M. Jean-Marc Todeschini. Oui, avant les élections !
Mme Marie-France Beaufils. Au total, si l’on dresse le bilan pour les années 2011 et 2012, c’est aux foyers les plus modestes qu’un effort supplémentaire sera demandé pour payer la facture de la crise !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Voilà !
Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, cessez de vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes !
Lorsque j’ai souhaité étudier le profil et la situation patrimoniale des bénéficiaires du bouclier fiscal, notamment en matière d’immobilier, je n’ai jamais pu obtenir de réponse des services de l’État. Il aurait pourtant été intéressant de pouvoir mener une enquête approfondie sur ce sujet. Mais si de tels renseignements nous ont été refusés, c’est sans doute qu’ils auraient conforté nos analyses…
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je souhaite réaffirmer mon attachement à la loi de finances rectificative de juillet dernier.
En effet, ce texte a procédé à un aménagement raisonnable du dispositif de l’ISF, en prenant en considération non seulement le cas des classes moyennes piégées par l’envolée des cours de l’immobilier, mais aussi celui des contribuables ne disposant pas de revenus suffisants pour acquitter l’impôt annuel sur le patrimoine – lequel doit être ajouté, rappelons-le, aux taxes foncières.
Par ailleurs, cette réforme a permis de mettre en cohérence le barème de l’ISF et les taux de rendement des actifs financiers. Elle a été menée par François Baroin dans un souci d’équilibre et d’équité, et je me félicite d’y avoir pris part !
Il me semblerait donc tout à fait dommageable de revenir si précocement sur ce dispositif : l’impression d’instabilité qui en résulterait serait préjudiciable à notre pays, car il ne faudrait tout de même pas oublier que des comparaisons sont établies à l’échelon européen !
Je n’en dirai pas davantage, mais les raisons qui m’ont conduit à prendre une part active à l’élaboration de cette réforme, puis à la défendre devant le Sénat, me semblent demeurer parfaitement valides. Par conséquent, je voterai contre l’amendement n° I-50 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mme la ministre a posé des additions pour nous démontrer que le Gouvernement s’attaquait aux couches les plus aisées de la population. Le total de 2,2 milliards d’euros auquel elle a abouti ne me semble toutefois constituer qu’un bien modeste rattrapage par rapport aux nombreux avantages qui ont été accordés aux plus riches depuis une petite dizaine d’années !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Non ! Il y a aussi la fiscalité des stock-options ! Je n’ai pas tout additionné…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour ma part, je pourrais effectuer d’autres calculs, en additionnant la taxe sur les mutuelles,…
M. Jean-Pierre Caffet. Hélas !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … qui pénalise tous les Français, particulièrement les plus modestes d’entre eux, au gel du barème de l’impôt sur le revenu, qui touchera notamment les contribuables relevant des premières tranches du barème : on atteint aisément la somme de 2,2 milliards d’euros !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela étant, nous ferons le bilan, en matière de répartition de l’effort fiscal, au terme de nos débats.
Pour l’heure, revenons-en au sujet qui nous occupe, à savoir l’ISF. Madame la ministre, vous avez affirmé que son allégement de 1,9 milliard d’euros serait compensé, mais il a été démontré, notamment par M. Carrez, le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, que cette compensation n’était pas au rendez-vous. En effet, elle est assise sur les droits de partage et sur la lutte contre l’évasion fiscale, or ces mesures ne sont pas pérennes. Si l’on en fait abstraction, il apparaît que l’impasse budgétaire due à la réforme de l’ISF s’élèvera à 441 millions d’euros en 2011, à 629 millions d’euros en 2012 et à 695 millions d’euros en 2013, la décrue ne s’amorçant qu’en 2014 !
Cette situation n’est guère réjouissante pour le gouvernement qui sera formé au lendemain des élections de 2012 ! L’année 2013 sera particulièrement difficile, étant donné l’engagement qui a été pris de ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB à cette échéance.
M. Richard Yung. Parfaitement !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Le gouvernement qui sera alors en place, quel qu’il soit, devra assumer l’impasse que j’évoquais. Ce n’est pas là une bonne manière faite à vos successeurs, madame la ministre !
