M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le sénateur, je ne peux que vous répondre que je suis en mission avec Bruno Le Maire pour faire aboutir ce dossier. Le Président de la République s’est également impliqué au plus haut niveau auprès des autorités allemandes.
J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer les difficultés que pose la comparaison entre l’aide aux plus démunis en Allemagne et en France. Je vous rappelle que le tribunal de première instance de l’Union européenne a condamné, en avril dernier, le fait que la distribution des denrées dans le cadre du PEAD se fasse à partir de stocks achetés et non pas des surplus de la PAC. De ce fait, le budget de ce programme chutera en 2012 de 500 millions d’euros à 113 millions d'euros.
La campagne de 2011 est, je le répète, totalement assurée. Les négociations et les efforts que nous avons entrepris avec Bruno Le Maire pour lever les minorités de blocage portent sur la campagne de 2012.
Je le rappelle, lors du dernier conseil des ministres européens de l’emploi et des affaires sociales, la Commission européenne a proposé une révision du règlement du PEAD, ce qui est probablement, à mes yeux, la solution.
Ce règlement s’appuierait désormais sur une double base juridique : la première est celle de la PAC – article 43, paragraphe 2 – et la seconde est le renforcement de la cohésion sociale de l’Union européenne – article 175, paragraphe 3.
En naviguant entre ces deux pendants, nous devrions pouvoir trouver le passage juridique qui nous permettrait de ne pas acheter de stocks supplémentaires, mais d’utiliser le peu de surplus de la PAC et de le compléter en recourant à la cohésion sociale et à la solidarité. Je ne doute pas que nous arrivions à trouver une solution avec nos partenaires.
De toute façon, je n’imagine pas que nous soyons obligés de dire à la Croix-Rouge, au Secours populaire et aux autres associations que nous n’avons pas les moyens d’assumer la campagne de 2012.
M. Roland Courteau. Et 2011 !
M. Roland Courteau. Le Gouvernement peut prendre la relève !
M. Jean Leonetti, ministre. Je suis trop européen pour ne pas considérer comme une extrémité le fait que cette aide soit renationalisée.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce serait en effet une extrémité !
M. Roland Courteau. Ce serait exceptionnel !
M. Jean Leonetti, ministre. Je n’imagine pas davantage que le Président de la République et le Premier ministre prennent une autre décision que celle que vous évoquez si M. Bruno Le Maire et moi-même devions échouer.
M. Roland Courteau. C’est entendu, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le ministre, pour vous permettre d’affiner votre réponse sur le sujet que nous venons d’aborder, il me semble souhaitable, pour la qualité et la véracité de notre débat, que vous nous apportiez des précisions sur deux autres sujets. Le premier porte sur la taxe sur les transactions financières.
L’attitude qui consiste à en rester à des généralités, certes vertueuses, mais quelque peu brumeuses, alors que huit jours nous séparent du Conseil européen, me paraît pour le moins perfectible.
Tout à l’heure, à titre d’illustration, vous avez évoqué le taux de 0,005 %. Compte tenu du changement intervenu au Danemark sur l’autre dossier, la famille politique à laquelle j’appartiens pourrait vous aider à soutenir le taux qu’elle préconise, à savoir 0,05 %. Ce qui est en jeu, vous le savez fort bien, c’est le caractère dissuasif ou non de cette taxe sur les mouvements spéculatifs.
La faisabilité et l’impact économique de ce projet ont été vérifiés de longue date et un rapport conclusif a été présenté au Conseil européen voilà maintenant quinze mois.
Il serait me semble-t-il judicieux que le Gouvernement indique la démarche qu’il entend suivre pour parvenir à un résultat et nous apporte des réponses précises aux questions suivantes, qu’il ne peut ignorer : quel groupe de pays constitue-t-il la cible ? Quels pays sont encore réticents devant ce projet ? Quelle sera l’assiette retenue ?
