M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est clair !
M. Jean-Michel Baylet. Après des années de renoncement politique, de dérégulation et d’abandon par les banques de toute règle prudentielle, des mesures fortes doivent être prises, et elles ne peuvent l’être de manière efficace qu’à l’échelon européen, même s’il faut aussi, bien naturellement, un certain nombre de mesures sur le plan national. Aussi peut-on regretter que le Gouvernement n’ait pas eu le courage d’introduire dans ce texte une mesure que les radicaux souhaitent ardemment : une taxation des transactions financières sur les dettes souveraines. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.) C’est tout simplement une question de justice ! L’enjeu est ici de restituer aux États et aux peuples européens des profits réalisés par les banques sur les taux d’intérêt de la dette publique et aussi de lutter contre les spéculateurs.
Mais, plutôt que d’instaurer une telle taxe, le Gouvernement a fait le choix d’inscrire à la hâte dans ce projet de loi une série de mesures d’austérité et de rigueur qui pénalisent une nouvelle fois les Français, la pire étant, bien sûr, l’alourdissement de la taxation des mutuelles, qui vise à porter de 3,5 % à 7 % le taux de la taxe spéciale sur les contrats « solidaires et responsables », lesquels représentent désormais la quasi-totalité des contrats proposés par les complémentaires santé.
Pour toutes ces raisons, nous n’approuvons pas cette seconde partie du présent projet de loi de finances rectificative.
En effet, pour tenter de résorber des déficits qu’il ne maîtrise plus et qu’il a, de surcroît, considérablement aggravés, le Gouvernement propose des mesures fiscales isolées et finalement sans réelle cohérence d’ensemble. Quand les radicaux en appellent à une grande réforme fiscale d’envergure, avec comme fil conducteur la justice, l’équité et la progressivité de l’impôt, voilà que l’on nous propose un saupoudrage de mesures faites de bric et de broc et qui ont déjà, pour la plupart, été revues et corrigées hier, à l’occasion de l’examen du texte par l’Assemblée nationale. Cela montre bien qu’il s’agit d’un texte de circonstance, au dispositif fiscal très contesté et dont personne ne sait vraiment quel sera l’impact financier. Non, définitivement, ce n’est pas du bon travail !
Il est grand temps de ne plus avoir une seule vision comptable de la fiscalité, mais bien une vision juste et équilibrée, dans une Europe qui protège les hommes face aux dérives des marchés. Il est grand temps de ne plus confier l’économie aux seuls économistes et autres banquiers. Il est grand temps que les responsables politiques, démocratiquement élus, reprennent en mains le destin des peuples. Il est grand temps enfin, vous l’aurez compris, que l’alternance politique devienne une réalité en 2012 ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Rêvez ! Cela ne coûte pas cher !
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, d’un côté, 8 300 élèves supplémentaires sont inscrits dans l’enseignement primaire en cette rentrée 2011 et 80 000 dans l’enseignement secondaire ; de l’autre, en quatre ans, 66 000 postes ont été supprimés dans l’éducation nationale. Le simple rappel de ces chiffres, parfaitement officiels, publiés par les services de votre collègue Luc Chatel, madame la ministre, résume parfaitement ce qui s’est passé dans ce pays depuis le jour de mai 2007 où Nicolas Sarkozy est devenu Président de la République.
Depuis quatre ans, prolongeant en cela les orientations prises par la majorité de droite au pouvoir entre 2002 et 2007, le Gouvernement s’est attaché à procéder à une vaste opération de restriction de la dépense publique et de distribution aux grands intérêts privés. Les événements des dernières semaines et la présentation de ce projet de loi ayant remis cette question au premier plan, il est temps de faire tomber les masques et de dire de quoi il s’agit !
Première illustration de votre langue de bois : la crise aurait commencé en 2008, nous en étions à peine sortis en cette année 2011, mais voilà qu’une nouvelle réplique du séisme contraindrait à présenter ce projet de loi et, par voie de conséquence, la facture aux Français.
Ainsi donc, avant ce mois d’août 2008 où Lehman Brothers a déposé le bilan sans que les sages et instruites agences de notation ne s’en rendent compte, vu qu’elles notaient parfaitement ladite banque américaine quatre mois auparavant, nous n’avions pas quatre millions de chômeurs, huit millions de travailleurs pauvres et plus d’un million de mal-logés et d’allocataires du RSA !
