Mme Gisèle Printz. En France, l’interdiction des candidatures multiples constitue une tradition bien établie, depuis le recours à cette pratique par le général Boulanger, à la fin du xixe siècle.
Cette tradition repose sur l’idée qu’un candidat sollicite le suffrage des électeurs en vue d’exercer ensuite son mandat s’il est élu, les candidatures multiples pouvant apparaître peu respectueuses du corps électoral et destinées à le « manipuler ».
Toutefois, l’interdiction des candidatures multiples n’a pas été établie pour tous les scrutins. Ainsi, dans les communes de moins de 3 500 habitants, il est particulièrement choquant que des candidats puissent briguer un mandat électif tout en sachant pertinemment qu’ils ne l’exerceront pas s’ils sont élus.
L’objet de cet amendement est de combler cette lacune législative en posant pour principe que nul ne peut être candidat sur plus d’une liste ou dans plusieurs sections électorales dans une même commune, non plus que dans plusieurs communes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Ne s’agit-il pas d’un amendement de coordination avec le précédent ? Si c’est le cas, il n’a plus d’objet.
En tout état de cause, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je voudrais que l’on m’explique en quoi il s’agit d’un amendement de coordination. L’objet est ici non plus de rendre obligatoires les déclarations de candidature, mais d’empêcher les candidatures multiples.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elles sont déjà impossibles !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Exactement !
Mme la présidente. L'amendement n° 38, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Après l’article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « y compris par la communication des documents préparatoires à celle-ci ».
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement porte sur les droits des élus, notamment ceux des élus de l’opposition.
Il s’agit de préciser les dispositions relatives à la communication des documents nécessaires aux membres des assemblées délibérantes pour se forger une opinion, aussi éclairée et aussi objective que possible, sur les questions qui leur sont soumises.
Les conseillers municipaux ont actuellement déjà le droit d’accéder à de nombreux documents, à l’exclusion cependant de ce que l’on appelle les documents préparatoires, lesquels sont pourtant de nature à apporter un éclairage utile.
Cet amendement tend à permettre que tous les élus, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, aient accès aux mêmes informations, tout en limitant le champ de cette disposition aux seules matières dont ils doivent délibérer, en excluant donc tout ce qui relève de la seule compétence du maire, par exemple la gestion du personnel.
Je serais ravi, monsieur le rapporteur, que vous m’annonciez que le dispositif de cet amendement sera repris dans le projet de loi n° 61,…
M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce ne sera pas le cas !
M. Pierre-Yves Collombat. … car il traite d’un véritable problème. Il faut faire en sorte que les débats et les délibérations puissent avoir lieu dans la plus totale clarté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Non, monsieur Collombat, cette fois je ne vous opposerai pas le projet de loi n° 61 !
En fait, cet amendement est intégralement satisfait par la jurisprudence du Conseil d'État, dont un arrêt relativement récent précise par exemple nettement que « tous les documents » nécessaires à l’information des élus doivent leur être transmis avant la réunion du conseil municipal.
Cette jurisprudence est donc très claire, et votre amendement, monsieur Collombat, est d’ailleurs plus restrictif, puisqu’il vise les « documents préparatoires », expression qui devrait en outre faire l’objet d’une interprétation du Conseil d'État.
Je demande donc le retrait de cet amendement, sur lequel j’émettrai sinon un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. L’avis du Gouvernement est bien entendu défavorable.
D’abord, l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales pose le principe du droit à l’information des conseillers municipaux préalablement au vote des délibérations. En application de cette disposition, avant la réunion du conseil, le maire ne peut refuser aux conseillers municipaux qui en font la demande la consultation des documents préparatoires qui accompagnent le projet de décision.
Ensuite, comme le rapporteur vient de l’indiquer, une jurisprudence du Conseil d'État a précisé ces dispositions, de telle sorte qu’il n’y a aucune équivoque possible.
Enfin, M. Gélard a raison : quels sont les « documents préparatoires » visés par votre amendement ? Si la jurisprudence du Conseil d'État, qui fait référence à « tous » les documents, est sans équivoque, votre rédaction laisse une marge à l’interprétation.
Mme la présidente. Monsieur Collombat, l'amendement n° 38 est-il maintenu ?
M. Pierre-Yves Collombat. Je persiste et signe !
Ma rédaction n’est nullement restrictive, puisqu’elle vise à compléter la rédaction actuelle de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales en ajoutant une référence à la communication des documents préparatoires, outre les autres documents utiles.
Si j’ai déposé cet amendement, c’est parce qu’il existe une doctrine selon laquelle doivent être communiqués les documents finalisés, à l’exclusion des documents préparatoires. Cela étant, je ne doute pas un instant que tous les maires ou anciens maires présents dans cet hémicycle ont, ou ont eu, un comportement irréprochable à l’égard de leur opposition, et se sont toujours fait un devoir de lui communiquer tous les documents pertinents ! (Sourires.) Pour ma part, en vingt-deux années à la tête de ma commune, je n’ai jamais eu d’opposition…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est suspect !
M. Pierre-Yves Collombat. Non, c’est le scrutin majoritaire qui l’a voulu !
Néanmoins, les recours formés devant la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, montrent que certains maires ont un comportement quelque peu monarchique.
Plutôt que de multiplier les conseils de quartier ou autres instances de « dialogue participatif », il conviendrait de dynamiser la démocratie locale là où elle doit s’exercer, c'est-à-dire au conseil municipal ! Cela suppose que tous les élus puissent accéder à un maximum d’éléments d’information sur les sujets soumis à délibération. Une telle proposition ne me paraît pas excessive !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 38.
Mme la présidente. L'amendement n° 39, présenté par Mme Klès, MM. Collombat, Anziani, Bérit-Débat, Daunis, Frécon, C. Gautier, Guillaume, Michel, Povinelli, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les élus locaux ayant cessé leur activité professionnelle pour exercer leur mandat sont rattachés à la médecine du travail de la collectivité territoriale dans laquelle ils exercent leur mandat.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de cet article.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement a été déposé sur l’initiative de notre collègue Virginie Klès.
Il s’agit de permettre aux élus ayant cessé leur activité professionnelle pour exercer leur mandat de bénéficier de la médecine du travail, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il m’est difficile de donner un avis construit sur cet amendement, car il assimile, en réalité, un élu local à un fonctionnaire. Va-t-on faire passer à l’élu local une sorte de visite médicale d’embauche avant son entrée en fonctions, afin de vérifier son aptitude ? Devra-t-il subir une visite médicale au retour d’un congé pour maladie ?
La commission souhaiterait entendre l’avis du Gouvernement sur cet amendement, qui pose de nombreux problèmes.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Monsieur le rapporteur, votre argumentation est, quoi que vous en disiez, tellement construite que le Gouvernement ne peut qu’être d’accord avec vous !
Je rappelle que la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale prévoit que chaque collectivité doit disposer d’un service de médecine préventive, dont la mission est d’éviter toute altération de l’état de santé des agents du fait de leur travail.
En outre, l’article 2-1 du décret du 10 juin 1985, qui fixe les règles relatives à l’hygiène et à la sécurité au travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, dispose que « les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ».
Une distinction très claire est donc faite entre les élus et les salariés qui exercent leurs missions sous leur autorité. La médecine préventive s’adresse à ces derniers, et n’a pas vocation à suivre les élus locaux, qui ne sont pas des fonctionnaires territoriaux placés sous l’autorité de la collectivité. Les élus sont des Français comme les autres lorsqu’il leur arrive d’être malades : ils bénéficient à cet égard des mêmes droits que tous leurs compatriotes. Il n’y a pas à opérer, me semble-t-il, de confusion entre l’agent local, dont l’activité s’inscrit dans le cadre du travail salarié, et l’élu, qui a choisi de se consacrer à une mission citoyenne.
Je dirai enfin, à titre accessoire, que l’amendement fait référence à la médecine du travail, alors que les collectivités sont dotées d’un service de médecine préventive : c’est là une autre confusion.
Pour toutes ces raisons, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° 39.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Les élus locaux n’exerçant plus d’activité professionnelle sont privés de la possibilité de recourir, à titre préventif, aux services de la médecine du travail, ce qui n’est pas sans risques pour eux, notamment dans les petites communes. Il s’agit non pas d’assimiler les élus aux salariés, mais de leur permettre de pouvoir bénéficier, comme tous nos compatriotes, d’un suivi médical préventif.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous faites une confusion, mon cher collègue ! En effet, la médecine du travail intervient dans le cadre du travail. Elle n’a pas vocation à s’adresser aux élus, cela n’a pas de sens !
En revanche, un élu ayant cessé son activité professionnelle est bien entendu affilié au régime général de la sécurité sociale et peut bénéficier, à ce titre, des services de la médecine préventive. C’est autre chose !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que de subtilités pour dire qu’en réalité il n’y a pas de médecine préventive pour tous les citoyens !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non !
En revanche, il y a une médecine du travail, qui assure d’ailleurs un suivi de plus en plus distendu des salariés, faute de médecins…
Les visites de la médecine du travail ont une visée préventive. Elles sont l’occasion de détecter un éventuel problème de santé chez le salarié et de l’inciter à consulter, ce qu’il ne ferait peut-être pas spontanément.
Je signale au passage que les sénateurs, qui sont des élus, ne se plaignent pas de bénéficier d’une visite médicale tous les deux ans.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est la sécurité sociale !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les élus qui ont suspendu leur activité professionnelle pour exercer leur mandat doivent pouvoir continuer à bénéficier d’un suivi au titre de la médecine préventive, dans les mêmes conditions que lorsqu’ils étaient salariés !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cet amendement me semble très dangereux !
Je voudrais d’abord rappeler à notre excellente collègue que tous les élus ne sont pas issus du salariat : on trouve aussi parmi eux des membres de professions libérales, des chefs d’entreprise… Même s’ils ne sont pas suffisamment nombreux de mon point de vue, il faut tout de même en tenir compte ! Ils ne bénéficient pas non plus de la médecine du travail !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’ils revendiquent ! Les salariés l’ont gagné, le droit à la médecine préventive !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Qu’ils le veuillent ou non, les auteurs de l’amendement établissent un lien entre l’état de santé de l’élu et sa fonction. Où va-t-on ? Je trouve cette proposition extrêmement dangereuse, y compris au regard de la confidentialité du dossier médical. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Un tel amendement est complètement hors sujet et étranger à l’esprit de la proposition de loi, dont l’objet, je le rappelle, est de renforcer l’attractivité du mandat local et de faciliter son exercice ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. J’adore les arguments « juridiques » : ils sont ductiles, on peut les utiliser à sa convenance !
Selon vous, faire bénéficier les élus d’un service de médecine préventive – nous sommes disposés à rectifier l’amendement pour qu’il ne fasse plus référence à la médecine du travail – reviendrait à les assimiler à des fonctionnaires. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
En revanche, lorsqu’il s’est agi de leur attribuer une petite retraite, on n’a pas hésité à les affilier à l’IRCANTEC, la caisse de retraite des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par facilité !
M. Pierre-Yves Collombat. Quant au respect de la confidentialité, c’est un problème d’éthique médicale. Je ne vois pas pourquoi il serait moindre pour les élus que pour les salariés.
En tout état de cause, cette discussion a le grand avantage de démontrer la nécessité d’établir un statut de l’élu, qui préciserait la nature juridique de la « bête » ! (Sourires.) Pour l’heure, le problème n’est pas tranché.
En 1993, le président de l’Association des maires de France d’alors, M. Michel Giraud, faisait la déclaration suivante : « Je ne suis pas convaincu que le terme de statut de l’élu local soit le bon. Qui dit statut, dit fonctionnarisation. Or je considère comme essentiel que l’on préserve la gratuité, ce qui contribue pour une large part à la grandeur du mandat électif local. C’est pour cela je parle de règle du jeu, et non de mandat local. En dehors des grandes villes, je suis contre le statut de l’élu local à temps complet. Il faut qu’il y ait une part de disponibilité, de générosité, de gratuité. Et le terme de statut me gêne. »
Aujourd'hui, parler d’un statut de l’élu ne choque plus personne. D’ailleurs, tout le monde réclame sa création, en particulier pour résoudre ce problème juridique. Mais, voilà, près de vingt ans ont passé depuis les propos de Michel Giraud ! Espérons que nous n’attendrons pas encore quarante ans pour trancher la question.
Je veux bien qu’on ergote sur l’idée de prévention ou de travail, mais considérer que faire bénéficier les élus ayant cessé toute activité des services de la médecine préventive serait l'antichambre du goulag me paraît quelque peu excessif ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. M. le ministre nous a demandé de faire montre d'un esprit consensuel. Si nous avons bien entendu sa requête, j'ai l'impression que tel n’est pas le cas sur toutes les travées. Nous essuyons en effet un tir de barrage tellement nourri que nous en sommes pour le moins étonnés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Alain Anziani. Une telle opposition n’a pas de sens. La santé publique est une préoccupation, je dirai même une obsession pour nous tous. Le Président de la République lui-même en parle souvent. Pourquoi tous les Français auraient-ils droit à la santé, à l'exception d'une catégorie, les élus ? Ce sont des Français comme les autres !
Nous comprenons mal les raisons qui vous poussent à refuser de faire bénéficier les élus de la médecine préventive. Une telle mesure est-elle si éloignée de l'objet d’une proposition de loi qui vise à renforcer l’attractivité et à faciliter l’exercice du mandat local ? Bien entendu que non !
Le droit à la santé fait aussi partie des droits des élus. Par conséquent, nous devrions tous voter cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 39.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette explication de vote prendra la forme d’un bref bilan des propositions que nous vous avons soumises à l’occasion de l’examen de ce texte.
Si je résume bien, nos propositions sont trop chères : du coup, on nous oppose l'article 40 de la Constitution. Elles viennent trop tôt : on nous demande alors d’attendre le projet de loi n° 61. Elles sont trop dangereuses : le Gouvernement nous exhorte à être attentifs aux questions de prise illégale d'intérêts et de délit de favoritisme. Que penserait l'opinion nous rétorque-t-on, c'est-à-dire la presse en fait ?
On admet fort bien que les élus aient des obligations spécifiques. Mais on refuse d’en tenir compte dans certaines circonstances !
Cela a été rappelé, la proposition de loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d’intérêts des élus locaux a été élaborée par des sénateurs de toutes orientations politiques : Bernard Saugey et Anne-Marie Escoffier y ont travaillé ; j’y ai également contribué.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. Elle a été votée à l’unanimité. Cela n’arrive tout de même pas tous les jours au Sénat, surtout sur un sujet aussi délicat !
À l’issue de la navette parlementaire – peut-être n’y en aura-t-il jamais, d’ailleurs –, que restera-t-il de toutes les préoccupations que nous avons exprimées ? Rien ou presque rien sans doute !
Malgré toutes ces réserves, nous voterons ce texte, car il contient quelques points positifs. Ne rechignons pas, car nous savons bien comment va l'histoire : même si le statut de l'élu n’est pas encore créé, car cela pose effectivement quelques problèmes juridiques un peu curieux, dans les faits, sinon en droit, petit à petit la situation évolue.
Reste que nous sommes sans illusion. Certes, on distribuera plus facilement des médailles, on prononcera de beaux discours sur la gratuité de la fonction et sur sa grandeur, mais je crains fort que cela ne satisfasse pas vraiment les élus locaux, encore moins ceux des zones rurales. Car c’est tout de même dans ces territoires que les difficultés sont les plus nombreuses. Dans les grandes collectivités, le cumul des mandats permet de mettre un peu de beurre dans les épinards…
Soyons sans regret : ce texte permet des avancées, ce que nous ne pouvons négliger. Pour autant, nous ne sommes pas totalement satisfaits. Reste pour nous l’espoir de 2012.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de nos débats, je souhaite saluer, au nom du groupe de l’Union centriste, l’initiative de nos collègues Bernard Saugey et Marie-Hélène Des Esgaulx. Leur proposition de loi nous a permis d’engager une réflexion d’ensemble sur les adaptations nécessaires à apporter aux dispositions régissant les conditions d’exercice des mandats locaux. Certes, il reste encore à faire, mais reconnaissons que tout chemin est jalonné d’étapes qu’il faut franchir les unes après les autres.
Je tiens en particulier à souligner les évolutions relatives à la formation des élus, qui vont dans le bon sens, ainsi que celles qui portent sur leur régime indemnitaire. Je pense notamment à la sécurisation de l’indemnité de fonction des maires des communes de moins de 1 000 habitants, qui ont été introduites en commission – rendons à César ce qui lui appartient ! (Sourires) – sur l’initiative de Jacqueline Gourault et François Zocchetto.
Je tiens également à féliciter le rapporteur de l’excellent travail qu’il a accompli. Sa volonté de limiter le champ de cette proposition de loi afin de la recentrer sur son objet premier et de ne pas empiéter prématurément sur les débats que nous aurons lors de l’examen du projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale me paraît tout à fait légitime. Il faut savoir patienter. Je rappelle que ce projet de loi est très attendu. M. le ministre nous a assurés qu’il serait examiné par la Haute Assemblée à l’automne prochain.
Je ne saurais oublier de saluer l’action des maires de la France rurale. Pour avoir été pendant trente ans maire d’une commune de 200 habitants, je peux, en toute modestie, parler en connaissance de cause. Je veux évoquer ceux qui ne bénéficient pas de services municipaux étoffés et qui doivent assurer tout à la fois plusieurs missions : secrétaire de mairie, assistante sociale parfois, officier de police judiciaire, médiateur, et de plus en plus aujourd'hui, conseiller ou avocat. Mes chers collègues, ceux d’entre vous, de droite comme de gauche, qui ont été ou sont encore maire d’une petite commune ne me démentiront pas.
Il ne faut pas négliger un point fondamental. Le rôle d’un maire n’est pas seulement de bâtir des routes ou de faire des ouvertures de chemin. Il doit aussi rassembler. Sa mission est de faire en sorte que sa commune reste une grande famille.
Aujourd'hui, même s’il ne faut pas opposer les maires des villes et les maires des champs, force est de constater que l’individualisme est plus facile à personnaliser à la campagne qu’en ville : il est malheureusement plus vivant dans les territoires ruraux que dans les grandes agglomérations où l’on s’ignore davantage.
Les maires ne bénéficient pas d’une juste reconnaissance de l’État, qui ne leur donne pas les moyens d’exercer leur mission avec suffisamment de liberté. Nous vivons une période où le vrai pouvoir est souvent lié à la grande machine qu’est l’administration.
Admettons-le : il y a cinquante ans, l’indemnité était très faible, mais les exigences moins fortes. Certes, cette époque se caractérisait par moins d’égoïsme et plus de solidarité, mais, surtout, les complications administratives étaient moindres !
Les maires de France constituent la plus belle force civique, une force qui gère le territoire. Ils nous donnent l’exemple. Malgré les avancées que nous nous efforçons d’apporter à nos collègues, trouvera-t-on, demain, dans la France rurale, assez d’hommes de bonne volonté pour qu’une commune reste une commune ? (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Mme la présidente. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)