M. Claude Bérit-Débat. Nous ne disons pas le contraire !
M. Jean-Jacques Hyest. Je considère qu’il s’agit d’une première étape qui permettra la mise en place d’une nouvelle organisation institutionnelle, lors des prochaines élections locales, c’est-à-dire en 2014. Mais nous aurons l’occasion de parler du conseiller territorial dans quelques semaines.
La rationalisation de l’intercommunalité, dans le sens où nos communes et nos intercommunalités doivent désormais être véritablement en capacité d’exercer les nombreuses compétences qu’elles détiennent, paraît indispensable.
Tout le monde en conviendra, certaines communes n’ont toujours pas « joué le jeu » et ne veulent participer à aucune intercommunalité.
Doit-on leur donner raison ? (Non ! sur plusieurs travées.)
Évidemment, non ! Il faudra bien les intégrer d’une manière ou d’une autre.
M. Claude Bérit-Débat. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest. Alors, certes, la méthode, le calendrier ont été critiqués, mais que proposiez-vous à l’époque ?
Ayant assisté à tous les débats…
M. Claude Bérit-Débat. Nous aussi !
M. Jean-Jacques Hyest. … j’ai bien compris les raisons de vos divergences, qui sont réelles.
M. Alain Richard, rapporteur. Il n’y a pas de divergences !
M. Jean-Jacques Hyest. Comme le dit M. le ministre, si nous avons jusqu’au 30 juin 2013 pour affiner le dispositif, s’agissant notamment des compétences, le schéma, lui, est censé être « bouclé » à la fin de 2011, avec possibilité d’une prolongation éventuelle là où se présenteraient des difficultés.
Pour autant, entre le moment où le schéma est établi et celui où tous les problèmes sont considérés comme réglés, il faut bien dix-huit mois de discussions.
Autrement dit, dès lors que la date d’approbation du schéma est repoussée à juin 2013, ou même à mars 2013, rien ne sera fait avant les élections municipales et la mise en application du schéma sera reportée au-delà.
M. Alain Richard, rapporteur. Non !
M. Jean-Jacques Hyest. Mais si !
M. Alain Richard, rapporteur. Nous allons en débattre tranquillement, monsieur Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Lors de la présentation de ce texte devant notre assemblée, l’opposition de l’époque proposa donc la conclusion immédiate des débats. Chers collègues, vous nous avez tout fait : d’innombrables motions, des prises de parole sur la plupart des articles. Techniquement, cela s’appelle de l’obstruction.
Certes, sur l’intercommunalité, la résistance fut moindre, parce que le débat intéressait tout le monde. Et il s’en est trouvé pour défendre ici la situation qui était la leur au sein de leur assemblée territoriale…
Se sont ainsi succédé à la tribune les défenseurs des communautés de communes, des communautés urbaines, des communautés d’agglomération… La discussion a permis de mettre en évidence l’importance que chacun attachait au nombre de délégués, aussi.
M. Alain Gournac. Ah oui ! Et au nombre de vice-présidents !
M. Jean-Pierre Sueur. Il y eut aussi les défenseurs de la Seine-et-Marne…
M. Jean-Jacques Hyest. Pour ma part, monsieur Sueur, je me suis efforcé de défendre l’intérêt général.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Alain Richard, rapporteur. Quelques autres aussi !
M. Jean-Jacques Hyest. Peut-être, mais certains ont tellement défendu leurs intérêts particuliers que cela en devenait gênant !
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Bruno Sido. C’est clair !
M. Jean-Jacques Hyest. Une telle attitude fut du reste observée sur diverses travées.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument, vous avez raison !
M. Claude Bérit-Débat. C’est bien de le préciser.
M. Jean-Jacques Hyest. L’immobilisme et l’absence de perspectives sont peut-être électoralement payants, comme on l’a vu, car cela a fonctionné ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Mais ils ne correspondent pas à la nécessité de moderniser nos institutions locales.