L’utilisation du produit de cette taxe, qui est un vrai choix politique et sur laquelle le Gouvernement a nécessairement une position, devrait également être abordée. Les ressources dégagées seraient d’ailleurs plus significatives si l’on adoptait notre proposition. Dans la situation de faible croissance que nous connaissons aujourd'hui, vouloir faire du produit de cette taxe une ressource de substitution par rapport aux recettes actuelles de l’Union européenne, au lieu de l’utiliser pour soutenir la croissance européenne, notamment la croissance verte, est un choix politique que l’on ne peut que qualifier d’insuffisant.
Le temps de parole qui me reste m’interdit d’aborder l’autre question que je souhaitais vous poser sur les titres de dette. Je dirai simplement que le refus commun des eurobonds, voilà quelques semaines, par Mme Merkel et par le Président de la République est une position d’étape fortement inspirée, si j’ose me permettre cette évocation, par des considérations bilatérales de politique intérieure. Il faudra donc, à mon avis, revoir cette question.
Enfin, vous avez parlé de « fédéralisme », mais de façon un peu audacieuse, me semble-t-il, puisque vous vous êtes référé en fait à un mécanisme « unanimitaire ». Avant d’arriver au fédéralisme, il faut s’efforcer de fédérer. Lorsque l’on veut construire un accord, il faut, au-delà de l’entente franco-allemande, traiter les autres partenaires européens de manière positive et attentive.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Leonetti, ministre. Puisque vous voulez des chiffres, monsieur le sénateur, je vais vous en donner, d’autant que certains d’entre eux sont connus. Ainsi, la Commission européenne propose un taux de 0,1 % sur les actions obligataires et de 0,01 % sur les produits dérivés.
Je voulais simplement illustrer tout à l’heure mon propos en disant que le bon impôt est celui qui a l’assiette la plus large et le taux le plus bas, parce qu’il est indolore et productif.
Monsieur le sénateur, quelle assiette pouvons-nous espérer ? Est-il raisonnable de croire que les États-Unis accepteront demain une taxe sur les transactions financières, qu’ils ont déjà maintes fois refusé d’envisager par le passé ?
J’ai été amené à évoquer cette taxe à trois reprises pas plus tard que ce matin : une fois avec M. Van Rompuy, une autre fois lors d’une discussion sur les perspectives financières et une dernière fois dans le cadre de la préparation du G20. Mon homologue britannique, David Lidington s’est finalement déclaré défavorable à cette taxe, ce que nous savions.
Il me semble donc que le champ d’application de la taxe ne pourra qu’être européen, et peut-être même devra-t-il se limiter à la zone euro.
Vous m’excuserez de ne pas vous apporter une réponse précise sur la nature de l’objectif recherché, mais je puis le faire dans l’immédiat.
Si la taxe est d’application mondiale, elle aura un objet mondial, et il sera alors inconcevable qu’elle alimente le seul budget de l’Europe. Si elle s’applique dans l’Europe des Vingt-Sept, on peut imaginer qu’elle financera une partie du budget européen. En revanche, si son application se limite aux pays de la zone euro, son objet sera forcément plus réduit.
En fonction du taux, de l’assiette et du volume qui seront retenus, le rendement de la taxe oscillera entre 20 milliards d'euros et 250 milliards d'euros. D’aucuns font même état d’un produit de 400 milliards d'euros, mais ce serait dans le meilleur des mondes possibles !
L’esprit de la taxe est non pas de pénaliser les transactions financières, mais bien plutôt d’effectuer un prélèvement indolore, afin d’éviter les fuites d’une place bancaire vers une autre.
Je vais vous dire le fond de ma pensée. Au début, il faut opter pour un taux faible pour pouvoir franchir l’étape la plus difficile, c’est-à-dire obtenir l’adhésion du plus grand nombre possible d’États à ce dispositif. Cette question fait l’objet de débats depuis maintenant vingt ans. Mieux vaut ne pas placer la barre trop haut et parvenir à un accord même si, dans un premier temps, celui-ci concernera un plus petit nombre de pays que ce que l’on espérait. Lorsque la taxe existera, il sera toujours possible de la faire évoluer.