Nous n’étions pas dans un pays où 150 000 jeunes sortent de l’école sans diplôme ni, souvent, sans maîtriser les outils élémentaires de communication orale et écrite, où la moitié des ménages salariés ne partent pas en vacances en été, où 15 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté...
Il n’y avait rien de tout cela et nous avancions, guidés par la sagesse des décisions gouvernementales, vers le progrès et la satisfaction des besoins collectifs…
Eh bien non, mes chers collègues, madame la ministre, la crise est là depuis longtemps, depuis si longtemps qu’on ne saurait presque dire le moment où elle a commencé...
On ne le sait plus mais...
La vérité, c’est que, depuis 1973, nous n’avons plus connu de loi de finances dont le solde définitif ait présenté un caractère positif.
Et les dernières années ont battu des records en la matière, puisqu’il s’est agi, à un moment donné, d’engager l’argent public pour venir au secours des banques qui avaient commencé à se méfier d’elles-mêmes.
Cela fait aussi de longues années que nous consacrons des sommes toujours plus considérables à l’allégement des impôts, singulièrement ceux des entreprises et des ménages les plus riches, au motif qu’en leur laissant plus de ressources financières à disposition, on créerait les conditions de la croissance et de la prospérité, ce qui, vous le savez, est faux.
J’ai fait procéder à une estimation du coût, pour les finances publiques, de la seule baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, des exonérations de cotisations sociales et des réformes successives de la taxe professionnelle depuis 1985.
Le résultat s’élève à 700 milliards d’euros, mes chers collègues ! L’État a consacré à ces mesures et donc renoncé à 700 milliards d’euros…
C’est bizarre, nous ne vous entendons jamais, mes chers collègues, parler de ce gaspillage-là des deniers publics.
Je vous donnerai un exemple.
Ainsi mène-t-on une politique qui consiste à réduire continuellement les cotisations sociales appliquées aux bas salaires pour faciliter, prétendument, la création d’emplois.
Première observation : les cotisations sociales, ce n’est pas le « coût du travail », mes chers collègues, comme disent les économistes bien en cour et certains éditorialistes qui, bien sûr, leur font écho.
Non, les cotisations sociales, c’est une forme de salaire socialisé, partagé entre tous les acteurs de la vie économique, tous les salariés et leur famille pour faire face aux événements de la vie que peuvent être la maladie, la vieillesse – ce devrait être aussi le cas pour le grand âge et ce que l’on appelle la dépendance – ou encore la constitution de la famille.
C’est donc un choix collectif, consenti par celui qui travaille pour celui qui est malade, qui est âgé ou pour faciliter l’éducation de ses enfants ou des enfants des autres.
C’est l’expression d’un choix de solidarité collective, d’abord et avant tout, et en dernière instance !
Exonérer les entreprises du versement de ces cotisations, comme on le fait aujourd’hui, c’est tout simplement priver les salariés d’une partie du fruit de leur travail.
Mais ce premier hold-up se double d’un deuxième, celui qui veut que, pour faire face au financement des prestations ainsi désocialisées, on ait transféré des impôts, souvent des droits indirects d’ailleurs, pour alimenter les organismes sociaux et compenser la déperdition des ressources solidaires. Après avoir confisqué aux salariés le produit de leur travail, pour une partie, on leur a demandé de payer la facture par des impôts nouveaux ou maintenus...
Et, pour faire bonne mesure, est arrivé le troisième hold-up, celui qui veut qu’année après année on a rendu la couverture collective, fondée sur la solidarité et la mutualisation, de plus en plus mince en réduisant sans cesse le niveau des prestations sociales servies.
Il y a quelques instants, madame la ministre, vous avez dit ne pas vouloir faire peser ces mesures sur les Français. Mais le forfait hospitalier, le ticket modérateur, le parcours de soins, l’indexation des retraites ou des prestations familiales sur les prix, tout cela participe à cette mise en cause des garanties collectives et sociales.
Demandez-vous d’ailleurs, mes chers collègues, ce que cette mise en cause de la sécurité sociale a pu coûter à la croissance d’un pays où les salariés les plus modestes hésitent aujourd'hui de plus en plus à se faire soigner quand ils sont malades, où le pouvoir d’achat des retraités s’est réduit de 20 % depuis 1993, sans parler de la réforme Balladur sur les retraites !