Chers collègues de la majorité, j’entends vos travées bruire de la rumeur naissante, cet après-midi, sur le fait que nous allons, nous aussi, présenter une motion.
Il est vrai, monsieur le ministre, que nous aurions pu déposer une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ; l’idée que vous nous avez donnée est excellente. C’est dommage, mais, faute d’y avoir pensé, nous nous contenterons de demander le renvoi à la commission.
Monsieur le rapporteur, le temps imparti fut bien court, même si vous et les fonctionnaires de la commission des lois, comme à leur habitude, ont beaucoup travaillé. Avouez tout de même que tout refaire en une semaine était franchement osé. Nous avions eu des débats approfondis.
M. Jean-Patrick Courtois. Quatre-vingt-quinze heures de débat !
M. Jean-Jacques Hyest. Vous les avez sûrement relus ; personnellement, je n’en ai pas ressenti le besoin puisque je les avais vécus, ce qui est encore mieux !
M. Claude Bérit-Débat. Vous n’êtes pas le seul !
M. Jean-Jacques Hyest. Sur l’intercommunalité, nous avions tout de même, me semble-t-il, abouti à un relatif consensus. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Il n’empêche, certains entendent profiter de la discussion de cette proposition de loi pour glisser de nouveau leurs amendements. Nous allons encore entendre des propos du genre : « Moi, je ne veux pas d’untel dans mon intercommunalité ! », « Moi, je veux plus de vice-présidents ! »…
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. … ou d’autres choses encore !
M. Claude Bérit-Débat. Il faut prendre un peu de hauteur, monsieur Hyest ! Revenons-en à l’intérêt général !
M. Jean-Jacques Hyest. Je suis bien d’accord avec vous, mais les amendements qui ont été déposés, ce ne sont pas les miens ! Je n’ai jamais agi de la sorte.
Mes chers collègues, je vous rends tous attentifs aux risques de dérapages dans ce domaine. Il n’y a qu’à lire l’édition d’un journal satirique parue ce matin pour s’en convaincre.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas Charlie Hebdo !
M. Jean-Jacques Hyest. Mais je sais que tel n’est absolument pas l’état d’esprit de M. le rapporteur.
Pour en revenir à la méthode, vous voulez, de votre côté, démolir tout ce que nous avons fait. Du nôtre, nous nous opposons à la révision systématique des textes adoptés au cours de la dernière législature.
M. Roland Courteau. C’est ce que nous avions compris…
M. Jean-Jacques Hyest. Reconnaissez-le, notre attitude est logique.
M. Bruno Sido. La législature n’est pas encore terminée, monsieur Hyest !
M. Jean-Jacques Hyest. Heureusement, il ne reste plus beaucoup de « niches parlementaires » d’ici à la fin.
Revenons au débat qui nous préoccupe, celui de l’intercommunalité.
M. Claude Bérit-Débat. Atterrissons ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le rapporteur, vous préconisez, selon vos propres termes, de refondre « le dispositif d’achèvement et de rationalisation de la carte de l’intercommunalité pour en assurer le succès et faciliter la gouvernance des nouveaux groupements. »
Loin d’une refonte, vous proposez bel et bien une destruction des procédures que le Parlement avait élaborées grâce à un consensus fort. Demandez plutôt – M. le ministre y a déjà fait référence – à notre collègue Gérard Collomb, qui s’était fortement impliqué dans cette grande réforme, comment les décisions ont été prises, et dans quelles perspectives !
On semble oublier aujourd’hui les prises de position d’hier. Peut-être est-ce la faiblesse des nouveaux sénateurs de vouloir faire table rase des travaux de leurs prédécesseurs ? Je n’en crois rien !
Nous sommes favorables aux propositions du Gouvernement pour adapter, en respectant la loi, les délais aux contraintes locales. Mais nous ne pouvons accepter l’anéantissement, la suppression de mécanismes élaborés dans la concertation. Or tel est, au fond, votre objectif, chers collègues.