Je suis, pour ma part, persuadé – et je suis convaincu que vous partagez mon avis – qu’un taux faible n’entraînera pas de déplacement des places boursières.
M. Alain Richard. Je ne partage pas ce point de vue !
M. Jean Leonetti, ministre. Les eurobonds ont fait l’objet d’une décision d’étape. Cela signifie simplement que ce n’est pas le moment de trancher sur ce sujet, mais cela ne présage pas de l’avenir.
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu.
M. Christophe Béchu. Monsieur le ministre, je considère, comme vous, que le plus important est de « mettre un pied », si je puis m’exprimer ainsi, dans la taxe sur les transactions financières. Rien n’interdira ensuite d’en changer les modalités d’application. Dans ce domaine, le mieux est très clairement l’ennemi du bien.
Ma question a trait à la politique agricole commune. Alors que nos préoccupations immédiates portent sur la crise grecque et sur la question des dettes souveraines, demain matin, le commissaire européen à l’agriculture Dacian Ciolos doit dévoiler les intentions de la Commission européenne sur la PAC de l’après-2013.
À l’heure où l’on s’interroge sur les conséquences de la mondialisation, n’oublions pas que l’agriculture représente 9 milliards d’euros d’excédent commercial pour notre pays.
Par ailleurs, si l’on continue de voir les agriculteurs uniquement comme des adversaires de la lutte contre le changement climatique, on reculera par rapport aux objectifs que nous devons être capables d’atteindre. La question de l’alimentation de la planète se pose d’une manière toujours plus aiguë, avec une augmentation constante de la population terrestre et une surface agricole utile en diminution.
L’agriculture n’est pas une nostalgie, c’est un avenir ! Quand on voit que les Chinois achètent 3,8 millions d’hectares de terres en Afrique, on mesure le caractère fondamental de questions telles que la souveraineté alimentaire ou la qualité sanitaire des aliments.
En outre, si l’on tient compte du rôle de l’agriculture en termes d’aménagement du territoire, avec toutes les conséquences économiques et sociales qui en découlent – je rappelle que, peu ou prou, 2 millions de personnes vivent ou travaillent dans le domaine de l’agriculture, de la sylviculture et de l’agroalimentaire –, on mesure combien la décision qui sera annoncée demain est importante.
Elle est importante si l’on veut une PAC ambitieuse, qui ne relègue pas à une sous-politique cette politique agricole commune sur laquelle l’Europe s’est construite. Elle est importante aussi, car elle aura des répercussions entre autres sur l’emploi agricole. Sans doute faudra-t-il privilégier des dotations à l’hectare dégressives plutôt que proposer un système tourné uniquement vers les gros agriculteurs, qui risquerait de détruire une partie de la haute intensité humaine de l’agriculture française.
Monsieur le ministre, ma question est simple : dans quel état d’esprit le Gouvernement se trouve-t-il à la veille de cette annonce et jusqu’où est-il prêt à aller pour défendre nos agriculteurs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le sénateur, l’état d’esprit du Gouvernement est déterminé, comme nous l’avons répété lors de tous les débats relatifs aux perspectives financières.
Tout d’abord, il s’agit d’une politique non pas française, mais européenne ; je dirai même que c’est l’une des rares politiques communautarisées.
Ensuite, si nous voulons être indépendants au niveau alimentaire, éviter la volatilité des marchés du secteur agroalimentaire et ses dérivés et avoir une veille sanitaire efficace, nous devons conserver une politique agricole commune. Fort heureusement, nous ne sommes pas les seuls à défendre cette position : un certain nombre de pays comme la Pologne soutiennent avec nous à la fois la politique agricole commune et les deux piliers.
J’ajoute que cette politique a été évaluée à quatre reprises, ce qui n’est pas le cas en matière de recherche, de développement ou de cohésion. Il est donc logique de considérer que la politique qui a été jugée pertinente doit être stabilisée, alors que celle qui n’a pas encore été passée au crible de l’expertise peut éventuellement évoluer.
Prenons l’exemple de la politique de cohésion territoriale.