En concentrant des sommes considérables à ainsi « alléger le coût du travail », la France crée de plus en plus d’emplois sous-qualifiés, de faible valeur ajoutée, et, en vertu de cela, nous perdons de plus en plus de compétitivité économique.
Autre exemple tout à fait instructif : cela fait quelques semaines que, au milieu du déferlement d’informations sur les agences de notation, la crise financière, les marchés boursiers et l’inexorable poids de la dette publique, toutes informations destinées à la fois à créer l’angoisse et à justifier l’austérité pour répondre aux défis posés, nous avons été abreuvés de discours et de controverses sur les niches fiscales. Il serait sans doute fastidieux de parler de tous les articles de presse qui ont porté sur la question.
Les paris, bien sûr, étaient ouverts : à quoi allait-on toucher ?
Allait-on supprimer la baisse de la TVA dans la restauration, dont l’efficacité sociale et économique semble assez faible ?
Allait-on revenir sur la niche des « emplois à domicile » ?
Seulement voilà, avant que nous ne parlions des mesures finalement contenues dans ce texte, disons qu’il y avait quelques oublis…
Jean-François Copé a imprudemment laissé paraître, le 5 août dernier, sur le site national de l’UMP un long article expliquant, avec force formules chocs, que la France avait mieux résisté à la crise que les autres pays, ce qu’ont d’ailleurs répété tout à l’heure le ministre de l’économie et le ministre du budget.
Ce discours consternant, faisant fi des 800 000 chômeurs de catégorie 1 que compte la France depuis 2007, est d’ailleurs confirmé par le Président de la République lui-même !
Mais le 5 août, manque de chance, fut le jour où les places boursières ont commencé à dévisser de nouveau, entraînant le CAC 40 à proximité des 3 000 points !
Jean-François Copé est, en revanche, plus discret sur sa propre niche fiscale, qui permet aux grands groupes financiers et industriels de jouer au Monopoly avec leurs titres et leurs actions sans devoir payer la moindre taxation sur les plus-values qu’ils en retirent.
En trois ans, la niche Copé nous aura coûté pas moins de 22 milliards d’euros !
Mme Bernadette Bourzai. Voilà !
M. Thierry Foucaud. Encore sans doute une perte de recettes fiscales dont nous aurions pu nous dispenser et qui fait partie de ce qui manque aujourd’hui pour réduire les déficits !
Je pourrais également évoquer le projet de loi de finances rectificative du mois de juillet : 2 milliards d’euros en moins pour l’ISF !
Arrêtons-là ! Nous mettrons tout cela au passif de l’UMP depuis dix ans, et je pense que les Français feront de même !
Mais prenons un autre exemple.
Nous dépensons, mes chers collègues, plus ou moins 42 milliards d’euros pour permettre à nos plus grandes entreprises de payer un minimum d’impôt sur les sociétés, grâce, bien sûr, au régime d’imposition des mères et filiales et au régime d’intégration des groupes.
Ces 42 milliards d’euros doivent être comparés au produit de l’impôt sur les sociétés lui-même, qui n’est guère plus élevé et sur lequel il convient de s’interroger.
Qu’est-ce que le régime des sociétés mères et filiales et le régime d’intégration ?
Rien de moins en fait qu’une véritable subvention à la délocalisation des activités puisque le développement à l’international de nos entreprises s’est manifesté, bien souvent, par l’implantation de filiales commerciales puis, de manière de plus en plus forte et de plus en plus nette, d’usines de production de plus en plus nombreuses et complexes, reprenant de fait des activités jusqu’alors pratiquées sur le territoire français.
C’est-à-dire que nous avons financé, avec l’argent public, la déperdition de notre industrie, de ses emplois, de ses efforts de recherche et développement, la dégradation de notre solde commercial extérieur, et tout cela pourquoi ? Parce qu’il fallait, selon les termes employés, « assurer la neutralité fiscale des décisions de gestion des entreprises ».
C’est le droit au service des entreprises et non les entreprises qui doivent respecter le droit !
Nous la payons fort cher cette neutralité qui neutralise souvent l’impôt des grands groupes, comme l’ont montré les rapports de la Cour des comptes ou de l’inspection des finances !
Le banquier avisé qu’est Jean Peyrelevade disait récemment que nous avions un déficit commercial particulièrement important avec les pays de la zone euro, c'est-à-dire tous ceux avec lesquels nous sommes en lien direct pour ce qui concerne, notamment, la souveraineté monétaire...
Mais il faut aller plus loin sur ce sujet.
D’abord pour dire que c’est avec l’Allemagne que nous avons ce déficit. Ensuite pour dire que, bien souvent, ce sont aussi les réimportations de pièces détachées, de voitures ou de tout autre bien qui sont à la base de notre déficit extérieur.
Quand Renault fait jouer le régime des groupes en faisant produire en Espagne, en Turquie ou en Slovénie les voitures qu’il réimporte ensuite en France pour les vendre à la clientèle qui les attend, que fait-il ?
Rien d’autre que creuser notre déficit commercial. Et ce en gardant le bénéfice d’un régime d’imposition particulier...
Les filiales étrangères du groupe ne se gênent sans doute pas pour, de temps en temps, placer leur trésorerie disponible sur les marchés, en achetant des titres de dette publique française.
Mais, bien entendu, rien de tout cela dans le projet de loi dont nous allons débattre, puisque sa philosophie générale est tout autre.
Elle participe de deux principes auxquels nous ne pouvons souscrire.
Le premier, c’est qu’il est annonciateur d’une cure d’austérité pour notre pays inégalée par son ampleur et qui vise, en guise de programme électoral, à s’attaquer aux derniers éléments de solidarité collective qui existent, et ce qu’il s’agisse de l’éducation nationale – l’opération de démolition devrait prendre un tour nouveau –, des solidarités générationnelles entre les actifs et les retraités, des services publics en général...
Et, pour faire bonne mesure, vous vous occupez des finances locales et des collectivités territoriales pour les mettre au pas et organiser l’étranglement des dépenses utiles pour les populations.
Le second principe, c’est que les sacrifices et les efforts doivent être partagés, en partant d’un étrange postulat selon lequel notre système fiscal serait marqué par la justice et l’équité, ce qui est une pure escroquerie intellectuelle au regard du passé le plus récent depuis 1985 et que j’ai rappelé !
À qui, madame la ministre, deux mois après avoir fait voter une division par deux de l’ISF qui sera payée demain par les transmissions de patrimoines moyens, ferez-vous croire que ce projet de loi de finances rectificative présente des dispositions dites « équilibrées » ?
Vous rackettez plus de un milliard d’euros dans la poche des salariés qui ont souscrit des contrats de couverture mutualiste pour leur santé et, bien sûr, celle de leurs enfants ; et vous appelez cela équité et justice !
Je ne parlerai pas longtemps de ce qui a constitué une magnifique manœuvre de diversion et de perversion du débat parlementaire, c'est-à-dire la TVA des parcs à thème. Je dirai simplement, madame la ministre, qu’à l’instant où j’ai entendu l’annonce de cette mesure, j’ai pensé : voilà le cas typique de la disposition qui va être supprimée au détour du débat parlementaire, et vous en avez fait la démonstration tout à l’heure dans votre intervention.
Pour faire croire aux Françaises et aux Français que le Gouvernement dialogue avec le Parlement, et même avec sa majorité, on allait faire « monter la sauce » et on allait supprimer la disposition, en pouvant gloser à l’infini sur la « co-élaboration », la « co-construction » du texte et de la politique menée.
M. Ivan Renar. Du diabolisme au petit pied !
M. Thierry Foucaud. En effet, et cela permet de faire oublier la taxation des contrats mutualistes…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà !
M. Thierry Foucaud. … et quelques-unes de vos nouvelles hypothèses de travail comme la réduction des allocations chômage des cadres privés d’emploi ou la fiscalisation des allocations familiales, toutes mesures populaires et équitables !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a qu’à entendre Nadine Morano sur les allocations familiales !
M. Thierry Foucaud. Ainsi, selon le président de la Mutualité française, en quatre ans, les taxes sur les mutuelles seront passées en moyenne de 13 à 76 euros, contraignant nombre de familles à se priver de cette couverture complémentaire !
Quelle mascarade et quelle caricature de débat parlementaire, quelles fausses réponses aux problèmes qui nous sont posés aujourd’hui et qui sont aussi le bilan de la droite au pouvoir depuis dix ans !
M. Jean Desessard. Oui !
M. Thierry Foucaud. Nous ne voterons évidemment pas ce texte, mais permettez-moi pour conclure de rappeler que nous ne sommes pas les seuls à dire que l’austérité met en péril la reprise. C’est notamment ce que vient de dire la conférence des Nations unies pour le commerce et le développement.
M. Jean Desessard. Évidemment !
M. Thierry Foucaud. Eh bien, madame la ministre, tant que votre politique sera faite pour les riches et surtout contre les pauvres et les classes moyennes, nous voterons contre ce genre de texte. (Bravo et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, le plan de solidarité de la zone euro, au travers du second plan d’aide à la Grèce, adopté le 21 juillet dernier, frappe par son ampleur. Ce sont au total plus de 200 milliards d’euros, si l’on tient compte des financements publics et de la participation du secteur privé, qui sont prévus pour rendre soutenable la dette grecque, alors que celle-ci atteint aujourd’hui au total 350 milliards d’euros, soit 150 % du produit intérieur brut. Les nouveaux prêts publics seront accordés à un taux plus faible, et pour une durée deux à quatre fois plus longue qu’actuellement. Les prêts en cours seront réaménagés. Quant à la participation du secteur privé, elle est évaluée à une diminution de 21 % du portefeuille qu’il détient sur la Grèce.
Ce nouveau plan d’aide, et c’est un aspect important, ne se borne pas à traiter le problème de la dette. Il prévoit également une stimulation de l’économie grecque par une mobilisation et surtout un meilleur emploi des fonds structurels européens et des prêts de la Banque européenne d’investissement. Il met aussi en place une « assistance technique » pour la mise en œuvre des réformes profondes qui seules peuvent rendre à la Grèce des perspectives de croissance.
Enfin, les risques de contagion de la crise grecque avaient été correctement anticipés puisque le plan contient à cet égard des mesures fortes. L’Irlande et le Portugal vont bénéficier des nouvelles modalités de prêt mises en place pour la Grèce. En même temps, les possibilités d’intervention du Fonds européen de stabilité financière seront sensiblement élargies. Celui-ci pourra notamment participer à la recapitalisation de banques en difficulté et intervenir sur le marché secondaire des obligations. Le fonds disposera enfin des outils nécessaires à une politique de prévention des crises.
J’ajoute que les États membres ont tous réitéré leurs engagements concernant l’assainissement durable de leurs finances publiques, en particulier l’Espagne et l’Italie, dont la dette commençait à faire l’objet d’attaques spéculatives. De même, tous les États membres ont réaffirmé leur détermination à mener à bien la réforme de la gouvernance économique de l’Union.
On voit que, le 21 juillet, l’Europe s’est dotée d’un plan complet pourvu de moyens important pour faire face au problème grec et, plus largement, à celui de la dette souveraine dans la zone euro.
Pourtant, ce plan n’a pas suffi à stabiliser les marchés, et ce pour plusieurs raisons.
La première est bien sûr la faiblesse de la reprise aux États-Unis, qui a fini par peser sur la croissance au sein de l’Europe, alors que nous avions connu un début d’année prometteur.
La deuxième raison est la lenteur des processus de décision. Cela vaut d’ailleurs tout autant pour les États-Unis que pour l’Europe, car si la dette américaine a été déclassée par Standard & Poor’s, c’est notamment à cause de l’interminable controverse entre le Président et le Congrès, aboutissant à un compromis a minima sur la réduction de l’endettement.
Mais l’Europe a tout autant manqué de réactivité. Sur la réforme de la gouvernance économique, nous attendions un feu vert du Parlement européen au mois de juin. Nous sommes encore dans l’incertitude, tout cela pour des désaccords institutionnels qui ne semblent pas à la hauteur des enjeux.
Si nous voulons que les politiques ne soient pas à la remorque des marchés, il nous faut être capables de décider vite et avoir une réelle crédibilité dans la mise en œuvre, car ce que jugent les agences de notation, c’est aussi et surtout la rapidité et la continuité dans le temps de l’action politique.
Enfin, la troisième raison, il faut l’admettre, est la difficulté de la Grèce à mettre en œuvre des réformes indispensables. La crédibilité du plan d’aide suppose que la Grèce assume les contreparties de ce plan, c’est-à-dire les réformes qui peuvent permettre dans la durée un retour à la croissance et rendre la dette grecque soutenable. La Grèce souffre d’un secteur public hypertrophié, d’un excès de réglementation étouffant la concurrence dans de nombreux secteurs et d’un manque d’efficacité chronique dans le recouvrement de l’impôt. Il est impératif de s’attaquer effectivement à ces maux. Sans des mesures d’efficacité administratives, de privatisation et de déréglementation, la Grèce ne remettra jamais la tête hors de l’eau.
Il suffit, pour le vérifier, de comparer les cas de la Grèce et de l’Irlande. L’Irlande était, à certains égards, dans une situation pire que la Grèce. Pourtant, elle va sortir dès cette année de la récession.
La troïka, composée de la Commission européenne, du Fonds monétaire international et de la Banque centrale européenne, a aidé la Grèce à définir les mesures à prendre. Aux autorités grecques, désormais, de prendre leurs responsabilités. Il s’agit non pas de mettre un pays sous tutelle, mais de tirer les conséquences de l’interdépendance qui existe aujourd’hui au sein de la zone euro.
Car le cas de la Grèce n’est que l’illustration la plus frappante de cette interdépendance. La Grèce ne peut espérer résoudre le problème de sa dette sans l’appui de ses partenaires européens, mais la zone euro a besoin des réformes en Grèce pour éviter que la crise grecque ne dégénère en une crise systémique analogue à celle que nous avons connue en 2008. En réalité, c’est seulement ensemble que nous avons une chance de résoudre le problème de la dette souveraine en zone euro. Il n’y a pas de stratégie individuelle qui puisse être gagnante.
C’est pourquoi les propositions formulées lors du sommet franco-allemand, le 16 août dernier, me paraissent particulièrement importantes. L’idée d’un « gouvernement économique de la zone euro » est avancée en commun pour la première fois, sous une forme précise et praticable, sans exiger une laborieuse et assurément impossible révision des traités.
Pour notre part, nous devons prendre la mesure de nos responsabilités.
Ou bien la France bascule dans le camp des pays qui ne parviennent pas à être suffisamment compétitifs et à assainir leurs finances, et la zone euro va se briser selon un axe Nord-Sud et devenir ingérable. Nous connaissons le chemin : il suffit, mes chers collègues, d’ouvrir la vanne de l’emploi public, d’augmenter le poids des retraites et de taxer toujours plus le secteur productif. Le résultat, il ne faut pas se le dissimuler, sera une cassure au sein de la construction européenne, entraînant tôt ou tard un recul de l’acquis.
Ou bien la France continue à faire les efforts nécessaires pour rétablir sa compétitivité, assainir ses finances, et un axe franco-allemand plus équilibré aura un effet d’entraînement considérable, et ce d’autant que l’Allemagne et la France représentent ensemble plus de la moitié du poids économique de la zone euro. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. « Le seuil de tolérance à l’endettement est dépassé » : les mots du Premier ministre François Fillon sont pesés et ils sont lourds de sens. Notre pays vit au-dessus de ses moyens. Un endettement excessif compromet l’avenir de nos enfants.
Nous sommes désormais contraints de faire des économies, et des décisions difficiles doivent être prises. Ceux qui l’ignorent ne sont ni responsables ni courageux.
Madame la ministre, monsieur le ministre, le Gouvernement a été responsable en allégeant le bouclier fiscal et en proposant une taxe sur les très hauts revenus. Il a été courageux en proposant, par exemple, de relever les prélèvements sociaux sur le capital et de taxer le prix du tabac, des boissons et des sodas.
Néanmoins, si les Français ont le sentiment que ces efforts sont inéquitablement partagés, ces sacrifices ne seront pas acceptés. C'est pourquoi l’équité fiscale doit être une priorité. Il nous faut à cet égard annoncer des gestes forts. Ils permettront de démontrer une véritable volonté politique, même si leur mise en œuvre, qui nécessite un travail préparatoire cher au rapporteur général, sera traitée dans le projet de loi de finances pour 2012.
Première proposition : abaisser le seuil, par exemple à 200 000 euros, de la taxe exceptionnelle sur les très hauts revenus. Il ne semble pas choquant de ramener le seuil retenu à un niveau plus raisonnable.
Deuxième proposition : créer une nouvelle tranche d’impôt sur les hauts revenus, d’un taux de 46 % par exemple, qui pourrait porter sur la fraction de revenus supérieure à 100 000 euros.
Michel Piron, soutenu par quatre-vingts députés, à l’Assemblée nationale, ainsi que le président Jean Arthuis et moi-même, au Sénat, avions proposé des amendements en ce sens lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative au mois de juin.
La crise en cours depuis l’été impose de trouver des ressources supplémentaires. C'est la raison pour laquelle je soutiens une troisième proposition : la mise en place rapide d’une taxe sur les transactions financières. La crise appelle des décisions fortes, et je voudrais brièvement plaider pour cette mesure.
Cette idée n’est pas neuve. En 1972, elle est proposée par le libéral James Tobin pour « limiter l’instabilité excessive du marché monétaire mondial due à la spéculation », au lendemain de la suppression de la parité or-dollar. Cette bonne idée ne s’est jamais concrétisée, ni à l’échelon européen, ni à l’échelle mondiale.
Aux esprits chagrins qui argueraient que sa mise en œuvre est impossible, les flux financiers pouvant s’organiser aux îles Caïmans, aux Bermudes, voire, plus proche de nous, en Irlande ou au Luxembourg, je répondrais qu’il en allait de même pour l’interdiction des ventes à découvert, pourtant décidée le 12 août dernier par la France et l’Allemagne, et mise en œuvre depuis. Ce qui semblait techniquement impossible hier peut être décidé dans les circonstances de crise actuelles.
Je citerai trois arguments en faveur de la mise en place rapide de cette taxe sur les transactions financières.
Il s’agit, d’abord, d’une nécessité budgétaire.
Il nous faut poursuivre avec énergie les économies, mais les réductions de déficit qui en résultent ne sont pas à la hauteur de l’enjeu, notre déficit s’établissant à quelque 95 milliards d’euros.
L’application de la règle du non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux commence à toucher ses limites, notamment dans le secteur de l’éducation, et la réduction de chaque niche fiscale est difficile.
Tout le monde s’intéresse aux recettes d’une taxe européenne sur les transactions. Celles-ci devront sûrement être partagées entre les budgets nationaux, le budget de l’Union européenne – le Parlement européen a déjà adopté le principe de cette taxe, défendue par le commissaire Algirdas Semeta –, les objectifs de rééquilibrage Nord-Sud et le financement de la transition climatique.
Il s’agit, ensuite, d’une nécessité morale.
Le volume des transactions financières a atteint des niveaux considérables, sans rapport avec les besoins de l’économie réelle ou les besoins de gestion de risques et de couverture, pour atteindre soixante-dix fois le PIB nominal mondial.
Une telle taxe, en créant un « frottement », permettrait de limiter les transactions reposant uniquement sur la spéculation et de réduire ainsi les mouvements erratiques des marchés, bref, de créer un signal-prix.
Il serait par ailleurs juste et équitable, je le dis solennellement, que la sphère financière, qui nous a mis dans cette situation de crise, contribue à payer une partie du coût collectif de ses propres excès.
Cette taxe est, enfin, une nécessité politique. La Commission et le Parlement européens l’ont bien compris. Par ailleurs, la France et l’Allemagne, par la voix d’Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy, se sont engagées en faveur de sa mise en œuvre rapide.
Les circonstances nous l’imposent. Les lignes sont en train de bouger. Passons à l’acte ! Même les divergences avec les Anglo-Saxons ne sont pas insurmontables. Depuis la chute de Lehman Brothers et la crise des subprimes, la régulation devient un impératif. Elle n’a pas été mise en place depuis 2008 ; elle s’impose à nous aujourd'hui.
Je conclus : pour conserver le lien avec les Français, les efforts qui sont demandés au peuple aujourd'hui doivent être équitablement répartis et des sources de financements innovantes doivent être trouvées. C’est un impératif.
Madame, monsieur le ministre, je salue la détermination du Gouvernement dans cette situation à la fois exceptionnelle et répétitive, ce qui lui confère une force particulière et affaiblit les réponses que nous pouvons y apporter.
En tout état de cause, et je terminerai sur une phrase du marquis de Vauvenargues, « la nécessité nous délivre de l’embarras du choix ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)