M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Madame Pasquet, vous avez indiqué que, d’amendement en amendement, vous poursuiviez la même démarche. Je poursuis également mon chemin en affirmant mes convictions, qui sont largement partagées par mes collègues de la majorité ici présents.
Cet amendement tend à nouveau à rapprocher le statut de stagiaire de celui de salarié à part entière. Vous proposez d’intégrer la gratification de stage dans la base de calcul des indemnités de chômage et de retraite. Vous continuez d’assimiler les étudiants stagiaires à des salariés : or, je le rappelle peut-être pour la dernière fois, étudiants et salariés ne relèvent pas du même statut et ne jouissent pas des mêmes droits, car leurs situations sont totalement différentes.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, pour répondre à une aspiration que j’incline à croire unanime, je vous propose d’interrompre nos travaux pour quelques instants. (Marques d’assentiment.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
TITRE II
DÉVELOPPEMENT DE L’EMPLOI DANS LES GROUPEMENTS D’EMPLOYEURS
Article 7 AA
Les dispositions du présent titre II entrent en vigueur le 1er novembre 2011, sauf pour celles de ses dispositions sur lesquelles un accord collectif national a été conclu à cette date, conformément aux dispositions de l’article L. 2262-1 du code du travail.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.
Mme Patricia Schillinger. Nous allons débattre maintenant du démantèlement des principes juridiques qui fondent la philosophie du groupement d’employeurs.
Comme vous le savez, les partenaires sociaux viennent de rouvrir la négociation sur le sujet et doivent se revoir les 8 et 16 septembre prochains, ainsi que le 4 octobre.
Ils viennent de définir leur programme de travail, qui va heurter de plein fouet cette proposition de loi : la définition et le rôle des groupements d’employeurs – sans doute devrions-nous, en effet, nous poser la question avant de voter dans la précipitation – ; les moyens de favoriser les embauches en CDI ; la formation et le déroulement de carrière dans les groupements ; la définition d’un socle de droits minimal pour les salariés ; l’élaboration d’une charte de labellisation ; la mise en œuvre du chômage partiel dans les groupements ; la détermination d’un règlement intérieur pour fixer quelques règles de fonctionnement ; une réflexion sur le renforcement du caractère associatif des groupements d’employeurs.
Que disent les organisations syndicales ?
La CGT considère que le rôle des groupements d’employeurs est de « faciliter l’accès à un emploi stable, à plein temps et de qualité » et souhaite que soient notamment intégrées les questions liées à l’« égalité de traitement » et à la « mobilité » des salariés.
Pour éviter de « créer de la précarité », le nombre d’entreprises où travaille le salarié devrait être limité à trois. En outre, les groupements d’employeurs devraient concerner des entreprises de petite taille, pour éviter que ce dispositif ne serve à externaliser des activités.
Pour Force Ouvrière, « ce qui est important, c’est la qualité de l’emploi dans les groupements ». « L’objectif est de donner du temps plein, donc il faut un seuil horaire minimal ». « La négociation n’est pas un frein, c’est très grave de dire qu’il s’agit d’un seuil, comme si le dialogue social était impossible. »
La CFDT estime qu’il était « important qu’on donne aux parlementaires un signe positif en termes de méthodes ».
La CFE-CGC considère que les groupements pourraient être « un outil générateur d’emplois », mais que cela suppose de poser des garanties, en particulier pour éviter les « risques de précarisation », et de manifester une volonté commune d’aboutir à des points d’accord.
Comme on le voit, le texte est très loin de ces déclarations. Le Gouvernement et le patronat entendent utiliser le Parlement pour verrouiller le dialogue social. C’est exactement l’inverse d’une démarche respectueuse des partenaires sociaux.
Je rappelle que les partenaires sociaux ont unanimement demandé le 14 juin dernier au Parlement de différer les dispositions relatives aux groupements d’employeurs afin de leur permettre d’achever leur négociation en vue de parvenir un accord. Ils n’ont pas disposé de délais de négociation suffisants. Ici, on ne respecte ni les protocoles Larcher et Accoyer, ni les partenaires sociaux.
Il aurait été plus logique et conforme aux textes qui régissent la procédure parlementaire de laisser les partenaires sociaux mener la négociation à son terme et de tenir compte ensuite du résultat.
Madame le ministre, pourquoi n’a-t-on pas laissé les partenaires sociaux mener la négociation à son terme ?
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mmes Schillinger et Printz, M. Kerdraon, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Alquier, Campion, Demontès, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Godefroy, Gillot, Jeannerot, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Nous sommes ici dans le monde d’Ubu !
Le Gouvernement nous explique que la négociation sur les groupements d’employeurs est encalminée depuis deux ans. C’est vrai. Mais, ce que l’on ne nous dit pas, c’est que la négociation est bloquée parce que les représentants des salariés ne sont absolument pas d’accord avec les dispositions qui étaient déjà présentes dans la proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d’emplois, dite proposition de loi Poisson.
Ce que l’on ne nous a pas dit, au départ, c’est que les partenaires sociaux ont demandé unanimement, le 14 juin dernier, un délai au Gouvernement pour essayer de parvenir à un accord. Les partenaires sociaux se sont d’ailleurs rencontrés le 23 juin et ils ont prévu, je le répète, de nouvelles rencontres les 8 et 16 septembre, ainsi que le 4 octobre.
Est-il indispensable de se précipiter pour voter ces articles sans attendre de voir si un accord, au moins partiel, est possible ? Pour dire les choses simplement, puisque cette affaire attendait depuis deux ans, on pouvait attendre encore quelques semaines.
Eh bien, il faut croire que pour certains groupes d’intérêt, pour certaines grandes entreprises, l’affaire devait être bouclée maintenant !
La partie patronale sera en position de force dans ce dialogue apparemment ouvert mais en fait soigneusement verrouillé puisqu’elle pourra s’appuyer sur la loi votée. Or, curieusement, cette proposition de loi correspond parfaitement à la volonté du MEDEF sur le sujet.
Ainsi, le Gouvernement et la majorité exécutent le groupement d’employeurs fondé sur des valeurs d’entraide et de solidarité.
Pour cela, cet article prévoit la création d’une catégorie juridique nouvelle : celle des lois votées, promulguées et publiées, applicables sous réserve d’un accord postérieur de parties contractantes privées.
Il ne s’agit pas, en effet, selon le texte du présent article, de renvoyer l’application de dispositions votées à une négociation en vue d’appliquer une loi, mais d’articles de loi dont l’application sera explicitement suspendue à la conclusion d’un accord des partenaires sociaux.
Que se passerait-il si les partenaires sociaux concluaient un accord contredisant les termes du texte qui va être voté ici ? Un nouveau texte nous serait-il présenté pour mettre la loi en conformité avec l’accord ?
Il convient de rappeler que les protocoles Larcher et Accoyer prévoient la consultation des partenaires sociaux dans des formes précises, et avant le dépôt d’un projet ou d’une proposition de loi au Parlement.
Il aurait été plus logique et conforme aux textes qui régissent la procédure parlementaire de laisser les partenaires sociaux mener la négociation à son terme et de tenir compte ensuite du résultat, positif ou négatif, de celle-ci.
Mais ne nous y trompons pas : le but réel de ce procédé est bien de fixer de nouvelles règles dans la loi, de donner ainsi un appui déterminant à la partie patronale, en sachant pertinemment que les chances d’aboutir à un accord sont particulièrement réduites.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 7AA, qui témoigne pourtant du respect que nous portons au dialogue social. Le protocole de consultation des partenaires sociaux a été respecté à la lettre.
La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, première saisie de ce texte, a invité les partenaires sociaux à négocier. Cette négociation a abouti à deux accords.
Il est vrai que le rythme du travail législatif et celui de la négociation sociale ne sont pas forcément identiques. La réflexion sur la réforme des groupements d’employeurs dure depuis trop longtemps. Il faut avancer. C’est pourquoi notre commission a adopté une solution de compromis – elle a d’ailleurs été saluée dans plusieurs articles de presse –, qui laisse un délai raisonnable à la négociation.
Comme Mme Schillinger l’a précisé, les partenaires sociaux ont d’ores et déjà fixé un planning de rencontres.
J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 7 AA.
(L'amendement est adopté.)
Article 7 A
(Non modifié)
L’article L. 1253-9 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils garantissent l’égalité de traitement entre le salarié du groupement et les salariés des entreprises auprès desquelles il est mis à disposition. »
M. le président. L'amendement n° 87 rectifié, présenté par M. Carle, Mme Procaccia et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
égalité de traitement
insérer les mots :
, en matière de rémunération,
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. L’article 7 A est un progrès pour les salariés des groupements d’employeurs puisqu’il introduit le principe d’égalité de traitement entre eux et les salariés directement employés par les entreprises dans lesquelles ils travaillent.
Toutefois, cette égalité de traitement doit se limiter à la rémunération, faute de quoi elle créerait une complexité administrative ingérable pour les entreprises, qui seraient alors dissuadées de recourir au regroupement.
Tel est l’objet de cet amendement, dont Mme Procaccia et moi-même avons pris l’initiative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à limiter la portée de l’article 7 A, lequel pose le principe de l’égalité de traitement dans le contrat de travail entre les salariés du groupement et ceux des entreprises auprès desquelles ils sont mis à disposition.
Limiter cette égalité de traitement à une égalité salariale, comme tend à le prévoir l’amendement présenté par M. Carle, me semble un peu difficile. Qu’en serait-il des avantages en nature ? En outre, une telle garantie serait minimale, les contrats ou accords collectifs pouvant être plus généreux.
Pour ma part, je souhaite une égalité – égalité salariale, mais aussi en termes d’avantages – entre tous les salariés travaillant sur un même poste, qu’ils soient salariés des groupements d’employeurs ou directement employés par les entreprises.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, ministre. Le Gouvernement ne partage pas l’avis de Mme le rapporteur. Permettez-moi de m’expliquer en prenant appui sur un exemple.
Un groupement serait amené à appliquer la convention X en matière de rémunération, la convention Y pour les congés familiaux, la convention Z en matière de formation et la convention choisie par le groupement en matière de compte épargne-temps.
La situation que tend à prévoir l’amendement de M. Carle et de Mme Procaccia est comparable à celle qui prévaut dans l’intérim, où, je vous le rappelle, l’égalité de traitement porte sur les seules rémunérations.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme Catherine Procaccia. Merci, madame la ministre !
M. le président. Je mets aux voix l'article 7 A, modifié.
(L'article 7 A est adopté.)
Article 7
(Non modifié)
L’article L. 1253-4 du même code est abrogé.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par Mmes Schillinger et Printz, M. Kerdraon, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Alquier, Campion, Demontès, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Godefroy, Gillot, Jeannerot, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 36 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 18.
Mme Patricia Schillinger. Cet article prévoit l’abrogation de l’article L. 1253-4 du code du travail, qui interdit l’appartenance à plus de deux groupements d’employeurs. Une personne morale ou physique pourra donc désormais être membre d’autant de groupements d’employeurs qu’elle le souhaitera, à condition que ceux-ci l’acceptent.
Nous ne sommes pas favorables à cette modification, qui participe au changement de nature des groupements d’employeurs. Au départ, les groupements d’employeurs étaient en effet destinés à permettre à des petites entreprises ne pouvant employer de salariés à temps plein, que ce soit sur la semaine ou sur l’année, de leur offrir la possibilité de travailler à temps complet.
Cet objectif, auquel nous adhérons depuis la création de ces groupements en 1985, vous le faites aujourd'hui voler en éclats. Désormais, les CDD et contrats à temps partiel vont pouvoir être multipliés à l’infini par un système de croisements. Certes, une personne ne peut être salariée que d’un seul groupement, mais si un grand nombre d’entreprises sont membres de ce groupement, ce salarié pourra être envoyé travailler quelques heures dans chacune d’entre elles !
Contrairement à ce que vous prétendez, un tel dispositif ne combat en rien la précarité. Il ne sécurise pas les parcours professionnels. Au contraire, il déstructure le travail, crée des difficultés de transport et de vie pour les salariés, lesquels ne seront plus, en fait, que les précaires d’une super-agence d’intérim. Et ils ne toucheront même pas de prime de précarité à la fin de leur mission !
C’est là dévoyer une idée à caractère humaniste et social et faire de ces groupements un instrument de flexibilité et de précarisation des salariés.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 36.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 7 supprime la disposition du code du travail qui prévoit qu’une personne physique ou morale ne peut être membre que de deux groupements d’employeurs au plus. Cette limitation légale a pourtant un objectif louable : protéger les salariés des groupements en évitant que les entreprises qui y adhèrent ne se servent d’eux comme variables d’ajustement afin de limiter les coûts liés à leur masse salariale.
Les groupements d’employeurs permettent en effet à deux entreprises d’employer un ou des salariés qu’elles n’auraient jamais pu employer seules.
Cependant, l’adhésion à de multiples groupements risque d’entraîner une diminution du nombre de salariés que l’entreprise emploie ou peut employer seule. Cela n’est pas souhaitable, car cela peut porter atteinte aux salariés du groupement et des entreprises adhérentes.
La précarisation des salariés serait donc entérinée.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer l’article 7.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. J’émettrai sur ces deux amendements un avis défavorable, et ce pour une raison simple : je ne vois pas en quoi cet article transforme les groupements d’employeurs en entreprises de travail temporaire.
Permettez-moi de vous rappeler que, aujourd'hui, 80 % des salariés de ces groupements sont en CDI. Ils bénéficient donc d’une situation plus stable que les intérimaires.
Permettre à une entreprise d’adhérer à plus de deux groupements est, dans ce texte, l’une des principales mesures en faveur de l’emploi. La suppression de l’article 7 n’est donc pas du tout justifiée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 et 36.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1111-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Le ou les salariés mis à disposition par un groupement mentionné à l’article L. 1253-1 sont pris en compte dans l’effectif de l’entreprise dans laquelle ils sont mis à disposition dès lors que la somme totale des périodes de mise à disposition par un ou plusieurs de ces groupements excède les six mois. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Le titre II de la présente proposition de loi assouplit très largement le régime juridique des groupements d’employeurs en simplifiant les modalités d’adhésion et les règles de responsabilité financière applicables aux membres d’un groupement. Ces aménagements se font donc au profit des employeurs.
La proposition de loi initiale faisait, en revanche l’impasse sur la question des droits des salariés des groupements. Le débat à l’Assemblée nationale a certes permis, avec l’article 7 A, de réparer cette lacune en introduisant une garantie « d’égalité de traitement entre le salarié du groupement et les salariés des entreprises auprès desquelles il est mis à disposition ». L’égalité est donc formellement consacrée.
Cet article a d’ailleurs servi de leitmotiv aux auteurs de la proposition de loi pour démontrer que les modifications du régime juridique des groupements d’employeurs ne seraient pas un facteur de précarisation des salariés.
Pourtant, au Sénat, c’est une égalité a minima que défend l’UMP. En effet, M. Carle a proposé de limiter cette égalité à la seule rémunération, afin de ne pas engendrer « une complexité administrative ingérable pour les entreprises, qui seraient dissuadées de recourir aux groupements ».
M. Jean-Claude Carle. Absolument !
M. Guy Fischer. D’une égalité formellement consacrée par la loi nous passons donc à une égalité au rabais !
M. Jean-Claude Carle. Non, au contraire : à une égalité effective !
M. Guy Fischer. Les salariés des groupements apprécieront.
L’amendement n° 39 tend à proposer un cheminement inverse. Il vise à ce que les salariés mis à disposition par un groupement, à l’image des salariés à temps partiel, soient pris en compte dans l’effectif de l’entreprise dans laquelle ils sont mis à disposition dès lors que la somme totale des périodes de mise à disposition excède six mois.
Un tel dispositif permettra d’éviter que les employeurs profitent de cette situation pour éviter d’avoir à satisfaire à leurs obligations légales en ne prenant pas en compte les salariés des groupements dans le calcul de l’effectif de leur entreprise. L’effectif est en effet déterminant pour l’organisation des élections professionnelles, pour le calcul du taux de financement de la formation continue et la détermination du nombre de personnes handicapées que l’entreprise doit employer. Or de nombreux contournements de la loi sont souvent observés dans ces domaines.
L’égalité doit se traduire en droits réels et non demeurer un simple engagement formel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. C’est un avis défavorable. En effet, je ne pense pas que les groupements d’employeurs soient une menace quelconque ou, comme vous le laissez supposer, monsieur Fischer, un outil destiné à permettre aux patrons de contourner leurs obligations légales.
Par ailleurs, les modalités de prise en compte des salariés mis à disposition par un groupement d’employeurs dans l’effectif de l’entreprise utilisatrice sont celles du droit commun. Le calcul se fait au prorata du temps de présence des salariés au cours des douze mois précédents. Il n’y a pas lieu de modifier cette règle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1253-1 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. … - La proportion de personnes salariées par les groupements d’employeurs en contrat à durée indéterminée ne peut pas être inférieure à 80 % ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous avons déjà fait part de notre très grande réserve en ce qui concerne la dérégulation des groupements d’employeurs.
Je rappelle que, initialement, ces groupements avaient vocation à lutter contre la précarité en favorisant l’emploi. Ils avaient d’ailleurs été mis en place pour répondre à des besoins spécifiques, dans l’agriculture ou le secteur forestier, par exemple. Ils étaient utiles dans les régions où les emplois saisonniers sont nombreux. Désormais, ils seront ouverts aux grands groupes, de même qu’aux collectivités locales.
Avec les modifications qui nous sont proposées, le risque de précarisation des personnes salariées par les groupements est bien réel et ne peut que susciter notre inquiétude. Ainsi, dans le cas d’activités saisonnières, le transfert de la saisonnalité sur le groupement d’employeurs permettrait d’échapper aux surcoûts liés au recours à l’intérim.
Afin de réaffirmer le principe originel du groupement d’employeurs, à savoir favoriser l’emploi en mutualisant le travail, nous proposons de mettre en place un garde-fou en inscrivant dans la loi que la proportion de personnes salariées par les groupements d’employeurs en contrat à durée indéterminée ne peut être inférieure à 80 %.
À cet égard, je rappelle que l’un des arguments invoqués pour justifier l’ouverture des groupements aux grandes entreprises, qui devraient pouvoir fournir des petits postes, est justement qu’elle permettra d’atteindre des taux de 80 % ou 90 % de CDI. L’un ne doit pas aller sans l’autre, chers collègues : la règle des 80 % de CDI, compte tenu de l’ouverture des groupements aux grandes entreprises, permettrait d’éviter que des abus ne soient commis, car nous savons qu’il y en a !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il est défavorable, monsieur le président.
Je précise qu’il n’existe actuellement aucune règle prévoyant un seuil de 80 % de CDI pour les entreprises. Les groupements d’employeurs sont des outils, cela a déjà été dit, de lutte contre la précarité des salariés. Près de 80 % des salariés sont en CDI. Imposer aux groupements d’employeurs la contrainte légale que vous proposez, madame Mme Gonthier-Maurin, porterait atteinte à leur liberté de gestion.
Des recrutements en CDD peuvent se justifier lorsque, par exemple, une entreprise membre du groupement anticipe un accroissement temporaire de son activité et le fait savoir au groupement. La possibilité d’embaucher en CDD dans certains cas est tout à fait reconnue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1253-1 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. … - La proportion de salariés mis à disposition par un groupement d’employeurs ne peut être supérieure à 10 % de l’effectif total de l’entreprise dans laquelle il est mis à disposition. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que les précédents : il vise à éviter que les groupements d’employeurs transformés comme cela nous est proposé n’entraînent une précarisation accrue des salariés.
Le groupe CRC-SPG tient à la sécurisation des parcours professionnels, de faon que les salariés qui alterneraient phases de travail et phases de formation n’auraient pas à subir de périodes de chômage.
On sait d’ailleurs que le chômage, en deçà d’un certain seuil, sert le patronat, qui dispose ainsi d’un levier supplémentaire pour maintenir les salaires à un niveau bas et faire régner une forme de peur sociale.
Nous considérons que, afin de lutter contre cette situation, le contrat de référence doit être – doit redevenir, devrais-je dire – le CDI. Pour cela, il n’y a d’autre choix que de limiter le recours aux contrats atypiques ou aux formes d’organisation du travail qui dérogent à la relation contractuelle directe entre un employeur et un salarié, base de toute embauche.
C’est cette logique que nous proposons de transposer ici, en prévoyant que la proportion de salariés mis à disposition par un groupement d’employeurs ne peut être supérieure à 10 % de l’effectif total de l’entreprise.
À défaut d’une telle limitation, on pourrait assister, de la part de l’employeur peu scrupuleux, à l’utilisation massive de techniques de contournement du droit du travail. Ainsi, des employeurs feraient le choix d’externaliser des pans entiers de leur activité auprès de groupements, afin de ne jamais atteindre le seuil des 50 salariés, dont le dépassement implique des engagements sociaux importants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?