Un grand nombre de pays européens, notamment l’Allemagne et l’Espagne – et même la France –, sont sortis des objectifs de cohésion. Ne doit-on pas réfléchir à la façon dont il faudrait redistribuer ces moyens plutôt que de les pérenniser : dès lors qu’un territoire a bénéficié une fois de cette aide, doit-il en profiter de toute éternité même s’il est devenu – et c’est tant mieux ! – plus prospère ?
La réponse du Gouvernement est toujours la même : la France n’acceptera aucun projet financier, aucune perspective financière qui ne soit pas de nature à assurer la stabilité de la politique agricole commune.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le ministre, j’avais moi aussi prévu de vous poser une question relative au programme européen d’aide aux plus démunis. Mais le propre d’un débat interactif et spontané est de ne pas connaître par avance les questions de nos collègues, ni la teneur exacte des réponses qui nous sont apportées.
Au sujet du PEAD, vous avez évoqué quelques solutions. Ne serait-il pas envisageable de prévoir un nouveau règlement de ce programme, qui confirmerait sa place dans la politique agricole commune, tout en ne le limitant pas aux stocks d’intervention ?
D’ailleurs, la position actuelle de la Commission européenne est bien d’ancrer, en 2014, le PEAD dans le Fonds social européen.
Tout à l’heure, vous avez répondu à notre collègue Roland Courteau que l’aide était assurée pour 2011. Or nous arrivons au terme de l’année. Pouvez-vous nous confirmer que l’État français prendra le relais et viendra au secours des personnes les plus démunies ?
Par ailleurs, vous avez aimablement invité les membres du Conseil de l’Europe à venir vous rencontrer. Vous avez entendu nos observations et nos remarques, notamment quant aux difficultés de communication avec les commissions des affaires européennes du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Nous avons émis le souhait, d’une part, d’une meilleure articulation du travail entre le Conseil de l’Europe et les commissions des affaires européennes des deux assemblées et, d’autre part, d’une plus grande reconnaissance du travail réalisé au sein du Conseil de l’Europe par les 47 membres de ce dernier, travail axé sur la démocratie, les droits de l’homme, l’État de droit.
Monsieur le ministre, comment concevez-vous cette meilleure articulation du travail entre le Conseil de l’Europe et les deux commissions parlementaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Leonetti, ministre. Madame la sénatrice, j’ai longtemps été parlementaire, et lorsqu’un ministre me donnait un conseil sur l’organisation de nos travaux, j’avais vraiment l’impression qu’il se mêlait de ce qui ne le regardait pas ! Aussi me garderai-je bien d’exprimer une opinion sur ce sujet.
M. le président du Sénat et M. le président de l’Assemblée nationale mettront probablement en œuvre tous les moyens nécessaires pour faire en sorte que les travaux du Conseil de l’Europe, qui, regroupe, comme vous l’avez souligné, 47 pays, et traite de sujets qui sont l’essence même de la construction européenne – les droits de l’homme ou encore la démocratie – , puissent mieux s’articuler avec ceux du Parlement français et avoir une meilleure visibilité.
Madame la sénatrice, comme vous m’y avez aimablement invité, j’irai au Conseil de l’Europe, qui est, à mes yeux, un haut lieu de la démocratie où se dévoile un message européen qui va au-delà de la politique purement financière, voire fiscale, que nous avons l’habitude d’évoquer.
S’agissant du PEAD, vous m’avez plus spécifiquement interrogé sur la perspective de 2014. Mais, entre 2011 et 2014, il y a forcément 2012 et 2013 ! Or, c’est précisément pour cette période que nous essayons de faire adopter, en tentant de lever la minorité de blocage, un dispositif transitoire, qui s’appuierait sur deux lignes budgétaires différentes et équilibrées.
Nous ne pouvons malheureusement pas, comme vous l’avez suggéré, réintégrer le PEAD dans la PAC, car son objet n’est pas communautaire. Il s’agit d’un surplus utilisé à des fins de solidarité et, à l’inverse, on ne peut pas créer, au sein de la PAC, un élément de solidarité.
Pour me résumer, l’aide aux plus démunie est garantie pour l’année 2011. En 2014, le PEAD sera intégré au Fonds de solidarité ou à la politique de cohésion économique et sociale. Pour les années 2012 et 2013, la solution consiste à surmonter la minorité de blocage et à trouver deux lignes budgétaires pour faire la jonction entre les deux dispositifs.
Je ne suis pas Premier ministre (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) et je ne veux surtout pas le remplacer, car il fait très bien son travail, pas plus que je ne veux m’engager à la place de Valérie Pécresse ! Mais, eu égard à la mission que François Fillon a confiée à Bruno Le Maire et à moi-même et aux propos qu’il a tenus publiquement, je ne doute pas une seconde que, si nous n’obtenions malheureusement pas ce pour quoi nous nous battons avec volontarisme et acharnement, l’aide aux plus démunis serait maintenue de manière temporaire et nationalisée.
M. Roland Courteau. Ah !
M. le président. La parole est à M Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur le système bancaire, en évoquant les capitaux propres des banques et leur liquidité.
Nous ne pouvons que recommander aux banques au moins d’augmenter leurs capitaux propres. En effet, on considérait jusqu’alors qu’un taux de 8 % des ressources propres des banques par rapport à leurs engagements était satisfaisant. Mais on observe que les créances des banques se sont dégradées ; pis, des titres souverains, considérés jusqu’à maintenant comme de la quasi-monnaie, se sont aussi dégradés. De ce fait, le ratio entre les ressources propres des banques et leurs engagements a quelque peu changé. Il faut donc provisionner les ressources propres et s’orienter vers une recapitalisation des banques, afin que le ratio de 8 % de Bâle II soit supérieur à 9 % ou à 10 %.
Cette nécessité est d’autant plus impérieuse que, avec la crise des dettes qui se poursuit, les titres souverains dans les bilans des banques vont être de moins en moins certains.
J’en viens maintenant au problème actuel, qui est lié au précédent, celui de la liquidité des banques.
Le système bancaire est ainsi fait que les banques « se tiennent par la barbichette » en empruntant et en prêtant. Dans ce système dynamique et vivant, les uns dépendent des autres ; dès lors qu’il y a un blocage, on assiste à un phénomène de digues.
À cet égard, je me réjouis que des solutions aient pu être trouvées pour Dexia, ce qui redonnera un peu d’aisance au système qui était quelque peu encombré. Mais les banques continuent de souffrir d’un manque de liquidités. Pour pallier ce manque, elles s’adressent à la Banque centrale européenne et lui remettent des titres souverains contre de la monnaie. Toutefois, la BCE ne pourra pas servir très longtemps d’une sorte de station d’épuration qui donne de la bonne monnaie contre de la mauvaise dette ou des mauvais titres. Cette situation ne peut pas durer.
M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure.
M. Joël Bourdin. Par conséquent, il faut trouver le moyen de faire en sorte que les liquidités puissent circuler entre les banques. Pour ce faire, il importe de restaurer la confiance et de mettre à contribution les organismes européens et français.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que la liquidité circule entre les banques et pour restaurer la confiance entre les banques elles-mêmes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement expliqué les mécanismes de la liquidité et de la solvabilité : ce sont les deux piliers sur lesquels se fondent la fiabilité d’une banque et la confiance qu’elle inspire.
Une banque ne vit pas isolée, elle évolue dans un réseau. Si une banque ne prête pas à une autre banque, si une banque a des difficultés pour s’approvisionner en dollars, elle se retrouve effectivement dans une situation de faiblesse. Le ratio de 8 % qui avait été antérieurement envisagé doit aujourd’hui être augmenté puisque nous sommes dans une situation non pas de « stress tests » mais de stress réel, et à un niveau que l’on n’imaginait même pas lorsque les « stress tests » ont été réalisés.
Néanmoins, rappelons que les fonds propres des banques françaises ont augmenté de 50 milliards d’euros au cours du premier semestre, ce qui veut dire qu’elles ont déjà anticipé le Bâle II, et même le Bâle III.
Rappelons également que l’exposition des banques françaises à la dette grecque n’est jamais que de 10 milliards d’euros – je ne devrais pas dire des choses pareilles ! – : elle est de 10 milliards d’euros. Cela signifie que les banques françaises sont solides.
Dexia est, vous le savez, un cas très particulier, car cela fait vingt ans qu’elle fonctionne avec un système de liquidités à très court terme : elle emprunte à très court terme à des taux très bas et elle prête à très long terme à des taux très élevés. En période de croissance, le système fonctionne, mais le jour où se pose un problème de crédits ou de dettes souveraines, il s’enraye.
Pour autant, ce que font les États belges, luxembourgeois et français pour sauver Dexia, ce n’est pas de l’argent perdu ! Il s’agit de créer un système transitoire par le biais duquel on nettoie une dette « pourrie » à moyen et à long terme pour sauver, d’une part, un certain nombre de collectivités territoriales en France et, d’autre part, les épargnants en Belgique.
À ce propos, lorsque l’État français a prêté de l’argent aux banques en 2008, il a eu très rapidement 2,8 milliards d’euros en retour. Le prêt octroyé par l’État français à Dexia a notamment rapporté à la France 500 millions d’euros.
Ne croyons pas que l’on est en train de jeter l’argent par les fenêtres ! Il faut obliger les banques, vous venez de le dire, à augmenter leur solvabilité et leur liquidité. Tel est d’ailleurs l’objet des mesures qui vont être prises pour rétablir la stabilité et restaurer la confiance. C’est ainsi que l’argent pourra circuler entre les banques et être disponible.
Le vrai problème aujourd’hui, c’est effectivement que les banques se prêtent moins entre elles et qu’elles prêtent moins aux entreprises et aux collectivités. Or, si une entreprise qui fonctionne bien n’a pas la solvabilité nécessaire pour s’engager dans un projet sain et rentable, il y a risque de récession.
La recapitalisation des banques, principalement à partir de leurs fonds propres, est donc un objectif indispensable, surtout si l’on considère qu’elles pourront de nouveau être sollicitées, alors même que les prêts qu’elles ont accordés à la Grèce ont été restructurés avec une décote pour elles de 21,5 %. Cette situation créera un stress supplémentaire, et les banques auront tout intérêt à avoir une solvabilité et une liquidité plus fortes.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le Conseil européen évoquera les négociations de Durban, car la crise climatique reste extrêmement grave.
En effet, même si la crise financière est aujourd’hui au centre des débats, n’oublions pas que les conséquences de la crise climatique seront, dans les prochaines décennies, aussi importantes, voire plus graves encore que celles de la crise financière que nous connaissons.
Je ne reviendrai pas sur la réunion du conseil des ministres de l’environnement de l’Union européenne qui a eu lieu hier, sinon pour m’inquiéter des divergences de vues qui apparaissent aujourd’hui entre les États européens, lesquelles fragilisent le rôle de leader que joue l’Europe en la matière sur la scène internationale.
Je fais miens les propos tenus tout à l'heure par l’un de nos collègues : ne soyons pas trop optimistes sur les résultats européens obtenus en termes d’émission de gaz à effet de serre. Les chiffres de l’année dernière révèlent en effet une nouvelle augmentation des émissions de ces gaz en Europe, ce qui est inquiétant.
Pour animer depuis plusieurs années, notamment comme porte-parole, des réseaux mondiaux de collectivités locales dans cette négociation internationale, je mesure toute la difficulté et la complexité de ce problème. Ce qui va se jouer à Durban, c’est d’abord la capacité de restaurer la confiance entre les pays du Sud et les pays du Nord après l’échec de Copenhague.
Dans ce cadre, la question du financement du Fonds vert dont la création, décidée à Copenhague, a été confirmée à Cancún, et qui doit aider les pays en développement à agir dans les domaines de l’adaptation et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sera un point clé. Les pays africains seront extrêmement attentifs à cette question.
Je lierai ma question au débat qui a eu lieu sur la taxation des transactions financières, non pas par opportunisme, mais parce que nous trouverons, me semble-t-il, la solution dans notre capacité à faire preuve de cohérence pour réguler de manière globale les crises internationales.
Depuis plusieurs années, nous, écologistes, défendons l’idée d’une taxation des transactions financières, et nous sommes heureux que, au-delà de nos alertes, nos réponses soient aujourd’hui au cœur du débat public. Or, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que le Fonds vert pourrait être abondé par une partie de cette taxe ?
C’est une proposition que l’Union européenne pourrait porter, et que la France pourrait défendre lors du G 20, car elle permettrait peut-être de nouer d’autres alliances à l’échelle mondiale et de recréer une dynamique dans la négociation internationale. Cette possibilité correspond d’ailleurs à ce qu’a dit Mme la rapporteure générale sur l’idée de départ de cette mesure. Il serait dommage que nous nous en privions.
Enfin, monsieur le ministre, je vous poserai une question annexe : si le Fonds vert n’est pas financé par le biais de cette taxe, comment l’Europe pourra-t-elle être demain en capacité d’alimenter une partie de ce fonds, qui devra atteindre, je le rappelle, environ 100 millions de dollars à l’échéance de 2020 ? (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste–EELV.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le sénateur, rêvons au meilleur des mondes…
Dans le meilleur des mondes, le bon exemple est suivi au lieu d’être pénalisé.
Dans le meilleur des mondes, l’Europe, qui fait des efforts importants pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, est plus récompensée que la Chine ou les États-Unis, qui refusent d’entrer dans un quelconque protocole.
Dans le meilleur des mondes, lorsqu’une production industrielle se développe dans de nouveaux pays avec une productivité telle qu’elle met en danger notre compétitivité, on adopte des schémas doublement innovants : d’une part, on cherche à produire l’énergie de demain en protégeant la planète et, d’autre part, on crée des mécanismes de recherche et d’innovation susceptibles, ensuite, de s’exporter et de produire de nouvelles richesses.
Dans le meilleur des mondes, lorsqu’un problème mondial se pose, on crée une taxe mondiale pour le résoudre et on n’a pas recours à une suite de contributions nationales. Il est évident que, demain, des impôts seront perçus au niveau international.
La taxe sur les billets d’avion qui a été créée n’a pas empêché les voyageurs d’emprunter ce moyen de transport ! Elle a permis de soigner de nombreux malades du sida, qui étaient totalement démunis : aucun pays, y compris en Europe, n’avait la capacité de mobiliser suffisamment de fonds pour lutter efficacement contre ce fléau.
Quittons à présent le meilleur des mondes pour revenir dans celui où nous vivons, ici et maintenant.
Le véritable danger – Nathalie Kosciusko-Morizet l’a très clairement souligné – serait de dire : il y a eu Kyoto, Kyoto s’arrête ; un jour, il y aura Durban et un Kyoto II ; d’ici là, oublions Cancún et laissons tomber Kyoto ! Cela reviendrait à adresser aux États pollueurs et aux pays émergents un message désastreux, et cela poserait un vrai problème.
À Durban, il faut à la fois tenir les engagements pris antérieurement, qui feront d’ailleurs oublier l’échec de Copenhague, et poser les bases de règles plus contraignantes et plus efficaces.
Enfin, comme nous ne sommes pas dans le meilleur des mondes, il faudra, à un moment donné, que l’Europe prenne ses responsabilités. Au lieu d’annoncer la bonne nouvelle, elle devra imposer une mesure vertueuse, à savoir le MIC, le mécanisme d’inclusion carbone, plus communément appelé « la taxation carbone aux frontières ». Cela n’a rien à voir avec la réciprocité ou avec la loyauté des échanges commerciaux. Si l’on impose à son industrie et à son économie une contrainte vertueuse, il faut aussi, à l’intérieur de l’espace que l’on veut vertueux, imposer aux pays importateurs les mêmes règles de vertu.