M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Favier, Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er,
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est abrogée.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Nous poursuivons ce soir un premier débat concernant quelques aspects de la réforme des collectivités territoriales.
Par cet amendement, nous ne cherchons pas faire de surenchère. Nous souhaitons réaffirmer, depuis le changement de majorité de la Haute Assemblée, notre objectif commun de voir la réforme du 16 décembre 2010 abrogée au plus vite. En effet, malgré les avancées positives contenues dans la proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur, nous voulons affirmer avec force que ces modifications ne sont pour nous qu’une première étape avant l’abrogation de cette loi.
Notre amendement est à la disposition de la majorité si elle considère que l’heure est venue de prendre une telle décision. Pour notre part, nous y sommes prêts.
Si un autre temps, un autre rythme est retenu à partir du projet d’organisation d’états généraux des collectivités locales, nous nous y résoudrons, à condition que l’objectif commun soit bien réaffirmé, conformément aux engagements de Jean-Pierre Bel.
Ainsi, nous vous proposerons dans quelques jours de prendre une décision politique majeure et symbolique en adoptant notre proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial. À la différence du texte qui nous est soumis ce soir, nous proposerons non pas d’aménager la loi de 2010, mais de faire disparaître un pan très important de celle-ci.
Ce démantèlement en appellera beaucoup d’autres, car rien dans cette réforme des collectivités locales n’est positif à nos yeux. Celle-ci fixe des objectifs que nous ne saurions avaliser.
Si nous n’acceptons pas la disparition programmée de nos communes par une intégration contrainte, toujours plus poussée au sein d’intercommunalités mises en place à la hussarde, nous n’acceptons pas non plus la disparition programmée de la compétence générale pour les départements et les régions, la fin des financements croisés et le désengagement renforcé de l’intervention de l’État. Nous refusons également la mise en concurrence des territoires et la mise en cause des services publics locaux, conséquences directes de cette réforme.
Cependant, nous ne saurions nous satisfaire du statu quo ou d’un simple retour à la situation antérieure.
Oui, une autre réforme est aujourd’hui absolument indispensable, mais elle doit être fondée cette fois sur la libre administration des collectivités locales et le développement des coopérations volontaires afin de favoriser et de soutenir la mise en œuvre de projets de territoire répondant aux besoins et aux attentes de nos concitoyens !
Bien entendu, cette réforme institutionnelle ne saurait être mise en œuvre sans une autre réforme, concernant cette fois le financement des collectivités locales, en particulier le rétablissement de leur autonomie fiscale.
Nous connaissons, vous connaissez tous des inquiétudes dans ce domaine, ainsi que nous avons pu le constater durant toute la campagne des élections sénatoriales. L’immense majorité des élus locaux ne savent plus comment tenir les responsabilités qui sont les leurs face aux situations sociales fortement dégradées des populations et à l’avenir incertain des territoires.
Avec notre amendement, nous souhaitons marquer une rupture et ouvrir un autre chemin. Il est temps de tourner la page d’une mauvaise réforme contraire à une véritable décentralisation.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement soulève une question qui a donné lieu à un débat en commission. La copieuse discussion générale qui s’est déroulée hier a également permis à chacun de préciser ses positions.
Sans anticiper sur les débats qui seront ceux de la Haute Assemblée dans les mois à venir, il me semble que l’un des éléments de cohérence de la nouvelle majorité sénatoriale est sa volonté de remplacer la réforme territoriale du mois de décembre 2010. Beaucoup ici en ont pris formellement l’engagement. En cet instant, je puis affirmer que tel sera bien notre programme de travail, en particulier dans le cours et à l’issue des états généraux des élus locaux que le président Bel compte organiser dès les prochaines semaines.
De ce fait, le programme d’abrogation ou de remplacement des dispositions de cette réforme très critiquée est commencé.
Cela étant, si cet amendement était adopté ce soir, il nous priverait de la possibilité de réaliser les aménagements concrets et pratiques souhaités par vous-même, mon cher collègue, et par de nombreux autres sénateurs.
M. Jean-Jacques Hyest. On va le voter alors !
M. Alain Richard, rapporteur. Je tiens d’ailleurs à remercier Mme Troendle d’avoir souligné le caractère fondamental du texte que nous examinons.
Monsieur Favier, je pense que vous aurez à cœur de ne pas priver le Sénat de la possibilité de légiférer utilement, d’autant que nous partageons le même objectif politique. Il serait donc préférable que vous retiriez cet amendement et qu’il ait simplement valeur d’engagement collectif à poursuivre un travail de suppression qui se fera en plusieurs étapes : votre proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, que nous examinerons dans quelques jours, puis le remplacement des dispositions critiquées de la loi du 16 décembre 2010.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. À l’occasion de cet amendement, qui vise à abroger la loi de réforme des collectivités territoriales, je souhaite faire quelques remarques qui me permettront, par la suite, d’être plus bref.
J’ai bien entendu l’auteur de l’amendement nous dire que l’objectif visé était le démantèlement de la réforme des collectivités et que cette proposition de loi n’était que la première étape avant son abrogation. Je reprends explicitement les termes qu’il a utilisés afin que l’on comprenne bien le sens de sa démarche.
Ma démarche, en revanche, comme je l’ai déjà expliqué, est tout autre. Je pense que seuls quelques ajustements ponctuels sont nécessaires, et la proposition de loi initiale déposée par M. Sueur allait dans ce sens.
Or, au cours de son examen en commission, le texte est passé de un à douze articles et son contenu a été complètement modifié. Dès lors, il s’agit non plus d’une proposition de loi visant à ajuster ponctuellement des points qui méritaient d’être explicités pour éviter les malentendus, mais d’une remise en cause fondamentale de tout ce qui a été fait. En quelques heures, on prétend repartir sur de nouvelles bases, comme si les 300 heures de débat parlementaire qui ont permis d’aboutir à la réforme des collectivités n’avaient pas existé. Le Gouvernement ne peut souscrire à une telle démarche.
Autant nous aurions été d’accord pour aménager un certain nombre de points – je les ai déjà cités, je ne les reprendrai pas une nouvelle fois –, autant il nous est difficile d’accepter le principe d’une suppression d’éléments fondamentaux permettant aujourd'hui à un grand nombre de départements d’élaborer un schéma qui peut être accepté par une très large majorité.
Comme je l’ai souligné hier, j’aurais souhaité qu’on dise clairement que, là où le schéma départemental recueille un large consensus, on gardera ce qui a été mis en place et que, là où les situations sont bloquées, on essaiera d’apporter des réponses. Nous n’en sommes pas là, et je le regrette. Je le redis une fois pour toutes : on aurait pu imaginer que cette proposition de loi puisse être approuvée, à condition qu’elle apporte effectivement satisfaction sur l’ensemble des points.
Je voudrais revenir sur le calendrier d’élaboration et d’application du schéma, question qui nous a beaucoup occupés hier. Il est évident que vous et moi n’avons pas eu la même lecture de la proposition de loi.
Permettez-moi de rappeler que la loi de réforme des collectivités territoriales a prévu l’adoption du schéma avant le 31 décembre 2011, chaque fois que cela est possible, puis une mise en œuvre selon trois étapes classiques : l’arrêté de projet de périmètre, la délibération des conseils municipaux et des conseils des établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, l’arrêté préfectoral définitif prononçant la fusion, la modification ou la dissolution.
Les derniers arrêtés doivent paraître au plus tard le 1er juin 2013. Le Gouvernement a précisé lors des débats que les premiers mois de 2013 seront un dernier recours. En règle générale, l’objectif est bien d’avoir terminé à la fin de 2012 pour répondre aux vœux très appuyés de l’AMF, l’Association des maires de France.
Disons-le clairement : la proposition de loi telle qu’elle est issue des travaux de la commission prévoit que le schéma sera définitivement adopté le 31 mars 2013. Selon moi, il faudra alors accomplir les procédures de mise en œuvre :…
M. Pierre-Yves Collombat. Elles sont déjà faites !
M. Philippe Richert, ministre. … arrêtés de projet de périmètre, délibérations, arrêtés définitifs. Cela nous amène à l’été, voire à l’automne de 2013.
Le processus nous rapproche des élections municipales, ce que l’AMF voulait absolument éviter, préoccupation qui avait été relayée ici, à l’époque, sur l’ensemble des travées, comme je l’ai dit hier soir, en citant assez longuement les propos des intervenants, notamment ceux de la gauche.
MM. Richard et Sueur nous ont dit hier que ce n’était pas ce qu’il fallait comprendre. Selon eux, sitôt le schéma adopté, le préfet prendra immédiatement les mesures d’application. Il n’aura pas à prendre d’arrêté de périmètre ni à consulter les conseils municipaux.
M. Philippe Richert, ministre. Il prendra directement les arrêtés définitifs. Ils considèrent en somme que la consultation des conseils municipaux sur le projet de schéma aura suffi. Autrement dit, la procédure d’élaboration du schéma absorbe la procédure de mise en œuvre.
M. Pierre-Yves Collombat. Vous avez tout compris !
M. Philippe Richert, ministre. Mais alors, ce n’est pas mieux !
D’abord, on se retrouve en pleine incertitude juridique.
Il ne suffit pas d’écrire, à l’alinéa 17 de l’article 5, que le schéma « est mis en œuvre par arrêtés préfectoraux ». Il faudrait déroger aux dispositions du code général des collectivités territoriales, dispositions nombreuses, constantes, traditionnelles, qui prévoient évidemment qu’il faut prendre un arrêté de projet, puis consulter les assemblées délibérantes avant de prononcer une dissolution, une fusion, une transformation ou une modification. (M. le rapporteur s’exclame.) Une dérogation aussi lourde par rapport à un point aussi fondamental et aussi constant de notre droit de l’intercommunalité nécessiterait des dispositions explicites.
On ne peut pas se permettre une incertitude juridique sur un point aussi fondamental.
Ensuite, avec votre interprétation, on perd toute souplesse dans la mise en œuvre du schéma.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vrai !
M. Philippe Richert, ministre. Les préfets prendraient des décisions définitives d’office, automatiquement, obligatoirement, immédiatement, en prenant tous les arrêtés en une seule salve. Le préfet et la commission départementale de la coopération intercommunale, la CDCI, ne pourraient pas s’écarter du schéma. Il serait impossible de faire face aux évolutions des situations locales.
On sait bien pourtant que les positions peuvent être évolutives. On sait bien que, dans certains cas, l’intérêt général ou le bon sens commanderont de renoncer à un projet inscrit au schéma, ou de le modifier, ou de proposer un projet que le schéma ne prévoit pas. À supposer que le schéma aboutisse, ce qui est peu probable avec une procédure aussi lourde que celle qui est prévue, les acteurs locaux s’en trouveront complètement prisonniers.
Dans tous les cas, il sera impossible d’appliquer le schéma dès 2012, puisqu’il n’y aura pas de schéma en 2012. L’application en 2013, qui est l’exception dans la loi de réforme des collectivités territoriales, deviendra la règle aux termes de cette proposition.
En outre, on ne sait pas ce qui se passe en cas de désaccord.
Aux alinéas 14 et 15 de l’article 5, vous avez prévu que, si les communes ne donnent pas leur accord, la commission départementale de la coopération intercommunale tranche à la majorité des deux tiers. Si la CDCI n’adopte pas le schéma, c’est le préfet qui l’arrête.
Mais alors, le préfet arrête quel schéma ? Le projet de la CDCI ? Un schéma conforme à la volonté des communes ou celui que bon lui semble ? La proposition de loi ne le dit pas. Et que se passe-t-il si la CDCI adopte un schéma laissant subsister des discontinuités, des enclaves, des périmètres incohérents ? Le préfet doit-il l’exécuter ou rester immobile ? Là encore, rien n’est prévu. (M. le président de la commission des lois s’exclame.)
On voit bien que l’issue la plus probable sera malheureusement la situation de blocage.
Telles sont les observations que je voulais formuler. Elles constituent la base des réponses que j’apporterai à un certain nombre d’amendements et montrent précisément que cette proposition de loi va à l’inverse de l’objectif visé.
Je le répète, les dispositions que nous avons mises en place doivent respecter, chaque fois que cela est possible, la date du 31 décembre 2011. Il aurait été utile de le rappeler avant de s’attaquer aux détails.
On le voit bien, l’objectif est celui d’un démantèlement total de la loi de 2010. Cette proposition de loi en est la première étape, comme l’a dit l’auteur de l’amendement n° 7, auquel je ne peux être favorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Tout le monde ici souhaite que nous ayons une discussion ordonnée et rationnelle.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Alain Richard, rapporteur. Chacun a compris que le long exposé du ministre se fondait sur une interprétation, par ailleurs erronée, de l’article 5. Or, sauf erreur de ma part, nous sommes en train d’examiner un amendement de portée politique, portant article additionnel avant l’article 1er.
La méthode de travail retenue par le ministre en vaut d’autres. Nous sommes toutefois plusieurs sur ces travées à préférer la méthode normale consistant à privilégier un débat législatif serein. Il me semble donc que nous pourrons avoir cette discussion et relever un certain nombre d’erreurs de raisonnement (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.) – pardonnez-moi, monsieur le ministre – lorsque nous examinerons l’article 5.
En attendant, nous avons compris que vous n’étiez pas favorable à l’amendement de principe de nos collègues du groupe CRC. Je me suis permis, au terme d’un bref échange, de leur suggérer de ne pas le maintenir ce soir, mais d’en faire une étape vers d’autres débats qui auront lieu au cours des prochaines semaines. Il me semble que le Sénat pourrait en rester là et passer à un travail ordonné.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. Monsieur Favier, l’amendement n° 7 est-il maintenu ?
M. Christian Favier. Notre amendement a effectivement trait à une question de fond, à savoir l’appréciation que nous portons sur la réforme globale des collectivités territoriales. Je le confirme, le groupe CRC souhaite une remise en cause sur le fond de cette réforme.
Pour notre part, je le répète, nous souhaitons élaborer une nouvelle réforme qui respecte véritablement la décentralisation. Nous ne voulons pas d’une réforme comme celle qui a été votée – même si, il ne s’agit pas de le nier, le Sénat a consacré de très nombreuses heures à ce travail –, qui est recentralisatrice et contraire à l’intérêt des collectivités locales. Elle a d’ailleurs été massivement rejetée lors des récentes élections sénatoriales.
J’espère que la nouvelle majorité du Sénat pourra aboutir à un nouveau texte de loi.
Pour autant, nous ne sommes pas dans la politique du pire. Des améliorations sont proposées au travers de cette proposition de loi. Nous avons d’ailleurs contribué à ces avancées au sein de la commission des lois.
Compte tenu de l’engagement qui a été pris par le président Jean-Pierre Bel de l’organisation d’états généraux, et qui a été rappelé par M. le rapporteur, lesquels nous permettront effectivement de rediscuter de manière plus large du contenu de la réforme des collectivités territoriales, nous sommes d’accord pour retirer notre amendement. Nous resterons toutefois extrêmement vigilants et actifs sur lors des débats futurs, en particulier lorsqu’il sera prochainement question de la suppression du conseiller territorial. (Mme Éliane Assassi et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent.)
M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.
L'amendement n° 10, présenté par M. Pointereau, est ainsi libellé :
I. – Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les projets de fusion de communautés de communes doivent être approuvés par les deux tiers des conseils municipaux des communes concernées représentant la moitié de la population, ou la moitié des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population.
À défaut, les projets sont reportés en 2014.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Section…
Règle de majorité applicable aux fusions de communautés de communes
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 1er
I (nouveau). – Le dernier alinéa de l’article L. 5211-41-2 et le IV de l’article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales sont supprimés.
II. – L’article 83 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le II est ainsi rédigé :
« II. – Jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux, la composition de l’organe délibérant et du bureau des établissements publics de coopération intercommunale créés antérieurement à la date de promulgation de la présente loi et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre issus de l’une des opérations prévues aux articles L. 5211-41 à L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales demeure régie par les dispositions du même code dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’article 9.
« Les délibérations des conseils municipaux se prononçant sur la composition de l’organe délibérant et du bureau sont prises au plus tard trois mois après l’adoption du schéma départemental de coopération intercommunale. Toutefois, ce délai est ramené à deux mois si le schéma est défini dans les conditions prévues au onzième alinéa du IV de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° … du … portant diverses dispositions relatives à l’intercommunalité.
« À défaut de délibération dans ces délais, la composition de l’organe délibérant et du bureau est fixée par arrêté du représentant de l’État dans le département lorsque les communes font partie du même département ou par arrêté conjoint des représentants de l’État dans les départements concernés, conformément aux dispositions des I à V de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales.
« Au plus tard six mois avant le 31 décembre de l’année précédant celle du prochain renouvellement général des conseils municipaux, il est procédé aux opérations prévues aux I à VI de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la présente loi. » ;
2° Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux, la désignation de suppléants par les membres des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre demeure régie par les dispositions du code général des collectivités territoriales dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’article 9. » ;
3° Le V est ainsi rédigé :
« V. – En cas de création d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre après la date de promulgation de la présente loi, les conseils municipaux des communes intéressées disposent, à compter de la date de publication de l’arrêté, d’un délai de trois mois pour délibérer sur la composition de l’organe délibérant et du bureau selon les modalités prévues aux I à VI de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales. »
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.
M. Pierre-Yves Collombat. L’article 1er contient la disposition simple et pratique éloquemment défendue hier par l’auteur de cette proposition de loi ; je n’y reviendrai donc pas, compte tenu de l’heure avancée.
L’essentiel de ce texte, et cela n’a pas échappé à notre ministre des collectivités territoriales, est contenu dans les articles 5, 6 et 7. Ces dispositions représentent un progrès considérable par rapport au texte qu’elles visent à remplacer, s’agissant de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité et des modalités de sa mise en œuvre. C’est d’ailleurs à mon sens la raison pour laquelle elles n’ont pas recueilli la sympathie entière de notre ministre. J’ajoute que ce n’est pas parce qu’on a discuté 300 heures que le produit est forcément satisfaisant !
M. Alain Gournac. Trois cents heures pour ne rien dire ?
M. Pierre-Yves Collombat. Malheureusement, et vous êtes en train d’en rajouter !
M. le président. Pas d’interpellation, s’il vous plaît !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce texte, et l’on aura certainement le temps de l’examiner de près, constitue un progrès, j’oserais même dire une sorte de « révolution copernicienne » puisqu’il remet les collectivités à la place qu’elles n’auraient jamais dû quitter, à savoir au centre du projet intercommunal, occupé depuis la loi de décembre 2010 par les préfets.
Normalement, l’intercommunalité, c’est l’affaire des communes, ce que résumait parfaitement la loi Joxe du 6 février 1992, que je vous invite à méditer. Comme l’indique l’article L. 5210-1 du code des collectivités territoriales : « Le progrès de la coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des communes d’élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité. » Sauf que, depuis la loi de décembre 2010, on fait tout le contraire !
Autrement dit, si la loi fixe les objectifs et les règles essentielles, elle laisse toute latitude aux collectivités pour les traduire en actes. Si l’État, à travers ses représentants, veille à l’application de la loi, apporte le concours de son expertise aux collectivités, il ne décide à leur place que si elles se montrent incapables de s’entendre ; c’est précisément ce que prévoit la proposition de loi.
Cela étant posé, et qui est essentiel, je dois constater que, sur un certain nombre de sujets, cette proposition de loi a des allures d’acte manqué, comme si la liberté laissée aux communes de s’associer et de décider de leur statut devait être limitée, encadrée, même en cas d’accord à la majorité qualifiée. Je pense à la limitation du nombre de délégués au conseil communautaire, à la limitation du nombre de vice-présidents et à la taille minimale pour les communautés de communes, sauf dérogation motivée accordée par le préfet dans la loi de décembre 2010 et par la CDCI à la majorité qualifiée dans le présent texte.
Je veux bien que la liberté conduise à des aberrations – on peut le constater ! –, mais la contrainte y mène tout autant ! C'est la raison pour laquelle j’ai déposé des amendements que je présenterai plus tard, mais dont je voulais, par cette intervention liminaire, souligner la cohérence.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.
M. Hervé Maurey. Lorsque je me suis inscrit pour prendre la parole sur l’article 1er, j’étais loin d’imaginer que j’interviendrais dans la nuit de jeudi à vendredi à plus d’une heure du matin !
Cette proposition de loi nous paraît bienvenue dans la mesure où il est manifestement nécessaire de revoir un certain nombre de dispositions de la loi du 16 décembre 2010. Nous, sénateurs centristes, l’avions d’ailleurs indiqué au Premier ministre lors d’un déjeuner au mois d’avril dernier et confirmé dans un courrier.
Il nous paraît particulièrement nécessaire de modifier trois points de la loi.
Le premier porte sur le délai d’élaboration du schéma, de la proposition à l’acceptation. Je vous le dis très honnêtement, mes chers collègues, nous avions souligné ce point d’abord pour des raisons politiques, car il nous paraissait pour le moins inopportun de soumettre, pour concertation, un projet de schéma aux élus en pleine période électorale. Malheureusement, nous avons eu raison…
Au-delà de cet aspect politique, nous avions des raisons objectives, dont nous avons peu parlé pour l’instant dans ce débat, d’évoquer la révision du délai d’élaboration du schéma. En effet, dès lors que les services de l’État n’étaient pas en mesure de fournir au préfet et aux collectivités locales les simulations financières leur permettant d’apprécier l’intérêt ou l’opportunité des projets de regroupement, il fallait décaler le calendrier. Les schémas se font en effet à l’aveugle, ce qui est une pratique intéressante en œnologie mais pour le moins risquée lorsqu’il s’agit de collectivités locales.
Le deuxième point important à revoir est le seuil de 5 000 habitants. Dans certains départements, ce seuil est appliqué de manière très stricte, comme un véritable couperet, alors que, dans d’autres, il l’est avec beaucoup plus de souplesse, conformément d’ailleurs à ce qu’ont toujours indiqué les membres du Gouvernement, que ce soit Michel Mercier lors de l’examen du projet de loi ou Philippe Richert, interpellé à plusieurs reprises sur ce point. Ce seuil doit être vu comme un objectif et non comme un impératif.
Le troisième point est le rôle du préfet dans l’élaboration du schéma. Sans remettre tout en cause, il faut signaler que le texte comporte de nombreuses incohérences. Par exemple, comment justifier le fait que le préfet ne puisse pas tenir compte des avis exprimés par les collectivités locales pour modifier son projet avant de le présenter à la CDCI ? La seule chose qu’il peut faire, c’est demander à la CDCI de procéder à cette modification, sans être certain d’y parvenir, car la majorité requise, celle des deux tiers, est extrêmement contraignante.
Voilà les trois points sur lesquels nous avions appelé l’attention du Premier ministre. D’autres sujets nous ont bien évidemment interpellés, comme la question qui va être abordée à l’article 1er de la gouvernance des EPCI, laquelle mérite d’être prolongée jusqu’en 2014, celle du pouvoir de police du maire ou celle des « communes-îles ».
Aujourd'hui encore plus qu’il y a quelques mois, il nous paraît nécessaire d’adopter cette proposition de loi, et ce pour plusieurs raisons.
En premier lieu, le Premier ministre a souhaité laisser du temps pour la mise en place des schémas. Or, nous le savons bien, la loi indique très précisément que les schémas doivent être arrêtés au 31 décembre. À défaut, le préfet pourra émettre des propositions sans être dans l’obligation de les soumettre à la CDCI. La situation sera alors bien pire ! Ce point extrêmement important mérite d’être corrigé, sinon les paroles du Premier ministre resteraient lettre morte, ce qu’aucun de nous dans cet hémicycle ne souhaite, bien évidemment. (Sourires.)
En second lieu, le Gouvernement semble avoir renoncé à présenter le projet de loi n° 61. Ce texte aurait pourtant constitué un véhicule législatif permettant d’évoquer un certain nombre de sujets, dont celui que nous allons traiter à l’article 1er.
Les sénateurs centristes abordent donc ce débat non pas dans un esprit d’obstruction ou d’opposition, ni pour faire de la surenchère ou de la démagogie, mais avec la volonté d’améliorer le texte, dans l’intérêt des communes et des élus. Je regrette simplement, une fois encore, que nous soyons obligés de travailler dans des conditions qui ne sont vraiment pas satisfaisantes.