M. Jean-Jacques Hyest. Non !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mais si !
M. David Assouline. Et je vais vous le prouver.
Bien que nous constituions aujourd'hui la majorité au Sénat,…
M. Jean-Jacques Hyest. Oui, mais il y a la Constitution !
M. David Assouline. … nous avons examiné cet après-midi une proposition de loi déposée par deux membres de l’UMP. Après l’avoir modifiée, nous l’avons in fine votée. Le délai qui était imparti pour son examen a été respecté. Ainsi, la discussion de ce texte a été menée à son terme et la navette parlementaire pourra se poursuivre. Nous aurions pu tout au contraire faire de l’obstruction, si nous avions adopté une attitude négative.
Mme Françoise Cartron. Bien sûr !
M. David Assouline. Et cette proposition de loi, relative au patrimoine monumental de l’État, qui a l’air de ne pas avoir un coût, en a bien un, ne serait-ce que du fait de la création du Haut Conseil du patrimoine monumental, qui exige des moyens, et des fonctionnaires.
Mme Françoise Cartron. Voilà !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Article 40 !
M. David Assouline. Voilà un texte qui n’avait pas l’air de coûter, mais qui coûtera ! Pourtant, tout à l’heure, M. Mitterrand n’a pas invoqué l’article 40. Cet article est donc d’un usage discrétionnaire…
Nous savions que vous aviez difficilement avalé la victoire de la gauche au Sénat. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin sourit.) Vous avez mis une semaine à l’accepter. Nous pensions que cette réaction était dernière nous, mais il n’en est rien et vous venez de signifier, monsieur le ministre, au nom du Gouvernement, qu’un Sénat, quand il est de gauche,…
M. Claude Domeizel. N’est pas légitime !
M. David Assouline. … n’a plus le droit à la parole ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Je suis un assez jeune sénateur, mais je sais que nous qui avons supporté pendant des décennies, même lorsque la gauche était au Gouvernement, un Sénat éternellement à droite, un Sénat qui bloquait tout,…
Mme Françoise Cartron. Oui !
M. Bertrand Auban. C’est fini !
M. David Assouline. … n’avons jamais, jamais, monsieur le ministre, invoqué l’article 40 contre des propositions de loi.
M. Jean-Jacques Hyest. Il n’y en avait pas, à l’époque !
M. David Assouline. Je trouve fort dommageable le comportement du Gouvernement. Pourquoi agit-il ainsi ? Sans doute pas parce que le sujet est anodin, mais parce que le Gouvernement ne peut pas assumer devant les Français son refus d’inscrire dans la loi la scolarité obligatoire des enfants âgés de trois ans, et ce bien que 99 % des enfants de cet âge soient actuellement scolarisés. C’est incohérent !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il veut s’attaquer au service public !
M. Jean-Marc Todeschini. Son projet pour l’école est catastrophique !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout au privé, pour ceux qui ont les moyens !
Mme Françoise Cartron. Et les jardins d’éveil, ils ne coûtent rien ?
M. David Assouline. Alors, plutôt que d’être confronté à cette incohérence maintenant dévoilée, le Gouvernement choisit le coup de force.
M. Jean-Marc Todeschini. C’est la casse de l’école publique ! Il veut l’école pour les riches.
Mme Françoise Cartron. Tout à fait !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout au privé, pour ceux qui ont les moyens !
M. David Assouline. Chers collègues qui n’êtes pas de gauche, c’est un coup porté au Sénat et donc à vos prérogatives, à votre rôle de parlementaires ! Je vous l’affirme, si la gauche est au pouvoir, elle ne se conduira jamais ainsi lorsque seront examinées des propositions de loi que vous aurez déposées. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.) Elle ne le fera jamais,…
M. Jean-Jacques Hyest. Ne dites pas « jamais » !
M. David Assouline. … parce qu’elle respectera les droits du Parlement.
Ne vous dites pas, monsieur Hyest : « ce n’est pas grave, c’est un coup porté à la gauche » !
M. Jean-Jacques Hyest. C’est le respect de la Constitution !
M. David Assouline. Dites-vous que des principes doivent être défendus dans cet hémicycle, que l’on soit de droite ou de gauche, notamment la crédibilité de cette assemblée, qui doit être renforcée, une assemblée qui ne doit pas être perpétuellement bafouée et amoindrie aux yeux de nos concitoyens.
Je le répète, ce n’est pas un petit coup porté à la gauche ; c’est bien plus grave ! Je veux espérer que la sagesse prévaudra contre la tentation du coup de force, au terme des intenses réflexions que je pressens ce soir, notamment au sein de la commission des finances. Quoi qu’il en soit, il y aura un avant et un après ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, votre démarche est entachée à la fois de duplicité et de cynisme. Ce soir, vous faites en quelque sorte le « sale boulot », d’autres orateurs l’ont déjà démontré.
Alors que la procédure vous laissait largement le temps de sortir ce que vous considérez comme l’arme de la dernière minute, autrement dit l’article 40, vous jouez selon une mise en scène qui, de toute évidence, vous satisfaisait.
Que pèse votre invocation de l’article 40 face à la véritable cause nationale, évoquée tout à l’heure par Françoise Cartron, qu’est la scolarisation des enfants dès l’âge de trois ans ? Cette scolarisation est nécessaire et revendiquée comme telle, je vous le rappelle, non seulement par les parents concernés, mais également par l’ensemble des élus locaux qui nous ont donné la majorité au Sénat voilà quelques jours. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Comptez sur nous pour faire la publicité la plus large de l’insulte que vous faites aux sénateurs de gauche !
Mme Françoise Cartron. C’est sûr !
M. Jean-Jacques Mirassou. Cette insulte est faite aussi à l’ensemble des élus locaux, profondément attachés à l’école, singulièrement pour les tranches d’âges évoquées. Vous foulez au pied aujourd'hui les droits de ces élus en leur refusant la possibilité de mieux accueillir encore tous ces enfants dont nous parlons ce soir.
En mélangeant les genres, en cassant la frontière qui existe entre le législatif et l’exécutif – on était en droit de se demander à un certain moment qui présidait quoi dans cette enceinte –, vous jouez un sale tour à la démocratie, nombre de mes collègues l’ont dit tout à l’heure.
Mais, je le répète, faites-nous confiance pour relayer l’événement auprès de l’immense majorité des élus de proximité qui nous ont donné leurs suffrages, et qui sont concernés, eux aussi.
Non, vraiment, cela ne va pas se passer ainsi !
Chers collègues de la majorité, il faudra vous habituer à l’idée qu’un changement de majorité a bien eu lieu au Sénat. Quand un tel changement se produit au profit de la gauche, forcément, les textes qui sont présentés, étudiés, ne sont pas de même nature que ceux qui étaient déposés avant. Que cela vous plaise ou vous déplaise, tout comme au Gouvernement, vous devrez vous y habituer, car cela risque de durer un moment… (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour un rappel au règlement.
M. Michel Le Scouarnec. Tout nouveau sénateur, je me réjouissais vivement que la nouvelle majorité de gauche de la Haute Assemblée ait pris l’initiative d’inscrire dès maintenant à l’ordre du jour une question primordiale, celle de la scolarisation en école maternelle. C’était sans compter la stratégie du Gouvernement visant à refuser le débat démocratique !
Je croyais que le Sénat était une chambre où l’on pouvait débattre tranquillement. Je vis donc un moment douloureux, car la situation que nous subissons ici est quelque peu scandaleuse, me semble-t-il.
Le groupe CRC, conscient des enjeux spécifiques et ô combien essentiels de la scolarisation des enfants de deux à six ans, avait engagé une réflexion sur ce thème, qui lui avait permis de déposer, dès mars 2011, une proposition de loi. Le constat partagé du rôle fondamental de l’école maternelle nous avait ainsi conduits, comme Mme Cartron, à vouloir rendre obligatoire l’école dès l’âge de trois ans.
