accord de stabilisation et d'association entre la communauté européenne et la serbie
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Serbie, d'autre part (ensemble sept annexes et sept protocoles), signé à Luxembourg, le 29 avril 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Serbie, d’autre part (projet n° 396, texte de la commission, n° 609, rapport n° 608).
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec la république slovaque relatif à la coopération en matière administrative
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière administrative, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière administrative (projet n° 137, texte de la commission, n° 723, rapport n° 722).
(Le projet de loi est adopté.)
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Accord avec les Émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense
Discussion et adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense ainsi qu’un échange de lettres (projet n° 613, texte de la commission n° 725, rapport n° 724).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, publié en 2008, situe les Émirats arabes unis au cœur de l’« arc de crise » s’étendant de l’Atlantique à l’océan Indien. Nos relations avec les Émirats et notre présence dans cette région du monde revêtent ainsi un intérêt tout à fait stratégique pour notre pays.
Nous avons su nouer un partenariat étroit avec les États du Golfe, notamment les Émirats arabes unis, avec lesquels nous entretenons une coopération politique, économique et culturelle de premier plan. Nos efforts conjoints, dans le cadre des opérations militaires actuellement menées en Libye pour protéger le peuple libyen, en témoignent.
La relation de défense franco-émirienne s’est considérablement déployée, par le biais tant de la coopération opérationnelle, d’armement et de renseignement que de la coopération structurelle de sécurité et de défense, qui est l’une des plus développées dans le Golfe. Je pense notamment à la montée en puissance de la base militaire française d’Abou Dabi, la seule de nos bases à l’étranger située en dehors du continent africain, qui, comme vous le savez, devrait à terme accueillir plus de 600 militaires. La création de cette implantation militaire, qui a marqué un tournant important dans la relation franco-émirienne, traduit notre engagement en faveur de la stabilité et de la sécurité dans cette région.
C’est pour inscrire dans un cadre juridique durable le renforcement de nos relations bilatérales en matière de défense et de sécurité que l’accord de coopération que je vous présente aujourd’hui a été signé le 26 mai 2009.
Cet accord vise en particulier à formaliser les domaines de coopération bilatérale, qui revêtent une grande importance, qu’il s’agisse de la formation au combat de nos propres forces, des perspectives de débouchés pour nos industries de défense, du soutien à nos opérations extérieures sur le théâtre afghan ou de la stabilité nécessaire de l’ensemble de la région. Sur ce dernier point, l’accord comporte notamment, en ses articles 3 et 4, une clause de sécurité, qui prévoit une consultation mutuelle en cas de menace grave pour la sécurité, la souveraineté ou l’intégrité territoriale des Émirats arabes unis.
Il tend également à formaliser le statut des forces appelées à mettre en œuvre les différentes formes de notre coopération sur les territoires français et émirien. À cet égard, l’échange de lettres interprétatif signé à Paris le 15 décembre 2010 permet, en précisant les modalités d’application de l’article 11 de l’accord, d’apporter des garanties supplémentaires aux personnels français en mission aux Émirats arabes unis et aux personnes à leur charge, en particulier s'agissant de la priorité de juridiction et des peines de substitution lorsque les peines encourues sont inapplicables dans l’un des deux États parties.
Ces précisions avaient été demandées par le Conseil d’État à l’occasion du premier avis, négatif, qu’il avait rendu sur l’accord le 18 mars 2010. Elles l’ont conduit à rendre, en assemblée générale, un avis favorable sur les deux textes le 24 février 2011.
Cet accord, qui consolide l’engagement de la France, témoigne de sa volonté renouvelée d’assumer, aux côtés des Émirats arabes unis, ses responsabilités de puissance globale dans une région du monde considérée, chacun le sait, comme névralgique, grâce à l’instrument privilégié que constituera, au terme de sa montée en puissance, l’implantation militaire française aux Émirats.
Il est l’une des expressions du véritable partenariat stratégique que nous avons mis en place avec les Émirats. Il nous permettra de renforcer encore notre influence dans ce pays, qui représente, depuis plusieurs années, un débouché majeur pour nos exportations au Moyen-Orient, et l’un de nos tout premiers excédents commerciaux dans le monde ; nous en avons bien besoin.
Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle cet accord, qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer le président du groupe d’amitié France-Émirats arabes unis, notre collègue Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Je vous remercie !
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. Nous sommes saisis d’un nouvel accord de défense entre la France et les Émirats arabes unis, qui a été signé à Abou Dabi en mai 2009.
À cet égard, je veux saluer la volonté du Président de la République, Nicolas Sarkozy.
M. Michel Teston. Oh !
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. Mais oui, une fois n’est pas coutume !
En effet, les négociations avaient commencé longtemps auparavant, mais n’avaient pas été suivies par le président Jacques Chirac. C’est important, c’est l’impulsion donnée par Nicolas Sarkozy qui a permis la signature de cet accord.
Cet accord vient se substituer à l’accord de défense signé en 1995 avec les Émirats arabes unis, devenu inadapté en raison de l’intensification du partenariat franco-émirien. Ce texte intervient dans le cadre général de la relance de nos relations avec la plupart des pays du Moyen-Orient, comme en témoignent les accords que nous avons autorisés avec l’Arabie saoudite, en 2010, et avec l’Irak, en 2011. Il se distingue néanmoins de ces derniers par la force de l’engagement de la France auprès des Émirats arabes unis.
Cet accord de défense s’inscrit dans un partenariat diplomatique et stratégique ancien, avec une fédération qui revêt un intérêt stratégique indéniable. Vous le savez comme moi, ce pays joue un rôle central dans une zone géographique vitale pour la sécurité de l’Occident, ainsi que, évidemment, pour celle de nos approvisionnements énergétiques. Au travers de cet accord, la France partage le constat dressé depuis longtemps par ses alliés britanniques et américains, qui considèrent le Golfe persique comme une zone vitale pour leurs intérêts.
Cette zone stratégique est également une zone instable, marquée par la guerre entre l’Iran et l’Irak et les deux guerres du Golfe. C’est aujourd’hui une zone de tensions avec, d’un côté, la situation particulière de l’Irak, de l’autre, l’inconnue iranienne, et, plus loin – mais pas si loin ! –, les opérations de l’OTAN en Afghanistan.
Les Émirats arabes unis sont, enfin, un partenaire incontournable pour l’économie française. Ils ont une économie dynamique, de plus en plus indépendante du pétrole, qui constitue un débouché important pour les intérêts français. De fait, notre part de marché a triplé entre 1998 et 2009, pour atteindre plus de 3 milliards d’euros d’exportations. L’aéronautique, avec EADS, est évidemment le premier secteur concerné, mais il n’est pas le seul : GDF-Suez, Veolia, Alsthom ou encore Thales sont également très présents. Ces entreprises doivent toutefois faire face à la concurrence des Européens et, plus récemment, de l’Inde, de la Turquie et de la Corée du Sud.
Cet accord marque, certes, un nouveau départ, mais il s’inscrit dans le cadre d’un partenariat militaire et politique ancien.
Le premier accord de défense remonte à 1977 ; il y a plus de vingt ans, nos relations avec les Émirats arabes unis étaient si étroites que la France est demeurée le principal fournisseur d’armement de ce pays jusque dans les années quatre-vingt-dix. Cette coopération a abouti, vous le savez, à l’installation d’une base militaire française à Abou Dabi en 2009.
Nos relations dépassent d’ailleurs le strict domaine militaire, comme l’illustrent l’ouverture prochaine du « Louvre Abou Dabi » ou l’implantation, il y a trois ans, d’une antenne de la Sorbonne.
Ainsi, La France et les Émirats arabes unis sont liés par de nombreux accords dans des domaines qui vont du développement et de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire aux échanges scolaires en matière de mathématiques et de sciences physiques, en passant par les transports.
L’objet essentiel de l’accord de défense qui nous est soumis, mes chers collègues, est de donner un cadre juridique durable à l’implantation française aux Émirats arabes unis.
La base militaire d’Abou Dabi est une implantation de premier ordre. Elle constitue la première création d’une implantation militaire durable à l’étranger depuis plus de cinquante ans. Elle illustre ainsi la volonté de la France de s’implanter de façon pérenne aux côtés des Émirats arabes unis.
Cette base militaire comprend trois composantes. La première, qui est aussi la plus importante, est la composante navale, qui permet d’assurer un soutien aux navires de la marine nationale en mission dans les eaux du Golfe et de l’océan Indien. La deuxième est la composante terrestre : un centre d’entraînement au combat en zone urbaine et en milieu désertique a été créé dans l’enceinte de la base. La troisième est la composante aérienne. Au total, ce sont aujourd’hui 620 militaires qui sont installés dans cette implantation, qui accueillera l’ensemble des moyens militaires que la France déploie régulièrement dans le cadre d’exercices interarmées avec les pays du Golfe.
Cette implantation stratégique dans une zone sensible a d’abord une fonction dissuasive à l’égard d’un éventuel agresseur et des Émirats arabes unis. Elle sert également de point d’appui aux forces françaises déployées sur le théâtre nord de l’océan Indien. L’implantation française permet, enfin, des activités d’entraînement et d’aguerrissement des forces françaises, en lien avec nos partenaires locaux.
Les actions de coopération avec les forces armées émiriennes ont aujourd’hui une réelle valeur ajoutée, du fait de la communauté d’armement – chars Leclerc, les Mirage, etc. – et du très haut niveau technologique des équipements émiriens.
L’excellent niveau de qualification des militaires émiriens, notamment ceux de l’Air Force et des forces spéciales, est un autre facteur de satisfaction favorisant la bonne qualité des échanges entre nos deux pays.
Outre ses fonctions opérationnelles, la base offre également une vitrine de choix pour le matériel d’armement.
J’en viens aux dispositions précises de l’accord.
Comportant un certain nombre de dispositions assez classiques dans les accords de défense, il rappelle les objectifs de ce partenariat, les domaines de la coopération bilatérale, l’établissement d’une planification conjointe, ainsi que la définition d’un cadre juridique d’exercice commun.
Au-delà de ces dispositions, deux points présentent un intérêt particulier.
Le premier point est l’existence d’une clause de sécurité au terme de laquelle la France participe à la défense de l’intégrité territoriale des États des Émirats arabes unis.
L’article 4 de l’accord prévoit une réponse graduée à tout type de menaces pouvant aller jusqu’à l’engagement de nos forces dans le cas où les Émirats arabes unis seraient soumis à une menace portant sur leurs intérêts vitaux et mettant en cause leur souveraineté nationale.
Je me dois de souligner le caractère assez exceptionnel de ce dispositif au moment où la France a supprimé des clauses similaires dans ses accords d’avec ses partenaires africains.
Je dois également souligner que l’engagement des soldats français n’est explicitement prévu que pour « dissuader ou repousser toute agression qui serait menée par un ou plusieurs États ». Je cite là très précisément les termes de l’accord, qui exclut notre engagement dans un éventuel conflit interne.
L’accord serait ainsi inapplicable en cas d’attaque terroriste sur le territoire des Émirats arabes unis.
Cet accord engage, par ailleurs, un État, et non un régime. Le régime en place jouit d’une grande stabilité, mais, en tout état de cause, nos relations avec les Émirats et le contexte stratégique qui ont conduit à la signature de cet accord sont disjoints de la nature du régime politique émirien et des évolutions qu’il pourrait connaître.
Jusqu’à présent, seuls les États-Unis et le Royaume-Uni ont établi avec les Émirats un accord de défense. Ces accords ne sont pas publics, mais nous avons des raisons de penser qu’ils contiennent également des clauses d’engagement.
Si l’on ne peut comparer la présence militaire de nos différents pays en termes d’effectifs et de moyens, on peut souligner la perception très positive qu’ont les autorités émiriennes de la présence militaire française : pour elles, il s’agit d’un engagement durable – les personnels sont en effet, pour un grand nombre d’entre eux, affectés sur place avec leurs familles – et d’une présence qui est réellement au service des deux pays, ce qui passe par l’intensification du travail en commun au quotidien et par l’intérêt réciproque de chaque partie.
Les Américains sont davantage positionnés dans le cadre de leur participation à des opérations régionales dont les durées peuvent laisser penser qu’ils sont installés pour le long terme, mais leur présence est, en réalité, dépendante de facteurs extérieurs aux Émirats arabes unis, où ils disposent de facilités pour leur transit, mais pas réellement d’une base militaire, comme c’est le cas au Bahreïn ou au Qatar.
Il faut aussi noter que les Émirats sont engagés dans des relations modestes, mais existantes, avec l’OTAN dans le cadre de l’initiative de coopération d’Istanbul.
Le second point, qui a fait l’objet de négociations approfondies et d’une lettre interprétative accompagnant l’accord de défense, concerne le statut du personnel en place.
En résumé, l’accord prévoit que, en cas d’infraction commise sur le territoire émirien, les militaires français relèvent du droit français lorsque l’infraction résulte d’un acte ou d’une négligence accompli dans le cadre de leur service ou lorsque l’infraction porte uniquement atteinte à la sécurité du personnel français ou des biens de l’État français.
Une procédure est prévue dans la lettre interprétative pour trancher en cas de désaccord sur la nature de l’infraction si cette dernière a été commise ou non dans le cadre du service.
Dans tous les autres cas, les autorités émiriennes exerceront par priorité leur droit de juridiction. Il est, toutefois, prévu qu’elles peuvent renoncer à ce droit et, par ailleurs, qu’aucune sanction qui serait contraire à l’ordre public français ou qui constituerait des traitements inhumains ou dégradants interdits par des conventions internationales auxquelles la France est partie ne pourrait être exécutée à l’encontre d’un militaire français ou d’une personne à sa charge. Une peine de substitution devrait alors être prononcée dans un délai raisonnable. Cette procédure offre ainsi des garanties pour que ne soient pas infligées à nos ressortissants des sanctions qui nous paraîtraient intolérables.
Tel est le contenu de cet accord, qui présente, à mes yeux, un intérêt stratégique majeur : il formalise un partenariat de défense et d’armement essentiel à la place de notre pays dans cette zone stratégique, pour ses intérêts comme pour ceux de l’ensemble de la communauté internationale. La commission des affaires étrangères l’a adopté, et je vous invite, mes chers collègues, à faire de même. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis d’un nouvel accord de défense entre la France et les Émirats arabes unis, signé à Abou Dabi en mai 2009, qui vient se substituer à l’accord de défense signé en 1995 avec les Émirats arabes unis, devenu inadapté en raison de caractéristiques nouvelles prises par le partenariat franco-émirien.
Cet accord de coopération entre la France et les Émirats arabes unis en matière de défense ne peut pas être pris à la légère. Il contient des dispositions importantes, sérieuses et risquées. Il engage la parole de la France. II peut même engager nos forces armées dans des conflits futurs.
Nous savons tous que les Émirats arabes unis sont un pays ami et un pays avec lequel nous faisons des affaires.
Puisqu’il est placé dans une zone stratégiquement et économiquement cruciale, nous devons regarder de près les conditions de la sécurité des voies de circulation et de transport. Est-il pourtant de notre devoir de veiller à la sécurité des Émirats arabes unis ?
Certes, notre politique extérieure et de défense doit prendre en compte les aspects essentiels de notre commerce extérieur, mais ce ne sont pas les impératifs du commerce extérieur qui doivent guider notre politique à l’étranger, en particulier quand il s’agit de l’engagement de nos forces armées.
Bien évidemment, nous ne pouvons pas méconnaître que, sur le plan économique, nous avons d’importants intérêts communs : ce pays est un grand fournisseur de pétrole et de gaz naturel pour la France, notre dix-huitième partenaire en matière économique et le premier au Moyen-Orient.
Les Émirats arabes unis achètent, nous dit-on, 5 % des Airbus européens. Mais, à l’heure actuelle, aucun Rafale n’a été vendu à Abou Dabi...
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. Eh oui !
M. Didier Boulaud. On peut ainsi lire dans la presse spécialisée le commentaire suivant : « Après avoir mené des négociations exclusives avec Dassault Aviation pour l’achat de chasseurs multirôles Rafale, l’armée de l’air émiratie aurait commencé à étudier d’autres options pour son futur avion de combat.
« Initiées il y a quatre ans, les négociations avec le groupe français n’ont toujours pas abouti, ouvrant la porte de la compétition à l’américain Lockheed Martin, indique une source d’Abou Dabi. La source émiratie souligne qu’Abou Dabi s’est plaint à plusieurs reprises du manque de souplesse de l’industriel français dans les négociations sur le Rafale, alors que les multiples interventions du président Sarkozy n’ont pas réussi à aplanir les difficultés. »
Ainsi, malgré les efforts des uns et des autres, cette affaire n’avance pas, et le Rafale reste un produit d’importation franco-français.
Si cet accord se veut une garantie pro-Rafale, il ne suffit pas, dirait-on, pour emporter la décision… Ou alors les Émirats se demandent pourquoi ils devraient s’engager plus loin et acheter des avions français puisque la base militaire française est déjà installée.
Sur le plan stratégique, les Émirats ont été un partenaire important dans le cadre d’une alliance née au moment de la guerre du Golfe, en 1991, il y a donc vingt ans.
