Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Comme vient de le préciser Mme la ministre, il s’agit non pas de rémunérations internes à l’entreprise, mais d’avantages alloués à un salarié par des personnes tierces. Sinon, ce serait en effet un détournement de salaire tout à fait anormal.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 353.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 173 rectifié ter.
M. Jean Desessard. Je m’étais abstenu sur le sous-amendement, je vote contre l’amendement !
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10 quater.
(L'article 10 quater n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 10 quater
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 136 rectifié est présenté par M. Caffet, au nom de la commission des finances.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article premier de la loi n° 2007–1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat est abrogé.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 5.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement particulièrement important vise à abroger l’article 1er de la loi TEPA, qui a institué des exonérations sociales et fiscales sur les heures supplémentaires et les heures complémentaires.
Tant le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires d’octobre 2010 sur les niches fiscales et sociales des entreprises que celui du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011 ont montré la faible efficacité de ce dispositif.
Dans une période de très faible croissance, il constitue un véritable frein à l’embauche.
Il est par ailleurs très coûteux – environ 4,5 milliards d’euros pour les finances publiques, dont 3,4 milliards pour les seules finances sociales.
La situation extrêmement tendue des finances publiques, et particulièrement des comptes sociaux, rend indispensable l’abrogation de cette mesure.
Si l’ensemble des coordinations nécessaires à l’attribution du panier des recettes fiscales de compensation à la sécurité sociale ne peut être effectué dans le présent PLFSS, la commission estime néanmoins que ces recettes devraient revenir aux organismes de sécurité sociale et contribuer, à due concurrence, à la réduction de leurs déficits.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 136 rectifié.
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. À l’instar de M. le rapporteur général, je considère que cet amendement est particulièrement important, car il vise à annuler l’un des derniers vestiges de la loi TEPA, qui, au fil du quinquennat, a perdu l’essentiel de sa substance.
Le dispositif que nous proposons de supprimer est, d’une part, totalement inefficace et, d’autre part, il s’inscrit dans une philosophie malthusienne du travail que nous récusons.
L’inefficacité de cette mesure a été évoquée par mon ami Yves Daudigny. Il suffit en effet de se reporter au dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, qui estime notamment que le coût de cette mesure, évalué à 4,9 milliards d’euros si l’on tient compte des exonérations fiscales et de cotisations sociales, est supérieur au gain de PIB qu’elle engendre. Cette mesure est donc perdante pour la croissance et la richesse nationale.
De surcroît, ce dispositif entraîne un effet d’aubaine évident : songez par exemple que lors de sa première année d’application, soit entre le deuxième trimestre 2007 et le deuxième trimestre 2008, les heures supplémentaires ont augmenté de 35 %, ce qui est absolument incompatible avec le ralentissement de la croissance que l’on a pu observer à l’époque, avec la crise qui débutait. Il ne fait donc pas de doute que cette mesure a favorisé les comportements d’optimisation fiscale des entreprises.
Enfin, ce dispositif pose un véritable problème philosophique de rapport au travail. Il empêche en effet la création d’emplois pérennes et ne crée que du travail artificiel lié à l’optimisation fiscale, un travail détaxé qui ne vient pas financer les organismes de protection sociale.
Pour toutes ces raisons, ce dispositif est parfaitement condamnable.
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Un sénateur du groupe socialiste-EELV. Est-ce bien nécessaire ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui ! D’ailleurs, c’est la démocratie !
L’avis du Gouvernement est défavorable.
J’en profite pour faire un petit point sur la question. Certes, nous avons renoncé à une disposition de la loi TEPA, le bouclier fiscal, qui coûtait 600 millions d’euros et ne donnait pas les résultats escomptés. J’assume parfaitement cette sage décision.
Mais le reste de la loi TEPA continue d’exister et de vivre, mesdames, messieurs les sénateurs. Elle comporte toute une série de dispositions qui correspondent aux valeurs que nous défendons, à commencer par le travail.
Ainsi, nous avons exonéré de droits 95 % des successions. Je ne crois pas avoir entendu l’opposition dire qu’elle souhaitait remettre en cause cette mesure, mais, si tel est le cas, il faut l’annoncer aux Français !
M. Jean-Jacques Mirassou. On va le faire !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Parce qu’il est normal de pouvoir léguer le fruit d’une vie de travail à ses enfants en franchise d’impôts.
M. Jean-Jacques Mirassou. Cela n’a rien à voir avec notre débat !
Mme Valérie Pécresse, ministre. En contrepartie, nous avons durci le régime d’imposition des 5 % des successions les plus importantes, ce qui nous a permis de financer partiellement la réforme de l’ISF.
Cette loi TEPA contenait également une disposition très importante, qui demeure : la mesure ISF-PME, qui permet aux particuliers de défiscaliser une partie des sommes qu’ils investissent dans les PME.
Vous le savez, il s’agit d’une disposition extrêmement puissante, puisqu’elle a permis de financer des PME et a donné naissance à une véritable gestion patrimoniale des entreprises à la française. Ce qui différencie le capitalisme français des autres capitalismes, c’est que nous avons beaucoup de mal à faire émerger dans notre pays, contrairement aux pays anglo-saxons qui ont des business angels, un capitalisme familial et patrimonial. Avec ce dispositif, nos entreprises et nos PME ont pu se développer et disposer d’un capital. Le soutien aux PME fait partie de nos valeurs, et nous l’assumons pleinement.
Dans cette loi TEPA figurait également une disposition qui permettait aux primo-accédants, c'est-à-dire aux jeunes ménages ou aux plus âgés qui accédaient pour la première fois à la propriété, de bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu. Le dispositif a évolué dans le temps, devenant le prêt à taux zéro.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, nous assumons le fait de vouloir promouvoir l’accession à la propriété. Nous voulons aider tous les ménages qui deviennent propriétaires pour la première fois, en leur offrant un prêt bancaire à taux zéro. L’accession à la propriété, la France de propriétaires, c’est notre valeur, nous la défendons et nous l’assumons. (M. Jean-Jacques Filleul s’exclame.)
Enfin, la loi TEPA comportait – et comporte toujours – la défiscalisation des heures supplémentaires, une mesure sur laquelle je veux revenir, car elle est, là encore, le cœur d’un projet fondé sur la valeur travail.
La défiscalisation des heures supplémentaires – décharge de cotisations sociales pour l’entreprise et exonération de l’impôt sur le revenu pour le bénéficiaire – concerne 9 millions de Français, qui gagnent en moyenne 1 500 euros par mois et reçoivent en moyenne à la fin de l’année 450 euros. Permettez-moi de vous dire que cette mesure concerne d’abord des ouvriers et des enseignants de la fonction publique – dans la fonction publique, 90 % des heures supplémentaires défiscalisées sont assurées par des enseignants ! – et non pas évidemment des cadres, qui sont rémunérés sur la base d’un forfait jours. Je vous le dis, il s’agit d’une mesure de pouvoir d’achat, qui concerne des salariés, parfois très modestes, ayant décidé de travailler davantage pour gagner davantage. (M. Jean-Jacques Filleul sourit.)
Cette mesure de pouvoir d’achat, nous l’assumons ! Dans une période où la croissance est extrêmement fragile, ne comptez pas sur nous pour revenir sur une telle mesure !
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Madame la ministre, je ne pensais pas que vous alliez disserter aussi longtemps sur le paquet fiscal…
François Baroin affirme qu’il lui manque 8 milliards d’euros. Mais s’il revenait simplement sur tout le paquet fiscal, qui a coûté 15 milliards d’euros, il obtiendrait un bénéfice de 7 milliards d’euros !
Madame la ministre, puisque vous voulez approfondir la question des avantages octroyés par le Gouvernement aux plus favorisés, parlons-en. Il est vrai qu’il existe en la matière entre vous et nous un véritable clivage, que nous assumons en totalité.
En cette période, il importe surtout de donner du travail à tous, pour une juste rémunération. (Mme la ministre s’exclame.) Madame la ministre, la valeur travail passe aussi par une juste rémunération du travail. Or vous n’offrez aux jeunes, pour un trop grand nombre d’entre eux, que la perspective du chômage ou, pour d’autres, que celle d’être des travailleurs pauvres.
Lorsque des jeunes travaillent à temps partiel, leur rémunération s’élève à moins de 800 euros par mois,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. N’importe quoi !
M. Alain Néri. C’est peut-être n’importe quoi, madame Des Esgaulx, mais si vous aviez 800 euros par mois pour vivre, je me demande comment vous feriez pour joindre les deux bouts !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est ce que vous dites qui n’a pas de sens !
M. Alain Néri. Aujourd'hui, vous avez l’occasion de redonner un peu de souffle et d’espoir à nos concitoyens, madame la ministre.
Vous nous parlez du bouclier fiscal, mais cela fait trois ans et demi que nous vous répétons, semaine après semaine, qu’il faut le supprimer ! Il vous aura fallu attendre tout ce temps pour que vous décidiez, enfin, de l’abroger, et encore en l’assortissant d’une pirouette : vous avez effectivement supprimé 800 millions d’euros d’avantages mais, avec la réforme de l’ISF, vous avez offert aux plus riches un cadeau de 3 milliards d’euros !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est faux ! Il ne faut pas dire n’importe quoi !
M. Alain Néri. En réalité, cela signifie que vous avez fait un cadeau supplémentaire de 2,2 milliards d’euros aux plus favorisés de ce pays (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.), en pénalisant une fois encore les plus modestes.
Aussi, madame la ministre, ne venez pas nous donner des leçons dans ce domaine ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame de nouveau.)
M. Gérard Dériot. Vous non plus !
M. Alain Néri. La valeur travail, nous la défendons pour tous ! Et nous défendons aussi une juste rémunération, qui permette de vivre dans la dignité !
Aujourd'hui, que vous demandent les jeunes de notre pays ? Que vous demandent ceux qui sont privés d’emploi ? Respect et dignité ! Eh bien, nous voulons, nous, leur apporter ce respect et cette dignité au travers de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, en donnant davantage de travail à tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Même la chute n’est pas bonne !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Néri, je souriais tout à l’heure parce que j’étais surprise et heureuse de vous voir dans cette enceinte, mais j’aurais dû y réfléchir à deux fois… (Sourires.)
Nos philosophies sont profondément différentes.
M. Jean-Louis Lorrain. Ils n’ont pas de philosophie !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour notre part, nous ne croyons pas – mais nous avons déjà eu maintes fois cette discussion à propos des 35 heures ! – que le travail est un tout fini, qui se partage en tranches : ceux qui font des heures supplémentaires, en permettant à l’entreprise d’avoir un peu de souplesse, ne privent pas les autres d’un emploi.
D’ailleurs, lorsque certaines organisations syndicales ont demandé la suppression de cette mesure de défiscalisation des heures supplémentaires, un grand nombre de responsables de PME se sont précipités à la télévision pour dire que, si une telle décision était prise, ils n’accepteraient plus de commandes supplémentaires, car ils ne peuvent pas recruter plus de personnels. Ils ont également précisé qu’on ne leur proposait que quelques commandes supplémentaires et qu’ils ne peuvent les honorer que s’ils ont la possibilité de recourir au dispositif des heures supplémentaires. Ils ont ajouté que s’il n’était plus possible de faire des heures supplémentaires, ils seraient obligés de délocaliser dans des pays à bas coûts où le coût du travail est plus faible et où les souplesses sont plus grandes.
En réalité, la complexité du monde du travail est telle que, dans ce domaine, nous ne devons pas nous substituer aux entreprises : elles savent si elles ont besoin de recruter ou si elles doivent proposer des heures supplémentaires. Ce n’est pas la même logique ; ce ne sont pas les mêmes modes de rémunération.
Monsieur Caffet, vous avez dit que l’Inspection générale des finances aurait jugé cette défiscalisation totalement inefficace. C’est inexact ! Je suis désolée de vous le dire, la défiscalisation des heures supplémentaires ne figure pas sur la liste des niches fiscales et sociales jugées totalement inefficaces. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx ainsi que MM. Jean-Louis Lorrain et Jackie Pierre applaudissent.)
M. Gérard Dériot. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Concernant l’article 1er de la loi TEPA, je n’ai jamais parlé du rapport de l’Inspection générale des finances, madame la ministre ! J’ai évoqué le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires. Vous m’avez mal écouté, madame la ministre…
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Je n’en ai pas parlé !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Lors de la discussion du texte qui est devenu la loi TEPA, nous avions, avec quelques collègues, ferraillé longuement sur la question de la défiscalisation des heures supplémentaires. Il est maintenant temps de tourner la page.
À l’époque, on nous a dit, sans rire, que les gains de revenus ainsi créés conjugués à l’augmentation du temps de travail des salariés devaient provoquer un surcroît de croissance – c’est bien ce que l’on nous disait alors ! –, qui serait de nature à lutter contre le chômage. Il s’agissait de mettre en pratique la fameuse formule : « Travailler plus pour gagner plus ». (Mme la ministre opine.)
Madame la ministre, quel est le résultat en matière de chômage et de création d’emplois ? (M. Alain Milon s’exclame.)
À l’époque, je m’en souviens fort bien, nous vous avions dit qu’il s’agissait d’un contresens économique eu égard au contexte de croissance molle et de chômage élevé. Quatre ans plus tard, force est de constater la justesse de nos analyses.
Plusieurs rapports récents émanant d’autorités incontestables, comme la Cour des comptes, le Conseil des prélèvements obligatoires ou encore le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, ont en effet montré la faible efficacité de ce dispositif et son coût exorbitant pour nos finances publiques. Tous vont dans le même sens et démontrent trois faits.
Premièrement, ce dispositif n’a créé aucune heure supplémentaire « supplémentaire » : il a simplement donné un avantage à des heures supplémentaires qui auraient, de toute façon, été réalisées. De fait, ce qui détermine, dans une entreprise, le besoin d’heures supplémentaires, c’est non pas le statut fiscal ou social de celles-ci, mais le carnet de commandes !
M. Jean-Jacques Mirassou. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Deuxièmement, il a constitué un effet d’aubaine massif pour les entreprises avec des conséquences négatives sur l’emploi, notamment en ce qui concerne les embauches de personnels intérimaires. En 2008, près de 40 millions d’heures auraient ainsi été effectuées par les salariés, ce qui correspond à l’équivalent de 90 000 emplois à temps plein, qui n’ont donc jamais été créés.
Je suis d’accord avec vous, madame la ministre, on ne peut pas systématiser : on ne peut pas dire que toutes les heures supplémentaires auraient été traduites en emplois permanents, c’est une évidence, mais le dispositif a tout de même eu un impact négatif.
Troisièmement, ce dispositif coûte plus aux finances publiques qu’il ne rapporte à l’économie : le coût de la mesure est évalué, comme l’a souligné M. le rapporteur pour avis, à plus de 4,5 milliards d’euros par an, une somme colossale qui représente, en coût, 0,23 % du PIB, mais qui n’a permis de produire, en richesse, que l’équivalent 0,15 % du PIB.
Le bilan est donc négatif.
Aujourd'hui plus que jamais, nous n’avons pas les moyens de financer une telle aberration qui consiste – j’attire votre attention sur ce point, mes chers collègues ! – à verser des compléments de rémunération financés par la dette. Car, ne nous y trompons pas, dans le contexte actuel, c’est bien par la dette que nous finançons cette mesure de défiscalisation des heures supplémentaires.
Cette mesure, je viens d’évoquer ce point, coûte entre 3 milliards et 4 milliards d’euros. À ce titre, permettez-moi de faire un rapprochement.
Pour équilibrer les comptes de la sécurité sociale, le Gouvernement a, dans le même temps, fiscalisé les indemnités journalières pour accident du travail, pour un gain de 200 millions d’euros. Vous voyez bien le rapport entre les deux mesures. D’autant que, comme le montrent tous les rapports relatifs aux conditions de travail, les heures supplémentaires sont souvent accidentogènes.
Par ailleurs, j’ajoute, peut-être avec une certaine malice, que Xavier Musca, actuel secrétaire général de l’Élysée, n’était pas très favorable – j’emploie ce terme pour rester agréable, pour ne dire qu’il y était même plutôt assez défavorable ! – à cette mesure quand il était directeur du Trésor.
Pour ce qui nous concerne, nous avons toujours dit qu’il s’agissait d’une mauvaise mesure, et j’ai même le sentiment que cet avis commence à gagner les rangs de la majorité, qui n’ose pas encore trop le dire…
Aujourd'hui, les choses sont très claires : cette mesure doit survivre encore quelques mois pour ne pas discréditer totalement les volontés présidentielles, sinon le fameux slogan « Travailler plus pour gagner plus » n’aurait plus aucun sens.
En conclusion, je voudrais attirer votre attention, madame la ministre, sur deux mesures que le Gouvernement a prises, alors même que nous avions essayé de le convaincre d’y renoncer.
Il s’agit, d’une part, du dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires, qui représente, je le répète, un coût évalué entre 4 milliards et 4,5 milliards d’euros. Il s’agit, d’autre part, de la diminution du taux de TVA dans la restauration – nous avions alors fait observer au Gouvernement qu’il s’agissait d’une erreur ! –, taux que vous êtes aujourd'hui amenée à relever, madame la ministre. Cette mesure coûte 3 milliards d’euros.
Madame la ministre, en revenant sur ces deux décisions gouvernementales, et auriez trouvé les 8 milliards d’euros que vous cherchez aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce sont des économies en dépenses. Ce n’est pas du structurel ! C’est récessionniste !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Madame la ministre, avec ces deux amendements identiques, il vous est proposé de faire une économie de 3,4 milliards d’euros pour les finances sociales et de 4,5 milliards d’euros pour les finances publiques, ce qui n’est pas rien !
À l’heure où l’on cherche à faire des économies et où l’on parle d’un plan d’austérité renforcé, il y a là une économie possible pour l’État.
Madame la ministre, vous avez indiqué précédemment que cette mesure était utile pour la croissance. Or, les faits sont têtus.
La France connaît l’une des croissances les plus molles ; cela nous peine, et nous préférerions qu’il en soit autrement. Le chômage ne cesse d’augmenter, avec 4,7 millions de personnes inscrites à Pôle emploi. Notre pays compte 8 millions de pauvres et le Secours catholique vient de publier une enquête sur la pauvreté des étudiants qui dresse un constat accablant.
Des entreprises qui proposent des heures supplémentaires défiscalisées suppriment, dans le même temps, des emplois dans certains services.
Ce qui est proposé par le Gouvernement dans le cadre de la défiscalisation des heures supplémentaires, c’est un partage bien particulier du travail, entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, mais ce partage est insupportable. En effet, il renforce le chômage des seniors.
J’évoquerai aussi en quelques mots l’allocation équivalent retraite.
Vous nous parliez tout à l’heure de pouvoir d’achat, madame la ministre. Comment a-t-on pu supprimer à 50 000 personnes l’allocation équivalent retraite ? Certes, elle a été rétablie pour 10 000 personnes, mais cela en jette néanmoins plusieurs dizaines de milliers d’autres dans la pauvreté !
Madame la ministre, il ne faut pas s’entêter sur ce qui ne marche pas ! Votre politique et le paquet fiscal sont un échec complet : croissance atone, chômage de masse, pauvreté croissante.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Comment est-ce ailleurs ?
M. Martial Bourquin. Je vais vous le dire ! En Allemagne, on a trois points de PIB et une production industrielle qui est en hausse.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et en Espagne avec José Luis Rodríguez Zapatero, c’est comment ?
M. Jackie Pierre. Les 35 heures !
M. Martial Bourquin. En Allemagne, on ne fait pas 35 heures !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je vous parlais de l’Espagne !
M. Martial Bourquin. Nous sommes allés en Allemagne avec vos collègues. Le temps de travail est de 32 heures dans l’industrie. Ne dites pas n’importe quoi !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Avec 32 % de chômage chez Zapatero !
M. Martial Bourquin. À l’issue de ce voyage dans le Land de Bade-Wurtemberg, la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires a montré que l’on disait n’importe quoi sur l’Allemagne, que les salaires dans l’industrie étaient de 20 % à 30 % supérieurs et que le temps de travail était plus près de 32 heures ou 33 heures que de 35 heures. Tout cela – et j’ai entendu Mme la ministre tout à l’heure – me donne l’impression que vous êtes dans l’idéologie la plus totale ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’esclaffe.) Vous continuez, par idéologie, à maintenir ce qui ne marche pas !
La loi TEPA est un échec ; c’était la plus grave des injustices. Le paquet fiscal ajouté à cette loi est une catastrophe économique et sociale.
Avec cet amendement du rapporteur général de la commission des affaires sociales, notre collègue Yves Daudigny, nous avons la possibilité de ramener 3,4 milliards d’euros aux comptes sociaux. Cela vaut la peine, chers collègues !
Cela vaut la peine de retirer les lunettes de l’idéologie (M. Alain Fouché sourit.) pour penser plutôt à l’intérêt général, de laisser tomber des slogans tels que « Travailler plus pour gagner plus ». Non seulement les gens n’ont pas travaillé plus, mais ils sont moins nombreux à travailler. Jamais le chômage n’a été si important.
Réveillez-vous et regardez ce qui se passe ! Dans nos quartiers, dans nos villes, l’exclusion croît, la violence monte, les personnes n’ont plus d’espoir. Si l’on veut leur redonner espoir, il faut changer certaines choses et cette possibilité-là est devant nous.
Comme nous avons besoin d’argent public, comme nous avons besoin de faire des économies, ayez un jour le courage de dire que les mesures que vous avez mises en place ne marchent pas et qu’il faut y mettre fin. Le courage politique c’est cela ; ce n’est pas de continuer quand cela ne marche pas ! Une erreur reconnue n’est pas trop grave ; ce qui l’est, c’est de persister dans l’erreur. Il n’y a même rien de plus grave. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Perseverare diabolicum !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons été interpellés sur le modèle allemand, qui, visiblement, intéresse beaucoup les sénateurs de l’opposition présidentielle.
M. Jean Desessard. Surtout sur la sortie du nucléaire !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous leur demanderez comment ils font pour sortir du nucléaire. Ils vous parleront de leurs chaudières thermiques et des émissions de gaz à effet de serre qui en résultent. Nous en reparlerons ensuite !
Mais, puisque vous m’y invitez, parlons maintenant du modèle allemand en matière de gestion des finances publiques.
Savez-vous que, sur les dix dernières années, les Allemands ont gelé les prestations sociales et les retraites, quatre des dix dernières années, et qu’ils ont sous-indexé pendant deux ans ces prestations ?
En France, on a toujours dépensé et on continue de dépenser. Les dépenses sociales de l’État n’ont jamais été aussi élevées et elles ont même progressé de 37 % en un quinquennat ; nous assumons ! Voilà le bilan du Gouvernement auquel j’appartiens. Que cela vous dérange car ce n’est pas le tableau que vous voulez brosser, c’est une chose, mais c’est cela la réalité !
Vous parlez de l’Allemagne et du temps de travail dans ce pays. Mesdames, messieurs les sénateurs, puisque vous vous y êtes rendus, vous savez bien que les entreprises ont ce que l’on appelle des accords de compétitivité qui ont été négociés avec les syndicats. Cela permet aux entreprises, quand elles le souhaitent, si c’est nécessaire, de supprimer une semaine de congés, d’augmenter la durée du travail au-delà des contrats, de l’abaisser et de mettre en place du chômage partiel, autant de souplesses que les accords sur les trente-cinq heures ne permettent pas aujourd’hui ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Il y a l’annualisation qui permet d’aller jusqu’à 42 heures ! Je ne peux pas vous laisser dire cela !