M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Joël Labbé. Je suis citoyen du monde. Le territoire de la commune de Saint-Nolff, dont je suis maire, a été déclaré, par délibération du conseil municipal, territoire mondial. Lorsque les enjeux sont mondiaux, une gouvernance mondiale est nécessaire : il faudra bien qu’on y arrive !
M. Joël Labbé. Laissez-moi finir, monsieur le ministre, vous m’interrogerez ensuite ! (Rires.)
Je donnerai un seul exemple de ce qu’il ne faudrait plus voir dans nos ports : le déchargement de soja transgénique, production qui asphyxie l’agriculture vivrière brésilienne et contribue à la destruction meurtrière de milliers d’hectares de forêt primaire. Le politique doit reprendre la main face au monde de la finance et au marché. C’est une forme de révolution, souhaitée et acceptée par les populations, qu’il nous faut mettre en marche, ou plutôt une métamorphose, pour reprendre les termes d’Edgar Morin : « L’espérance éthique et politique est de construire plus et mieux qu’une révolution, une métamorphose. »
Aujourd’hui, l’espoir est là, palpable, d’une société enfin humaine, profondément humaine. « For the times they are a-changin’ », inexorablement… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme portuaire du Gouvernement, lancée en 2008, n’a pu enrayer le déclin des ports français, en particulier face à leurs concurrents européens. Pourtant, notre pays, avec ses 4 000 kilomètres de côtes, a les moyens de devenir un des plus grands acteurs portuaires européens. Permettre à nos ports de retrouver leur place dans le trafic maritime mondial des marchandises et de prendre la dimension qui leur revient est une nécessité ; cela ne pourra se faire qu’en modifiant la gouvernance actuelle de nos ports, sans oublier de pratiquer une gestion juste des personnels y travaillant.
Quel est le constat ? Les ports français sont aujourd’hui en perte de vitesse : avec 430 millions de tonnes en 2010, le port de Rotterdam, le premier du continent, traite aujourd’hui un tonnage supérieur à celui de l’ensemble des ports français réunis. La concurrence est particulièrement rude sur le marché des conteneurs : Le Havre, premier port français sur ce segment, a traité 2,35 millions de conteneurs en 2010, mais cela ne représente que 6 % du tonnage total des six premiers ports du range nord-européen, situés sur la côte européenne entre Le Havre et Hambourg. Le port normand n’occupe que la huitième place en Europe, bien loin derrière Rotterdam, qui traite 11,1 millions de boîtes, Anvers occupant la deuxième place, avec 8,5 millions de conteneurs, et Hambourg la troisième, avec 7,9 millions.
Or, le trafic maritime en mer du Nord et dans la Manche est particulièrement important. En 2005, près de 20 % du trafic mondial des navires déclarés passait par la Manche. Ce pourcentage a encore progressé depuis. Actuellement, nous le savons, la voie maritime est certes le mode de transport le moins polluant, mais si nous ne faisons rien pour enrayer l’augmentation du trafic dans la Manche et la mer du Nord, les risques d’accidents et de catastrophes environnementaux s’accroîtront considérablement dans cette zone. Notre responsabilité est engagée, à l’échelon non seulement français, mais aussi européen.
Certaines initiatives existent, mais leur temps de mise en œuvre est trop long. Les engagements pris lors du Grenelle de l’environnement pourraient nous permettre de limiter ces risques. La création des autoroutes de la mer répond ainsi à deux d’entre eux : elles permettront de désengorger les axes routiers, en offrant la possibilité d’un important report modal, et ce transfert réduira nos émissions de gaz à effet de serre.
J’entendais tout à l’heure un orateur se féliciter de l’ouverture de la ligne maritime Nantes-Saint-Nazaire-Gijón. Elle constitue certes un motif de satisfaction sur le plan des principes, mais il ne s’agit, en l’occurrence, que de cabotage amélioré, absolument pas d’une autoroute de la mer au sens où l’entendait le Parlement européen lorsqu’il a lancé cette belle idée. Néanmoins, c’est un début : nous pouvons donc, dans cette mesure, nous en féliciter.
Réduire le trafic en mer du Nord et dans la Manche n’est pas un objectif hors de portée.
Actuellement, du fait de l’incapacité des ports français à accueillir les navires marchands dans des conditions satisfaisantes, une part importante de nos importations transite par Rotterdam. Ainsi, on estime qu’entre un tiers et la moitié des conteneurs à destination de la France sont débarqués dans des ports étrangers.
Rendre nos ports plus compétitifs permettrait d’éviter que tant de navires en provenance du continent américain transitent par Rotterdam : à l’évidence, il serait plus logique, ne serait-ce que géographiquement, que ce soit les ports de Nantes-Saint-Nazaire ou de Bordeaux qui les accueillent.
Avec un trafic extérieur annuel de l’ordre de 30 millions de tonnes, Nantes-Saint-Nazaire est le premier port de la façade atlantique française. Il peine pourtant à attirer les navires, comme les autres ports français : bien que le trafic de conteneurs ait doublé dans notre pays entre 1989 et 2006, les parts de marché de nos ports ont été divisées par deux durant la même période.
Enfin, il est à noter que les ports du range nord-européen sont saturés en termes d’extension géographique, alors que le trafic maritime ne cesse de croître. En revanche, les grands ports maritimes français possèdent des réserves foncières tout à fait considérables. Notre pays dispose d’un réseau routier et, dans une moindre mesure, fluvial et ferroviaire assurant un bon maillage du territoire. Il n’est donc pas utopique de vouloir reprendre une place de premier plan à l’échelon européen. C’est important pour la France, mais aussi pour l’Europe, si nous voulons éviter une catastrophe maritime majeure.
Dans cette perspective, la gouvernance des ports doit être revue, afin de laisser une plus grande place aux collectivités territoriales, mais sans que cela entraîne un désengagement financier de l’État et en conservant impérativement la dénomination de port d’intérêt national.
Le mouvement de décentralisation des ports amorcé par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui ne concernait que les ports d’intérêt général, doit se poursuivre et s’étendre aux grands ports maritimes.
Une véritable modification de la gouvernance des établissements portuaires doit conférer une plus grande autonomie de décision aux conseils de surveillance en matière de définition des orientations et permettre une véritable implication des différents acteurs professionnels du secteur dans les diverses instances décisionnelles.
La mise en place de cette nouvelle gouvernance doit en outre s’accompagner d’une modification du mode d’intervention des collectivités territoriales. Aujourd’hui, lorsqu’elles veulent participer aux investissements portuaires, elles ne peuvent le faire que sous la forme de subventions publiques, sans jamais pouvoir récupérer les fruits des sommes investies. Bien entendu, cela n’est pas de nature à les inciter à prendre part au développement des ports ! Il serait souhaitable qu’elles puissent participer au financement des investissements portuaires au travers des sociétés de développement local, afin de pouvoir récupérer ensuite une partie de leur apport.
Cette forme de décentralisation est aujourd’hui nécessaire en vue d’une plus grande efficacité, comme a pu l’être, en d’autres temps, la dévolution de nouvelles responsabilités aux régions s’agissant des lycées ou aux départements s’agissant des collèges. Telle est l’ambition qui doit nous guider.
Toutefois, l’État doit poursuivre et renforcer son engagement financier au bénéfice des ports français. Après des décennies de « tout-routier et autoroutier », les projets présentés sont loin de constituer un rééquilibrage.
Sur le plan social, les négociations avec le personnel jouent un rôle essentiel dans la redynamisation de nos ports. En effet, à la suite des importants mouvements de grève qui ont été engagés contre la mise en place de la réforme portuaire de 2008, les escales d’un certain nombre de navires ont été déplacées vers des ports du nord de l’Europe. Cette situation, qui a touché la majorité des ports français, ne peut perdurer et doit être réglée de façon pérenne si nous voulons réellement que nos ports soient compétitifs aux échelons européen et mondial.
Les ports français ont des atouts. Ils bénéficient d’un personnel hautement qualifié, et leurs ouvriers dockers constituent une avant-garde. Avec des outillages adaptés, les personnels portuaires, notamment ceux de conduite, sauront être à la hauteur de leurs collègues des ports du nord de l’Europe. On constate que, avec des engins fiables, les cadences sont aussi bonnes chez nous qu’à Anvers ou à Rotterdam.
En conclusion, je rappellerai que l’avenir des ports français concerne aussi l’ensemble du continent européen, pour des raisons environnementales liées à la surcharge du trafic en Manche et en mer du Nord. Cet avenir dépend de l’adoption d’une meilleure approche, reposant sur une décentralisation de la gestion et sur l’engagement financier de l’État. Enfin, les objectifs évoqués ne pourront être atteints que si les aspects sociaux sont considérés comme prioritaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux d’être parmi vous aujourd’hui pour participer à ce débat sur la réforme portuaire, désormais achevée et qui doit à présent porter tous ses fruits. L’organisation d’un tel débat témoigne de votre intérêt pour l’avenir de nos ports, qui représentent un secteur vital de notre économie.
Je tiens, à cette occasion, à remercier chaleureusement de leur action le sénateur Charles Revet, rapporteur de la loi de 2008 et fervent soutien des ports français, ainsi que l’ensemble des membres du groupe de travail sur le bilan de la réforme portuaire.
C’est pour moi une réelle satisfaction de pouvoir affirmer aujourd’hui que la réforme portuaire engagée par la loi du 4 juillet 2008 est désormais effective dans tous ses volets. Elle constituait un moyen, et non une fin en soi. Je suis tout à fait conscient qu’il reste encore beaucoup à faire ; j’y reviendrai dans la suite de mon intervention. Pour l’heure, je pense que chacun des membres de votre sage assemblée conviendra qu’il est un peu tôt pour se forger un avis définitif sur une réforme qui n’est complètement entrée en application que depuis quelques mois.
Cette réforme constituait à mes yeux une priorité, car sa mise en œuvre était vitale pour permettre à nos ports de retrouver le rang qui leur revient dans le « peloton de tête » des principaux ports d’Europe. Comme l’a souligné André Trillard, cette réforme indispensable pour renforcer la compétitivité de nos grands ports maritimes face à une concurrence toujours plus forte des autres grands ports européens ne pouvait plus attendre.
L’exemple du port de Marseille est à cet égard tout à fait éclairant : le recul de ses parts de marché en Méditerranée, qui sont passées de 28 % en 1980 à 16 % en 2010, le relègue aujourd’hui au cinquième rang des ports européens, alors qu’il est certainement l’un des mieux placés et des mieux équipés d’Europe. Il était donc urgent de se ressaisir.
C’est pourquoi le Gouvernement s’est attaché â conduire cette réforme avec une détermination sans faille, en s’appuyant sur un dialogue permanent avec l’ensemble des partenaires sociaux, afin non seulement de donner aux acteurs portuaires les moyens nécessaires à la valorisation de leurs atouts, mais aussi d’attirer dans nos grands ports maritimes de nouveaux investissements créateurs d’emplois.
L’achèvement de cette réforme souligne clairement la volonté de l’État de mener, sur la durée, une politique maritime ambitieuse, dont le développement de nos ports est une composante essentielle.
Dans ce cadre, l’objectif de créer près de 30 000 emplois a bien évidemment constitué une puissante source de motivation, tant pour le Gouvernement que pour l’ensemble de la communauté maritime.
La réforme de 2008, désormais achevée, s’organisait, je le rappelle, autour de trois axes principaux : la modernisation de la gouvernance, l’instauration d’une coordination interportuaire et le transfert des outillages et des personnels de manutention portuaires au secteur privé.
La loi de 2008 a profondément refondé le système de gouvernance des ports français, en créant de nouveaux établissements publics, baptisés « grands ports maritimes », centrés sur leurs fonctions régaliennes et d’aménagement. Leur organisation repose désormais sur trois instances : un directoire, un conseil de surveillance resserré et un conseil de développement portuaire, qui associe davantage les acteurs économiques et les collectivités territoriales.
Les mesures réglementaires nécessaires à la mise en œuvre de ce premier volet ont été prises et publiées dans leur intégralité dans le délai de six mois suivant la publication de la loi. Ainsi, et je tiens à saluer ce fait, dès le premier trimestre de 2009, toutes les instances de gouvernance des grands ports étaient opérationnelles et l’ensemble de leurs projets stratégiques avaient été adoptés, après concertation approfondie avec les acteurs portuaires et les collectivités territoriales concernés.
La réforme a par ailleurs permis la mise en place d’une véritable coordination entre ports d’une même façade maritime. Les conseils de coordination interportuaire ont déjà commencé leurs travaux, à l’instar de celui de la vallée de la Seine, qui devrait ainsi recommander prochainement la création d’un groupement d’intérêt économique associant les trois ports du Havre, de Rouen et de Paris.
S’agissant des outillages de manutention, la loi du 4 juillet 2008 imposait aux ports de cesser de détenir ou d’exploiter directement ces équipements et de les transférer aux opérateurs privés dans un délai maximal de deux ans suivant l’adoption de leur projet stratégique. Le transfert des personnels concernés, au nombre de près d’un millier, devait donc être effectif à cette échéance, afin de permettre aux grands ports de se concentrer sur leurs missions d’aménageurs et aux entreprises de manutention d’assurer enfin la gestion unique de l’ensemble de leur personnel.
Enfin, la réforme en profondeur de l’organisation et du fonctionnement de nos ports, c’est aussi, et avant tout, une affaire d’hommes.
Comme vous le savez, le Gouvernement a engagé dès 2008 une négociation collective relative aux détachements de personnels. La dernière étape de la réforme concernait le transfert vers les entreprises privées des personnels de manutention encore employés par les établissements publics portuaires.
Ce volet social de la réforme demandait la remise à plat des conditions de travail, ainsi que la conclusion d’un accord sur les dispositifs de fin de carrière. Dans ce cadre, les partenaires sociaux avaient engagé dès la mi-2008, au niveau national, la négociation d’une convention collective nationale unique des personnels portuaires et des personnels de manutention. Durant cette négociation, le Gouvernement a toujours veillé à garantir un juste équilibre entre l’acceptabilité sociale du dispositif pour les salariés et sa soutenabilité économique et financière pour les ports et les entreprises de manutention.
Après trois ans d’échanges et de concertation, la nouvelle convention collective nationale unifiée « ports et manutention » a été signée par l’ensemble des partenaires sociaux le 15 avril 2011, et est entrée en vigueur le 3 mai 2011.
Elle représente une véritable avancée, notamment pour la reconnaissance de la pénibilité de certains métiers portuaires, puisqu’elle permet un dispositif de départ anticipé composé de deux volets : le premier, relatif à la « pénibilité », consiste en une anticipation de deux ans sur l’âge légal de départ à la retraite, après quinze ans de carrière ; le second, relatif à la « cessation anticipée d’activité », ajoute un an, par rapport au premier volet, pour les travailleurs ayant au moins dix-huit années d’ancienneté. Ce nouveau dispositif se cumule avec le dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, dans la limite de cinq ans, et avec les dispositions relatives à la pénibilité prévues par le régime général des retraites.
À compter de l’entrée en vigueur de cette convention, les premiers détachements de personnels sont donc devenus une réalité pour les ports de Dunkerque, de La Rochelle, du Havre, de Rouen et, partiellement, pour celui de Marseille, où les détachements se sont étalés tout au long du mois de mai 2011. Les derniers détachements de personnels sont intervenus le 10 juin dernier dans les ports de Bordeaux et de Nantes-Saint-Nazaire.
Au total, ce sont près de 880 agents grutiers et portiqueurs qui ont été détachés en un mois et demi auprès des entreprises de manutention, ce qui a marqué l’achèvement de la réforme portuaire.
Cette convention, madame Pasquet, sera bien étendue à l’ensemble des ports de pêche et de commerce, dès lors qu’ils sont maritimes. Les travaux sont en cours.
Il faut désormais que cette réforme porte ses fruits et soit pleinement exploitée par les acteurs concernés. La capacité des entreprises à tirer profit de leurs nouvelles marges de manœuvre pour répondre plus efficacement aux besoins de leurs clients sera, en ce sens, fondamentale. Il est toutefois un peu tôt, j’y insiste, pour émettre un jugement sur les effets réels de cette réforme, moins de cinq mois après sa pleine entrée en application.
Aujourd’hui, la moitié des marchandises qui arrivent en France par la mer sont débarquées dans un port étranger. Mon objectif, à moyen terme, est de faire revenir au moins 50 % de ce trafic dans les ports français. On ne peut en effet que déplorer que, à l’heure actuelle, le principal port de déchargement de conteneurs destinés à la France soit situé en dehors de nos frontières.
J’en viens aux indispensables mesures d’accompagnement de la réforme. En effet, si cette dernière est achevée, ses effets ne seront pas perceptibles à très court terme. Il est donc primordial de stabiliser le dispositif, en particulier sur les plans organisationnel et social.
Parallèlement, en concertation avec les professionnels et les entités publiques concernées, nous devons réfléchir à toutes les mesures qui permettraient de renforcer la compétitivité des ports français.
Dans mon esprit et dans celui des professionnels que j’ai pu rencontrer, il ne s’agit pas de lancer une nouvelle réforme, alors que nous attendons de celle qui est actuellement en vigueur qu’elle donne ses premiers résultats. Il s’agit d’arrêter une stratégie offensive de reconquête des parts de marché perdues à l’échelon européen et de consolider la dynamique portée par la réforme. C’est dans ce sens que Charles Revet, expérimenté sur les sujets maritimes et portuaires, a été mandaté par la commission de l’économie pour présider un groupe de travail chargé de formuler des propositions opérationnelles afin de renforcer la compétitivité des grands ports maritimes.
