M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, cette fois il s'agira véritablement d'une explication de vote sur l'article 14. (Sourires sur les travées du groupe socialiste. – M. Christian Cambon proteste.) Mon cher collègue, ne vous inquiétez pas, ce ne sera pas long et de surcroît je pourrai écourter mon explication de vote sur l’ensemble du texte.
Nos divergences portent essentiellement sur l'amendement n° 10 rectifié, et donc sur l'autoconsommation. J'espère que, sur cette question, la navette parlementaire permettra des avancées. Toutefois, même si je suis favorable aux autres dispositions prévues, dans la mesure où cet amendement n'a pas été adopté, je voterai contre l'article 14. C'est un point de friction.
M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Tout n'est pas mauvais dans ce texte. Toutefois, nous avons formulé un grand nombre de propositions à l'article 14 sur lesquelles nous fondions beaucoup d’espoir.
Je tiens à souligner quelques points positifs.
Non, monsieur le rapporteur, vous ne m'avez pas tout refusé. Ainsi, même si vous avez transformé l’amendement sur le patrimoine alimentaire vivant, l’esprit qui en avait été à l’origine est préservé. De cela, je vous remercie.
Je tiens également à souligner que l'article 15 évoque la contrefaçon en cas d'atteinte « volontaire » aux droits de l’obtenteur. Cela correspond à un amendement au texte de M. Jean Bizet que nous avons discuté voilà plusieurs années et que les écologistes avaient alors porté, tendant à éviter que les chutes de graines ou les pollinisations par le vent qui apportent des contaminations dans un champ ne fassent peser sur le propriétaire de celui-ci la responsabilité d'avoir dérobé un patrimoine inscrit, alors qu'il en aurait été simplement la victime passive.
Cependant, vous n'avez pas été plein de sollicitude.
Quand l’UPOV défend les intérêts « légitimes » de l’obtenteur, cela ne vous pose pas de problème. En revanche, quand M. Raoul parle de représentation « légitime » des organisations minoritaires, vous êtes contre !
Quand l’UPOV évoque les limites « raisonnables » des semences de ferme, cela ne vous pose pas non plus de problème. Mais quand il est question, à l’occasion d’un amendement sur la possibilité d'échange, de « quantités raisonnables », vous vous y opposez !
Qui plus est, des raisons majeures me conduisent à refuser ce texte.
D’abord, vous n'avez pas accepté d’affirmer la nécessaire transparence dans les certificats d'obtention végétale, quand les semences concernées portent un gène qui a été transformé et dont la transformation est issue d'un brevet.
Ensuite, les renseignements sont fournis exclusivement par l’obtenteur. Or, pour avoir participé durant plusieurs mois à la mission commune d’information sur le Mediator, je peux témoigner que les renseignements fournis par le fabricant nous ont laissé un goût assez amer.
Enfin, nous ne nous montrons pas dignes des accords que nous avons signés. Je pense à la convention sur la diversité biologique de Nagoya, au traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture. Nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux à venir.
Pour toutes ces raisons, les écologistes voteront contre cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du contexte agricole particulièrement concurrentiel, il est aujourd’hui indispensable que notre pays puisse développer la recherche afin de promouvoir des produits de qualité. L’innovation est l’une des clés de la compétitivité de nos filières agricoles comme du respect de l’environnement et elle contribue à la biodiversité.
En France, la recherche agronomique est assise sur un modèle original de protection de la propriété intellectuelle : le certificat d’obtention végétale, ou COV. Ce modèle permet de défendre un juste équilibre entre protection du propriétaire et intérêt de l’utilisateur. Aussi, notre pays se doit de conforter la spécificité du COV, puisque la filière semencière française est une référence.
Le groupe UMP a tenu à faire inscrire à l’ordre du jour des travaux du Parlement cette proposition de loi, présentée par notre collègue Christian Demuynck, que je souhaite saluer ici au nom de mes collègues, texte qui vise trois enjeux majeurs pour l’avenir de l’agriculture française.
Il s’agit, premièrement, de consolider notre modèle de protection de la propriété intellectuelle sur les obtentions végétales. Il convient, deuxièmement, de fournir à nos agriculteurs un cadre juridique précis en matière d’utilisation des semences de ferme, c’est-à-dire des graines issues de la récolte. Il faut, troisièmement, garantir la pérennité de l’effort de recherche en matière de variétés végétales, en garantissant sa juste rémunération.
Cette proposition de loi donnera un nouveau signe concret de l’engagement de notre pays en matière de recherche et d’innovation. Dans l’intérêt bien compris des agriculteurs, elle clarifie et simplifie les conditions d’utilisation de semences de variétés protégées.
Je tiens enfin à saluer l’excellent travail de notre rapporteur, Rémy Pointereau, qui a permis que des améliorations essentielles soient apportées au texte. La commission a notamment souhaité favoriser la conservation des collections de variétés anciennes ; elle a tenu également à inscrire dans le texte la reconnaissance du droit des agriculteurs à utiliser des semences de ferme.
Aussi, l’ensemble du groupe UMP votera cette proposition de loi qui engage l’avenir de notre filière végétale et tout un pan de notre recherche. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. En tant qu’élu d'une ville qui accueille l'Office communautaire des variétés végétales, l’OCVV, la Station nationale d’essais de semences, la SNES, ainsi qu’un certain nombre d'organismes spécialisés dans les semences et représentant d'un territoire qui compte de nombreux obtenteurs, je considère que cette proposition de loi comporte des avancées considérables, notamment en matière de propriété intellectuelle, et, à ce titre, j’aurais pu la voter. Toutefois, par déformation professionnelle et parce que nous examinons ce texte en première lecture, je me contenterai d’une abstention positive.
Il est une autre raison, bien plus importante qui me conduit à adopter cette position. J’ai soulevé avec l'amendement n° 10 rectifié le problème de l'autoconsommation. Pourtant, il n’a pas été adopté. Il s’agissait de mettre fin à une hypocrisie : ainsi que cela a été évoqué très longuement en commission, – j’ai des noms, de ceux qui y ont témoigné en ce sens – tout le monde a recours à cette pratique sans le dire et, comme vous le savez, c’est incontrôlable. Pourquoi alors ne pas reconnaître l’existence de cette pratique dans un texte ?
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sous un aspect technique, la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise touche en réalité à l’avenir de secteurs clés de notre économie nationale, celui, bien sûr, des semences dans lequel nous avons un leadership à pérenniser et celui de l’agriculture.
Les membres du groupe RDSE sont, bien entendu, favorables à certaines des évolutions proposées dans ce texte.
Ce texte permet de consolider le modèle français de protection de la propriété intellectuelle face aux tenants du brevet. Le certificat d’obtention végétale constitue une juste reconnaissance de la propriété industrielle sur l’innovation dans le domaine du végétal, tout en laissant l’accès à la variété nouvelle pour la sélection.
La France a été pionnière dans la mise en place de ce certificat, adopté maintenant par soixante-neuf pays ; il était évidemment paradoxal qu’elle n’ait pas encore adapté sa propre législation aux standards internationaux.
Quand on voit l’orientation prise par la Commission européenne en matière de droit de la propriété intellectuelle, il y a de quoi être inquiet. Il faut empêcher l’appropriation indue par quelques prédateurs de ce patrimoine commun qu’est la nature. Puisse ce texte renforcer ce message et non être la première marche vers la brevetabilité du vivant !
La place qu’occupe la recherche française dans le secteur « semences et plants » est très dynamique et remarquable. Elle a permis d’élaborer de nouvelles variétés végétales de nature à favoriser la hausse des rendements agricoles, tout en réduisant la consommation d’intrants grâce à une résistance accrue aux maladies et à une meilleure adaptation à l’environnement.
Il est donc tout à fait légitime et nécessaire de rémunérer le travail des chercheurs. Encore faut-il que ce travail soit orienté sur l’amélioration des variétés au profit des agriculteurs et de l’environnement ! Or certaines firmes se dirigent vers le verrouillage des semences par la sélection de variétés hybrides, non reproductibles à la ferme.
Par ailleurs, le texte autorise l’utilisation de semences de ferme sur la même exploitation et sous réserve d’une indemnisation de l’obtenteur.
Il était temps de sortir d’une situation insensée où des agriculteurs étaient menacés de poursuites en contrefaçon devant les tribunaux pour avoir ressemé leur récolte !
Rappelons que la totalité des semences industrielles sont issues de variétés sélectionnées par des dizaines de générations de paysans. La multiplication d’une partie de la récolte à la ferme est aussi le seul moyen de pouvoir adapter les variétés à la diversité des terroirs.
Nous avions exprimé quelques réserves, lors de la discussion générale, sur l’étendue de la dérogation en faveur des agriculteurs. L’article 14, tel qu’il a été adopté, ne nous satisfait pas totalement. Nous regrettons notamment que tous les amendements de notre collègue Daniel Raoul n’aient pas trouvé un écho favorable.
Toutefois, le groupe RDSE votera ce texte,…
M. Christian Demuynck. Très bien !
Mme Françoise Laborde. … tout en souhaitant que la question de l’autoconsommation et de l’alimentation du bétail soit réglée au cours de la navette parlementaire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Christian Demuynck de nous avoir permis de remettre l’ouvrage sur le métier, cinq ans après l’adoption par le Sénat d’un projet de loi relatif aux obtentions végétales, devenu caduc.
