Mme Valérie Pécresse, ministre. Le coût de cet amendement est important, monsieur Masson, puisqu’il s’élève à 1 milliard d’euros.
Par ailleurs, votre proposition me paraît contraire à la logique du dispositif. Le crédit d’impôt a été réservé dès l’origine aux personnes qui exercent une activité professionnelle ou aux demandeurs d’emploi, pour lesquels la charge d’un salarié à domicile peut sembler excessive.
Quant à la suppression du bouclier fiscal dès 2012, elle serait source d’insécurité juridique et d’iniquité pour les contribuables qui ont décidé d’investir en fonction de la législation en vigueur en 2010.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Il est un peu facile d’objecter que cette mesure coûterait de l’argent.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est pourtant vrai !
M. Jean Louis Masson. Soyez logiques : vous ne voyez rien à redire à ce que les retraités qui ont des revenus très importants puissent bénéficier d’une réduction d’impôt, mais dès qu’il s’agit d’aider les retraités modestes, qui tirent le diable par la queue, qui ont du mal à employer un salarié à domicile parce qu’ils payent plein pot et n’ont droit à aucune déduction, alors là vous trouvez que ça coûte de l’argent !
Le système actuel favorise sélectivement les retraités les plus riches et n’aide absolument pas les retraités modestes, qui ont souvent peu de ressources.
Par ailleurs, pourquoi une personne active, certes, mais qui dispose de revenus très importants, peut-elle déduire de son impôt la quasi-totalité des sommes qu’elle consacre à l’emploi d’un salarié à domicile et bénéficier, de surcroît, d’un crédit d’impôt, contrairement au petit retraité modeste ?
C’est la négation même de la justice fiscale !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-37.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est 1 milliard d’euros de dépenses en plus !
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-47 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du 4 de l’article 200 quater A du code général des impôts, le montant : « 5 000 euros » est remplacé par le montant : « 10 000 euros » et le montant « 10 000 euros » est remplacé par le montant : « 20 000 euros ».
II. – Cette disposition n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû au titre des revenus perçus pour l’année 2011.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Je reviens sur un sujet qui a déjà été discuté l’année dernière, si ma mémoire est bonne.
Le présent amendement vise à doubler les plafonds de dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt pour les travaux obligatoires de renforcement des habitations situées dans le périmètre d’un plan de prévention des risques technologiques, un PPRT, introduit dans le cadre de la loi dite « Grenelle 2 ».
Les populations qui vivent dans le périmètre des PPRT connaissent souvent une situation très difficile. Dois-je rappeler qu’il s’agit ordinairement de populations ouvrières venues habiter, pour certaines depuis des décennies, à proximité de leur lieu de travail ? Ces gens ne peuvent pas toujours supporter le coût de tels travaux. Il est dommage que les aides initialement prévues aient été revues à la baisse. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mme Beaufils revient sur un sujet important. L’année dernière, notre collègue Marc Massion avait défendu un amendement similaire, sans succès.
Dans le cadre de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à instituer un dispositif proche de celui que vous préconisez, ma chère collègue. Étudions plutôt votre proposition lors de l’examen de la seconde partie du texte, plus précisément à l’article 44.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Avant que Mme Beaufils ne retire son amendement, je souhaite lui dire que son combat est juste et que sa proposition est justifiée.
Madame la sénatrice, vous avez été entendue avant même que vous ne vous exprimiez puisque l’Assemblée nationale a voté le doublement du plafond du crédit d’impôt pour les personnes qui résident dans des zones à risques technologiques. L’actuel projet de loi prévoit donc déjà le doublement, que vous proposez, du plafond des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt.
C’est pourquoi le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Madame Beaufils, l'amendement n° I-47 rectifié est-il maintenu ?
Mme Marie-France Beaufils. Non, je le retire, madame la présidente.
Toutefois, s’il se révèle que le dispositif introduit par l’Assemblée nationale, que je n’ai pas encore eu le temps d’étudier, ne correspond pas à nos attentes, nous présenterons un amendement identique dans la seconde partie du texte.
Mme la présidente. L'amendement n° I-47 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-35, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3 de l’article 200 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, pour chaque personne majeure du foyer fiscal, n’ouvrent droit à une réduction d’impôt que les dons à un seul parti ou groupement politique. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. La réglementation du financement des partis politique interdit les dons supérieurs à 7 500 euros pour le financement d’un même parti politique.