Monsieur le ministre, l’école maternelle est malheureusement devenue une variable « privilégiée » de l’ajustement budgétaire dans votre ministère. Ainsi, à chaque rentrée scolaire, le curseur est déplacé, pour ne pas créer de nouveaux postes, d’autant que les moyens diminuent, alors que le nombre des élèves augmente. En tant que maires, nous sommes les uns et les autres confrontés à des situations difficiles à chaque rentrée.
Nous souhaitions protéger l’école maternelle en traduisant dans la loi ce qui, aujourd'hui, est une réalité : la quasi-totalité – 99 % – des enfants de trois à six ans sont scolarisés. Cette mesure aurait donc permis de reconnaître à leur juste valeur les apports fondamentaux de la maternelle au sein de notre système scolaire, sans affecter les finances de l’État.
L’école maternelle joue un rôle décisif dans la diminution de l’échec scolaire et dans la lutte contre les inégalités, particulièrement pour les enfants issus d’un milieu social défavorisé. Elle a un impact positif sur le niveau de compétences comme sur la probabilité de redoublement.
L’étude PISA 2009 montre ainsi que les élèves qui ont suivi un enseignement en maternelle réussissent mieux que les autres. Elle prouve également que cet avantage est plus marqué dans les systèmes d’éducation où l’enseignement préélémentaire et élémentaire dure longtemps. Pourtant, selon un rapport de la Cour des comptes de mai 2010, la France se situe, pour l’école maternelle, à un niveau de dépenses annuelles par élève inférieur de 5 % à celui de la moyenne des pays de l’OCDE.
La scolarisation des enfants de deux et trois ans est pour nous essentielle. En 2000, un enfant sur trois ayant entre deux et trois ans fréquentait l’école maternelle, contre un sur cinq seulement aujourd'hui. Monsieur le ministre, cette diminution est un choix politique de votre ministère. Les inspecteurs d’académie prennent de moins en moins en compte les demandes de scolarisation des enfants de deux et trois ans dans le calcul des effectifs, ce qui crée une pénurie de places organisée, et cela même dans les zones prioritaires, où se concentrent de grandes difficultés sociales et scolaires.
J’en veux pour preuve la situation de la Bretagne – élu du Morbihan, je la connais bien –, une région qui s’est toujours caractérisée par un taux très important de scolarisation des enfants de deux et trois ans, puisqu’il était de 60 % en 2007. Ce résultat a été permis, notamment, par une forte implication des collectivités locales, qui ont privilégié l’accueil en maternelle par rapport aux modes de garde de type « multi-accueil » ou en crèches, qui ont construit en conséquence des écoles maternelles et qui ont mis à disposition des personnels spécialisés, les ATSEM, ou agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles.
Malgré la demande des parents et des élus locaux, en 2011, le rectorat a décrété que les écoles auraient une capacité d’accueil maximale de 20 % de la classe d’âge de trois ans en moyenne, soit une division par trois en quatre ans pour la région Bretagne !
Afin que les deux-trois ans ne soient pas définitivement écartés de l’école maternelle, la législation sur cette dernière doit aborder la question de la préscolarisation, comme nous l’avions fait au travers de notre proposition de loi. Il faut maintenir la possibilité de scolariser à partir de deux ans tous les enfants qui y sont prêts et dont les familles en font la demande.
Nous, membres du groupe CRC et des autres groupes de gauche, nous voulons rendre ses lettres de noblesse à l’école maternelle et établir partout sur notre territoire les mêmes règles d’accès à ce que Philippe Meirieu a appelé « l’école première ». Ainsi, nous affirmons notre fidélité à la devise de notre République : « Liberté, égalité, fraternité. »
La belle chanson d’Yves Duteil, Prendre un enfant par la main, m’est venue à l’esprit ; je ne la fredonnerai pas, les circonstances ne s’y prêtant guère. En votant cette proposition de loi, nous aurions aidé les enfants à devenir grands et à se diriger d’un pas mieux assuré vers un futur plus beau et plus sûr. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour un rappel au règlement.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, c’est aussi en ma qualité de rapporteur de feu la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans que je tiens à vous exprimer mon indignation et ma colère.
