M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est juste !
M. Hervé Maurey. Nous avions fait adopter par le Sénat un amendement visant à intégrer dans les règles du cumul la présidence d’un EPCI de plus de 50 000 habitants. Cette disposition, alors que le seuil était très élevé, pour ne pas dire trop, avait été supprimée par l’Assemblée nationale. La question doit donc être revue, et la situation du conseiller territorial examinée précisément.
Par ailleurs, eu égard à l’importance de sa mission, il y a tout lieu de se demander s’il remplit une ou deux fonctions. Sur ce point également, un examen plus approfondi s’impose.
Enfin la question du mode de scrutin est tout à fait essentielle. Au-delà de nos débats pour savoir si le conseiller territorial doit être élu au scrutin uninominal majoritaire ou au scrutin mixte, force est de constater que le mode de scrutin retenu et le tableau des effectifs, après sa modification résultant de la première censure du Conseil constitutionnel, cumulent tous les inconvénients. En effet, nous avons à la fois des conseillers territoriaux qui risquent de représenter des territoires trop grands, avec un nombre de communes trop élevées – 50 à 60, voire plus dans certains cas – et des assemblées pléthoriques. Le nombre de conseillers territoriaux serait de 299 en Rhône-Alpes, de 226 en PACA et de 251 en Midi-Pyrénées.
Peut-on trouver un système pour remédier à cette situation ? Peut-on envisager que tous les conseillers territoriaux ne siègent pas au conseil régional ? Peut-on régler cette difficulté avec un scrutin majoritaire en zone rurale, où le canton a une vraie existence, et un scrutin de liste en zone urbaine ? Comment faire en sorte que la représentation des territoires soit mieux appréhendée ? Est-ce possible sans une modification de la Constitution ? Toutes ces questions méritent, là encore, un examen très approfondi.
Par ailleurs, en lien avec la question du mode de scrutin, se pose celle de la parité. Le mode de scrutin choisi entraînera un recul très important de la parité dans les conseils régionaux, qui est actuellement de presque 50 %. Une solution doit être proposée pour éviter un tel recul.
Tous ces éléments le démontrent, mes chers collègues, la suppression du conseiller territorial, objet de la présente proposition de loi, ne peut se faire de manière hâtive et déconnectée de ces problématiques connexes.
Tel est le sens de notre demande de renvoi à la commission, que devrait soutenir la majorité si elle était cohérente avec les propos qu’elle tenait quand elle était encore dans l’opposition. Mais j’avoue craindre qu’elle ne le fasse pas, car j’observe à regret que la majorité sénatoriale ne souhaite ni légiférer ni réformer, comme en témoigne l’ensemble des propositions de loi qu’elle fait inscrire à l’ordre du jour de la Haute Assemblée. La nouvelle majorité souhaite uniquement, dans le cadre d’une campagne électorale qu’elle a déjà engagée, faire des coups politiques.
M. Robert del Picchia. Eh oui !
M. Hervé Maurey. Nous l’avons vu cet après-midi, nous le constatons cette nuit, à deux heures et demie du matin.
Cela ne nous semble ni sérieux ni conforme à la vocation de la Haute Assemblée, laquelle, jusqu’à présent, a toujours privilégié le travail de fond aux manœuvres politiciennes.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
M. Hervé Maurey. J’appelle d’ailleurs votre attention, mes chers collègues, sur les risques que votre attitude fait peser sur l’image et la réputation de sérieux du Sénat et, par là même, sur son rôle.
Quoi qu’il en soit, le groupe de l’Union centriste et républicaine ne se retrouve pas dans une telle démarche.
Je rappelle qu’il n’y a aucune urgence à voter ce texte, puisque, je le répète, les conseillers territoriaux ne seront élus qu’en 2014. Il est préférable de prendre plus de temps pour légiférer de manière satisfaisante, au lieu de voter à la sauvette et nuitamment, comme vous le faites depuis plus d’un mois, quantité de textes sur des sujets aussi importants que celui-ci, uniquement pour faire des coups politiques.
En conclusion, je vous invite donc à adopter cette motion tendant au renvoi à la commission de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Berson, contre la motion.
M. Michel Berson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en dépit des interventions convergentes, pertinentes et convaincantes de la majorité sénatoriale, notre collègue Hervé Maurey vient de demander à notre assemblée de renvoyer à la commission la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial.
Les débats qui sont déroulés ce soir ont permis de le réaffirmer, le conseiller territorial était la pierre angulaire mal taillée de la réforme – que dis-je ? –, de la contre-réforme territoriale voulue par le Président de la République. Retirons cette pierre, et l’ensemble de l’édifice s’écroulera !
L’abrogation du conseiller territorial ouvrira de nouvelles perspectives de débat, pour construire sereinement le nouvel avenir de nos collectivités territoriales, pour bâtir un nouveau pacte territorial de confiance, indispensable, entre les élus locaux et l’État et pour entamer la réflexion sur le nécessaire acte III de la décentralisation.
La motion tendant au renvoi à la commission du texte s’inscrit en vérité dans l’esprit de l’acte I de la recentralisation voulue par le Gouvernement.
La nouvelle majorité sénatoriale considère, à l’inverse, qu’il est grand temps de mettre en œuvre l’acte III de la décentralisation. C’est pourquoi il est urgent d’abroger le conseiller territorial, afin de préparer au plus tôt cet acte III avec les élus, leurs associations pluralistes et les acteurs locaux.
Ce sera d’ailleurs l’objet des états généraux de la démocratie territoriale, dont notre président Jean-Pierre Bel a pris l’initiative, ce qui semble gêner beaucoup les membres de l’opposition sénatoriale…
Telles sont les raisons pour lesquelles, ce soir, je demande au Sénat de rejeter catégoriquement la motion tendant au renvoi à la commission de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission est défavorable à cette motion de renvoi à la commission.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt l’intervention d’Hervé Maurey. Je suis d’accord avec le fond de son propos, notamment lorsqu’il évoque les sujets qui restent ouverts : le statut du conseiller territorial, son régime d’incompatibilité et d’inéligibilité, les règles relatives à la campagne électorale et aux contentieux.
Nous aurons l’occasion d’aborder ces questions lors de l’examen du projet de loi n° 61, relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Le Gouvernement, comme le sénateur Hervé Maurey, souhaite que, le moment venu, soit précisé le statut de ce nouvel élu de la République. Mais, ce soir, on nous propose tout simplement d’abroger le conseiller territorial !
M’étant déclaré favorable à la motion tendant à opposer la question préalable, je considère qu’il n’y a plus lieu de débattre ; je me contenterai donc, sur la motion de renvoi à la commission, de m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Je mets aux voix la motion n° 4, tendant au renvoi à la commission.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV. (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment !
M. Éric Doligé. La majorité est minoritaire !
M. le président. Je rappelle que la commission souhaite le rejet de cette motion, sur laquelle le Gouvernement s’en remet, quant à lui, à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 45 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 170 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, je tiens, en cet instant, à faire part de mon inquiétude devant la manière dont nous travaillons et qui conduit, selon moi, à un affaiblissement de la Haute Assemblée.
Je vais vous faire une confidence ; l’heure s’y prête !
M. Éric Doligé. Une confidence sur l’oreiller ! (Sourires.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ayant été députée, je suis en mesure de parler des deux assemblées. D’ailleurs, j’aurais probablement pu rester députée beaucoup plus longtemps, mais j’ai choisi de venir au Sénat parce que je le tenais pour un meilleur législateur que l’Assemblée nationale. Et, pendant trois ans, j’ai pu constater que c’était vrai.
On entend souvent dire que le Sénat n’a pas le dernier mot, notamment en matière financière. Or j’ai observé que, dans les faits, au cours des trois dernières années, c’est exactement l’inverse qui s’est produit ! J’ai pu en juger depuis que je suis membre de la commission des finances, mais je l’avais déjà constaté à la commission des lois, où j’ai eu la chance de siéger sous la présidence de Jean-Jacques Hyest.
Je prendrai l’exemple du projet de réforme de la taxe professionnelle, sujet financier par excellence. Tel qu’il était présenté par le Gouvernement, il était inacceptable, et je l’avais dit à l’époque. Il visait en effet à diminuer la taxe professionnelle de 5 % chaque année pendant vingt ans ; moyennant quoi, au bout de vingt ans, il n’y aurait plus rien eu ! Le texte a été réécrit par l’Assemblée nationale et, au Sénat, nous l’avons réécrit à notre tour. Eh bien, c’est la version du Sénat qui s’applique aujourd’hui.
C’est d’ailleurs grâce au Sénat que vous ne pouvez affirmer qu’à tort que les recettes perçues en remplacement de la taxe professionnelle ont diminué, car il y a eu compensation intégrale. Pour beaucoup de collectivités, la réforme a même constitué une chance formidable !
À mes yeux, le Sénat est donc un excellent législateur, meilleur que l’Assemblée nationale. C’est pourquoi, au cours des trois dernières années, il a souvent marqué des points, imposé ses vues.
M. Éric Doligé. Hélas, c’est fini !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, cette intervention n’a rien à voir avec un rappel au règlement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Prenez pratiquement n’importe quel projet de loi et considérez-le à l’issue de la navette : 90 % des modifications intégrées dans la version finale sont d’origine sénatoriale.
Nous devons tenir cette ligne ! Il est très important que nous maintenions la qualité de nos travaux législatifs. D’ailleurs, je veux pour preuve de cette qualité que la plupart des organismes de lobbying viennent d’abord au Sénat pour défendre leurs positions.
Comment pouvez-vous, en un mois et demi, faire table rase de cet acquis ? À nous faire travailler dans des conditions inacceptables, vous allez aboutir à ceci : le Sénat ne sera plus du tout écouté et l’Assemblée nationale aura de nouveau le dernier mot. À cet égard, chers collègues, dites-vous bien que votre responsabilité est capitale ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour un rappel au règlement.
M. Hugues Portelli. Plusieurs orateurs, notamment M. le ministre, ont soulevé la question de la compatibilité de la proposition de loi avec l’article 40 de la Constitution.
Je rappelle que, selon les études d’impact annexées au projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région, l’introduction du conseiller territorial aura pour effet de diminuer de 111 millions d’euros les charges relatives à l’organisation des élections – les élections cantonales et régionales étant remplacées par la seule élection des conseillers territoriaux. En outre, du fait de la diminution du nombre des élus, 45 millions d’euros supplémentaires seront économisés sur les indemnités.
Dans ces conditions, la suppression du conseiller territorial et le rétablissement du système antérieur se traduiraient mathématiquement par une augmentation des charges publiques de 156 millions d’euros.
C’est pourquoi je considère que la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial est contraire à l’article 40 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. J’interroge donc la commission des finances : l’article 40 de la Constitution est-il applicable à la présente proposition de loi ?
M. Gérard Miquel, vice-président de la commission des finances. Après vérification, l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour un rappel au règlement.
M. Charles Guené. Monsieur le président, vous venez, en faisant application de l’article 45 de notre règlement, de demander à un représentant de la commission des finances de se prononcer sur l’irrecevabilité, soulevée par notre collègue Hugues Portelli, de la présente proposition de loi au titre de l’article 40 de la Constitution.
Dès lors, si cette proposition de loi était adoptée, elle serait, je le crains, entachée d’illégalité. En effet, s’agissant d’une proposition de loi, c’est l’alinéa 4 de l’article 24 de notre règlement qui est applicable : il prévoit que « le bureau du Sénat ou certains de ses membres désignés par lui à cet effet sont juges de la recevabilité des propositions de loi ou de résolution ».
Or le bureau n’a pas désigné les membres en question, les délégations n’ayant probablement pas encore été faites.
Je considère donc que, pour juger de la recevabilité de la proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution, il vous faut, monsieur le président, demander la convocation du bureau.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je ne cesse de le dire !
M. le président. Je vous rappelle, mon cher collègue, que la proposition de loi a été déposée devant le bureau et que celui-ci l’a jugée recevable ; c’était d’ailleurs avant le 1er octobre. C’était donc bien à la commission des finances qu’il appartenait maintenant de se prononcer.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour un rappel à au règlement.
M. Éric Doligé. Monsieur le président, je me permets d’invoquer l’article 40 de notre règlement au sujet de l’applicabilité de l’article 40 de la Constitution. Je reconnais qu’il y a de quoi s’y perdre un peu…
J’ai cru comprendre, monsieur le président, que vous aviez demandé à la commission des finances de se prononcer sur la compatibilité de la proposition de loi avec l’article 40 de la Constitution. Mais par qui la commission des finances est-elle représentée ce soir ? (Miquel ! Miquel ! sur plusieurs travées de l’UMP.)
On me dit que c’est M. Miquel. Mais un seul de ses membres représente-il toute la commission ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et pourquoi M. Miquel ?
M. Éric Doligé. M. Miquel serait-il le nouveau président de la commission des finances ?
Tout est possible, après tout, puisqu’il semble que, depuis quelques jours, on s’organise pour que les choses se passent comme on souhaite les voir se passer !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission des finances est représentée par l’un de ses vice-présidents.
M. Éric Doligé. Le débat doit être organisé de façon suffisamment précise pour nous épargner cette fâcheuse impression qu’il emprunte une direction qui pourrait se révéler particulièrement risquée pour le Sénat.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous contestez la conduite des débats par la présidence de séance !
M. Éric Doligé. Il conviendrait que le bureau de la commission des finances se réunisse pour trancher cette question. À tout le moins, j’aimerais bien que l’on nous explique par quel moyen un membre de la commission peut seul décider, contre toute évidence, que l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas.
Monsieur le président, peut-être est-ce de votre ressort ? Ou peut-être le président de la commission des lois, qui connaît certainement la Constitution, les lois et le règlement du Sénat sur le bout des doigts, pourra-t-il emporter notre conviction ? Loin de moi l’intention de le mettre en difficulté, mais j’aurai plaisir à l’entendre.
M. le président. La parole est à M. Charles Guené.
M. Charles Guené. Monsieur le président, vous invoquez l’article 45 du règlement ; or celui-ci porte sur la seule recevabilité des amendements, et non sur celle des propositions de loi. Dans le cas présent, vous n’avez pas à consulter la commission des finances.
M. le président. Mon cher collègue, c’est une tradition qui nous appliquons depuis 1958 ! (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.)
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, tout à l’heure, certains collègues ont émis quelques critiques sur le déroulement de la conférence des présidents qui s’est tenue hier soir. Contrairement à ce que certains ont pu affirmer, je peux vous dire qu’elle s’est très bien passée et que le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, a été à l’écoute de tous les groupes.
M. Éric Doligé. Oui, mais ses conclusions ne sont pas respectées !
M. Jean-Marc Todeschini. Elle a été en tout cas très utile puisque M. le ministre chargé des relations avec le Parlement nous a informés que, parmi les propositions de loi qui ont été déposées, aucune ne posait de problème au regard de l’article 40, si ce n’est peut-être celle de Jean-Pierre Bel relative au logement, en particulier son article 32. Il a pris soin d’ajouter qu’il conviendra d’examiner plus précisément ce point. Et c’était le Gouvernement qui parlait ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Cela fait maintenant plusieurs heures, pour ne pas dire plusieurs jours, voire plusieurs semaines, que nous nous heurtons à un problème de fonctionnement de notre assemblée. Je constate que le règlement, dont l’application varie en fonction des circonstances, n’est respecté que quand cela vous arrange ! Ce n’est pas acceptable !
Monsieur le président, je ne vous mets pas en cause personnellement,…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bien sûr que si ! Vous contestez la présidence de séance !
M. François-Noël Buffet. … mais vous ne pouvez pas invoquer la tradition alors que, la semaine dernière, nous avons appliqué strictement le règlement.
Plus personne ne s’y retrouve dans cette affaire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
La seule et unique solution consiste à respecter strictement le règlement et à renoncer à toute interprétation de circonstance. Ce n’est pas parce que certains veulent à tout prix faire passer en force un texte justifié uniquement – nous l’avons dit et redit – par la tenue du prochain congrès des maires de France et l’élection présidentielle de 2012 que nous devons avancer à marche forcée !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En pédalo !
M. François-Noël Buffet. Le Sénat doit retrouver un peu de sérénité : cela ne sera possible que si le règlement est strictement appliqué. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut lever la séance !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je voudrais faire une observation à M. Doligé, qui m’a interpellé.
Cela fait plus de vingt ans que j’ai l’honneur d’être parlementaire, siégeant aujourd’hui au Sénat après avoir siégé à l’Assemblée nationale. Ce à quoi nous assistons ce soir est finalement assez banal. J’ai vécu d’innombrables séances de nuit comme celle-ci, entendu de nombreux rappels au règlement et assisté à la mise en œuvre de bien des stratégies visant à prolonger la séance.
M. François-Noël Buffet. Moi aussi !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On peut apprécier, d’un point de vue esthétique, la qualité des stratégies ; elles donnent lieu parfois à de bons moments, parfois à des moments un peu plus pesants.
Dès lors que l’on a prévu des « niches », c'est-à-dire que le temps accordé à l’examen d’un texte est limité à deux ou quatre heures, il est très facile de faire durer les débats pour que l’examen du texte ne puisse être achevé dans le délai imparti. Il suffit de multiplier les rappels au règlement ou les explications de vote.
Pour notre part, nous ne l’avons jamais fait les années précédentes.
M. Jean-Jacques Hyest. Vous l’avez fait !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous aussi en ce moment !
M. Buffet prétend que nos débats sont désorganisés. En quoi le sont-ils ? Depuis 1958, c'est-à-dire depuis cinquante-trois ans, la pratique veut que le président ou un vice-président de la commission des finances décide s’il y a lieu d’appliquer ou non l’article 40 lorsque celui-ci est invoqué. C’est ainsi et, pour ma part, cela ne me perturbe pas du tout !
M. Éric Doligé. Nous le voyons bien !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Puisque certains multiplient les prises de parole afin de faire durer les débats, la majorité sénatoriale a demandé que l’ordre du jour de notre assemblée soit légèrement modifié. Dois-je rappeler que le Sénat, comme toute assemblée, est maître de son ordre du jour ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Aujourd’hui, nous sommes dans le cadre d’une semaine du Gouvernement !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. L’examen du projet de loi de finances commence demain…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non ! Aujourd’hui !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je le répète, ce que nous vivons ce soir n’a rien de dramatique ou de catastrophique. Il faut garder son calme, car il n’y a là rien que de très banal.
Pour ma part, j’apprécie, sur un plan esthétique, tant les bons moments que les moins bons. Il vous est loisible de faire durer encore les débats ; nous sommes à votre disposition.
Madame Des Esgaulx, vous savez très bien, nous savons tous, quel rôle vous devez jouer. Ne nous racontons pas d’histoires ! Vous vous demandez simplement par quel moyen vous allez réussir à prolonger le débat.
Quand un collègue se met en colère, on sait bien que, dix minutes après, sa colère est apaisée… On peut se dire cela parce qu’on se connaît.
Mes chers collègues de la majorité gouvernementale, libre à vous de faire durer le débat, de vous livrer à cette dramaturgie. Pour ma part, je préfère celles auxquelles on peut assister juste à côté, au théâtre de l’Odéon, mais il est vrai qu’il est fermé à cette heure… Au moins, l’occasion nous est donnée d’apprécier votre talent.
Nous sommes parfaitement sereins et prêts à continuer, maintenant que nous sommes parvenus à l’article unique.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Continuer jusqu’à quelle heure ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Jusqu’au petit-déjeuner… Tout cela n’est pas bien dramatique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, l’autre jour, lors de l’examen d’une proposition de loi, le Gouvernement a soulevé une exception d’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution. Que s’est-il alors passé ? La commission des finances s’est immédiatement réunie ! (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.)
Comment parler de tradition si la pratique change tous les trois jours ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela dure depuis 1958 !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président de la commission, c’est ainsi que les choses se sont passées ! Les cas sont similaires.
Si le Gouvernement ou un membre de notre assemblée invoque l’article 40, alors la commission des finances se réunit pour statuer. Je ne vois pas au nom de quoi cette règle pourrait varier selon les circonstances !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. Ce n’est pas la même chose !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et depuis cinquante-trois ans, un vice-président de la commission des finances est présent en séance pour statuer !
M. Jean-Jacques Hyest. L’autre jour, c’était aussi une proposition de loi ! Alors cela veut dire que, la dernière fois, le règlement n’a pas été appliqué ? (Marques de dénégation sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. Mon cher collègue, la commission des finances s’était effectivement réunie pour statuer, mais le Gouvernement avait préalablement envoyé un courrier.