M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En effet, il faudra les deux !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si j’ai encore l’honneur de siéger au Sénat à l’automne, au lendemain des élections du 25 septembre, j’attendrai de vous, madame la ministre, que vous me donniez la possibilité de ne pas voter contre le PLFSS. En effet, si l’on ne se décide pas à augmenter la CRDS de 0,25 %, notre démarche ne me semblera pas crédible.
Que de temps perdu ! Que de bonnes volontés affichées aussitôt contredites par les faits ! À peine plus tard qu’hier, nous nous sommes encore contredits en votant une prime pour les sapeurs-pompiers volontaires partis à la retraite depuis près de dix ans.
Voilà un an, la deuxième Conférence sur le déficit annonçait une baisse des dépenses de fonctionnement courant de l’État de 10 % en trois ans, avec une diminution de 5 % dès 2011. Un effort de 10 % devait être également réalisé sur la même période pour les dépenses d’intervention.
D’après les calculs du rapporteur général, les économies de fonctionnement courant ont atteint, en loi de finances pour 2011, 2 % de l’assiette, au lieu des 5 % annoncés. Quant à la contraction nette des dépenses d’intervention, elle s’est établie à 1 % de l’assiette, pour une enveloppe globale de 110 milliards d’euros. C’est peu dire que le compte n’y est pas ! Du moins pour le moment… Les « 10 % » n’auraient-ils été qu’un slogan ? Je ne peux le croire ! Ils illustrent en tout cas la difficulté d’une politique volontariste de la dépense publique.
D’une façon plus générale, le rapport de la commission des finances, mais aussi ceux de la Cour des comptes et de nos collègues de l’Assemblée nationale pointent également les incertitudes pesant sur l’évaluation du contexte macroéconomique et sur la dynamique de la dépense publique. Philippe Marini évoque ainsi la nécessité de dégager 6 milliards à 11 milliards d’euros d’économies supplémentaires ou de mesures de recettes l’an prochain sur l’ensemble de la sphère publique pour revenir dans les « clous » de la trajectoire de retour à l’équilibre.
Un autre défi nous attend à partir de 2013, lorsqu’il faudra doter le Mécanisme européen de stabilité. L’opération ne sera pas neutre pour la dette publique, et je ne suis pas sûr que nous ayons pris toute la mesure des contraintes auxquelles pourrait nous engager la solidarité communautaire. Si cette comparaison a un sens, le Mécanisme européen de stabilité et le plan de sauvetage de la Grèce ne doivent pas devenir ce qu’ont été, en leur temps, les mesures de redressement, prises à travers l’Établissement public de financement et de restructuration et le Consortium de réalisation, à l’égard du Crédit lyonnais.
Au moment de conclure, je voudrais être parfaitement convaincu que l’époque où de savants montages permettaient de sauver les apparences, de jouer les prolongations et de jeter un voile pudique sur nos expédients budgétaires est définitivement révolue. Sans doute devrai-je attendre la fin de l’année et l’examen du projet de loi de finances pour 2012 pour en être certain...
Madame la ministre, vous venez de prendre vos importantes responsabilités à la tête du ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. C’est le ministère de la réalité et, en politique, vous le savez bien, la réalité est souvent dans l’opposition. Tenez bon !
Sachez que je vous fais confiance et que je forme pour vous des vœux de pleine réussite. À défaut de règle d’or, rien ne remplacera votre volonté. Cette volonté, vous l’avez déjà exprimée dans les fonctions que vous exerciez jusqu’à la semaine dernière. Bonne chance, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le rapporteur général, je veux souligner plusieurs points positifs de votre intervention.
Comme vous l’avez indiqué, il est aujourd’hui largement admis que l’hypothèse de croissance de 2 % retenue par le Gouvernement pour l’année 2011 est plus que réaliste. Le chiffre de l’INSEE pour le premier trimestre de 2011, soit 0,9 %, permet d’enregistrer dès aujourd’hui une croissance de 1,6 % pour l’année. L’OCDE envisage, quant à elle, une croissance de 2,1 %.
Il faut y voir tout d’abord, vous en conviendrez, la qualité des prévisions gouvernementales et leur « réalisme », terme que je préfère à celui de « prudence », à laquelle vous invitez le Gouvernement à se rallier.
Il faut y voir ensuite le résultat d’une bonne stratégie de sortie de crise.
Nous sommes totalement engagés dans une trajectoire de réduction des déficits publics, sans pour autant freiner la croissance. Cet effort de maîtrise des déficits publics a d’ailleurs donné de meilleurs résultats que prévu en 2010 : le déficit était de 4,5 milliards d’euros.
Pour autant, nous n’avons pas revu notre trajectoire de déficit public pour 2011 et 2012 ni accéléré la réduction prévue. Notre position est très claire : nous ne voulons pas changer de cap. Nous sommes déterminés à réduire le déficit public, et nous tiendrons nos engagements, mais selon la trajectoire prévue, car nous sommes pragmatiques.
La trajectoire que nous avons déterminée nécessite des efforts sans précédent en termes de maîtrise des dépenses. Celles-ci devront progresser de 0,8 % en moyenne par an, contre 2,5 % en moyenne depuis trente ans. Cela revient donc à les diviser par trois !
Nous sommes également déterminés à réaliser des efforts très importants en matière de réduction des niches fiscales.
Cette trajectoire doit être raisonnable et elle ne doit pas gripper l’économie. Notre choix n’est pas d’aller au-delà ni plus vite.
Vous l’aurez compris, notre détermination est sans faille, nos hypothèses sont réalistes et, surtout, notre méthode est transparente. C’est d’ailleurs l’approche que nous défendrons dans le cadre du projet de loi constitutionnelle que le Sénat examinera lundi prochain.
Vous émettez des réserves sur notre prévision de croissance de 2,25 % pour 2012 ainsi que sur les économies qui sous-tendent cette trajectoire.
Concernant la croissance, les hypothèses du Gouvernement apparaissent de nouveau raisonnables et réalistes. Comme vous l’avez noté, nous avons revu à la baisse cette perspective de croissance par rapport à notre précédent document d’orientation des finances publiques, en la ramenant de 2,5 % à 2,25 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il faudra continuer !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cela signifie, je le répète, que le Gouvernement est réaliste.
Il est parfaitement normal de connaître une croissance relativement dynamique en période de sortie de crise, ce que confirment d’ailleurs les premiers résultats de 2011. Ces chiffres nous permettent de partir sur de bonnes bases pour respecter les objectifs.
À ce stade, aucun élément ne nous conduit à revoir cette perspective de croissance de 2,25 %. En revanche, l’engagement qui nous lie, c’est bien évidemment celui des soldes publics.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Voilà !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Si, d’aventure, il arrivait que nos perspectives de croissance doivent une nouvelle fois être revues à la baisse, je vous confirme l’engagement du Gouvernement à maintenir notre objectif en matière de soldes publics et à prendre avec vous, dans le cadre du débat parlementaire, de nouvelles mesures afin de maintenir nos efforts.
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, la maîtrise des dépenses sociales, en particulier celles de l’assurance maladie, est un volet essentiel de notre stratégie de réduction des déficits. Les résultats du Gouvernement en matière de déficit public prouvent qu’il est possible de maîtriser ces dépenses. En 2010 – c’est la première fois depuis 1997 –, l’ONDAM a été respecté !
De nouveaux outils ont été mis en place l’année dernière pour renforcer notre maîtrise de l’ONDAM, notamment avec l’instauration d’une mise en réserve de crédits en début d’année, comme cela se fait pour les ministères, et la révision à la baisse du seuil d’alerte. Ce dernier était de 0,7 %, il sera ramené à 0,5 % en 2013.
Concernant l’endettement des hôpitaux, sur lequel vous avez appelé mon attention, je rappelle que l’article 12 de la loi de programmation des finances publiques prévoit un encadrement par décret des conditions dans lesquelles les hôpitaux pourront avoir recours à l’endettement ; ce décret est en cours de préparation.
À M. Collin, Mme Beaufils et Mme Le Texier, je répondrai qu’ils peuvent critiquer la politique injuste du Gouvernement, irresponsable au détriment des plus fragiles, mais qu’ils ne peuvent pas polémiquer sur le fait que le Gouvernement multiplierait les dépenses fiscales.
Mme Nicole Bricq. Les chiffres sont terrifiants !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous sommes le premier gouvernement à avoir eu le courage de nous y attaquer, madame Bricq ! Avec détermination, nous avons réduit les niches fiscales de 11 milliards d’euros en 2001. Nous avions annoncé cet objectif, nous l’avons atteint et nous en affichons un autre pour l’année prochaine, à savoir 3 milliards d’euros d’économies supplémentaires. Là encore, nous tiendrons nos engagements.
Madame Bricq, je veux vous répondre sur deux points parmi les nombreux sujets que vous avez évoqués.
Le Parlement doit-il se prononcer sur le programme de stabilité après l’avis de la Commission ?
Mme Nicole Bricq. Oui !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous pensons que la meilleure garantie de l’expression démocratique du Parlement est qu’il soit saisi du projet de programme de stabilité avant sa transmission à Bruxelles.
Mme Nicole Bricq. C’est déjà pas mal !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous l’avons fait pour la première fois cette année et, bien évidemment, nous continuerons.
Mme Nicole Bricq. Grâce à la commission des finances !
Mme Valérie Pécresse, ministre. S’agissant du « un sur deux », je sais que vous doutez – c’est un euphémisme – de son opportunité. Le Gouvernement, je le rappelle, s’est engagé à un retour catégoriel de 50 % aux agents de l’État. Par ailleurs, cette réduction constante du nombre d’agents de l’État se traduira concrètement, dès 2012, par une baisse des dépenses de personnel en valeur de l’ordre de 250 millions d’euros. C’est donc une mesure à la fois justifiée sur le plan budgétaire et équitable pour les agents.
Mme Nicole Bricq. Pour l’éducation nationale, ce n’est pas terrible !
Mme Valérie Pécresse, ministre. M. Fourcade a raison : la compétitivité extérieure de notre pays est une question essentielle.
Le Gouvernement a pris des mesures fortes pour améliorer celle-ci et notre capacité économique à long terme en mettant en place des investissements d’avenir. Ainsi, nous avons fait de l’enseignement supérieur et de la recherche une priorité budgétaire.
J’ai entendu son souhait que les surplus de recettes ou les moindres dépenses, en particulier sur la charge de la dette, soient non pas recyclés en dépenses supplémentaires, mais affectés à la réduction du programme d’émission de la dette. À cet égard, je rappellerai deux points.
En 2010, les moindres charges d’intérêt de la dette ont essentiellement financé des dépenses exceptionnelles dans le domaine de la solidarité et de l’emploi, liées au contexte économique particulier, et non des dépenses pérennes.
À partir de 2011, la règle du « zéro valeur », hors dettes et pensions, interdit en tout état de cause de financer de nouvelles dépenses en recyclant d’éventuelles baisses sur la charge de la dette.
Enfin, l’article 11 de la loi de programmation des finances publiques prévoit l’affectation du surplus de recettes à la réduction des déficits.
Nous avons donc progressivement aménagé notre cadre et nos règles de gestion pour les rendre, comme il le souhaite, plus vertueuses.
Quant à la réduction de la dette publique, c’est bien évidemment un objectif que nous devons poursuivre avec détermination. La dette a augmenté à la suite de la crise exceptionnelle que nous avons traversée, mais il n’y a pas de spécificité française en la matière. Durant cette période, le Gouvernement a soutenu l’activité, ce qui a été salué par tous nos partenaires, y compris par le FMI ; la France a plutôt mieux résisté que les autres. Pour autant, notre volonté de réduire le déficit reste intacte et, en dehors de ce contexte exceptionnel, la trajectoire que nous proposons nous permettra de stabiliser la dette dès 2012.
J’ai bien entendu le message de M. Jégou et son incitation à maintenir le cap de notre trajectoire sans céder à la facilité des annonces inconsidérées. En l’occurrence, les seules annonces du Gouvernement sont que nous tiendrons, quelles que soient les conditions économiques, les engagements que nous avons pris devant le Parlement.
Monsieur Dassault, je vous remercie d’aider le Gouvernement dans la tâche difficile consistant à trouver, puis à concrétiser, des mesures d’économie. Vous considérez que l’on pourrait, sans impact négatif, réduire de plus de 50 % les moyens consacrés à la politique de l’emploi.
Il faut malheureusement, me semble-t-il, être un peu plus prudent dans ce domaine. Si le marché du travail a donné, sur l’ensemble des premiers mois de l’année, des signes d’embellie, il nous faut évidemment prioritairement consolider la reprise, notamment par le soutien à l’embauche et à la création d’emplois.
Pour autant, le Gouvernement, vous le savez, examinera l’ensemble des dépenses fiscales et sociales, y compris celles qui sont consacrées à l’emploi. Il n’y a pas de tabou : aucun domaine n’est épargné par notre volonté de maîtriser les dépenses.
Enfin, je rappelle que le budget de l’emploi au sens propre – 10 milliards à 12 milliards d’euros ces dernières années – s’ajuste à la situation économique. Nous l’avons tout d’abord augmenté fortement pour accroître les politiques actives de l’emploi lors de la crise. Nous le réduirons ensuite progressivement à mesure que la situation s’améliorera. Croyez-moi, l’emploi n’échappe pas à l’effort global d’économie et de rationalisation des dépenses.
Monsieur le président de la commission des finances, vous l’avez rappelé, nous avons inauguré cette année pour la première fois la procédure du semestre européen avec l’examen du programme de stabilité, puis nous avons entrepris la réforme de l’ISF et, enfin, nous clôturons cette session avec le débat sur l’orientation des finances publiques. Le début d’année fut donc particulièrement riche en matière budgétaire et fiscale, ce qui a permis au Gouvernement d’expliquer et de préciser ses choix et au Parlement de s’impliquer totalement dans l’examen et le contrôle.
Certes, durant ces six mois, nous n’avons pas supprimé l’ISF et les 35 heures, ni créé la TVA sociale. Je pense néanmoins que, avec la commission des finances du Sénat, nous avons avancé sur le bon chemin.
Enfin, permettez-moi de vous remercier de vos très chaleureuses paroles de bienvenue. J’espère que nous poursuivrons ensemble le travail exceptionnel de qualité engagé par mon prédécesseur, François Baroin. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.
Nous en avons terminé avec le débat sur l’orientation des finances publiques pour 2012
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 8 juillet 2011, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
1. Deuxième lecture de la proposition de loi relative à l’organisation de la médecine du travail (n° 709, 2010-2011).
Rapport de Mme Anne-Marie Payet, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 720, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 721, 2010-2011).
2. Suite de la proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale (n° 720, 2009 2010).
Rapport de M. Rémy Pointereau, fait au nom de la commission de l’économie (n° 618, 2010 2011).
Texte de la commission (n° 619, 2010-2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART