M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame Beaufils, vous souhaitez qu’il soit procédé à une consultation des associations représentatives des élus locaux en cas de relèvement de la garantie.
Il est vrai que les collectivités sont concernées au premier chef – nous ne le nierons pas – par le dispositif de l’article 4. Je comprends donc que la consultation de leurs représentants puisse se justifier. Toutefois, pour que votre amendement soit efficace, je vous suggère de le rectifier et de substituer à la consultation des associations celle du Comité des finances locales. En effet, cet organisme est appelé à se prononcer plus souvent. Il constitue l’instance adéquate, me semble-t-il.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. J’apporterai deux éléments de réponse.
Tout d'abord, j’évoquerai la question du plafond de la garantie, pour rappeler que, en tant que ministre de l’économie, je n’accorde cette dernière au nom de l’État que sous le contrôle du Parlement. Pour procéder à un relèvement du plafond, il faudra donc une autorisation législative.
Ensuite, je partage l’avis de Mme la rapporteure générale, même si je n’arrive pas à la même conclusion qu’elle. Ce texte est soumis au Parlement, donc au Sénat. Or c’est la Haute Assemblée qui assure le plus haut degré de représentation des collectivités territoriales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes les principaux et les plus hauts représentants de ces collectivités. Votre légitimité est supérieure à celle des associations d’élus locaux, quelles que soient par ailleurs leur qualité et leur représentativité, notamment parce que vous avez reçu l’onction du suffrage universel indirect, de surcroît fort récemment pour ce qui concerne l’actuelle majorité de cette assemblée.
Cette réalité justifie pleinement, me semble-t-il, qu’une consultation obligatoire des élus locaux ne soit pas prévue dans la loi.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement. Toutefois, si le Sénat, qui est suffisamment représentatif, souhaite encore élargir la base de sa représentativité, le Gouvernement en prendra acte.
M. le président. Madame Beaufils, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme la rapporteure générale ?
Mme Marie-France Beaufils. Oui, j’accepte tout à fait que le Comité des finances locales soit substitué aux associations représentatives des collectivités territoriales.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et qui est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Tout relèvement éventuel du plafond de garantie fait l’objet d’une consultation du Comité des finances locales.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, le Comité des finances locales est un outil de consultation dont nous nous sommes dotés pour traiter de nombreux sujets relatifs au financement des collectivités territoriales.
J’ai même cru comprendre que, dans le cadre de la prochaine loi de finances, vous solliciteriez de nouveau le Comité des finances locales à propos de certaines répartitions sur lesquelles nous n’avions plus d’interventions dans la période récente. Cela signifie donc bien que, pour vous aussi, le CFL est doté d’une certaine légitimité sur toutes les questions relatives aux collectivités territoriales.
Il s'agit tout de même ici de la garantie des prêts de collectivités territoriales particulièrement fragilisées par les emprunts qui ont été consentis par Dexia, mais aussi, je le répète, par d’autres établissements. La situation est suffisamment délicate pour que le Comité des finances locales soit consulté.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, cet amendement vise un éventuel ajustement à la hausse du plafond de la garantie. À votre avis, y a-t- il un risque que cette éventualité se réalise ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre. Il ne faut jamais dire jamais, dans ce métier, mais ce n’est pas l’une de nos hypothèses majeures…
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dexia Crédit Local SA et l’ensemble de ses filiales s’engagent à dresser un état complet des procédures en cours contentieuses ou amiables qui les opposent aux collectivités territoriales en raison d’emprunts toxiques contractés, et à le fournir aux commissions parlementaires compétentes avant le 31 décembre 2011.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, si vous m’y autorisez, je défendrai en même temps les amendements nos 10 et 11, que j’ai déjà évoqués ensemble lors de ma prise de parole sur l’article 4.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 11 qui, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
- Avant le 31 décembre 2011, DEXIA SA devra fournir au Parlement un état précis des prêts structurés dits de pente ou de courbe avec effet de levier commercialisés sur le territoire national depuis 2007.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’obtenir un état des lieux exact du nombre d’emprunts toxiques et de prêts structurés qui ont été souscrits. En effet, si l’on veut soutenir efficacement les communes, les collectivités qui les ont contractés, il faut pouvoir mesurer l’ampleur du phénomène.
La commission d’enquête de l’Assemblée nationale est au travail, mais nous n’avons pas l’équivalent au Sénat. C'est pourquoi je souhaite qu’un état des lieux complet soit communiqué au Parlement, tant sur les emprunts toxiques que sur les produits structurés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’amendement n° 10, madame Goulet, pose trois problèmes.
Tout d'abord, il est déséquilibré : je reconnais l’avocate sous la sénatrice, puisque ces amendements reviennent en fait à contraindre le Parlement à tirer son information de l’une des parties à des procédures judiciaires en cours…
Ensuite, il est imprécis : on ne sait pas trop ce que veut dire « état des procédures » : s’agit-il d’une simple liste nominative ? Cet état doit-il mentionner l’ampleur des demandes des parties ? Comment gère-t-on les issues données à ces procédures ? Je m’en tiens là.
Enfin, et surtout, cet amendement pourrait se révéler préjudiciable aux collectivités territoriales qui sont en conflit avec Dexia. Il y en avait huit, je crois, mais un dossier a été tranché, il n’en resterait donc plus que sept.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Bref, il s’agit d’une petite dizaine de cas.
On donnerait ainsi, sans avoir leur accord, une certaine publicité aux difficultés que rencontrent ces collectivités. Or je ne pense pas qu’elles aient besoin d’être stigmatisées.
Je rappelle que la publication, dans un journal du matin, à partir, nous a-t-on dit, d’un vol commis chez Dexia, d’une liste de collectivités possédant des produits structurés, dont tous n’étaient pas toxiques, a été très mal ressentie par les collectivités citées. Du reste, Dexia a été contrainte de publier un démenti.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Goulet, les amendements sont-ils maintenus ?
Mme Nathalie Goulet. Vous le reconnaîtrez, l’intention était louable, mais je conçois que la rédaction puisse être jugée imprécise : nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour travailler sur le sujet.
Si nous sommes en train de régler le problème de Dexia, un certain nombre de collectivités demeurent dans une situation extrêmement difficile. Ces deux amendements visaient à mieux cerner l’ampleur des dégâts. Toutefois, j’admets volontiers qu’ils sont imprécis et méritent d’être retravaillés ; je les retire donc.
M. le président. Les amendements nos 10 et 11 sont retirés.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
V. – Le conseil d’administration ou le directoire d’un établissement de crédit à l’égard duquel l’État s’est financièrement engagé, directement ou indirectement, par la souscription de titres ou l’octroi de prêts ou de garanties ne peut pas décider :
a) l’attribution d’options de souscription ou d’achat d’actions ou d’actions gratuites aux président du conseil d’administration, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du conseil d’administration ou du directoire, président du conseil de surveillance ou gérants de cette société dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186-1 et L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce ;
b) l’attribution ou le versement d’éléments de rémunération variable, d’indemnités et d’avantages indexés sur la performance, ainsi que de rémunérations différées à ces mêmes personnes ;
c) le versement d’un dividende.
Ces dispositions s’appliquent à compter du 1er janvier 2011 et aux exercices au cours desquels l’établissement de crédit a bénéficié d’un engagement financier de l’État.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. J’ai suffisamment insisté sur cet amendement lors de la discussion générale pour me dispenser à cette heure de longs développements.
Il s’agit d’imposer des contreparties financières aux établissements de crédit qui bénéficient du soutien de l’État. Dexia n’est pas seule concernée, je le rappelle, mais sont visées ici toutes les banques qui seront soutenues grâce à un effort public.
Cet amendement a un spectre large, monsieur le ministre. Il concerne non seulement toutes les formes de rémunération variable, mais en outre – je le précise, afin de ne pas vous prendre en traître – les dividendes. J’attendrai donc que vous ayez exprimé l’avis du Gouvernement sur cet amendement, qui nous paraît essentiel, pour vous répondre.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Cette ou ces conventions excluent, sur leur durée de mise en œuvre, tout versement de dividende aux actionnaires des entités définies au I et au II.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement, tout comme le suivant, porte sur la rémunération des dirigeants et actionnaires de Dexia pendant la durée de l’opération de redressement-défaisance.
Dans un souci de cohérence, et avec votre autorisation, monsieur le président, je défendrai ensemble les deux amendements nos 4 et 5, car ils reprennent pour partie les préconisations formulées par la commission des finances, et plus précisément l’amendement n° 3 que Mme la rapporteure générale vient de présenter.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 5 qui, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces conventions prévoient expressément qu’aucune rémunération sous forme d’attribution d’actions gratuites, d’indemnités différées ou fondée sur la performance des entités visées au I et au II ne peut être versée aux membres des conseils d’administration, des conseils de surveillance de ces mêmes entités.
Veuillez poursuivre, madame Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Comme son nom l’indique, le plan de redressement a pour objet de permettre le redressement effectif de Dexia. Celui-ci passera notamment par une réduction sensible de la voilure, si vous me permettez l’expression ; c’est la condition impérative, nous dit-on, du redressement à court terme de la situation financière de l’établissement, mais aussi de sa pérennité à moyen et long terme.
Nous ne pouvons évidemment pas accepter que les bénéfices, quels qu’ils soient, puissent être utilisés à autre chose qu’à la consolidation des fonds propres de Dexia SA.
Nous considérons donc inacceptables le versement de rémunérations anormalement élevées à quelques dirigeants ou cadres spécialisés réalisant certaines opérations, ou la remontée de dividendes jusqu’aux actionnaires de Dexia.
Il faut consolider les fonds propres de Dexia et restaurer la confiance en son titre, que les mésaventures boursières de l’établissement ont gravement affaibli. Il faut également être très attentif : vous le savez comme moi, nous sommes actuellement en train de vendre les actifs les plus intéressants de Dexia. Par exemple, sa filiale turque, DenizBank, est sur le point d’être cédée. Ces actifs seront probablement rachetés à bonne valeur, mais peut-être à une valeur tout de même inférieure à celle qu’ils auraient pu atteindre dans une période plus favorable.
On nous a dit que, dans le cadre du plan de redressement, un certain nombre de salariés allaient subir les conséquences de ces rachats multiples. Le groupe compte tout de même 35 000 salariés, et nous ignorons combien resteront en activité à l’issue des restructurations. Il ne peut donc être question de gager des dividendes, des retraites chapeau ou des stock-options sur la perte d’emploi des salariés. Il faut donc se prémunir contre ce risque.
C’est l’une des raisons pour lesquelles je demande la mise en place de dispositifs interdisant toute rémunération excessive des actionnaires ou de l’encadrement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 4 et 5 ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’amendement n° 3 – vous en conviendrez probablement, madame Beaufils – a une portée plus large. Je vous demande donc de vous y rallier et je m’engage à m’expliquer plus avant une fois que j’aurai entendu l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements en discussion commune ?
M. François Baroin, ministre. Madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, l’amendement n° 3 tend à interdire à une banque qui reçoit le soutien de l’État d’attribuer des stock-options, bonus ou retraites chapeau, ou encore de verser des dividendes.
Nous sommes d’accord sur le fond. Le Gouvernement avait d'ailleurs pris, en mars 2009, un décret dont l’objectif était similaire, puisqu’il visait à limiter les rémunérations des dirigeants d’entreprises aidées par l’État. Ce dispositif, aujourd'hui éteint, a bien fonctionné : il a été intégralement respecté. Nous pensons comme vous – ce qui est logique, puisque nous avons nous-mêmes conçu et mis en œuvre ce dispositif – qu’il serait intéressant de le reconduire si jamais d’autres entreprises venaient à être aidées par l’État.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est prêt à prendre l’engagement, devant votre assemblée, de présenter à votre commission des finances, lors des travaux relatifs au projet de loi de finances pour 2012, un dispositif réglementaire complet, qui ira totalement dans le sens de l’amendement déposé par votre rapporteure générale.
S'agissant de Dexia, je me permets d’apporter quelques codicilles à votre réflexion, pour une bonne lecture des faits.
Les dispositions législatives que vous proposez ne s’appliqueraient pas, en réalité, aux principaux dirigeants du groupe, puisque ceux-ci sont des mandataires sociaux de la holding Dexia SA, qui est une société belge. La cible serait donc manquée.
Le Gouvernement vous propose d’encadrer – c’est la moindre des choses – les rémunérations versées et les dividendes distribués par Dexia, au travers des conventions de garantie. Il s’agit là d’une avancée complémentaire.
J’ajoute, pour être exhaustif, que Dexia a indiqué qu’aucune rémunération variable ne serait distribuée aux membres du comité de direction pour l’année 2011. Quant aux mandataires sociaux, ils n’ont reçu aucune stock-option depuis l’entrée des États belge et français au capital de l’entreprise.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Si nous sommes d’accord, monsieur le ministre, pourquoi ne pas l’inscrire dans la loi ?
L’amendement n° 3 repose sur un principe de responsabilité : quand on prend des décisions pour une entreprise, on assume ses choix ; quand on fait des erreurs, on les paie. C’est simple !
Cet amendement s’inscrit en outre dans la continuité des travaux de la commission des finances. M. Marini a évoqué tout à l'heure l’amendement de M. Arthuis sur les rémunérations, qui avait été débattu dans notre assemblée en 2009. Son adoption avait été obtenue de haute lutte : il avait fallu la réunion d’une commission mixte paritaire, qui constitue le seul moment où les parlementaires ont véritablement la responsabilité de leurs choix,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Sans le Gouvernement !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … à l’abri du Gouvernement.