La proposition de loi qui nous est soumise était attendue non seulement par une grande majorité de professionnels, qu’il s’agisse des sélectionneurs, des obtenteurs, des multiplicateurs ou des agriculteurs, mais également par un grand nombre d’organismes qui gèrent la filière semences.
Elle nous permet à la fois de nous mettre en conformité avec la convention UPOV de 1991 et de protéger les obtenteurs et la recherche, les multiplicateurs et les agriculteurs, sans confisquer la propriété intellectuelle. Il s’agit, me semble-t-il, d’un texte tout à fait équilibré.
Si nos variétés végétales faisaient l’objet d’un brevet comme aux États-Unis, leurs obtenteurs, je dirais même les inventeurs, pourraient s’en accaparer la propriété, restreignant ainsi l’accès de chacun au patrimoine naturel. En effet, l’inventeur qui détient un brevet a des droits sur tous les produits développés, même s’ils sont différents.
C’est donc pour éviter cette privatisation des ressources naturelles qu’a été mis au point le COV, le certificat d’obtention végétale, qui est conforté par ce texte.
Concernant la pratique des semences de ferme sur des variétés protégées qui était jusqu’à maintenant purement et simplement interdite en droit français, elle deviendra autorisée si l'Assemblée nationale adopte le texte dans la rédaction issue de nos travaux.
Il est important que tous les agriculteurs conservent le droit d’exploiter des variétés protégées dans la mesure où un juste retour à l’obtenteur ait lieu dans les conditions prévues par les accords interprofessionnels, qui, eux, jugeront notamment de l’acceptabilité ou non de l’exonération de l’autoconsommation, comme c’est le cas pour le blé. À cet égard, je salue notre collègue Daniel Raoul, qui s’est battu pour faire adopter l’amendement n° 10 rectifié, mais il était difficile de lui répondre favorablement. Élu d’une région très favorable aux semences, il a, je le sais, une parfaite connaissance du sujet.
Quoi qu’il en soit, la solidarité doit se manifester en faveur du progrès génétique, car il faudra, à terme, développer la productivité pour nourrir 9 milliards d’individus. C’est une question de sécurité alimentaire. À l’heure des changements climatiques, il faut que nous fassions des progrès sur nos variétés.
Avant de conclure, permettez-moi de remercier les membres de l’opposition, notamment Mme Blandin, qui a tenté d’amender le texte. Nous avons répondu à quelques-unes de ses attentes, concernant, en particulier, la collection nationale de ressources phytogénétiques (M. Daniel Raoul opine.), qui constitue une avancée.
Par ailleurs, je remercie le ministre M. Bruno Le Maire d’avoir mené la discussion de cette proposition de loi à son terme et accepté un certain nombre d’avancées. Je voudrais également remercier l’ensemble de nos collègues UMP, de l’Union centriste et du RDSE, notre collègue Françoise Laborde venant d’indiquer que son groupe allait voter ce texte. En ces derniers jours de session extraordinaire, merci à tous d’avoir été présents aujourd'hui, car nous avons repris l’examen de ce texte après une coupure d’une dizaine de jours. Mes remerciements vont également au président Emorine et aux services de la commission pour notre travail en commun, ainsi qu’aux conseillers.
Pour conclure, je citerai Jules Verne : « C’est à force de répandre le bon grain qu’une semence finit par tomber dans un sillon fertile. » Je souhaite qu’il en soit ainsi, avec ce texte, pour l’avenir des semences françaises.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
10
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a été informé, par lettre en date du vendredi 8 juillet 2011, par M. le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés de la loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de cette saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
11
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 8 juillet 2011, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011–175 QPC et 2011–176 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
12
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 11 juillet 2011 :
À dix heures :
1. Conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi organique relatif aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et le projet de loi relatif aux collectivités de Guyane et de Martinique.
Rapport de M. Christian Cointat, rapporteur pour le Sénat (n° 715, 2010–2011).
Texte de la commission (n° 716, 2010–2011).
Texte de la commission (n° 717, 2010–2011).
2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française.
Rapport de M. Christian Cointat, rapporteur pour le Sénat (n° 718, 2010–2011).
Texte de la commission (n° 719, 2010–2011).
À quinze heures et, éventuellement, le soir :
3. Projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l’équilibre des finances publiques (n° 687 rectifié, 2010–2011).
Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 732, 2010–2011).
Avis de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 705, 2010–2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures quarante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART