Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Au sujet des restes à charge, il est vrai qu’une amélioration a été constatée en 2009 et 2010. Elle est essentiellement due au taux de remboursement de 100 % appliqué pour les affections de longue durée, les ALD.
Il s’est en réalité produit un « effet cloche » : après avoir augmenté, les restes à charge ont récemment baissé. Mais il y a une dizaine d’années, ils étaient sensiblement inférieurs à ce qu’ils sont aujourd’hui : 9 %, par exemple, en 2000.
Deux exemples me paraissent emblématiques de la négligence, je dirais presque l’irresponsabilité du Gouvernement.
La dette de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles, d’abord, atteindra 3,8 milliards d’euros à la fin de l’année 2011. Or que fait le Gouvernement ? Il décide un transfert partiel à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, pour 2,5 milliards d’euros. Sans doute s’agit-il de profiter de la hausse mécanique des recettes de CSG et de CRDS résultant des aménagements d’assiette... Où est la logique ?
La question se pose d’autant plus que le Gouvernement prévoit également d’affecter au régime agricole une plus grande partie des droits sur les alcools, ce qui lui permettrait de couvrir un tiers de son déficit. Cependant, outre le fait qu’elle ne constitue qu’une solution très partielle aux problèmes de ce régime, cette méthode revient à ponctionner des recettes de la Caisse nationale d’assurance maladie, au motif que la CNAM disposera de nouvelles recettes grâce au PLFSS…
Comment s’y retrouver dans un pareil labyrinthe ! Madame la ministre, peut-on, en toute responsabilité, se livrer à un tel jeu de bonneteau ?
Rien n’a été prévu, ensuite, pour la couverture en 2012 des déficits des branches maladie et famille. Si les prévisions sont respectées, il faudra financer dans quelques mois 8,2 milliards d’euros de déficit… Transférera-t-on aussi ce déficit à la CADES, avec une recette de poche quelconque pour en assurer le remboursement ? Le laissera-t-on dans les comptes de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, en attendant de trouver quoi en faire ?
Cette politique de court terme n’est plus acceptable. Les enjeux sont trop graves. Nous ne pouvons plus continuer à fabriquer de la dette à partir de nos dépenses courantes.
Avec la crise, les déficits sociaux ont atteint des sommets : plus de 70 milliards d’euros en trois ans pour le régime général et le FSV. La dette sociale a doublé depuis 2007, et nous la transférons, sans états d’âme, à nos enfants et à nos petits-enfants !
Deuxième observation : le Gouvernement persiste dans sa politique de réajustements ponctuels des recettes. J’ai fait tout à l’heure l’inventaire rapide des mesures figurant dans le PLFSS en matière de recettes : elles ne répondent à aucune stratégie d’ensemble et ne sont clairement pas à la hauteur des enjeux.
Je veux prendre, là encore, deux exemples.
Le forfait social, d’abord, est augmenté de deux points – comme les deux années précédentes. Il est ainsi porté à 8 %, pour un gain de 410 millions d’euros. Pourquoi cette politique des petits pas ? On ne compte plus les institutions qui, de la Cour des comptes au Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales - présidé par Henri Guillaume, il a rendu son rapport en juin dernier –, ont indiqué que le forfait social pouvait être relevé plus nettement. Pourquoi ne pas emprunter cette voie ?
Le complément de libre choix d’activité versé aux foyers avec jeunes enfants, ensuite, devait être assujetti à la CSG. Cette mesure était censée rapporter 140 millions d’euros à la sécurité sociale. L’Assemblée nationale l’a supprimée à l’unanimité ; bien entendu, nous proposerons de maintenir cette suppression. Est-il défendable de s’attaquer aux revenus de personnes qui sont souvent en situation difficile dans le contexte de la crise actuelle ?
Et que dire du gage trouvé pour compenser cette suppression… Le report de trois mois de la revalorisation des prestations familiales est pour nous réellement indigne ! Maintiendrez-vous ce report, alors qu’aujourd’hui même la revalorisation a encore été revue à la baisse, si l’on en croit ce que le Premier ministre vient d’annoncer ?
Troisième observation : il est devenu prioritaire de définir une véritable stratégie de mobilisation des recettes afin de sauvegarder notre modèle de protection sociale. J’en ai parlé, la semaine dernière, au cours du débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution. Les amendements que notre commission a adoptés sont le reflet de cette conviction.