Cela avait donné lieu à une remontée de la part de nos collègues députés. Il avait fallu batailler longuement, et parfois dans une certaine confusion, pour arriver au résultat.
Nous sommes peut-être d’accord sur le fond, monsieur le ministre, mais j’ai tout de même le souvenir de cette bataille, une bataille qui a honoré le Sénat.
Vous avez fait mention du décret de mars 2009, mais reste le problème des contrats de droit privé en cours. Dans la mesure où nous vous proposons de légiférer pour l’avenir, cet argument n’est pas recevable.
Je veux également faire un bref rappel à propos des dividendes.
La distribution de dividendes a un effet contracyclique. Des investisseurs sérieux peuvent tout à fait comprendre que l’objectif, en période plus faste, soit d’abord de renforcer les fonds propres plutôt que de distribuer des dividendes aux actionnaires. C’est un argument de bon sens.
En revanche, je ne veux pas les stigmatiser, mais il faut que les banques comprennent que l’on ne peut pas repartir comme avant. C’est pourtant ce qui s’est passé après 2008, et tout est allé très vite. Permettez-moi de citer quelques chiffres éclairants.
En 2009, la Société Générale a porté son dividende par action de 90 centimes à 1,20 euro, alors que son coût du risque augmentait et que nous étions à peine sortis de la crise. En 2010, le dividende de l’action Société Générale a baissé, mais cela reflétait l’évolution du bénéfice.
En 2010, BNP Paribas a versé un dividende de 1, 50 euro, soit une progression de 50 %, et Dexia un dividende en actions de 20 centimes correspondant à un rendement de plus de 50 %, soit le rendement le plus élevé parmi les banques alors cotées à Paris.
Ces exemples concrets n’appartiennent pas à un passé si lointain, monsieur le ministre.
Sans être un avertissement, l’amendement que la commission des finances a adopté a pour objet d’empêcher que ne se reproduise, en cas de soutien public, ce qui s’est produit entre 2008 et 2010. Chacun se souvient qu’après la chute de Lehman Brothers et la grande peur qui s’est ensuivie, dès qu’il n’y a plus eu de soutien public, tout a repris comme avant : en somme, business as usual. Eh bien, non ! Ce n’est plus possible ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote sur l'amendement n° 3.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Sur le fond, étant personnellement choquée par la pratique des retraites dites « chapeau », qui d’ailleurs constituent ou pas des éléments de rémunération différée, en même temps que convaincue qu’il faut obtenir des engagements éthiques de la part des banques, je pourrais parfaitement adhérer à plusieurs des éléments contenus dans l’amendement présenté par Mme Bricq au nom de la commission des finances.
En revanche, sur la forme, je trouve beaucoup de défauts à cet amendement, notamment des erreurs de qualification juridique s’agissant des organes de gouvernance, mais aussi des omissions.
Ainsi, j’ai cru comprendre que le texte proposé pour le paragraphe a) devait viser tous les organes de gouvernance de sociétés anonymes. Or il manque les membres du conseil de surveillance.
Je relève une erreur : il convient de supprimer, parmi les personnes concernées, les gérants, car il n’y a pas un tel mandat dans les sociétés anonymes.
S’agissant du paragraphe c), je fais observer qu’il appartient à l’assemblée générale de décider du versement de dividendes, et non pas au conseil d’administration ou au directoire. Ces deux derniers organes ne peuvent que proposer à l’assemblée générale de voter en faveur de la distribution.
Je m’interroge par ailleurs sur plusieurs points.
En premier lieu, le champ d’application de cet amendement me semble trop large. Sont visés les engagements, directs ou indirects de l’État, par la souscription de titres ou l’octroi de prêts ou de garanties. Or les engagements de ce type peuvent être pris hors période de crise.
En deuxième lieu, il est prévu dans l’amendement que ces dispositions s’appliquent à compter du 1er janvier 2011, ce qui ne me paraît pas envisageable. Elles ne devraient en effet trouver à s’appliquer qu’à compter de la mise en œuvre du soutien public et pendant la durée de celui-ci, et, en tout état de cause, seulement après l’entrée en vigueur de la loi.
En troisième lieu, quid des engagements passés pris par la société « aidée », notamment lorsqu’ils ont été retranscrits dans des contrats de travail, comme c’est le cas aujourd’hui s’agissant des dirigeants visés, par exemple en matière de rémunération variable ou de plans de stock-options déjà mis en place ?
Cela fait beaucoup d’observations – de forme, j’en conviens – sur un amendement qui, certes, a été rédigé dans des délais très brefs, mais je ne pouvais pas ne pas le signaler.
Même si, sur le fond, je le redis, je suis assez d’accord pour que des engagements éthiques soient demandés aux banques, je considère sincèrement, madame Bricq, que le présent projet de loi de finances rectificative n’est pas le bon véhicule pour cet amendement,…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Et quel serait le bon, alors ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. ... un amendement qu’en tout état de cause il faudrait affiner. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Je voterai cet amendement.
D’abord, je veux remercier Philippe Marini et Nicole Bricq d’avoir rappelé le débat que nous avons eu, ici même, en 2008, précisément sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui. De quoi s’agit-il ? Des établissements financiers sont, à un moment donné, en risque de défaut, c'est-à-dire de cessation de paiement.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Jean Arthuis. Pour faire face à ce risque systémique, on fait appel à l’État, qui, on l’a vu en 2009, est devenu l’« assureur systémique » : on ne laisse pas « tomber » une banque pour éviter la propagation de la crise à l’ensemble de la société, et l’État apporte donc son appui.
Dans de telles circonstances, il est très important d’adresser, dans ce texte, un signal aux dirigeants comme aux actionnaires, Dexia fournissant un cas pratique dont nous devons tirer tous les enseignements.
Comme le dit Marie-Hélène Des Esgaulx, qui, je le note, est d’accord sur le fond,…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous le sommes tous !
M. Jean Arthuis. … la rédaction de l’amendement est perfectible. Or, comme le Sénat votera in fine un texte différent de celui de l’Assemblée nationale, il y aura réunion d’une commission mixte paritaire. D’ici là, nous devrions être en mesure d’améliorer la rédaction de l’amendement pour répondre aux critiques que notre collègue a formulées.
Pour ma part, je l’ai dit, je voterai cet amendement et je crois pouvoir dire que mes collègues du groupe de l’Union centriste et républicaine le voteront également.
M. le président. La parole est à M. François Trucy, pour explication de vote.
M. François Trucy. Je voterai également l’amendement n 3, tout simplement parce que c’est un amendement de moralité : d’une part, quand il y a erreur, il faut qu’il y ait sanction ; d’autre part, je constate une certaine impudence de la part de ces professionnels depuis quelques années.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Monsieur le ministre, vous évoquez le décret de 2009 relatif aux conditions de rémunération des dirigeants des entreprises aidées par l'État ou bénéficiant du soutien de l'État du fait de la crise économique et des responsables des entreprises publiques.
Je commencerai par relever qu’il y a de multiples façons de contourner un dispositif dont la durée d’application est limitée dans le temps ; je pense notamment aux rémunérations différées ou étalées dans le temps. Toute entreprise qui voudrait échapper à des dispositifs de ce type sera donc tentée de le faire.
La proposition qui nous est soumise par Nicole Bricq, qui s’inscrit de façon suffisamment forte et dans les principes et dans le temps, me paraît donc susceptible d’éviter ces comportements déviants.
Cela étant dit, si j’ai tenu à expliquer mon vote, c’était surtout pour réagir aux propos de Mme Des Esgaulx, qui estime que cet amendement n’a pas sa place ici.
Pour ma part, je crois au contraire que, si nous n’introduisions pas un tel dispositif dans le présent projet de loi de finances rectificative, nous serions sans doute en tort, et certainement en contradiction avec nous-mêmes.
J’attire votre attention, mes chers collègues, sur une information en provenance d’AlphaValue, parue ce soir - elle sera reprise demain dans les quotidiens - sous le titre suivant : « Banques européennes : seules les rémunérations des patrons ne connaissent pas la crise ! » On apprend qu’en 2010 les actions des banques ont perdu 12 % de leur valeur, mais que les rémunérations ont, elles, augmenté de 12,5 %.
Dans le secteur bancaire, les rémunérations ont, de façon générale, connu une croissance bien plus importante que dans les autres secteurs d’activité, celles des cadres ayant augmenté, en France, de 44,8 % en 2010, à comparer à une diminution de 7 % en Allemagne et à une augmentation de seulement 8 % en Grande-Bretagne.
C’est une situation complètement incompréhensible pour nos concitoyens et j’estime que nous manquerions à notre mission de législateur si nous n’adoptions pas ce soir cette règle de moralisation tendant à un encadrement plus manifeste des rémunérations.
Encore une fois, la proposition de notre rapporteure générale doit absolument figurer dans le texte qui sortira de nos délibérations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)