Que nous propose le Gouvernement ? Je reprendrai ici les propos tenus par le Premier ministre, François Fillon, à Richelieu : « Je sais que cette rationalisation de l’intercommunalité a créé de l’inquiétude chez de nombreux élus, notamment dans les départements ruraux. J’ai donc décidé de donner, partout où cela s’avère nécessaire, davantage de temps à la concertation. Les préfets viennent de recevoir des instructions. Le ministère en charge des collectivités locales va réaliser un état des lieux dans chaque département et, au cas par cas, la procédure ne sera menée à son terme que lorsqu’une large majorité des élus concernés se dégagera en faveur du projet. »
Voilà une disposition qui peut être inscrite dans la loi.
M. Claude Bérit-Débat. Qui décide ?
M. Jean-Jacques Hyest. Je souhaite que ce soit le cas, mais ce n’est pas ce que vous proposez.
M. Alain Richard, rapporteur. On s’en rapproche !
M. Jean-Jacques Hyest. Mes chers collègues, il est important de le souligner, dans les départements où il a été constaté qu’une large majorité ne se dégage pas pour élaborer une nouvelle carte de l’intercommunalité, le temps nécessaire sera pris pour revoir les schémas de coopération intercommunale.
En clair, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le délai du 31 décembre 2011 sera respecté dans les départements où cela est possible. Dans les autres, le maximum sera fait pour arriver à l’élaboration d’un schéma accepté par les élus.
Mme Marie-France Beaufils. Sous la responsabilité des préfets…
M. Roland Courteau. Tout cela n’est pas très convaincant !
M. Jean-Jacques Hyest. Contrairement à ce que nous avons pu entendre, il ne sera pas recouru aux pouvoirs exceptionnels des préfets sans l’accord préalable du Gouvernement. Cet élément est, à mon sens, très important.
Je vous le dis, mes chers collègues, j’en ai assez que l’on mette toujours en cause les préfets. Ne l’oublions pas, ce sont les préfets de la République !
M. Jean-Pierre Sueur. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest. Et ils ne font qu’appliquer la loi.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce ne sont pas eux qui sont en cause : ils sont les représentants de l’État et, à ce titre, appliquent les décisions du ministre, à l’égard duquel ils sont d’une grande loyauté !
M. Éric Doligé. Monsieur le président, sommes-nous autorisés à nous associer à ce dialogue ?
M. Jean-Jacques Hyest. Dans le cadre du projet d’ensemble que vous présentez pour la CDCI, le préfet se voit chargé de préparer et de proposer un schéma de coopération intercommunale. Croyez-vous vraiment qu’une assemblée d’une quarantaine de personnes ait souvent réussi à faire des propositions communes en la matière ? Soit cette commission sera dominée par un leader, soit elle sera influencée par quelques féodaux, car cela existe dans nos provinces et nos départements.
Mme Nathalie Goulet. Certes !
M. Jean-Jacques Hyest. Ainsi remaniée, la CDCI sera-t-elle plus à même d’agir que le préfet seul ? Franchement, j’en doute beaucoup !
C’est la raison pour laquelle je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur. Là est le point l’essentiel : il n’est pas acceptable de modifier toute l’architecture que nous avons conçue.
Bien entendu, ce sont les élus qui décident à la fin. À eux de se mettre d’accord. Mais il faut une autorité neutre : le préfet, lui, ne fait que passer ; au cours des trois années qu’il passe généralement dans le département, ce haut fonctionnaire fait en sorte que tout se passe le mieux possible. Quel intérêt personnel peut-il avoir pour que la CDCI échoue ? Aucun !
On ne peut pas en dire autant de certains élus. Si nous nous trouvons dans cette situation, c’est parce que, dans de nombreux cas, les intercommunalités se sont constituées pour des raisons totalement étrangères à l’intérêt général. Leurs périmètres ne correspondaient pas du tout à un même bassin de vie, mais, aux yeux de leurs promoteurs, ils avaient le mérite de séparer les uns qui ne voulaient pas travailler avec les autres, parce que les niveaux de richesses respectives…
M. Philippe Dallier. Et de dotations !
M. Jean-Jacques Hyest. … n’étaient pas les mêmes,…
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. … parce que les élus étaient de tendances politiques différentes,…
M. Bruno Sido. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest. … parce que, tout simplement, ils ne s’entendaient pas, parfois en raison de rivalités de « coqs de villages », si je puis me permettre cette expression.
À mes yeux, le plus important était de régler les quelques points restant en discussion et que l’Association des maires de France avaient mis en exergue.
Monsieur Sueur, permettez-moi d’ouvrir une parenthèse s’agissant du titre choisi pour ce texte : l’emploi de l’adjectif « menacés » pour décrire la situation des mandats en cours était pour le moins inadapté.
M. Éric Doligé. C’était vraiment exagéré !
M. Jean-Pierre Sueur. S’il n’y a que cela qui vous pose problème, nous pouvons changer ce libellé !
M. Jean-Jacques Hyest. De toute façon, vous avez tout changé, même le titre ! (Sourires ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il a en effet été modifié.
M. Jean-Jacques Hyest. Au moins la discussion des amendements nous a-t-elle donné le privilège de faire disparaître ce titre malheureux !
Nous aurions pu trouver un accord s’il s’était agi de répondre, comme vous le faisiez dans votre proposition initiale, à quelques problèmes particuliers que l’AMF souhaitait résoudre. Je tiens à les rappeler.
Il convient, tout d’abord, de régler le problème des regroupements pédagogiques intercommunaux, ou RPI, en zone rurale. J’en conviens d’autant plus que je parle d’expérience, étant maire d’un village d’Île-de-France. Jamais nous n’avons imaginé de placer le regroupement pédagogique intercommunal une intercommunalité. Pourquoi ?
Mme Nicole Bricq. Il serait intéressant de le savoir !
M. Jean-Jacques Hyest. Parce qu’il est préférable que les intercommunalités dépassent un seuil minimal de population pour pouvoir réaliser – dois-je vous le rappeler, monsieur le rapporteur ? – des actions dans les domaines, notamment, du développement économique et de l’aménagement du territoire.
Il est incohérent de laisser hors du champ d’une intercommunalité des compétences de services tout en prônant un abaissement du seuil. Pour ma part, je suis opposé à cet abaissement de seuil, sauf exceptions.
Mme Nicole Bricq. Lesquelles ?
M. Jean-Jacques Hyest. S’il faut donner la possibilité à la CDCI de se prononcer, pourquoi pas ? Mais cela doit, à mon sens, s’appuyer véritablement sur des motifs d’intérêt général.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est dans notre texte !
M. Jean-Jacques Hyest. Sinon, il ne sert à rien de maintenir des intercommunalités qui ne sont pas viables
Mme Nicole Bricq. Nous sommes d’accord !
M. Jean-Jacques Hyest. Je me félicite, madame Bricq, de vous voir ainsi opiner, car vous aussi connaissez des cas précis.
Mme Nicole Bricq. Les mêmes que vous ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Nous voilà revenus en Seine-et-Marne !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, laissez M. Hyest s’exprimer ; lui seul a la parole.
M. Jean-Jacques Hyest. Il importe, ensuite, de régler le problème des pouvoirs de police spéciale en matière de déchets ménagers. Le sujet est assez compliqué, je dois l’avouer, car nous avons pris différentes positions au fil du temps. Faut-il revenir au choix initial ? Cela mérite d’être discuté, mais convenons que la question est tout de même limitée.
Il s’agit encore, bien sûr, de se préoccuper de l’aménagement des délais, pour permettre une meilleure concertation au sein de la CDCI.