La stratégie qu’il est nécessaire de définir pour mettre à niveau les recettes de la protection sociale doit reposer sur trois piliers.
Je citerai d’abord la suppression des mesures coûteuses et inefficaces : je pense naturellement aux exonérations de charges sur les heures supplémentaires mises en place par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA. Nous n’avons pas peur d’avoir ce débat, et nous l’aurons, car, dans le nouveau contexte de rigueur, ce cadeau fiscal et social de 2007 est de plus en plus contestable.
Je citerai ensuite la poursuite de la révision des niches sociales. De vraies marges existent encore : hausse du forfait social, stock-options, attributions gratuites d’action, retraites chapeau, indemnités de rupture.
Je citerai enfin la mobilisation de recettes nouvelles. Nous devrons en particulier travailler à un meilleur ciblage des allégements généraux de charges sociales. Nous n’avons, madame la ministre, rien dit de plus : j’ai parlé d’un meilleur ciblage des allégements généraux, pas de leur suppression. J’ai trouvé que vous avez fait de nos propositions une lecture, sinon caricaturale, du moins quelque peu hâtive…
Madame la ministre, chers collègues de l’opposition, l’effort sur les recettes que nous proposons n’implique nullement un relâchement de la maîtrise des dépenses, qui ne serait naturellement pas responsable. Mais cette maîtrise doit être juste et avoir pour objectif une meilleure efficience du système au profit de nos concitoyens.
À cet égard, qu’en est-il de l’assurance maladie, qui constitue le plus gros poste de dépenses de notre budget social. ? Le PLFSS pour 2012 s’inscrit malheureusement dans le prolongement des précédents : on y multiplie les mesures ponctuelles en se gardant bien d’aborder les problèmes structurels…
Ne serait-il pas préférable de maîtriser les dépenses de santé en amont, par exemple en développant davantage la prévention ou l’éducation thérapeutique – vous-même l’avez dit et nous pouvons tomber d’accord sur ce point –, plutôt que de se focaliser sur une régulation macroéconomique a posteriori et sur l’affichage d’un ONDAM trop volontariste pour être crédible ?
Vous avez annoncé une révision de 2,8 % à 2,5 % s’agissant de l’ONDAM pour 2012, ce qui correspond à une réduction des dépenses de 700 millions d’euros. Sur quelles dépenses allez-vous faire porter l’effort ? Nous l’avons bien compris : la réponse nous sera donnée dans le cadre d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Par nature, les solutions de court terme que privilégie le Gouvernement ne sont pas pérennes ; de surcroît, elles érodent les principes fondateurs de notre sécurité sociale : universalité et solidarité.
C’est le cas des participations forfaitaires, des multiples franchises, des déremboursements erratiques, des gels arbitraires de dotations pour les hôpitaux : la liste est longue des mesures qui ne font que saper les bases de notre système sans régler aucun des problèmes de fond !
Les déremboursements ont-ils réorienté la politique du médicament – alors que l’on sait que le véritable problème tient à la multiplication des molécules et à leur prix élevé ? Les franchises ont-elles modifié le comportement des assurés ? Non, deux fois non !
Ces mesures ont eu un seul résultat tangible, dramatique même pour certaines familles : elles ont rendu l’accès aux soins encore plus difficile. C’est un point de désaccord important entre nous ! Ainsi, 16 % des Français renoncent aujourd’hui à se soigner pour des raisons financières – un sondage a même avancé le chiffre de 30 %...
Les dépassements d’honoraires, qui ont explosé depuis leur création en 1980, ont doublé ces vingt dernières années, culminant à 2,5 milliards d’euros en 2010. Ces pratiques ont entraîné des transferts de prise en charge de l’assurance maladie vers les organismes complémentaires, qui pourraient, à terme, remettre en cause notre système obligatoire de base. Rappelons que le taux de remboursement de la sécurité sociale pour les soins courants représente aujourd'hui de 50 % à 60 % de leur coût : quel serait demain pour les jeunes, qui sont rarement malades, l’intérêt de demeurer dans le système de sécurité sociale si le taux de remboursement diminue encore ?
Je suis surpris par la réponse du Gouvernement, qui propose en fait d’entériner une partie de ces dépassements, sans agir sur ceux qui sont excessifs, et de les faire rembourser par les complémentaires santé, c’est-à-dire par les assurés eux-mêmes via leurs primes d’assurance. Veut-on vraiment nous faire croire que le secteur optionnel est la solution aux dépassements d’honoraires ?
L’accès aux soins, c’est aussi la question de l’inégale répartition des médecins libéraux sur le territoire. Force est de constater que les quelques mesures dites « incitatives », votées ces dernières années, n’ont pas d’effets, ou qu’ils sont trop lents. Il sera nécessaire, très vite, de se montrer plus volontariste, en relançant d’abord les négociations conventionnelles pour aboutir à un accord efficace.
C’est sur la base de ces observations que notre commission propose de supprimer les nombreux dispositifs qui pénalisent déjà les patients, ou qui les pénaliseront si nous votons ce texte.
Il s’agit, tout d’abord, du doublement de la taxe sur les contrats « responsables » adopté dans une loi de finances rectificative en septembre dernier : cette mesure ne peut que renchérir le coût des complémentaires. Elle paraît d’autant plus contre-productive que, en pénalisant ainsi les contrats « responsables » et en y ajoutant la prise en charge des dépassements d’honoraires du secteur optionnel envisagé par le Gouvernement, on videra ces contrats de leur sens. Il est évident que les organismes complémentaires n’auront alors plus intérêt à les proposer, car ils seront nettement plus chers pour leurs affiliés. Est-ce le résultat escompté par le Gouvernement ? J’ajoute que ce serait malheureux parce que, au moins, ces contrats ne peuvent pas discriminer les assurés selon leur état de santé.
Pour les mêmes motifs, nous ne soutiendrons pas la création, à marche forcée, du secteur optionnel, qui me semble – et je ne suis pas le seul à le penser – dangereux à bien des égards s’il n’est pas accompagné d’autres mesures tendant à limiter les dépassements d’honoraires. Il ne constituera qu’un effet d’aubaine pour certains médecins, mais il créera un sentiment de découragement chez d’autres, notamment les généralistes, qui respectent les tarifs opposables.
Par ailleurs, nous proposons de supprimer la franchise sur les boîtes de médicaments – une recette que vous incluez dans le calcul de l’ONDAM tel que vous l’avez présenté tout à l’heure, madame la ministre. Cette mesure est profondément injuste et inégalitaire, car elle touche d’abord les personnes disposant de faibles ressources et celles qui sont en mauvaise santé. Du reste, elle ne règle en rien, je le répète, le problème du prix du médicament en France.
En outre, nous ne cautionnerons pas le rabotage annoncé des indemnités journalières envisagé par le Gouvernement. Je signale, au passage, que grâce au programme déployé par l’assurance maladie, le volume des indemnités journalières a baissé de 11 % ces trois dernières années, alors même que la croissance de la population active et son vieillissement auraient dû entraîner son augmentation. La CNAM estime à 1 milliard d’euros l’économie annuelle résultant des efforts ainsi engagés.
Par ailleurs, notre commission demande l’abrogation du processus de convergence tarifaire entre les hôpitaux et les cliniques.
Dans son dernier rapport annuel sur la sécurité sociale, la Cour des comptes montre clairement que ce processus est mal engagé, car mal défini. Ne nous obstinons pas dans cette voie et engageons plutôt une réflexion d’ensemble sur les modes de financement des hôpitaux pour aboutir à une articulation optimale entre tarification à l’activité et dotations liées aux missions de service public.
Enfin, nous proposons la suppression de la contribution à l’aide juridique pour les procédures sociales. Notre commission s’était déjà élevée en juillet dernier contre l’assujettissement des contentieux de sécurité sociale à cette nouvelle taxe de 35 euros ; mettons de nouveau en cohérence le code général des impôts avec la loi de 1946, qui prévoit que ces procédures sont gratuites et sans frais.
Toutes ces observations m’amènent à dire que le Gouvernement n’a pas pris la mesure des questions qui se posent : la contrainte globale sur les dépenses ne peut être efficace longtemps et va miner le système dans son ensemble. Il est urgent d’adopter, comme nous ne cessons de le réclamer, une grande loi de santé publique : si nous savons mieux préserver la santé de nos concitoyens, nous limiterons évidemment la progression des dépenses de l’assurance maladie.
C’est là, à mon sens, la seule démarche à entreprendre si l’on souhaite agir en faveur de la consolidation de notre protection sociale.
Au total, la commission a attribué au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 une note « triple I » – une expression déjà reprise par la presse ! – et les mesures annoncées ce midi n’y changeront rien.
Ce PLFSS est irréaliste, tout d’abord, car son cadrage macroéconomique n’est pas suffisamment prudent ; sur ce point, le Premier ministre nous a donné raison tout à l’heure.
Il est indigent, ensuite, du fait de l’absence totale de solutions structurelles aux graves problèmes que connaît notre système de protection sociale, comme je l’ai montré.
Il est irresponsable, enfin, car il continue à faire payer notre impéritie actuelle aux générations futures.
Sans un retour rapide à l’équilibre, la pérennité de notre modèle de protection sociale est irrémédiablement condamnée. L’histoire jugera sévèrement ceux qui ont renoncé à engager les efforts nécessaires à la préservation de l’héritage unique que nous ont laissé nos prédécesseurs. La solidarité nationale et la sécurité sociale sont des valeurs qu’il nous faut porter haut, même en temps de crise, et c’est ce que nous ferons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, rapporteur.
M. Ronan Kerdraon, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, permettez-moi de citer quelques propos tenus l’année dernière par notre rapporteur Sylvie Desmarescaux, du haut de cette tribune : « L’année 2011 sera cruciale pour le secteur médico-social. Le Parlement examinera, enfin, la réforme de la prise en charge de la dépendance annoncée dès la fin de l’année 2007 par le Président de la République. Dans ces conditions, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est un texte d’attente. » Or cette attente ne fait que se prolonger…
En préambule à l’analyse des crédits dévolus aux établissements et aux services médico-sociaux du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, je tenais à vous remettre en mémoire ces propos, qui prennent aujourd'hui tout leur sens, voire une signification nouvelle.
En effet, en tant que rapporteur pour le volet médico-social, je ne peux que faire valoir le sentiment de profonde déception ressenti par l’ensemble des acteurs de ce secteur après l’abandon de la réforme attendue de la dépendance. Cette déception que, du reste, nous sommes nombreux à partager, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, est d’autant plus vive que le Président de la République a, depuis 2007, affirmé à maintes reprises dans des termes particulièrement forts sa détermination à mener à bien ce chantier.
Je me contenterai, mes chers collègues, de vous rapporter un extrait de son intervention devant le Conseil économique, social et environnemental le 8 février 2011 : « Nous ne pouvons plus attendre, peut-être même avons-nous collectivement déjà trop attendu. Attendre encore serait une faute morale impardonnable. » Tout est dit !
La réforme de la dépendance restera la grande absente d’une législature au cours de laquelle l’exécutif n’aura pourtant cessé d’en marteler l’urgence.
Aucune suite ne sera donc donnée à la mobilisation qui s’est opérée, dans les régions et sur le plan national, au cours du premier semestre de cette année.
Cette mobilisation a pourtant donné lieu à de multiples réflexions et propositions ; je pense notamment aux travaux menés par la Haute Assemblée. Toutes les propositions ne faisaient certes pas consensus, mais de grands axes se sont dégagés autour de plusieurs thèmes : l’importance de la prévention, le renforcement du rôle de la CNSA ou encore une meilleure coordination de l’aide à l’autonomie.
Enfin, si l’on se réfère aux projections démographiques, il apparaît que, d’ici à 2025 tout au moins, les principaux dysfonctionnements constatés, notamment le reste à charge trop élevé pour les familles et les dépenses excessives pesant sur les départements, dont je crains qu’elles ne fassent que perdurer, pourraient être corrigés moyennant des financements qui ne sont pas hors de portée.
Ce seraient en effet, en 2025, des dépenses supplémentaires de l’ordre de 5 milliards d’euros, par rapport au niveau de 2010, qu’il faudrait répartir entre les différents financeurs publics et les ménages.
Aussi est-il véritablement consternant que, à l’issue de cette intense période d’analyse, le Gouvernement n’ait retenu aucune priorité forte, ni défini d’orientation stratégique sur ce dossier, que ce soit en matière d’organisation ou de financement, à part un fonds d’urgence de 50 millions d’euros, dont on ne sait pas comment il sera financé ni quels seront ses critères d’attribution.
J’en viens maintenant plus directement au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Tout d’abord, je tiens à apporter une précision. Nous devons nous prononcer sur l’ONDAM médico-social prévu pour 2012 par l’article 48 du projet de loi. Il s’agit de la contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées et personnes handicapées. Toutefois, l’enveloppe « soins » consacrée à ces établissements et services est plus large. Elle comporte aussi une part du produit de la contribution solidarité autonomie, tirée de la journée de solidarité.
À cet égard, je partage l’analyse faite l’an dernier selon laquelle il serait normal que le Parlement ait à se prononcer sur l’ensemble de cette enveloppe « soins » – l’objectif global de dépenses, l’OGD – qui est aujourd’hui fixée par un arrêté ministériel. Je rappelle qu’il s’agit là d’une préconisation formulée dans un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances.
Cette précision mérite d’être apportée, car l’ONDAM médico-social et l’OGD n’évoluent pas nécessairement dans les mêmes proportions.
Le PLFSS prévoit, pour 2012, un ONDAM médico-social en progression de 4,2 % : 6,3 % pour les personnes âgées et 2,1 % pour les personnes handicapées. Tels sont, me semble-t-il, les chiffres que vous avez indiqués tout à l’heure, madame la ministre ; je ne pense pas qu’ils aient été affectés par les mesures annoncées aujourd'hui.
Le budget prévisionnel de la CNSA, qui figure à l’annexe 8 du projet de loi, fait apparaître, quant à lui, un OGD qui progressera sensiblement moins vite, à hauteur de 3,4 % en 2012, avec 4,6 % pour les personnes âgées et 2,2 % pour les personnes handicapées.
Au total, l’OGD pour 2012 s’élèverait à 17,6 milliards d’euros : 8,9 milliards pour les personnes âgées et 8,7 milliards pour les personnes handicapées.
Ma première observation portera sur les mises en réserve de crédits.
En 2010, l’ONDAM médico-social voté par le Parlement avait été réduit de 100 millions d’euros au cours de l’exercice pour contribuer à la maîtrise des dépenses d’assurance maladie.
En 2011, 100 millions d’euros ont été gelés en début d’exercice.
En un mot, le secteur médico-social a été durement pénalisé, puisqu’il a supporté environ 20 % des mises en réserve, alors qu’il représente moins de 10 % de l’ONDAM.
Une telle pratique est inacceptable, car elle est contraire au principe de fongibilité asymétrique censé préserver les crédits médico-sociaux dans le budget des agences régionales de santé, les ARS.
À ce jour, l’incertitude demeure quant à un éventuel dégel de ces crédits d’ici à la fin de l’année.
Sur les 545 millions d’euros qui seront mis en réserve en 2012, nous ignorons quelle sera la part du médico-social. En tout état de cause, j’y insiste, cette dernière doit être ramenée à de plus justes proportions.
Par ailleurs, il faut reconnaître que, avec 4,2 % d’augmentation, la composante médico-sociale de l’ONDAM – lequel ne croîtra finalement que de 2,5 % dans le futur PLFSS rectifié – est celle qui progressera le plus.
L’écart est tout de même moins sensible si l’on se réfère à l’OGD, c’est-à-dire à l’ensemble des dépenses de soins, dont le taux de progression est de 3,4 %.
La progression des crédits médico-sociaux est ventilée entre trois postes principaux.
Le premier concerne l’installation de places nouvelles en établissements ou en services, à hauteur d’environ 150 millions d’euros. Il s’agit de la poursuite de la mise en œuvre des plans gouvernementaux, lesquels d'ailleurs ont pris un certain retard, pour ne pas dire un retard certain. J’y reviendrai.
Le deuxième poste concerne la poursuite de la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, à hauteur de 140 millions d’euros. Cette indispensable médicalisation dite « de deuxième génération » a été effectuée grâce à un outil d’évaluation des besoins en soins, le fameux outil « Pathos ». Elle a toutefois été arrêtée en 2011, les ARS n’ayant pris à ce titre aucun engagement nouveau. Il y a, là aussi, un retard à rattraper.
Enfin, le troisième point concerne les dotations correspondant aux places existantes, qu’il faut réajuster. Il convient d’ailleurs de noter que 95 % des dépenses de soins des établissements et des services financées par l’ONDAM correspondent à des charges de personnels.
Or, si les salaires augmentent d’environ 2 % par an, les dotations de reconduction n’ont été revalorisées que de 0,89 % en 2011 et ne le seront que de 0,8 % en 2012. Une telle revalorisation est largement insuffisante pour faire face aux charges salariales. En outre, aucun moyen supplémentaire n’est apporté au titre des dépenses de fonctionnement.
Comme celle pour 2011, l’enveloppe pour l’année 2012 ne permettra pas de mener de front de manière efficiente la réalisation des plans de création de places, la poursuite de la médicalisation des EHPAD et l’octroi de moyens de fonctionnement suffisants aux établissements et services. Toute avancée sur l’un de ces trois objectifs sera en fin de compte gagée au détriment des deux autres.
S’agissant des créations de places, permettez-moi une petite remarque : on observe un décalage réel, et important, entre les objectifs annoncés, les autorisations accordées aux projets et le nombre effectif de places que les crédits de paiement permettent de financer.
En ce qui concerne les personnes âgées, il me semble que le Plan Solidarité-Grand Âge prévoyait plus de 90 000 places nouvelles sur la période 2007-2012, soit une moyenne d’environ 15 000 places par an.
Or, en quatre ans, seules 30 000 places ont été créées. En outre, le rythme d’installation a chuté en 2010, avec seulement 5 000 places nouvelles.
S’agissant des personnes handicapées, 41 000 places étaient annoncées sur la période 2008-2014. Or, sur les trois premières années, seules 13 500 places ont été installées.
J’introduis ici un élément de contexte qui me semble important. Entre 2005 et 2007, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, a bénéficié de crédits supérieurs à ses dépenses réelles. Les réserves qu’elle a constituées ont culminé à 1 milliard d’euros en 2008.
Cette période est désormais définitivement révolue, puisque toutes ces réserves ont été consommées entre 2009 et 2011, soit pour compléter l’ONDAM, soit pour alimenter des plans d’aide à l’investissement permettant de moderniser les établissements. Et, depuis cette année, les réserves se limitent à 60 millions d’euros, soit l’équivalent d’une journée de dépenses de la CNSA... Il n’y a donc plus aucune marge de manœuvre.
En conséquence, l’enveloppe « soins » pour 2012 ne répond pas aux trois objectifs qu’elle est censée financer.
De même, la dotation destinée aux plans d’investissements, passée de 131 millions d’euros en 2010 à 113 millions d’euros en 2011, n’est plus que de 48 millions d’euros pour 2012.
Entre 2007 et 2011, le budget de la CNSA a progressé de plus de 30 %. Pourtant, dans le même temps, les concours qu’elle verse aux départements ont augmenté d’à peine plus de 3 %, alors que les dépenses correspondant au versement de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, ont quant à elles explosé de plus de 40 %. Encore une fois, les départements sont très sévèrement pénalisés, alors même qu’on nous annonce que les collectivités locales devront se serrer encore un peu plus la ceinture.
M. Roland Courteau. Hélas !
M. Ronan Kerdraon, rapporteur. Cette question dépasse le PLFSS, puisqu’il ne s’agit pas ici de voter le budget de la CNSA, mais je veux souligner qu’une part croissante de la contribution de solidarité pour l’autonomie est « rognée » pour compléter l’ONDAM ou pour financer des plans gouvernementaux, tels le plan Alzheimer, au détriment, une fois de plus, des départements. Décidément, ces derniers se retrouvent bien seuls face à l’explosion des charges pesant sur eux…
Il faudra donc procéder à un rééquilibrage entre assurance maladie et aide sociale, ainsi qu’entre solidarité nationale et ressources fiscales locales, et cela ne sera possible qu’avec des ressources plus larges que celles qui sont aujourd’hui affectées au risque « perte d’autonomie ».
Madame la ministre, je regrette que l’examen de cette question fondamentale, que nous devions aborder cet automne, soit renvoyé à plus tard.
Les débats nous permettront toutefois d’aborder d’autres questions importantes, comme la tarification ou les difficultés des services d’aide à domicile. Ainsi, je vous proposerai de supprimer l’article 37 du texte, qui entend lancer de nouvelles expérimentations de tarification des EHPAD, alors que les réformes mises en œuvre ces dernières années ne sont pas stabilisées, voire sont purement et simplement suspendues. Tel est le cas, par exemple, de la tarification à la ressource, adoptée par le Parlement, sur l’initiative du Gouvernement dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Dans le même esprit, je présenterai un amendement visant à instituer un mécanisme de prorogation des conventions tripartites des EHPAD, le Gouvernement ayant suspendu leur renouvellement et, ce faisant, créé un vide juridique.
En conclusion, mes chers collègues, comme notre rapporteur général, je constate avec regret que le présent PLFSS maintient le secteur médico-social dans une situation qui, depuis deux ans, s’est très sérieusement tendue. Enfin, et surtout, il n’apporte aucune perspective nouvelle aux acteurs de ce secteur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)