Permettez donc que nous revenions sur le relèvement du seuil de l’ISF que vous avez décidé et qui constitue bien plus qu’un simple allégement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore un cadeau pour les plus riches !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour notre part, nous pensons aux années à venir.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
L'amendement n° I-70, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du dernier alinéa de l’article 885 A du code général des impôts, sont insérés les mots : « Dans la limite de deux millions d’euros, ».
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. La recherche de la justice fiscale et celle de l’efficacité économique de l’impôt constituent les deux principaux axes de notre démarche.
Or, dans les faits, l’ISF est aujourd’hui insuffisant pour répondre à ces deux exigences.
L’assiette de cet impôt est largement tronquée, puisque nombre de biens parfaitement représentatifs de la réalité des patrimoines les plus importants sont exonérés ou pris en compte très en deçà de leur valeur. Quant à son taux, il est devenu quasiment symbolique depuis l’adoption de la loi de finances rectificative de juillet dernier, époque à laquelle, chose étrange, l’État semblait disposer encore de moyens suffisants pour alléger sensiblement la fiscalité du patrimoine !
Cet amendement a donc pour objet de revenir au principe de réalité, en faisant en sorte que la justice la plus élémentaire s’applique entre les contribuables.
Nous n’avons jamais jugé normal – j’insiste sur ce point – que les biens professionnels se trouvent exclus de l’assiette de l’ISF, d’autant qu’il ne s’agit bien souvent que de titres et de parts de sociétés, patrimoine dont la matérialité se résume à celle de morceaux de papiers imprimés…
Ainsi persiste dans notre fiscalité un traitement différencié des titres, à nos yeux injustifié : exonération de droits pour les biens professionnels ; exonération possible en cas de participation à un pacte d’actionnaires qui, en règle générale, n’entraîne d’ailleurs aucune conséquence en termes d’implication desdits actionnaires dans la vie quotidienne de l’entreprise concernée ; exonération impossible pour les titres détenus par des actionnaires minoritaires n’étant pas liés par un tel pacte.
Notre démarche est simple : rendons imposables les biens professionnels au-delà du seuil de 2 millions d’euros, afin de rétablir l’égalité de traitement entre les actionnaires. Mettons ainsi un terme à une situation qui constitue une inégalité de traitement entre contribuables et entraîne une perte de recettes non négligeable pour les finances publiques !
J’ajoute que notre proposition reste relativement mesurée, eu égard au taux actuel de l’ISF, et même au taux moyen d’imposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur Foucaud, vous abordez un sujet ô combien délicat : celui de l’assiette de l’ISF ! Vous proposez d’y intégrer les biens professionnels, comme vous le ferez d’ailleurs également, de manière plus radicale, au travers de l’amendement n° I-46 rectifié.
Lorsque l’ISF a été créé, à la fin des années quatre-vingt, un tel débat sur la prise en compte des biens professionnels s’était déjà tenu. Si l’on élargit l’assiette, il faudra modifier le barème, sauf à encourir un risque réel, pour le coup, d’évasion de capitaux – productifs en l’occurrence.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cette question a été abordée lors de la table ronde sur la fiscalité du patrimoine, à laquelle ont pris part des spécialistes de la question de tous horizons. La définition de l’assiette de l’ISF est un vrai sujet, qui mérite une réflexion approfondie. Je doute que nous puissions la mener à bien aujourd’hui, c’est pourquoi je vous prie, monsieur Foucaud, de bien vouloir retirer l’amendement n° I-70.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Taxer à hauteur de 0,5 % les biens professionnels au-delà de 2 millions d’euros ne représente pas une charge insupportable, madame la rapporteure générale. Un taux de 1,8 % resterait même tout à fait raisonnable, au regard du rendement des opérations que l’on peut mener sur le capital, notamment en matière de cessions partielles ou de récupération des dividendes, dès lors qu’une part importante du patrimoine est constituée de titres de sociétés non cotées.
Il y va là encore de l’égalité de traitement entre redevables de l’ISF. Nous sommes ouverts à la discussion, mais, pour le principe, nous maintenons l’amendement n° I-70.
Mme la présidente. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Nous venons de vivre un moment très intéressant : l’échange que viennent d’avoir Mme la rapporteure générale et M. Foucaud me paraît anticiper les problèmes auxquels serait confronté un éventuel gouvernement de gauche…
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Sans invoquer à mon tour les mânes du président Mitterrand, je voudrais tout de même rappeler que le présent amendement porte atteinte à l’un des principes de base de l’impôt sur le patrimoine dans notre pays, à savoir l’exclusion de son assiette des biens professionnels. Il s’agit d’éviter l’hémorragie des capitaux… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Todeschini. On voit ce que cela donne !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ces sujets ont été étudiés par nos prédécesseurs, qui ont été placés devant leurs responsabilités : je crois sincèrement que vous auriez tort de mépriser leur travail !
On peut considérer que l’ISF est un mauvais impôt, mais il l’eût été encore bien plus, du point de vue du maintien du tissu économique et de celui de la détention du capital des entreprises, si les biens professionnels avaient été inclus dans son champ ! La question de l’évaluation de ceux-ci se serait évidemment posée pour les entreprises non cotées sur un marché, qui forment l’écrasante majorité.
On peut certes se faire plaisir en déposant des amendements, surtout lorsque l’on sait qu’ils ne deviendront pas des textes normatifs, mais il est des sujets, me semble-t-il, que l’on ne doit toucher qu’avec beaucoup de précautions, d’une main tremblante, car ils intéressent la compétitivité de notre économie et la confiance des investisseurs.
Notre attitude face à de tels amendements, fussent-ils putatifs, revêt une importance particulière. À cet égard, sachant les contraintes auxquelles elle est confrontée, je dois dire que j’ai apprécié les réponses formulées par Mme la rapporteure générale !
M. Jean-Marc Todeschini. Les compliments sont durs…
M. Jean-Pierre Caffet. Timeo Danaos et dona ferentes !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Alors qu’ils supportent l’ISF tant qu’ils sont en activité, nombre de chefs d’entreprise quittent notre territoire au moment de la retraite, les biens professionnels étant alors réintégrés dans leur patrimoine. Tous les fiscalistes vous le diront !
M. Roger Karoutchi. Ils vont en Belgique !
M. Philippe Dominati. C’est un autre aspect pervers de cet impôt imbécile.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. La situation a changé depuis l’époque de la création de l’ISF. Il nous semble important d’en discuter, y compris au sein de la gauche, monsieur Gaillard. Cela me paraît très sain, républicain et démocratique.
Mme la présidente. L'amendement n° I-46 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 885 I bis, 885 I ter et 885 I quater du code général des impôts sont abrogés.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Je signale aux nostalgiques de François Mitterrand qui siègent sur les travées de droite de notre hémicycle que trente années se sont écoulées depuis 1981…
Le présent amendement tend à supprimer certaines dispositions correctrices de l’ISF qui, selon nous, nuisent à sa bonne répartition entre les contribuables.
Est d’abord visée la disposition permettant aux membres de pactes d’actionnaires, qui constituent le « noyau dur » de l’actionnariat d’une entreprise, de diminuer leur contribution à l’ISF à proportion de leur participation. Cette exonération des intérêts minoritaires, instaurée par la loi pour l’initiative économique, dite « loi Dutreïl », n’a pas rencontré un grand succès, malgré les assurances contraires qui figuraient, à l’époque, dans le rapport sur le fondement duquel elle avait été élaborée.
À en croire l’évaluation des voies et moyens associée au projet de loi de finances, 12 700 ménages recourraient à ce dispositif en 2012, pour une dépense fiscale globale de 63 millions d’euros. Ce coût a d’ailleurs été revu à la baisse depuis le mois de juillet, compte tenu de la manière dont vous avez réformé l’ISF !
S’agissant du dispositif de l’article 885 I quater du code général des impôts, son coût serait de 40 millions d’euros pour 11 700 ménages déclarants ; lui aussi est en baisse du fait des mesures adoptées cet été.
Cela signifie qu’un peu plus de 3 % des redevables de l’ISF seulement font jouer ces dispositifs pourtant déjà relativement anciens, de fait peu utilisés.
Le pacte d’actionnaires concerne au premier chef des actionnaires minoritaires et non impliqués dans la gestion courante de l’entreprise : il s’agit d’abord d’une technique d’optimisation fiscale pour celles et ceux dont le rapport avec l’entreprise se limite à la perception de dividendes. Elle est fort utile aux riches dynasties industrielles que notre pays compte encore.
Mme Nathalie Goulet. De moins en moins…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Depuis son examen par la commission ce matin, le présent amendement a été rectifié. Il visait initialement l’exonération à 75 % des parts de sociétés dont le contribuable est salarié ou mandataire social.
La rectification intervenue, qui n’est pas que rédactionnelle, aboutit à augmenter le rendement de la mesure en visant d’autres exonérations. La commission ne s’étant pas prononcée sur cette nouvelle version, je laisse toute latitude au Sénat pour se déterminer… J’indique toutefois que les montants en cause semblent raisonnables.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cet amendement porte atteinte au régime dit « Dutreil » des pactes d’actionnaires, permettant, en particulier, à des personnes physiques qui n’appartiennent pas à l’équipe dirigeante de l’entreprise de bénéficier d’un régime leur évitant d’avoir à payer chaque année l’impôt sur le patrimoine alors qu’elles ne disposent pas nécessairement des revenus correspondants, notamment de dividendes, liés à la détention des parts sociales ou des actions dont il s’agit. Je souligne ce point à toutes fins utiles.
Le maintien de ce régime contribue à la stabilisation du capital des entreprises, évite des prises de contrôle qui peuvent être à l’origine de restructurations, et donc éventuellement de pertes d’emplois. Il est de nature à sécuriser le capital de bon nombre d’entreprises moyennes ou intermédiaires.
À mon sens, l’amendement que nous examinons présente un danger tout à fait sérieux !
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Il serait très intéressant de procéder à l’évaluation économique et sociale du dispositif de la loi Dutreil, qui, selon nous, est inefficace. Est-il pertinent au regard du nombre d’emplois réellement créés dans les entreprises concernées et des performances économiques, ainsi que de la préservation du cadre de vie et de l’environnement ?
Bien évidemment, je souscris aux propos qui ont été tenus par Mme la rapporteure générale.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
L'amendement n° I-166, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 885-0 V bis du code général des impôts est abrogé.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Inventé par la loi TEPA, le dispositif ISF-PME n’a jamais rencontré le succès que ses promoteurs pouvaient en attendre.
On peut comprendre leur préoccupation de départ. Il s’agissait de permettre aux petites et moyennes entreprises de disposer de fonds propres versés par de généreux donateurs sous forme de souscription de parts, d’actions, de titres, etc. Nous partageons nous aussi ce souci d’assurer le financement des PME.
Cependant, très vite, la question de la pertinence et de la consistance de la mesure s’est posée. En effet, étant donné le taux d’abattement particulièrement élevé – 100 euros souscrits ouvrant droit à 75 euros de réduction sur l’ISF, le dispositif est encore plus généreux que celui auquel a fait allusion Jean Louis Masson –, cette mesure est plus proche de la niche fiscale très confortable que de l’incitation au financement des entreprises et au réinvestissement de l’épargne des ménages dans l’économie.
Cette mesure a rapidement montré ses limites et sa nature : elle coûte fort cher – et de plus en plus cher ! – pour un montant relativement faible de fonds levés. Nous avions d’ailleurs dénoncé le coût exorbitant qu’elle représente pour les finances publiques – plus de 700 millions d’euros – au regard des faibles sommes mises en jeu – tout au plus 1,2 milliard à 1,3 milliard d’euros. À titre de comparaison, gardons en tête que les banques implantées en France gèrent un encours de crédits de près de 1 900 milliards d’euros…
Comme on pouvait le craindre dès l’origine, la volonté d’optimisation fiscale de cette niche a bien souvent pris le pas sur toute autre considération, notamment l’éventuel intérêt pour la gestion des PME ainsi financées. Nombre de contribuables sollicitant le dispositif ISF-PME n’ont versé que la somme nécessaire pour ne pas payer l’ISF, ajustant leur concours aux PME en fonction de cette contribution. La baisse du montant de la réduction d’impôt prévisible pour 2012 illustre d’ailleurs cette situation. Si les contribuables de l’ISF ont moins à payer au titre de cet impôt, ils adapteront leur versement.
Nicole Bricq a évoqué la possibilité de réfléchir à un autre type de « véhicule » pour financer les PME. J’estime que c’est dans cette direction qu’il nous faudrait aller. Je vous propose donc, mes chers collègues, de supprimer un dispositif coûteux, aux objectifs dévoyés, afin que nous puissions travailler efficacement à la recherche d’autres sources de financement pour les PME, et plus particulièrement pour les très petites entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Le dispositif ISF-PME est une grosse niche, qui coûterait 750 millions d'euros en cas de rétablissement de l’ancien barème.
Je me dois de dire, par honnêteté, que le taux n’est plus de 75 %.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En effet, le Gouvernement s’est rendu compte que cette niche galopait allègrement, si j’ose dire, et a donc apporté son soutien à un amendement, présenté par Gilles Carrez à l’Assemblée nationale, qui prévoyait une réduction de l’avantage à 50 % des versements effectués.
En outre, des dispositifs « anti-abus » ont été mis en place. Il faut dire que les publicités avaient fleuri sur internet et dans certaines publications – nous en avions même apporté un florilège dans cet hémicycle – expliquant comment bénéficier de cette niche pour acquérir des caves à vin, partir en vacances ou acheter des appartements en Floride.
Madame Beaufils, vous posez aujourd'hui la question du maintien de cette niche ; il y a là un vrai sujet. Toutefois, le problème est que je ne dispose d’aucune évaluation des effets de cette dépense fiscale. Il est très difficile de savoir si celle-ci est efficace, si elle a atteint son objectif. Lorsque nous avons débattu de ce dispositif, en juillet 2007, Christine Lagarde, alors ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, nous avait expliqué que celui-ci permettrait d’accroître la compétitivité des PME.
Le comité Guillaume, qui a accompli un travail important et utile – certes de nature administrative –, dont nous pouvons nous inspirer, puisqu’il apporte des références qui nous manquaient auparavant, n’a pas pu procéder à une évaluation, faute de données exploitables. Il est tout de même ennuyeux qu’on ne puisse pas évaluer une niche qui existe depuis maintenant quatre ans. M. Marini recommande d’ailleurs depuis longtemps des niches à durée déterminée, des NDD.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela étant, on peut supposer que le dispositif profite quand même à certaines PME, même si je ne connais pas leur nombre. Mais n’oublions pas non plus qu’il a aussi été instauré pour permettre à certains de ne pas payer l’ISF. Quoi qu’il en soit, peut-être a-t-il une utilité ; nous ne le savons pas. Qui plus est, une suppression brutale – et elle le serait forcément – risquerait de déstabiliser certains secteurs économiques.
C'est pourquoi, en commission, j’avais sollicité le retrait de cet amendement ; je maintiens cette demande.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je salue la volonté de Mme la rapporteure générale de supprimer des niches fiscales. J’aimerais qu’elle fasse preuve de la même ferveur lorsqu’il s’agit de supprimer une niche concernant les mutuelles et les contrats « solidaires et responsables », qui représentent plus de 90 % des contrats. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce n’est pas une niche !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Si, madame la rapporteure générale ! Il s'agit d’une exonération fiscale, c'est donc une niche.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. Vous taxez les malades !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons supprimé l’exonération fiscale, et non taxé les malades, contrairement à ce que vous essayez de faire croire.
M. Jean-Marc Todeschini. Vous empêchez les malades de se soigner !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est scandaleux !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Non, je le répète, nous ne taxons pas les malades : nous n’augmentons ni le ticket modérateur ni aucune franchise, nous ne déremboursons pas les médicaments. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Jean-Pierre Caffet. Revenons au sujet !
Mme Valérie Pécresse, ministre. S'agissant du dispositif ISF-PME, en 2010, 1,4 milliard d'euros a été investi dans les PME, pour un coût de 700 millions d'euros environ, soit 50 % des sommes investies.
À nos yeux, ce dispositif a atteint son objectif. Il est devenu indispensable au financement en fonds propres de nos PME, a fortiori dans le contexte actuel de raréfaction du crédit bancaire.
Vous l’avez dit, le recentrage du dispositif était nécessaire : un abattement de 75 %, c’était trop. Un taux de 50 % me paraît être satisfaisant.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela coûte cher !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous l’accorde, mais on ne peut à la fois déplorer depuis des années que les Français n’investissent pas assez dans les PME, préférant placer leur épargne sous forme d’assurance vie ou de livret A – des produits sans risque, donc –, et critiquer un dispositif qui les a rendus actionnaires, entrepreneurs.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On n’en sait rien !