Mme la présidente. L'amendement n° 174, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À l’article 278 du code général des impôts, le taux : « 19,6 % » est remplacé par le taux : « 18,6 % »
II. – Les pertes de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus sont compensées par le relèvement, à due concurrence, des taux prévus à l’article 219 du code général des impôts.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pour l’heure, les principales préoccupations des Français, si l’on en croit les enquêtes d’opinion, portent plus sur les conditions d’emploi et les problèmes de pouvoir d’achat que sur toute autre considération. Il est même assez clairement établi que la réforme de la fiscalité du patrimoine menée par le Gouvernement est assez nettement éloignée des préoccupations immédiates de la plupart de nos compatriotes !
Le Gouvernement a pourtant choisi d’entreprendre cette réforme, alors même que d’autres voies nous semblaient pouvoir être utilisées pour ce qui est des politiques budgétaires de l’État.
Postulat de la démarche gouvernementale : la situation économique est suffisamment positive pour que nous puissions mettre en œuvre au moins un aménagement du système fiscal, voire réduire la cotisation de certains contribuables.
Nous serions, a-t-il été rappelé, sortis de la crise et cela suffirait à justifier une réforme de la fiscalité, mais en commençant évidemment par celle du patrimoine, car ce sont d’abord les privilégiés qui doivent bénéficier de la réforme !
Pour notre part, nous estimons qu’il faut, au contraire, changer l’ordre des priorités et procéder à une autre mesure, celle qui allégerait notamment la fiscalité indirecte : celle-là, oui, profiterait au plus grand nombre.
Aussi proposons-nous de procéder, enfin, à la réduction du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée, qui, depuis qu’il a été augmenté en 1995, n’est jamais revenu au taux historique de 18,6 %, un taux déjà non négligeable.
Il convient que nous donnions un sens précis à la réforme fiscale dont notre pays a besoin : elle doit réduire, en tant que de besoin, les prélèvements sur la consommation pour privilégier la fiscalité directe !
Réduire d’un point le taux normal de la TVA, c’est rendre 3,5 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux ménages, et cela vaut bien d’autres mesures prises par ailleurs, à commencer par une « prime de résultat » qui est, au demeurant, de plus en plus hypothétique…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L’avis sera sans surprise sur cet amendement qui est lui-même sans surprise puisqu’il est conforme thèses habituelles du groupe qui a pris l’initiative de le déposer.
Pour ce qui nous concerne, nous restons sur nos positions maintes fois réaffirmées et nous émettons un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 174.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Aux premier et second alinéas du f de l’article 885 I bis, la référence : « à l’article 885 W » est remplacée par la référence : « au 1 du I de l’article 885 W » ;
2° À la fin de la dernière phrase du dernier alinéa du I de l’article 885 I quater, la référence : « à l’article 885 W » est remplacée par la référence : « au 1 du I de l’article 885 W » ;
3° L’article 885 U est ainsi rédigé :
« Art. 885 U. – I. – 1. L’impôt est calculé sur l’ensemble de la valeur nette taxable du patrimoine selon le tarif suivant :
« |
Valeur nette taxable du patrimoine |
Tarif applicable (en %) |
Égale ou supérieure à 1 300 000 € et inférieure à 3 000 000 € |
0,25 |
|
Égale ou supérieure à 3 000 000 € |
0,50 |
« Le montant de l’impôt calculé selon le tarif prévu au présent 1 est réduit à 1 500 € pour les redevables dont le patrimoine net taxable est égal à 1 300 000 € et de moitié pour les redevables dont le patrimoine net taxable est égal à 3 000 000 €.
« 2. Pour les redevables dont le patrimoine a une valeur nette taxable mentionnée aux deux dernières lignes de la première colonne du tableau du présent 2, le montant de l’impôt calculé selon le tarif prévu au tableau du 1 est réduit d’une somme calculée en appliquant, respectivement, les formules mentionnées aux deux dernières lignes de la seconde colonne du tableau du présent 2.
« |
Valeur nette taxabledu patrimoine |
Réduction du montantde l’imposition (1) |
Égale ou supérieure à 1 300 000 € et inférieure à 1 400 000 € |
24 500 € – (7 x 0,25 % P) |
|
Égale ou supérieure à 3 000 000 € et inférieure à 3 200 000 € |
120 000 € – (7,5 x 0,50 % P) |
|
(1) P est la valeur nette taxable du patrimoine |
« II. – Pour l’application du I, chaque année, successivement :
« 1° Le premier montant d’impôt après réduction mentionné au dernier alinéa du 1 du I, les limites de valeurs nettes taxables du patrimoine figurant au tableau du même 1 ainsi que les limites inférieures figurant au tableau du 2 du même I sont actualisés dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu ;
« 2° Les montants d’impôts actualisés en application du 1 du I sont arrondis à l’euro le plus proche. Les limites de valeurs nettes taxables du patrimoine actualisées le sont à la dizaine de milliers d’euros la plus proche ;
« 3° Les constantes en euro, puis les limites supérieures de valeurs nettes taxables du patrimoine figurant au tableau du 2 du I sont ajustées de manière à égaliser l’impôt calculé en application des règles fixées aux 1 et 2 du même I pour chacune des limites inférieures et supérieures mentionnées au tableau dudit 2. » ;
3° bis (nouveau). Après la dernière occurrence des mots : « montant de », la fin de l’article 885 V est ainsi rédigée : « 300 € par personne à charge au sens de l’article 193 ter. La somme de 300 € est divisée par deux lorsqu’il s’agit d’un enfant réputé à charge égale de l’un et de l’autre de ses parents. » ;
4° L’article 885 V bis est abrogé ;
5° L’article 885 W est ainsi modifié :
a) Au I, l’alinéa est précédé de la mention : « 1. » et il est ajouté un 2 ainsi rédigé :
« 2. Par exception au 1, les redevables dont le patrimoine a une valeur nette taxable comprise dans les limites de la deuxième ligne de la première colonne du tableau du 1 du I de l’article 885 U et qui sont tenus à l’obligation de déposer la déclaration annuelle prévue à l’article 170 mentionnent la valeur nette taxable de leur patrimoine seulement sur cette déclaration.
« La valeur nette taxable du patrimoine des concubins notoires et de celui des enfants mineurs lorsque les concubins ont l’administration légale de leurs biens est portée sur la déclaration de l’un ou l’autre des concubins. » ;
b) À la fin du II et à la deuxième phrase du III, la référence : « au I » est remplacée par la référence : « au 1 du I » ;
6° À l’article 885 Z, après le mot : « fortune », est insérée la référence : « mentionnée au 1 du I de l’article 885 W » ;
7° L’article 1723 ter-00 A est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est précédé de la mention : « I. – » et, après ce même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l’impôt de solidarité sur la fortune dû par les redevables mentionnés au 2 du I de l’article 885 W est recouvré en vertu d’un rôle rendu exécutoire selon les modalités prévues à l’article 1658. Cet impôt peut être payé, sur demande du redevable, dans les conditions prévues à l’article 1681 A. Le présent alinéa n’est pas applicable aux impositions résultant de la mise en œuvre d’une rectification ou d’une procédure d’imposition d’office. » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« II. – Ne sont pas applicables aux redevables mentionnés au I de l’article 885 W : » ;
8° L’article 1730 est ainsi modifié :
a) À la fin du 1, les mots : « et des impositions recouvrées comme les impositions précitées » sont remplacés par les mots : «, des impositions recouvrées comme les impositions précitées et de l’impôt de solidarité sur la fortune » ;
b) Après le b du 2, il est inséré un c ainsi rédigé :
« c) Aux sommes dues au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune par les redevables mentionnés au 1 du I de l’article 885 W. »
II. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° L’article L. 23 A est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« En vue du contrôle de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’administration peut demander :
« a) Aux redevables mentionnés au 2 du I de l’article 885 W du code général des impôts, la composition et l’évaluation détaillée de l’actif et du passif de leur patrimoine ;
« b) À tous les redevables, des éclaircissements et des justifications sur la composition de l’actif et du passif de leur patrimoine. » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « ou si les justifications prévues à l’article 885 Z du code général des impôts ou demandées en application du premier alinéa sont estimées insuffisantes » sont remplacés par les mots : « aux demandes mentionnées aux a et b ou si les éclaircissements ou justifications sont estimés insuffisants » ;
2° Le 4° de l’article L. 66 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent 4° s’applique aux personnes mentionnées au 2 du I de l’article 885 W du code général des impôts qui n’ont pas indiqué la valeur nette taxable de leur patrimoine dans la déclaration prévue à l’article 170 de ce même code. » ;
3° L’article L. 180 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ou, pour l’impôt de solidarité sur la fortune des redevables ayant respecté l’obligation prévue au 2 du I de l’article 885 W du même code, jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due » ;
b) Au second alinéa, après le mot : « formalité », sont ajoutés les mots : « ou, pour l’impôt de solidarité sur la fortune des redevables mentionnés au même 2 du I de l’article 885 W, par la réponse du redevable à la demande de l’administration prévue au a de l’article L. 23 A du présent livre » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune mentionnés audit 2, lorsque les obligations déclaratives incombant au redevable en application des articles 1649 A et 1649 AA du même code n’ont pas été respectées par le redevable, le délai prévu au premier alinéa du présent article n’est pas non plus opposable à l’administration pour les biens ou droits afférents aux obligations déclaratives qui n’ont pas été respectées. » ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 253 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « directs », sont insérés les mots : « ou, pour les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune relevant des dispositions du 2 du I de l’article 885 W du code général des impôts, au rôle de cet impôt, » ;
b) (nouveau) À la fin, les mots : « du code général des impôts » sont remplacés par les mots : « du même code ».
III. – Les I et II du présent article s’appliquent à l’impôt de solidarité sur la fortune dû à compter de l’année 2012, à l’exception de l’option de paiement par prélèvements mensuels prévue au second alinéa du 1 de l’article 1723 ter-00 A du code général des impôts dans sa rédaction issue du 7° du I du présent article, qui s’applique à l’impôt dû à compter de l’année 2013.
IV. – Au titre de l’année 2011 :
1° L’impôt de solidarité sur la fortune est assis et liquidé dans les conditions prévues aux articles 885 A et suivants du code général des impôts et dû par les seules personnes physiques dont la valeur nette taxable du patrimoine est supérieure ou égale à 1 300 000 € ;
2° La déclaration prévue à l’article 885 W du code général des impôts peut être souscrite jusqu’au 30 septembre 2011 ;
3° Les redevables dont le patrimoine a une valeur nette taxable inférieure à 3 000 000 € sont dispensés du respect des obligations déclaratives prévues au VII de l’article 885-0 V bis, au V de l’article 885-0 V bis A et à l’article 885 Z du même code.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, sur l'article.
M. François Marc. Il s’agit ici de l’article phare de ce projet de loi puisqu’il modifie le dispositif de l’ISF de telle façon que les ressources fiscales de l’État se trouvent très sensiblement minorées.
Mais je veux d’abord réagir aux propos de M. le ministre du budget selon lesquels ce collectif va dans le sens d’une plus grande justice fiscale. Comment pourrions-nous laisser une telle affirmation sans réponse ? Je crains en effet qu’il n’ait pas vu les choses avec les bonnes lunettes…
À l’entendre, nous parlerions tout le temps de « cadeaux », alors qu’il n’y aurait pas eu, ces derniers temps, le moindre cadeau fait à quiconque. Mais nous ne sommes pas les seuls à faire cette analyse ; je crois pouvoir dire que tous les observateurs objectifs, en France – je pense notamment au Conseil des prélèvements obligatoires, qui a dressé récemment un constat en ce sens –, à l’OCDE ou à Bruxelles, font aujourd’hui à peu près la même. Pour eux, les choix qui ont été opérés ces dernières années en France en matière de fiscalité conduisent bien à attribuer des cadeaux à un certain nombre de catégories sociales, en particulier les plus favorisées.
Ensuite, en réponse à nos interventions, monsieur le ministre, vous nous avez dit que la somme de plusieurs mensonges ne faisait pas une vérité. Cela me paraît un peu…
M. Guy Fischer. Cavalier !
M. François Marc. … peut-être, en tout cas inapproprié !
Si vous le permettez, je vais vous « renvoyer l’ascenseur » : vous avez vous-même proféré deux affirmations totalement mensongères.
Vous avez expliqué, premièrement, que l’effondrement des recettes constaté ces dernières années provenait essentiellement de la crise.
M. Guy Fischer. Ce n’est pas vrai !
M. François Marc. C’est faux, en effet, et cela a été amplement démontré, notamment par la Cour des comptes, chiffres à l’appui ; je les ai cités tout à l’heure. Tout le monde s’accorde aujourd'hui à le reconnaître, sur les 92 milliards d'euros de déficit de la France, 60 millions d'euros s’expliquent par vos cadeaux. Vous aurez beau dénier cette réalité, elle est établie par de nombreux observateurs.
Vous avez expliqué, deuxièmement, que la France était actuellement le seul pays à appliquer un prélèvement sur le patrimoine, que c’était scandaleux, qu’il fallait changer cela, etc.
Il apparaît, là encore, monsieur le ministre, que vous avez omis de lire le rapport de notre excellent collègue Philippe Marini puisqu’il y est précisé que la France est loin d’être le seul pays dans ce cas : la Norvège, la Suisse et les Pays-Bas appliquent également un prélèvement sur le patrimoine.
Dans ces conditions, nos propositions sont parfaitement fondées et légitimes.
Quant au rapporteur général, il considère comme urgent, très urgent même, de changer le système de l’ISF, qui serait, dit-il, très largement critiqué dans le pays.
Je fréquente assidûment les réunions d’élus, je suis chaque semaine en contact avec nos concitoyens. Or, au cours des mois passés, il ne s’est trouvé personne pour venir me dire : « Monsieur le sénateur, il faudrait très vite réformer l’ISF, voire le supprimer ! »
M. Guy Fischer. Ils disent plutôt le contraire !
M. François Marc. Je ne sais pas sur quelles observations M. le rapporteur général fonde son appréciation… Moi, j’ai le sentiment qu’aujourd'hui il n’y a pas grand-monde pour attendre la réforme de l’ISF telle qu’elle est ici prévue. En revanche, beaucoup de nos concitoyens attendent une vraie réforme fiscale, une réforme qui aille dans le sens de la justice et de l’égalité de traitement des contribuables. Or, à cet égard, votre réforme présente une réelle carence.
Dès lors, il est clair que nous voterons en faveur des amendements qui visent à supprimer cet article 1er. Aujourd'hui, il me paraît de bon sens de refuser cette évolution qui, outre qu’elle n’est pas satisfaisante en termes de justice fiscale, n’est pas susceptible de mobiliser nos concitoyens. En effet, de quoi avons-nous fondamentalement besoin en cette période de crise ? Il faut que tout le monde se sente associé dans une juste répartition de l’effort. Cet article 1er introduit-il une juste répartition de l’effort ? Je ne le crois pas du tout ! Il est donc opportun de le supprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 59 est présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 209 rectifié est présenté par MM. Collin, Fortassin, Plancade et Tropeano.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour défendre l’amendement n° 59.
Mme Mireille Schurch. Selon les termes du rapport de la commission des finances, cet article « vise à réviser le barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, ainsi qu’à en simplifier les modalités déclaratives pour les redevables détenant un patrimoine imposable inférieur à 3 millions d’euros ».
Pour parler clair, vous tirez prétexte de la suppression du bouclier fiscal, suppression bienvenue, pour proposer un nouvel allégement de la fiscalité des contribuables les plus aisés dans des proportions considérables et proprement scandaleuses.
Ainsi, dans un premier temps, vous proposez de relever le seuil d’assujettissement de 800 000 euros à 1,3 million d’euros au motif de l’augmentation de la valeur de la résidence principale. Cet argument n’a que l’apparence du bon sens, car la valeur de la résidence principale ne représente, en réalité, qu’à peine un tiers du patrimoine des quelque 300 000 foyers que vous exonérez d’ISF d’un trait de plume.
Dans un second temps, vous supprimez le barème progressif au profit de deux barèmes ridiculement bas. Cette révision du barème va se solder par la division par deux ou trois du montant de l’ISF acquitté par les plus fortunés.
Comme l’indiquait notre collègue député Jean-Pierre Brard, « cette réforme ne vise au fond qu’à étendre le bénéfice du bouclier fiscal à l’ensemble des millionnaires en euros, là où seuls 40 % pouvaient jusqu’ici en bénéficier ».
Quant aux fameuses compensations que vous tentez de mettre en avant, elles sont, pour l’essentiel, aléatoires, les autres étant de peu d’effet sur les plus riches. Ce qui nous fait donc douter, à l’inverse de vos déclarations, monsieur le ministre, que cette réforme soit réellement financée.
En tout état de cause, vous faites un cadeau de près de 2 milliards d’euros aux 250 000 foyers les plus riches, alors même que vous avez refusé de relever cette année le SMIC et que 8 millions de salariés gagnent aujourd’hui moins de 950 euros par mois !
Dès lors, il est inadmissible que vous osiez encore affirmer que votre réforme est juste et équilibrée. Votre politique est anti-sociale ; c’est une politique de classe. Les sacrifices sont demandés toujours aux mêmes, aux salariés qui devront travailler plus longtemps, aux chômeurs qui devront travailler gratuitement, aux sans-papiers que nous ne pouvons plus régulariser. À l’inverse, les classes sociales les plus aisées voient leur situation chaque jour améliorée.
En outre, vous faites voler en éclats, par votre réforme fiscale, toute idée de solidarité nationale. Alors que l’impôt est un outil de redistribution sociale, vous en pervertissez la nature par crainte de voir s’envoler les grosses fortunes, remettant par là même en cause tout pacte social, et même tout pacte républicain.
De plus, nous sommes extrêmement circonspects. Après nous avoir fait voter la fameuse « règle d’or budgétaire », vous nous proposez une loi de finances rectificative violant de fait la règle qui vient d’être posée. C’est complètement aberrant ! Les sénateurs du groupe CRC-SPG proposent donc de supprimer ce dispositif surréaliste, qui pousse à l’extrême l’injustice fiscale la plus criante.
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l'amendement n° 209 rectifié.
M. Yvon Collin. L’article 1er est l’un des piliers du projet de loi de finances rectificative pour 2011. Il prévoit, sous diverses modalités, un allégement de l’ISF.
Cet impôt est payé par moins de 2 % des contribuables de notre pays. Mais son existence nous rappelle que les inégalités de patrimoine sont plus fortes encore que les inégalités de revenus.
Les richesses issues de l’héritage ne cessent de croître : on assiste à la résurgence d’une société d’héritiers, qui s’explique par la faiblesse de la pression fiscale sur les très hauts revenus et sur les gros patrimoines. Les statistiques montrent que la part de la richesse héritée dans le revenu national est en croissance forte et rejoint le niveau d’avant la Première Guerre mondiale.
Notre amendement vise à supprimer l’article 1er pour plusieurs raisons : d’abord, parce que 0,01 % des Français les plus riches ont vu leurs gains augmenter de 40 % entre 2004 et 2007, et que de telles inégalités menacent la cohésion nationale ; ensuite, parce que l’état de nos finances publiques devrait nous inciter à ne pas nous priver de ressources fiscales ; enfin, parce que les réformes menées depuis 2007 sur la fiscalité ont eu pour conséquence une dégressivité de l’impôt, dégressivité qui s’accélère au sommet de l’échelle des revenus et des patrimoines.
Monsieur le ministre, la défiance des contribuables face à l’impôt devient préoccupante. Cette défiance est double : à la fois verticale, envers l’État accusé de favoriser les plus riches, mais également horizontale, envers les autres contribuables, soupçonnés de dissimuler au maximum leurs revenus et, donc, de réduire les impôts qu’ils sont censés acquitter.
Il est impératif de sortir de cette logique de défiance pour revenir vers une logique de consentement à l’impôt. Tel est l’objet, très louable, de notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Comme l’a dit très justement M. Collin, cet article 1er est un pilier de la réforme. Donc, la commission, dans sa majorité, ne souhaite pas qu’on l’ébranle. Parce que cet article est nécessaire à la solidité de l’ensemble de l’édifice, nous appelons au rejet de ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Depuis plusieurs années, nous voyons la majorité et le Gouvernement exprimer la volonté commune d’en finir avec l’ISF. Mais ils ne peuvent pas le faire pour des raisons électorales évidentes. Et puis, cela ravive de mauvais souvenirs !
Moi, je voudrais, une fois encore, défendre cet impôt, que vous proposez d’alléger très sensiblement.
M. Collin l’a rappelé, il est payé par moins de 2 % de la population. J’ajouterai que son rendement représente à peine 8 % de la fiscalité du patrimoine et 0,4 % des recettes de l’État. Néanmoins, vous vous focalisez sur cet impôt ; c’est bien la preuve que vous mettez en œuvre une certaine idéologie. Nous sommes prêts à admettre que nous en soutenons une, qui se situe à l’opposé, mais reconnaissez au moins que, vous aussi, vous agissez par idéologie !
Par ailleurs, je tiens à rappeler que la taxation du capital en France se situe à peu près dans la moyenne européenne. François Marc l’a montré, votre argument selon lequel nous serions les seuls à avoir instauré un impôt sur la fortune est faux : d’autres pays ont également décidé de taxer le capital. Ainsi, pour ne considérer que la fiscalité du foncier, elle représente 4 milliards d'euros en France contre 14 milliards d'euros dans des pays européens équivalents.
Vous prétendez que cette réforme est juste et exonérera de cet impôt – qui vous est odieux – les contribuables qui relèvent actuellement de ses premières tranches. N’oublions pas que le patrimoine médian s’élève à 110 000 euros en France ! Donc, votre réforme n’est pas faite pour ces ménages moyennement fortunés, et ce que vous affirmez n’est rien d’autre qu’un très gros mensonge.
L’ISF est juste parce que patrimoines les plus importants captent une part croissante de la valeur ajoutée, cela a été démontré. Il est moderne parce qu’il est déclaratif. C’est justement parce que, en Allemagne, l’impôt sur la fortune était non pas déclaratif, mais assis sur des bases locatives qui n’avaient pas été réévaluées depuis plus de trente ans, qu’il a été supprimé. En revanche, dans ce pays, la taxation sur le foncier est beaucoup plus importante que chez nous.
Voilà une première raison de voter ces amendements de suppression. Mais il en est une autre, et nous attendons toujours, monsieur le ministre, que vous nous montriez en quoi elle ne serait pas fondée.
Vous mettez en parallèle l’ISF et le bouclier fiscal ; au sein de la majorité, certains considèrent même le second comme l’« enfant » ou le « frère » du premier. Vous n’avez d’yeux que pour cet impôt emblématique qui rapporte au budget de l’État 4 milliards d'euros par an. Il reste que vous amputez encore les recettes et que vous n’équilibrez pas votre réforme. Autrement dit, vous allez payer l’allégement de l’ISF avec un peu plus de déficit budgétaire ! Encore une fois, la France devra emprunter pour financer un allégement dont profiteront les plus riches.
Vous pouvez faire les calculs dans tous les sens : le compte n’y est pas ! Je vous en ai fait la démonstration tout à l’heure, et vous n’y avez pas répondu, mais peu importe, car elle est imparable.
Bref, cette réforme n’est pas financée et elle est injuste : CQFD ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)