À l’époque, des accords d’État à État ont été signés, puis reconduits en 1995. Il était alors question, après la défaite de Saddam Hussein, de promouvoir dans le Golfe un ordre de paix, de sécurité et de justice. On ne peut pas dire que ce fut une réussite ! Ni les Émirats, ni le Bahreïn, ni l’Arabie saoudite – j’arrête là l’énumération ! – ne sont, vingt ans plus tard, des modèles de démocratie.
Dans les années quatre-vingt-dix, les Émirats avaient acheté à la France plus de 430 chars Leclerc et des avions Mirage.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. C’est vrai !
M. Didier Boulaud. L’accord débattu aujourd’hui au Parlement constitue-t-il la prolongation stratégique et commerciale des accords précédents ? Si au moins la même réussite commerciale était au rendez-vous...
Souvent, les Émirats accompagnent la politique extérieure française, et ils le font d’autant plus aisément que Paris est de plus en plus engagé dans le sillage des vues stratégiques américaines.
Le rapprochement avec l’OTAN est salué à Abou Dabi et à l’Élysée, et nos pays partagent une même approche timorée et prudente face aux bouleversements politiques et populaires en Méditerranée.
Nous devons aussi signaler que les Émirats ont été le deuxième pays arabe, après le Qatar, à participer aux opérations militaires pour faire respecter la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU, laquelle a ouvert la voie aux frappes en Libye.
Certes, il faut reconnaître aussi que les pays arabes ne se bousculent pas au portillon pour venir en aide aux rebelles libyens...
Je n’insisterai pas sur les aspects déjà soulignés par le rapporteur, Mme Goulet : accords existants avec l’Arabie saoudite, en 2010, ou avec l’Irak, en 2011 ; importance géopolitique des Émirats, zone de tensions, « avec, d’un côté, la situation particulière de l’Irak, de l’autre, l’inconnue iranienne, et, plus loin – mais pas si loin ! –, les opérations de l’OTAN en Afghanistan. »
Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : si les Émirats arabes unis intéressent autant de monde, c’est parce que transite, par le détroit d’Ormuz, l’essentiel des approvisionnements en énergie de nos économies.
Ce sont là autant de motifs pour ne pas s’engager à la légère.
Nous pensons que les représentations géopolitiques contenues dans le Livre blanc du président Sarkozy doivent être révisées, revisitées, corrigées à l’aune des intérêts français et européens, d’une façon plus autonome et mieux adaptée à nos exigences et à nos contraintes politiques et financières.
Ainsi, au moment où l’Asie se réveille et où la Chine s’affirme comme une puissance planétaire, au moment où des pays émergents développent des stratégies propres, originales et parfois assez erratiques, devrions-nous en rester au « grand jeu » du XIXe siècle, prisonniers du conflit d’influence entre Anglo-Saxons et Français ? Je crains que ce ne soit là une vision passéiste, et sans avenir.
En 2012, nous aurons à revoir en profondeur nos choix politiques de défense et de sécurité, y compris dans la région concernée par cet accord.
Je dois aussi vous parler, mes chers collègues, mais brièvement tant elle est connue, de la situation des droits de l’homme dans les Émirats arabes unis, pays qui compte 6,4 millions d’habitants, dont 81 % d’étrangers, « leurs » étrangers, pour qui la santé, l’éducation et les services sociaux sont difficilement accessibles. Il n’y a ni syndicats ni partis politiques. Les conditions de travail sont très dures et la justice est très laxiste en ce qui concerne les violences domestiques. Toutefois, la police fait parfois la chasse aux couples non mariés... Bref, les Émirats, si prompts à se ranger derrière le drapeau occidental, ne s’empressent pas d’épouser toujours ses valeurs.
Nous aimerions connaître l’avis du ministre sur ce point et savoir s’il a été question de ces sujets lors des derniers entretiens avec les dirigeants émiratis. Quand un accord de défense est signé, il est difficilement dissociable de la situation intérieure dans le pays : démocratie, dictature, progrès en matière de justice et d’égalité sont des dossiers importants !
Faut-il, au moment de la signature d’un accord de coopération de défense avec les Émirats, se taire sur tous ces dossiers ?
Certains justifient la base militaire française par la nécessité de défendre les Émirats face à l’agressivité iranienne, présumée ou réelle…
Mais, quel est l’état réel des relations entre l’Iran et les Émirats ? Il semblerait que les Émirats appliquent de façon plus que souple l’embargo envers l’Iran, y compris pour la fourniture de matériels extrêmement sensibles.
Que représente concrètement la menace iranienne, monsieur le ministre ? Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Quant à l’article 4, auquel Mme le rapporteur a fait référence, est-il inquiétant ou superfétatoire ? Il est inquiétant s’il crée une obligation plus contraignante et automatique ; il est superfétatoire s’il vient s’ajouter aux dispositions existantes dans le cadre de l’ONU. Là encore, une explication du Gouvernement est nécessaire.
Quel est le sens de cet article ? Nous conduit-il d’ores et déjà à prendre parti alors que le contexte d’un éventuel futur affrontement n’est pas même encore connu ?
Est-il raisonnable de nous engager plus loin en participant, en application de cet article 4, à la défense de l’intégrité territoriale des États des Émirats arabes unis ? Cela mérite quelques explications de la part du Gouvernement.
De toute façon, si un conflit intervenait, nous serions liés par d’autres engagements, comme nous l’avons été au moment de la guerre du Koweït. Dès lors, l’article 4 de ce nouvel accord est-il vraiment nécessaire ? Ne serait-il pas redondant par rapport à tous les engagements que nous avons pleinement souscrits à l’ONU ?
Je m’interroge aussi sur notre capacité à honorer tous nos engagements.
Cette nouvelle base implique une dispersion supplémentaire des capacités de la France dans le monde. En avons-nous les moyens ? La lecture de la « une » de ce jour d’un grand quotidien du soir suffit à apporter quelques réponses…
Ne devrions-nous pas plutôt concentrer nos forces, limitées, sur les aires géopolitiques les plus nécessaires à notre défense ? En Afrique, en Méditerranée, nous levons l’ancre, nous fermons des bases, nous réduisons notre présence. Soit ! Mais pourquoi alors aller créer une base supplémentaire ?
Quel est l’avenir de notre grande base à Djibouti, où nous avons, avec les Américains et les Japonais, un centre de coordination pour la lutte contre la piraterie – région aussi, monsieur le ministre, où la présence chinoise commence à se manifester et à susciter des interrogations de la part des observateurs.
Le président Josselin de Rohan ne me contredira sans doute pas : on ne peut pas aborder les questions que soulève cet accord sans évoquer également la question des moyens accordés à notre défense.
Notre implantation aux Émirats arabes unis risque de nous conduire demain à nous désengager encore plus du continent africain et des territoires d’outre-mer. Est-ce souhaitable ?
Si l’on poursuit la politique actuelle, je crains que le désengagement ne soit inévitable à court terme. C’est, hélas ! le prix à payer à la suite des choix réalisés en matière stratégique depuis 2007 : entre Livre blanc, programmation militaire bancale et RGPP drastique, les moyens de la défense s’amenuisent. L’inquiétude des militaires devient prégnante et, désormais, audible.
Le Livre blanc, nous l’avions déjà signalé, est caduc. Les objectifs capacitaires ne seront pas atteints faute de recettes suffisantes et ses présupposés idéologiques – notamment « arc de crise », sécurité nationale, défiance face à la défense européenne – sont à revoir. En particulier, nous devons reconsidérer les aires géographiques de nos déploiements à l’étranger, en les adaptant aux moyens réels de notre défense et de nos finances, c'est-à-dire sans tirer de traites sur l’avenir.
Tels sont les points et les interrogations qui nous empêchent de voter favorablement votre texte, monsieur le ministre.
Toutefois, nous sommes conscients que, comme on dit familièrement, « le coup est parti » ! Les engagements pris par le Président Sarkozy connaissent déjà, une fois n’est pas coutume, un début de réalisation, et l’accord de coopération a abouti, nous le savons, à l’installation de la base militaire française à Abou Dabi en 2009. Le Parlement arrive donc après la bataille...
Nous nous abstiendrons donc sur ce texte, parce que nous considérons que les enjeux économiques, industriels, énergétiques, stratégiques, politiques qui justifient l’implantation de cette base et cet accord de défense méritent d’être pris en considération et, surtout, parce que la parole de la France a été engagée, et ce au plus haut niveau. Il s’agit donc de prendre aussi cette situation nouvelle en compte.
Notre abstention vise, nous le disons clairement, à ne pas hypothéquer l’avenir, dans lequel nous mettons nos espoirs... (Sourires.) La parole de la France, son engagement international, le contrat avec ses soldats, ne peuvent pas varier du jour au lendemain. Il sera temps de revenir en 2012 sur des choix erronés et les promesses inconsidérées du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et de la loi de programmation militaire – devrais-je dire plutôt de la loi de déprogrammation militaire ? – qui en a découlé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)