Je considère que vous réalisez ce soir un coup de force inadmissible et que nous franchissons un cap terrible dans l’histoire du Parlement et du bicamérisme.
Mme Françoise Laborde. Bien sûr !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Deux conférences des présidents se sont réunies, en présence de M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, et à aucun moment il n’a été question d’une éventuelle invocation de l’article 40 de la Constitution.
Mon sentiment, monsieur le ministre, c’est que vous-même et la majorité présidentielle déniez à la nouvelle majorité de gauche du Sénat le droit de débattre de ses propositions de loi.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et même d’exister !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous avons entendu naguère de grandes leçons sur la nécessité pour la majorité sénatoriale de se montrer responsable. Or vous commettez ce soir un déni de démocratie. C’est d’autant plus grave que le sujet en discussion est particulièrement important. Ainsi, au texte de Mme Cartron étaient venues se joindre deux autres propositions de loi déposées sur le même thème, l’une par mon groupe et l’autre par le groupe RDSE ; je salue d'ailleurs Mme Françoise Laborde.
Tout cela avait fait l’objet d’un rapport et mobilisé les administrateurs du Sénat. Des hommes et des femmes avaient été auditionnés. La commission avait travaillé : des représentants de tous les groupes, ici présents, avaient participé aux discussions, d'ailleurs avec passion, et cela nous avait mutuellement enrichis, je dois le dire.
Monsieur le ministre, nos concitoyens seront juges de votre refus de débattre d’un sujet qui les préoccupe au plus haut point. Au fond, cette attitude en dit long sur vos objectifs : nous le savons, le rôle de l’école maternelle est fondamental dans le recul des inégalités et de l’échec scolaires, et il influe positivement, cela a été prouvé, sur le cursus des élèves.
Chacun voit d'ailleurs la manœuvre ici : l’école maternelle non encore obligatoire fait les frais de la RGPP, cette terrible révision générale des politiques publiques. Monsieur le ministre, vous avez réussi le tour de force de supprimer des dizaines de milliers d’emplois dans ce secteur de la fonction publique depuis votre entrée au Gouvernement.
C’est un coup terrible qui est porté ce soir à la démocratie. Monsieur le ministre, votre attitude est stérile, elle ne vous honore pas. Elle est d’autant plus inadmissible que notre pays doit relever un véritable défi éducatif. Je constate que nous n’en prenons pas le chemin, et je le déplore. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, après avoir donné acte à Mme Gonthier-Maurin de son rappel au règlement, je vous prie de limiter vos interventions à ce qui relève strictement d’un rappel au règlement.
La parole est à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement.
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, regardez-moi : je veux vous parler les yeux dans les yeux. (M. le ministre se tourne vers l’orateur. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Premièrement, en venant déclarer ici que vous ne vouliez pas débattre de cette proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans, vous avez eu une attitude indigne d’un ministre de l’éducation nationale. Certes, vous pourrez démontrer que l’article 40 s’applique. Certes, il existe une solidarité gouvernementale. Toutefois, vous auriez pu au moins obtenir que cette annonce soit réalisée par un autre membre du Gouvernement…
M. Jean-Jacques Hyest. Qu’est-ce que cela veut dire ?
M. Claude Domeizel. … et pas par le ministre de l’éducation nationale.
Deuxièmement, j’ai entendu notre collègue Dominique de Legge nous expliquer que l’article 40 s’appliquait aux articles 1er et 2 de la proposition de loi. Soit, mais c’est à la commission des finances de nous le dire, et non à lui !
Troisièmement, j’ai une certaine ancienneté dans cette assemblée et je voudrais rappeler que, ici, une proposition de loi a toujours fait l’objet au moins d’une discussion générale, l’article 40 ne s’appliquant que lors de l’examen des articles.