Il convient aussi, c’est vrai, de traiter du cas des îles.
Il ne faut pas oublier, enfin, la clause de « revoyure », sur laquelle nous pouvons discuter et peut-être permettre la poursuite du débat à l’Assemblée nationale.
Dans la mesure où tel n’est pas votre objectif et où vous entendez démontrer que toutes les lois votées par le Parlement, alors que le Sénat avait bien travaillé sur le thème de l’intercommunalité, sont nulles et non avenues, vous comprendrez que nous ne pouvons que nous opposer à une telle posture,…
Mme Nicole Bricq. Non, nous ne le comprenons pas !
M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout, même !
M. Bruno Sido. Mais si !
M. Jean-Jacques Hyest. … bien éloignée de ce que préconisait le président Bel dans le discours prononcé à l’occasion de sa prise de fonctions. Nous verrons bien ce qu’il adviendra lors du débat.
M. Jean-Pierre Sueur. Il ne s’agit que de mesures simples et pratiques !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, mes chers collègues, nous ne pouvons que rejeter ce qui remet en cause l’essentiel de l’architecture de la loi de 2010 sur l’intercommunalité. Mais nous sommes prêts, et nous l’avons prouvé en déposant des amendements, à discuter sur les points susceptibles de nous rassembler ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc de nouveau conduits à débattre de la réforme territoriale. S’il est vrai que, dans sa partie intercommunale, celle-ci avait recueilli un accord assez large au Parlement, sans toutefois que l’on puisse parler de consensus, il n’en demeure pas moins que, dans les territoires, elle a donné lieu à des interrogations, voire à des inquiétudes.
M. Roland Courteau. C’est le moins que l’on puisse dire !
Mme Jacqueline Gourault. Comme un certain nombre de mes collègues, je viens de faire campagne pour les élections sénatoriales.
Mme Nathalie Goulet. Ouf !
Mme Jacqueline Gourault. Hormis les angoisses sur la situation de l’emploi et de l’endettement de la France, le sujet de l’intercommunalité était le premier à être abordé par les élus de mon département.
Mme Nathalie Goulet. Comme dans le mien !
Mme Jacqueline Gourault. Dès le mois de juin, j’avais alerté le Gouvernement, et vous en particulier, monsieur le ministre, vous l’avez vous-même rappelé tout à l’heure, sur la nécessité de procéder à des ajustements sur la loi de décembre 2010, afin d’en faciliter l’application et ce faisant de répondre positivement aux préoccupations des élus.
Et je dois dire que j’ai fait campagne sur un mode très optimiste, expliquant qu’il ne fallait pas s’inquiéter, par exemple, de la limitation du nombre de vice-présidents, puisque le Gouvernement était d’accord provisoirement - j’insiste sur le terme en réponse à M. Hyest - pour ne l’appliquer qu’à partir de 2014. Il s’agissait non de revenir sur la loi, mais simplement de l’appliquer de façon transitoire.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
Mme Jacqueline Gourault. Cette campagne, je l’ai donc faite très tranquillement, parce qu’un autre texte était prévu, sans avoir encore été inscrit à notre ordre du jour, je veux parler du fameux projet de loi n° 61, c’est-à-dire le texte relatif notamment au mode de scrutin pour l’élection des conseillers municipaux et au statut de l’élu. Nous aurions ainsi disposé d’un véhicule législatif pour procéder à nos ajustements.
Je regrette infiniment que le Gouvernement ait pris la décision de ne pas inscrire ce texte à l’ordre du jour parlementaire !
Monsieur le ministre, cette solution aurait eu trois avantages. D’abord, vous auriez rassuré les élus, qui étaient également très inquiets quant au mode de scrutin pour les élections municipales et trouvaient beaucoup trop bas le seuil de 500 retenu dans le projet de loi du Gouvernement. Or, je le sais, vous étiez d’accord pour le relever. Mais vous ne pourrez pas le faire puisque, pour l’instant, il n’y a plus la loi. À mon avis, c’est une erreur !
