compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Romani
vice-président
Secrétaire :
M. Jean-Pierre Godefroy.
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Ouverture de la première session extraordinaire de 2010-2011
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que, au cours de la séance du mardi 21 juin 2011, il a été donné connaissance au Sénat du décret de M. le Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire pour aujourd’hui, vendredi 1er juillet 2011.
Je constate que la session extraordinaire est ouverte.
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Réforme de l'hôpital
Suite de la discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (proposition n° 543, texte de la commission n° 668, rapport n° 667).
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, quel étrange objet que la présente proposition de loi !
Au départ, nous avions un texte principalement destiné à gommer les rares éléments de contrainte imposés aux praticiens libéraux dans la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la loi HPST, pour rééquilibrer l’offre territoriale de soins.
À l’arrivée, nous nous retrouvons avec une sorte de texte portant diverses dispositions d’ordre sanitaire et social, d’où le mémorable jeu de mots de notre rapporteur, qui soulignait en commission que nous étions passés de la « loi Fourcade » à la « loi fourre-tout » ! (Sourires.)
Comme cela a été largement rappelé, l’Assemblée nationale a en effet considérablement gonflé le texte, en y incorporant de très nombreux articles additionnels portant sur des sujets aussi divers que la reconnaissance de la profession d’assistant-dentaire ou le dépistage précoce de la surdité, et parfois aussi fondamentaux que la réforme de la biologie médicale, la modulation des prestations par les mutuelles ou encore la responsabilité civile professionnelle des médecins.
En tout état de cause, de tels sujets n’ont pas grand-chose à voir avec la loi HPST, donc avec l’objet initial du texte. Il faut bien en prendre acte. C’est la raison pour laquelle nous nous attendions à ce que notre commission propose d’en modifier l’intitulé ; pour l’instant, elle ne l’a pas fait, mais nous ne désespérons pas que cela se produise en cours de discussion...
Je ne reviendrai pas longuement sur les articles initiaux de la proposition de loi, ceux qui portent véritablement sur la loi HPST. Notre position reste inchangée depuis la première lecture.
Parce que la lutte contre les déserts médicaux doit être une priorité nationale absolue, nous ne pouvons que souscrire à toute mesure facilitant l’exercice collectif de la médecine ambulatoire. Ainsi en est-il de l’article 1er, portant création de la société interprofessionnelle de soins ambulatoires, la SISA, et de l’article 2, qui précise le statut des maisons de santé.
Nous sommes partagés sur l’article 3, qui supprime toute sanction afférente au contrat santé solidarité. Nous approuvons la suppression de la pénalité pour refus de s’engager dans un contrat santé solidarité. Les médecins sont libres et doivent le demeurer, et la base de la contractualisation doit être le volontariat. En revanche, nous jugeons excessif que soit également supprimée la pénalité pour non-respect des obligations contractuelles. Il est bien naturel que, comme dans n’importe quel cadre contractuel, le respect des engagements soit assuré !
L’article 4 de la proposition de loi, qui supprime l’obligation faite aux médecins de déclarer leurs absences programmées dans le cadre de la permanence des soins, nous semble aller dans le bon sens. Il faut faire confiance aux médecins !
Reste la question de l’article 6. Nous comprenons parfaitement que l’obligation faite aux professionnels de santé, dont la prestation inclut l’installation d’un dispositif médical, d’informer leur patient du prix d’achat de ce dispositif, et non de son prix de vente, soit très problématique et conduise à des contournements. Le remède serait alors pire que le mal. Cela dit, pour vraiment régler le problème, qui est réel, il me semble clair que nous devrons en arriver à dissocier la fourniture du matériel de l’acte médical. Le patient achèterait alors directement le dispositif au fournisseur et la question ne se poserait plus.
Pour l’heure, bien sûr, nous ne pouvons que saluer l’amélioration introduite dans le texte par nos collègues députés en matière de traçabilité. Connaître l’origine du produit est évidemment aussi essentiel.
J’en viens maintenant aux nouveaux sujets en discussion. Il est impossible de tous les évoquer, car ils sont trop nombreux et trop divers. Je n’aborderai donc que les plus importants d’entre eux.
Je commencerai par la question de la biologie médicale. Il s’agit d’une réforme importante. L’ordonnance du 13 janvier 2010 était attendue de longue date par la profession. Elle lui donne le cadre juridique correspondant à sa constitution en une spécialité à part entière, qui doit être traitée et respectée comme telle, à l’égal de toutes les autres.
Si nous soutenons donc les grandes lignes de l’ordonnance, en revanche nous nous interrogeons sur la remise en cause des dérogations pour le recrutement en laboratoires de CHU de non-titulaires du diplôme de biologie médicale. Cela ne me semble pas aller de soi.
Je dirai un mot, maintenant, sur la responsabilité civile des médecins. Nous ne pouvons que nous féliciter que l’article 24, qui reprend la proposition de loi Lefrand, mette en place un dispositif de mutualisation assurantiel des risques encourus par les professionnels de santé libéraux au titre de leur responsabilité civile et tende à faciliter l’indemnisation des victimes de préjudices corporels. Compte tenu des risques inhérents à la profession et de sa judiciarisation croissante, la question de la responsabilité civile des médecins est aujourd’hui devenue pour eux centrale.
La judiciarisation croissante de l’exercice libéral menace le maintien même de cette forme d’exercice. Autrement dit, la pression et les risques sont tels aujourd'hui que de moins en moins de praticiens se disent prêts à continuer de les assumer. Une réponse législative à cette situation était attendue depuis des années. Elle est portée par le présent texte. Cependant, pour que cette réponse couvre effectivement l’ensemble des professionnels libéraux, encore fallait-il que le dispositif de mutualisation soit à adhésion obligatoire, ce qu’a imposé la commission des affaires sociales dont l’apport a été, une fois de plus, décisif.
Je conclurai par les questions soulevées par les articles 22 et 22 bis du texte sur le conventionnement complémentaire. Une fois encore, je soutiendrai les positions de notre rapporteur.
La modulation des prestations des mutuelles en faveur des adhérents ayant recours à un professionnel de santé membre d’un réseau de soins ne me paraît pas être une solution. J’ai d’ailleurs cosigné l’un des amendements de suppression de l’article 22 adoptés en commission. Aujourd’hui, nombre de professionnels nouvellement installés se voient refuser l’adhésion au réseau mutuel qu’ils sollicitent.
En réalité, libéraliser ce domaine revient à transférer indirectement aux complémentaires, dont ce n’est absolument pas la vocation, un pouvoir de remodelage, en fonction de leurs intérêts particuliers, de l’offre de soins.
La Mutualité française argue qu’elle est en position défavorable à l’égard de l’assurance et de la prévoyance qui, elles, peuvent moduler leurs prestations. Cependant, le problème n’est-il pas justement que ces complémentaires puissent procéder de la sorte ? Je gage que nous reviendrons amplement sur ce sujet au cours de la discussion.
Il ne me reste plus qu’à féliciter la commission des affaires sociales de l’excellence de son travail, sa présidente, Muguette Dini, et son rapporteur, Alain Milon. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP. – M. Daniel Marsin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je dirai deux mots pour expliquer ma perplexité et dissiper un malentendu.
Tout d’abord, je suis quelque peu perplexe.
La proposition de loi dont je suis l’auteur avait trois objectifs précis.
Premièrement, elle prévoyait la mise en place de nouvelles structures rassemblant des professionnels de santé, médecins et auxiliaires médicaux, dans des lieux bien choisis, afin de lutter contre la désertification et développer une organisation collective de soins ambulatoires.
Deuxièmement, elle tendait à adoucir certains aspects beaucoup trop coercitifs qui bloquaient le démarrage des unions régionales des professionnels de santé et qui interdisaient la mise en place d’un parcours normal des patients entre l’hôpital et le reste des organismes de soins.
Enfin, elle visait à simplifier les formalités administratives imposées aux organismes médico-sociaux en renforçant le contrôle des agences régionales de santé sur l’ensemble de ces sujets.
Globalement, hormis quelques petites difficultés sur les articles 1er, 2 et 4 – Le Parlement a l’habitude de « pinailler » sur certains sujets –, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale et de la commission des affaires sociales du Sénat atteint l’essentiel de ces trois objectifs.
Le problème, c’est le reste ! Ma perplexité vient du fait que cette proposition de loi s’est transformée, comme ma collègue l’a très justement souligné, en un système de diverses mesures intéressant la santé publique, les professions médicales, etc.
M. Guy Fischer. En un texte fourre-tout !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par conséquent, je suivrai le rapporteur de la commission des affaires sociales du Sénat, mon excellent collègue M. Milon, lorsqu’il proposera la suppression d’un certain nombre de dispositifs tout à fait inadaptés et qui poseront des problèmes de fond. J’approuverai, bien évidemment, l’ajout de dispositions sur la responsabilité médicale, car il s’agit d’un sujet important. Pour le reste, nous verrons !
Par ailleurs, qu’il me soit permis de dissiper un malentendu.
Le rapport que j’ai été chargé de remettre au Parlement ces jours-ci et qui sera rendu public la semaine prochaine – les présidents des deux assemblées et les présidents des commissions des affaires sociales en ont reçu un exemplaire – traite du fond, c'est-à-dire du fonctionnement de la gouvernance des établissements hospitaliers, de la coopération entre les établissements publics eux-mêmes et entre le secteur privé et le secteur public, du fonctionnement des ARS, de leurs pouvoirs et de leurs possibilités par rapport à l’organisation de l’offre de soins, enfin, de la formation de l’ensemble des acteurs qui interviennent pour délivrer des soins à nos concitoyens.
Tel est le fond du rapport que je viendrai présenter devant la commission des affaires sociales au début du mois de juillet.
Il s’est ainsi créé une certaine confusion entre la proposition de loi, dont nous avons parlé, et le rapport qui devait être remis au Parlement dans un délai de deux ans après la publication de la loi du 21 juillet 2009. En le présentant devant la commission des affaires sociales le 7 juillet prochain, c’est-à-dire avant l’interruption de nos travaux, je gagnerai quinze jours sur le délai imparti.
Monsieur le ministre, de nombreuses difficultés restent en suspens. Le fait de tourner autour des problèmes de biologie, de mutuelles et de réseaux de soins, d’essayer de raccrocher à ce texte une série de propositions de loi ayant été plus ou moins discutées ou abordées prouve, c’est sur ce point que je voudrais terminer mon intervention, tout l’intérêt que le Parlement porte à l’offre de soins et à l’organisation des établissements médicaux.
Un certain nombre de nos collègues ne parlent, ici, que des dépassements d’honoraires. Qu’il me soit permis de rappeler aux défenseurs du secteur public que les dépassements de soins dans les services privés des hôpitaux publics sont beaucoup plus importants que ceux des médecins libéraux et des médecins de ville !
M. Jacky Le Menn. Nous le déplorons également !
M. Jean-Pierre Fourcade. Nous devons avoir une vue globale et nous déterminer sur l’ensemble.
Il est vrai que les dépassements de tarifs sont difficilement supportables, mais pour siéger, mon cher collègue, au conseil de surveillance du Fonds CMU et de la CMU-C, je puis vous assurer que nous avons mis en place des dispositifs permettant de pallier un certain nombre de ces difficultés.
Je le répète, nous devons avoir une vue globale de l’offre de soins et de la répartition de l’ensemble des professionnels, quels qu’ils soient, sur le territoire, avant de porter des jugements.
J’émets le souhait, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, que la proposition de loi soit utile, qu’elle soit votée dans de bonnes conditions et qu’elle apporte quelques satisfactions aux patients. Ils sont au cœur de notre débat et c’est pour eux que nous travaillons ! (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Daniel Marsin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour quelles raisons était-il si urgent de nous réunir, à zéro heure, un vendredi matin qui plus est, un 1er juillet en début de session extraordinaire pour examiner une proposition de loi de plus de quatre-vingts articles, dont certains approchent la centaine d’alinéas ?
La représentation nationale serait-elle enfin saisie de ce fameux programme de santé publique attendu depuis deux ans et qui fait toujours défaut ?
Face à la désertification médicale grandissante et à l’augmentation constante des renoncements aux soins, que le ministre de la santé semblait jusqu’ici méconnaître, serions-nous à tout le moins enfin saisis, pour l’être si précipitamment et si tardivement, de mesures énergiques de maîtrise des dépassements d’honoraires ? S’agit-il de dispositions volontaires en faveur de l’application de tarifs opposables en contrepartie des aides publiques, de la création courageuse d’une carte médicale ?
Non, rien de tel dans cette proposition, parce qu’il vous a semblé plus pressé de plier aux injonctions du corps médical que d’affronter ces urgences, pourtant bien réelles, celles-là !
Le texte d’origine ne comporte, en effet, que quelques articles dont les deux principaux suppriment purement et simplement les deux seules dispositions – le refus du contrat santé solidarité et l’obligation de déclarer ses absences – de la loi HPST qui risquaient très éventuellement de contraindre un tant soit peu, même si c’était dans l’intérêt général, les médecins d’exercice libéral.
Je dis bien un tant soit peu, car d’évidence l’alinéa 4 de l’article L. 1434-8 du code de la santé publique est de toute manière inapplicable, sauf à ignorer que la liberté contractuelle interdit, par définition, que le refus de consentir puisse être sanctionné. Au surplus, le texte laisse le directeur de l’ARS juge de l’opportunité : il peut donc le proposer, mais il peut aussi ne pas le faire. Quant à l’obligation de déclaration d’absence, elle n’interdit évidemment aucun départ et semble d’ailleurs souvent spontanément pratiquée.
Ce n’est donc qu’une apparence de fermeté qui était affichée et elle n’aura pas résisté longtemps. En portant gracieusement ces mesures de suppression, notre collègue Jean-Pierre Fourcade réalise, en effet, l’engagement pris par la ministre de la santé d’alors, dès la loi du 21 juillet 2009 adoptée, de ne pas appliquer ces dispositions.
Outre que chacun apprécie, évidemment, à sa juste valeur la haute estime dans laquelle est ainsi tenu le vote du Parlement, comment comprendre autrement que ce texte, en apparence fort modeste, soit pourtant jugé si important par le ministre au point qu’il lui paraisse indispensable pour « que nous puissions mettre en œuvre la réforme de notre système de santé » ?
Toute la réforme HPST, que vous n’hésitez pas à qualifier d’historique – 150 articles et plus de 200 textes règlementaires d’application, dont un grand nombre ne sont d’ailleurs pas encore pris deux ans après – dépendrait entièrement de la suppression des deux fausses contraintes que sont les contrats santé solidarité et l’obligation de déclaration d’absence ?
Il me semble, en réalité, monsieur le ministre, que votre zèle n’est plus d’actualité. Vous ne semblez pas avoir pris la mesure des changements qui se sont opérés au sein des professions médicales, de même que vous ne semblez pas avoir pris la mesure des champs possibles de réforme qu’un projet d’ensemble offrirait au lieu du pointillisme politique que vous pratiquez inutilement.
Il est absolument nécessaire de jouer sur tous les paramètres disponibles. Le desserrement du numerus clausus et la réforme universitaire constituent un versant. Un autre versant est celui des structures et des modes d’exercice, qui souffrent de l’absence de préparation et de vision d’ensemble : est-il besoin de rappeler qu’il n’a pas fallu moins de douze amendements du rapporteur pour rendre la SISA un peu plus présentable ? Ce n’est qu’un exemple.
Reste un troisième versant au pied duquel vous demeurez figés dans vos a priori quelque peu datés, permettez-moi de le dire ; je veux parler du versant de la régulation des installations, pourtant tout aussi légitime pour les médecins, parce qu’elle répond à une nécessité de santé publique et d’intérêt général, que celles décidées pour les enseignants, les militaires, les infirmiers libéraux, et que celles appliquées par d’autres pays qui n’ont rien d’autoritaire !
Au nom de ce même a priori libéral, les agences régionales de santé, dont le périmètre de compétence large a été tant vanté pour assurer la cohérence des politiques de santé, restent dénuées de tout pouvoir d’intervention sur le secteur ambulatoire. De même, le schéma régional d’organisation des soins ne sera pas opposable au secteur libéral.
Est-il possible de vous convaincre un peu d’évoluer ? Comment, au ministère de la santé, ne pas être particulièrement sensible à la situation sanitaire de la Picardie et plus encore de l’Aisne, qui connaissent une offre libérale nettement en dessous de la moyenne nationale ? Vous n’ignorez pas, je l’espère, qu’une étude de l’INSEE estime proche de zéro l’efficacité des mesures incitatives. La dernière enquête annuelle sur la permanence des soins du Conseil national de l’Ordre des médecins montre que les agences régionales de santé ne se sont pas encore saisies, deux ans après, de la question alors que de réels problèmes de santé se posent avec la diminution du nombre de secteurs de garde, le vieillissement des médecins et une nette érosion du volontariat !
Vous connaissez également la réalité de l’augmentation des renoncements aux soins – je transmettrai les rapports si besoin –, qui entraîne à terme des surcoûts considérables pour la prise en charge de pathologies aggravées.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Yves Daudigny. Où se dissimule le projet de santé publique dans ce raisonnement ?
Lorsqu’il est refusé obstinément d’appliquer une disposition, pourtant déjà votée, qui prévoit la communication au patient du prix d’achat – et non de vente – des prothèses dentaires, où est l’intérêt général ? Ce n’est encore qu’un exemple parmi d’autres.
Une politique de santé publique est une politique qui parvient à réduire les inégalités face à la santé. De ce point de vue, ce gouvernement signe un inquiétant échec.
À l’issue d’une première lecture, le texte qui nous est soumis ce soir, dans les conditions peu honorables que j’ai dites pour la Haute Assemblée, est plus proche de l’immaîtrisable fourre-tout que du projet réfléchi et cohérent qu’appelle pourtant la situation de l’offre et de l’accès aux soins.
Il comporte bien sûr plusieurs dispositions introduites par voie d’amendement qui trouvent notre accord, car nous sommes nombreux à tenter constamment d’améliorer les dysfonctionnements ou combler les manques que nous constatons au quotidien dans nos départements.
M. Yves Daudigny. En ce sens, je soumettrai à votre avis plusieurs amendements relatifs au secteur médico-social, également destinés à tenter de faire toujours mieux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, qui a été substantiellement modifiée par l’Assemblée nationale.
Je tiens tout d’abord à féliciter notre collègue pour son initiative. En présentant ce texte, il a eu à cœur de rendre plus opérationnelle la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » de 2009, au moyen notamment de mesures renforçant la médecine de proximité et la place accordée au secteur médico-social.
La loi HPST a défini un objectif fondamental pour notre système de santé : améliorer la coordination du parcours de soins tout en équilibrant son financement. Comme nous le savons, coordonner le parcours de soins signifie mettre en place des dispositions afin de lutter contre l’accès inégalitaire aux soins en zone rurale et dans certaines banlieues.
Je rappelle qu’à ce titre la loi HPST s’articule autour de trois grandes mesures : la réforme de la gouvernance de l’hôpital avec la création de communautés hospitalières de territoire ; la création des agences régionales de santé, qui ont fêté leur première année de fonctionnement le 1er avril dernier ; l’amélioration de l’offre de soins par une refondation de son aménagement et des modalités d’accès aux soins.
S’agissant des modifications apportées par la proposition de loi, d’après une étude Ipsos de septembre 2010, 88 % des Français sont satisfaits de leur système de santé, mais 60 % d’entre eux sont inquiets pour son avenir. Nous devons tenir compte de ce contexte pour faire évoluer la loi HPST.
Ainsi, le texte qui nous est soumis a un objectif précis : rendre notre système de santé plus opérationnel. La loi d’origine a ouvert la possibilité de groupements de praticiens par la création des maisons de santé. Or un vide juridique sur les statuts a empêché la bonne mise en œuvre de ces maisons de santé.
En première lecture, notre assemblée a apporté un cadre légal par la création des « sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires », qui a permis de résoudre l’inadéquation de la superposition des statuts juridiques et les risques fiscaux et financiers qu’entraîne un groupement de médecins.
Nous avons également précisé le périmètre d’activité, le mode de fonctionnement, le champ d’action, les modalités de partage des dossiers des patients communs et l’élaboration d’un projet de santé pour la maison de santé dans un territoire.
S’agissant de la médecine libérale, à l’heure où celle-ci rencontre une grave crise de vocation, il était illusoire de prendre des mesures coercitives. Nous ne pouvons pas légiférer contre les professionnels de santé ou sans leur participation. Et sachez que, bien qu’étant moi-même médecin, je n’ai jamais développé, ici ou ailleurs, de propos corporatistes.
Les jeunes médecins veulent concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle et cela nécessite, d’une part, une charge de travail moins importante que celle de leurs aînés et, d’autre part, un attrait et un aménagement du territoire pour ces jeunes médecins et leurs familles. À ce titre, les maisons de santé organisées dans la pluridisciplinarité médicale forment une réponse appropriée aux zones sous-médicalisées.
Toutefois, il convient de réguler la démographie médicale. Le contrat santé-solidarité aménagé et fondé sur le volontariat et l’engagement des médecins est un dispositif intéressant. En outre, la mise en place de bourses pour les étudiants en médecine prêts à s’installer dans ces zones et la régionalisation des internats de médecine constituent de nouvelles incitations à l’installation.
Les ajouts introduits par nos collègues de l’Assemblée nationale s’inscrivent dans l’esprit du texte adopté par notre assemblée en première lecture, notamment pour ce qui concerne la responsabilité des professions médicales.
En effet, la recherche d’un parcours de soins plus efficace et plus cohérent passe aussi par la responsabilisation des professionnels du secteur. Afin de garantir une plus grande densité médicale dans les territoires, nous devons ouvrir la voie à l’élargissement des champs de compétence des personnels médicaux. La reconnaissance des responsabilités de certains métiers comme les auxiliaires dentaires en tant que professionnels de santé est un progrès concret.
En outre, une période dite de « séniorisation » doit être validée par les internes en médecine avant la fin de leurs études. Cette étape est importante : d’une part, les internes pourront prendre de l’autonomie dans leurs actes ; d’autre part, les médecins titulaires seront plus facilement remplacés, y compris au sein des maisons de santé.
Je tiens également à souligner les avancées concernant la responsabilité civile médicale, les médecins faisant face à des « trous de garantie » connus depuis longtemps. Rappelons que leur assurance de responsabilité civile médicale est incomplète ; en cas de sinistre, ils doivent indemniser eux-mêmes leurs patients au-delà du plafond de 3 millions d’euros, et, une fois qu’ils sont décédés, leurs enfants doivent continuer de payer pour indemniser les patients.
Désormais, le risque médical encouru par les médecins est couvert pour les sinistres dépassant les 8 millions d’euros par le biais d’une surprime de 10 à 25 euros par an. Sous ce plafond, les professionnels restent couverts par leur assureur.
Enfin, pour compléter la réflexion qui va être menée au Sénat, nous attendons le rapport de notre collègue Jean-Pierre Fourcade sur le suivi de la loi HPST, qui proposera de nouvelles pistes de réflexion et orientera nos futurs travaux.
Mes chers collègues, nous allons légiférer en vue d’actualiser le double défi, financier et démographique, auquel est confronté notre système de santé. L’accès aux soins dans les zones de déserts médicaux doit rester l’enjeu essentiel. Plus généralement, nous devons continuer d’agir pour l’avenir de notre système de santé qui, rappelons-le, est reconnu comme l’un des plus performants au monde. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Daniel Marsin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le président, des questions importantes ont été soulevées par les orateurs, auxquels je vais maintenant répondre, ce qui nous permettra ensuite d’avancer plus facilement dans l’examen des amendements.
MM. Le Menn et Daudigny ont évoqué la question des déserts médicaux. C’est la vocation de l’État, avec les collectivités locales, d’apporter des réponses, même si je n’oublie pas quelle est la fonction de l’État en la matière.
Sur les dépassements d’honoraires, beaucoup de choses ont été dites. Il y aurait certainement moins de dépassements d’honoraires si, pendant nombre d’années, on avait fait ce qu’il fallait pour favoriser une juste revalorisation des honoraires.
Le sujet qui me préoccupe aujourd'hui est celui du secteur optionnel. La Mutualité m’a fait savoir qu’elle était ouverte sur cette question, et je souhaite donc qu’il y ait concrétisation.
Sur l’article 22, dont j’ai parlé tout à l’heure, j’ai pris bonne note de la position de M. le rapporteur qui pouvait être interprétée comme une ouverture. J’attends de connaître la position qu’il adoptera sur l’amendement de Colette Giudicelli.
Sur la biologie, je vous l’ai dit, beaucoup d’inquiétudes, notamment de la part des étudiants, se sont exprimées. La façon dont nous aborderons les débats permettra d’apporter une réponse définitive, claire et rassurante.
Daniel Marsin a évoqué des dispositions plus directement liées à la loi HPST. Monsieur le sénateur, vous avez parlé aussi de l’accès aux soins de premier recours, qui n’est pas menacé, je tiens à le dire. Nombre de mesures, qui reposent sur une logique incitative que j’assume entièrement, permettent d’y répondre : les maisons de santé pluridisciplinaires, les contrats d’engagements, les filières de médecine générale.
Par ailleurs, je vous confirme, monsieur le sénateur, que je me rendrai bientôt aux Antilles. La seule raison qui pourrait m’amener à décaler ce déplacement serait un éventuel épisode caniculaire en juillet. En tout état de cause, j’irai, avant la fin de cet été, en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. Le plan Santé outre-mer n’est pas un plan sur le papier ; il a vocation à apporter de véritables garanties outre-mer.
Monsieur Fischer, cette proposition de loi répond aux aspirations des citoyens et non à une demande gouvernementale. Elle a pour objet non pas de faire plaisir au Gouvernement, mais bien de satisfaire les attentes des professionnels de santé, et donc des patients.
Sur la question du respect des mesures incitatives, je pense, comme Jean-Pierre Fourcade, qu’il faut aussi faire confiance aux professionnels de santé. Que n’entend-on pas sur les professionnels de santé ? Qu’il y a beaucoup d’études, qu’ils sont pris en charge… Tous les jours, les médecins en soignant les patients font leur devoir, …