En revanche, une personne peut effectuer un don de 7 500 euros à plusieurs partis politiques – même vingt ou trente ! – et cumuler autant de fois les réductions correspondantes d’impôt sur le revenu.
Afin de permettre à un donateur de se soustraire au plafond de 7 500 euros, certains grands partis ont donc favorisé la création de satellites, lesquels rétrocèdent ensuite les dons au parti principal. C’est ce que le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques appelle « un détournement de l’esprit de la loi » dans un article publié par Les Échos le 20 juillet 2010.
Or si un donateur agit par conviction et en dehors de tout artifice fiscal, il ne soutient pas simultanément plusieurs partis politiques.
Le présent amendement a donc pour objet de remédier à ces anomalies. S’il était adopté, une même personne physique ne pourrait pas cumuler les réductions d’impôt sur le revenu pour les dons effectués à plus d’un parti ou groupement politique.
En première lecture à l’Assemblée nationale, le problème a été évoqué à propos d’un amendement similaire présenté par un député UMP. Très curieusement, le Gouvernement s’est déclaré plutôt favorable à la mesure, comme les orateurs du parti socialiste d’ailleurs, et les orateurs de l’UMP ont reconnu qu’il existait, effectivement, une anomalie. Puis, soudain, l’amendement a été retiré.
Si tout le monde est d’accord pour considérer qu’il existe un problème et qu’il faut normaliser la situation, pourquoi ne pas agir ?
Qu’une personne verse des sommes considérables à des partis politiques ne me gêne pas. Mais qu’elle offre des sommes considérables et arrive, par le biais de divers partis satellites, à faire supporter par le budget de l’État 66 % de ses dons, cela me paraît anormal. L’État n’a pas à participer à de tels financements, surtout dans une période où chacun considère, à juste titre, qu’il faut faire des économies et lutter contre les abus.
Telle est la logique de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. M. Masson nous propose, à la faveur de l’examen du projet de loi de finances, de modifier le code électoral.
Le droit commun des dons, quelle que soit leur affectation – association ou parti politique –, donne lieu à une réduction d’impôt égale à 66 % du montant des sommes versées retenues dans la limite de 20 % du revenu imposable.
En application de ces dispositions et dans le respect du plafond de droit commun pour les dons, il est effectivement possible de verser le montant de 7 500 euros à plusieurs partis différents.
L’amendement de M. Masson trouverait certainement un meilleur cadre de discussion dans un texte sur le financement des partis politiques plutôt que dans un projet de loi de finances.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il serait prématuré d’adopter un tel amendement. Certes, monsieur Masson, j’ai émis un avis favorable au nom du Gouvernement sur le plafonnement de la défiscalisation des dons pour les partis politiques en première lecture du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale. Toutefois, les députés nous ont demandé de constituer un groupe de travail, qui pourrait être bicaméral et transpartisan afin d’apporter la meilleure réponse possible à ce problème.
Il est évident que le pluralisme politique et la vie démocratique de notre pays ne se résument pas à des règles fiscales, mais il est évident aussi que la défiscalisation des dons permet à de petits partis et à des courants minoritaires au sein de grands partis d’exister et de mener une action politique.
S’il ne faut pas que nous tuions le pluralisme au sein de la vie politique, il ne faut pas non plus qu’il y ait des abus. Voilà pourquoi le Gouvernement a accepté que soit mis en place un groupe de travail à l’Assemblée nationale. Si Mme la rapporteure générale et M. le président de la commission des finances en étaient d’accord, ce groupe pourrait être bicaméral et nous conduire à proposer des mesures qui seraient inscrites, soit dans le projet de loi de finances rectificative, soit dans un autre texte d’ici à janvier.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il n’y a pas forcément urgence !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Madame la rapporteure générale, il est un peu fort de dire que la mesure proposée modifie le code électoral alors que l’article visé est un article du code général des impôts ! Vous bottez en touche, tout simplement pour essayer de maintenir le système existant.
Madame la ministre, je suis d’accord avec vous : il est nécessaire de permettre aux courants d’opinions minoritaires et aux petits partis d’exister. Toutefois, le problème n’est pas là. Que quelqu’un fasse un don à un petit parti ou à une association, pourquoi pas. Le vrai problème est qu’une personne puisse détourner le système pour faire des dons à dix ou à vingt partis satellites, et tout cela aux frais de l’État.
M. Roger Karoutchi. Il faudrait être richissime !
M. Jean Louis Masson. Dois-je rappeler qu’une somme de 1 million d’euros diluée en plusieurs dons représente 660 000 euros de déductions fiscales ? Si cela ne concerne pas le budget, qu’est-ce qui le concerne !
Ces derniers temps, un grand nombre d’affaires de ce type sont apparues. Si cette mesure de protection du budget de l’État avait été prévue par la loi, elles n’auraient peut-être pas pu se produire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Si l’amendement de M. Masson n’a peut-être pas sa place dans une loi de finances, il me paraît viser un réel problème.
En prévoyant que la réduction d’impôt ne s’applique pour chaque personne qu’aux dons versés à un seul parti ou groupement politique, on limite le pluralisme en dissuadant le donataire de changer d’avis au cours d’une même année et de soutenir d’autres partis, certes.
Cela étant, renvoyer la résolution de cette question au code électoral est un moyen de ne rien faire, car on prendra toujours prétexte des élections qui ne manqueront pas d’avoir lieu dans l’intervalle. Peut-être aurait-on pu prévoir un plafond ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il y en a un !
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’ai bien entendu les propos de M. Masson et les réponses de Mme la rapporteure générale et de Mme la ministre.
Sincèrement, une assemblée comme la nôtre peut-elle examiner le financement de l’activité politique uniquement par le petit bout des dons ? En définitive, c’est l’État qui, au travers de la subvention publique, fait partiellement vivre les partis politiques, lesquels disposent également des contributions individuelles.
Si l’on veut remettre à plat le financement des formations politiques, il faut revoir l’ensemble du système de subventionnement public et de contribution des particuliers, en discutant de tout ce qui s’est pratiqué autrefois, qui ne se fait plus et qui pourrait exister dans un cadre plus organisé.
On ne peut pas, tout d’un coup, décider de baisser les subventions publiques, sans parler des contributions des particuliers. Je comprends l’intérêt du plafonnement et la volonté d’empêcher tout détournement d’une formation politique vers une autre. Toutefois, de grâce, si l’on veut évoquer le financement des formations politiques, expression de la démocratie, il faut remettre à plat l’ensemble du système.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Les interventions précédentes me confortent dans l’idée que nous devons rassembler nos forces dans la mission « Pouvoirs publics ». En effet, la dotation accordée par l’État à chaque parlementaire étant de l’ordre de 46 000 euros par an, nous pourrions peut-être, dans cette période d’austérité, envisager une petite diminution.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Que ne déposez-vous un amendement !
Mme Nathalie Goulet. Absolument, il est en cours de rédaction !
Les dispositions de l’amendement n° I-35 soulèvent en tout cas un problème réel, et je pense que la mission « Pouvoirs publics » sera le cadre idéal pour en débattre.
Mme la présidente. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Pour une fois, je suis d’accord avec M. Masson. Si ses idées sont souvent étonnantes, là, il vise juste.
En effet, on prétend qu’on va diligenter des études approfondies et mettre en place des groupes de travail extraordinaires, tout en sachant que rien ne sera jamais fait. L’adoption de cet amendement obligerait peut-être à progresser sur cette question. Il est tout de même scandaleux de multiplier les réductions d’impôt en finançant plusieurs partis politiques.
Mme la présidente. L'amendement n° I-112, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le IV de l’article 200 sexies du code général des impôts, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :
« IV. bis. – Les montants prévus aux I, II, III et IV sont actualisés chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu et arrondis à la dizaine d’euros la plus proche. »
II. – Cette disposition n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû au titre de l’année 2011.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. Lors de la loi de finances pour 2008, le Gouvernement avait proposé une mesure d’indexation de la prime pour l’emploi, la PPE, en fonction de l’inflation sur l’année 2007. En 2008, l’inflation fut forte – 2,8 % en moyenne –, mais, pour 2009, 2010 et 2011, le barème de la PPE a été gelé. Cela signifie que le salaire de référence pour en bénéficier et le montant attribué ne progressent plus.
Alors que 9,1 millions de foyers bénéficiaient de la PPE en 2005, ils n’étaient plus que 7,7 millions en 2010. De même, alors que le montant moyen de PPE distribué était de 502 euros en 2008, il n’a été que de 470 euros en 2010. Il n’est pas acceptable que le nombre de bénéficiaires de la PPE diminue en même temps que le montant de prime perçu, alors que la situation de l’emploi s’aggrave.
Or cette prime constitue une réelle incitation à la reprise d’un emploi : elle représente un outil de soutien à l’emploi et au pouvoir d’achat pour les faibles revenus.
Compte tenu du coût total de la prime, qui s’est élevé à 3,6 milliards d’euros l’an dernier, le coût d’une mesure d’indexation devrait être bien moindre que celui de la mesure visant les heures supplémentaires dans le cadre du paquet fiscal, soit 4 milliards d’euros. Contrairement à cette destruction d’emplois opérée sur fonds publics, la mesure ici proposée permettrait de soutenir le pouvoir d’achat, tout en incitant à la reprise d’emploi.
Il convient donc d’indexer automatiquement les seuils et les barèmes de la prime pour l’emploi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les auteurs de cet amendement souhaitent réintroduire une revalorisation annuelle de la prime pour l’emploi suivant la même évolution que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Il a donc bien sa place en première partie.
En gelant la prime pour l’emploi, le Gouvernement a réalisé une économie substantielle, qui ne touche pas les foyers les plus aisés.
Depuis l’introduction du RSA, la PPE a, il est vrai, perdu en lisibilité. Elle s’est quelque peu écartée de son objectif originel, qui était de soutenir le retour à l’emploi. Néanmoins, il s'agit d’une mesure de soutien aux populations les plus modestes.
Je suis favorable au dégel de cette prime pour l’emploi,…
M. Roger Karoutchi. On ne sait même pas ce qu’on veut en faire !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … parce que, au moment où elle a été gelée, le Gouvernement dégelait, si j’ose dire, l’indexation du barème de l’ISF. Ce serait une mesure de justice par rapport à ce qui a été fait pour l’impôt sur la fortune.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Outre que le coût de cet amendement est de 275 millions d'euros – mais ce n’est pas le problème financier qui nous arrête –, nous avons, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, créé un dispositif beaucoup plus puissant de réinsertion par le travail, le revenu de solidarité active, ou RSA, qui coûte au budget de l’État 2 milliards d'euros.
Néanmoins, nous n’avons pas souhaité retirer le bénéfice de la PPE aux salariés les plus modestes, pour la bonne et simple raison qu’il n’y avait pas recoupement total des deux publics. À l’évidence, le RSA a vocation à se substituer progressivement à la PPE parce que c’est un outil beaucoup plus puissant, nettement plus proche du terrain et qui correspond beaucoup mieux à l’accompagnement de salariés sur la voie de la réinsertion, notamment dans son volet complémentaire, le RSA « activité ».
Nous souhaitons geler le barème de la PPE, et ce n’est pas inéquitable puisque nous gelons aussi celui de l’impôt sur le revenu pour les ménages plus aisés qui acquittent cet impôt.
M. François Marc. Et le barème de l’ISF ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ainsi que le barème de l’ISF ; monsieur Marc, vous avez fait bien de me le faire remarquer !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Au cours des années passées, il nous est arrivé de nous interroger sur l’adéquation de la PPE aux objectifs visés.
On se souvient que ce dispositif était né comme impôt négatif, qu’il s’agissait d’un levier pour favoriser le retour à l’emploi. Or, comme le rappelait Mme Pécresse, la mise en œuvre progressive du RSA, ainsi que les modifications ayant affecté le dispositif même de la PPE, ont pour conséquence que des appréciations mitigées sont portées sur le tableau actuel.
En réalité, si nous avions accepté, voire souhaité que l’on fige le barème de la PPE, c’est parce que nous n’étions plus suffisamment convaincus de son efficacité. N’est-elle pas trop dispersée, trop largement répartie ? Ne devrait-elle pas, comme certaines études l’ont montré, être davantage concentrée sur certains segments sociaux, c'est-à-dire sur ceux qui ont le plus besoin d’être encouragés à revenir vers l’emploi ?
Ce sont là des questions qui n’ont pas vraiment été traitées. Il est clair qu’elles ne peuvent guère l’être au cours de la séquence 2011-2012, madame la ministre, mais il faudra le faire à l’avenir.
Réévaluer le barème de la prime pour l’emploi ne me paraît pas une bonne mesure, précisément parce que cette prime mérite sans doute d’être réétudiée, focalisée sur les bénéficiaires les plus légitimes et rendue plus efficace.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Lors de l’institution de la prime pour l’emploi, nous étions réservés. Nous le sommes toujours, après son application, car elle n’a pas du tout favorisé le retour à l’emploi, pas plus d’ailleurs que ne le permet le RSA en ce qui concerne les salariés.
En effet, en période de récession économique, il est encore plus difficile d’accompagner le retour à l’emploi, surtout quand le Gouvernement diminue les moyens de Pôle emploi. Nous sommes dans une période plus que complexe.
Aujourd'hui, la part de la PPE reçue par chaque personne est plus faible, de façon non négligeable, alors que la situation économique rend plus que fragile le pouvoir d’achat.
Nous voterons donc la proposition du groupe socialiste, mais en maintenant nos réserves sur ce type de solution, qui n’en est pas une et qui a d’ailleurs plutôt pour effet d’inciter les entreprises à ne pas augmenter les salaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le président de la commission des finances, permettez-moi de vous citer quelques chiffres : le nombre de bénéficiaires de la PPE n’a fait que diminuer depuis 2005, passant de 9 millions cette année-là à 6,7 millions en 2011. Il n’y a donc pas d’éparpillement.
Je ferai un parallèle, non sans une pointe de malignité, mais faute avouée…
M. Roger Karoutchi. Allons ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ainsi, l’économie que, en gelant la PPE, le Gouvernement a réalisée…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas le Gouvernement, c’est l’État !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est lui qui prend les mesures !
Mme Marie-France Beaufils. Ce sont les choix du Gouvernement !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cette économie, donc, est de 2 milliards d'euros, tandis que l’allégement de l’ISF intervenu il y a quelques mois représente 1,9 milliard d'euros. Si je voulais vraiment être désagréable, je dirais, chers collègues, que vous avez payé cet allégement avec la PPE ; je voulais en tout cas montrer que la droite et la gauche n’agissent pas forcément en faveur des mêmes personnes.
C'est pourquoi je soutiens cet amendement, auquel le groupe socialiste est attaché.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. À la suite des propos de Mme la ministre concernant la situation à laquelle nous souhaitons remédier, je voudrais insister sur un point : les inégalités ne cessent de s’accroître entre les travailleurs modestes et les travailleurs les mieux rémunérés.
Ainsi, sur les dix dernières années, le niveau de vie moyen des 10 % de salariés les plus pauvres a progressé de 13 % et celui des 10 % de salariés les plus aisés a augmenté de 27 %, soit plus du double.
Sans entrer dans le détail, aujourd'hui, le niveau de vie des salariés modestes progresse sensiblement moins vite que celui des salariés les plus aisés.
Dans ces conditions, est-il anormal de vouloir que la PPE, versée aux plus modestes, puisse être revalorisée d’une façon modérée, à hauteur de l’inflation ?
Il n’est pas du tout injuste de procéder ainsi : quand on a conscience de l’écart, voire du fossé qui se creuse entre les salariés, quand on sait que, pour les plus modestes de ces derniers, la réalité est de plus en plus dure, on trouve cet amendement totalement justifié. Par conséquent, je vous invite, mes chers collègues, à l’adopter.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-112.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour un rappel au règlement.
Mme Catherine Procaccia. Mon intervention se fonde sur l’article 33 du règlement.
Je m’adresse aux représentants ici présents de la majorité, en particulier du groupe socialiste. Chers collègues, à réclamer ainsi des scrutins publics sur chacun des amendements, de qui vous moquez-vous : des sénateurs UMP, et uniquement d’eux, ou aussi des sénateurs communistes qui vous soutiennent, ainsi que des sénateurs qui votent en toute indépendance, quel que soit leur groupe ?
Madame la rapporteure générale, je pense qu’il faudrait que vous vous posiez des questions sur la stratégie de votre groupe, qui consacre toutes ses troupes et toute son énergie, quitte à les épuiser, à l’examen, jusqu’à trois ou cinq heures du matin, de propositions de loi dont la moitié des Français se moquent éperdument,…
M. Jean-Marc Todeschini. C’est vous qui le dites !