M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les articles 37 et suivants, jusqu’aux amendements portant article additionnel après l'article 38, ont été examinés par priorité.
Article 39
I. – L’article L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le 6°, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« 7° La tarification des honoraires de dispensation, autre que les marges prévues à l’article L. 162-38, dus aux pharmaciens par les assurés sociaux ;
« 8° La rémunération, autre que celle des marges prévues au même article L. 162-38, versée par les régimes obligatoires d’assurance maladie en contrepartie du respect d’engagements individualisés. Ces engagements peuvent porter sur la dispensation, la participation à des actions de dépistage ou de prévention, l’accompagnement de patients atteints de pathologies chroniques, des actions destinées à favoriser la continuité et la coordination des soins, ainsi que sur toute action d’amélioration des pratiques et de l’efficience de la dispensation. La rémunération est fonction de la réalisation des objectifs par le pharmacien ;
« 9° Des objectifs quantifiés d’évolution du réseau des officines dans le respect des articles L. 5125-3 et L. 5125-4 du code de la santé publique ;
« 10° (nouveau) Les mesures et procédures applicables aux pharmaciens dont les pratiques sont contraires aux engagements fixés par la convention.
« L’Union nationale des caisses d’assurance maladie soumet pour avis à l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, avant transmission aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, toute mesure conventionnelle ayant pour effet une revalorisation des frais de dispensation ou de la rémunération mentionnés aux 7° et 8° du présent article. Cet avis est réputé rendu au terme d’un délai de vingt et un jours à compter de la réception du texte. Il est transmis à l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, qui en assure la transmission aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale simultanément à celle de la convention ou de l’avenant comportant la mesure conventionnelle. Le présent alinéa ne s’applique pas lorsque l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire participe aux négociations dans les conditions prévues à l’article L. 162-14-3. » ;
2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Toute mesure conventionnelle ayant pour effet une revalorisation des tarifs des honoraires, rémunérations et frais accessoires mentionnés aux 6°à 8° entre en vigueur au plus tôt à l’expiration d’un délai de six mois à compter de l’approbation de la convention ou de l’avenant comportant cette mesure.
« Lorsque le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie émet un avis considérant qu’il existe un risque sérieux de dépassement de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie au sens du cinquième alinéa de l’article L. 114-4-1 et dès lors qu’il apparaît que ce risque de dépassement est en tout ou partie imputable à l’évolution de celui des sous-objectifs mentionnés au 3° du D du I de l’article L.O. 111-3 comprenant les dépenses de soins de ville, l’entrée en vigueur de toute mesure conventionnelle ayant pour effet une revalorisation au cours de l’année des tarifs des honoraires, rémunérations et frais accessoires mentionnés aux 6° à 8° du présent article est suspendue, après consultation des parties signataires à la convention nationale. À défaut d’un avenant fixant une nouvelle date d’entrée en vigueur des revalorisations compatible avec les mesures de redressement mentionnées à l’article L. 114-4-1, l’entrée en vigueur est reportée au 1er janvier de l’année suivante.
« Le II de l’article L. 162-14-1 est applicable aux pharmaciens titulaires d’officine. »
II (nouveau). – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l’article L. 5125-11, le nombre : « 3 500 » est remplacé par le nombre : « 4 500 » ;
2° À la fin du b du 1° de l’article L. 5125-14, le nombre : « 3 500 » est remplacé par le nombre : « 4 500 » ;
3° À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 5125-15, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « douze » ;
4° L’article L. 5125-16 est complété par un II ainsi rédigé :
« II. – Toute opération de restructuration du réseau officinal réalisée au sein d’une même commune ou de communes limitrophes à l’initiative d’un ou plusieurs pharmaciens ou sociétés de pharmaciens et donnant lieu à l’indemnisation de la cessation définitive d’activité d’une ou plusieurs officines doit faire l’objet d’un avis préalable du directeur général de l’agence régionale de santé. La cessation définitive d’activité de l’officine ou des officines concernées est constatée dans les conditions prévues à l’article L. 5125-7 et ne doit pas avoir pour effet de compromettre l’approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier concerné. »
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
II.- En conséquence, alinéa 7, première phrase
remplacer les mots :
aux 7° et 8°
par les mots :
au 8°
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet article permet l’introduction, dans la rémunération des pharmacies d’officine, d’une part déconnectée du prix des produits vendus et liée à l’acte de dispensation et à la performance par rapport à des objectifs de santé publique. Il est vrai que le système actuel, qui conditionne les ressources des pharmaciens au volume de médicaments vendus, n’est guère vertueux. Pour autant, la mesure prévue est d’une portée extrêmement restreinte, puisqu’elle autorise les partenaires conventionnels à négocier.
Sur le principe, l’idée d’opérer un transfert progressif de rémunération d’un système de marge sur prix de vente vers un dispositif d’honoraires sur acte de dispensation mérite d’être examinée.
Toutefois, l’application qui est ici proposée est très imprécise et porte en germe un risque pour les assurés : si ces honoraires de dispensation sont à leur charge, le corollaire indispensable de cette mesure doit être une baisse nette du prix des médicaments. Or elle n’est pas évoquée.
En outre, le terme même d’« honoraires » n’est pas prévu en matière pharmaceutique dans le code de la sécurité sociale pour ouvrir droit à un remboursement de l’assurance maladie ; il y a donc un doute pour savoir si ces honoraires peuvent, en l’état du droit, être remboursés par les régimes obligatoires.
De ce fait, non seulement les assurés pourraient avoir à payer le médicament au même prix qu’aujourd’hui, mais ils devraient également s’acquitter de frais au pharmacien. Évidemment attractive pour le professionnel de santé, cette démarche l’est infiniment moins pour l’assuré. D’autant que, faut-il le rappeler, ce n’est pas l’assurance maladie qui fixe le prix des médicaments, mais le comité économique des produits de santé, dont la politique de fixation des prix a, à de nombreuses reprises, fait l’objet de critiques sévères depuis la semaine dernière.
Rien ne justifie de faire porter la charge de la création d’une nouvelle rémunération pour les pharmaciens sur les assurés sociaux. Certes, celle-ci pourrait être remboursée, en tout ou partie, par les assurances complémentaires, mais au prix d’une hausse prévisible des cotisations et d’une éviction de la population ne bénéficiant pas du tout de couverture ou ayant souscrit un contrat qui ne rembourserait pas ces frais.
Dans l’attente d’une clarification de la procédure qui sera suivie pour modifier les modes de rémunération des pharmaciens, la commission a adopté un amendement tendant à neutraliser le coût de cette réforme pour les assurés sociaux. Il sera temps, lorsque des estimations précises seront avancées et des procédures sûres fixées, de prévoir une participation de l’assuré, en contrepartie d’une baisse certaine des prix du médicament.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. La rémunération actuelle des pharmaciens est fondée sur une marge par boîte vendue. L'article 39 introduit la possibilité d’une rémunération de l’acte de dispensation. Or, monsieur le rapporteur général, vous demandez la suppression des nouveaux honoraires de dispensation au motif que cela constituerait une nouvelle dépense à la charge des assurés sociaux.
Sur ce point, je tiens à vous répondre de manière tout à fait claire. D’abord, c’est l’IGAS qui, dans son rapport, souligne la nécessité de découpler la rémunération du pharmacien avec le prix du produit délivré. Par ailleurs, la montée en charge de la rémunération de la dispensation s’accompagnera d’une baisse du prix public des médicaments concernés, puisque la marge du pharmacien diminuera. Cela ne sera pas à la charge des assurés, puisque c’est actuellement l’assurance maladie qui paie les marges et qui continuera de le faire.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est la même chose !
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. Par conséquent, il n’y a pas d’inquiétude à avoir.
En revanche, si le pharmacien reste rémunéré sur la marge du produit délivré, il n’est pas incité à délivrer le produit le moins cher.
En outre, le ticket modérateur applicable à l’honoraire de dispensation sera calibré de façon à ce que tout basculement de la marge vers l’honoraire se fasse à coût constant pour les assurés sociaux comme pour l’assurance maladie.
Par conséquent, monsieur le rapporteur général, vos craintes sont infondées. Je souhaite qu’elles ne fassent plus obstacle à une réforme qui constitue, qui plus est, un net progrès en matière de santé publique en mettant enfin en adéquation le mode de rémunération de l’activité officinale avec les véritables missions de santé publique qui relèvent de cette profession.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la secrétaire d'État, j’ai bien entendu vos explications et je n’ai pas de raison de ne pas vous faire crédit. Néanmoins, les précisions que vous avez apportées ne sont pas explicites dans le texte qui nous est soumis.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Il faudrait que cela figure dans le code !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En revanche, l’adoption de l'amendement sécurisera le dispositif. C'est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 39, modifié.
(L'article 39 est adopté.)
Article additionnel après l'article 39
M. le président. L'amendement n° 221, présenté par M. Milon, Mmes Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mme Giudicelli, M. Gournac, Mmes Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Lorrain et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary et Villiers, est ainsi libellé :
Après l'article 39
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article L. 5125-15 du code de la santé publique est complété par les mots : « ou dans toute commune dépourvue d'officine ».
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Cet amendement tend à favoriser les regroupements d'officines de pharmacie en étendant leur territorialité à l'ensemble des communes et, ce faisant, vise à participer à l'aménagement du territoire. En effet, alors que l’objet de cet article est d'inciter les officines à se regrouper, il n'est pas cohérent de les empêcher de le faire dans les communes dépourvues d'officine.
Si l’adoption de cet amendement n'entraîne aucune modification des autres articles du code de la santé publique, c'est parce que les regroupements, contrairement aux transferts, ne sont pas soumis aux quotas de population. Le nombre de regroupements et de transferts interrégionaux réalisés depuis les modifications apportées par l'article 59 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 permet de penser que les regroupements manquent plus d'espace que de temps.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à permettre le regroupement d’officines de pharmacie dans un lieu nouveau situé dans une commune dépourvue d’officine. Sans indication plus précise, cette modification peut entraîner, selon nous, des effets indésirables, puisque des pharmacies seraient fermées à un endroit au profit d’une officine regroupée qui s’ouvrirait dans une autre commune, du moment qu’elle ne dispose pas de pharmacie, même si cette officine est distante de très nombreux kilomètres d’une autre ou qu’une pharmacie existe dans la commune voisine.
Il me semble que l’adoption de cet amendement ne peut pas, en l’état, contribuer à une restructuration harmonieuse du réseau des pharmacies. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. Aujourd'hui, les conditions de regroupement et de transfert sont déjà précisément décrites dans le code de la santé publique. La combinaison proposée est juridiquement ambiguë et risque de comporter des difficultés de mise en œuvre.
Le but que nous partageons avec les représentants des pharmaciens est non pas de créer de nouvelles pharmacies là où il n’y en a pas, mais bien d’en limiter le nombre là où elles sont trop nombreuses. Nous sommes face à un problème d’excès et non de déficit de l’offre. C’est pourquoi nous proposons une régulation.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Milon, l'amendement n° 221 est-il maintenu ?
M. Alain Milon. Madame la secrétaire d'État, je vais accéder à votre demande.
Permettez-moi toutefois de vous faire remarquer que certains centres-villes connaissent une véritable désertification, alors que le nombre d’officines y est considérable. Or, à la périphérie de ces mêmes communes, on constate une forte concentration de population, et les pharmaciens ne peuvent s’installer, car les quotas ne seraient pas respectés.
De tels regroupements permettraient pourtant de faire déplacer des pharmacies de centre-ville en surnombre, qui connaissent de ce fait une situation économique difficile, vers l’extérieur des villes, où leur regroupement leur permettrait de répondre aux besoins de la population.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 221 est retiré.
Article 40
I. – L’article L. 162-22-11 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 162-22-11. – Dans les établissements mentionnés aux a à c de l’article L. 162-22-6, les tarifs nationaux des prestations prévus au 1° du I de l’article L. 162-22-10, affectés le cas échéant du coefficient géographique prévu au 3° du même I, servent de base à l’exercice des recours contre tiers et à la facturation des soins et de l’hébergement des malades non couverts par un régime d’assurance-maladie, sous réserve des dispositions de l’article L. 174-20 du présent code et à l’exception des patients bénéficiant de l’aide médicale de l’État en application de l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles. »
II. – Le 1° de l’article L. 174-3 du même code est complété par les mots : «, sous réserve des dispositions de l’article L. 174-20 ».
III. – La section 12 du chapitre IV du titre VII du livre Ier du même code est complétée par un article L. 174-20 ainsi rédigé :
« Art. L. 174-20. – Pour les soins hospitaliers programmés ne relevant pas d’une mission de service public mentionnée à l’article L. 6112-1 du code de la santé publique, les établissements de santé peuvent déterminer les tarifs de soins et d’hébergement facturés aux patients non couverts par un régime d’assurance maladie régi par le présent code, à l’exception des patients bénéficiant de l’aide médicale de l’État définie à l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles, des patients relevant des soins urgents définis à l’article L. 254-1 du même code, des patients accueillis dans le cadre d’une intervention humanitaire et des patients relevant d’une législation de sécurité sociale coordonnée avec la législation française pour les risques maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles en application des traités, accords et règlements internationaux auxquels la France est partie.
« Les conditions d’application du présent article sont déterminées par décret. »
IV. – À la dernière phrase du II de l’article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n° 2003-1199 du 18 décembre 2003), après les mots : « assurance maladie, », sont insérés les mots : « sous réserve des dispositions de l’article L. 174-20 du code de la sécurité sociale, et ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 36 est présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 90 rectifié est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 138 est présenté par M. Caffet, au nom de la commission des finances.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° 36.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’article 40, qui a retenu toute notre attention, ouvre la possibilité, pour les établissements de santé publics et privés, de créer une tarification spécifique pour des soins programmés à destination de personnes non couvertes par un régime d’assurance maladie français ou couvertes par un régime de sécurité sociale coordonné avec la France.
L’étude d’impact annexée à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale nous éclaire sur ce jargon. Il s’agit de « développer une offre de soins spécifiquement à destination des patients étrangers fortunés ».
Tout d’abord, il s’agit d’une complexification supplémentaire de la tarification hospitalière, alors que – vous l’aurez remarqué, madame la secrétaire d'État – nous privilégions la clarté et la simplicité.
Certes, facturer plus cher les « VIP étrangers », selon l’expression employée dans l’annexe du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, apportera des recettes nouvelles aux établissements de santé, mais ce seront principalement les établissements privés, ou quelques grands hôpitaux, qui seront concernés.
Or les cliniques pratiquent déjà des dépassements d’honoraires librement fixés et des frais annexes parfois importants.
À nos yeux, cette disposition, aussi attrayante soit-elle, pose surtout une question de principe, qui n’est pas anecdotique, au moment où des débats s’esquissent sur la mutualisation des risques et le financement des mal-portants par les bien-portants.
Si le tarif d’une prestation ou d’un acte est correctement fixé, il n’est guère légitime de faire payer plus cher certains étrangers, même riches. Le tarif devrait suffire ou, alors, il convient de le relever !
Cette réflexion rejoint d’ailleurs notre préoccupation générale sur les modes de financement des hôpitaux. Permettez-moi de citer une dernière fois l’annexe du PLFSS : « la facturation sur la base des tarifs journaliers de prestation, les TJP, ne permet pas toujours de couvrir l’intégralité des dépenses engagées ». Or un rapport de l’IGAS a montré que ce TJP est parfois assez nettement supérieur aux tarifs de la T2A. Il y a donc là une contradiction dans le discours du Gouvernement.
L’objet de cet amendement est donc de supprimer l’article 40 du PLFSS. J’imagine que beaucoup de nos collègues souhaiteront expliquer leur vote sur ce point.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l'amendement n° 90 rectifié.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 40, que vise cet amendement de suppression, tend à autoriser les établissements de santé, publics et privés, à facturer des tarifs de soins et d’hébergement différenciés pour certains patients étrangers en situation régulière.
Autrement dit, pour reprendre une formulation figurant dans l’exposé des motifs fourni par le Gouvernement, il s’agit d’établir une tarification particulière pour un certain nombre de patients fortunés venant se faire soigner en France.
À vrai dire, cette disposition ne concerne pas les hôpitaux publics puisque, il faut le reconnaître, ces « patients VIP » s’orientent plus vers des cliniques commerciales que vers le secteur public.
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. C’est faux ! Certains professeurs de l’hôpital public sont concernés.
Mme Isabelle Pasquet. Les cliniques privées peuvent d’ailleurs déjà tirer des compléments de ressources importants des frais annexes, particulièrement des frais hôteliers.
Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, une clinique parisienne exige pour une chambre individuelle sans douche une somme de 55 euros supplémentaires par rapport aux tarifs pris en charge par la sécurité sociale. Si cette chambre n’est naturellement pas susceptible d’attirer les patients ultra-riches que vise cet article, tel n’est pas le cas des prestations annexes décrites par le site internet de cette clinique, qui propose les prestations suivantes pour sa « suite » : espace salon, minibar, mini-coffre, presse journalière, télévision à écran plat 16/9, linge de toilette, WiFi, petit-déjeuner amélioré et lit électrique à deux places (Mme la secrétaire d’État s’exclame.), tout cela pour la somme de 585 euros par jour, à la charge, cela va sans dire, des clients qui peuvent se le permettre.
Pour cette clinique, l’établissement de tarifs différenciés pour les frais d’hébergement n’est visiblement pas nécessaire.
Nous craignons en revanche que, sous prétexte de proposer une modulation des tarifs pour les étrangers les plus fortunés, le Gouvernement ne vise en fait uniquement les étrangers en général et, partant, les établissements publics de santé.
Nous nous souvenons que, l’année dernière, vous avez instauré un forfait de 30 euros à la charge des étrangers en situation irrégulière afin de pouvoir accéder à l’AME, l’aide médicale de l’État. L’article 40, qui ne fait nullement référence à des conditions précises de ressources, est peut-être le pendant de cette mesure pour les étrangers en situation régulière. Ces derniers, salariés, étudiants, retraités, pourraient alors se voir imposer des tarifs différents de ceux qui sont appliqués aux nationaux, du seul fait de leur origine et de leur état civil. Il s’agirait alors d’une véritable discrimination, contraire à l’idée que nous nous faisons des missions de service public confiées aux hôpitaux.
Peu importe que les cliniques privées opèrent une sélection par l’argent de leurs patients, dès lors que l’offre publique permet à tous les patients, sans distinction de ressources et d’origine, d’être soignés. Il faut donc supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 138.
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. L’amendement de la commission des finances est identique.
Pour la clarté et l’honnêteté des débats, je me dois de dire que notre amendement de suppression est motivé non par un problème de principe, mais par la très mauvaise rédaction de l’article en question.
En effet, ne sont exclus de ce dispositif que ceux qui se font soigner en urgence, ceux qui relèvent de l’action humanitaire, ainsi que ceux qui bénéficient de l’AME. Un certain nombre d’établissements pourraient donc facturer comme ils l’entendent des soins à des ressortissants étrangers, dès lors qu’ils ne se trouvent pas dans un des cas cités. Cette possibilité relève de l’arbitraire le plus complet. Aussi, la commission des finances a considéré que cet article n’était ni fait ni à faire et qu’il fallait le réécrire totalement, même si le principe qui le sous-tend peut être discuté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. J’ai écouté les orateurs avec beaucoup d’attention. L’article 40 permet aux établissements de santé qui le souhaitent de déroger aux règles de facturation existantes pour les soins programmés des patients étrangers fortunés en situation régulière.
Madame Pasquet, la mesure proposée ne porte pas atteinte aux droits des patients de toute nationalité à accéder à des soins hospitaliers en France. Elle ne s’applique pas dans le cadre de l’exercice des missions de service public que sont, en particulier, la permanence des soins et l’aide médicale d’urgence.
Les patients visés à cet article ne sont ni des assujettis à l’AME, ni des ressortissants d’un pays ayant un accord bilatéral avec notre sécurité sociale, ni même des étrangers rapatriés dans le cadre de l’aide humanitaire. En fait, il n’y a pas véritablement de contradiction, un public particulier étant concerné.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’entendais dire, tout à l’heure, que celui-ci n’était censé fréquenter que le secteur privé. Permettez-moi de rappeler qu’il y a de très grands professeurs français, exerçant dans les hôpitaux publics, que les étrangers souhaitent consulter.
Ne sont visés par cette mesure que les patients étrangers fortunés qui sont identifiables, notamment parce qu’ils manifestent des préférences pour des prestations de confort personnel. Ce dispositif permet aux établissements de santé publics de renom de bénéficier de recettes propres. À titre d’exemple, les Hospices civils de Lyon ont développé une offre VIP qui leur a permis de récolter 1,3 million d’euros en 2010. On ne peut pas nier que cela est de nature à contribuer au rétablissement financier de ces établissements.
J’insiste, enfin, sur le fait que cet article ne porte absolument pas atteinte au droit à l’accès aux soins des patients de toute nationalité en France, dans la mesure où il ne s’applique pas aux patients pris en charge dans le cadre de l’exercice d’une mission de service public, telle que la prise en charge en urgence ou en soins palliatifs. Cette mesure n’est en aucun cas arbitraire.
Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis défavorable à ces amendements identiques.