Mme Éliane Assassi. Vous vous êtes livrés à un calcul théorique, fondé sur la seule volonté de réduire le nombre d’élus. Mais cette définition théorique va devoir maintenant s’appliquer sur nos territoires. Nul ne sait s’il sera possible de tordre suffisamment les territoires pour permettre l’application de ce que vous proposez aujourd’hui.
Ainsi, au sein d’une même région et parfois même au sein d’un même département, la localisation des habitants est telle que, par exemple, la concentration du plus grand nombre dans une ou plusieurs agglomérations donnera à ces territoires un nombre d’élus largement majoritaire au sein des futurs conseils généraux. Est-ce ce que vous souhaitez ? Je n’en suis pas sûre. Alors, allons-nous vers des écarts très importants entre le nombre d’habitants par canton ? Nous le craignons.
Ce qui est sûr, c’est que nous ne savons pas quelle sera votre grille d’analyse, comment et sur quelles bases vous allez faire passer les ciseaux du découpage ou le couteau du charcutage. Pour notre part, nous redoutons le pire.
Nous savons que, derrière les beaux discours sur le respect des territoires, se cache la volonté de favoriser le parti majoritaire et même la majorité de celui-ci. Aussi, chacun d’entre nous, mes chers collègues, sera comptable de ce résultat devant chacun de ses électeurs en septembre prochain et plus largement devant l’ensemble de nos concitoyens. Songeons-y avant de rejeter cette motion et d’adopter ce texte.
Pour notre part, nous considérons qu’en l’adoptant en l’état nous signons un chèque en blanc au Gouvernement. Ce faisant, le Sénat ne jouerait pas le rôle qui lui est dévolu. D’une certaine façon, nous n’assumerions pas notre responsabilité de faire la loi en toute clarté, en parfaite connaissance des conséquences de nos choix.
C’est pourquoi nous demandons au Gouvernement de nous donner toutes les informations nécessaires pour nous forger l’assurance que ce tableau pourra s’appliquer dans le respect de notre loi fondamentale assurant l’égalité des citoyens devant le vote. Qu’il nous propose des simulations, au moins des tests, somme toute une vraie étude d’impact, comme il lui en est fait obligation !
C’est la quatrième et dernière raison de notre demande de renvoi de ce projet devant la commission des lois, en attendant les informations complémentaires qui nous manquent aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le renvoi à la commission est certes une procédure intéressante, mais cela fait quand même trois fois que nous examinons ce sujet précis du tableau électoral,...
Mme Éliane Assassi. Non !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ... que la commission commence à bien connaître ! Et il faut bien un tableau pour faire un découpage ; c’est le préalable indispensable.
Mme Éliane Assassi. Personne n’en veut !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dites que vous n’en voulez pas, mais ne dites surtout pas que personne n’en veut ! C’est une interprétation quelque peu abusive ! À cet égard, il y aurait beaucoup à dire sur votre souci permanent de respecter les diverses collectivités. J’ai quand même entendu de votre part des choses extraordinaires sur l’intercommunalité !
Toujours est-il que la commission pense qu’il n’y a pas lieu de se réunir de nouveau pour examiner ce projet de loi, qui est maintenant conforme aux dispositions constitutionnelles puisqu’il a été déposé devant le Sénat et qu’il respecte pleinement le principe d’égalité devant le suffrage.
Un certain nombre de questions, il est vrai, demeurent ; elles devront être examinées ultérieurement, mais elles ne le seront certainement pas à l’occasion de ce texte, qu’il faut voter aujourd'hui.
La commission est donc défavorable à cette motion.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Vous ne serez pas surpris que je partage l’avis du rapporteur en demandant le rejet de ce renvoi en commission. Comme il l’a dit, ce texte a été examiné à plusieurs reprises et a donc pu être approfondi. Il concerne essentiellement le tableau, et, sur ce sujet, je ne vois pas ce qui pourrait encore aujourd'hui vous échapper, madame Assassi.
Par ailleurs, vous craignez que l’équité, l’équilibre entre les différents territoires d’élection des conseillers territoriaux ne soient pas respectés dans le futur. Mais qu’en est-il aujourd'hui ? Croyez-vous que les cantons soient totalement équilibrés ! Soyons sérieux ! Dans le Var, où le plus petit canton regroupe environ 1 500 habitants et le plus grand 50 000, le rapport est de 1 à 46. Dans ces conditions, prendre comme prétexte de renvoi d’un texte le fait que nous n’aurions pas été jusqu’au bout de l’équité territoriale n’est pas admissible ! Examinez la situation qui prévaut actuellement dans chaque département, vous retrouverez des disparités dans presque tous !
Nous serons donc nécessairement dans une recherche de plus grande équité et cette démarche se fera, madame Assassi, sous le contrôle du juge administratif, qui est en l’occurrence le Conseil d’État. Je n’imagine pas une seule seconde qu’il puisse en être autrement : le juge administratif sera saisi le moment venu.
Le premier indicateur qui servira de base à ces découpages, lorsque la loi sera votée et que le travail commencera – et je vous confirme que les ordinateurs du ministère de l’intérieur ne tournent pas encore –, sera celui de la population.
Le deuxième indicateur, ce sont les territoires et, au-delà, le respect des limites qui sont fixées par la loi, notamment le respect des limites des circonscriptions électorales des députés.
Je ne reviendrai pas sur le reste, car tout est dans le texte, et j’ai déjà eu l’occasion de répondre aux questions que vous avez soulevées lors des questions d’actualité.
Pour ces raisons, je suis défavorable à la motion déposée par le groupe CRC-SPG.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 5, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Sueur, Mirassou, Peyronnet, Collombat, Bérit-Débat, Mazuir, Repentin, Teston, Godard, Ries et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collomb, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Mahéas, Michel, Sutour, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1er de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est abrogé.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, vous aurez compris qu’il s’agit pour nous de marquer une fois encore notre opposition à cet être hybride, indistinct, incertain et imprécis qu’est le conseiller territorial, à la fois conseiller régional et conseiller général.
Par son existence même, fût-elle putative, il institutionnalise ou revient à institutionnaliser le cumul des mandats, contre lequel chacun s’emploie à protester.
C’est vraiment une très mauvaise idée !
Puisque nous avons eu maintes fois l’occasion d’exprimer cette opposition ces derniers temps, je me permettrai, si vous en êtes d’accord, mes chers collègues, de m’en tenir là dans la présentation de cet amendement. (Sourires.)
M. Charles Pasqua. Quelle brièveté ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Ne reprochez pas à M. Sueur d’être bref, après lui avoir reproché de ne pas l’être ! (Mêmes mouvements.)
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le Sénat avait déjà rejeté un amendement identique lors de l’examen de ce texte en séance publique, le 7 juin dernier.
M. Jean-Pierre Sueur. Je l’avais noté ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission des lois a toujours soutenu la création des conseillers territoriaux, objet de l’article 1er de la loi de réforme des collectivités territoriales. Aussi, elle ne peut qu’être défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement, lui aussi, ne peut que se montrer défavorable à un amendement visant à supprimer le conseiller territorial.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous voterons cet amendement, d’autant plus que nous en avions déposé un identique lors de l’examen de ce texte en commission.
Monsieur le ministre, j’entends bien les propos que vous tenez en réponse à nos interventions ou à nos motions. Il n’empêche, puisque, comme tout ministre, vous êtes un homme politique, que vous êtes sans doute conscient que notre sentiment est largement partagé par les élus locaux. (M. le ministre manifeste son scepticisme.)
Vous pouvez le nier, mais, pour autant, je continuerai de l’affirmer !
M. Christian Cointat. Nous ne rencontrons pas les mêmes élus locaux !
M. Éric Doligé. On verra le résultat !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et puisque vous menez votre campagne électorale en professant que votre réforme se fait dans l’intérêt des collectivités locales, nous ne manquerons pas de démontrer, ici et là, que c’est tout le contraire et qu’elle sera source de nombreux problèmes.
M. Christian Cointat. On en reparlera dans quelques années !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr, mon cher collègue, mais vous me permettrez de m’exprimer, car la parole est encore libre.
M. Éric Doligé. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si tant est qu’on veuille donner aux collectivités locales une plus grande liberté d’action et plus de moyens pour répondre aux besoins sociaux qui s’expriment dans le pays, c’est d’une tout autre réforme que celles-ci avaient besoin, une réforme bien plus réfléchie.
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
(Non modifié)
Après l’article 5 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, il est rétabli un article 6 ainsi rédigé :
« Art. 6. – Le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région est fixé par le tableau annexé à la présente loi. »
ANNEXE
NOMBRE DE CONSEILLERS TERRITORIAUX PAR RÉGION ET PAR DÉPARTEMENT
Région |
Conseil régional |
Département |
Nombre de conseillers territoriaux |
Alsace |
74 |
Bas-Rhin Haut-Rhin |
43 31 |
Aquitaine |
211 |
Dordogne Gironde Landes Lot-et-Garonne Pyrénées-Atlantiques |
33 79 27 27 45 |
Auvergne |
145 |
Allier Cantal Haute-Loire Puy-de-Dôme |
35 20 27 63 |
Bourgogne |
134 |
Côte-d’Or Nièvre Saône-et-Loire Yonne |
41 21 43 29 |
Bretagne |
190 |
Côtes-d’Armor Finistère Ille-et-Vilaine Morbihan |
35 55 57 43 |
Centre |
172 |
Cher Eure-et-Loir Indre Indre-et-Loire Loir-et-Cher Loiret |
25 29 19 35 25 39 |
Champagne-Ardenne |
138 |
Ardennes Aube Marne Haute-Marne |
33 33 49 23 |
Franche-Comté |
104 |
Doubs Jura Haute-Saône Territoire de Belfort |
39 27 23 15 |
Guadeloupe |
45 |
Guadeloupe |
45 |
Île-de-France |
308 |
Paris Seine-et-Marne Yvelines Essonne Hauts-de-Seine Seine-Saint-Denis Val-de-Marne Val-d’Oise |
55 35 37 33 41 39 35 33 |
Languedoc-Roussillon |
166 |
Aude Gard Hérault Lozère Pyrénées-Orientales |
26 39 55 15 31 |
Limousin |
91 |
Corrèze Creuse Haute-Vienne |
29 19 43 |
Lorraine |
130 |
Meurthe-et-Moselle Meuse Moselle Vosges |
37 15 53 25 |
Midi-Pyrénées |
251 |
Ariège Aveyron Haute-Garonne Gers Lot Hautes-Pyrénées Tarn Tarn-et-Garonne |
15 29 90 19 19 23 33 23 |
Nord-Pas-de-Calais |
138 |
Nord Pas-de-Calais |
81 57 |
Basse-Normandie |
117 |
Calvados Manche Orne |
49 39 29 |
Haute-Normandie |
98 |
Eure Seine-Maritime |
35 63 |
Pays de la Loire |
174 |
Loire-Atlantique Maine-et-Loire Mayenne Sarthe Vendée |
53 39 18 31 33 |
Picardie |
109 |
Aisne Oise Somme |
33 39 37 |
Poitou-Charentes |
124 |
Charente Charente-Maritime Deux-Sèvres Vienne |
25 41 27 31 |
Provence-Alpes-Côte d’Azur |
226 |
Alpes-de-Haute-Provence Hautes-Alpes Alpes-Maritimes Bouches-du-Rhône Var Vaucluse |
15 15 49 75 45 27 |
La Réunion |
49 |
La Réunion |
49 |
Rhône-Alpes |
299 |
Ain Ardèche Drôme Isère Loire Rhône Savoie Haute-Savoie |
34 19 28 49 39 69 24 37 |
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Sueur, Mirassou, Peyronnet, Collombat, Bérit-Débat, Mazuir, Repentin, Teston, Godard, Ries et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collomb, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Mahéas, Michel, Sutour, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons le souci de la cohérence : ayant proposé, par l’amendement précédent, la suppression du conseiller territorial, nous ne pouvons que proposer la suppression du tableau fixant le nombre des conseillers territoriaux dans chaque département. Si nous ne le faisions pas, vous nous le reprocheriez à coup sûr.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous comprendrez ainsi la logique profonde qui nous anime. (Sourires.)
M. Charles Pasqua. Excellente logique ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Jean-Pierre Sueur me surprend chaque fois un peu plus ! (Mêmes mouvements.)
Par cohérence, elle aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement dont l’objet contrevient à la position qu’elle défend.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Puisque Jean-Pierre Sueur, ce dont je le remercie, réclame de la cohérence, je lui confirme que le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de l'article 1er et de l’annexe.
(L'article 1er et l’annexe sont adoptés.)
Article 2
(Non modifié)
L’annexe à la présente loi est annexée à la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Sueur, Mirassou, Peyronnet, Collombat, Bérit-Débat, Mazuir, Repentin, Teston, Godard, Ries et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collomb, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Mahéas, Michel, Sutour, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
C’est un amendement de coordination, qui n’a plus d’objet, me semble-t-il. Le confirmez-vous, monsieur Sueur ?
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, vous avez tout compris : il s’agit d’un amendement subséquent ! (Sourires.)
M. le président. J’ai tout compris, mais après des efforts considérables ! (Nouveaux sourires.)
L'amendement n° 4 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Claude Léonard, pour explication de vote.
M. Claude Léonard. Au cours de la précédente lecture de ce projet de loi, j’avais eu l’occasion d’expliciter les raisons pour lesquelles j’étais en désaccord avec ce texte, qui réserve une place par trop défavorable au département de la Meuse, que j’ai l’honneur de représenter au sein de notre assemblée.
Dans la mesure où ce texte reprend mot pour mot celui que nous avons précédemment examiné, je ne peux que confirmer mon hostilité.
En effet, il avalise la réduction de 19 à 15 du nombre des conseillers territoriaux représentant la Meuse, soit un conseiller territorial pour 12 949 habitants.
Je rappelle que certains départements voisins, moins peuplés que le mien, seront autorisés à élire 19, voire 23 conseillers territoriaux, selon la région dans laquelle ils sont situés.
J’ajoute également que, lorsque l’on calcule la moyenne des conseillers territoriaux par rapport à la population et en fonction des régions, on oscille entre 1 conseiller territorial pour 8 140 habitants dans le Limousin et 1 conseiller territorial pour 37 853 habitants en Île-de-France, en passant par 1 conseiller territorial pour 18 046 habitants en Lorraine, soit une amplitude de 1 à 4,65.
Nous sommes loin, très loin de la règle des 20 % d’écart tolérée par le Conseil constitutionnel !
La France serait-elle donc devenue subrepticement un état fédéral qui autoriserait le législateur à voter un texte comportant des différences de représentation par région aussi importantes ?
Le Conseil constitutionnel, au-delà des raisons de forme, ne devrait-il pas se pencher sur ce problème, qui me paraît tout de même plus que préoccupant ? En effet, suivant que nos concitoyens résident dans telle ou telle région, ils bénéficieront d’une représentation par leurs conseillers territoriaux plus ou moins importante, sans que l’on sache véritablement à quoi peuvent bien correspondre ces écarts considérables.
Le département que je représente à beaucoup donné à la nation pour permettre à celle-ci de conserver sa liberté voilà bientôt un siècle. Il est à nouveau sollicité pour lui offrir la possibilité de stocker dans son sous-sol, au cours des décennies futures, des matières radioactives à vie longue.
Il a trop donné et il va trop donner pour être traité de la sorte !
Vous me permettrez d’employer une image un peu provocatrice.
Êtes-vous d’accord pour qu’on vous soigne ? Oui, bien sûr ! Êtes-vous d’accord pour que, pour ce faire, on vous coupe les quatre membres ? Sûrement pas !
Dans ces conditions, je maintiendrai ma position et m’abstiendrai sur ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. En adoptant, ce soir, ce texte très court, le Sénat ne rendra pas service à ce qu'il est convenu d'appeler la démocratie de proximité. Chacun s’est exprimé, mais, au-delà de ces réflexions, il faut aussi discerner les arrière-pensées, même si elles sont moins perceptibles.
Monsieur le ministre, quand on vous parle des départements, vous nous répondez en mettant en avant les conseillers territoriaux. Quand on évoque la censure prononcée par le Conseil constitutionnel, véritable sanction à l’encontre de la majorité, vous nous faites un mauvais procès et tentez de nous entraîner dans un débat sur la valeur des décisions prises par cette haute juridiction.
Assurément, il arrive un moment où la vérité éclate.
Ainsi, ce sont bien des arrière-pensées qui ont présidé à l'élaboration de cette réforme, quitte à rabaisser le rôle du Sénat puisque, comme je l'ai déclaré tout à l'heure dans mon intervention, le rapport de nos collègues Yves Krattinger, Claude Belot et Jacqueline Gourault a fait « pschitt » et est passé à la trappe.
Le Gouvernement, et singulièrement le Président de la République, avait bien la volonté d'amorcer la normalisation des collectivités territoriales pour la simple et bonne raison, comme l’ont rappelé tout à l'heure mes collègues, que ces structures, parce qu’elles sont, dans leur grande majorité, d’une couleur politique différente de celle de la majorité et du Gouvernement, n’obéissent pas à la même logique.
Cette réforme s’est présentée sous de très mauvais auspices, à savoir la suppression de la taxe professionnelle, en quelque sorte une « avant-première ».
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !
M. Jean-Jacques Mirassou. Jean-Pierre Sueur et Jean-Claude Peyronnet l’ont dit : cette réforme est aujourd'hui enlisée ou, pour reprendre un terme maritime, encalminée.
C’est pourquoi la crainte que cette réforme des collectivités territoriales subisse le même sort dans les semaines ou les mois qui viennent se fait jour non seulement dans les rangs de la gauche du Sénat, mais encore et surtout parmi l'ensemble des élus communaux, départementaux et régionaux.
Vous ne voulez pas en entendre parler, vous voulez passer en force. Vous le ferez à vos dépens, en tout état de cause sans la caution des élus de gauche qui siègent dans cet hémicycle.
Au final, vous êtes comme ces chevaux qui sont heureux de retrouver l’écurie : vous êtes soulagés que l’examen de ce texte ait enfin abouti – à moins que le Conseil constitutionnel ne trouve un nouveau motif de censure, ce que je ne souhaite pas d'ailleurs. Nos collègues siégeant dans la partie droite de cet hémicycle pourront alors éprouver le soulagement honteux auquel je faisais allusion tout à l’heure.
Pour autant, le problème ne sera pas réglé. Avec mes collègues, je persiste à penser que nous disposions là d’une occasion formidable pour engager une troisième étape dans le processus de décentralisation en précisant les prérogatives du département et de la région, mais aussi des structures intercommunales, pour une reconfiguration de notre paysage institutionnel.
Ce n’est pas ce que vous avez choisi de faire ; au contraire, vous avez préféré agir, en quelque sorte, dans le dos des élus locaux concernés. Ils sauront vous le rappeler.
En tout état de cause, à la veille d’importantes échéances, nous nous ferons également un devoir de rappeler aux élus locaux avec quelle détermination le Gouvernement et sa majorité ont véritablement cassé la démocratie départementale telle qu'elle fonctionne et telle qu'elle a fait ses preuves depuis maintenant deux siècles dans ce pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je comprends que vous soyez pressés d’en finir avec le présent projet de loi, mes chers collègues, même si, vous le savez, nous serons à l’avenir saisis d’autres textes relatifs aux conseillers territoriaux. Et soyez sûrs que nous serons présents pour en débattre !
Je tiens en cet instant à exprimer quelques regrets. Le Gouvernement, logiquement soutenu par sa majorité, s’acharne pour faire voter ce projet de loi. Mais sur quoi s’acharne-t-il, au juste ?
Tout d’abord, et c’est dommage, il s’acharne contre la proximité, …
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … si, puisqu’il diminue le nombre d’élus proches des citoyens au profit d’élus qui en sont plus éloignés.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Hyest, les conseillers généraux sont plus proches des citoyens que les conseillers régionaux.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans la mesure où le Gouvernement diminue le nombre de conseillers généraux au profit du nombre des conseillers régionaux, qui sont plus « lointains », je considère qu’il s’acharne contre la proximité.
Mais il s’acharne aussi contre la démocratie, la parité et le pluralisme avec l’élection au scrutin uninominal à deux tours des conseillers territoriaux qui vont remplacer les conseillers régionaux élus, eux, au suffrage universel direct à la proportionnelle avec le respect de la parité. Je sais que vous n’en avez cure, mais je tenais à le souligner.
Et le Gouvernement s’acharne également contre l’autonomie des collectivités territoriales, en les reprenant en main, sous la houlette du préfet, en les regroupant de façon autoritaire et en supprimant leurs moyens de subsistance ?
Enfin, il s’acharne contre les citoyens. Dans la mesure où l’on réduit la capacité des collectivités de répondre aux besoins de service public exprimés par les citoyens, ce sont bien ces derniers qui, à terme, pâtiront de la réforme, ce que nous ne pouvons bien évidemment que regretter.
J’ajoute que, depuis un an, l’opposition n’a pas ménagé sa peine pour dénoncer cette situation très dommageable. Et nous n’avons pas été les seuls. Il en a été de même de la commission Belot ou encore de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui, avec modestie, de façon détournée, a critiqué votre projet et présenté des propositions. Et je ne citerai que pour mémoire les associations d’élus, représentatives de la diversité des élus, qui ont, elles aussi fait des propositions, toutes propositions que vous vous êtes d’ailleurs empressés de ne pas suivre, quelle que soit leur origine.
Nous ne pouvons que déplorer cette situation. Nous voterons donc contre ce texte et soyez assurés que nous continuerons de mener la bataille lors des prochaines étapes de la réforme, à laquelle vous vous épuisez, réforme qui, je l’espère, sera abrogée dans une future configuration politique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il ne faut préjuger de rien !
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, résumer le débat qui nous occupe ce soir revient à faire le constat d’une extraordinaire perte de temps, d’un temps pourtant si précieux pour un parlement à l’ordre du jour surchargé par des lois médiatiques et trop souvent inutiles.
De fait, le Sénat est amené à débattre pour la cinquième fois en un an et demi de la création du conseiller territorial. Mais pas plus qu’hier nous n’avons connaissance aujourd’hui de son futur statut ni même des cantons où il sera élu.
La création de ce nouvel élu nous avait pourtant été présentée par ses laudateurs comme l’une des mesures phares de la simplification du millefeuille administratif qui entrave le développement de nos collectivités territoriales.
Sans aucun doute, il est nécessaire de rationaliser l’action publique locale, de donner les moyens à nos communes et à nos départements d’agir au service de nos concitoyens, quel que soit le territoire. Mais cette modernisation de notre architecture institutionnelle ne peut se faire au prix de la création d’un élu déconnecté qui, à force d’être partout, ne sera nulle part, entraînant notamment la sous-représentation de territoires ruraux déjà trop délaissés.
C’est la raison pour laquelle la majorité des membres du RDSE s’est opposée avec vigueur à la création du conseiller territorial, tout au long de dizaines d’heures de débats, pour défendre l’idée simple, mais essentielle, de l’égalité des territoires et de la redistribution des richesses.
D’aucuns affirmaient que l’on peut avoir juridiquement raison mais politiquement tort. Monsieur le ministre, non seulement le Conseil constitutionnel vient de vous dire de façon nette et magistrale que vous aviez juridiquement tort, mais encore l’avenir démontrera que le conseiller territorial aura été une grave erreur politique que les territoires les plus fragiles paieront au prix le plus fort.
En cette période de résultats d’examens, une certaine obstination vous aura valu, monsieur le ministre, de passer aujourd’hui cette ultime épreuve de rattrapage dont tout le monde se serait passé. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir insisté, par la voix de Jacques Mézard notamment, sur les risques d’inconstitutionnalité qui pesaient sur le projet de loi voté par le Sénat le 7 juin dernier, et censuré le 23 juin.
Nous ne pouvions naturellement que nous réjouir que le Conseil constitutionnel nous ait entendus. Mais, malheureusement, le texte qui sera voté tout à l’heure ne sera qu’une victoire à la Pyrrhus, dont nul ne sortira gagnant, à commencer par les pouvoirs publics locaux.
Au final, le Sénat apparaît une nouvelle fois comme la grande victime de cette naissance au forceps, fruit d’une concertation de façade. Sans revenir sur les conditions disons « particulières » dans lesquelles le tableau des conseillers territoriaux et le mode de scrutin avaient été introduits en première lecture à l’Assemblée nationale, on ne peut que constater que notre Haute Assemblée, qui émane constitutionnellement des collectivités, n’a sans doute pas fait l’objet de tout le respect qui lui était dû eu égard à ses prérogatives.
Je ne peux une nouvelle fois que le déplorer, et ce d’autant plus que j’avais proposé, avec l’ensemble de mon groupe, mais sans succès, que les projets et propositions de loi touchant à l’organisation et au fonctionnement des collectivités territoriales ne puissent faire l’objet de la règle du dernier mot donné à l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, la majorité du groupe du RDSE s’oppose aujourd’hui au conseiller territorial, comme elle l’a fait hier et comme elle continuera de le faire demain. Elle votera donc résolument contre ce texte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)