° du I de l’article 726 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 2 % » ;
2° L’avant-dernier alinéa est supprimé.
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2012.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous proposons de supprimer le plafond de 5 000 euros de droits d’enregistrement applicable aux actes portant cessions d’actions ou de parts de sociétés cotées ainsi qu’aux cessions d’actions ou de parts de sociétés non cotées. L’assiette de ces droits se trouvant ainsi élargie, nous proposons en outre de réduire leur taux de 3 % à 2 %.
Il n’est guère cohérent de maintenir un plafonnement, de surcroît extrêmement bas, pour ce type de cessions.
En effet, les droits d’enregistrement auxquels sont soumises les cessions de parts sociales de sociétés non divisées en actions, comme les SARL, ne sont pas plafonnés. En outre, d’autres droits voisins ne le sont pas non plus, par exemple les « frais de notaire » frappant les acquisitions de biens immobiliers.
Cette mesure de rendement devrait rapporter 930 millions d’euros à l’État. Avec le nouveau taux proposé, elle est d’autant moins susceptible d’empêcher les transmissions de sociétés à titre onéreux que, dans la très grande majorité des cas, ces achats de sociétés divisées en actions sont le fait d’autres sociétés, les droits d’enregistrement constituant alors une charge déductible.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
La mise en œuvre de cette mesure constituerait un handicap supplémentaire pour les entreprises françaises, en entravant la cession d’actions, donc la fluidité du marché et la mobilité des actifs. Elle pénaliserait la transmission des entreprises, irait à l’encontre du nécessaire renforcement capitalistique des entreprises françaises, ainsi que de l’effort d’harmonisation, à hauteur de 3 %, du taux de taxation des droits sociaux avec celui des fonds de commerce réalisée au travers de la loi de modernisation de l’économie. Or cette harmonisation était un signal fort pour les détenteurs de droits sociaux et de fonds de commerce.
À force de vouloir tout taxer, on va finir par pénaliser lourdement nos entreprises !
M. François Marc. Ce n’est pas une entrave !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour bien me faire comprendre, je prendrai un exemple précis et parlant, celui d’un professionnel qui aurait dû payer environ 420 000 euros de droits en l’absence de plafonnement, mais n’acquittera en fait que moins de 35 000 euros…
M. François Marc. Trop, c’est trop !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Votre proposition représente tout de même 1 milliard d’euros d’impôts supplémentaires pour les entreprises !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Comparez avec les droits de mutation acquittés par les particuliers ! Je rappelle en outre que nous proposons d’abaisser le taux en même temps que nous élargissons l’assiette : ce sera une bonne taxe !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 3.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-87 rectifié est présenté par M. Portelli.
L'amendement n° I-192 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin et Fortassin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La seconde phrase du dernier alinéa du 1° du I. de l’article 726 du code général des impôts est ainsi rédigée :
« L’imposition au titre des cessions susvisées est plafonnée à 5 000 euros par mutation. »
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Ces amendements ne sont pas soutenus.
L'amendement n° I-3, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À l’article 730 ter, à la fin de l’article 746, à la première phrase du premier alinéa du II de l’article 750 et à la première phrase de l’article 750 bis A du code général des impôts, le taux : « 2,50 % » est remplacé par le taux : « 1,10 % ».
II. - Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2012.
III. - La perte de recettes éventuelle pour l’État résultant de la baisse du taux de partage de 1,4 point est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement vise à revenir sur un dispositif parfaitement injuste adopté tout récemment.
Pour financer l’allégement de 1,9 milliard d’euros de l’impôt de solidarité sur la fortune, le Gouvernement a choisi d’augmenter le droit de partage. Cela signifie qu’il fait payer par tout le monde une mesure qui profite à une minorité de Français !
J’observe que ce dispositif a été adopté peu après que l’on eut supprimé le bénéfice de la triple déclaration en cas de mariage. Ceux qui divorceront après s’être mariés sous le nouveau régime de déclaration fiscale subiront donc la double peine !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est bien entendu défavorable à cet amendement. Nous avons déjà eu cette discussion au moment de la réforme de l’ISF. Celle-ci est financée par les Français qui ont un patrimoine, car il faut en avoir un pour être redevable du droit de partage !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
L'amendement n° I-2, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 775 ter est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 775 ter. – Il est effectué un abattement de 50 000 euros sur l’actif net successoral recueilli soit par les enfants vivants ou représentés ou les ascendants du défunt. »
2° L’article 779 est ainsi rédigé :
« Art. 779. – I. - Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 50 000 euros sur la part de chacun des ascendants et sur la part de chacun des enfants vivants ou représentés.
« Entre les représentants des enfants prédécédés, cet abattement se divise d’après les règles de la dévolution légale.
« En cas de donation, les enfants décédés du donateur sont, pour l’application de l’abattement, représentés par leurs descendants donataires dans les conditions prévues par le code civil en matière de représentation successorale.
« II. – Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 50 000 euros sur la part de tout héritier, légataire ou donataire, incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d’une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du premier alinéa.
« III. – Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué en cas de donation ou, lorsque les dispositions de l’article 796-0 ter ne sont pas applicables, en cas de succession, un abattement de 5 000 euros sur la part de chacun des frères et sœurs. »
3° Le I de l’article 788 est rétabli dans la rédaction suivante :
« I. - L’abattement mentionné à l’article 775 ter se répartit entre les bénéficiaires cités à cet article au prorata de leurs droits légaux dans la succession. Il s’impute sur la part de chaque héritier déterminée après application des abattements mentionnés au I et au II de l’article 779. La fraction de l’abattement non utilisée par un ou plusieurs bénéficiaires est répartie entre les autres bénéficiaires au prorata de leurs droits dans la succession. »
4° L’article 790 C est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 790 C. – Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit entre vifs, il est effectué un abattement de 5 000 euros sur la part de chacun des neveux et nièces du donateur. »
5° L’article 790 G est abrogé.
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2012.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement vise à revenir au statu quo ante s’agissant d’un dispositif coûteux et injuste de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA : celui qui est relatif aux droits de mutation à titre gratuit.
Ainsi, la proportion de successions imposées passerait de 5 % environ aujourd’hui à quelque 25 %. Comme avant 2007, le quart des successions seraient imposées, à des taux n’ayant rien de confiscatoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Nous tenons à cette défiscalisation des successions. Ceux de nos concitoyens qui ont passé leur vie à constituer un capital et veulent le léguer à leurs enfants doivent pouvoir le faire sans acquitter de droits, pour autant qu’ils ne fassent pas partie des 5 % de Français disposant de patrimoines très importants.
Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
M. Albéric de Montgolfier. Cet amendement va exactement à l’encontre de l’objectif de justice fiscale qui a été invoqué par Mme la rapporteure générale.
À cet égard, je rappelle que le taux de taxation des successions de plus de 1,8 million d’euros a été augmenté de 5 % dans le collectif du mois de juillet.
En revanche, la mesure présentée par Mme la rapporteure générale toucherait clairement la majorité des Français, d’autant qu’elle ne tient pas compte de la forte augmentation des prix de l’immobilier. Aujourd’hui, 50 000 euros ne représentent plus grand-chose sur le marché immobilier, que ce soit en province ou, a fortiori, en région parisienne. Avec un tel apport, il est impossible de financer une première acquisition. En revenant sur l’une des dispositions les plus populaires de la loi TEPA, on taxerait le patrimoine de la plupart des Français, ce qui serait extrêmement injuste.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je voudrais abonder dans le sens de M. de Montgolfier.
La mesure que l’on nous propose cible vraiment les classes moyennes urbaines.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En effet, 50 000 euros par part successorale, cela ne représente vraiment pas beaucoup de mètres carrés, même près des Buttes-Chaumont ! Abaisser ainsi le seuil d’imposition au titre des droits de succession serait une mesure assez violente ! Elle rapporterait chaque année de l’ordre de 2 milliards d’euros, prélevés sur les successions dont le montant est compris entre 50 000 et 153 000 euros par part… Mes chers collègues, que chacun prenne ses responsabilités !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Une telle disposition s’attaque aux familles, aux enfants qui perdent leurs parents ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Avec 50 000 euros, on peut à peine acheter trente mètres carrés en région parisienne, et encore à condition de ne pas viser les beaux quartiers, où le prix du mètre carré est plutôt de l’ordre de 7 000 ou de 8 000 euros ! Et on nous dit qu’on veut aider les jeunes à s’installer !
M. Albéric de Montgolfier. Et on nous parle d’équité fiscale !
Mme Catherine Procaccia. Que vous vouliez revoir le seuil d’imposition des successions, soit, mais l’abaisser au chiffre dérisoire de 50 000 euros ne fera qu’encourager la fraude, qui sera le seul moyen de transmettre quelque chose à ses enfants !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous exagérez !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je voudrais préciser certains ordres de grandeur…
En Seine-Saint-Denis, département où les prix ne sont pourtant pas parmi les plus élevés, il faut compter au moins 150 000 euros pour un appartement neuf de quarante mètres carrés. Dans l’ancien, les prix ne sont pas beaucoup plus bas, et les logements sont souvent dans un état très dégradé ! Avec 50 000 euros, on ne va donc pas loin…
Abaisser le seuil d’exonération à 50 000 euros par part successorale toucherait presque tout le monde. Il serait regrettable de prendre une telle décision. D’autres mesures de la loi TEPA ont pu paraître contestables et ont été contestées, mais celle-là doit absolument être maintenue !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J’avoue avoir du mal à comprendre pourquoi on veut absolument transformer ces 50 000 euros en mètres carrés ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Mais c’est d’abord de l’immobilier qu’on transmet à ses enfants !
Mme Marie-France Beaufils. On ne peut pas raisonner comme cela, ce n’est pas sérieux !
Mme Catherine Procaccia. Mais si !
Mme Marie-France Beaufils. Ce qui est proposé, c’est d’abaisser le seuil à 50 000 euros par part successorale, or il est rare qu’une succession ne concerne qu’une seule personne ! Dans l’objet de l’amendement, il est rappelé que le patrimoine médian des Français s’établit à 117 000 euros. Dès lors qu’il y a au moins deux enfants, un tel patrimoine restera exonéré. Alors cessez de nous faire pleurer !
M. Philippe Dallier. On ne veut pas vous faire pleurer !
Mme Marie-France Beaufils. Votre objectif est surtout de défendre des patrimoines beaucoup plus importants, mais vous n’avez pas le courage de le faire ouvertement !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il est normal que ce débat enflamme le Sénat,…
M. Philippe Dallier. N’exagérons rien !
Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas un grand incendie !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … car il met en évidence ce qui nous sépare et porte sur nos conceptions respectives de la société.
Mme Beaufils a rappelé à juste titre qu’il s’agissait de 50 000 euros par part successorale et que le patrimoine médian des Français s’élève à 117 000 euros. Dans la grande majorité des cas, un tel patrimoine restera exonéré si notre amendement est adopté. Avec deux enfants, un patrimoine d’un montant de 234 000 euros, aujourd’hui exonéré, sera taxé à 5,6 % au titre des droits de mutation à titre gratuit. Dans le même cas de figure, un patrimoine de 1 million d’euros sera taxé à hauteur de 16,6 %, contre 13,3 % aujourd’hui.
Par ailleurs, si vous avez le souci de défendre les familles, madame Procaccia, pour ma part j’ai aussi celui de protéger les conjoints survivants, qui sont le plus souvent des veuves : ils ne sont pas concernés par la mesure proposée par la commission.
Quant aux références immobilières que vous avez prises, je ferai observer que tout le monde n’habite pas le VIe ou le VIIe arrondissement de Paris !
M. Philippe Dallier. J’ai parlé de la Seine-Saint-Denis !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Chacun sait que ces arrondissements sont hors marché, même pour les Parisiens fortunés, car les prix sont poussés vers le haut par la demande internationale : on peut observer ce phénomène dans toutes les grandes capitales. Ainsi, la vente sur plans d’appartements situés rue de Sèvres a été close au bout de quarante-huit heures !
Mme Catherine Procaccia. Je ne vous parle pas de la rue de Sèvres ! Je n’habite pas Paris !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non, mais vous vous référez à des prix qui sont ceux de ces quartiers de Paris.
Sur le fond, hériter d’un appartement dont le prix est supérieur au seuil d’exonération n’est tout de même pas inintéressant : on peut percevoir un loyer si on le loue ou en économiser un si on l’occupe, on peut aussi vendre à bon prix. Bref, que vous le vouliez ou non, un tel héritage procure une capacité contributive, et il n’est pas indécent de vouloir le taxer selon un barème progressif.
Nous tenons à cet amendement, qui relève sans doute d’une certaine conception de la société.
Mme Catherine Procaccia. C’est clair !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour ma part, madame Procaccia, je crois à la responsabilité individuelle : doit-on forcément attendre d’être doté par ses parents ? Il me semble que l’on peut faire fructifier, par son travail, le capital public reçu, par exemple, de l’éducation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Albéric de Montgolfier. Vous devriez abaisser le seuil à zéro !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 3.
Mme Catherine Procaccia. Cela fait partie des mesures sur lesquelles nous pourrons communiquer… Les Français apprécieront !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ceux qui n’ont rien, oui !
Mme la présidente. L’amendement n° I-48, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 885 U du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 885 U. – L’impôt est calculé selon le tarif suivant :
«
FRACTION DE LA VALEUR NETTE TAXABLE DU PATRIMOINE |
TARIF applicable (%) |
N’excédant pas 800 000 € |
0 |
Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 310 000 € |
0,55 |
Supérieure à 1 310 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 € |
0,75 |
Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 4 040 000 € |
1 |
Supérieure à 4 040 000 € et inférieure ou égale à 7 710 000 € |
1,30 |
Supérieure à 7 710 000 € et inférieure ou égale à 16 790 000 € |
1,65 |
Supérieure à 16 790 000 € |
1,80 |
« Les limites des tranches du tarif prévu dans le tableau du présent article sont actualisées chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu et arrondies à la dizaine de milliers d’euros la plus proche. »
II. – Ces dispositions s´appliquent pour l´imposition du patrimoine au titre de l´année 2011.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Au mois de juillet dernier, le Gouvernement, dans le cadre de la réforme de la fiscalité du patrimoine, a procédé à une très sensible réduction du rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune, passant notamment par une réorganisation du tarif de cette contribution essentielle à la justice sociale et fiscale.
Cette mesure est en complet décalage avec la situation dramatique des comptes publics telle que nous la découvrons aujourd’hui.
Vous appelez à l’effort et à la rigueur, alors même que, cet été, rien ne semblait devoir s’opposer à l’opération à laquelle nous avons assisté : vous avez mis hors champ de l’impôt de solidarité sur la fortune plus de 300 000 contribuables qui y étaient jusqu’à présent assujettis. Ces personnes disposent d’un patrimoine compris entre 800 000 et 1,3 million d’euros, ce qui doit représenter de cinq à dix fois le patrimoine moyen des Français.
Il y a donc des Français dont le pouvoir d’achat aura été préservé cette année, et ce sans qu’ils aient eu à fournir d’effort particulier, sinon celui de solder cet automne, grâce au délai ouvert par la discussion de la réforme, un ISF minoré.
La situation des comptes publics est telle qu’il nous faut revenir, me semble-t-il, sur cette mesure dont le coût fiscal est particulièrement élevé, puisqu’il avoisine, selon les documents les plus officiels, 1,9 milliard d’euros ! Que les divorcés, et singulièrement les femmes divorcées, aient payé la facture de ce cadeau fiscal éhonté nous donne au moins une autre bonne raison de le faire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement visant à revenir sur la réforme de l’ISF intervenue au printemps dernier recueille lui aussi mon assentiment, mais, comme je l’ai dit ce matin en commission, je lui préfère l’amendement n° I-50, qui me paraît meilleur et plus large, sous réserve de le rectifier pour lui enlever toute portée rétroactive. À cette condition, je souhaiterais donc, madame Beaufils, que vous acceptiez de retirer l’amendement n° I-48 à son bénéfice.
Mme la présidente. L’amendement n° I-50 présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les III et IV de l’article 1er de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 sont abrogés.
Madame Beaufils, acceptez-vous de retirer l’amendement n° I-48 et de rectifier l’amendement n° I-50 dans le sens souhaité par Mme la rapporteure générale ?
Mme Marie-France Beaufils. Oui, madame la présidente.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Merci !
Mme la présidente. L’amendement n° I-48 est retiré.
Je suis donc saisie d’un amendement n° I-50 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1er de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 est abrogé.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour le présenter.
Mme Marie-France Beaufils. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement, qui tend, conformément à la volonté de la commission, à abroger la réforme de l’ISF, est à la fois clair, simple et lisible. L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je tiens à dire, au nom de mes collègues socialistes, que nous approuvons pleinement cette initiative. Notre pays ne peut se permettre, compte tenu de la situation de nos comptes publics, de perdre de 1,6 milliard à 1,9 milliard d’euros.
Il s’agit en outre d’une mesure particulièrement juste, car elle permettra de faire participer un certain nombre de nos concitoyens qui en ont les moyens au redressement des comptes publics.
On nous oppose souvent que des fortunes risquent de fuir à l’étranger. Or cet argument n’est pas fondé, car l’assiette de l’ISF est constituée pour l’essentiel de biens immobiliers situés en France, qui ne sont pas délocalisables. Son évolution résulte d’ailleurs d’un enrichissement sans cause, pour reprendre une formule de François Mitterrand, puisque les possesseurs de ces biens n’ont le plus souvent rien fait pour que leur valeur augmente.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il ne me semble pas très heureux d’invoquer François Mitterrand à cet instant, madame Lienemann, car il y aurait beaucoup à dire sur son rapport à l’argent… (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Richard Yung. Pourquoi ? Vous pouvez développer ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ça dérape !
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’ai eu vingt ans à l’époque de son second mandat, et ce que je voyais ne me donnait pas envie de voter à gauche, je vous l’assure ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Marc Todeschini. Nous pourrions parler du rapport à l’argent d’un autre président…
Mme Valérie Pécresse, ministre. L’impôt de solidarité sur la fortune, madame Lienemann, n’a pas été supprimé par le Gouvernement. Comme vous le savez, nous en avons relevé le seuil afin de tenir compte de la hausse des prix de l’immobilier, qui entraînait l’assujettissement à l’ISF de personnes non pas fortunées, mais simplement propriétaires, en Île-de-France ou dans une ville touristique, d’un appartement ou d’une maison.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Des biens d’une valeur de plus de 1 million d’euros !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne peux vous laisser dire des contre-vérités. Cette réforme est totalement équilibrée, puisque ce sont les titulaires des plus hauts patrimoines qui paieront pour la suppression de la première tranche de l’ISF.
M. Jean-Marc Todeschini. Quand ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. À partir de cette année ! (Non ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas du tout !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous savez bien qu’il y a un décalage de trésorerie ! Nous avons évoqué ce sujet avec Mme Bricq à propos de la réforme de la fiscalité des dividendes qu’elle a proposée. Ce décalage est lié au fait que le bouclier fiscal, qui est fonction de l’impôt de l’année dernière, doit encore jouer cette année : on ne peut pas changer les règles du jeu en cours de route !
M. Jean-Marc Todeschini. Ce sont toujours les mêmes qui en profitent !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela représente 2 milliards pour les riches !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne doute pas que vous aimeriez le supprimer d’un trait de plume, quitte à faire fi des engagements pris par l’État à l’égard des contribuables !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Depuis que je suis parlementaire, je dépose chaque année, au cours de la discussion budgétaire, quatre amendements, dont l’un, radical, tendant à supprimer l’ISF.
Je ne l’ai pas fait cette année, me doutant que la discussion budgétaire serait suffisamment perturbée sans cela par un certain nombre d’initiatives et que le texte du projet de loi de finances issu des travaux du Sénat serait probablement modifié par l’Assemblée nationale.
Néanmoins, il n’est plus à démontrer que l’ISF n’est pas un impôt pertinent. Nombre de gouvernements de tendance socialiste ou social-démocrate, en Europe, ont d’ailleurs supprimé cette taxe ridicule. La France est l’un des derniers pays à la maintenir.
Contrairement à ce que vous affirmez, madame Lienemann, nombre de nos compatriotes redevables de l’ISF, notamment des entrepreneurs, ont quitté la France et résident désormais dans d’autres pays européens. L’assiette de l’ISF n’est pas seulement constituée de biens immobiliers.
Je regrette finalement de ne pas avoir déposé, cette année encore, d’amendement visant à supprimer l’ISF…
M. Jean-Marc Todeschini. Ça nous manque !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’ose pas…
M. Philippe Dominati. Il va de soi que je ne voterai pas l’amendement n° I-50 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Monsieur Dominati, les gouvernements socialistes qui avaient supprimé l’impôt sur la fortune l’ont rétabli ensuite. Dans un contexte de crise, il faut savoir faire appel à la solidarité de ceux qui peuvent contribuer davantage.
Madame la ministre, la France saigne et sa situation budgétaire est épouvantable. Or vous privez le budget national de 1,9 milliard de recettes : comment pouvez-vous justifier cela ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par un tour de passe-passe !
M. François Marc. En tant que ministre du budget, vous avez la responsabilité d’équilibrer les comptes ! Il n’est pas acceptable de relever le seuil de l’ISF, c’est pourquoi nous devons revenir au dispositif qui était en vigueur avant le mois de juin dernier, comme nous le proposent les auteurs de l’amendement n° I-50 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Marc, vous reconnaissez – je le note avec satisfaction – que la perte de trésorerie liée à la réforme de l’ISF ne jouera que pour l’année 2012,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais c’est une année très importante !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … et non pour les dix années à venir, comme l’a affirmé Mme Lienemann !
Cela signifie que, à partir de 2013, cette perte de trésorerie sera entièrement compensée. (M. François Marc manifeste son désaccord.)
M. Jean-Marc Todeschini. Mais non !
Mme Valérie Pécresse, ministre. En outre, les foyers les plus aisés devront supporter 1,9 milliard d’euros de prélèvements supplémentaires en 2012 : la hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine représentera un surcroît de recettes de 700 millions d’euros, versés par les 5 % de foyers les plus aisés ; le relèvement du taux marginal de l’impôt sur le revenu à 41 % produira 230 millions d’euros ; l’augmentation de 18 % à 19 % du taux du prélèvement forfaitaire libératoire devait rapporter 265 millions d’euros, mais puisque ce taux sera finalement porté à 24 %, la recette supplémentaire sera de 600 millions d’euros ; la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus sera acquittée par 5 000 foyers fiscaux, pour un montant de 400 millions d’euros ; la réforme des plus-values immobilières, avec un doublement de la période de détention nécessaire à leur exonération, portée à trente ans, rapportera 310 millions d’euros pour les plus-values immobilières supérieures à 250 000 euros, qui représentent 15 % de l’ensemble…
Au total, je le répète, le Gouvernement demandera aux ménages les plus aisés de verser 2,2 milliards d’euros d’impôts supplémentaires en 2012. Cette somme fait largement plus que compenser la perte de trésorerie que vous évoquez !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces mesures compensent les cadeaux offerts aux plus riches ! L’opération est donc nulle !
M. Jean-Marc Todeschini. Et on prend une journée de salaire de plus à celui qui tombe malade !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, les mesures que vous avez énumérées ne feront que compenser le cadeau que vous avait consenti aux contribuables les plus aisés en relevant le seuil de l’ISF ! Dans ces conditions, il s’agira d’une opération blanche !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Exact !
M. Jean-Marc Todeschini. Oui, avant les élections !
Mme Marie-France Beaufils. Au total, si l’on dresse le bilan pour les années 2011 et 2012, c’est aux foyers les plus modestes qu’un effort supplémentaire sera demandé pour payer la facture de la crise !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Voilà !
Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, cessez de vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes !
Lorsque j’ai souhaité étudier le profil et la situation patrimoniale des bénéficiaires du bouclier fiscal, notamment en matière d’immobilier, je n’ai jamais pu obtenir de réponse des services de l’État. Il aurait pourtant été intéressant de pouvoir mener une enquête approfondie sur ce sujet. Mais si de tels renseignements nous ont été refusés, c’est sans doute qu’ils auraient conforté nos analyses…
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je souhaite réaffirmer mon attachement à la loi de finances rectificative de juillet dernier.
En effet, ce texte a procédé à un aménagement raisonnable du dispositif de l’ISF, en prenant en considération non seulement le cas des classes moyennes piégées par l’envolée des cours de l’immobilier, mais aussi celui des contribuables ne disposant pas de revenus suffisants pour acquitter l’impôt annuel sur le patrimoine – lequel doit être ajouté, rappelons-le, aux taxes foncières.
Par ailleurs, cette réforme a permis de mettre en cohérence le barème de l’ISF et les taux de rendement des actifs financiers. Elle a été menée par François Baroin dans un souci d’équilibre et d’équité, et je me félicite d’y avoir pris part !
Il me semblerait donc tout à fait dommageable de revenir si précocement sur ce dispositif : l’impression d’instabilité qui en résulterait serait préjudiciable à notre pays, car il ne faudrait tout de même pas oublier que des comparaisons sont établies à l’échelon européen !
Je n’en dirai pas davantage, mais les raisons qui m’ont conduit à prendre une part active à l’élaboration de cette réforme, puis à la défendre devant le Sénat, me semblent demeurer parfaitement valides. Par conséquent, je voterai contre l’amendement n° I-50 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mme la ministre a posé des additions pour nous démontrer que le Gouvernement s’attaquait aux couches les plus aisées de la population. Le total de 2,2 milliards d’euros auquel elle a abouti ne me semble toutefois constituer qu’un bien modeste rattrapage par rapport aux nombreux avantages qui ont été accordés aux plus riches depuis une petite dizaine d’années !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Non ! Il y a aussi la fiscalité des stock-options ! Je n’ai pas tout additionné…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour ma part, je pourrais effectuer d’autres calculs, en additionnant la taxe sur les mutuelles,…
M. Jean-Pierre Caffet. Hélas !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … qui pénalise tous les Français, particulièrement les plus modestes d’entre eux, au gel du barème de l’impôt sur le revenu, qui touchera notamment les contribuables relevant des premières tranches du barème : on atteint aisément la somme de 2,2 milliards d’euros !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela étant, nous ferons le bilan, en matière de répartition de l’effort fiscal, au terme de nos débats.
Pour l’heure, revenons-en au sujet qui nous occupe, à savoir l’ISF. Madame la ministre, vous avez affirmé que son allégement de 1,9 milliard d’euros serait compensé, mais il a été démontré, notamment par M. Carrez, le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, que cette compensation n’était pas au rendez-vous. En effet, elle est assise sur les droits de partage et sur la lutte contre l’évasion fiscale, or ces mesures ne sont pas pérennes. Si l’on en fait abstraction, il apparaît que l’impasse budgétaire due à la réforme de l’ISF s’élèvera à 441 millions d’euros en 2011, à 629 millions d’euros en 2012 et à 695 millions d’euros en 2013, la décrue ne s’amorçant qu’en 2014 !
Cette situation n’est guère réjouissante pour le gouvernement qui sera formé au lendemain des élections de 2012 ! L’année 2013 sera particulièrement difficile, étant donné l’engagement qui a été pris de ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB à cette échéance.
M. Richard Yung. Parfaitement !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Le gouvernement qui sera alors en place, quel qu’il soit, devra assumer l’impasse que j’évoquais. Ce n’est pas là une bonne manière faite à vos successeurs, madame la ministre !
Permettez donc que nous revenions sur le relèvement du seuil de l’ISF que vous avez décidé et qui constitue bien plus qu’un simple allégement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore un cadeau pour les plus riches !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour notre part, nous pensons aux années à venir.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
L'amendement n° I-70, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du dernier alinéa de l’article 885 A du code général des impôts, sont insérés les mots : « Dans la limite de deux millions d’euros, ».
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. La recherche de la justice fiscale et celle de l’efficacité économique de l’impôt constituent les deux principaux axes de notre démarche.
Or, dans les faits, l’ISF est aujourd’hui insuffisant pour répondre à ces deux exigences.
L’assiette de cet impôt est largement tronquée, puisque nombre de biens parfaitement représentatifs de la réalité des patrimoines les plus importants sont exonérés ou pris en compte très en deçà de leur valeur. Quant à son taux, il est devenu quasiment symbolique depuis l’adoption de la loi de finances rectificative de juillet dernier, époque à laquelle, chose étrange, l’État semblait disposer encore de moyens suffisants pour alléger sensiblement la fiscalité du patrimoine !
Cet amendement a donc pour objet de revenir au principe de réalité, en faisant en sorte que la justice la plus élémentaire s’applique entre les contribuables.
Nous n’avons jamais jugé normal – j’insiste sur ce point – que les biens professionnels se trouvent exclus de l’assiette de l’ISF, d’autant qu’il ne s’agit bien souvent que de titres et de parts de sociétés, patrimoine dont la matérialité se résume à celle de morceaux de papiers imprimés…
Ainsi persiste dans notre fiscalité un traitement différencié des titres, à nos yeux injustifié : exonération de droits pour les biens professionnels ; exonération possible en cas de participation à un pacte d’actionnaires qui, en règle générale, n’entraîne d’ailleurs aucune conséquence en termes d’implication desdits actionnaires dans la vie quotidienne de l’entreprise concernée ; exonération impossible pour les titres détenus par des actionnaires minoritaires n’étant pas liés par un tel pacte.
Notre démarche est simple : rendons imposables les biens professionnels au-delà du seuil de 2 millions d’euros, afin de rétablir l’égalité de traitement entre les actionnaires. Mettons ainsi un terme à une situation qui constitue une inégalité de traitement entre contribuables et entraîne une perte de recettes non négligeable pour les finances publiques !
J’ajoute que notre proposition reste relativement mesurée, eu égard au taux actuel de l’ISF, et même au taux moyen d’imposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur Foucaud, vous abordez un sujet ô combien délicat : celui de l’assiette de l’ISF ! Vous proposez d’y intégrer les biens professionnels, comme vous le ferez d’ailleurs également, de manière plus radicale, au travers de l’amendement n° I-46 rectifié.
Lorsque l’ISF a été créé, à la fin des années quatre-vingt, un tel débat sur la prise en compte des biens professionnels s’était déjà tenu. Si l’on élargit l’assiette, il faudra modifier le barème, sauf à encourir un risque réel, pour le coup, d’évasion de capitaux – productifs en l’occurrence.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cette question a été abordée lors de la table ronde sur la fiscalité du patrimoine, à laquelle ont pris part des spécialistes de la question de tous horizons. La définition de l’assiette de l’ISF est un vrai sujet, qui mérite une réflexion approfondie. Je doute que nous puissions la mener à bien aujourd’hui, c’est pourquoi je vous prie, monsieur Foucaud, de bien vouloir retirer l’amendement n° I-70.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Taxer à hauteur de 0,5 % les biens professionnels au-delà de 2 millions d’euros ne représente pas une charge insupportable, madame la rapporteure générale. Un taux de 1,8 % resterait même tout à fait raisonnable, au regard du rendement des opérations que l’on peut mener sur le capital, notamment en matière de cessions partielles ou de récupération des dividendes, dès lors qu’une part importante du patrimoine est constituée de titres de sociétés non cotées.
Il y va là encore de l’égalité de traitement entre redevables de l’ISF. Nous sommes ouverts à la discussion, mais, pour le principe, nous maintenons l’amendement n° I-70.
Mme la présidente. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Nous venons de vivre un moment très intéressant : l’échange que viennent d’avoir Mme la rapporteure générale et M. Foucaud me paraît anticiper les problèmes auxquels serait confronté un éventuel gouvernement de gauche…
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Sans invoquer à mon tour les mânes du président Mitterrand, je voudrais tout de même rappeler que le présent amendement porte atteinte à l’un des principes de base de l’impôt sur le patrimoine dans notre pays, à savoir l’exclusion de son assiette des biens professionnels. Il s’agit d’éviter l’hémorragie des capitaux… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Todeschini. On voit ce que cela donne !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ces sujets ont été étudiés par nos prédécesseurs, qui ont été placés devant leurs responsabilités : je crois sincèrement que vous auriez tort de mépriser leur travail !
On peut considérer que l’ISF est un mauvais impôt, mais il l’eût été encore bien plus, du point de vue du maintien du tissu économique et de celui de la détention du capital des entreprises, si les biens professionnels avaient été inclus dans son champ ! La question de l’évaluation de ceux-ci se serait évidemment posée pour les entreprises non cotées sur un marché, qui forment l’écrasante majorité.
On peut certes se faire plaisir en déposant des amendements, surtout lorsque l’on sait qu’ils ne deviendront pas des textes normatifs, mais il est des sujets, me semble-t-il, que l’on ne doit toucher qu’avec beaucoup de précautions, d’une main tremblante, car ils intéressent la compétitivité de notre économie et la confiance des investisseurs.
Notre attitude face à de tels amendements, fussent-ils putatifs, revêt une importance particulière. À cet égard, sachant les contraintes auxquelles elle est confrontée, je dois dire que j’ai apprécié les réponses formulées par Mme la rapporteure générale !
M. Jean-Marc Todeschini. Les compliments sont durs…
M. Jean-Pierre Caffet. Timeo Danaos et dona ferentes !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Alors qu’ils supportent l’ISF tant qu’ils sont en activité, nombre de chefs d’entreprise quittent notre territoire au moment de la retraite, les biens professionnels étant alors réintégrés dans leur patrimoine. Tous les fiscalistes vous le diront !
M. Roger Karoutchi. Ils vont en Belgique !
M. Philippe Dominati. C’est un autre aspect pervers de cet impôt imbécile.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. La situation a changé depuis l’époque de la création de l’ISF. Il nous semble important d’en discuter, y compris au sein de la gauche, monsieur Gaillard. Cela me paraît très sain, républicain et démocratique.
Mme la présidente. L'amendement n° I-46 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 885 I bis, 885 I ter et 885 I quater du code général des impôts sont abrogés.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Je signale aux nostalgiques de François Mitterrand qui siègent sur les travées de droite de notre hémicycle que trente années se sont écoulées depuis 1981…
Le présent amendement tend à supprimer certaines dispositions correctrices de l’ISF qui, selon nous, nuisent à sa bonne répartition entre les contribuables.
Est d’abord visée la disposition permettant aux membres de pactes d’actionnaires, qui constituent le « noyau dur » de l’actionnariat d’une entreprise, de diminuer leur contribution à l’ISF à proportion de leur participation. Cette exonération des intérêts minoritaires, instaurée par la loi pour l’initiative économique, dite « loi Dutreïl », n’a pas rencontré un grand succès, malgré les assurances contraires qui figuraient, à l’époque, dans le rapport sur le fondement duquel elle avait été élaborée.
À en croire l’évaluation des voies et moyens associée au projet de loi de finances, 12 700 ménages recourraient à ce dispositif en 2012, pour une dépense fiscale globale de 63 millions d’euros. Ce coût a d’ailleurs été revu à la baisse depuis le mois de juillet, compte tenu de la manière dont vous avez réformé l’ISF !
S’agissant du dispositif de l’article 885 I quater du code général des impôts, son coût serait de 40 millions d’euros pour 11 700 ménages déclarants ; lui aussi est en baisse du fait des mesures adoptées cet été.
Cela signifie qu’un peu plus de 3 % des redevables de l’ISF seulement font jouer ces dispositifs pourtant déjà relativement anciens, de fait peu utilisés.
Le pacte d’actionnaires concerne au premier chef des actionnaires minoritaires et non impliqués dans la gestion courante de l’entreprise : il s’agit d’abord d’une technique d’optimisation fiscale pour celles et ceux dont le rapport avec l’entreprise se limite à la perception de dividendes. Elle est fort utile aux riches dynasties industrielles que notre pays compte encore.
Mme Nathalie Goulet. De moins en moins…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Depuis son examen par la commission ce matin, le présent amendement a été rectifié. Il visait initialement l’exonération à 75 % des parts de sociétés dont le contribuable est salarié ou mandataire social.
La rectification intervenue, qui n’est pas que rédactionnelle, aboutit à augmenter le rendement de la mesure en visant d’autres exonérations. La commission ne s’étant pas prononcée sur cette nouvelle version, je laisse toute latitude au Sénat pour se déterminer… J’indique toutefois que les montants en cause semblent raisonnables.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cet amendement porte atteinte au régime dit « Dutreil » des pactes d’actionnaires, permettant, en particulier, à des personnes physiques qui n’appartiennent pas à l’équipe dirigeante de l’entreprise de bénéficier d’un régime leur évitant d’avoir à payer chaque année l’impôt sur le patrimoine alors qu’elles ne disposent pas nécessairement des revenus correspondants, notamment de dividendes, liés à la détention des parts sociales ou des actions dont il s’agit. Je souligne ce point à toutes fins utiles.
Le maintien de ce régime contribue à la stabilisation du capital des entreprises, évite des prises de contrôle qui peuvent être à l’origine de restructurations, et donc éventuellement de pertes d’emplois. Il est de nature à sécuriser le capital de bon nombre d’entreprises moyennes ou intermédiaires.
À mon sens, l’amendement que nous examinons présente un danger tout à fait sérieux !
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Il serait très intéressant de procéder à l’évaluation économique et sociale du dispositif de la loi Dutreil, qui, selon nous, est inefficace. Est-il pertinent au regard du nombre d’emplois réellement créés dans les entreprises concernées et des performances économiques, ainsi que de la préservation du cadre de vie et de l’environnement ?
Bien évidemment, je souscris aux propos qui ont été tenus par Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
L'amendement n° I-166, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 885-0 V bis du code général des impôts est abrogé.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Inventé par la loi TEPA, le dispositif ISF-PME n’a jamais rencontré le succès que ses promoteurs pouvaient en attendre.
On peut comprendre leur préoccupation de départ. Il s’agissait de permettre aux petites et moyennes entreprises de disposer de fonds propres versés par de généreux donateurs sous forme de souscription de parts, d’actions, de titres, etc. Nous partageons nous aussi ce souci d’assurer le financement des PME.
Cependant, très vite, la question de la pertinence et de la consistance de la mesure s’est posée. En effet, étant donné le taux d’abattement particulièrement élevé – 100 euros souscrits ouvrant droit à 75 euros de réduction sur l’ISF, le dispositif est encore plus généreux que celui auquel a fait allusion Jean Louis Masson –, cette mesure est plus proche de la niche fiscale très confortable que de l’incitation au financement des entreprises et au réinvestissement de l’épargne des ménages dans l’économie.
Cette mesure a rapidement montré ses limites et sa nature : elle coûte fort cher – et de plus en plus cher ! – pour un montant relativement faible de fonds levés. Nous avions d’ailleurs dénoncé le coût exorbitant qu’elle représente pour les finances publiques – plus de 700 millions d’euros – au regard des faibles sommes mises en jeu – tout au plus 1,2 milliard à 1,3 milliard d’euros. À titre de comparaison, gardons en tête que les banques implantées en France gèrent un encours de crédits de près de 1 900 milliards d’euros…
Comme on pouvait le craindre dès l’origine, la volonté d’optimisation fiscale de cette niche a bien souvent pris le pas sur toute autre considération, notamment l’éventuel intérêt pour la gestion des PME ainsi financées. Nombre de contribuables sollicitant le dispositif ISF-PME n’ont versé que la somme nécessaire pour ne pas payer l’ISF, ajustant leur concours aux PME en fonction de cette contribution. La baisse du montant de la réduction d’impôt prévisible pour 2012 illustre d’ailleurs cette situation. Si les contribuables de l’ISF ont moins à payer au titre de cet impôt, ils adapteront leur versement.
Nicole Bricq a évoqué la possibilité de réfléchir à un autre type de « véhicule » pour financer les PME. J’estime que c’est dans cette direction qu’il nous faudrait aller. Je vous propose donc, mes chers collègues, de supprimer un dispositif coûteux, aux objectifs dévoyés, afin que nous puissions travailler efficacement à la recherche d’autres sources de financement pour les PME, et plus particulièrement pour les très petites entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Le dispositif ISF-PME est une grosse niche, qui coûterait 750 millions d'euros en cas de rétablissement de l’ancien barème.
Je me dois de dire, par honnêteté, que le taux n’est plus de 75 %.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En effet, le Gouvernement s’est rendu compte que cette niche galopait allègrement, si j’ose dire, et a donc apporté son soutien à un amendement, présenté par Gilles Carrez à l’Assemblée nationale, qui prévoyait une réduction de l’avantage à 50 % des versements effectués.
En outre, des dispositifs « anti-abus » ont été mis en place. Il faut dire que les publicités avaient fleuri sur internet et dans certaines publications – nous en avions même apporté un florilège dans cet hémicycle – expliquant comment bénéficier de cette niche pour acquérir des caves à vin, partir en vacances ou acheter des appartements en Floride.
Madame Beaufils, vous posez aujourd'hui la question du maintien de cette niche ; il y a là un vrai sujet. Toutefois, le problème est que je ne dispose d’aucune évaluation des effets de cette dépense fiscale. Il est très difficile de savoir si celle-ci est efficace, si elle a atteint son objectif. Lorsque nous avons débattu de ce dispositif, en juillet 2007, Christine Lagarde, alors ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, nous avait expliqué que celui-ci permettrait d’accroître la compétitivité des PME.
Le comité Guillaume, qui a accompli un travail important et utile – certes de nature administrative –, dont nous pouvons nous inspirer, puisqu’il apporte des références qui nous manquaient auparavant, n’a pas pu procéder à une évaluation, faute de données exploitables. Il est tout de même ennuyeux qu’on ne puisse pas évaluer une niche qui existe depuis maintenant quatre ans. M. Marini recommande d’ailleurs depuis longtemps des niches à durée déterminée, des NDD.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela étant, on peut supposer que le dispositif profite quand même à certaines PME, même si je ne connais pas leur nombre. Mais n’oublions pas non plus qu’il a aussi été instauré pour permettre à certains de ne pas payer l’ISF. Quoi qu’il en soit, peut-être a-t-il une utilité ; nous ne le savons pas. Qui plus est, une suppression brutale – et elle le serait forcément – risquerait de déstabiliser certains secteurs économiques.
C'est pourquoi, en commission, j’avais sollicité le retrait de cet amendement ; je maintiens cette demande.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je salue la volonté de Mme la rapporteure générale de supprimer des niches fiscales. J’aimerais qu’elle fasse preuve de la même ferveur lorsqu’il s’agit de supprimer une niche concernant les mutuelles et les contrats « solidaires et responsables », qui représentent plus de 90 % des contrats. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce n’est pas une niche !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Si, madame la rapporteure générale ! Il s'agit d’une exonération fiscale, c'est donc une niche.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. Vous taxez les malades !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons supprimé l’exonération fiscale, et non taxé les malades, contrairement à ce que vous essayez de faire croire.
M. Jean-Marc Todeschini. Vous empêchez les malades de se soigner !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est scandaleux !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Non, je le répète, nous ne taxons pas les malades : nous n’augmentons ni le ticket modérateur ni aucune franchise, nous ne déremboursons pas les médicaments. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Jean-Pierre Caffet. Revenons au sujet !
Mme Valérie Pécresse, ministre. S'agissant du dispositif ISF-PME, en 2010, 1,4 milliard d'euros a été investi dans les PME, pour un coût de 700 millions d'euros environ, soit 50 % des sommes investies.
À nos yeux, ce dispositif a atteint son objectif. Il est devenu indispensable au financement en fonds propres de nos PME, a fortiori dans le contexte actuel de raréfaction du crédit bancaire.
Vous l’avez dit, le recentrage du dispositif était nécessaire : un abattement de 75 %, c’était trop. Un taux de 50 % me paraît être satisfaisant.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela coûte cher !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous l’accorde, mais on ne peut à la fois déplorer depuis des années que les Français n’investissent pas assez dans les PME, préférant placer leur épargne sous forme d’assurance vie ou de livret A – des produits sans risque, donc –, et critiquer un dispositif qui les a rendus actionnaires, entrepreneurs.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On n’en sait rien !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais si, 1,4 milliard d'euros a été investi en 2010 !
Ces investissements auraient-ils été réalisés sans cette défiscalisation ? Nous savons bien que les Français n’investissent pas dans les PME et qu’il existe un véritable problème d’actionnariat dans notre pays.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous ne parlez pas du rôle des intermédiaires !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Demandez au monde de l’entreprise s’il considère que ce dispositif a été bénéfique ou non !
Pour ma part, j’estime que cette niche a été extrêmement efficace, à l’instar de celles que nous avons créées pour favoriser le mécénat et les dons aux associations humanitaires. Le Gouvernement était défavorable à la suppression de ces niches ; il l’est tout autant à la suppression du dispositif ISF-PME, à plus forte raison dans le contexte actuel.
M. Robert del Picchia. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je voudrais rappeler que, à une époque où je n’espérais pas la suppression de l’ISF, c'est-à-dire pendant la campagne présidentielle de 2007, j’ai fait partie de ceux qui ont lancé l’idée d’un abattement sur l’ISF, dans la limite d’un plafond de 50 000 euros, pour les contribuables qui investissent dans le capital des PME. Je continue à penser que cet « impôt choisi » était une heureuse initiative.
Madame la ministre, vous citez la somme de 1,4 milliard d’euros. Toutefois, il nous serait utile de savoir le montant réellement investi, et ce sur plusieurs années, en fonds propres des entreprises. Il existe en effet de nombreuses structures intermédiaires.
Au Sénat, nous nous sommes efforcés plusieurs années de suite de bien calibrer ce régime d’exonération et d’éviter une trop grande mutualisation des risques entre des souscripteurs trop nombreux. C’est pour cette raison que nous avons voulu limiter le nombre d’associés dans les structures de holding.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est vrai !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il serait donc utile que vous répondiez à la demande de notre rapporteure générale, dont je pense pouvoir dire qu’elle est celle de l’ensemble de la commission : nous souhaitons disposer d’un historique aussi précis que possible non seulement des versements des contribuables, mais aussi des investissements et de leur devenir. Il est sans doute possible de trouver de bons indicateurs, qui nous permettront de connaître la réalité. Je pense que cela dépassionnerait, s’il en était besoin, cette partie du débat sur l’ISF.
Je tiens également à souligner que le montant des souscriptions dans le cadre du dispositif ISF-PME, dont vous avez indiqué qu’il avait été de 1,4 milliard d'euros en 2010, avait été initialement évalué à 900 millions d'euros ou 1 milliard d'euros. Il y a donc eu une amplification importante, alors même que nous sommes dans une période de raréfaction des fonds propres compte tenu des difficultés de plus en plus grandes que rencontrent les investisseurs institutionnels pour entrer au capital d’entreprises, en particulier d’entreprises moyennes ou de taille intermédiaire. C'est pourquoi les informations que vous nous communiquerez seront extrêmement précieuses.
Dans l’immédiat, il me semble préférable que l’amendement déposé par le groupe CRC puisse être retiré.
Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
M. Albéric de Montgolfier. M. le président de la commission vient de rappeler le contexte actuel, caractérisé par les difficultés que rencontrent les PME pour accéder au crédit et constituer des fonds propres. Dans ces conditions, il serait totalement suicidaire de supprimer l’exonération ISF-PME, qui a été – il faut le rappeler – améliorée par le dispositif « anti-abus », qui a mis fin aux situations les plus contestables.
Il n’en reste pas moins qu’un effort de transparence doit être fourni, s'agissant tant des investissements éligibles que des frais perçus par les intermédiaires. Il me semble qu’un décret a limité ces frais, mais le dispositif demeure imparfait.
L’argent doit aller aux PME, et non nourrir des intermédiaires.
M. Albéric de Montgolfier. Je le répète, c’est un bon dispositif, à condition que ce soit vraiment les PME qui en profitent.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Après les brillantes explications du président de la commission des finances, dont nous sommes coutumiers, j’ajoute qu’il serait intéressant que nous ayons connaissance du suivi des investissements et de la ventilation par secteur d’activité.
En effet, la somme globale de 1,4 milliard d'euros ne nous donne pas une image exacte des investissements. Nous pourrions ainsi déterminer quels sont les secteurs les plus attractifs pour ce crédit d’impôt.
Mme la présidente. Madame Beaufils, l’amendement n° I-166 est-il maintenu ?
Mme Marie-France Beaufils. Je maintiens mon amendement, non parce que je suis insensible à la nécessité d’une investigation, mais parce qu’il est difficile d’obtenir des réponses. Nous connaissons les chiffres, mais nous ne savons pas à quoi l’argent a servi. C’est d'ailleurs souvent le cas.
M. le président de la commission des finances nous dit que le type d’aide au financement des petites et moyennes entreprises qu’il a proposé était un « impôt choisi ». Dans les faits, je constate qu’il s’agit plutôt d’une optimisation fiscale que d’un outil au service des petites et moyennes entreprises. Les intermédiaires ne s’y sont d’ailleurs pas trompés.
Je déplore depuis de nombreuses années que notre système bancaire n’ait jamais véritablement été obligé de participer au financement des PME. Dernièrement, lorsque les banques ont été aidées par le Gouvernement, il a fallu prévoir des systèmes d’accompagnement pour soutenir les PME. Les banques n’ont jamais été sollicitées directement.
On le constate sur le terrain, les conseillers bancaires offrent rarement des solutions adaptées aux besoins des petites et moyennes entreprises : par exemple, ils proposent des découverts là où il faudrait des prêts de trésorerie. J’ai moi-même été souvent confrontée à cette situation, que je trouve particulièrement néfaste. Cela montre que notre système bancaire ne contribue pas au maintien d’un tissu de PME, dont on s’étonne qu’il soit moins dense qu’en Allemagne.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’entends la demande de clarification sur l’ensemble des travées concernant l’utilisation des fonds issus de la défiscalisation ISF-PME. Mes services vont étudier la question, et je vous transmettrai les informations.
L’administration et l’État n’ont rien à cacher. Nous voulons que cet argent profite aux PME et certainement pas à des intermédiaires qui ne réinvestiraient pas. Nous allons vous donner la preuve que ce dispositif fonctionne !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Merci, madame la ministre !
Mme Catherine Procaccia. Les socialistes ne suivent pas la rapporteure générale : ils n’ont pas voté !
M. Philippe Dominati. Heureusement que nous sommes là ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-52, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la fin de la première phrase du premier alinéa du I de l’article 990 I du code général des impôts, le montant : « 152 500 euros » est remplacé par le montant : « 50 000 euros ».
II. – Le I ci-dessus est applicable aux contrats conclus à compter de la promulgation de la loi n° … du … de finances pour 2012.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Nous devons informer madame Procaccia que Mme la rapporteure générale n’est pas la responsable du groupe socialiste ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Nous souhaitons modifier le régime des droits de succession en cas de transmission d’un patrimoine sous forme de contrat d’assurance vie capitalisé.
Je voudrais rappeler ce que pointait un député UMP, Olivier Carré, lors des débats budgétaires du printemps dernier : « La fiscalité de l’assurance-vie permet au souscripteur de transférer un patrimoine en franchise de droits, et cela sans limitation de montant, d’une part au profit de son conjoint survivant […], d’autre part au profit par exemple de ses enfants, en recourant au démembrement de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie.
« En effet, seul le bénéficiaire en usufruit est actuellement redevable du prélèvement spécial de 20 % prévu [dans le] code général des impôts lorsqu’il est le bénéficiaire exclusif du capital décès. Or, lorsqu’il s’agit du conjoint survivant ou du partenaire lié au défunt par un PACS, l’usufruitier est exonéré de ce prélèvement, d’une part et, d’autre part, au décès de l’usufruitier, les nus-propriétaires reçoivent leur créance en franchise de droits.
« Afin de supprimer cette faculté d’optimisation fiscale, il est proposé que la taxation au prélèvement de 20 % des sommes, rentes ou valeurs versées au décès de l’assuré soit répartie entre le nu-propriétaire et l’usufruitier en faisant application du barème d’évaluation de l’usufruit et de la nue-propriété […]. L’abattement de 152 500 euros par bénéficiaire au-delà duquel le prélèvement est applicable serait réparti selon les mêmes modalités.
« Le bénéficiaire demeurerait exonéré pour la part lui revenant, lorsqu’il s’agit du conjoint survivant ou du partenaire du défunt. »
Or cet abattement nous semble quelque peu excessif, notamment au regard des règles propres au tarif des droits d’enregistrement. C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, de prolonger la réforme entreprise, en vous invitant à le réduire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La commission a demandé le retrait de cet amendement. Je ne peux pas dire que je n’ai pas de sympathie pour ce dispositif, puisqu’il s’agit du volet décès de l’assurance vie et donc de l’héritage, qui est toujours un facteur d’inégalités sociales, mais, dans la période troublée que traversent les Français, je me demande s’il est vraiment opportun de s’attaquer à leur placement préféré.
Je voudrais vous citer quelques chiffres : les trois quarts des détenteurs d’assurance sur la vie sont des retraités pour 28 %, des ouvriers pour 12 %, des employés pour 16 % et des commerçants pour 8 %. Les deux tiers des ménages détenteurs gagnent moins de 3 000 euros par mois. Parviennent-ils à doter leurs contrats de plus de 50 000 euros ? Je l’ignore.
Il convient aussi de tenir compte du mouvement de décollecte de l’assurance vie, qui est un support de l’épargne longue. En outre, nous avons besoin de ces investissements en obligations d’État et d’entreprise à au moment où les banques sont en train de vendre massivement les bons du Trésor, ce qui n’est guère patriotique.
Je le répète, je ne suis pas sûre qu’il soit aujourd'hui opportun de prendre une telle mesure concernant l’assurance décès.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est cohérent : il a souhaité maintenir l’abattement de 150 000 euros pour les successions ; de la même façon, il souhaite maintenir ce seuil pour l’assurance vie.
L’assurance vie, vous le savez bien, est le placement que choisissent les Français qui, n’ayant pas descendant, veulent léguer une partie de leurs biens à la personne de leur choix.
Nous voulons absolument donner la liberté aux Français de choisir leur « descendant de cœur », y compris lorsqu’ils n’ont pas de lien de filiation direct. Il faut donc que nous maintenions ce dispositif au même niveau que celui de la défiscalisation sur les droits de succession.
Pour financer la réforme de l’ISF, pour que celle-ci soit équilibrée et que le contribuable n’y perde pas, j’ajoute que nous avons augmenté le taux de fiscalité pesant sur l’assurance vie : il est de 25 % au-delà du seuil de 152 500 euros.
Mme la présidente. Madame Beaufils, l'amendement n° I-52 est-il maintenu ?
Mme Marie-France Beaufils. Je le reconnais, nous avons proposé un déplafonnement assez brutal. Nous aurons sans doute l’occasion de rediscuter de ce sujet et de parvenir à une diminution progressive du plafond de 152 500 euros. En attendant, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° I-52 est retiré.
L'amendement n° I-114, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 30 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 est ainsi modifié :
1° Au I, l’année : « 2010 » est remplacée par l’année : « 2009 » ;
2° Aux premier et troisième alinéas du II, l’année : « 2012 » est remplacée par l’année : « 2011 ».
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Nous proposons tout simplement de supprimer dès maintenant le bouclier fiscal.
Pour alléger le poids de l’ISF sur les plus gros contribuables, un plafonnement de celui-ci a été instauré en 1989, un « bouclier fiscal » mis en place en 2005 puis renforcé en 2007.
Sous la pression de l’opposition, de l’opinion publique et dans la perspective des prochaines échéances électorales, le Gouvernement en est venu à proposer une modification a minima des règles de l’ISF et l’abrogation du bouclier fiscal.
Cette année, les socialistes n’ont cessé de dénoncer un dispositif prévoyant la suppression d’une tranche de l’ISF, avec un allégement des taux – ce qui constitue un nouveau cadeau pour les plus aisés –, un relèvement du seuil d’assujettissement à l’ISF de 800 000 euros à 1,3 million d’euros qui intervient dès 2011 et une suppression du bouclier fiscal – plafonnement total des impôts directs à 50 % du revenu déclaré – différée d’un an, c’est-à-dire après l’élection présidentielle de 2012.
Résultat : en 2012, la nécessité pour l’État de continuer à restituer les sommes induites par le bouclier fiscal va provoquer un besoin de recettes supplémentaires de l’ordre de 300 millions à 500 millions d’euros !
Après 2011, les 1 900 ménages possédant plus de 17 millions d’euros de patrimoine auront une meilleure situation fiscale du fait de la réforme : ils vont perdre 800 millions d’euros avec la suppression du bouclier fiscal, mais gagner plus du double, soit 1,8 milliard d’euros, grâce à la réforme de I’ISF.
Les 1 700 plus gros contribuables français verront leur impôt diminuer en moyenne de 30 000 euros.
Ce dispositif de plafonnement des impositions, rendu encore plus injuste par son extension dans le cadre du « paquet fiscal » voté à l’été 2007, continue donc, malgré les apparences, de parachever l’œuvre de remise en cause de la progressivité du système fiscal et de démantèlement de l’impôt de solidarité sur la fortune entamée en 2002 et poursuivie par les gouvernements successifs depuis cette date.
Ce dispositif ne vise en réalité que les ménages les plus aisés soumis à l’impôt de solidarité sur la fortune. C’est ce que démontrent toutes les estimations effectuées sur l’application de cet impôt. Il est donc urgent de supprimer cette machine à « inégaliser », ce drôle de « bouclier » qui protège les forts contre les faibles !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons déjà examiné cet amendement sous la plume du sénateur Masson.
Une telle disposition me paraît nécessairement rétroactive, madame la rapporteure générale. Or la non-rétroactivité est un principe cher à la commission des finances, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, qui le rappelle à de nombreuses reprises au ministre du budget pour protéger le contribuable.
La rétroactivité étant en réalité un engagement non tenu de l’État, je ne m’engagerai pas dans cette voie. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je me suis exprimée un peu brièvement afin de ne pas lasser l’assemblée, mais je vais revenir sur votre argumentation, madame la ministre, que j’avais anticipée.
Il est vrai que les revenus de 2010 ont été encaissés. Les « stratégies fiscales » pour 2011 ont été élaborées en prenant en compte l’existence du bouclier fiscal. Toutefois, le code général des impôts, que vous connaissez sans doute aussi bien que moi, prévoit que « le droit à restitution […] est acquis par le contribuable au 1er janvier de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus ».
Si je fais les comptes, le droit de 2012 n’est pas acquis. L’amendement n’a donc pas de portée rétroactive.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Nous avons combattu le bouclier fiscal dès sa création et nous avons systématiquement demandé sa suppression à l’occasion de chaque débat budgétaire. Aujourd'hui, nous ne pouvons qu’approuver cet amendement visant à consacrer la disparition de cet objet fiscal pour le moins déroutant et parfaitement inutile.
Comme nous avons eu l’occasion de le souligner à maintes reprises, le bouclier fiscal n’a jamais permis d’atteindre les objectifs que s’était fixés le Gouvernement. La démonstration est faite que nous avions raison lorsque nous dénoncions sa création.
Le bouclier fiscal n’a été inventé que pour alléger l’ISF, tout simplement parce que c’était le seul impôt, sauf pour quelques redevables de la taxe foncière ne disposant que de ressources exonérées, qui pouvait conduire à dépasser le fameux seuil de 50 %. En outre, les remboursements concernaient, d’abord et avant tout, la dizaine de milliers de redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune ayant tenté l’aventure du bouclier fiscal.
À cet égard, je rappelle qu’Éric Woerth, alors ministre du budget, avait été obligé de mobiliser les personnels des services des impôts afin de relancer les redevables de l’ISF et que ces contribuables daignent solliciter le bouclier fiscal. Avouez que c’est tout de même un peu particulier !
Sur ce sujet, on ne peut que suivre la proposition du groupe socialiste-EELV, laquelle est totalement conforme à notre démarche permanente.
J’ajoute, sur le fondement des documents budgétaires – je suis rapporteure spéciale de la mission « Remboursements et dégrèvements » – que l’ISF n’est pas complètement clos en termes de versement. Il y a en effet un décalage entre le moment où le bouclier fiscal intervient et le paiement de l’impôt.
Même les services fiscaux n’ont pas été en mesure de nous dire jusqu’à quand nous devions inscrire dans la mission « Remboursements et dégrèvements » les éléments fiscaux nécessaires à la couverture financière du bouclier fiscal. Il n’y a donc pas de rétroactivité. Nous pouvons tout à fait prendre des dispositions pour la fin des années.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
L'amendement n° I-195, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au chapitre II du Titre Ier du Livre Ier du code monétaire et financier, il est inséré une section ainsi rédigée :
« Section ...
« Choix du mode de paiement chez un commerçant
« Art. L. 112-13 - Dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans le périmètre des zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente tels que définis à l’article L. 3132-25 du code du travail, il est appliqué une taxe spéciale sur le chiffre d’affaire des commerçants, tels que définis à l’article L. 121-1 du code de commerce, qui ne proposent pas deux moyens de paiement sans condition de plafond minimal.
« Art. L. 112-14 - Les infractions aux dispositions de l'article L. 112-13 sont constatées par des agents désignés par arrêté du ministre chargé du budget. Le commerçant ayant agi en violation des dispositions du même article est passible d'une amende dont le montant est fixé par décret. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement a pour objet de permettre au consommateur d’avoir le choix de son mode de paiement. En effet, dans un certain nombre de stations balnéaires ou de zones touristiques, les clients ne peuvent régler qu’en espèces, le commerçant refusant les paiements par cartes bancaires ou par chèque. Cette pratique, qui a généralement cours dans les secteurs des loisirs et de la restauration, n’est le fait que d’une minorité de commerçants, mais elle nuit à toute la commune ou à toute la région.
À titre dissuasif et exceptionnel, je propose d’instaurer une sorte de taxe déguisée ou une amende pour obliger, au-delà d’un certain chiffre d’affaires, les commerçants à proposer à leur clientèle deux modes de paiement. Cela éviterait aux touristes étrangers de se trouver démunis au moment de la transaction.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur Dominati, vous avez raison de défendre le tourisme. N’oublions pas que ce secteur d’activité représente des dizaines de milliers d’emplois, particulièrement en Île-de-France et dans la capitale. Le Sénat y est d’ailleurs sensible, comme le montre le rapport commun que nos collègues André Ferrand et Michel Bécot ont rendu public au mois de septembre.
Toutefois, est-il vraiment nécessaire de créer une nouvelle taxe – nous en avons débattu ce matin – afin de pénaliser les commerçants n’acceptant pas les paiements par carte bancaire ou par chèque ? Il est vrai qu’à La Haye ou à Stockholm et même chez d’autres de nos voisins européens, à l’exception de l’Allemagne, on paie beaucoup plus facilement par carte bancaire, y compris pour acheter son journal.
Allons-nous régler les problèmes d’accueil et de service en instaurant une taxe destinée à obliger les commerçants à accepter ce mode de paiement ? Si de nombreux commerçants n’acceptent pas les cartes bancaires, c’est parce que les banques leur imposent des frais très élevés, pour ne pas dire exorbitants. Certains se sont équipés d’un terminal, avant d’y renoncer. Les services du Gouvernement ont essayé de trouver une solution moins pénalisante.
Je ne pense pas que l’instauration de la taxe que vous proposez permettra d’augmenter la part du tourisme dans la balance commerciale de la France.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je suis également sensible à votre amendement, monsieur le sénateur. Il est évident que, pour développer le tourisme, il faudrait davantage permettre l’usage de la carte bancaire pour le règlement de petites sommes, le chèque étant évidemment inapproprié.
Néanmoins, comme Mme la rapporteure générale l’a indiqué, je pense qu’il serait préférable de travailler sur les commissions bancaires. Tel était l’objet des mesures mises en œuvre à la suite des travaux de M. Mallié, M. Debré et Mme Branget à l’Assemblée nationale. Les banques se sont engagées, dans le cadre de ce dialogue avec l’Assemblée nationale, à proposer aux commerçants une offre attractive pour les paiements de petits montants. Aujourd'hui, nous attendons cette offre. Il est évident qu’il faut réduire les marges sur l’utilisation des cartes bancaires chez les petits commerçants de façon à développer l’usage de ce moyen de paiement.
En conséquence, votre amendement, s’il est tout à fait pertinent, me paraît un peu prématuré. Il nous faut attendre que les banques concrétisent leurs engagements avant de demander aux commerçants de faire un effort supplémentaire. Certains commerçants, comme l’a dit Mme la rapporteure générale, se sont équipés d’un terminal, avant d’y renoncer. Il faut que nous parvenions à concilier les intérêts des commerçants et ceux des banques, dans l’intérêt général, afin de développer le tourisme et l’accueil des étrangers en France.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Dominati, l'amendement n° I-195 est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Je suis satisfait des réponses de Mme la rapporteure générale et de Mme la ministre. Je retire donc mon amendement, mais je serai attentif aux évolutions sur cette question.
Mme la présidente. L'amendement n° I-195 est retiré.
L'amendement n° I-117, présenté par Mme Klès, M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article L. 723-4 du code de la sécurité sociale est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 723-4. – Lorsque l’avocat est désigné au titre de l’aide juridictionnelle ou commis d’office, les droits de plaidoirie sont à la charge de l’État. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. S’il avait fallu choisir un article emblématique du projet de loi de finances pour 2011, nul doute que l’article 41, devenu l’article 74 de la loi promulguée, dissimulé au sein de la première partie du projet de loi, l’aurait emporté, pour ses « qualités » à la fois de fond et de forme.
J’évoquerai tout d’abord le fond.
Afin de réunir les 11 milliards d’euros d’augmentations d’impôts prévues dans le projet de budget pour 2011, il a été demandé aux justiciables les plus défavorisés bénéficiant de l’aide juridictionnelle de verser à leur avocat un droit de plaidoirie de 8,84 euros, cette mesure permettant de récupérer 5 millions d’euros, soit moins de 2 % des montants alloués au titre de l’aide juridictionnelle. L’objectif financier de cette mesure est modeste.
En outre, la mesure prévue à l’article 74 est contraire à un principe fondamental de notre droit, l’accès à la justice, lequel oblige l’État à assurer aux citoyens un recours juridictionnel effectif. Elle est également peut-être contraire à la Constitution ou à la Convention européenne des droits de l’homme.
Surtout, la mesure instaurée par l’article 74 concerne des personnes en situation de précarité ou de faiblesse, comme les enfants aux prises avec le divorce délicat de leurs parents. Ces enfants n’ont pas, en principe, de moyens financiers, mais ils peuvent bénéficier des services des avocats pour enfants, lesquels sont rémunérés par l’aide juridictionnelle et non par l’un des parents, la parole des enfants ne devant pas souffrir de considérations financières.
Selon l’exposé des motifs de l’article 74, il s’agissait d’instaurer une « participation financière permettant de sensibiliser les justiciables au coût de l’aide juridictionnelle et de limiter les recours abusifs ». Permettez-moi de trouver la mesure – et la formule – aussi ridicule que dérisoire !
De plus, comme les avocats ne peuvent guère récupérer auprès des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle les droits de plaidoirie qu’ils doivent, pour leur part, reverser à la Caisse nationale des barreaux français – la caisse de prévoyance et de retraite des avocats –, la suppression de la prise en charge par l’État du droit de plaidoirie revient à transférer une charge de l’État vers la profession des avocats. Le modèle de la mesure existe : c’est celui du transfert par l’État aux collectivités territoriales de charges non compensées.
J’évoquerai ensuite la forme.
Intituler l’article 41 initial : « Amélioration du recouvrement et maîtrise de la dépense d’aide juridictionnelle » et prétendre vouloir « pérenniser le dispositif d’aide juridictionnelle tout en respectant l’objectif gouvernemental de réduction des dépenses d’intervention » est d’une grande hypocrisie. Il aurait mieux valu l’intituler : « Paiement par les avocats d’une partie de la prise en charge par l’État de l’aide juridictionnelle pour faire une petite "gratte" sur les dépenses ». C’est aussi hypocrite que de déclarer qu’il n’y aurait pas d’augmentations d’impôts dans le projet de loi de finances pour 2011, alors que celui-ci prévoyait 11 milliards d’euros d’augmentations !
Il est donc indispensable de supprimer le dispositif de l’article L. 723-4 du code de la sécurité sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement porte sur un principe qui nous est cher : l’accès à la justice doit être le plus large possible. Dans l’esprit, il est proche de celui que la commission des finances a adopté avant-hier sur l’initiative du rapporteur spécial pour les crédits de la mission « Justice », M. Edmond Hervé, lequel tend à prévoir la suppression de la contribution de 35 euros pesant sur le justiciable au titre du financement de l’aide juridique.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement, qui tend à préserver le libre accès au service public de la justice.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne reviendrai pas sur une réforme qui a été adoptée en 2011, et dont nous avons déjà beaucoup débattu.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’aide juridictionnelle est aujourd'hui de plus en plus coûteuse, car nous avons considérablement renforcé les droits de la défense. Nous avons notamment autorisé la présence de l’avocat au cours de la garde à vue. Les droits du justiciable sont désormais beaucoup mieux protégés.
L’aide juridictionnelle doit être de qualité et, pour cela, elle doit bien entendu être revalorisée.
L’instauration d’un droit de timbre de 35 euros dont doivent s’acquitter les justiciables qui ne bénéficient pas de l’aide juridictionnelle à taux plein ainsi que la perception des quelques droits supplémentaires ne sont pas de nature à priver les Français de l’accès à la justice, bien au contraire ! Il s’agit de mesures de responsabilisation, comme il en existe dans le domaine de l’accès à la santé avec les franchises sur les médicaments ou le ticket modérateur.
On ne saisit pas la justice sans concourir un peu aux frais qu’elle occasionne, d’autant que le montant réclamé est faible en comparaison du coût d’un avocat ou d’une aide juridique, par exemple. Ces frais représentent donc un effort soigneusement dosé afin qu’ils ne pèsent pas excessivement sur le justiciable.
En outre, quand un justiciable gagne son procès, il obtient le remboursement de l’intégralité des frais de justice engagés. Cela dit, je ne sous-estime pas le fait que certains justiciables peuvent perdre tout en étant de bonne foi, mais il s’agit tout de même d’une minorité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voterai cet amendement des deux mains.
Remettons les choses dans leur contexte : de plus en plus de gens rencontrent des difficultés pour accéder à la justice, notamment en raison de la nouvelle carte judiciaire. Dans le département de l’Orne, certaines communes n’ont plus de juges aux affaires familiales. Cela peut paraître peu de chose, mais les justiciables doivent attendre six mois avant d’obtenir une audience de non-conciliation. Certains n’ont pas non plus les moyens de se payer les services d’un avocat.
Cette disposition avait déjà été présentée l’année dernière dans le cadre de l’examen du programme « Accès au droit et à la justice », dont Yves Détraigne était rapporteur pour avis. À ce moment-là, la discussion s’était résumée à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Ce n’est pas une méthode pour réconcilier les Français avec leur justice, dont nous examinerons d’ailleurs les crédits dans quelques jours.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Depuis 2002, les crédits budgétaires consacrés à l’aide juridictionnelle n’ont cessé d’augmenter. Ils sont passés de 220 millions d’euros à 312 millions d’euros en 2011. Dans le projet de loi de finances pour 2012, la dotation prévue est en hausse de 8 %, passant à 336 millions d’euros, ce qui montre l’intérêt que le Gouvernement porte à ce dispositif primordial pour l’accès au droit et à la justice.
Le champ des contentieux couverts par l’aide juridictionnelle a été élargi. Le nombre de bénéficiaires est passé de 688 000 à 900 000.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est aussi l’effet d’une répression plus lourde !
Mme Catherine Procaccia. Étant donné le contexte budgétaire actuel, où priorité est donnée aux réductions des déficits, il est nécessaire de trouver des financements nouveaux pour faire face à une partie de l’accroissement du coût.
Le groupe de l’UMP ne souhaite pas que soit remis en cause l’équilibre auquel nous sommes parvenus. Or, une nouvelle fois, la majorité sénatoriale veut revenir sur des dispositions que nous avons adoptées. C’est à se demander si ce n’est pas par manque d’imagination qu’ils cherchent à défaire ce que nous avons fait. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’était mal fait !
M. Jean-Marc Todeschini. Ces arguments sont un peu courts !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. C’est la deuxième fois que j’interviens après vous, madame Procaccia.
Mme Marie-France Beaufils. Cela me donne l’occasion de vous rappeler que quelqu’un a dit ici qu’il fallait déconstruire ce qui avait été réalisé en 1945 !
Mme Catherine Procaccia. 1945 n’est pas 2011 !
Mme Marie-France Beaufils. Pour notre part, nous ne nous inscrivons pas dans la même démarche. Lisez le rapport d’Edmond Hervé, qu’il nous a présenté l’autre jour en commission des finances, qui établit un constat très clair des difficultés de la justice.
Vous parlez de la hausse des crédits de l’aide juridictionnelle et de l’augmentation du nombre de bénéficiaires, mais ce ne sont que des chiffres. Vous n’expliquez pas que, si le montant alloué à l’aide juridictionnelle a augmenté, c’est aussi parce que le pouvoir d’achat d’un certain nombre de justiciables a baissé. Il faut regarder les choses en face !
Je suis particulièrement choquée par l’idée de payer une franchise pour avoir droit à un jugement équitable. C’est contraire aux principes de notre République, notamment à l’égalité de tous devant la justice.
De plus, avec la baisse des moyens alloués aux tribunaux depuis quelques années, on s’aperçoit que les affaires traînent souvent en longueur, ce qui empêche qu’elles se déroulent dans de bonnes conditions.
Placer un obstacle supplémentaire sur la route de celui qui demande justice va encore créer plus de difficultés. C’est pourquoi, au nom du groupe CRC, je voterai l’amendement proposé par le groupe socialiste-EELV.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
Article 3 bis (nouveau)
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le 1° du II de l’article 150 U, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Au titre de la première cession d’un logement, y compris ses dépendances immédiates et nécessaires au sens du 3° si leur cession est simultanée à celle dudit logement, autre que la résidence principale, lorsque le cédant n’a pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des quatre années précédant la cession.
« L’exonération est applicable à la fraction du prix de cession défini à l’article 150 VA que le cédant remploie, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la cession, à l’acquisition ou la construction d’un logement qu’il affecte, dès son achèvement ou son acquisition si elle est postérieure, à son habitation principale. En cas de manquement à l’une de ces conditions, l’exonération est remise en cause au titre de l’année du manquement ; »
2° Au dernier alinéa du 1 de l’article 170, après la référence : « 163 quinquies C bis », sont insérés les mots : «, le montant des plus-values exonérées en application du 1° bis du II de l’article 150 U » ;
3° Après le premier alinéa du II de l’article 726, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« S’agissant des titres visés au 2° du I, l’assiette du droit d’enregistrement comprend, à concurrence de la fraction des titres cédés, la valeur réelle des biens et droits immobiliers détenus, directement ou indirectement, au travers d’autres personnes morales à prépondérance immobilière, après déduction du seul passif afférent à l’acquisition desdits biens et droits immobiliers, ainsi que la valeur réelle des autres éléments d’actifs bruts. »
II. – Le 1° du I s’applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er février 2012.
Mme la présidente. L'amendement n° I-205, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après le mot :
applicable
insérer les mots :
, dans la limite de 300 000 euros,
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet article a trait à un aspect particulier de la taxation des plus-values de cessions immobilières : il concerne un bien détenu par un contribuable qui n’est pas propriétaire de sa résidence principale.
Le régime qui s’applique, ou plus exactement celui qui entrera en vigueur à compter du 1er février 2012, adopté il y a deux mois dans le cadre de la réforme des plus-values immobilières du plan Fillon I, est celui du droit commun, c'est-à-dire une imposition dégressive à partir de la cinquième année et une exonération totale au bout de trente ans.
Considérant que l’allongement de quinze à trente ans de la durée d’exonération durcissait trop les conditions faites au contribuable non-propriétaire de sa résidence principale, les députés sont revenus sur leur vote de septembre. Ils ont donc introduit le présent article dans le projet de loi de finances pour 2012. Ils auront mis à peine deux mois pour changer d’avis…
Que prévoit l’article 3 bis ?
La première cession d’un logement qui n’est pas la résidence principale est exonérée de l’impôt sur les plus-values à deux conditions : le cédant ne doit pas avoir été propriétaire de sa résidence principale au cours des quatre années précédant la cession ; l’exonération ne s’applique qu’à la fraction du prix de cession remployée, dans un délai de vingt-quatre mois, à l’acquisition d’un logement affecté à la résidence principale.
Le coût de cette mesure est évalué à 150 millions d’euros. C’est cher ! Le dispositif est donc gagé par la suppression d’une niche concernant les sociétés civiles immobilières, ce qui est sans rapport avec la taxation des plus-values immobilières. Allez comprendre…
J’en viens à l’amendement de la commission des finances.
La précédente réforme des plus-values immobilières, qui date de 2004, avait instauré un prélèvement fiscal forfaitaire, qui, avec les cotisations sociales, atteint actuellement le taux unique de 31,3 %. Appliquer le même taux d’imposition, quels que soient les revenus des ménages, était une erreur. Pour autant, j’admets que des cas particuliers peuvent exister – les membres de l’opposition m’ont donné nombre d’exemples en commission des finances – et qu’il pourrait être injuste de ne pas les prendre en compte.
À défaut de réformer complètement le mécanisme actuel, je suis donc d’accord pour en corriger les effets pervers. C’est pourquoi je propose un compromis : maintenir l’exonération prévue par les députés dans la limite d’un prix de cession de 300 000 euros. Au-delà de ce seuil, le droit commun s’applique : une imposition dégressive à partir de la cinquième année, puis une exonération totale au bout de trente ans.
Comme toute limite, elle pourra être jugée arbitraire. Elle a toutefois le mérite d’exister. Elle permettra sans doute de rendre la réforme possible, à un coût moindre pour les finances de l’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la rapporteure générale, je suis sensible à votre volonté de limiter les dépenses fiscales de l’État ou de permettre à celui-ci d’augmenter ses recettes. Reste que je suis sensible à l’équité.
Cette disposition a été introduite dans le projet de loi de finances par les députés, qui ont fait preuve de beaucoup de sagesse, pour tenir compte d’une situation qui me paraît être d’une iniquité flagrante.
Vous le savez, la plus-value réalisée lors de la cession de la résidence principale est totalement exonérée.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’était déjà le cas avant !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Prenons l’exemple d’un appartement dans le VIIe arrondissement de Paris d’une valeur de 2 millions d’euros. En cas de cession, le propriétaire ne paiera aucun impôt sur les plus-values.
Dans le même temps, imaginez un jeune couple de locataires à Meaux. Ne pouvant pas devenir propriétaire dans sa région – les résidences en Île-de-France sont malheureusement trop chères –, il acquiert une belle ferme dans l’un des beaux départements que vous représentez, mesdames, messieurs les sénateurs.
Mme Nathalie Goulet. Dans l’Orne !
M. François Marc. Avec des chevaux !
M. Jean-Marc Todeschini. Et deux ânes !
M. Philippe Dominati. C’est bien trop cher !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Bref (Sourires.), si ce jeune couple de Meldois décidait de vendre cette belle résidence secondaire, il paierait un impôt sur les plus-values, dont le régime a été considérablement durci.
Les députés ont considéré que cette situation était injuste. C’est particulièrement vrai pour les habitants de l’Île-de-France, des grandes zones urbaines ou des zones touristiques, où l’immobilier est beaucoup plus cher qu’ailleurs. C’est pourquoi ils ont décidé que la plus-value réalisée lors de la première cession d’une résidence secondaire devait être exonérée au même titre que celle réalisée lors de la vente d’une résidence principale.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement de Mme Bricq.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est l’amendement de la commission !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Excusez-moi : le Gouvernement émet avis défavorable sur l’amendement de la commission des finances, qui vise à plafonner la défiscalisation à 300 000 euros.
Je le répète, ce seuil créerait une iniquité. Je vous rappelle que la vente d’une résidence principale est exonérée d’impôt sur les plus-values même si celle-ci vaut 10 millions, voire 50 millions d’euros. Si vous n’êtes pas propriétaire de votre résidence principale, il me paraît donc logique de défiscaliser une plus-value de 500 000 euros sur la vente de votre résidence secondaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je précise que cet amendement, dont nous avons longuement débattu, a été adopté à l’unanimité par la commission des finances.
Dans sa version initiale, le dispositif proposé était plus « raide », mais j’ai tenu compte des observations qui m’ont été adressées.
Si j’avais un doute quant à la pertinence du seuil retenu, vous venez de le lever grâce à l’exemple que vous avez pris, madame la ministre. Avec 300 000 euros, on peut parfaitement se loger à Meaux !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-205.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. J’y insiste : l’amendement bénéficie du soutien unanime de la commission des finances !
(L'amendement est adopté.)
M. Jean-Marc Todeschini. Vos amis ne vous ont pas suivi, monsieur le président de la commission. Heureusement que nous sommes là ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-84 rectifié bis, présenté par Mme Sittler, M. Grignon, Mme Keller et MM. Reichardt, Revet, G. Bailly, Pierre et Milon, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
1° bis Au 8° du II de l'article 150 U, après la première occurrence de la référence : « au 7° », sont insérés les mots : « ou de leur intégration dans l’emprise de futurs lotissements d'habitations ou de zones d'activités dont elles ont la maîtrise d’ouvrage » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes pour l’État résultant du 1° bis du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Esther Sittler.
Mme Esther Sittler. La récente modification de la taxe sur les plus-values immobilières constituera un sérieux coup de frein pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale dans la réalisation de leurs objectifs de construction de logements.
En effet, cette taxe constitue le principal argument avancé par les propriétaires sollicités pour ne pas céder leur terrain aux collectivités en vue de l'aménagement de lotissements d'habitation. Or celles-ci ont généralement pour objectif de permettre aux jeunes ménages de devenir propriétaires de leur habitation à un prix raisonnable.
Par conséquent, cet amendement vise à remédier au problème de l'acquisition foncière en exonérant de taxe sur les plus-values immobilières les particuliers qui cèdent leur bien immobilier à une collectivité territoriale, à un établissement public de coopération intercommunale ou à un établissement public foncier en vue de l'aménagement de lotissements d'habitation ou de zones d'activité dont ils ont la maîtrise d'ouvrage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, dont l’adoption ouvrirait une grosse brèche dans un dispositif qui est encore très frais.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je comprends la logique qui sous-tend l’amendement de Mme Sittler, et j’aurais aimé pouvoir y donner une suite favorable. Malheureusement, cette mesure serait coûteuse. Dans le contexte financier actuel, nous ne voulons pas élargir le champ des niches fiscales.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Sittler, pour explication de vote.
Mme Esther Sittler. En tant que maire d’une commune rurale, j’ai fait construire des lotissements sous maîtrise d’ouvrage communale alors que je n’avais pas beaucoup de moyens.
L’objectif d’un maire est de satisfaire à la fois les jeunes désireux de rester et les autres personnes qui souhaitent s’installer. J’ai eu la chance d’accueillir dans mon village un sapeur-pompier professionnel de Strasbourg qui n’avait pas les moyens de construire dans sa ville, car je pouvais maîtriser les coûts grâce à un prix d’acquisition raisonnable.
Il existe un précédent : c’est l’exonération pour logements sociaux. Je propose simplement de permettre aux communes rurales – c’est essentiellement d’elles qu’il s’agit – de construire des lotissements en maîtrisant les coûts d’aménagement, afin de permettre à des jeunes d’y résider.
C'est la raison pour laquelle je regrette la position tant de la commission que du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Sittler, je retiens votre idée. Toutefois, dans sa rédaction actuelle, votre amendement me pose un problème. En effet, il tend à élargir l’exonération, et non à la proroger. Or le dispositif arrive à expiration en 2012. Je vous suggère donc de prendre contact avec mes collaborateurs pour voir comment insérer une telle mesure dans le projet de loi de finances lorsque l’Assemblée nationale en sera à nouveau saisie.
Sachez que je comprends votre préoccupation. J’aurais pu m’en remettre à la sagesse du Sénat, mais la rédaction de votre amendement ne permet pas, me semble-t-il, d’atteindre vos objectifs. Je vous invite donc à le retirer.
Mme la présidente. Madame Sittler, l'amendement n° I–84 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Esther Sittler. Non, je le retire, madame la présidente, et je remercie Mme la ministre de laisser une porte entrouverte.
Mme la présidente. L'amendement n° I–84 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 3 bis, modifié.
(L'article 3 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 3 bis
Mme la présidente. L'amendement n° I-201, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le premier alinéa du II de l'article premier de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est complété par les mots : «, à l’exception des cessions pour lesquelles une promesse unilatérale de vente ou une promesse synallagmatique de vente a été conclue et enregistrée avant le 19 septembre 2011 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Le projet de loi de finances rectificative que nous avons adopté le 8 septembre dernier modifie le régime fiscal des plus-values immobilières pour toutes les ventes hors résidence principale, c'est-à-dire les résidences secondaires, les terrains et les investissements locatifs.
Dans sa formulation actuelle, le texte piège de nombreux propriétaires de terrains, qui, ayant signé une promesse avant l’annonce du plan de rigueur par M. le Premier ministre le 24 août, ne pourront pas finaliser leur vente avant le 1er février 2012, date de son entrée en vigueur.
Cela tient aux dispositions particulières ou aux lourdeurs administratives qui concernent les cessions de terrain. Elles sont nombreuses et sont en général le fait des pouvoirs publics ou des collectivités territoriales : attente d’une modification de la réglementation locale d'urbanisme, fouilles archéologiques préventives ou autorisations administratives liées à l’assainissement. Ces conditions sont suspensives.
Par conséquent, il faudrait corriger une situation aussi inéquitable en revenant à l'esprit initial de la loi, c'est-à-dire en considérant que promesse de vente vaut vente. Accordons donc ce délai !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement vise à accorder un délai supplémentaire pour l’entrée en vigueur de la réforme de la taxation des plus-values immobilières. Il tend à revenir sur un régime fiscal que vous-même avez adopté, monsieur le sénateur.
À l’origine, le Gouvernement avait déjà appliqué sa réforme à toutes les cessions consécutives à des promesses ou compromis de vente signés après le 24 août 2011, reportant ainsi la date d’entrée en vigueur du dispositif. Or vous voulez encore la proroger !
Si nous vous suivions, plus personne ne comprendrait quoi que ce soit au dispositif. La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne partage pas tout à fait l’analyse de Mme la rapporteure générale.
L’objectif n’est pas de reporter la date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions fiscales, qui reste fixée au 1er février 2012. Cet amendement concerne seulement les promesses de vente.
L’entrée en vigueur du dispositif pourrait être postérieure au 1er février 2012 en cas de signature et d’enregistrement devant notaire d’une promesse de vente avant le 19 septembre. Certes, le délai courrait à nouveau, mais il resterait antérieur au mois de février.
Je retiens votre argumentation, monsieur le sénateur. Il arrive que des délais soient majorés pour certaines opérations d’urbanisme et d’aménagement. Toutefois, à l’heure actuelle, je ne suis pas capable d’évaluer le nombre d’opérations qui seraient concernées par une telle mesure. Nous sommes donc en train de procéder à des expertises pour évaluer si le problème soulevé est réel.
L’objectif n’est pas, comme l’a dit Mme la rapporteure générale, de reporter la date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions fiscales aux calendes grecques.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous avez dit qu’il fallait cesser de reporter la date d’entrée en vigueur. J’abonde dans votre sens !
Si certaines opérations d’aménagement nécessitent un traitement particulier, nous en tiendrons évidemment compte en loi de finances rectificative. En attendant, je vous invite à retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Monsieur Dominati, l'amendement n° I–201 est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Non, je le retire, madame la présidente.
Je précise que, moi non plus, je ne souhaite pas reporter la date d’entrée en vigueur du dispositif fiscal. Je demande simplement que soit prise en considération la situation spécifique des promesses de vente intervenues avant le 19 septembre.
Mme la présidente. L'amendement n° I–201 est retiré.
Article 3 ter (nouveau)
Après le mot : « il », la fin de la première phrase du premier alinéa du I de l’article 150 VB du code général des impôts est ainsi rédigée : « est stipulé dans l’acte, étant précisé que ce prix s’entend de l’existant et des travaux dans le cas d’une acquisition réalisée selon le régime juridique de la vente d’immeuble à rénover. » – (Adopté.)
Article 3 quater (nouveau)
Le II de l’article 150 VC du code général des impôts est abrogé. – (Adopté.)
Article 3 quinquies (nouveau)
I. – Après le b du 3° du 3 de l’article 158 du code général des impôts, il est inséré un b bis ainsi rédigé :
« b bis) Aux bénéfices exonérés distribués par les sociétés d’investissements immobiliers cotées mentionnées à l’article 208 C ou par les sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable mentionnées au 3° nonies de l’article 208 ; ».
II. – Les personnes ayant opté pour l’assujettissement au prélèvement prévu à l’article 117 quater du code général des impôts, à raison des revenus distribués en 2011 par les sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable et par les sociétés d’investissements immobiliers cotées mentionnées respectivement au 3° nonies de l’article 208 et à l’article 208 C du même code et correspondant à leurs bénéfices exonérés, imputent le montant de ce prélèvement sur l’impôt dû au titre des revenus de l’année 2011 établi dans les conditions prévues à l’article 197 du même code.
III. – Après la première occurrence de la référence : « 208 », la fin de la dernière phrase du 4° du I de l’article L. 221-31 du code monétaire et financier est ainsi rédigée : « du même code. »
IV. – Le III du présent article entre en vigueur le 21 octobre 2011. Par dérogation à l’article L. 221-31 du code monétaire et financier dans sa rédaction entrant en vigueur le 21 octobre 2011, les titres des sociétés visées à l’article 208 C du code général des impôts et des sociétés présentant des caractéristiques similaires ou soumises à une réglementation équivalente à celles des sociétés mentionnées au même article 208 C et ayant leur siège dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales qui figurent au 21 octobre 2011 dans un plan d’épargne en actions peuvent y demeurer et continuer à bénéficier du régime d’exonération de l’impôt sur le revenu applicable aux produits figurant dans un plan d’épargne en actions. – (Adopté.)
Article 3 sexies (nouveau)
Au premier alinéa du 1 de l’article 199 unvicies du code général des impôts, l’année : « 2011 » est remplacée par l’année : « 2014 ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 3 sexies
Mme la présidente. L'amendement n° I-91 rectifié, présenté par MM. Houel, Dallier, P. Dominati, Cambon et Bécot, est ainsi libellé :
Après l'article 3 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le 4° du II de l’article 199 ter B du code général des impôts, sont insérés six alinéas ainsi rédigés :
« Dès le 2 janvier de chaque année, les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l' annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (règlement général d'exemption par catégorie) peuvent obtenir, sur demande, le remboursement immédiat d'une estimation de la différence positive entre, d'une part, le montant du crédit d'impôt calculé à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l'année précédente et, d'autre part, le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de cette même année.
« Le montant de crédit d'impôt calculé à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l'année précédente et utilisé pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre de cette même année est diminué du montant du remboursement mentionné au dixième alinéa du présent II.
« Si le montant du remboursement mentionné au dixième alinéa du présent II excède le montant du crédit d'impôt prévu au onzième alinéa du présent II, le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année précédente est majoré de cet excédent.
« Lorsque le montant du remboursement mentionné au dixième alinéa du présent II excède de plus de 20 % la différence positive entre, d'une part, le montant du crédit d'impôt à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l'année précédente et, d'autre part, le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année précédente, cet excédent fait l'objet :
« a) De la majoration prévue, selon le cas, à l'article 1730 ou à l'article 1731 ;
« b) D'un intérêt de retard dont le taux correspond à celui mentionné à l'article 1727. Cet intérêt de retard est calculé à partir du premier jour du mois qui suit le remboursement mentionné au dixième alinéa du présent II jusqu'au dernier jour du mois du dépôt de la déclaration de crédit d'impôt calculé à raison des dépenses engagées au titre de l’année précédente. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Parmi les 15 000 entreprises concernées par le dispositif du crédit d’impôt recherche, 83 % sont des TPE-PME. Selon les dernières statistiques du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le montant moyen du CIR obtenu par les PME est de 190 000 euros.
Pour une entreprise qui ne paie pas ou qui paie peu d’impôt sur les sociétés, ce qui est le cas d’un grand nombre de ces entreprises innovantes, le CIR est actuellement remboursable lors du dépôt de l’avis de liquidation d’impôt sur les sociétés, soit en général trois mois et demi après la date de clôture fiscale.
Cet amendement vise à renouveler un dispositif appliqué lors du plan de relance, à la fin de l’année 2008, puis supprimé. Afin de tenir compte de la conjoncture actuelle, qui est particulièrement difficile, il est proposé d’accorder un crédit d’impôt aux entreprises pour leur permettre d’avoir de la trésorerie. Nous souhaitons qu’elles puissent en bénéficier dès le 2 janvier de l’année suivant l’investissement.
Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement est pour l’essentiel satisfait, puisque l’article 41 de la loi de finances pour 2011 pérennise la mesure concernée pour les PME. (M. Philippe Dominati acquiesce.)
M. Dominati veut modifier le droit actuel pour que le remboursement du crédit d’impôt recherche intervienne dès le 2 janvier de l’année suivant l’investissement, et non simplement en cours d’année. Or, même s’il s’agit de faciliter la trésorerie, un tel dispositif serait coûteux.
M. Philippe Dominati. Cela se faisait les années précédentes !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Comme l’a indiqué Mme la rapporteure générale, la mesure proposée serait coûteuse.
Nous devons stabiliser le dispositif du crédit d’impôt recherche, qui est extrêmement favorable – vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs –, et en garantir l’effectivité.
Les PME continuent de bénéficier d’un système très avantageux : lorsqu’elles font leur déclaration au mois de mai, elles obtiennent le remboursement immédiat de leur crédit d’impôt recherche sur les dépenses engagées l’année précédente. Il y a donc un décalage de trésorerie de quatre mois par rapport au dispositif que vous proposez, monsieur le sénateur, qui prévoit de rembourser de manière anticipée le crédit d’impôt recherche, avant la remise des déclarations définitives au mois de janvier sur la base des déclarations provisoires, ainsi que nous l’avions autorisé dans le cadre du plan de relance.
Sachant que le crédit d’impôt recherche représente plusieurs milliards d’euros par an, je vous laisse imaginer le coût d’une telle avance de trésorerie, fût-elle de quatre mois !
Je suis donc au regret d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. J’ai peut-être été un peu rapide dans ma présentation.
Madame la ministre, cet amendement vise à stabiliser le dispositif. La mesure proposée existait, mais la loi de finances pour 2011 l’a supprimée brutalement en fin d’année, prenant de court de nombreux chefs d’entreprise dans les PME, ce qui a entraîné un problème de trésorerie.
Si nous avions fait perdurer le système tel qu’il existait précédemment, il n’y aurait eu aucun problème. Or, tout en maintenant le dispositif, on a modifié le mode de paiement. L’amendement que j’ai présenté, et que je vais retirer, a simplement pour objet de corriger cet effet divergent.
J’aimerais que vos services étudient véritablement la difficulté de trésorerie que rencontrent les entreprises qui bénéficiaient de cette disposition. La loi de finances étant votée en décembre, de nombreux chefs d’entreprise ont été pris de court et n’ont plus droit au crédit d’impôt.
Mme la présidente. L'amendement n° I-91 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-7, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 3 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le IV de l’article 200 quaterdecies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa, le montant : « 3 750 » est remplacé par le montant : « 1 875 » ;
2° À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa, deux fois, le montant : « 7 500 » est remplacé par le montant : « 3 750 » ;
3° Aux deuxième et dernière phrases du premier alinéa, le montant : « 500 » est remplacé par le montant : « 250 » ;
4° Au second alinéa, le montant : « 15 000 » est remplacé par le montant : « 7 500 ».
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement a pour objet de revenir sur une disposition du « paquet fiscal » ou loi TEPA de 2007 qui continue à être très coûteuse pour les finances publiques, je veux parler du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt.
Depuis le 1er janvier 2011, les contribuables qui achètent un logement ne peuvent plus bénéficier de ce dispositif, le Gouvernement s’étant rallié, certes tardivement, à l’analyse selon laquelle cette mesure coûteuse constituait non pas une aide à l’accession à la propriété, mais une subvention aux ménages qui devenaient propriétaires.
Le coût de cette dépense fiscale est de 1,9 milliard d’euros en 2011 et aurait atteint 3,7 milliards d’euros en 2018 si rien n’avait été fait.
Dans le débat fort animé de juillet 2007, ici, au Sénat, beaucoup de voix s’étaient élevées contre cette mesure. Je pense notamment à Jean Arthuis et aux sénateurs du groupe de l’Union centriste, qui avaient mis en garde notre assemblée et le Gouvernement contre le coût de ce dispositif.
Certes, le Gouvernement a décidé sa mise en extinction, mais il coûte encore très cher, car il ne prendra définitivement fin qu’en 2016. Or un passage difficile nous attend en 2012 et encore plus en 2013 dans la lutte contre le déficit.
Par ailleurs, selon le mode de calcul du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, plus le contribuable dispose de hauts revenus, plus la subvention est élevée. Le dispositif, en plus d’être onéreux, est donc injuste.
Cet amendement vise à diviser par deux, dès l’imposition des revenus de 2011 acquittée en 2012, le plafond des intérêts pris en compte pour le calcul du crédit d’impôt. Il importe en effet de réduire dès 2012 le coût de cette dépense fiscale improductive. Je suis certaine que cette disposition ne pourra pas être considérée comme modifiant en cours de route l’équilibre économique des opérations d’acquisition et donc comme étant rétroactive.
Le gain attendu d’une telle mesure peut être évalué à 900 millions d’euros en 2012 et à 800 millions d’euros en 2013.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Quand l’État prend des engagements à l’égard des ménages, il doit les tenir.
Il se trouve effectivement que le dispositif issu de la loi TEPA pour les primo-accédants à la propriété leur est très favorable. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, dès 2011, a décidé de substituer à ce dispositif le mécanisme du prêt à taux zéro, qui a encore été resserré, pour des raisons d’économies budgétaires, dans l’actuel projet de loi de finances puisqu’il a été mis sous condition de ressources et sera maintenant réservé à l’achat dans le neuf.
Néanmoins, il ne me paraît pas possible de revenir sur un droit à déduction fiscale qui a été accordé à des ménages au moment où ils ont acheté un logement. Ces ménages ont investi en sachant que pendant cinq ans, voire sept ans s’ils acquéraient un logement basse consommation, ils bénéficieraient d’une déduction fiscale.
Le Gouvernement ne trahit pas les engagements de l’État à l’égard des ménages. Quand les contribuables ont acheté, ils pensaient que la défiscalisation était acquise pour cinq ou sept ans. Il faut tenir les engagements qui ont été pris. Il y va de la continuité de l’action de l’État et de la confiance légitime des contribuables. Je ne dérogerai pas à ces principes.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je ne suis pas surprise, Mme la ministre utilise l’argument qu’elle devait utiliser. Néanmoins, dans le cas du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, il ne vaut pas.
Ce mécanisme, qu’il me soit permis de le lui rappeler, n’a pas été instauré pour les primo-accédants.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La situation est la suivante : le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt est fermé depuis le 31 décembre 2010.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il est fermé précisément parce qu’il n’avait pas d’incidence sur l’équilibre économique des opérations d’achat de logement puisqu’il était versé non pas au moment de l’acquisition, mais après. Par conséquent, ce crédit d’impôt ne constituait pas une aide à l’accession à la propriété.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’était une subvention aux contribuables remboursant un emprunt immobilier.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non, ce n’est pas la même chose !
Il est donc possible de moduler le montant de cette subvention, puisque c’en est une, d’une année sur l’autre, comme cela se pratique pour toutes les autres subventions, pour les prestations sociales ou pour le barème de l’impôt sur le revenu.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. D’ailleurs, c’est exactement ce que vous allez faire dans le projet de loi de finances rectificative, qui prévoit de geler le barème de l’impôt sur le revenu applicable en 2012 aux revenus de 2011.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3 sexies.
Article 4
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – Le VI de l’article 44 quaterdecies est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est supprimé ;
2° À la fin du deuxième alinéa, les mots : « avant imputation de celui prévu à l’article 217 bis » sont supprimés ;
3° Au troisième alinéa, la référence : « et à l’article 217 bis » est supprimée ;
B. – Au trente et unième alinéa du I de l’article 199 undecies B et au cinquième alinéa du IV de l’article 199 undecies C, la référence : « aux articles 217 bis et » est remplacée par les mots : « à l’article » ;
C. – L’article 217 bis est abrogé ;
D. – À la fin du premier alinéa du IV bis de l’article 217 undecies, les mots : « des abattements prévus aux articles 44 quaterdecies et 217 bis » sont remplacés par les mots : « de l’abattement prévu à l’article 44 quaterdecies » ;
E. – Aux deux dernières phrases du premier alinéa et à la fin de la première phrase du sixième alinéa de l’article 223 A, à la fin du premier alinéa de l’article 223 B et au premier alinéa des d et i du 6 de l’article 223 L, les références : « aux articles 214 et 217 bis » sont remplacées par la référence : « à l’article 214 » ;
F. – À la fin du premier alinéa de l’article 223 D, la référence : « et 217 bis » est supprimée ;
G. – Le 4 de l’article 223 L est abrogé.
II. – À la première phrase du 1° de l’article L. 3324–1 du code du travail, les références : «, 208 C et 217 bis » sont remplacées par la référence : « et 208 C ».
Mme la présidente. L'amendement n° I-118 rectifié, présenté par MM. Patient, Antoinette, Antiste, Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 217 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 217 bis. - Les résultats provenant d’exploitations situées dans les départements d’outre-mer, employant moins de dix salariés et appartenant aux secteurs éligibles mentionnés au I de l’article 199 undecies B, ne sont retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés que pour les deux tiers de leur montant.
« Les dispositions du présent article s’appliquent aux résultats des exercices clos jusqu’au 31 décembre 2017. »
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. L’instauration d’un abattement au titre de l’impôt sur les sociétés en outre-mer avait pour objet d’abaisser le coût de financement et d’améliorer les capitaux propres des petites et moyennes entreprises ultramarines qui ont un accès au financement externe plus difficile que les grandes entreprises.
Il est important d’aider les TPE et les PME des DOM, car elles constituent l’essentiel du tissu économique de nos territoires : elles représentent 95 % des entreprises domiennes et sont celles qui créent le plus d’emplois.
En supprimant l’article 217 bis du code général des impôts, le présent projet de loi de finances revient sur ce choix et modifie l’esprit de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, dont l’objectif avoué était de renforcer les capacités des outre-mer à produire un développement économique propre afin de résorber le chômage.
Retirer dès l’année prochaine cette mesure qui devait être efficiente jusqu’en 2017 ôterait toute possibilité d’autonomie financière à ces entreprises, pivots du dynamisme ultramarin.
C’est pourquoi le maintien de cet abattement est vital pour elles. Conscient néanmoins des urgences actuelles, une solution pourrait être de maintenir cet abattement aux seules entreprises qui emploient moins de dix salariés.
Le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, de juin 2011, indiquait que les entreprises de moins de dix salariés bénéficiant de l’abattement étaient au nombre de 6 815 sur un total de 9 219 bénéficiaires.
Cet amendement vise donc à maintenir l’abattement d’un tiers des bénéfices imposés dont jouissent les entreprises des DOM en le limitant aux entreprises qui emploient moins de dix salariés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je remercie M. Patient et ses collègues d’avoir rectifié l’amendement n° I-118, sur lequel nous avons débattu ce matin.
La commission émet donc un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement a décidé dans son analyse des niches fiscales de conserver toutes les niches fiscales de cohésion territoriale avec l’outre-mer, toutes sauf une. C’est un effort mesuré que nous demandons à nos amis des territoires ultramarins.
L’effort que nous exigeons de tous les Français doit être équitablement réparti, et les territoires ultramarins doivent en prendre leur part. Cet effort est minime puisque toutes les autres défiscalisations sont maintenues. Je n’en citerai qu’une, qui est extrêmement importante : le logement social outre-mer est totalement exonéré du plafond global des niches applicables à l’impôt sur le revenu alors même que toutes les dépenses des autres niches sont en train de passer progressivement sous ce plafond.
Si le Gouvernement a proposé de supprimer l’abattement du tiers applicable à l’impôt sur les sociétés sur le résultat des exploitations situées dans les DOM, c’est parce que l’utilité de ce dispositif n’a pas été démontrée par l’Inspection générale des finances dans le cadre du rapport d’évaluation des dépenses fiscales. Le score de cette mesure est de zéro.
Le groupe socialiste, pardon la commission des finances désormais propose de supprimer le dispositif de soutien aux heures supplémentaires que le Gouvernement a mis en place. Ce dispositif avait pourtant une meilleure note que celui des exonérations pour les entreprises d’outre-mer. Il y a un manque de cohérence dans les choix de la commission des finances, qui défend le maintien d’un abattement noté zéro dans le rapport sur les niches fiscales et sociales !
M. François Marc. Vous n’utilisez pas ce rapport d’habitude !
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’ajoute que la LODEOM a introduit un dispositif plus pertinent à l’article 44 quaterdecies du code général des impôts, qui prévoit un abattement de 50 %, 60 % ou 100 % des résultats des entreprises implantées dans les zones franches d’activité des DOM. Cet article est beaucoup plus puissant et aide les zones franches domiennes.
Les conséquences de la suppression de l’abattement du tiers seront supportées, pour l’essentiel, par des entreprises qui sont rentables et qui ne sont pas considérées comme fragiles.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame la ministre, j’ai bien pris la précaution de préciser que le rapport de l’Inspection générale des finances était un document administratif et qu’il n’avait pas de valeur normative.
Je remarque que les niches auxquelles vous vous attaquez, même si c’est quelquefois modérément, sont celles qui sont le mieux cotées par le rapport Guillaume.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. N’utilisez donc pas la notation comme un argument !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il n’y en a qu’une, c’est celle sur les assurances. Or elle a atteint son but !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Oui, mais il est difficile de comprendre que vous vous attaquiez à des niches cotées 2,5 !
J’ai dressé une liste, voulez-vous que je vous la lise ? L’annualisation des allégements généraux des charges sociales est cotée 3 ; la taxe sur les conventions d’assurance, la TSCA, est cotée 3…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je vous renvoie au rapport sur les prélèvements obligatoires !
M. Patient et ses collèges ont fait un effort. Ce qu’ils veulent, c’est que cet abattement soit maintenu, que la disposition demeure inscrite dans le code général des impôts. Ils en ont donc limité l’application aux entreprises qui en ont le plus besoin. Nous devons répondre à cet effort en en faisant un autre dans leur sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.
M. Serge Larcher. Je voudrais, pour employer un langage sportif, remettre la balle au centre.
Madame la ministre, je vous ai entendu dire cet après-midi que lorsque le Gouvernement prend un engagement, il tient parole.
Prenez la liste des engagements que le Gouvernement a pris vis-à-vis des DOM et sur lesquels il est revenu, vous serez vraiment impressionnée. La LODEOM, c’était il y a seulement deux ans ! Mais, avant, nous avions eu la loi Pons, la loi Girardin, dont le dispositif, nous avait-on promis, durerait quinze ans. Tout de suite après, le Gouvernement est revenu sur cette loi, comme il le fait chaque fois qu’un dispositif est mis en place pour les départements d’outre-mer. Cette absence de visibilité a pour conséquence que les investisseurs hésitent aujourd’hui à venir chez nous.
Cela étant, vous avez dit qu’il fallait que l’outre-mer fasse un effort. Nous en sommes totalement d’accord ! L’outre-mer, c’est la France, et nous sommes solidaires et prêts à participer à l’effort de redressement des comptes publics. Mais ne nous soumettez pas à la double peine, dans la mesure où toutes les dispositions qui sont prises pour la France, nous les subissons.
Parce que nous accusons un retard de développement, parce que notre PIB est inférieur de moitié au PIB national, vous mettez en place des dispositifs pour nous aider à rattraper ce retard, mais, à chaque fois, vous revenez dessus. Quand on observe bien les choses, on se rend compte que vous demandez plus à ceux qui ont moins !
M. François Marc. Eh oui !
Mme la présidente. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais, avant que nous ne suspendions nos travaux pour le dîner, faire le point sur l’avancée de nos débats.
Ayant jusque-là bien travaillé, à un rythme tout à fait correct, nous pouvons considérer qu’il ne sera pas nécessaire de siéger demain, samedi. Nous reprendrons la séance à vingt-deux heures quinze et nous la poursuivrons jusqu’à une heure raisonnable, que nous déterminerons ensemble.
Mme Catherine Procaccia. Quatre ou cinq heures du matin !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Non, peut-être pas jusque-là !
Nous pourrons alors faire le point et estimer le nombre d’heures de discussion encore nécessaires pour lundi, en particulier pour lundi matin. N’en disons pas plus à ce stade.
Je tiens en tout cas à remercier nos collègues des différents groupes, le Gouvernement ainsi que Mme le rapporteur général d’avoir permis que cette discussion budgétaire débute techniquement dans des conditions tout à fait correctes et selon un bon rythme.
4
Mise au point au sujet d'un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, lors du scrutin n° 47 sur la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, mon collègue Jean-Jacques Lasserre souhaitait voter pour.
Je vous remercie par avance de bien vouloir faire procéder à cette rectification au Journal officiel.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures vingt.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 18 novembre 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-216 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
6
Loi de finances pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2012.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements portant article additionnel après l’article 4.
Articles additionnels après l'article 4
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-56, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2 bis de l’article 38 du code général des impôts, il est inséré un 2 ter ainsi rédigé :
« 2 ter À compter du 1er novembre 2011, pour l’application des 1 et 2, les charges d’intérêts liées à l’émission d’emprunts par une société sont admises, en déduction pour le calcul du bénéfice net, dans la limite de 30 % du bénéfice avant charges d’intérêts liées à l’émission d’emprunts. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Outre le fait qu’il vise à reprendre une proposition de nos collègues du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche de l’Assemblée nationale, cet amendement constitue le premier d’une série portant sur le devenir et la réalité de l’impôt sur les sociétés.
Cela fait vingt ans, vingt-cinq ans même, que l’on attaque l’impôt sur les sociétés sous tous les angles, qu’il s’agisse de son assiette, de son taux ou de ses modalités d’application. Nous sommes d’ailleurs parvenus à une situation tout à fait abracadabrantesque : le coût des mesures corrigeant l’impôt sur les sociétés est plus élevé que son rendement. En 2012, nous devrions ainsi enregistrer une recette d’impôt sur les sociétés de l’ordre de 50 milliards d’euros, alors que le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires a chiffré à 106 milliards d’euros le montant des mesures d’allégement pesant sur cet impôt.
Imaginez que, demain, nous allions à la rencontre des contribuables de l’impôt sur le revenu et que nous leur disions : « Vous devriez payer 100 euros d’impôt, mais, dans sa grande bonté, le Trésor public n’exigera finalement de vous que 30 euros. » C’est exactement ce qui se passe avec l’impôt sur les sociétés.
Mais revenons-en à l’amendement.
Celui-ci propose un plafonnement de 30 % des charges d’intérêts déductibles des entreprises, selon les paramètres retenus notamment en Allemagne.
Cet après-midi, alors que je présentais un amendement, on m’a demandé de préciser quelles étaient, sur le sujet, les propositions du Conseil des prélèvements obligatoires. S’agissant du présent amendement, le Conseil des prélèvements obligatoires a formulé, dans son rapport d’octobre 2010, une proposition qui conduirait à une augmentation cumulée des bénéfices de 41,6 milliards d’euros, correspondant à une recette, pour l’État, de 11,35 milliards d’euros sur trois ans.
Alors que les entreprises ont été fortement aidées, en 2010, par la suppression de la taxe professionnelle sans contrepartie – à hauteur, je le rappelle, de 9 milliards d’euros, ce montant étant passé à 4 milliards d’euros à partir de 2011 –, la mesure du CPO permettrait, en revenant en partie sur une importante niche fiscale, d’augmenter les recettes de l’État, sans pour autant nuire à la compétitivité des entreprises.
De plus, le système fiscal incite les entreprises à la sous-capitalisation, en permettant la déduction des intérêts d’emprunt du bénéfice imposable, sans plafonnement. En effet, pour bénéficier d’une telle déduction, les entreprises acquérant une société par de la dette remboursable financent cette opération par les résultats futurs de la société acquise, au travers des distributions de dividendes, ce qui d'ailleurs limite les capitaux propres.
De façon générale, l’entrepreneur a intérêt à ne pas réinvestir les bénéfices et à s’endetter afin de réduire l’assiette de son impôt. Ce phénomène a été mis en avant de longue date, notamment avec le fameux théorème de Modigliani-Miller.
Sous le bénéfice de ces observations, nous ne pouvons que vous inviter, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° I-121, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 2 bis de l’article 38 du code général des impôts, il est inséré un 2 ter ainsi rédigé :
« 2 ter Pour l’application du 1 et du 2 du présent article, les charges d’intérêts liées à l’émission d’emprunts par une société sont admises, en déduction pour le calcul du bénéfice net, à condition que le rapport entre les capitaux propres et la dette financière ne soit pas inférieur à 66 % ».
II. – Les dispositions du présent I ne sont applicables qu’à compter du 1er novembre 2011.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement vise à limiter l’effet de levier des emprunts dans le cas des rachats d’entreprise ou, pour le dire un peu brutalement, les dégâts des prédateurs sur les entreprises qu’ils rachètent.
La mécanique est bien connue : prenons le cas d’une entreprise valant 10 millions d’euros ; si vous voulez l’acheter et si vous n’avez que 1 million d’euros en poche, vous devrez emprunter 9 millions d’euros, qu’il faudra rembourser.
Lorsque la conjoncture est extrêmement favorable, cela est envisageable. Mais quand, comme aujourd'hui, la conjoncture se retourne, deux cas de figure sont possibles : soit l’entreprise, surendettée, croule ; soit les acquéreurs extérieurs – je rappelle en effet que le LBO se définit comme un rachat par l’extérieur avec effet de levier – vendent une partie du patrimoine par appartement et démolissent l’entreprise, bref ils se paient sur la bête. Il s’ensuit évidemment une situation sociable très préjudiciable, des licenciements, etc.
Nous voulons mettre fin à ces spéculations qui n’apportent rien à l’économie ni aux entreprises. Par conséquent, notre amendement tend à limiter l’effet de levier à 1,5 afin d’encadrer la capacité d’emprunt des acheteurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’amendement n° I-56 procède de la même inspiration que l’amendement n° I-10, que je présenterai tout à l'heure au nom de la commission, amendement qui est plus opérant et, à mon avis, meilleur.
Monsieur Foucaud, je voudrais vous en expliquer les raisons, de manière simple.
Votre amendement fait référence à « l’émission d’emprunts » par la société, ce qui est une notion un peu ambiguë, laissant entendre que seuls les intérêts liés à des émissions obligataires seraient concernés. En outre, il évoque le « bénéfice avant charges d’intérêts », notion qui n’est usitée ni en fiscalité ni en comptabilité. Enfin, il ne retient pas tous les paramètres du régime allemand, vers lequel il entend converger : je pense notamment au plafonnement en montant. Un tel plafonnement est en revanche prévu par l’amendement n° I-10, qui présente également l’intérêt d’aménager une transition.
Je le concède, ces arguments sont techniques, mais, ce qui m’ennuie surtout, c’est que l’adoption de votre amendement rendrait sans objet l’amendement n° I-121 relatif au LBO, sur lequel la commission a émis un avis favorable.
L’amendement n° I-121 a déjà été examiné dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2011. Il était à l’époque parfaitement justifié, parce que de nombreux LBO à très fort effet de levier, souvent supérieur à 4 ou 5, sont intervenus entre 2004 et 2007, avant la crise. Cette époque était caractérisée par la surabondance de liquidités, une faible aversion pour le risque, une trop forte réduction de l’horizon d’investissement, la pratique des enchères et, surtout, des LBO successifs, qui impliquent, à chaque cession, de relever le levier pour garantir la rentabilité de l’opération : tout ce que vous avez dit à ce sujet, concernant la période qui a précédé la crise, était parfaitement exact, mon cher collègue.
Cela étant, cet amendement tend à fixer une limite de déductibilité correspondant à un levier de 1,5. Aujourd’hui, si cette limite était appliquée, bon nombre d’opérations seraient compromises. Puisqu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, il me semble que le levier raisonnable se situe plutôt à deux ou à trois. Monsieur Yung, si vous souhaitez que votre amendement puisse produire des effets intéressants, compte tenu des changements intervenus depuis la crise, il conviendrait de limiter le levier à deux, ce qui suppose de rectifier le texte pour remplacer le taux de 66 % par un taux de 50 %. Si vous acceptiez cette rectification, mon cher collègue, je serais en mesure d’émettre un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. L’avis du Gouvernement est défavorable.
Certes, plusieurs rapports ont mis en évidence que notre régime de déductibilité des intérêts d’emprunts était extrêmement favorable. Le Gouvernement est donc prêt à travailler pour améliorer le dispositif existant.
Cependant, comme vous le savez, nous souhaitons faire évoluer notre impôt sur les sociétés dans le sens d’une plus grande convergence avec l’Allemagne. Les deux ministres des finances, François Baroin et Wolfgang Schäuble, se sont engagés à présenter, d’ici à janvier 2012, une copie commune. Or il se trouve que le régime de déductibilité des intérêts d’emprunt est très strictement encadré en Allemagne. Des contacts que nous avons eus avec nos homologues allemands, il ressort que ceux-ci considèrent leur système d’encadrement comme trop strict et souhaitent l’assouplir.
Nous nous inscrivons donc aujourd’hui dans une logique de convergence qui supposerait de baisser le taux de notre impôt sur les sociétés, fixé aujourd’hui à 33 % – auquel il faut ajouter une contribution exceptionnelle de réduction des déficits de 5 % cette année –, le taux allemand s’élevant à 15 % ; en contrepartie, la déductibilité des intérêts d’emprunts serait limitée, notamment pour les grands groupes. Cette démarche s’inscrit dans une perspective de long terme, elle ne saurait être définie « au doigt mouillé » et nécessite une étude d’impact.
J’ai bien noté que les reprises d’entreprises par le biais de LBO avaient pu donner lieu à des abus, mais l’utilisation du LBO a, dans certains cas, permis de sauver certaines de nos PME ou entreprises de taille intermédiaire du rachat par de grands groupes étrangers : ainsi, le LMBO, c’est-à-dire le rachat de l’entreprise par ses propres salariés, a permis à des groupes familiaux d’éviter d’être rachetés et de voir leurs actifs partir à l’étranger.
Nous devons donc être extrêmement prudents, réaliser des études d’impact et, surtout, éviter d’attacher un boulet au pied des entrepreneurs français en prenant des mesures trop strictes qui déséquilibreraient profondément le compte d’exploitation des entreprises.
Mme la présidente. Monsieur Foucaud, l’amendement n° I-56 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Je souhaite tout d’abord préciser que notre groupe est tout à fait favorable à l’amendement n° I-121.
En ce qui concerne l’amendement n° I-56, je n’exclus pas de le retirer, mais je n’ai pas très bien compris vos explications, madame la rapporteure générale. En effet, vous me renvoyez à votre amendement n° I-10 : son objet précise qu’il « traduit une préconisation du Conseil des prélèvements obligatoires », mais notre amendement reprend, lui aussi, une proposition formulée par ce même conseil. Vous indiquez que vous vous inspirez de l’exemple allemand, ce que nous faisons également ; enfin, nos chiffres sont identiques.
Je souhaiterais donc que vous m’indiquiez le montant des recettes supplémentaires qui reviendraient à l’État, dans l’hypothèse où votre amendement serait adopté, sur un an, deux ans et trois ans, car notre objectif commun est bien d’augmenter les recettes de l’État et de lutter contre la sous-capitalisation des entreprises. En fonction de ces éléments, madame la rapporteure générale, je me prononcerai sur votre demande de retrait de notre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Yung, que pensez-vous de la demande de rectification formulée par Mme la rapporteure générale ?
M. Richard Yung. Je suis la recommandation de Mme la rapporteure générale qui préconise le taux de 50 % : de toute façon, il est difficile de se prononcer de manière très précise.
Par ailleurs, madame la ministre, je suis, moi aussi, un ardent partisan du rapprochement fiscal avec l’Allemagne, à commencer par l’impôt sur les sociétés. Dans ce domaine, nous devons avancer rapidement. Il me semble que notre amendement ne met pas en danger cette convergence voulue entre nos deux pays : au contraire, et, vous l’avez dit vous-même, les Allemands souhaitent aussi réduire l’effet de levier. En outre, nous savons que le mode de fonctionnement du capitalisme rhénan rend les entreprises allemandes moins sensibles à des opérations de LBO.
En cas de LMBO, la situation est différente, puisque ce sont les salariés qui reprennent l’entreprise : nous soutenons donc ces opérations. En revanche, quand le repreneur est un groupe d’actionnaires extérieurs, la limitation introduite par notre amendement est justifiée.
Il me semble même que l’adoption de notre amendement nous placerait dans une position de négociation favorable, puisque nous ne serions pas très éloignés de l’objectif que nos partenaires allemands souhaitent atteindre.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° I–121 rectifié, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 2 bis de l’article 38 du code général des impôts, il est inséré un 2 ter ainsi rédigé :
« 2 ter Pour l’application du 1 et du 2 du présent article, les charges d’intérêts liées à l’émission d’emprunts par une société sont admises, en déduction pour le calcul du bénéfice net, à condition que le rapport entre les capitaux propres et la dette financière ne soit pas inférieur à 50 % ».
II. – Les dispositions du présent I ne sont applicables qu’à compter du 1er novembre 2011.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur Foucaud, je suis sûre que l’amendement n° I–10 que je vais bientôt présenter est beaucoup plus strict que le vôtre. En effet, vous ne prévoyez pas de plafonner le montant de la déduction. Sinon, nos deux amendements s’inspirent évidemment de la recommandation du Conseil des prélèvements obligatoires et visent la convergence avec le régime allemand de déductibilité des intérêts d’emprunt, qui a été assoupli en 2008, madame la ministre.
L’absence de plafonnement est donc le principal reproche que je ferai à l’amendement n° I-56, outre le fait que le groupe socialiste a déposé son propre amendement : j’ai compris, ce matin, que la commission des finances tenait à ce qu’il soit adopté, sous réserve de la rectification acceptée par M. Yung.
Je pense donc que vous ne feriez pas d’erreur, monsieur Foucaud, si vous acceptiez de retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Foucaud, l’amendement n° I-56 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Ce sujet est très complexe. Je veux bien être obéissant, mais j’essaie aussi d’être intelligent. Quoi qu’il en soit, j’ai bien compris que notre amendement ne serait pas adopté, c’est pourquoi je vais le retirer. L’amendement n° I-121 rectifié sera adopté et nous rediscuterons de cette question lors de l’examen de l’amendement n° I-10.
Cela dit, je vous crois, madame la rapporteure, et, si nous ne sommes pas satisfaits, nous reviendrons sur le sujet une nouvelle fois, vous le savez bien.
Mme la présidente. L’amendement n° I-56 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° I-121 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 4.
L’amendement n° I-94, présenté par MM. Adnot, Türk et Masson, Mme Des Esgaulx et M. Houel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le b du 2 de l’article 39 quinquies A est ainsi modifié :
a) Après le mot : « innovation », sont insérés les mots : « ou à des fonds financiers d’innovation » ;
b) Le mot : « visées » est remplacé par le mot : « visés » ;
c) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’amortissement exceptionnel est égal au montant des souscriptions libérées au cours de l’exercice, à compter du 1er octobre 2011. Il n’a pas à être rapporté aux résultats imposables si les parts ou actions ont été détenues pendant au moins 5 années révolues. »
2° Le deuxième alinéa de l’article 40 sexies est ainsi modifié :
a) Après le mot : « plus-values », sont insérés les mots : « distribuées par les sociétés financières d’innovation ou par les fonds financiers d’innovation ou » ;
b) Il est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Au-delà de cette limite, les plus-values distribuées par les sociétés financières d’innovation ou par les fonds financiers d’innovation ou provenant de la cession d’actions de sociétés financières d’innovation ou de parts de fonds financiers d’innovation seront comprises dans les bénéfices imposables au taux normal dans la limite de l’amortissement exceptionnel précédemment pratiqué à raison desdites actions ou parts. Les plus-values dépassant cette dernière limite seront imposables dans les conditions prévues au a sexies 1 du I de l’article 219. »
II. – Le III de l’article 4 de la loi n° 72-650 du 11 juillet 1972 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier est ainsi modifié :
1° Le A est ainsi rédigé :
« A - Les sociétés financières d’innovation et les fonds financiers d’innovation ont pour objet de faciliter le financement de sociétés répondant aux conditions suivantes :
a) être une petite et moyenne entreprise au sens de l’annexe I du règlement (CE) 800/2008 de la commission du 6 août 2008 ;
b) être sise dans un État membre de la Communauté économique européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale ;
c) être soumise à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou y être soumise dans les mêmes conditions si l’activité était exercée en France ;
d) exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, notamment dans les secteurs de la santé, du bien-être, de l’alimentation, des biotechnologies, de l’environnement, des écotechnologies, du traitement de l’information et des communications, et des matériaux et nanotechnologies ;
e) justifier de la création de produits, procédés ou techniques dont le caractère innovant et les perspectives de développement économique sont reconnus, ainsi que le besoin de financement correspondant. Cette appréciation est effectuée par un organisme chargé de soutenir l’innovation et désigné par décret. » ;
2° Le B est ainsi rédigé :
« B - Les sociétés financières d’innovation sont constituées sous la forme de société par actions. Les fonds financiers d’innovation sont des fonds communs de placement à risque décrits aux articles L. 214-28, L. 214-37 et L. 214-38 du code monétaire et financier. » ;
3° Le C est ainsi modifié :
a) Le mot : « agréé » est supprimé ;
b) Après les mots : « sociétés financières d’innovation », sont insérés les mots : « ou à des fonds financiers d’innovation » ;
c) Il est complété par les mots : « suite à l’agrément délivré à cet effet par l’organisme chargé de suivre les investissements dans les petites et moyennes entreprises désigné par décret » ;
4° Le D est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « envers l’État » sont supprimés et le mot : « agréé » est remplacé par les mots : « libéré ou de la souscription libérée à un fonds » ;
b) Les deuxième et troisième phrases sont supprimées ;
c) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de cette amende est diminué d’un abattement égal à la proportion du montant des souscriptions réalisées par des personnes n’ayant pas, en France, leur domicile fiscal ou leur siège social sur le montant des souscriptions émises par la société ou le fonds. Cette proportion s’apprécie au premier jour de chaque exercice. »
III. – En conséquence, le II de l’article 88 de la loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991 de finances pour 1992 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après les mots : « société financière d’innovation », sont insérés les mots : « ou porteurs de parts de fonds financiers d’innovation » ;
b) Il est complété par les mots : « ou dudit fonds » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « actionnaire », sont insérés les mots : « ou porteur de parts » ;
b) Après les mots : « société financière d’innovation », sont insérés les mots : « ou d’un fonds financier d’innovation » ;
c) Les mots : « celle-ci ne peut » sont remplacés par les mots : « ces derniers ne peuvent ».
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État des dispositions du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° I-120 rectifié bis, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 80 duodecies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du 2 est ainsi rédigée :
« Il en est de même pour leurs indemnités de départ de l’entreprise, lorsqu’elles sont composées de primes ou d’actions gratuites. » ;
2° Il est ajouté un 3 ainsi rédigé :
« 3. Toute société dont le conseil d’administration ou le directoire décide d’augmenter la rémunération d’un dirigeant pendant la période de six mois précédant son départ de l’entreprise est redevable d’une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés au taux de 15 % sur son bénéfice imposable. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Compte tenu de l’écart croissant observé entre les rémunérations les plus faibles et les plus élevées au sein des entreprises, nous avons déposé cet amendement qui tend à limiter les rémunérations très importantes accordées en fin de parcours professionnel pour préparer les fameuses « retraites chapeau ».
Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que la moyenne des rémunérations salariales des entreprises du CAC 40 a progressé de 13 % en dix ans, alors que celle des rémunérations des cadres les plus élevés dans la hiérarchie, sur la même période, a progressé de 35 %.
L’année dernière, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, le ministre François Baroin a affirmé qu’il n’était pas besoin d’encadrer les retraites chapeau, car le milieu économique avait mis en place des « garde-fous », s’en tenant ainsi au vœu pieux de l’autorégulation. Si l’on y regarde de plus près, on constate que le MEDEF a recommandé aux entreprises de ne pas accorder de « parachute doré » d’un montant supérieur à deux années de rémunération, prime de non-concurrence incluse – ce qui est déjà beaucoup ! –, et d’inclure le montant de la retraite supplémentaire, qui ne saurait dépasser un pourcentage limité de la rémunération fixe, dans la rémunération globale. Cependant, il ne s’agit que de « recommandations », dépourvues de toute force contraignante. Par ailleurs, c’est à la puissance publique qu’il appartient, selon nous, de réguler le marché. Le problème demeure, en quelque sorte, sans solution.
Notre amendement vise donc plus particulièrement les retraites jugées excessives. Il arrive souvent que les entreprises augmentent le salaire de leurs dirigeants peu de temps avant leur départ, sans que cela soit justifié par leurs performances. Notre amendement tend donc à taxer ces rémunérations, artificielles selon nous : si ces augmentations interviennent dans un délai inférieur à six mois avant la date de départ en retraite, les entreprises seront soumises à une taxe supplémentaire de 15 % sur leur bénéfice imposable. En effet, de telles augmentations de salaire dissimulent assez mal leur réelle fonction, il est donc légitime de les taxer.
Notre amendement vise en outre à fiscaliser les indemnités de départ attribuées aux dirigeants de société sous la forme d’un capital, qu’il s’agisse de primes ou d’actions gratuites. Cette fiscalisation permettrait de limiter le montant de ces indemnités.
Alors que le Gouvernement entend imposer l’austérité aux Français, il est normal que la modération salariale s’impose à tous, notamment aux grands dirigeants. Cet amendement a donc pour objet d’introduire une régulation des rémunérations très importantes accordées en fin de parcours professionnel : leur fiscalisation serait de nature à moraliser les pratiques en vigueur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement a deux objectifs.
Tout d’abord, il tend à intégrer les indemnités de départ composées de primes ou d’actions gratuites au sein du revenu imposable. Or ce premier objectif est déjà atteint par la rédaction actuelle de l’article 80 duodecies du code général des impôts, auquel fait référence l’amendement, qui précise que « constitue […] une rémunération imposable toute indemnité versée, à l’occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux [et] dirigeants ».
Les plus-values d’acquisition et de cession des actions gratuites sont quant à elles fiscalisées entre les mains de l’attributaire, ou à un taux forfaitaire auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux, soit une taxation d’environ 53 %, ou au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
Pour ce qui est de son premier objet, l’amendement est donc satisfait par l’article du code général des impôts auquel il fait référence.
Le second objet de l’amendement, à savoir la mise en place d’une taxe additionnelle de 15 % sur les bénéfices imposables des sociétés dont l’organe social augmente la rémunération d’un ou plusieurs dirigeants dans les six mois précédant leur départ, est légitime et présente même un grand intérêt.
C’est bien l’impôt sur les sociétés qui est renchéri et la surtaxe est dissuasive : l’arbitrage au sein de la société devrait conduire à ne pas attribuer de rémunérations supplémentaires dans les six derniers mois.
La commission est donc favorable au 2° de l'amendement, car il peut dissuader de recourir à une pratique trop souvent utilisée et qui n’est pas couverte par les textes en vigueur, mais elle ne souhaite pas que le 1° soit retenu. Elle demande donc aux auteurs de l’amendement de bien vouloir le modifier en conséquence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je suis défavorable aux deux parties de l’amendement, et cela pour des raisons un peu différentes.
En premier lieu, s’agissant des indemnités de cessation de fonction, je rappelle que désormais, comme l’a dit Mme Bricq, toutes les indemnités versées aux dirigeants à l’occasion de leur cessation de fonction sont par principe imposables. Elles ne sont exonérées, par exception et sous plafond, que lorsque la cessation revêt un caractère forcé.
L’encadrement des « parachutes dorés » des dirigeants des entreprises cotées a été considérablement renforcé.
L’article 17 de la loi TEPA, cette loi que vous n’aimez pas, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition – ou peut-être devrais-je dire de la majorité (Sourires) –, a mis en place un régime juridique permettant de garantir que les indemnités de départ des dirigeants ne leur sont pas indument versées mais récompensent uniquement leurs performances.
La déduction de l’assiette de l’impôt sur les sociétés des rémunérations différées et versées aux dirigeants de sociétés cotées est déjà plafonnée à 210 000 euros.
L’article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a soumis aux cotisations sociales, à la CSG et à la CRDS la fraction des indemnités de rupture supérieure à trois plafonds de la sécurité sociale, plafond qui a été porté par l’article 10 ter du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour2012 à deux plafonds, soit un peu plus de 70 000 euros.
Il me semble donc que la première partie de l’amendement est largement satisfaite.
Quant à la seconde partie, je dois avouer que je n’en comprends pas très bien l’objet. Quelles sont en effet les entreprises qui augmentent les salaires des dirigeants avant leur départ ? J’ai du mal à percevoir quels cas sont visés, car, la plupart du temps, lorsqu’un dirigeant est évincé, cela se fait sans préavis de six mois !
Mais, à supposer même qu’une entreprise ait le curieux désir d’augmenter le salaire de son dirigeant juste avant son départ, une taxe de 15 % sur les bénéfices imposables représenterait une somme, non pas dissuasive, pour reprendre le terme employé par Mme la rapporteure générale, mais irréaliste ! Que le salaire du dirigeant soit déclaré non déductible des charges pour le calcul de l’impôt sur les sociétés serait en rapport avec l’objectif recherché, mais, là, on perd tout sens des proportions.
Il me vient en outre à l’esprit que, si l’on prend le cas d’une entreprise que vous aimez beaucoup citer, Total, qui ne fait pas de bénéfices en France et que celle-ci décide de doubler le salaire de son dirigeant six mois avant son départ, elle ne sera pas sanctionnée puisqu’elle n’est pas redevable de l’impôt sur les sociétés en France !
Je crois donc que la bonne façon de procéder n’est pas celle-là, mais celle qu’a choisie le Gouvernement, à savoir la taxation des golden parachutes, des retraites chapeau et autres dispositifs que vous n’aviez pas taxés il y a dix ans. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Marc Todeschini. Elle ne peut pas s’en empêcher ! (Sourires sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. Monsieur Marc, que pensez-vous de la suggestion de Mme la rapporteure générale ?
M. François Marc. Compte tenu des indications données par la commission, j’accepte de supprimer la première partie de l’amendement n° I-120 rectifié bis, ce qui permettra de lever l’ambiguïté mentionnée par Mme la rapporteure générale.
Par ailleurs, puisque Mme la ministre s’interroge sur les cas que nous entendons viser, je lui indique d’abord que notre amendement a une vocation générale : il s’agit de compléter l’arsenal des garde-fous réglementaires en instituant ce dispositif dissuasif.
Ensuite, madame la ministre, il y a des entreprises qui se livrent à ces pratiques : certes, cet amendement n’a pas été puisé à bonne source (Sourires.), mais il n’est pas non plus tombé du ciel ! Ce sont les entretiens que nous avons pu avoir avec un certain nombre d’observateurs et même avec des dirigeants d’entreprise qui nous ont amenés à le déposer.
Dès lors, il a une finalité tout à fait légitime dans la mesure où il apporte une protection supplémentaire en même temps qu’il permet, dans cette période troublée où il y a tant d’inégalités dans les rémunérations, d’éviter une dérive qui a pu être constatée, certes pas de façon généralisée, mais dans quelques cas.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° I-120 rectifié ter, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, qui est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 80 duodecies du code général des impôts est complété par un 3 ainsi rédigé :
« 3. Toute société dont le conseil d’administration ou le directoire décide d’augmenter la rémunération d’un dirigeant pendant la période de six mois précédant son départ de l’entreprise est redevable d’une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés au taux de 15 % sur son bénéfice imposable. »
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je ne résiste pas à faire une brève intervention, le dispositif proposé me paraissant inadéquat, et cela pour deux raisons.
Si l’on constate des résultats brillants, augmenter la rémunération d’un dirigeant alors qu’il s’apprête à quitter l’entreprise n’est pas forcément et par nature illégitime,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … surtout si sa rémunération était auparavant modérée.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si en revanche la situation de l’entreprise que quitte le dirigeant était à ce point compromise que son résultat fiscal deviendrait négatif, cette augmentation serait vraiment, moralement et économiquement, très condamnable, et, monsieur Marc, le dispositif serait alors techniquement inopérant.
Bref, je comprends vos intentions, qui peuvent dans une large mesure être partagées, mais, sincèrement, vous ne touchez pas, à mon avis, les bonnes cibles.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. J’estime que, dans tous les cas de figure, cet amendement sera inopérant et ne changera strictement rien.
Par exemple, si le départ du dirigeant est prévu, il sera augmenté non pas six mois mais sept mois auparavant.
M. Philippe Dallier. Il peut aussi y avoir le cas contraire : un dirigeant est augmenté, puis, pour une raison x ou y imprévisible alors, il quitte l’entreprise ; celle-ci va donc se voir taxée de 15 % supplémentaires sans que rien ne le justifie !
Pour tout dire, cela me paraît être un drôle d’amendement et je crains qu’il ne rate son but de toutes les manières.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4.
L'amendement n° I-10, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 112 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 9° La fraction d’intérêts non déductible en application du dernier alinéa du 1 de l’article 212 bis. » ;
2° Le premier alinéa du II de l’article 209 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « mentionnée au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212 », sont insérés les mots : « et au dernier alinéa du 1 de l’article 212 bis » ;
b) À la fin, les mots : « et au sixième alinéa du 1 du II de l’article 212 » sont remplacés par les mots : « , au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212 et au dernier alinéa du 1 de l'article 212 bis » ;
3° Après l’article 212, il est inséré un article 212 bis ainsi rédigé :
« Art. 212 bis. – 1. Lorsque le montant des intérêts déductibles servis par une entreprise excède simultanément au titre d’un même exercice les deux limites suivantes :
« a. 3 000 000 euros ;
« b. 80 % du résultat courant avant impôts préalablement majoré desdits intérêts, des amortissements pris en compte pour la détermination de ce même résultat et de la quote-part de loyers de crédit-bail prise en compte pour la détermination du prix de cession du bien à l’issue du contrat, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011 ;
« la fraction des intérêts excédant la limite visée au b ne peut être déduite au titre de cet exercice.
« Ce taux est fixé à 60 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2012 et à 30 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2013.
« Toutefois, cette fraction d’intérêts non déductible immédiatement peut être déduite au titre de l’exercice suivant à concurrence de la différence calculée au titre de cet exercice entre la limite mentionnée au b et le montant des intérêts déductibles. Le solde non imputé à la clôture de cet exercice est déductible au titre des exercices postérieurs dans le respect des mêmes conditions sous déduction d’une décote de 5 % appliquée à l’ouverture de chacun de ces exercices.
« 2. Les dispositions prévues au 1 ne s’appliquent pas aux intérêts dus à raison des sommes ayant servi à financer :
« 1° Des opérations réalisées dans le cadre d’une convention de gestion centralisée de la trésorerie d’un groupe par l’entreprise chargée de cette gestion centralisée ;
« 2° L’acquisition de biens donnés en location dans les conditions prévues aux 1 et 2 de l’article L. 313-7 du code monétaire et financier.
« Ces dispositions ne s’appliquent pas non plus aux intérêts dus par les établissements de crédit mentionnés à l’article L. 511-9 du même code. » ;
4° L’article 223 B est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception aux dispositions prévues au dernier alinéa du 1 de l’article 212 bis, les intérêts non admis en déduction, en application des quatre premiers alinéas du 1 du même article, du résultat d’une société membre d’un groupe et retenus pour la détermination du résultat d’ensemble ne peuvent être déduits des résultats ultérieurs de cette société. » ;
5° Après la référence : « 209 », la fin du dernier alinéa du 6 de l’article 223 I est ainsi rédigée : « d’une part et au sixième alinéa du 1 du II de l’article 212 et au dernier alinéa du 1 de l’article 212 bis d’autre part. » ;
6° Le dernier alinéa de l’article 223 S est complété par les mots : « et au cinquième alinéa du 1 de l’article 212 bis. »
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. J’ai proposé à la commission des finances cet amendement qui s’inspire, monsieur Foucaud, du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires et aussi, madame la ministre, du dispositif actuellement appliqué en Allemagne, ce qui le pare déjà de deux vertus ! (Sourires.)
Troisième vertu de cet amendement, il a été présenté lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale par notre collègue Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Autant dire que nous y tenons !
Je me tourne vers M. Foucaud pour préciser ce que j’avais commencé à lui exposer tout à l’heure.
Cet amendement vise à plafonner la déductibilité des intérêts servis par une entreprise au titre d’un même exercice à 30 % du résultat brut avant impôts et dans la limite de 3 millions d’euros.
Afin de ne pas bouleverser les modalités de financement des entreprises, la mise en place du plafond serait progressive, soit 80 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011, puis de 60 % en 2012 et, enfin, de 30 % en 2013.
Cet amendement complet comporte par ailleurs plusieurs mesures. Je vous fais grâce, mes chers collègues, des mesures de coordination, mais je souligne qu’une des mesures proposées a deux caractéristiques communes avec le régime de lutte contre la sous-capitalisation.
Est par exemple prévue une faculté de report de la fraction des intérêts non déductibles au titre d’un exercice, cette fraction pouvant ainsi être déduite durant l’exercice suivant, à concurrence de la différence entre la limite que j’ai indiquée tout à l’heure et le montant des intérêts déductibles. Le solde non imputé à la clôture de cet exercice est ensuite déductible au titre des exercices postérieurs, sans limitation de durée, dans les mêmes conditions et sous déduction d’une décote annuelle de 5 %.
Madame la ministre, cet amendement me paraît donc un bon moyen de parvenir à une réelle convergence avec le droit allemand en vigueur tout en restant dans la lignée des recommandations du Conseil des prélèvements obligatoires : je suis convaincue que ce sera une avancée du droit en matière de plafonnement de la déductibilité des intérêts d’emprunt pour les entreprises imposées à l’impôt sur les sociétés.
Quant à la question de savoir quel serait le rendement d’un tel dispositif, monsieur Foucaud, je ne suis pas en mesure d’y répondre– je ne crois pas d’ailleurs que quiconque ici pourrait le faire ce soir –, mais je sais que cet amendement est « sécurisé » et correspond vraiment à ce que vous souhaitez.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cet amendement part d’une très bonne intention. C’est d’ailleurs logique, puisqu’il a été présenté par le président de la commission des finances à l’Assemblée nationale et par la rapporteure générale au Sénat. (Sourires.)
C’est en effet une bonne intention que de vouloir tendre à une convergence franco-allemande. Je suppose que ses auteurs ont en outre pour objectif un rapprochement de la fiscalité des grandes entreprises et des PME, puisque l’on sait que les grandes entreprises françaises bénéficient plus que les PME de la possibilité de défiscaliser les intérêts d’emprunt.
Néanmoins, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, nous avons entamé un travail de convergence franco-allemande et nos interlocuteurs allemands nous ont fait savoir que leur dispositif ne les satisfaisait plus : ils veulent en changer pour se rapprocher du dispositif de déductibilité français actuel, qui est beaucoup plus favorable.
Par conséquent, il serait dommage que, dans cette volonté de convergence, nous nous croisions et divergions à nouveau, nous, en essayant de limiter la déductibilité des intérêts d'emprunt, eux, en décidant de l'augmenter. Cet effet de ciseaux serait tout à fait regrettable.
Nous travaillons de concert avec la direction de la législation fiscale allemande, en examinant comment traiter les intérêts d'emprunt, à une période où les entreprises ont besoin de se financer par emprunt, ou encore comment régler la question du taux de l'impôt sur les sociétés. Certes, en Allemagne, la déductibilité d'intérêts d'emprunt est moins importante, mais le taux d'impôt sur les sociétés est de 15 %, alors que le nôtre atteint 33 %.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous ne parlons pas de la même chose !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais si, dans votre calcul, vous ajoutez 14 % de fiscalité destinée aux Länder, qui correspondent à notre taxe professionnelle, notre CET ou notre CVAE.
Madame la rapporteure générale, il semble préférable d’attendre le rapport de la mission de convergence franco-allemande, qui traitera précisément des questions d'assiettes et de taux. Pour le moment, nous n'avons aucune visibilité. La seule information dont nous disposions, c’est que les Allemands ne veulent plus de leur système. Il serait donc dommage que nous l’adoptions !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur Foucaud, le Conseil des prélèvements obligatoires prévoit une recette supplémentaire pour l’État d’environ 11 milliards d'euros sur trois ans, mais il ne prend pas la même référence que nous. Par conséquent, l’adoption de la mesure proposée par la commission dégagera une recette inférieure.
Madame la ministre, la CVAE n'est pas un impôt sur le bénéfice.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Le Conseil des prélèvements obligatoires a mené une étude et procédé à des comparaisons avec le système allemand : le taux facial en France est supérieur ; il est légèrement inférieur en Allemagne.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la rapporteure générale, les Allemands ont le financement des Länder et celui de l'État fédéral. Pour notre part, nous avons le financement des régions et des collectivités territoriales, d’un côté, celui de l'État, de l'autre. Si la CVAE n’est pas assise sur les bénéfices, c'est par choix. Mais ce n'est pas parce que l’assiette n’est pas la même que la fiscalité ne pèse pas sur les entreprises !
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Madame la rapporteure générale, ne voyez aucune malice dans mes propos. Je vous ai interrogée pour connaître le rendement de la disposition prévue dans votre amendement. Vous avez affirmé que votre dispositif était meilleur que le nôtre car il était plus précis. Pourtant, nous sommes, nous, en mesure d’indiquer le rendement du dispositif que nous proposons.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cet amendement est important et lourd de conséquences, puisque son adoption accroîtrait vraisemblablement la charge fiscale pesant sur les entreprises d’environ 2 milliards par an. Cette mesure vise particulièrement les groupes d'entreprises qui ont des relations de trésorerie. Il s’agit d’entités formées d'un certain nombre de sociétés, dont certaines peuvent avoir une trésorerie disponible susceptible d'être prêtée à d'autres sociétés du groupe.
En 2006 ou 2007, l'actuelle majorité gouvernementale a durci les règles dites « de lutte contre la sous-capitalisation des sociétés anonymes ». Le régime que tend à modifier cet amendement a été réécrit totalement voilà quelques années seulement.
Une mise en garde s’impose. Madame la rapporteure générale, si l'on suit votre initiative, des groupes d'entreprises seront conduits à des restructurations juridiques, afin que la trésorerie des sociétés liées soit répartie différemment au sein de l’ensemble économique du groupe.
Je veux bien que l'on se réfère au régime allemand, sous les réserves formulées par le Gouvernement sur l'évolution probable du régime fiscal outre-Rhin. Mais le fait de ne fonder la fiscalité que sur le résultat par société, alors que le groupe est un ensemble économique et que le seul résultat économiquement probant est bien celui du groupe, n'est ni moderne, ni adapté à la réalité économique. Au contraire, il s’agit d’une démarche de nature à créer des distorsions et qui ne serait pas neutre selon la structuration juridique des groupes.
Pour ma part, je considère que prélever, à l'aide d'une telle mesure, environ 2 milliards d'euros de plus par an au titre de l'impôt sur les sociétés n'est pas raisonnable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je ne sais pas si je parviendrai à vous rassurer, monsieur le président de la commission, mais il est explicitement indiqué dans le texte de l'amendement que les centrales de trésorerie n’entrent pas dans le dispositif. Par conséquent, votre argument selon lequel cela pénaliserait les groupes d’entreprises ne tient pas.
Par ailleurs, la lutte contre la sous-capitalisation perdure et n’est pas remise en cause, bien au contraire ! C'est ce que j'ai indiqué tout à l'heure à Thierry Foucaud : notre amendement va tout à fait dans ce sens.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il peut y avoir des prêts d'une société à une autre sans que cela passe par une centrale de trésorerie !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Quant au rendement annuel du dispositif, il sera au moins de l’ordre de 2 milliards d'euros par an ; voilà qui peut rassurer Thierry Foucaud.
Je ne peux malheureusement être plus précise, mais, entre les estimations du Conseil des prélèvements obligatoires, dont les calculs se fondent sur d’autres critères, et ce que prévoit l'amendement, on peut considérer que les recettes pourraient atteindre des sommes de l’ordre de 8 milliards à 9 milliards d'euros environ pendant trois ans ; elles seront de toute façon inférieures à 11 milliards d'euros, c’est clair.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Permettez-moi de rappeler toutes les hausses d'impôt sur les sociétés qui ont été décidées depuis le plan Fillon du 24 août dernier.
Nous avons d'abord instauré l'impôt sur les sociétés minimal, outil de convergence franco-allemande s'il en est. Toutes les entreprises qui dégageront cette année un bénéfice supérieur à 1 million d'euros seront taxées sur au moins 40 % de ce bénéfice. En d’autres termes, elles ne pourront pas reporter leur déficit sur plus de 60 % de leur bénéfice. Cette mesure, qui concerne surtout les grands groupes bénéficiaires, rapportera à l'État 2 milliards d'euros.
Nous avons ensuite décidé la suppression du bénéfice mondial consolidé, ce qui permet de dégager 500 millions d'euros d'impôt sur les sociétés supplémentaires.
Nous allons maintenant mettre en place – en tout cas, je l’espère – une surtaxe de 5 % jusqu'au retour à l'équilibre budgétaire. Cela représente 1,1 milliard d'euros de plus.
Il faut également évoquer la niche Copé. Le prélèvement sur la quote-part pour frais et charges est doublé et passe de 5 % à 10 %, ce qui représente un montant de 400 millions d'euros.
Cela fait beaucoup de charges nouvelles pour les entreprises. Certes, il était normal que les grands groupes prennent leur part de l'effort que nous demandons à tous les Français, mais il ne faut pas aller trop loin, au risque de pénaliser la compétitivité de l'économie française.
Il est vrai qu’il existe des différences d’assiettes, de taux, d’objectifs entre les impôts allemands et les impôts français. Cela justifie pleinement la constitution d'un groupe de travail franco-allemand qui réfléchisse à la convergence des deux systèmes, de façon que nos entreprises ne soient pas beaucoup plus taxées que leurs voisines allemandes.
Nous avons déjà le boulet des 35 heures (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV), dont M. Schröder a dit que c'était une très bonne nouvelle pour l'Allemagne ; n'en ajoutons pas un autre avec la fiscalité !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4.
L'amendement n° I-57, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 145 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du b du 1, le taux : « 5 % » est remplacé par le taux: « 10 % » ;
2° Au b ter du 6, le taux : « 5 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».
II. – Cette disposition est applicable pour l’établissement des impositions perçues en 2011.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Le régime des sociétés mères et filiales est sans nul doute l’une des modalités particulières d’établissement de l’impôt sur les sociétés sur lesquelles nous manquons d’informations claires.
D’ailleurs, la mesure a été déclassée du champ des dépenses fiscales. Elle est aujourd’hui d’un coût insuffisamment connu, à tout le moins absent des documents d’évaluation de la dépense fiscale qui nous sont transmis.
C’est dommage car, selon l’évaluation du Conseil des prélèvements obligatoires, le montant de la dépense liée au régime s’établit à 34,9 milliards d’euros, tandis que le régime d’intégration des bénéfices coûte 19,5 milliards d’euros.
Lorsque, au cours de la discussion générale comme de la présentation de la motion tendant à opposer la question préalable, nous avons évoqué des mesures fiscales encourageant de fait les délocalisations d’activité et de résultats, nous étions bien dans le vrai ! Il est donc pour le moins nécessaire de mettre en place un frein à cette dérive dont nous n’avons pas l’impression qu’elle ait forcément permis à notre économie, notamment à notre industrie, d’éviter le déclin.
Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos.
Total peut développer ses capacités de raffinage à l'étranger, quand il réduit ses activités de même nature en France.
Renault organise la production d’une grande partie de ses véhicules en Roumanie ou en Slovénie, tandis que les salariés de Cléon, Douai ou Sandouville sont mis au chômage technique.
Et je ne reviens pas sur le fait que ce qui est considéré comme un niveau de participation suffisant pour appliquer le régime, c'est-à-dire une détention de 5 % du capital, permet aussi quelque optimisation !
Ainsi, une entreprise peut, dans le cadre d’une opération de restructuration interne d’un groupe, se retrouver quelque temps en dessous de ce seuil. Parfois, des opérations de cession d’actifs non stratégiques sont conduites à cette fin.
Il suffit que, dans les trois ans, une nouvelle émission de titres conduise à nouveau la société mère au-dessus du seuil des 5 % pour que le bénéfice du régime perdure. En d’autres termes, on peut aisément faire « respirer » une participation, puis la reprendre, et ainsi de suite, tout en continuant de bénéficier du régime favorable.
Voilà ce à quoi nous voudrions mettre un frein.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement vise à relever le taux de détention minimale requis pour bénéficier du régime mère-fille de 5 % à 10 %. Cette démarche est intéressante : elle reprend l’objet d’un amendement défendu à l'Assemblée nationale et figure parmi les propositions formulées par le Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport du mois d'octobre 2010.
Le Conseil des prélèvements obligatoires a indiqué que cette modalité de calcul, puisque c’est ainsi que l’appellent les services du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, est élevée et en forte augmentation. Cependant, cet organisme précise que le surplus des rentrées fiscales liées à un relèvement à 10 % est très difficile à chiffrer et devrait être relativisé. Selon son argumentation, il ne concernerait que les distributions effectuées en dehors d’un groupe fiscal, celles qui sont effectuées au sein d’un groupe fiscal intégré bénéficiant d’un dispositif spécifique intra-groupe.
Les sociétés mères chercheraient probablement à porter leur pourcentage de détention à 10 % pour pouvoir bénéficier du régime, si bien que l’augmentation du taux de détention aurait moins d’effets au fil du temps, en raison du comportement d’optimisation des entreprises concernées. Le rendement de ce dispositif comporte donc des aléas, puisque les entreprises en sont maîtresses. Il est difficile d’anticiper leurs réactions.
Le Conseil des prélèvements obligatoires envisage également d’autres voies, dont le déplafonnement de la quote-part pour frais et charges de 5 %, introduit par la loi de finances pour 2011. Il considère le régime français comme relativement favorable, en s’appuyant sur des comparaisons avec les Pays-Bas, la Norvège, la Pologne ou l’Espagne dont je vous fais grâce.
À mon sens, le relèvement à 10 % est une option envisageable dans le cadre d’une refonte globale de l’impôt sur les sociétés, qui s’avère absolument nécessaire. Il est vrai que nous allons, au final, du moins je l’espère, adopter nombre de mesures qui alourdissent la charge des entreprises. (Mme la ministre acquiesce.) Notre objectif est de rendre cet impôt beaucoup plus opérationnel.
Madame la ministre, tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il y a beaucoup trop d’évitements en la matière. On parle souvent de l’impôt sur le revenu et des niches afférentes, mais, s’agissant de l’impôt sur les sociétés, au sens « bercyen » du terme, on parle non pas de niches, mais de modalités de calcul. Le résultat est le même : des « trous » dans l’assiette. L’impôt sur les sociétés ressemble encore plus à un gruyère que l’impôt sur le revenu.
Cela dit, madame Beaufils, les amendements que la commission des finances a fait adopter sont de nature à envoyer des signaux lourds. Il ne faut peut-être pas trop « charger la barque ».
Réfléchissons plutôt à la progressivité de l’impôt, ce que ne tend pas à faire votre amendement, qui a également le défaut de prévoir une application rétroactive, puisqu’il vise à s’appliquer aux impositions perçues en 2011, donc aux revenus de 2010.
Je vous demanderai donc de le retirer, ma chère collègue.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je partage les doutes de Mme la rapporteure générale sur le rendement de cet impôt. À l’évidence, les entreprises s’adapteraient assez rapidement à ce nouveau seuil, mais ce n’est pas tellement ce constat qui me tracasse.
Aujourd’hui, les entreprises françaises sont dans une situation difficile. Il ne vous a pas échappé – Mme la rapporteure générale l’a suffisamment répété – que la situation économique de notre pays est très délicate. Notre croissance est extraordinairement fragile ; un certain nombre de grands groupes viennent d’annoncer des plans de réduction d’effectifs.
Il nous faut être raisonnables, en nous efforçant d’aller vers une convergence franco-allemande. Or cet amendement nous ferait totalement diverger de l’Allemagne, où le régime « mère-fille » s’applique, quel que soit le pourcentage de détention du capital. Nous sommes déjà à 5 %, ce qui est plus contraignant que chez notre voisin d’outre-Rhin ; vous voulez doubler ce taux pour arriver à 10 %. Mais combien de boulets allons-nous encore attacher aux pieds de nos entreprises, dans une période où nous avons tant besoin d’elles pour préserver et créer de l’emploi ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis prête à ouvrir le groupe de travail sur la convergence franco-allemande à tous les partis représentés dans cet hémicycle, afin de tout mettre sur la table et d’avoir une discussion franche et transparente. Le fait de s’éloigner, en termes de compétitivité, de notre principal partenaire et concurrent, qui se trouve aussi être un des moteurs économiques de l’Europe, est selon moi un vrai contresens.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Je trouve assez inouï d’entendre parler aujourd’hui de convergence. Nous l’appelons de nos vœux pour l’Europe, et pas simplement entre la France et l’Allemagne, depuis des années, en matière tant fiscale que sociale.
Nous n’en sommes pas là, loin s’en faut ! Entendre dire aujourd’hui qu’il faut en faire une priorité est, certes, réconfortant, mais on ne peut s’empêcher de regretter toutes les années perdues !
Il faut dire aussi qu’un certain nombre de nos entreprises sont en difficulté pour avoir fait le choix d’une rémunération du capital trop forte. De toute façon, à bien y regarder, leur situation n’est pas aussi mauvaise que celle des salariés, qui sont aujourd’hui en grande difficulté.
Les déménagements d’entreprises qui ont eu lieu au cours de ces dernières décennies ont été réalisés uniquement dans un objectif financier. Cessons de nous voiler la face et regardons la situation de notre économie avec d’autres yeux si nous voulons être en mesure de redresser la situation.
Je maintiens donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° I-55, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 206 du code général des impôts, il est inséré un article 206 bis ainsi rédigé :
« Art. 206 bis. – Il est établi une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés pour les seuls établissements de crédit qui distribuent des dividendes. Son taux est fixé à 15 % du montant des bénéfices distribués aux actionnaires. Sont redevables les établissements de crédit agréés par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement. »
II. – Cette disposition est applicable à compter du 1er novembre 2011.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement tend à instaurer une contribution particulière des établissements financiers au titre de l’impôt sur les sociétés.
Si ces établissements décident de verser des dividendes à leurs actionnaires, la contribution s’applique et représente une majoration de 15 % du montant des sommes versées.
Le renforcement des règles prudentielles dans le secteur bancaire, à la suite, notamment, des recommandations du comité de Bâle, dit « Bâle III », amène nos établissements de crédit à renoncer quelque temps à la distribution de dividendes, pour assurer leur recapitalisation.
Notre proposition présente donc un caractère préventif pour la suite. Elle tend à prévoir que, en cas de versement de dividendes en lieu et place d’une recapitalisation, une taxe s’appliquera en complément, un dividende public en quelque sorte.
Nous souhaitons que le produit de cette contribution soit affecté à la création de la nouvelle structure de financement des collectivités locales que nous avons évoquée lors de la discussion du collectif budgétaire traitant de la situation de Dexia. Il s’agira d’un outil public, s’appuyant sur la Caisse des dépôts et consignation et sur la Banque postale, de nature à répondre aux besoins de notre économie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il n’est malheureusement pas favorable, madame Beaufils.
L’amendement comporte, tout d’abord, de petites imperfections techniques, faciles à corriger. Il y est fait notamment référence à l’agrément du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, qui s’appelle l’Autorité de contrôle prudentiel depuis 2010. Ensuite, vous mentionnez les bénéfices distribués aux actionnaires, alors que vous voulez parler des dividendes. Malgré ces erreurs de rédaction, je comprends parfaitement l’intention qui sous-tend votre amendement.
Cependant, je ne l’estime pas opportun, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, le plan européen de recapitalisation des banques va obliger certaines d’entre elles, que nous connaissons bien en France, à renoncer au versement de dividendes. Je vous rappelle qu’elles doivent se conformer aux exigences de « Bâle III » en juillet 2012. Il va donc falloir qu’elles renforcent leurs fonds propres par rétention de bénéfices.
Mme Marie-France Beaufils. Cela ne s’appliquera pas !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est l’objectif !
Pour ne citer qu’elle, la Société générale a annoncé, le 7 novembre dernier, qu’elle ne distribuerait pas de dividendes cette année.
En second lieu, l’objectif visé doit être, à mon sens, un peu différent. Contrairement à ce qu’elles prétendent, je ne suis pas sûre que les banques n’auront pas besoin de fonds publics pour se recapitaliser. C’est pour cette raison que nous avons bien pris la précaution de prévoir, dans le projet de loi de finances rectificative concernant le sauvetage de Dexia, que, si les banques renforcent leur solvabilité en ayant recours aux fonds publics, elles ne pourront plus verser ni bonus ni rémunérations différées. Elles ne pourront verser de dividendes que sous la forme d’actions.
En cette période dans laquelle les banques ne sont pas très enclines à alimenter l’économie réelle, peut-être n’est-il pas opportun de mettre en application ce que vous préconisez dans votre amendement. La barque est déjà bien pleine !
Les banques sont en outre très attaquées par les marchés. Si, en d’autres temps, nous aurions pu être favorables à votre amendement, je dirai qu’actuellement il n’est pas de saison, si vous me permettez cette expression un peu triviale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° I-168, présenté par M. Maurey et Mme Férat, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du I de l’article 219 du code général des impôts est complété par les mots : « dans la limite d’un plancher égal à 15 % de l’assiette nette d’impôt sur les sociétés majorée de l’incidence de l’ensemble des dépenses fiscales figurant à la rubrique impôt sur les sociétés de l’évaluation des voies et moyens annexée à la loi n° … du … de finances pour 2012. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-119 rectifié, présenté par MM. Marc et Rebsamen, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Pour le recouvrement de l'impôt sur les sociétés au titre d'un exercice fiscal donné, toute société est tenue d'acquitter un impôt au moins égal à la moitié du montant normalement exigible résultant de l'application du taux normal, prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219 du code général des impôts, à l'assiette de son bénéfice imposable, majorée de l’incidence de l’ensemble des dépenses fiscales figurant à la rubrique Impôt sur les sociétés de l’évaluation des voies et moyens annexée à la présente loi.
II. – Les pertes de recettes éventuelles résultant pour l'État du I sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droit prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Il ya en France, aujourd’hui, un réel problème concernant l’impôt sur les sociétés. Ce constat nous avait conduits, mes collègues du groupe socialiste et moi, à déposer une proposition de loi au printemps dernier.
Le fait est que l’impôt sur les sociétés, comme l’impôt sur le revenu, souffre d’un mitage excessif et croissant de son assiette, dont savent profiter exagérément les grandes entreprises, au détriment des PME.
Je rappelle que les niches fiscales favorables aux entreprises en France représentent une somme d’environ 100 milliards d’euros, selon le Conseil des prélèvements obligatoires, et que ces niches profitent beaucoup plus aux grandes qu’aux petites entreprises. C’est un réel problème.
En optimisant l’usage de différents dispositifs fiscaux, les entreprises arrivent à minimiser l’impôt sur les sociétés qu’elles doivent acquitter. Ce dernier est actuellement appliqué à un taux nominal de 33,3 %, mais en définitive, si ce taux s’applique effectivement aux petites entreprises, il tombe à 20 % pour les entreprises de 50 à 249 salariés, à 13 % pour les entreprises de plus de 2 000 salariés, et seulement à 8 % pour les sociétés du CAC 40.
En fin de compte, sur la base de ces données les plus récentes, on se rend compte que les entreprises du CAC 40 parviennent à bénéficier d’un taux d’impôt sur les sociétés 2,3 fois moins élevé que celui qui est appliqué aux PME.
À l’époque, notre proposition de loi avait été rejetée, recueillant un avis défavorable du Gouvernement. Depuis lors, les positions ont évolué. Certaines déclarations, émanant aussi bien du rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, M. Carrez, que du Gouvernement, l’ont montré, il y a une prise de conscience de la différence de traitement entre les entreprises s’agissant de l’impôt sur les sociétés, ce qui explique d’ailleurs les mesures qui ont été prises et qu’a rappelées Mme la ministre : suppression du bénéfice mondial consolidé, le BMC ; aménagement des mécanismes de report en avant ou en arrière des déficits ; sans oublier la fameuse taxe exceptionnelle, qui vient d’être instituée.
Mais tout cela ne suffit pas. Il faut notamment relancer le projet AXIS, pour tendre vers une assiette consolidée d’imposition sur les sociétés à l’échelon européen. Espérons que le groupe de travail franco-allemand annoncé pourra nourrir la réflexion.
Dans l’immédiat, rien n’est acté, alors qu’il importe d’adopter de nouvelles mesures. Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à mettre en place un plafonnement de l’usage cumulatif des différentes niches ou dispositions fiscales dérogatoires, et ce à hauteur de 50 % de l’impôt sur les sociétés exigible au titre d’un exercice fiscal.
En d’autres termes, il s’agit d’instaurer une sorte de seuil plancher au-dessous duquel les entreprises, notamment les plus importantes, ne pourraient plus faire baisser l’impôt sur les sociétés dont elles sont redevables.
Il faut inciter l’ensemble des entreprises à intégrer cette notion de citoyenneté fiscale, car la situation actuelle ne peut perdurer. Les PME ont, aujourd’hui, besoin du soutien actif de la collectivité publique. Il convient donc de favoriser la justice fiscale pour que des moyens puissent être dégagés en ce sens.
À cet égard, l’adoption de notre amendement représenterait un signal important dans le contexte actuel, où le développement économique fondé sur le dynamisme des PME est un objectif unanimement partagé. (M. David Assouline applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement s’inspire des travaux du Conseil des prélèvements obligatoires, rendus publics en octobre 2009, puis confirmés en juin dernier par la direction générale du Trésor, dans le cadre d’une étude sur le taux de taxation implicite des bénéfices en France.
Je confirme ce qui a été dit : les grandes entreprises bénéficient d’un taux implicite d’imposition plus de deux fois inférieur à celui des PME : 18,6 % contre 39,5 %.
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je comprends l’intention des auteurs de l’amendement, qui est de créer un « bouclier fiscal inversé » et de mettre fin à une forme de dégressivité de l’impôt.
L’idéal serait de réintégrer dans l’assiette d’autres éléments que les dépenses fiscales, dans la mesure où le mitage de l’impôt sur les sociétés tient aussi aux modalités de calcul des intérêts. La perte engendrée par ces dernières atteint un montant extrêmement important, de l’ordre de 40 milliards d’euros, quand les dépenses fiscales au sens strict oscillent, me semble-t-il, entre 7 milliards et 8 milliards d’euros.
Le problème de l’impôt sur les sociétés est avant tout un problème d’assiette. Le régler supposerait un travail très complexe. Il faudrait choisir parmi les modalités de calcul de l’impôt celles qui seraient susceptibles de favoriser une réintégration dans l’assiette. Ce travail n’a pas été mené et nous n’allons certainement pas le faire ce soir !
Grâce à l’adoption, tout à l’heure, de l’amendement n° I-10 de la commission, permettant de mettre en place un dispositif global de plafonnement de la déductibilité des intérêts d’emprunt pour les entreprises imposées à l’impôt sur les sociétés, nous nous rapprochons sans nul doute de la vérité, car nous avons opéré là une modification de l’assiette extrêmement importante.
Monsieur Marc, l’amendement n° I-119 rectifié est tout à fait acceptable dans la mesure où il fait vivre le débat. Je salue l’attachement du groupe socialiste-EELV à favoriser une imposition sur les sociétés plus juste, plus cohérente, en vue de combler ce différentiel beaucoup trop important constaté entre les grandes entreprises et les petites.
Monsieur le président de la commission des finances, personne, ici, ne souhaite la mort des « grands chevaux », car chacun sait que le capitalisme français est historiquement fondé sur les grandes entreprises.
Il s’agit simplement de rétablir ce que j’appellerai « la vérité de l’impôt » : aujourd’hui, l’impôt sur les sociétés est « troué » de partout, ce qui ouvre la voie à l’optimisation fiscale ; évidemment, ce sont les grands groupes qui ont le plus de facilités dans ce domaine.
Il faut donc faire émerger un tissu compétitif dans lequel toutes les entreprises, les grandes comme les petites et les moyennes, puissent prospérer, et ce dans le bon sens. Or ce n’est pas du tout ce à quoi l’on assiste à l’heure actuelle. Du reste, il faut bien l’admettre, cela fait maintenant une trentaine d’années que les directeurs financiers ont pris plus d’importance que les responsables de production.
Madame la ministre, mes chers collègues, il faut changer la donne et revenir à un capitalisme d’entrepreneurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° I-119 rectifié.
Nous sommes entrés, je le rappelle, dans une logique de convergence franco-allemande en matière fiscale. Pourquoi vouloir changer les règles du jeu aujourd’hui ?
Cela étant, nous partageons le souci, exprimé par M. Marc et relayé par Mme la rapporteure générale, de ne plus avoir de niches ou de « trous » dans l’impôt sur les sociétés.
C’est la raison pour laquelle nous avons instauré, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2011 présenté en septembre dernier, une disposition prévoyant un impôt sur les sociétés minimal. Cela permet, en réalité, d’empêcher le report à nouveau, sur les exercices suivants ou antérieurs, des déficits constatés. Au-delà d’une fraction de 60 %, ces derniers ne sont en effet plus imputables.
À mon sens, il ne faut pas aller plus loin.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un débat très important, sur lequel nous pourrions, en partie, nous retrouver, tant la lutte contre les dépenses et les niches fiscales doit concerner l’ensemble des impôts, aussi bien l’impôt sur les sociétés que l’impôt sur le revenu, la TVA, l’impôt sur le patrimoine, les impôts locaux, etc.
Néanmoins, mes chers collègues, le dispositif que vous nous proposez ne me semble pas abouti sur le plan technique. Si je vous comprends bien, il faudrait calculer, dans chaque entreprise, une sorte d’impôt normatif et, partant, réintégrer dans le résultat fiscal toute une série d’éléments. Cela suppose, en réalité, de tenir une double comptabilité fiscale : outre que cette tâche serait nécessairement très complexe, elle exigerait des arbitrages portant sur une multitude de dispositifs. D’ailleurs, Mme la rapporteure générale a, pour une part, repris un tel argument.
Je comprends bien que, par cet amendement, vous vouliez lancer un signal. Mais je suis également tenté de penser que le dispositif susceptible d’être le plus mis à mal par une telle approche, c’est le crédit d’impôt recherche, qui risquerait d’être calculé de manière assez aveugle,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et ce quelles que soient l’importance des entreprises et la nature de leurs activités.
Le crédit d’impôt recherche avait fait l’objet de débats nourris au cours des années précédentes. Pour ma part, j’aurais tendance, s’agissant des plus grandes entreprises, à proposer une approche en quelque sorte contractuelle, revenant à subordonner la pleine application dudit crédit à un examen des thèmes, des programmes de recherche et de leur localisation. Cela ne me semble pas a priori incompatible avec le droit communautaire et représente sans doute une voie qu’il serait utile de creuser.
Mes chers collègues, il importe de traiter ce problème du taux d’imposition des sociétés et des niches fiscales qui le rongent, mais l’amendement présenté par le groupe socialiste-EELV n’est certainement pas, à mon avis, le bon moyen pour ce faire.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Je tiens à réagir aux propos qui viennent d’être tenus. Ils peuvent se résumer ainsi : si l’objectif est louable, certes, ce qui est proposé n’est pas faisable, pas sous cette forme en tout cas, et surtout pas maintenant.
Madame la ministre, mes chers collègues, cela fait maintenant quelques années que je présente, dans cet hémicycle, des amendements sur les textes relatifs aux finances. Figurez-vous que j’ai pris l’habitude d’entendre ce genre d’arguments !
Depuis des années, en effet, nous ne cessons de dénoncer les dérives du capitalisme financier, et ce à l’occasion de l’examen de textes aussi importants que la loi de transposition de la directive concernant les marchés d’instruments financiers, dite directive MIF, la loi de sécurité financière ou la loi relative aux nouvelles régulations économiques.
Nous avons présenté des dizaines d’amendements, prônant une autre forme de régulation et une vraie égalité de traitement. Chaque fois, nous avons entendu le même discours, et aujourd’hui encore : « vos propositions sont animées d’un bel esprit, mais, techniquement, elles ne sont pas réalisables ; il est trop tôt pour agir, mieux vaut encore attendre. »
Au fond, la seule nouveauté est la fameuse limitation du report des déficits, que vous avez évoquée, madame la ministre. Mais ce dispositif est bien minime et son impact très limité, puisqu’il s’agit simplement de restreindre l’étalement dans le temps des déficits.
Aujourd’hui, l’injustice qui règne en matière de fiscalité des entreprises est unanimement reconnue et jugée inadmissible. Je le répète, le taux de l’impôt sur les sociétés est, en moyenne, de 20 % pour les PME, contre 8 % seulement pour les sociétés du CAC 40. Cette situation va-t-elle durer encore longtemps ?
Nous proposons donc très simplement d’instaurer un seuil minimal, afin que les entreprises, les grandes comme les petites, payent au moins la moitié de l’impôt qu’elles doivent.
L’adoption de notre amendement aurait au moins cette vertu : envoyer un signal à toutes les entreprises, pour les inciter à appréhender le « devoir citoyen » en matière fiscale d’une façon différente.
M. le président de la commission me rétorque que cela supposerait des calculs supplémentaires. Mes chers collègues, je vous pose la question : qui, aujourd’hui, recrute des fiscalistes en grand nombre, par dizaines, pour faire de l’optimisation fiscale ? Les sociétés du CAC 40, justement !
Que l’on ne vienne pas me dire que ces experts en fiscalité ne seraient pas capables d’appliquer les nouvelles modalités de calcul du bénéfice « corrigé » que nous entendons mettre en place !
Les arguments qui nous sont opposés se révèlent tout à fait irrecevables au regard de l’objectif visé, qui est pourtant essentiel pour notre économie, notamment pour favoriser la mobilisation des PME. En outre, j’y insiste, la mise en œuvre de notre proposition permettrait d’améliorer grandement la justice fiscale dans notre pays.
Rien que pour le principe, l’amendement mérite donc d’être adopté. S’il y a des améliorations techniques à apporter, l’essentiel est de le faire vivre, pour que la réflexion se poursuive à l’Assemblée nationale et lors de la commission mixte paritaire. Je vous invite donc, mes chers collègues, à envoyer un signal fort en le votant. (M. David Assouline applaudit.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 4.
L’amendement n° I-69, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa du I de l’article 219 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er novembre 2011, le taux de l’impôt est fixé à 40 % pour la part des bénéfices distribués. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Nous en revenons toujours à la question du taux, même si elle peut paraître assez secondaire dans le débat général relatif à l’impôt sur les sociétés. La discussion l’a d’ailleurs montré, les mesures corrigeant l'impôt sur les sociétés sont, bien sûr, d’une tout autre portée dès lors qu’il s’agit de l’assiette et des modalités particulières de fixation de l’impôt.
Dans son rapport, le Conseil des prélèvements obligatoires, outre les deux importantes dépenses découlant du régime des sociétés mères, estimait en effet à 8 milliards d’euros le coût de la niche Copé, à 2,1 milliards d’euros celui de la taxation réduite des petites et moyennes entreprises, et à 1,8 milliard d’euros le coût de la quasi-disparition de l’imposition forfaitaire annuelle.
Pour ce qui est de la baisse du taux et pour le moins du taux facial, que peut-on dire ? Que comparé au taux historique de 50 %, le taux actuel représente une moins-value de recettes de 23 milliards d’euros brut, le poids particulier de la contribution sociale sur les bénéfices, 914 millions d’euros en 2012, pouvant éventuellement en être distrait.
Il y a un peu plus de 23 milliards d’euros qui manquent dans les caisses publiques. Mais je dirai que nous sommes ici attachés à la mise en œuvre d’une plus grande égalité de traitement entre les entreprises assujetties.
Aussi, nous proposons de procéder à une majoration de 20 % du taux d’imposition faciale imposé aux bénéfices qui seraient mis en distribution, ce qui reviendrait à avoir en taux faciaux trois taux sur les sociétés : un taux réduit dans la limite d’un plafond donné pour les petites et moyennes entreprises, un taux normal de 33,33 % pour les bénéfices au-delà de ce plafond PME et pour toutes les autres entreprises, entreprises de taille intermédiaire ou grandes entreprises et un taux majoré pour les bénéfices distribués aux actionnaires.
Ainsi nous poserions, sous réserve, d’ailleurs, d’un inventaire plus précis des dispositions correctrices, le principe d’une forme de progressivité de l’impôt sur les sociétés plus respectueuse de la capacité contributive de chaque assujetti.
C’est dans cette perspective que nous vous proposons, chers collègues, d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La commission n’est pas favorable à cet amendement, pour une raison assez simple qui relève du principe de réalité. Chaque fois qu’on a voulu mettre en place ce genre de dispositif, les tentatives ont échoué. Les années auxquelles je vais faire référence vont vous rappeler quelque chose, monsieur Foucaud. Il y a eu une tentative en 1988. Elle a été rapportée en 1992. La suivante, celle qui remonte à 1998, a été rapportée en 2000. Quelle est la raison de ces reports successifs ? En fait, les entreprises avaient trouvé une faculté d’évitement de cette taxation différenciée pour la fraction des bénéfices distribuée ; elles ont mis au point des mécanismes qui les faisaient arriver au même résultat que précédemment. Ainsi, on procédait à un rachat d’actions. Après quoi, on annulait ces actions, ce qui permettait de gonfler le bénéfice imposable et attribué par action. À partir de là, le détenteur de l’action s’enrichissait de la même manière que si on lui avait distribué des dividendes !
Instruite des expériences négatives conduites pendant les années que je viens de vous citer, je ne pense pas que le dispositif proposé soit opérationnel, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la présidente, je partage totalement l’avis de Mme la rapporteure générale, que je trouve plein de sagesse ! (Sourires.)
Mme la présidente. Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-69 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, sous le bénéfice des observations de Mme la rapporteure générale, nous retirons l’amendement. Nous ferons, le moment venu, une nouvelle proposition.
Mme la présidente. L’amendement n° I-69 est retiré.
L'amendement n° I-173 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Alfonsi, Bertrand, Chevènement et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« a quinquies. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2012, le montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation et à des titres de placement fait l'objet d'une imposition au taux de 19 %. »
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. L’amendement que nous proposons tend à réduire la défiscalisation dont bénéficient les plus-values de long terme afférentes à des titres de placements et de participation.
Depuis 2008, la crise qui a plongé notre pays dans la torpeur de laisse pas de nous inquiéter. Or les spéculateurs qui sont à l’origine de ce ralentissement continuent d’agir en toute impunité et sont même partiellement protégés par notre droit fiscal !
L’article 219 du code général des impôts, s’il n’encourage pas la spéculation, ne permet pas, en tout cas, de dissuader les spéculateurs. Grâce à cet article, une plus-value à long terme réalisée par une personne physique ou morale pour la vente de titres de participation fait l’objet d’une imposition séparée à un taux de 8 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006 et même, au fil des réductions, de 0 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007.
Ces taux sont, pour le moins surprenants, voire difficiles à admettre dans une période où les économies et le redressement des finances publiques doivent constituer des priorités nationales.
Les dispositions contenues à l’article 219 du code général des impôts sont injustes sur le plan fiscal et reviennent très cher puisqu’elles ont coûté 22 milliards d’euros entre 2007 et 2009 et que leur coût est en forte augmentation chaque année !
Dans un souci d’économie et pour limiter les injustices, il paraît donc logique de relever les taux auxquels sont imposées les plus-values réalisées lors de la cession de parts d’entreprises détenues depuis plus de deux ans.
C’est la raison pour laquelle nous proposons, avec cet amendement, de relever le taux d’imposition sur le montant net des plus-values de long terme pour la vente des titres de participation en le faisant passer à 19 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2012. Cette mesure s’appliquerait également aux titres de placement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il s’agit d’un sujet que nous aimons bien puisqu’il s’agit de la niche Copé-Marini. (M. le président de la commission et Mme la ministre s’exclament.) Elle est plus connue sous ce titre que sous celui auquel, madame Escoffier, vous avez fait référence. Bien évidemment, il s’agit des plus-values à long terme sur les titres de participation.
Vous voulez imposer à 19 % ces plus-values à long terme, ce qui constituerait un retour au taux antérieur à la réforme de 2004. Vous vous attaquez donc au taux. Je pense que votre intention est louable dans la mesure où cette niche coûte cher : Elle a coûté 3,5 milliards d’euros en 2011, hors élasticité éventuelle, et près de 20 milliards d’euros depuis 2007.
Je sais que des réserves ont été émises quant aux calculs. En effet, ceux-ci avaient été faits sur la base de l’imposition maximale, à 33 %. J’admets ces réserves.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela nous évitera, j’espère, d’entendre dire que les auteurs d’amendements sont parfois tentés d’affirmer n’importe quoi ! Au demeurant, il faut bien se référer à des chiffres. Comme les chiffres que j’ai cités sont les seuls dont nous disposons, nous allons les prendre pour base de discussion.
Que cette niche coûte cher, c’est vrai, c’est même indéniable ! Néanmoins, madame Escoffier, il faut être prudent sur le gain fiscal attendu. Vous l’évaluez à 2 milliards d‘euros dès 2012. Cela me paraît un peu optimiste parce que cela ne tient pas compte de l’élasticité. En cas de mise en œuvre de la mesure, bien des cessions ne seraient pas réalisées ou seraient étalées dans le temps. Pour imposer, encore faut-il qu’il y ait cession. Vous allez voir que, dans l’amendement n° I-8 de la commission, cet élément est pris en compte.
L’amendement n° I-173 rectifié pose, en outre, un problème de cohérence. Il impose à 19 % les plus-values sur les titres de placement qui sont déjà soumises à l’impôt sur les sociétés. Les titres de placements se distinguent, en effet, des titres de participation en ce qu’ils sont détenus à court ou moyen terme et dans une perspective non stratégique.
La commission trouve préférable de s’atteler à la logique économique de la quote-part, d’où l’amendement qui va suivre et qui vise à élargir l’assiette. Vous vous attaquez au taux, madame Escoffier, il nous semble préférable de s’attaquer à l’assiette.
Sur la base de cette argumentation, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement et de vous rallier à l’amendement n° I-8 de la commission. Nous partageons, en effet, le même objectif : la diminution du coût de cette niche.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Escoffier, je dois dire que vous avez parfois été mieux inspirée ! (Sourires.)
Cette fois-ci, je ne suis pas d’accord avec votre argumentation. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, dix-sept pays européens défiscalisent totalement les plus-values de cessions des entreprises.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Si c’est la Lituanie, ce n’est pas grave !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous avez dit que votre amendement visait à limiter la spéculation. Or il s’agit de cessions de titres qui ont été détenus pendant au moins deux ans. Madame la sénatrice, après deux ans, on ne peut pas parler de spéculation ! La plus-value est alors considérée comme une plus-value à long terme, laquelle relève d’un autre dispositif.
En outre, comme Mme Bricq a eu l’honnêteté de le reconnaître, le coût de la niche Copé-Marini a été nettement surévalué, y compris par les services de mon ministère. En effet, il a été calculé comme si les plus-values de cessions étaient taxées à 33 %, taux de l’impôt sur les sociétés. Or, en France, on n’a jamais taxé des plus-values à long terme à 33 %. Le taux d’imposition est au maximum à 19 %. Donc, le coût de la niche n’est évidemment pas de 7 milliards d’euros. La somme exacte est inférieure d’environ 40 %.
Certes, même si le montant de la niche s’élevait à 3 milliards d’euros, ce serait toujours 3 milliards d’euros qu’on aurait envie de supprimer, j’en conviens, madame Escoffier ! Mais le problème ne se pose pas exactement en ces termes.
La question est de savoir si une base taxable résisterait, à l’horizon d’une année, à une trop lourde taxation. Je vous réponds tout simplement qu’il n’y aura quasiment plus rien à taxer. La base taxable va faire pschitt ! En effet, les grands groupes dont vous avez tous fort justement dit qu’ils avaient à leur disposition mille outils pour délocaliser leurs bénéfices, leurs profits, leurs participations et leurs cessions de titres, surtout ceux qu’ils détiennent depuis plus de deux ans, pourront évidemment réaliser ces cessions où ils le veulent, dans n’importe laquelle de leurs filiales.
Alors que dix-sept pays d’Europe détaxent totalement, croyez-vous vraiment qu’un grand groupe continuera à vendre des titres en France ?
Prenons un exemple. Nous avons augmenté rétroactivement pour 2011 de 5 % à 10 % le prélèvement sur la quote-part pour frais et charges de ces cessions de titres. J’ai rencontré des patrons d’entreprises multinationales depuis. Ils m’ont dit que cette année ils avaient été pris en traîtres, qu’ils allaient payer l’impôt puisque la cession avait eu lieu mais que, l’année prochaine, ils effectueraient leurs opérations ailleurs qu’en France !
Je veux bien qu’on taxe, mais ce sera encore un boulet supplémentaire qu’on mettra aux pieds des entreprises françaises, surtout des PME françaises qui n’ont pas de filiales à l’étranger ! En revanche, avec un bon conseiller fiscal, une grosse PME est parfaitement capable de se débrouiller pour céder ses titres hors de nos frontières.
Quand dix-sept pays européens décident de défiscaliser des opérations, il faut suivre la logique de convergence européenne : on se met tous d’accord ou pour taxer, ou pour détaxer !
Introduire, comme l’a fait le Gouvernement, ce qui est déjà audacieux, un frottement fiscal de 10 %, c’est le maximum de ce qu’on peut espérer de ces cessions. Si on essaie de faire davantage, sachez-le, le produit de la taxe disparaîtra, faute de cessions, car c’est à l’étranger qu’elles se feront !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° I-173 rectifié.
Mme la présidente. Madame Escoffier, l'amendement n° I-173 rectifié est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Escoffier. Je vais me rallier à l’avis de Mme la rapporteure générale et retirer l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° I-173 rectifié est retiré.
L’amendement n° I-8, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du a quinquies du I de l’article 219 du code général des impôts, les mots : « portée au taux de 10 % » sont remplacés par les mots : « portée à 10 % du prix de cession des titres ».
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. S’agissant du coût de la niche Copé, je reconnais qu’il y a eu une erreur de calcul. Cependant, hors élasticité éventuelle, on peut lire dans le document « Voies et moyens » que le coût estimé de cette niche, en 2011, s’élève à 3,5 milliards d’euros. Si l’on refait le calcul après rectification de l’erreur méthodologique que vous avez signalée, madame la ministre, on obtient malgré tout un coût cumulé de 19,6 milliards d’euros.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Depuis que ce dispositif existe et produit des effets, c’est-à-dire depuis 2007. Ce n’est tout de même pas un chiffre négligeable !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cette niche coûte cher à nos finances...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour l’instant, madame la ministre, elle nous coûte cher. Or, dans la période présente, il convient de veiller à l’état de nos finances publiques.
De quelque niche qu’il s’agisse, je commence toujours par chercher à savoir pourquoi elle a été créée ; je souhaite en reconstituer la genèse, en quelque sorte.
En 2004, M. Marini et M. Copé, de concert, ont justifié l’existence de ce dispositif en invoquant le fait que nos partenaires européens en disposaient et qu’il fallait s’aligner sur la norme communautaire. Dont acte ! Ils le présentaient en outre comme un instrument de compétitivité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Eh bien oui !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Alors, nous ne devons pas avoir la même idée de ce qu’est la compétitivité !
Selon moi, il y a un paramètre décisif : si un pays dispose d’entreprises compétitives, son commerce extérieur n’est pas déficitaire. Or celui de la France l’est assez lourdement ! Être compétitif, cela signifie vendre des produits et des services partout dans le monde. Manifestement, aujourd’hui, pour la France, la compétitivité n’est pas au rendez-vous.
Par ailleurs, cette exonération a certainement suscité un effet d’aubaine au cours des deux premières années de son application, et c’est la raison pour laquelle, madame Escoffier, le rétablissement du taux de 19 % ne comblerait pas la perte de recettes fiscales. Voilà pourquoi je pose, au travers de cet amendement, le problème de l’assiette.
Je ne détaillerai pas toutes les options envisageables. La commission a décidé, de façon rationnelle, conformément à l’économie du système, de modifier l’assiette en prenant comme référence le prix de cession. Ce choix permet de résoudre un problème de cohérence économique et fiscale et, en même temps, ce qui ne manque pas d’intérêt, de dégager du rendement.
Nous agissons donc sur l’assiette de la quote-part.
La raison d’être de cette quote-part réside dans le principe général suivant : les charges encourues par une société pour l’acquisition, la gestion et la conservation de ses titres de participation, par exemple des intérêts d’emprunt, sont déductibles pour la détermination de son résultat. L’imposition de ces charges a donc pour objet d’éviter que cette déduction ne soit suivie d’une exonération. C’est pourquoi nous souhaitons réintégrer ces charges dans l’assiette et les taxer forfaitairement à 10 %.
L’assiette logique, pour des charges afférentes à des actifs, c’est le prix de cession, la valeur des actifs, et non la plus-value nette, qui relève d’une autre logique puisque les moins-values en sont soustraites.
Je n’ai pas inventé cette idée : Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a lui-même défendu cette modification de l’assiette de la quote-part dans son rapport de juillet dernier sur l’application des mesures fiscales contenues dans les lois de finances. Permettez-moi de le citer : « On pourrait, en revanche, s’interroger sur les conditions de calcul de la quote-part pour frais et charges de 5 %. Celle-ci a, en effet, pour pendant l’autorisation de la déductibilité des charges supportées au titre des participations concernées, dont on verra ci-après qu’elle représente un enjeu budgétaire très significatif ». C’est exactement ce que je viens de dire, certainement moins bien qu’il ne l’écrit.
M. Carrez ajoute : « Cette assiette n’est pas nécessairement la plus fidèle pour approximer forfaitairement (ce qui est l’objet de la quote-part) le montant des charges déductibles.
« Rien ne permet, en effet, de penser que l’acquisition et la gestion d’une participation soit plus onéreuse lorsque celle-ci donne lieu, à la cession, à une plus-value que lorsqu’elle est cédée en moins-value ».
M. Carrez estime donc « que la priorité doit être de s’interroger sur les conditions de la déductibilité des charges. [...] À défaut, ou dans l’attente d’une évolution sur cette question, on peut toutefois estimer qu’il y aurait une certaine logique à ce que la quote-part soit calculée sur le prix de cession et non sur le montant de la plus-value [...] et, à tout le moins, qu’elle soit calculée sur le montant (brut) des plus-values, sans compensation avec les éventuelles moins-values ».
Si l’on pense que l’assiette des frais et charges n’est pas pertinente, et que nous sommes en réalité, comme vous l’avez dit en commission, monsieur le président, dans une logique de ticket modérateur, on entre alors dans le cadre d’un droit d’enregistrement. Or un tel droit est dû sur la valeur des actifs au moment de la transaction. Cette modification de l’assiette présente donc l’avantage supplémentaire de freiner les optimisations qui tendent à sélectionner les titres à céder pour compenser les plus-values par les moins-values.
Cette nouvelle assiette me semble cohérente économiquement et intéressante budgétairement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’avoue, madame la rapporteure générale, que votre calcul me laisse perplexe. Si vous décidez de taxer le prix de cession, ou plus exactement la transaction sur la base du prix de cession, vous admettez qu’il est possible de taxer une cession ayant donné lieu à une moins-value.
La bourse de Paris a perdu beaucoup de sa valeur au cours des six derniers mois. Supposez qu’une entreprise française, parce que les circonstances l’exigent, ait besoin de céder, aujourd’hui, une participation qu’elle détient dans une autre société ; il est évident que la moins-value sera énorme, pouvant atteindre plusieurs millions d’euros. Cette entreprise se verra ainsi contrainte une opération qui peut être lourdement déficitaire pour elle. Et vous voulez, en plus, la taxer sur la valeur de la participation ! Je ne peux pas vous suivre...
Je ne prendrai pas d’exemples pour ne pas citer d’entreprises françaises qui ont subi récemment une très forte décote à la Bourse, mais je vous soumets l’hypothèse suivante. Supposez qu’une entreprise détienne 5 % du capital d’un grand groupe, dont la valeur a perdu 20 % à 30 % au cours des derniers mois, et qu’elle veut en céder tout ou partie. Allez-vous taxer cette vente, alors qu’elle s’est traduite par une moins-value ? En fiscalité française, le principe est de taxer la création de valeur !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. L’entreprise ne vendra pas...
Mme Valérie Pécresse, ministre. Sauf si elle y est obligée, monsieur le président, par exemple parce qu’elle est liée par des accords industriels ou d’entreprises.
Si le dispositif proposé est adopté, non seulement l’entreprise considérée fera une moins-value à l’occasion de cette vente, mais elle sera en outre taxée sur cette moins-value ! Encore une fois, madame la rapporteure générale, je ne peux pas vous suivre !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mme Bricq a bien voulu me citer. Il est vrai que la commission des finances du Sénat avait, en son temps, beaucoup travaillé sur ce dispositif.
Si nous l’avions imaginé, à l’époque, c’est parce que les responsables des entreprises nous disaient que les holdings actives en matière de cession de participations étaient à Luxembourg.
M. Jean-Marc Todeschini. Un pays où l’on vous aime sans doute beaucoup ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mon cher collègue, je ne veux pas revenir sur des propos qui avaient suscité quelques remous… Le Luxembourg existe : tant mieux pour lui ! (Nouveaux sourires.)
Nous avions voulu rapatrier des holdings,...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Sans succès !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. ... et c’est pour cette raison que nous avions invoqué l’argument de la compétitivité.
Ne pourrions-nous pas, en envisageant des moyens plus proches de la réalité économique que ceux qui sont utilisés par le Conseil des prélèvements obligatoires, instance très administrative et peu immergée dans ces problématiques, débattre de l’application de cette mesure ? Ce serait pleinement légitime.
Il faut garder deux éléments à l’esprit.
Il convient, premièrement, de ne pas mettre en place un régime qui détruirait l’assiette d’une éventuelle contribution.
Je rappelle, deuxièmement, que cette contribution est bien une taxation des plus-values. Or qui dit plus-values dit comparaison entre un prix de revient et un prix de cession. Je ne parviens pas à comprendre comment l’on pourrait passer d’une taxation de plus-values à une taxe flat, en quelque sorte, qui s’appliquerait comme un droit d’enregistrement à toute cession de participation.
J’entends bien que l’on intègre au raisonnement la quote-part pour frais et charges, ce qui est tout à fait légitime. Mais si l’on vous suit, madame le rapporteur général, ne risque-t-on pas de doubler cette charge de gestion par une charge fiscale ?
En théorie, un groupe qui gère sa participation et la suit sur les plans comptable et fiscal doit s’acquitter de quelques frais de siège et de gestion. Faut-il doubler cette charge de gestion par un prélèvement fiscal, quel que soit le résultat financier de la transaction ?
Ce sujet s’étant désormais imposé dans le débat public, il faudra le traiter.
Moi, j’ai tendance à préconiser la méthode du « rabot ». Il me semble possible de décider d’une taxation modérée, mesurée, concertée avec des partenaires. Nous pourrions, madame le ministre, envisager un groupe de travail sur la question…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On va créer une commission ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mme le rapporteur général souhaite à bon droit traiter ce sujet, mais je ne crois pas que les modalités qu’elle propose puissent être acceptées. Je pense même qu’elles iraient, si elles étaient appliquées, à l’encontre du résultat budgétaire souhaité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Lorsqu’un particulier détient des titres, la banque qui les gère prélève des droits de garde, sans savoir s’il réalise des plus-values ou des moins-values.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un élément du prix de revient !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je propose le même système. Ce n’est pas très compliqué à comprendre !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 4.
L’amendement n° I-9, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 223 B est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le résultat d’ensemble est majoré de 5 % de la fraction excédant un million d’euros du montant des produits de participations mentionnés aux deuxième et troisième alinéas dont la société mère n’apporte pas la preuve qu’ils proviennent de produits de participation versés par une société membre du groupe depuis plus d’un exercice ou par une société intermédiaire et provenant de produits de participation versés par une société membre du groupe depuis plus d’un exercice. Le montant ajouté au résultat d’ensemble en application du présent alinéa ne peut toutefois excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par les sociétés du groupe au cours de la même période pour l’acquisition et la conservation des participations dont sont issus ces produits. » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article 223 F, après les mots : « afférente à », sont insérés les mots : « la fraction inférieure à un million d’euros de ».
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement vise à encadrer les règles de neutralisation des quotes-parts pour frais et charges dans le régime de l’intégration fiscale et donc à restreindre l’emploi d’un avantage non justifié de ce régime.
Il suit en cela une recommandation de la Cour des comptes, laquelle estime que certains avantages outrepassent la simple compensation des résultats bénéficiaires et déficitaires, en l’état actuel du droit du régime de l’intégration fiscale.
Ainsi, les transferts de dividendes sont considérés comme des mouvements de trésorerie et ne sont donc pas imposés. Or, dans un autre régime du groupe dit « mère-filles », que nous avons déjà évoqué, les dividendes sont imposés à hauteur de 5 %.
Par exemple, une société qui reçoit 10 millions d’euros de dividendes d’une filiale n’acquittera pas d’impôt sur les sociétés sur ce montant dans le régime de l’intégration fiscale, tandis qu’elle versera 160 000 euros dans le régime mère-filles.
À mes yeux, il convient de mettre un terme à cet avantage inconsidéré ; en outre, cette mesure permettrait de faire revenir au moins 1 milliard d’euros dans les caisses de l’État – ce ne serait pas inutile, par les temps qui courent ! –, sachant que le régime de l’intégration fiscale coûte chaque année près de 15,8 milliards d’euros aux finances publiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. En effet, le régime de l’intégration fiscale doit permettre à des groupes de se créer en France et d’y conserver leur centre de gravité : nous ne souhaitons pas bouleverser cet équilibre.