D'ailleurs, je précise, monsieur le président, que j’interviens à cet instant au titre de l’article 24 de notre règlement, qui est relatif à l’irrecevabilité d’une proposition de loi et qui dispose : « Si elles [les propositions de loi] sont présentées par les sénateurs, elles ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence, soit la diminution d’une ressource publique non compensée par une autre ressource, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. »
Or, dans un tel cas de figure, l’article 24 prévoit expressément, dans son quatrième alinéa, que c’est non pas la commission des finances, mais le bureau du Sénat qui doit trancher de la question : « Le bureau du Sénat ou certains de ses membres désignés par lui à cet effet sont juges de la recevabilité des propositions de loi ou de résolution. »
En outre, je constate, avec regret, que le Gouvernement n’applique pas les mêmes règles selon les propositions de loi qui sont examinées. Mes collègues ont déjà évoqué certains textes ; j’en citerai d’autres.
Monsieur le ministre, avez-vous eu la même attitude lorsqu’a été débattue la proposition de loi de M. Ciotti visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, ou la proposition de loi, déposée par le même M. Ciotti, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants ?
M. Roland Courteau. Voilà des arguments qui portent !
M. Jean-Jacques Hyest. Cela ne coûtait rien !
M. Claude Domeizel. Et je n’ai cité que des textes concernant les enfants. Or, à l’époque, vous n’avez pas eu la même attitude. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Roland Courteau. Deux poids, deux mesures !
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, je souhaite rappeler ici avec la plus grande vigueur que l’école de la République est fondée sur un triptyque : elle est obligatoire, laïque et gratuite.
L’enseignement élémentaire remplit ces trois conditions. Quant à l’école maternelle, elle est laïque et gratuite, mais elle n’est pas obligatoire. Pourtant, les enfants sont accueillis dans des bâtiments publics et les enseignants sont du secteur public ! Nous ne voyons donc pas pourquoi nous n’instaurerions pas l’obligation scolaire à partir de trois ans.
Je veux également souligner que les principales victimes de cette situation se trouvent en milieu rural.
M. Claude Dilain. Et dans les banlieues !
M. Claude Domeizel. Tout à fait, mon cher collègue. Toutefois, comme je représente, modestement, un département rural, je tenais à insister sur cet aspect.
Monsieur le ministre, vous auriez intérêt à téléphoner à qui de droit pour annoncer que vous êtes dans une situation intenable et qu’il vaut mieux discuter de cette proposition de loi. Menons au moins la discussion générale, puis vous invoquerez l’article 40 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais répondre à certaines interventions et réaffirmer la position du Gouvernement.
La proposition de loi de Mme Cartron, qui prévoit la scolarisation à trois ans et même, dans la version amendée par la commission, à deux ans (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)…
M. Claude Domeizel. C’est faux !
M. David Assouline. Vous n’avez pas lu le texte !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est de la caricature !
M. Luc Chatel, ministre. Madame le sénateur, un amendement adopté en commission prévoit la scolarisation à deux ans.
Mme Françoise Cartron. Nous ne l’avons pas voté !
M. David Assouline. Il s’agit non pas d’une obligation de scolarisation à deux ans, mais d’une simple possibilité !
M. Luc Chatel, ministre. Je n’ai parlé d’obligation que pour les enfants de trois ans, monsieur Assouline. Un amendement a donc bel et bien été adopté qui introduit la possibilité d’une scolarisation dès l’âge de deux ans.
Cette proposition de loi, dans le texte qui est aujourd’hui présenté au Sénat, entraînerait la scolarisation de 700 000 à 750 000 élèves supplémentaires. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Todeschini. Vous les avez déscolarisés !
M. Luc Chatel, ministre. Pour l’État, cela représenterait une charge de l’ordre de 1,3 milliard d'euros. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Cette proposition de loi est donc tout simplement inconstitutionnelle : elle est contraire à l’article 40 de la Constitution, qui prohibe « la création ou l’aggravation d’une charge publique ». (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Au-delà, mesdames, messieurs les sénateurs – et j’y insiste d’autant plus que vous êtes les représentants des collectivités territoriales –,…
M. Claude Domeizel. Oui, en effet !
M. Roland Courteau. Justement !
M. Luc Chatel, ministre. … l’adoption de cette proposition de loi entraînerait une augmentation considérable des budgets des communes. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Sueur. Mais non !
M. Luc Chatel, ministre. De fait, cela nécessiterait des efforts en matière d’aménagement, de construction de nouveaux locaux. Vous avez d'ailleurs évoqué un gage par la dotation globale de fonctionnement. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, vous avez demandé à entendre M. le ministre ; je vous invite donc à l’écouter.
M. Claude Domeizel. Il est train d’aggraver son cas !
M. Luc Chatel, ministre. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a invoqué l’article 40.
Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, je voudrais vous répondre précisément, en commençant par le président du groupe socialiste-Europe Écologie Les Verts et la présidente de la commission de la culture.
Monsieur Rebsamen, madame Blandin, depuis quand le respect de la Constitution est-il un coup de force ? Je m’étonne, mesdames, messieurs les parlementaires, que des élus du peuple mettent ainsi en cause notre Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Luc Chatel, ministre. Je respecte le travail parlementaire ; j’ai été moi-même parlementaire et, depuis cinq ans que je suis membre du Gouvernement, j’ai montré que j’étais toujours dans une logique de débat avec le Parlement.
M. David Assouline. Pas ce soir !
M. Luc Chatel, ministre. Madame la présidente, avec tout le respect que je vous dois, j’ai été choqué par vos propos (Oh ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) quand vous avez évoqué, s’agissant de l’article 40, une « arme de destruction massive pour la démocratie ».
Depuis quand, je vous le demande à nouveau, le respect de la Constitution, la loi des lois, la loi suprême, notre règle commune, au-delà de nos sensibilités respectives, est-il un « coup de force » ou une « arme de destruction massive pour la démocratie » ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas interpréter la Constitution de manière sélective !
M. Luc Chatel, ministre. Mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, disposer de la majorité ne vous donne pas de blanc-seing pour violer la Constitution ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Vous avez évoqué, madame Blandin, la mauvaise manière faite au Sénat par le Gouvernement, et notamment sa précipitation. Mais le Gouvernement a respecté la Constitution ; il a également respecté le règlement du Sénat. Celui-ci dispose en effet que, jusqu’à l’ouverture de la séance publique, le Gouvernement peut invoquer l’article 40 de la Constitution.
M. David Assouline. Si cela continue comme ça, il n’y aura plus de débat au Sénat !
M. Claude Bérit-Débat. Quelle honte !
M. Luc Chatel, ministre. Madame Blandin, je n’ai nullement la volonté de « flouer » le travail de votre commission. Je sais que beaucoup de parlementaires ont travaillé au fond cette question de la scolarisation des enfants. D’autres débats nous permettront d’évoquer ensemble ce sujet.
Mais ajouter 1,3 milliard d'euros au déficit de nos finances publiques,…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. C’est faux !
M. Luc Chatel, ministre. … reconnaissez que ce n’est pas un mince débat ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Marc Todeschini. Vous êtes déjà en campagne !
M. Luc Chatel, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, si j’ai souri tout à l'heure ce n’est pas par ironie, mais en réaction aux arguments utilisés.
J’ai entendu un responsable politique s’exprimer ainsi : « Je n’ignore rien des urgences : emploi, logement, santé, école, environnement, mais je n’empilerai pas les réponses convenues à coup de milliards dont nous cherchons encore le premier euro. Je ne serai pas un candidat prestidigitateur. »
M. Jean-Pierre Caffet. Il avait raison !
M. Luc Chatel, ministre. Le responsable politique qui a prononcé ces propos, c’est François Hollande, dont, si j’ai bien compris, vous soutenez la candidature à l’élection présidentielle ! (Applaudissements et exclamations ironiques sur les travées de l’UMP. – C’est vrai ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Irrecevabilité (suite)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances s’est réunie spécifiquement pour examiner la recevabilité financière de la proposition de loi.
La commission a estimé, à l’unanimité, que les paragraphes I et II de l’article 1er sont irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.