Le rapport du groupe de travail du mois de juillet dernier comporte quinze propositions qui s’articulent autour de quatre axes : élaborer une stratégie nationale pour nos ports, donner à l’État un rôle de coordonnateur et de facilitateur, garantir une desserte de l’arrière-pays des ports par le fer, le fleuve et la route, améliorer le fonctionnement des ports.
Je n’effectuerai pas une analyse exhaustive de ce rapport, lequel, je tiens à le souligner, est très complet. Je souhaite simplement, mesdames, messieurs les sénateurs, vous livrer quelques observations sur ses principaux axes et propositions.
S’agissant de l’élaboration d’une stratégie nationale pour nos ports, je tiens à rappeler que, dans le cadre de la réforme qui a été menée, le Gouvernement a demandé à chaque port d’adopter un projet stratégique ambitieux. Pour ce faire, nous avons investi près de 174 millions d'euros supplémentaires dans les ports via le plan de relance portuaire. L’État est donc redevenu le principal financeur public des grands ports maritimes.
Tous financements confondus, l’effort en faveur de nos ports représente aujourd’hui une enveloppe globale de près de 2,4 milliards d’euros d’investissements. Monsieur Navarro, nous avons pris la mesure de plus de vingt ans de laisser-aller.
Les nouveaux manutentionnaires qui ont été constitués dans le cadre de la réforme ont eux-mêmes investi, ce qui permet aujourd’hui la mise en place de deux portiques neufs à Fos, en complément du nouveau terminal 2XL, financé par la puissance publique.
J’ajoute que cette stratégie portuaire est résolument intermodale. Je vous remercie, monsieur Trillard, d’avoir cité l’autoroute de la mer Nantes-Gijón, qui est un bon exemple des engagements tenus du Gouvernement à la suite du Grenelle de la mer, et qui est aujourd’hui une grande réussite.
Par ailleurs, les collectivités locales sont désormais beaucoup plus étroitement associées à la gouvernance des grands ports maritimes, comme vous l’aviez souhaité, monsieur Revet, en votre qualité de rapporteur, au moment de l’examen de la loi de 2008. C’est une nécessité.
Au demeurant, je crois qu’il est dans l’intérêt des ports d’élargir leur champ d’action territorial au-delà de la région et même du territoire national. La réforme portuaire a été conçue pour offrir à nos ports des outils qui leur donnent les moyens de tenir leur rang dans la compétition européenne. Car c’est bien à cet échelon que se joue aujourd’hui leur destin, et c’est la raison d’être des projets stratégiques que d’éclairer ces enjeux en y associant, bien entendu, l’ensemble des acteurs concernés.
L’amélioration de leur compétitivité nécessite une stratégie d’aménagement de l’ensemble du territoire, ce qui ne peut être porté que par l’État. Ainsi, comme l’évoque Charles Revet, la coordination renforcée entre les ports de l’axe de la Seine, du Havre jusqu’à Paris, permettra, demain, de proposer une véritable offre logistique globale face aux ports concurrents étrangers.
Alors que la réforme portuaire vient d’être achevée, la priorité du Gouvernement est aujourd’hui d’en gérer les effets, notamment de prendre en charge la nouvelle organisation mise en place. L’État entend donc continuer à accompagner les grands ports dans leur rôle clé au service d’une politique d’aménagement globale, dont l’ambition ne doit pas s’arrêter à nos frontières administratives.
Quant aux propositions visant à recentrer l’État sur son rôle de coordonnateur et de facilitateur, elles nécessitent d’être étudiées en profondeur afin que leurs effets soient évalués. Je pense notamment à la simplification des procédures administratives, au recours à des procédures dérogatoires faisant appel à la notion de projets d’intérêt général ou encore à la modernisation de la réglementation en matière de desserte des parties maritimes des ports par des barges fluviales.
Le Gouvernement étudiera avec attention ces recommandations qui enrichissent les réflexions en cours sur les améliorations possibles en termes de procédures prioritaires et les actions d’ores et déjà menées en la matière.
À juste titre a également été évoquée la nécessité de poursuivre l’effort engagé pour lutter contre les discriminations en matière de régime de TVA à l’import des marchandises. Le Gouvernement va approfondir cette voie, car elle lui paraît essentielle pour la compétitivité des ports.
Votre rapport, monsieur Revet, insiste aussi sur la promotion du transport fluvial et du développement de dessertes multimodales de qualité des grands ports. Sachez que je partage entièrement cette analyse et que cet objectif est l’une des priorités du Gouvernement. Comme le rappellent également MM. Jean-Claude Merceron et Christian Bourquin, la bataille des ports se joue en effet d’abord à terre et repose sur une offre multimodale la plus attractive possible.
Aujourd’hui, près de 85 % des marchandises sont encore acheminées par la route, alors que, dans d’autres ports européens, cette part représente moins de 60 % du trafic traité. La desserte est un enjeu primordial, car elle permet l’ouverture du port vers son hinterland. C’est pourquoi elle représente l’une des principales composantes des projets stratégiques. Dès 2008, lorsqu’ils ont reçu en pleine propriété leur réseau de voies ferrées, les ports ont mobilisé une part substantielle de leurs crédits pour moderniser et électrifier leur réseau. L’investissement consenti devrait ainsi dépasser, à terme, plusieurs centaines de millions d’euros.
Je tiens d’ailleurs à souligner que Réseau ferré de France et la SNCF, représentés dans la quasi-totalité des conseils de surveillance, sont des interlocuteurs privilégiés des grands ports. Leurs relations sont formalisées par des conventions de partenariat et ils réalisent un travail en commun sur le terrain.
Enfin, je vous rejoins, monsieur Labbé, quant à la nécessité d’établir un lien entre grands ports maritimes et ports secondaires ou décentralisés. Les premiers doivent irriguer très profondément leur hinterland, mais tout en s’appuyant sur les seconds.
Bien évidemment, le transport fluvial doit aussi être encouragé. Le Gouvernement y attache une attention particulière, notamment dans le cadre de l’actuel plan de relance de la voie d’eau ainsi que dans la perspective du prochain débat, dans cette enceinte même, relatif au projet de loi prévoyant le changement de statut de Voies navigables de France. Ce texte entend doter cet établissement des moyens nécessaires à une meilleure gestion de notre infrastructure fluviale afin de répondre aux défis d’un transport plus massifié et donc plus durable.
À cet égard, je ne m’étendrai pas sur le projet de plate-forme multimodale au Havre ou sur le projet de canal Seine-Nord Europe, mais ils constituent autant de preuves de l’engagement du Gouvernement en faveur du transport fluvial.
Monsieur Labbé, certes, votre discours était empreint de sincérité, mais si un certain ministre écologiste n’avait pas bloqué la réalisation du canal Rhin-Rhône, aujourd'hui, le port de Marseille pourrait être desservi par la voie fluviale. Au-delà des belles déclarations, des vérités historiques doivent être rappelées !
M. Alain Gournac. La vérité est bonne à dire !
M. Thierry Mariani, ministre. Le nombre de camions circulant dans ma région serait moins important à l’heure actuelle si, à l’époque, certains avaient davantage pensé au Grenelle de l’environnement, à la planète, qu’à une circonscription, qu’ils ont quittée quelques mois plus tard !
Le transport fluvial n’a donc jamais été autant soutenu par un gouvernement.
Pour ce qui concerne l’idée de profiter de l’examen du projet de loi relatif à l'Agence nationale des voies navigables pour lever certains obstacles réglementaires au transport fluvial, il vous appartient, monsieur Navarro, de présenter vos propositions devant la Haute Assemblée, puisque ce texte, qui a été adopté ce matin en commission, sera examiné par le Sénat la semaine prochaine.
Enfin, vous proposez d’améliorer le fonctionnement des ports grâce au renforcement des équipes dédiées à la promotion commerciale du port, à l’exercice d’une saine concurrence ou encore à la modernisation du dialogue social. Je rappelle que ce dernier s’exerce désormais dans un cadre entièrement nouveau, défini par la convention collective en vigueur depuis le mois de mai dernier. Il en résulte un dispositif de négociation collective unique pour l’ensemble des personnels de manutention, ce qui représente d’ores et déjà une avancée majeure en termes de cohésion sociale.
La promotion commerciale, quant à elle, doit assurément devenir un axe majeur dans la stratégie de reconquête des parts de marché de nos grands ports. Mais ne nous leurrons pas, il convient aussi que nos ports, outre un équipement de qualité et une bonne situation, aient un fonctionnement fiable, comme j’ai pu le constater lors de ma visite des grands ports étrangers, situés notamment en Asie.