Ensuite, on aurait pu y intégrer les données de la très intéressante proposition de loi de notre collègue Bernard Saugey, qui comporte plusieurs dispositions sur le statut de l’élu.
Enfin, monsieur le ministre, vous auriez « eu la main ». Alors que là, faute de projet de loi n 61, le Parlement, qui a besoin de légiférer, parce qu’il faut naturellement répondre aux élus, le Parlement, donc, a dû lui-même prendre l’initiative de déposer des textes, la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur, au Sénat, et celle de Jacques Pélissard, à l’Assemblée nationale.
Évidemment, on peut toujours regretter le trop ou le pas assez. Mais que n’avez-vous pris l’initiative de poursuivre le débat parlementaire que vous aviez entamé ! Je pense que c’est une erreur stratégique de la part du Gouvernement !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. C’est pourquoi nous nous opposerons au renvoi à la commission. Notre groupe est, en effet, toujours favorable à la discussion, laquelle permet de faire évoluer les textes, d’où qu’ils viennent.
Le texte initial de la proposition de loi de notre collègue M. Jean-Pierre Sueur a été largement modifié en commission. Il comprend un certain nombre d’amendements auxquels nous avons été très sensibles. Je pense, notamment, au report après 2014 de l’application des dispositions relatives au nombre de vice-présidents et de délégués ; je pense aussi à la possibilité de créer de nouveaux syndicats.
Cela m’amène à revenir à ce qui a été dit par M. Hyest. La possibilité de créer de nouveaux syndicats à la suite d’une fusion - entre une commune rurale et une communauté plus grande, souvent une communauté d’agglomération -, évite de redonne aux communes des compétences, en matière scolaire, notamment. Cela me paraît très important. En tout cas, en élue du terrain, je salue cette disposition pragmatique.
Il en va de même en ce qui concerne les compétences sociales. Mon collègue Yves Détraigne a, d’ailleurs, déposé un amendement visant à ajouter la petite enfance, amendement qui a reçu ce matin un avis favorable de la commission.
Reste posé le problème du financement, mes collègues Henri Tandonnet et Jean-Jacques Lasserre y reviendront.
Deux autres sujets étaient pour nous primordiaux, le calendrier et la perte du pouvoir d’amendement de la CDCI à partir du 1er janvier 2012, l’un et l’autre étant d’ailleurs liés.
Je me permets de m’arrêter sur un point que personne n’a relevé depuis le début de la discussion : la date du 31 décembre 2011 concerne le projet de schéma, mais, à partir du 1er janvier 2012, le droit d’amendement de la CDCI n’existe plus. (Murmures sur les travées de l’UMP) C’est écrit noir sur blanc dans la loi !
Par ailleurs – et je suis tout à fait à l’aise pour le dire, car je me suis battue au Parlement sur ce point ! - le préfet aura, dès le premier trimestre 2013, des pouvoirs exceptionnels.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
Mme Jacqueline Gourault. Il faut tout de même le rappeler ! Il apparaît, en effet, que ce texte était contraint sur un certain nombre de points et méritait donc qu’on y revienne.
J’ai pris acte, monsieur le ministre, de la lettre du Premier ministre. Mais une lettre, c’est une lettre, et une loi, c’est une loi, jusqu’à preuve du contraire !
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
Mme Jacqueline Gourault. Au vu du nombre de propositions de loi déposées – je pense à celles de Mmes Goulet, Férat et Létard, à la proposition de loi de M. Lecerf - il y a là un vrai sujet !
Tout l’enjeu est donc de ne pas freiner ceux qui sont prêts…
Mme Jacqueline Gourault. … et de donner du temps à ceux qui en ont besoin (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Le calendrier modifié par la commission des lois ne retarde pas le terme du processus actuellement en cours, fixé au 1er juin 2013.
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !
Mme Jacqueline Gourault. Le temps de la concertation est donc respecté.
En ce qui concerne les schémas en cours qui sont consensuels et qui comportent des projets prêts à démarrer, la CDCI pourrait les adopter sous la forme de proposition finale de schéma avant le 31 octobre 2012, sans procéder à d’autres consultations.
Les communes qui seraient prêtes pourraient donner leur accord, à la majorité qualifiée, aux propositions et les préfets pourraient prendre les arrêtés nécessaires.
Je voudrais m’arrêter à cet instant sur une idée qui m’est venue en écoutant les orateurs qui m’ont précédée.
M. le président. Ma chère collègue, il va être temps de conclure !
Mme Jacqueline Gourault. Quel dommage !
Je suis vice-présidente d’une communauté d’agglomération, celle de Blois, qui va fusionner au 1er janvier 2012 avec une communauté rurale voisine. Pourquoi cette date ? Parce que les réflexions ont été très rapides et les élus, très demandeurs. C’est dire que, pour ceux qui veulent fusionner vite, il y a toujours le droit commun, cela existe !
C’est d’ailleurs la deuxième fusion de communautés d’agglomération que je vais vivre à Blois. Au fond, personne n’est arrêté dans sa volonté de fusionner, sur notre territoire !
Puisque le temps m’est compté, j’en viens directement à ma conclusion pour dire à M. le ministre, dans le prolongement de mon propos initial, que je ne sais pas très bien quel sera l’avenir de la proposition de loi dont nous discutons. Elle a le mérite de répondre aux questions que se posent les élus de terrain. Il en va d’ailleurs de même pour le texte de M. Pélissard, président de l’Association des maires de France.
Je me permets donc de vous suggérer, monsieur le ministre, de bien vouloir organiser le plus rapidement possible une discussion commune.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est le bon sens !
Mme Jacqueline Gourault. Certes, le calendrier parlementaire est serré et l’ordre du jour chargé. Mais pourquoi ne pas répondre vite, comme vous l’avez fait dans d’autres cas, à ce que notre collègue Jean-Pierre Raffarin appelle « la République des territoires » ?
L’intercommunalité est une réalité de la vie locale. L’objectif de la loi de 2010 est, à de rares exceptions, partagé par de nombreux élus. Mais il faut aussi écouter le terrain, et l’on y réclame l’introduction de garanties pour les élus des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l’UCR, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour le groupe CRC, cette proposition de loi, déposée par Jean Pierre Sueur, par ailleurs président de notre commission des lois, est doublement symbolique. Nous souhaitons, en effet, y voir, d’abord, la marque d’une volonté d’aller vers l’abrogation totale de la réforme des collectivités locales.
Nous nous réjouissons d’une telle perspective. En effet, nous n’avons jamais cessé d’agir contre l’adoption de cette mauvaise loi qui n’a rien à voir avec un vrai projet de coopération intercommunale !
Depuis, nous voulons contribuer à l’abrogation de cette réforme emblématique du Gouvernement, réforme que nous jugeons contraire à la décentralisation. Elle vise, en effet, à mettre aux pas l’ensemble des élus locaux et à susciter, à terme, la disparition des communes et des départements, leur « évaporation », comme avait pu le dire l’ancien Premier ministre Edouard Balladur.
Aussi, au cours des élections sénatoriales, nous avons mené campagne, sans ambiguïté, contre cette réforme. Et nous savons que nos collègues de gauche, voire un peu au-delà, ont aussi été de ce combat pour porter cette exigence d’abrogation.
C’est, chacun le reconnaît aujourd’hui, l’un des motifs majeurs à l’origine de ce basculement à gauche de la Haute Assemblée même si, à l’écoute du débat de cet après-midi, certains semblent ne pas avoir entendu complètement ce message.