J’ajoute que nous avons déjà augmenté la fiscalité sur les frais et charges dans le cadre de la loi de finances pour 2011, que ce soit au titre du régime mère-filles ou du régime des plus-values de cession des titres de participation.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame la ministre, un amendement identique a été déposé par MM. Carrez et Cahuzac à l’Assemblée nationale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Absolument et, pour le justifier, vous avez excipé des travaux menés actuellement en vue de la convergence fiscale entre l’Allemagne et la France. Si, au sein du Parlement français, on ne peut plus formuler la moindre proposition sous prétexte qu’il existe des groupes de travail constitués notamment entre les ministères de l’économie allemand et français,…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … nous pouvons légitimement nous interroger sur le rôle des parlementaires ! Eux aussi ont le droit à l’innovation et à la créativité !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame la ministre, vous avez souligné qu’il convenait de traiter ce sujet dans le cadre de l’harmonisation fiscale franco-allemande, en concluant qu’il s’agissait d’un « amendement excellent, mais prématuré ». Eh bien, je reprends le texte de l’amendement déposé à l’Assemblée nationale !
Du reste, cette initiative ne préjuge en rien des négociations avec l’Allemagne au sujet d’une éventuelle harmonisation de nos impôts respectifs sur les sociétés. Outre-Rhin, le régime de l’intégration fiscale est fondé sur une logique différente de la nôtre : il existe donc des questions de fond bien plus importantes celle-ci, madame la ministre ! Le seuil d’entrée dans le régime est ainsi de 50 % en Allemagne, contre 95 % en France : résolvez d’abord ce problème avant de vous réfugier derrière l’argument de l’harmonisation fiscale !
De plus, madame la ministre, vous savez pertinemment que cette harmonisation ne pourra être opérée que si nous entamons, pour notre part, une révision profonde de notre législation fiscale. Et tous les sujets devront être mis sur la table !
Dès lors, l’amendement n° I-9 a, selon moi, deux vertus.
Premièrement, il permet d’accroître les recettes de l’État en mettant un terme à un avantage non justifié. Il est possible de mettre en œuvre cette mesure dès à présent, sans attendre les conclusions des travaux auxquels vous vous êtes référée, qui nous semblent encore lointaines.
Deuxièmement, cet amendement a une vertu diplomatique : il donne le ton de la négociation franco-allemande telle que nous, représentation nationale, entendons la voir mener. Si nous négocions avec nos partenaires allemands sans disposer d’une base législative correcte, nous serons nécessairement placés dans une position d’infériorité ! Je ne suis certes pas diplomate de profession, mais, pour aboutir à un résultat concret et durable, il me semble nécessaire de s’appuyer sur des principes aussi solides que possible.
Madame la ministre, en matière d’harmonisation franco-allemande, le Gouvernement n’a pas jugé nécessaire de consulter le Parlement : permettez que le Sénat expose et défende ses propres conceptions ! Du reste, comme je l’ai déjà souligné lors de la discussion générale, il faut que les parlementaires se rapprochent de leurs collègues des parlements étrangers, en l’occurrence du Bundestag. De fait, cette question ne peut être l’apanage du seul Gouvernement !
C’est pourquoi j’invite le président de notre commission à se tourner vers son homologue du Bundestag, comme il avait commencé à le faire – et toute la commission avec lui – dès le mois d’avril dernier.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Bricq, je ne nie absolument pas la légitimité du Parlement français à tracer les lignes directrices de la convergence franco-allemande, ni même à voter aujourd’hui une réforme de l’impôt sur les sociétés.
Toutefois, à mes yeux, nous ne pouvons pas engager cette négociation franco-allemande en accrochant des boulets aux pieds de nos chefs d’entreprise, c'est-à-dire en les imposant dix fois plus lourdement que les patrons allemands ! En effet, une telle mesure rendrait de facto toute harmonisation impossible, d’autant que notre situation budgétaire actuelle est déjà très contrainte.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je le conçois !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Bricq, ce soir, vous nous avez proposé de créer une bonne demi-douzaine de taxes sur les entreprises ! Or, une fois ces dispositions votées, leur suppression deviendrait très difficile au regard du coût très élevé que cela représenterait pour les finances publiques.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Si, madame Bricq !
Je suis tout à fait prête à travailler avec la commission des finances sur cette convergence, y compris pour évoquer des pistes d’évolution de la législation française qui vous paraîtraient justifiées. Mais le Gouvernement ne saurait arriver pieds et poings liés à la table des négociations : or, de fait, tel serait le cas si la fiscalité des entreprises françaises était singulièrement accrue !
Au reste, celle-ci a déjà subi de fortes hausses, et j’ai récapitulé les augmentations d’impôt sur les sociétés que nous avons opérées depuis un an : ces hausses représentent 4 milliards d’euros depuis le seul mois de septembre ! Ce n’est pas négligeable !
La prudence s’impose donc à nous. Nous devons ménager la compétitivité de nos entreprises, y compris à l’exportation.
C’est une question majeure, et tous les dossiers doivent effectivement être mis sur la table : il ne s’agit d’aborder le problème taxe par taxe. Il est certain qu’en procédant taxe par taxe on peut toujours trouver des dispositifs à améliorer !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4.
L'amendement n° I-11, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 235 ter ZE du code général des impôts, il est inséré un article 235 ter ZE bis ainsi rédigé :
« Art. 235 ter ZE bis. – I. – Les prestataires de services d’investissement soumis au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et agréés pour fournir les services d’investissement mentionnés aux deuxième à quatrième alinéas et au septième alinéa de l’article L. 321-1 du code monétaire et financier sont assujettis à une taxe sur les transactions automatisées au titre de leur activité exercée au 1er janvier de chaque année.
« II. – L’assiette de la taxe sur les transactions automatisées est constituée du montant des ordres d’achat ou de vente d’instruments financiers transmis à un marché réglementé ou à un système multilatéral de négociation au cours d’une journée, dès lors que moins de la moitié du nombre de ces ordres est effectivement exécutée sur ces plates-formes de négociation.
« III. – Le taux de la taxe est fixé à 0,1 % du montant des ordres d’achat ou de vente transmis visés au II.
« IV. – La taxe sur les transactions automatisées est exigible le dernier jour de chaque mois. Elle est acquittée auprès du comptable public au plus tard le dernier jour du mois suivant. Le paiement est accompagné d’un état conforme au modèle fourni par l’administration faisant apparaître les renseignements nécessaires à l’identification de la personne assujettie et à la détermination du montant dû.
« V. – 1. La personne assujettie, dont le siège ou l’entreprise mère du groupe, au sens de l’article L. 511-20 du code monétaire et financier, est situé dans un autre État ayant instauré une taxe poursuivant un objectif équivalent à celui de la taxe sur les transactions automatisées, peut bénéficier d’un crédit d’impôt.
« 2. Le montant de ce crédit d’impôt est égal, dans la limite du montant de taxe sur les transactions automatisées dû par la personne assujettie, à la fraction de cette autre taxe que l'entreprise mère ou le siège acquitte au titre de la même année à raison de l’existence de cette personne assujettie.
« 3. Le crédit d’impôt peut être utilisé par la personne assujettie au paiement de la taxe sur les transactions automatisées de l’année ou lui être remboursé après qu’elle l’a acquittée.
« 4. Les 1 à 3 ne sont pas applicables lorsque la réglementation de cet autre État ne prévoit pas des avantages équivalents au bénéfice des personnes assujetties à la taxe mentionnée au 1, dont le siège ou l’entreprise mère est situé en France. La liste des États et taxes pour lesquels les 1 à 3 sont applicables est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et du budget.
« VI. – À défaut de paiement ou en cas de paiement partiel de la taxe sur les transactions automatisées dans le délai de trente jours suivant la date limite de paiement, le comptable public compétent émet un titre exécutoire. La taxe est recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
« VII. – Les dispositions des I à VI s’appliquent aux ordres visés au II transmis à compter du 1er janvier 2012.
« VIII. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article après avis de l’Autorité des marchés financiers. »
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Le sujet dont il est ici question est tout aussi important que le précédent. En effet, cet amendement a pour objet de contrecarrer une dérive majeure du fonctionnement des marchés : il tend à instaurer une taxe assise sur les transactions automatisées et vise tout particulièrement ce qu’il est convenu d’appeler le « trading à haute fréquence ».
De l’aveu même de nombreux acteurs de la vie économique, ce mode de négociation est particulièrement néfaste. Ses méfaits sont connus : il crée une liquidité artificielle sur les marchés ; il rompt l’équité concurrentielle entre les intervenants ; il introduit des asymétries d’information ; il favorise les variations brutales de cours et une vision à très court terme ; enfin, il crée de nouvelles possibilités de manipulation des cours et d’abus de marché.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, dans ce cadre, les opérations de marché sont accomplies par des robots, et qu’elles échappent donc à tout contrôle ! Une fois l’algorithme lancé, le facteur humain n’intervient plus dans la transaction.
Un projet de révision de la directive sur les marchés d’instruments financiers, ou directive MIF, a certes été élaboré, mais je crains qu’il ne soit pas à la hauteur des enjeux.
Mes chers collègues, le mécanisme que nous proposons d’instituer afin de limiter l’essor de ce trading automatisé constitue une véritable innovation. Il s’agit d’instaurer, à compter du 1er janvier 2012, une taxe qui serait due par un prestataire de services d’investissement sur une base mensuelle, dès lors que le taux d’annulation de ses ordres de bourse transmis chaque jour dépasserait 50 %. Le taux de la taxe serait de 0,1 % du montant des ordres transmis et demeurerait inférieur aux frais de courtage généralement facturés aux clients.
Les modalités de mise en œuvre de ce dispositif devraient nécessairement être fixées par un décret pris après avis de l’Autorité des marchés financiers.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement comprend le souci qu’exprime la commission de réguler ces transactions financières opérées par traitement automatisé.
Cependant, il est à mes yeux inconcevable d’assurer la régulation des transactions financières par une simple taxe franco-française. En effet, madame la rapporteure générale, étant donné le périmètre et le champ que vous lui attribuez, cette taxe ne concernerait que deux opérateurs français – la Société générale et BNP Paribas –, qui sont tout à fait en mesure de contourner ce dispositif en transférant hors de France le traitement automatisé de leurs transactions.
Ainsi, pour être viable, la taxe sur les transactions financières doit être mise en œuvre au moins à l’échelle européenne et même, de préférence, au niveau mondial, faute de quoi elle sera nécessairement contournée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République a fait de l’instauration d’une taxe sur les transactions financières destinée à lutter contre la spéculation un de ses combats personnels. Et il y a rallié l’Allemagne ! Aujourd’hui, Paris et Berlin sont animés par la même volonté en la matière.
D’ores et déjà, si nos deux pays décidaient de créer une telle taxe, nous ferions un premier pas en avant.
Toutefois, il convient également de prendre en compte les puissantes places boursières – Londres, bien sûr, au premier chef – qui, à ce jour, restent totalement étrangères à une telle idée.
Madame Bricq, je suis certaine que l’instauration de cette taxe, telle qu’elle est définie par votre amendement, donnerait lieu à des contournements ; en tout état de cause, elle ne viserait que les deux grands groupes que j’ai cités, au titre des opérations financières que vous avez décrites. Le Gouvernement ne peut donc pas émettre un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame la ministre, vous ne pouvez pas balayer d’un revers de la main l’argumentation que j’ai développée…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … surtout en vous fondant sur une autre logique, celle de la taxe sur les transactions financières, que nous allons évoquer dans la suite de ce débat puisqu’elle fait l’objet de six amendements qui seront examinés ultérieurement.
Le présent amendement repose, lui, sur une logique dissuasive, visant à lutter contre une pratique nocive.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Dois-je vous rappeler ce qui s’est passé aux États-Unis le 6 mai dernier ? Vous le savez, le « trading haute fréquence » a joué un rôle majeur dans le déclenchement du krach qui s’est produit. Et un semblable événement peut se répéter sur n’importe quelle autre place boursière, les techniques en cause ayant cours dans le monde entier !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour moi, il ne s’agit pas d’encadrer cette pratique : je veux qu’on soit dissuadé d’y recourir. C'est pourquoi il faut aller plus loin que la simple énonciation d’un principe.
Vous reprenez l’argument habituel : il faut faire en sorte que tous les pays fassent la même chose. Mais nous, nous proposons de commencer par là où nous avons le pouvoir d’instituer une telle taxation, c'est-à-dire sur le sol national. Ainsi, elle aura une chance de prospérer dans sa conception, mais aussi dans sa concrétisation.
Madame la ministre, puisque vous parlez de la taxe sur les transactions financières, je vous rappelle que cette idée est en débat depuis longtemps ; les uns et les autres, nous la proposons régulièrement depuis quelques années de la mettre en œuvre. L’instauration d’une taxe sur les transactions financières a même été votée en 2001 à l’Assemblée nationale – j’y étais !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Évidemment, puisqu’elle n’a pas été mise en œuvre !
À un moment donné, il faut avancer ! Ce qui n’était pas concevable avant 2008 – l’intervention de la Banque centrale européenne, notamment, mais je pourrais citer toute une liste d’exemples – le devient en période de crise économique. Or, pour sortir de cette crise, il faut faire de la régulation financière. C’est cette logique que j’essaie de promouvoir en proposant de corriger ce système extrêmement nocif pour les acteurs du marché. Il faudra bien y venir à un moment quelconque !
Après tout, il arrive au Sénat d’innover ; c’est aussi une de ses missions. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter cette taxation, qui ne mérite pas d’être enterrée au cœur de cette nuit de novembre.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je souscris aux intentions.
M. Jean-Marc Todeschini. C’est déjà ça !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. S’il s’agissait de signer dans un grand journal international une tribune relayant la proposition de Mme le rapporteur général, je le ferais dès demain.
Mais je voudrais vous faire part d’une expérience très récente. J’ai reçu cette semaine une délégation syndicale… (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. David Assouline. Quel événement ! C’est rare !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il s’agissait de membres du personnel de NYSE Euronext Paris.
Ils s’inquiètent, et on peut les comprendre, des modalités de la fusion annoncée du groupe auquel ils appartiennent, qui gère plusieurs places européennes, dont celle de Paris, et la bourse de New York – mais le leadership américain y est très marqué – avec Deutsche Börse. Ils craignent, tout comme l’encadrement ainsi qu’une bonne part de l’administration, le déplacement de la faible activité de la place de Paris vers d’autres sites, plus spécialement vers Londres, qui est représentée dans cet ensemble par une filiale, Euronext-Liffe.
Ces syndicalistes ont précisément évoqué devant moi cette question du trading haute fréquence en m’expliquant que, s’il devait être taxé et a fortiori supprimé à Paris, ce serait une très mauvaise nouvelle pour eux.
NYSE Euronext Paris n’est certes plus une structure très importante. Néanmoins, on a intérêt à sauvegarder certaines compétences dans toute une série de domaines.
Mes chers collègues, cet exemple tout à fait concret illustre le fait que voter la mesure proposée par Mme Bricq, au nom de la commission, simplement pour donner un signal tout en sachant que les techniques en question auront toujours cours sur la principale place financière européenne qu’est Londres, c’est s’abstraire du monde réel !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Depuis que vous êtes président de la commission des finances, monsieur Marini, vous avez tendance à oublier que vous avez été rapporteur général ! (Sourires.) Or, souvenez-vous, lorsque vous avez défendu la taxe Google, le même argument que celui que vous venez d’exposer vous a été opposé.
Mme Nathalie Goulet. Et voilà !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La vie est compliquée ! (Nouveaux sourires.)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mais vous êtes passé outre : vous avez défendu avec ardeur la taxe Google.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et vous m’avez soutenu !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Si l’on écoutait les opposants à tout changement, on ne ferait jamais rien !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4.
L'amendement n° I-92 rectifié, présenté par MM. Houel, Dallier, P. Dominati, Cambon et Bécot, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le III de l’article 244 quater B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le a) est abrogé ;
2° Au b) les mots : « , autres que celles mentionnées au a, » sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Je l’indique d’emblée, cet amendement, dont notre collègue Michel Houel a pris l’initiative, a un coût, contrairement à ce qui est indiqué dans son objet écrit, mais il est gagé.
Il vise à assouplir les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent déduire une partie des frais engagés lorsqu’elles sollicitent des cabinets de conseil pour établir les dossiers leur permettant d’accéder au crédit d’impôt recherche.
L’année dernière, pour mettre fin à certaines pratiques abusives, une très bonne mesure avait été adoptée : le plafonnement des montants éligibles à la déductibilité. En parallèle, toutefois, avaient été pénalisées les entreprises ayant recours à des cabinets de conseil dont la rémunération était non pas fixée de manière forfaitaire, mais calculée en pourcentage de la somme récupérée.
Pour les plus petites entreprises, auxquelles leurs moyens limités ne permettent pas toujours de rémunérer ces cabinets au forfait – car il peut être très élevé –, la signature d’un contrat ne leur coûtant de l’argent qu’à partir du moment où le dossier est convenablement présenté et où elles peuvent récupérer une partie de la somme engagée en crédit d’impôt recherche présente un intérêt.
On a voulu pénaliser ce type de contrat. Des pratiques un peu douteuses ont peut-être eu cours dans le passé, mais, aujourd'hui, les choses ont été clarifiées et il existe maintenant une réelle concurrence. Par conséquent, nous pourrions envisager d’assouplir la règle en vigueur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La disposition que les auteurs de cet amendement proposent de supprimer résulte de l’article 41 de la loi de finances pour 2011. Elle avait été insérée par l’Assemblée nationale sur l’initiative du rapporteur général, Gilles Carrez. Il s’agissait d’éviter la situation absurde dans laquelle une dépense fiscale sert à rémunérer des cabinets de défiscalisation, réduisant d’autant son efficacité.
Vous souhaitez, monsieur Dallier, créer un régime de faveur dans le cas de la rémunération « au succès ».
M. Philippe Dallier. Non, nous recherchons l’égalité entre tous les contrats.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ne considérant pas la mesure proposée comme très opportune, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je comprends la préoccupation de M. Houel.
Le crédit d’impôt recherche est effectivement une dépense fiscale extrêmement dynamique, ce dont, je l’espère, chacun se félicite dans cette enceinte, car cela prouve que notre pays bénéficie d’un système fiscal très favorable à la recherche-développement privée, ce qui, je le souhaite, permettra dans les prochaines années à de nombreux projets de R&D de se déployer en France et évitera les tentations de délocalisation, qu’illustre l’affaire Peugeot.
Il faut absolument que nous continuions à faire le pari de la R&D privée, talon d’Achille, on le sait, de l’industrie française.
Dans le même temps, se pose la question de la rémunération des consultants engagés par les entreprises pour préparer leur dossier de crédit d’impôt recherche, pour les conseiller, pour analyser la dépense fiscale éligible, pour les garantir contre le risque éventuel de contrôle fiscal, etc.
L’année dernière, le Parlement a adopté une disposition très astucieuse qui consistait à réduire le montant de la déductibilité au titre de la rémunération de ces cabinets de conseil.
Je crois que, aujourd'hui, il convient de stabiliser le dispositif du crédit impôt recherche. Les entreprises qui investissent dans le domaine de la recherche s’engagent pour cinq ans, dix ans ; elles ont besoin d’une certaine stabilité. Un crédit d’impôt recherche dont les règles de calcul changeraient chaque année serait source de difficulté pour elles.
Quant à la question des commissions à la réussite, des success fees, je ne suis pas complètement certaine de leur nocivité. Elles peuvent aussi conduire à minorer la facture des consultants pour certaines PME : dès lors que le projet ne produit pas les effets escomptés, la note est moins « salée ».
Je n’arrive pas à savoir si cette disposition serait bénéfique pour nos PME ou si elle aurait un effet pervers. C'est pourquoi je préfère émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Il s’agit non pas d’instaurer un régime de faveur pour les contrats de type success fees, madame le rapporteur général, mais de les mettre sur un pied d’égalité avec les contrats au forfait.
Les plus petites entreprises, qui hésitent à engager des fonds eu égard à leurs faibles ressources, peuvent aussi être dissuadées de déposer un dossier.
Cela étant, puisque cette mesure aurait nécessairement un coût, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° I-92 rectifié est retiré.
Article 4 bis (nouveau)
I. – L’article 39 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du 12 est ainsi rédigé :
« Lorsqu’il existe des liens de dépendance entre l’entreprise concédante et l’entreprise concessionnaire, le montant des redevances prises en compte pour le calcul du résultat net imposable selon le régime mentionné au 1 de l’article 39 terdecies n’est déductible du résultat imposable de l’entreprise concessionnaire que dans le rapport existant entre le taux réduit prévu au deuxième alinéa du a du I de l’article 219 et le taux normal prévu au deuxième alinéa du même I. Le présent alinéa n’est pas applicable lorsque l’entreprise concessionnaire apporte, dans le cadre de la documentation mentionnée à l’avant-dernière phrase du dixième alinéa de l’article 39 terdecies, la preuve que l’exploitation de la licence ou du procédé concédé, d’une part, lui crée, sur l’ensemble de la période de concession, une valeur ajoutée et, d’autre part, est réelle et ne peut être regardée comme constitutive d’un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française. » ;
2° Il est ajouté un 12 bis ainsi rédigé :
« 12 bis. Le montant des redevances dues par une entreprise concédant une licence ou un procédé pris en concession n’est déductible que du résultat net de cette entreprise imposable selon le régime mentionné au 1 de l’article 39 terdecies.
« L’excédent du montant total des redevances sur le résultat net mentionné au premier alinéa du présent 12 bis n’est déductible du résultat imposable de l’entreprise mentionnée au même premier alinéa que dans le rapport existant entre le taux réduit prévu au deuxième alinéa du a du I de l’article 219 et le taux normal prévu au deuxième alinéa du même I.
« Une fraction égale à 18/33,33 du montant des redevances déduites du résultat imposable au taux normal et afférentes à des licences et procédés donnés en concession au cours d’un exercice ultérieur est rapportée au résultat imposable au taux normal de l’exercice en cours à la date à laquelle l’entreprise qui en est concessionnaire les concède, sauf si cette entreprise satisfait à la condition mentionnée à la seconde phrase du premier alinéa du 12 à raison de la période couverte par les exercices au cours desquels ces redevances ont été déduites au taux normal. Le présent alinéa est applicable au montant des redevances déduites au cours des exercices couvrant l’une des trois années précédant la date à laquelle l’entreprise concessionnaire concède les licences ou procédés. »
II. – Le I est applicable aux exercices ouverts à compter du 13 octobre 2011.
Mme la présidente. L'amendement n° I-12 rectifié, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Après les mots :
L’excédent
insérer le mot :
éventuel
II. – Après l'alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
I bis. – À la première phrase du dixième alinéa du 1 de l’article 39 terdecies du même code, la référence : « au présent b » est remplacée par la référence : « au présent alinéa ».
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement rédactionnel a pour objet de corriger une référence erronée du code général des impôts, dans le cas de la « clause anti-abus » relative aux entreprises sous-concédantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° I-13, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
III. – Le premier alinéa du 1 de l’article 39 terdecies du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le taux d’imposition qui s’applique alors est de 20 %. »
IV. – Le III est applicable aux exercices et périodes d'imposition ouverts à compter du 1er janvier 2012.
II. – En conséquence :
A. Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
au deuxième alinéa du a du I de l’article 219 et le taux normal prévu au deuxième alinéa du même I
par les mots :
au premier alinéa du 1 de l’article 39 terdecies et le taux normal prévu au deuxième alinéa du I de l’article 219
B. Alinéa 6
Remplacer les mots :
au deuxième alinéa du a du I de l’article 219 et le taux normal prévu au deuxième alinéa du même I
par les mots :
au premier alinéa du 1 de l’article 39 terdecies et le taux normal prévu au deuxième alinéa du I de l’article 219
C. Alinéa 7
Remplacer la fraction :
18/33,33
par la fraction :
[13,1/3]/[33,1/3]
D. Alinéa 8
Après le mot :
exercices
insérer les mots :
ou périodes d'imposition
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il s’agit d’appliquer un coup de « rabot » à la niche relative aux concessions de brevets.
L’Assemblée nationale essaie régulièrement de mettre en place des dispositifs anti-abus. Malheureusement, ces derniers sont peu opérants et ne parviennent pas à décourager l’optimisation fiscale. C’est pourquoi j’utilise la méthode chère au président de la commission des finances : je rabote la niche. Je propose ainsi de porter le taux d’imposition de 15 % à 20 %, ce qui diminuera d’un montant non négligeable, 230 millions d'euros, une dépense fiscale qui est à l’heure actuelle de 850 millions d'euros et qui profite à un secteur bien identifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la rapporteure générale, l’Assemblée nationale est animée comme vous par le souci d’éviter les abus dans le domaine de l’exploitation de brevets. C'est la raison pour laquelle elle a inséré dans le projet de loi un article 4 bis dont l’objet est de renforcer le dispositif « anti-abus » en matière de concessions et de sous-concessions de brevets, afin d’assurer un juste équilibre entre la nécessaire limitation des schémas d’optimisation et la préservation de l’attractivité du régime fiscal français.
Nous ne voulons pas taxer davantage l’exploitation de brevets, car nous estimons qu’il est bon d’avoir un régime fiscal favorable. Toutefois, nous ne voulons pas non plus que des sous-concessions de brevets permettent à certains de bénéficier plusieurs fois de la défiscalisation. C’est ce dernier abus que l’article inséré par l’Assemblée nationale vise à interdire.
J’estime que, dans ce domaine comme dans bien d’autres – notamment celui du trading automatisé, dont il vient d’être question –, nous pouvons essayer d’inventer des modes de régulation qui ne passent pas nécessairement par le recours à la fiscalité.
Certaines taxes, comme la taxe Google, ont d’abord un peu fait sourire, mais on se rend compte aujourd'hui que la régulation est un art subtil, a fortiori dans une économie mondialisée, où il faut que tout le monde se mette d'accord sur des règles, des interdictions, des modérations… La régulation n’est pas forcément fiscale, ni nécessairement nationale.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je voudrais souligner que se développe, depuis quelques années, tout un secteur dont l’activité consiste en fait à spéculer sur les brevets : des entreprises appelées des patent trolls achètent des portefeuilles de brevets en vue de réaliser une plus-value lors de leur revente ou de céder des concessions et sous-concessions. Cette activité n’apporte strictement rien à la recherche et au développement industriel !
C'est pourquoi je considère que la proposition de la commission est excellente. Peut-être même faudrait-il aller plus loin, car, je le répète, cette spéculation n’apporte rien à l’économie réelle de notre pays !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4 bis, modifié.
(L'article 4 bis est adopté.)
Article 4 ter (nouveau)
Au premier alinéa du 1 de l’article 39 bis A du code général des impôts, l’année : « 2011 » est remplacée par l’année : « 2012 ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 4 ter
Mme la présidente. L'amendement n° I-88, présenté par M. Portelli, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le 4ème alinéa de l’article 62 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aux associés des sociétés d’exercice libéral exerçant en leur sein leur profession soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, relevant du régime social des indépendants, pour l’assurance maladie maternité, visé au 1° de l’article L. 611-2 du code de la sécurité sociale. »
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-89, présenté par M. Portelli, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au premier alinéa du I. de l’article 211 du code général des impôts, après le mot : « participation », le mot « et » est remplacé par le signe de ponctuation : « , » et après les mots : « prévue au 3. de l’article 206 », sont insérés les mots : « et dans les sociétés d’exercice libéral pour les associés exerçant en leur sein leur profession soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, relevant du régime social des indépendants, pour l’assurance maladie maternité, visé au 1° de l’article L. 611-2 du code de la sécurité sociale ».
II. - La perte de recettes résultant pour l’État et les régimes sociaux de l’application du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le sentiment que, compte tenu du rythme auquel nous avançons, nous devrions pouvoir achever l’examen de la première partie du projet de loi de finances dans les délais que nous sommes fixés sans avoir besoin de siéger le lundi 21 novembre au matin. Cela répond-il à vos vœux ? (Marques d’acquiescement.)
Cela suppose donc, évidemment, que nous nous engagions tous à faire en sorte d’arriver à bon port mercredi 23 novembre avant le dîner.
7
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 21 novembre 2011, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (n° 106, 2011-2012). Suite de l’examen des articles de la première partie.
Rapport (n° 107, 2011-2012) de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 19 novembre 2011, à zéro heure cinquante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART