M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 1247, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Mme Patricia Schillinger. Ma question porte sur les risques induits par l’utilisation des lampes fluocompactes en milieu domestique.
Destinées à remplacer d’ici à la fin de 2012 les ampoules incandescentes, les lampes fluocompactes pourraient être dangereuses pour la santé. Ces lampes, dont l’utilisation est affichée comme l’une des solutions les plus emblématiques de la politique européenne de réduction de la consommation d’énergie, pourraient présenter un risque important en termes de teneur en mercure et de niveau d’émission d’ondes électromagnétiques. Ces ondes peuvent perturber le bon fonctionnement des implants auditifs ou cardiaques en cas d’exposition prolongée à moins de trente centimètres, comme le révèle un récent rapport de la Commission de la sécurité des consommateurs, la CSC.
Selon une étude menée par la CSC, tant que le mercure reste confiné dans l’ampoule, il n’y a pas de problème ; mais si la lampe se casse, on mesure des taux de mercure dans l’air importants, pouvant atteindre 100 microgrammes par mètre cube, voire 250 microgrammes dans les cinq premières minutes.
La teneur importante en mercure, le métal lourd le plus toxique, de ces lampes fluocompactes induit de facto un risque certain de pollution aggravée pour l’environnement. Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour réduire la teneur en mercure de ces lampes ? Est-il possible de confiner ce métal dans l’ampoule ?
En outre, la CSC relève que la réglementation en vigueur ne définit pas la teneur en mercure de l’air considérée comme dangereuse pour le public, quelle que soit la durée d’exposition. Il semble donc nécessaire de déterminer des valeurs maximales d’exposition aux vapeurs de mercure acceptables pour l’ensemble de la population, y compris les individus les plus fragiles. Le Gouvernement a-t-il pris des mesures en ce sens, madame la ministre ?
La question de l’information optimale des consommateurs et des obligations pesant sur les fabricants en vue de préserver la sécurité des utilisateurs doit être étudiée avec la plus grande attention. Madame la ministre, quelles sont les actions envisagées par le Gouvernement afin d’assurer la protection des consommateurs au regard de l’utilisation de ces ampoules à basse consommation ? Peut-on les utiliser sans crainte ? Comment se procurer des ampoules qui ne diffusent aucune onde et qui n’aient pas d’effet sur la santé humaine ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Chantal Jouanno, ministre des sports. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Kosciusko-Morizet, qui ne pouvait venir vous répondre elle-même ce matin.
Selon l’Agence internationale de l’énergie, l’éclairage consommerait, à l’échelle mondiale, 20 % de l’électricité produite chaque année. Par ailleurs, il contribue à accroître les pics de consommation en heures de pointe.
La signature par le Gouvernement et les professionnels de la convention d’application de l’engagement du Grenelle de l’environnement relatif aux ampoules à incandescence a permis de fixer un calendrier de retrait progressif des lampes les moins performantes à compter du 30 juin 2009, anticipant ainsi le calendrier prévu à l’échelon européen par la directive de 2005 relative à l’écoconception des produits.
Les lampes fluocompactes, dites à basse consommation, contiennent du mercure, métal qui, par ses propriétés, permet de ramener dans le spectre visible les ondes lumineuses émises. Toutefois, cet élément est susceptible de présenter des risques pour la santé et pour l’environnement. La directive 2002/95/CE limite actuellement la teneur en mercure de ces lampes à 5 milligrammes, tandis que la Commission européenne prévoit un abaissement de la teneur en mercure des lampes fluocompactes à 3,5 milligrammes.
La France estime que cette valeur peut être encore abaissée, car de nombreux producteurs mettent sur le marché des lampes contenant un taux inférieur de mercure.
De plus, le règlement européen n° 244/2009 impose depuis le 1er septembre 2010 l’indication de la teneur en mercure de manière visible sur l’emballage des lampes, ainsi que l’indication du site internet à consulter en cas de bris accidentel de la lampe afin d’obtenir les instructions nécessaires pour le nettoyage des débris de lampe. Cette disposition garantit la transparence envers le consommateur.
En application du décret n° 2005-829 relatif à la composition des équipements électriques et électroniques et à l’élimination des déchets issus de ces équipements, un vaste dispositif obligatoire de collecte sélective et de recyclage de ces lampes usagées a été mis en place. Ce dispositif permet à la fois d’éviter les rejets de mercure dans l’environnement et d’atteindre un taux élevé de recyclabilité de ces équipements, s’élevant à 93 %.
Cette collecte et ce recyclage sont organisés en France par Récylum, éco-organisme agréé par les pouvoirs publics. La rapide montée en puissance de la filière de collecte et de recyclage, dont la création est récente puisqu’elle date de novembre 2006, permet d’estimer que le dispositif sera très rapidement efficace.
Enfin, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a fait réaliser par le Centre scientifique et technique du bâtiment, le CSTB, une campagne de mesures de l’exposition humaine aux champs électromagnétiques issus des lampes fluocompactes. Ces mesures ont été effectuées sur 300 lampes disponibles dans le commerce, à partir d’un protocole élaboré par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, et accepté par le syndicat de l’éclairage, l’Association française de l’éclairage et le Centre de recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques non ionisants, le CRIIREM.
Cette campagne a permis de conclure qu’en usage courant le champ électromagnétique émis par une ampoule basse consommation est inférieur à la valeur limite d’exposition fixée par la Commission internationale sur la radioprotection non ionisante et reprise dans la recommandation de l’Union européenne n° 519/1999/CE.
La méthodologie adoptée ne permet cependant pas de procéder à des mesures en deçà de trente centimètres : ainsi, l’ADEME recommande, dans son avis du mois de juin 2010, de maintenir cette distance à des fins de précaution et de confort pour les expositions prolongées. La Commission de la sécurité des consommateurs a également repris cette recommandation lors de ses séances du 18 novembre 2010 et du 13 janvier 2011.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Toutefois, je ne suis qu’à moitié rassurée, puisque la teneur en mercure admissible n’a pas encore été abaissée. J’espère que tout sera mis en œuvre pour lancer une campagne de communication et de prévention efficace. En outre, je suis persuadée que le recyclage pourrait être amélioré. Il y a urgence, car il s’agit d’un problème de sécurité.
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Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
La liste des candidats a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Patrice Gélard, François Pillet, Yves Détraigne, Jean-Pierre Michel, Jean-Claude Peyronnet et Mme Josiane Mathon-Poinat ;
Suppléants : MM. Alain Anziani, René Garrec, Jacques Mézard, Philippe Nachbar, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle et M. François Zocchetto.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues – je vais parler à ceux présents de ce côté-ci de l’hémicycle parce que quand on voit l’affluence de l’autre côté, cela promet ! (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG.) –, il y a six jours, la majorité présidentielle du Sénat, après l’Assemblée nationale, renonçait à la maîtrise de la politique budgétaire de la France, dimension essentielle de la souveraineté populaire que le suffrage universel lui a confiée.
Par ce vote, vous avez voulu satisfaire les agences de notation, qui ne connaissent que la politique à la corbeille, avec comme fil rouge les termes « économies ! économies ! économies ! », accompagnés d’un recours, que je trouve cynique, au mot « vertu ». J’ai donc examiné le projet que vous nous soumettez aujourd’hui avec cet indicateur.
Or, six jours après, on s’aperçoit que vous vous désavouez, faisant mentir la formule de Jean-François Copé, « nous sommes le parti des droits et des devoirs », en appliquant la vieille servilité à l’argent, en réduisant l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, de 1,8 milliard d'euros. Le chiffre est énorme, mais son analyse vaut le détour !
Vous supprimez l’ISF pour les plus « modestes » de ses contribuables, ceux qui ont moins de 1,3 million d'euros de patrimoine, qui économiseront ainsi 1 097 euros par an.
Mais l’ISF n’est pas seulement ébréché, il est modifié dans ses pourcentages. Avant, les très riches payaient 2,5 % et les moins riches 0,5 %. Désormais, comme on vient de l’évoquer, les moins riches ne paieront rien du tout, mais les plus riches verront leur pourcentage baisser puisque celui-ci ne pourra excéder 1,5 %.
C’est ainsi qu’un contribuable disposant d’un patrimoine de 40 millions d’euros aura une réduction de 449 050 euros, soit 8 654 euros par semaine, alors que le Gouvernement se prépare à rétablir, par semaine, une « corvée » de cinq heures de travail gratuit pour des allocataires du revenu de solidarité active, le RSA.
M. Guy Fischer. Scandaleux !
M. Jack Ralite. Voilà ce qu’il en est des bénéficiaires de la vertu de Bercy, qui, de plus, gardent encore le bouclier fiscal, lequel ne sera supprimé totalement qu’en 2013.
J’ajoute que la hausse du SMIC au 1er juillet est prévue à 2 %, soit 27,30 euros bruts par mois pour un salarié à taux plein.
C’est un tri dégradant de la personne humaine : aux riches magnifiés, 8 654 euros par semaine ; aux pauvres méprisés, cinq heures de boulot sans le sou ! Vous portez la détresse des pauvres à son comble. Vous portez l’allégresse des riches à son épanouissement. Ce que vous avez voté, c’est une injure sociale ! Une sociologue, Hélène Thomas, dirait que vous créez « une frontière entre des citoyens à part entière et des citoyens à part, entre des sujets de droits pléniers et des hommes sans autre qualité que leur appartenance au genre humain ».
L’heure est à une nouvelle sollicitude sociale, et l’on commencerait à discuter comme dans un débat ordinaire imposé par ceux qui menacent de partir à l’étranger et que vous choyez toujours... J’ai entendu une phrase vulgaire : « Si vous ne diminuez pas l’ISF, on se tire ! ». J’appelle cela de la délinquance fiscale. J’appelle cela une violence sociale.
M. Guy Fischer. Tout à fait !
M. Jack Ralite. Le mandat parlementaire, c’est un « pouvoir d’agir » comme représentant du peuple souverain qui nous interdit toute légèreté, toute superficialité. Or vous illustrez dans vos votes cette pensée profonde et grave du philosophe Pierre Legendre : « La paix gestionnaire est une guerre ». J’ajouterai que c’est une tyrannie rentabilisatrice, une cannibalisation des relations humaines.
Vous devriez être très inquiets de votre politique de clivages. Vous devriez vous inquiéter d’une autre manière de la dette dont vous faites un épouvantail en vous délestant de la politique budgétaire. Pourtant cet espace de redressement est possible, puisque la dette peut être vertueuse si elle sert à l’investissement productif et à l’emploi.
Vous vous êtes encagés dans une fuite en avant suicidaire. Voyez le malheureux peuple grec, notre père fondateur en démocratie ! Dans l’ouvrage qui reçut récemment le Prix du Sénat du Livre d’histoire, j’ai noté que Périclès, dans certaines circonstances, parlait en voulant laisser un dard dans l’oreille de l’auditeur afin d’« engourdir le débat ». Nous, nous parlons pour créer un espace dans l’esprit et le cœur de l’auditeur afin d’énerver le débat. Notre objectif, c’est la dignité, ce quelque chose dû à l’être humain du fait qu’il est humain. Craignez les réactions du peuple : « La colère contre l’injustice rend la voix rauque », dit le poète.
Mais nous sommes copartageants d’un monde commun et nous savons, dit Jacques Rancière, que « le chemin étroit de l’émancipation passe entre l’acquiescement aux mondes séparés et l’illusion du consensus ». Vous voulez l’un ou l’autre. Nous ne voulons ni l’un ni l’autre. Nous voulons répondre au désir d’autre chose pour l’avenir, les yeux tout proches de là où chaque jour nous posons les pieds. Il y a besoin, pour cela, d’un rapport politique, adulte, franc, en plein pluralisme, en pleine tension vibrante, en pleine pensée et action pour la vie, tout simplement. Une gréviste de décembre 1995 remarquait : « Tant que l’argent dominera le monde, nous en manquerons ».
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Jack Ralite. Je termine, monsieur le président.
Ce texte élyséen ne sera pas banalisé. Nous ne céderons pas d’un pouce devant votre oppression qui ose s’appeler « délicate » et vos normes contraignantes, sauf pour les riches. Pour montrer notre opposition, nous émettrons un autre vote négatif en fin de parcours. Mais ce que nous vous demandons, en conformité avec les objectifs de l’article 36 sur lequel se fonde mon rappel au règlement, c’est de ne pas faire discuter aujourd’hui le contraire de ce que vous avez voté la semaine dernière. Votre texte, si dépourvu de cette vertu à laquelle vous vous référez, mérite un carton rouge ! (Les sénateurs du groupe CRC-SPG brandissent des cartons rouges portant la mention « ISF et Bouclier Fiscal : CARTON ROUGE ! ».)
M. Éric Doligé. La couleur ne pouvait être que rouge !
M. Bruno Sido. C’est ridicule !
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Mort d'un soldat français en Afghanistan
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, une grande émotion, partagée sur toutes nos travées, a fait suite à la mort d’un soldat français en Afghanistan dans la nuit de samedi à dimanche. Ce jeune homme de vingt-deux ans appartenait au premier régiment de chasseurs parachutistes, basé à Pamiers, dans mon département de l’Ariège.
En cet instant, il me semble nécessaire, comme nous l’avons fait devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, de saluer la mémoire de ceux qui tombent aujourd'hui en Afghanistan sous l’uniforme français.
Je crois aussi que la question de notre présence dans ce pays – et donc celle de notre retrait – doit être posée, compte tenu des objectifs affichés à l’origine et d’une stratégie aujourd'hui difficilement lisible, voire mal perçue sur de nombreuses travées de cet hémicycle.
Nos assemblées doivent marquer ce moment particulier qu’est la disparition de ce jeune homme, qui a touché non seulement beaucoup de personnes dans ma région, mais aussi dans le reste de notre pays. N’oublions pas ces jeunes gens ! Voilà pourquoi je souhaite que nous ayons une pensée pour eux aujourd'hui, au moment où nous reprenons la séance.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. le président. Monsieur Bel, sachez que l’ensemble du Sénat s’associe aux propos que vous venez de tenir non seulement sur ce jeune homme de votre département, mais aussi sur l’ensemble des jeunes et moins jeunes qui ont donné leur vie au service de notre pays sur un certain nombre de théâtres d’opérations extérieures, en particulier en Afghanistan.
Pour avoir eu l’occasion de parler de ce sujet il y a peu en conférence des présidents, nous savons combien il mérite une attention particulière à laquelle la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est attentive, comme l’ensemble de notre assemblée. Il est naturellement de notre responsabilité, dans notre fonction de contrôle, de suivre avec attention l’évolution de notre engagement et de la situation en Afghanistan.
Je souhaite rendre hommage à l’ensemble des hommes et des femmes aujourd'hui engagés ou qui se préparent à s’engager sur les multiples théâtres d’opérations extérieures. Ils le font au service de la paix, au service de la démocratie et dans un cadre qui a été voulu, soit par l’Organisation des Nations unies, soit par l’Organisation du traité de l’Atlantique nord.
Sur cet engagement, qui doit bien entendu être respecté, le Parlement doit pouvoir également s’exprimer. Il le fera bientôt sur la situation en Libye, le 12 juillet.
M. Charles Revet. Très bien !
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Loi de finances rectificative pour 2011
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011 (projet n° 612, rapport n° 620, avis n° 642).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre du budget. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Les sénateurs du groupe CRC-SPG brandissent à nouveau leurs cartons rouges.)
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. J’ai trop de respect pour l’important homme de culture qu’est Jack Ralite pour m’arrêter plus longtemps sur cette mise en scène un peu dérisoire. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. L’ISF n’est pas une question dérisoire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La réforme est ciblée !
M. François Baroin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances rectificative marque l’aboutissement d’un engagement important du Gouvernement, celui de la réforme de la fiscalité du patrimoine.
Cette réforme, je tiens à le rappeler, est d’abord le fruit de votre initiative. Nombreux sont celles et ceux d’entre vous qui demandaient la suppression du bouclier fiscal, tout en reconnaissant qu’elle ne pouvait se faire sans poser clairement la question de l’ISF. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité associer la représentation nationale à ses travaux préparatoires. Je veux en particulier souligner l’implication remarquable des sénateurs dans la longue élaboration de ce texte. De nombreuses réunions se sont tenues, et j’adresse une nouvelle fois tous mes remerciements aux participants.
Au-delà de cet important travail de fond, qui a été précieux, je veux saluer l’effort constant de recherche du consensus. Réformer la fiscalité du patrimoine est une mission à portée hautement symbolique. C’est un pan de notre fiscalité qui touche à l’histoire, aux valeurs de chacun, aux notions de justice et d’équité. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles peu de gouvernements ont souhaité s’engager dans cette voie depuis vingt ans.
Par le dialogue, la concertation, le partage des expertises et l’échange, nous sommes aujourd’hui parvenus à un texte équilibré. Je veux le redire : ce résultat n’est pas uniquement celui du Gouvernement, c’est l’aboutissement d’un travail collectif. C’est pourquoi je veux devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, remercier le président de la commission des finances de l’éclairage qu’il nous a apporté ; bien qu’il n’ait pas été associé à l’ensemble des mesures qui vous sont proposées, son degré d’implication, son regard, son professionnalisme, ses compétences nous ont été particulièrement utiles. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Je tiens également à saluer l’implication du rapporteur général de la commission des finances, Philippe Marini, qui, à de nombreuses reprises, nous a alertés sur les éventuels écarts entre les dispositions en discussion et les contraintes de cette réforme : contraintes de temps, de finances publiques, de justice et de compétitivité. En effet, c’est autour de ces quatre idées-force que nous avons construit cette réforme.
Par ailleurs, le projet de loi de finances rectificative procède à un certain nombre d’ajustements en matière de recettes et de redéploiements entre dépenses, notamment dans le cadre de la mise en œuvre du plan de soutien à l’emploi et à l’alternance, cher Xavier Bertrand. Ces mouvements sont globalement neutres sur le plafond de dépense autorisé et le solde budgétaire, ce dernier restant inchangé par rapport à la loi de finances initiale à 91,6 milliards d’euros.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous le permettez, je centrerai ma présentation sur la réforme de la fiscalité du patrimoine ainsi que sur les modalités de son financement.
Avec cette réforme, le Gouvernement souhaite faire de l’ISF un impôt plus juste et mieux adapté aux réalités économiques. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) En sa forme actuelle, il souffre de trois difficultés.
Tout d’abord, son seuil d’entrée est décalé par rapport à l’évolution des prix de l’immobilier au cours des dix dernières années.
Mme Marie-France Beaufils. C’est un sacré décalage !
M. François Baroin, ministre. Chacun le sait, cela a fait entrer artificiellement dans l’ISF des contribuables qui n’ont jamais quitté leur résidence principale.
M. Charles Revet. C’est incontestable !
M. François Baroin, ministre. Ensuite, ses taux d’imposition sont aujourd’hui déconnectés du rendement réel des actifs. Dans de nombreux cas, cet impôt est donc devenu confiscatoire.
À l’époque où vous étiez aux affaires, mesdames, messieurs les sénateurs de la gauche, M. Ralite était d’ailleurs membre du gouvernement, les taux d’intérêt atteignaient 16,75 %, l’inflation était à deux chiffres et le taux marginal de l’ISF avait été fixé à 1,5 %. Il faut dire que celui-ci avait été conçu comme un impôt de vengeance sociale, puisque c’était une contribution du parti communiste au programme commun.
Mme Annie David. Nous en sommes fiers !
M. François Baroin, ministre. Depuis lors, les taux d’intérêt des obligations d’État sont à 3,6 % et le taux marginal s’établit à 1,8 %. En d’autres termes, l’effort de contribution exceptionnelle que vous demandiez aux plus fortunés au début des années quatre-vingt représentait 10 %, contre 50 % aujourd'hui. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Charles Revet. C’est la réalité !
Mme Marie-France Beaufils. Non, c’est 17 % !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela représente 2 000 euros par an pour les plus modestes ! Et vous oubliez les tableaux et œuvres d’art qui ne sont pas imposés !
M. François Baroin, ministre. En maintenant la contribution, nous poursuivons un nécessaire effort de solidarité, mais nous adaptons la fiscalité à l’évolution des contraintes modernes de compétitivité économique et nous préservons le tissu économique français.
Enfin, les modalités déclaratives de l’ISF, jugées trop pesantes, sont souvent perçues par les contribuables comme inquisitoriales. Nous devions en tenir compte.
Fort de ces constats, le Gouvernement a souhaité agir sur la structure de notre fiscalité afin de la rendre plus simple, plus juste et plus compétitive. Après la réforme du crédit d’impôt recherche et celle de la taxe professionnelle, celle de la fiscalité du patrimoine s’inscrit logiquement dans cette ambition.
Cette réforme débute par la suppression du bouclier fiscal et, avec lui, de toute forme de plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune.
Contrairement à ce que certains ont pu affirmer, nous voulons supprimer le bouclier fiscal dès 2012. Sur l’initiative de l'Assemblée nationale, son imputation obligatoire sur l’ISF interviendra dès 2011. Nous nous trouvons donc à un tournant : l’ancien ISF fonctionne avec un plafond et un bouclier ; le nouvel ISF fonctionnera sans plafonnement ni bouclier.
L’exigence de justice qui s’attache à cette réforme nous ordonne également de prendre en compte la situation des bénéficiaires du bouclier fiscal de condition modeste, qui, je le rappelle, sont majoritaires. Un dispositif de plafonnement de la taxe foncière en fonction des revenus serait maintenu pour ce public spécifique.
Mais l’exigence de justice suppose aussi que nous traitions les raisons qui ont conduit à la mise en place du bouclier fiscal. En effet, la suppression du bouclier ne peut s’envisager sans une profonde réforme du barème de l’ISF, sauf à redonner à cet impôt un caractère confiscatoire que même ceux qui l’ont instauré en 1989 n’auraient voulu lui conférer.
Le Gouvernement vous propose donc de simplifier l’ISF et de l’adapter aux réalités économiques.
Nous vous proposons tout d’abord de supprimer la première tranche de l’ISF, celle qui concerne les ménages possédant un patrimoine net d’une valeur comprise entre 800 000 euros et 1,3 million d’euros.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les pauvres ! Ils paient 2 000 euros par an !
M. Charles Revet. C’est justifié pour beaucoup de familles !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est comique !
M. François Baroin, ministre. Dès cette année, le seuil d’entrée à l’imposition sur la fortune sera fixé à 1,3 million d’euros de patrimoine. Cela permettra de faire sortir de l’ISF 300 000 foyers qui n’en sont redevables que sous le seul effet de la bulle immobilière.
Avec cette mesure, nous éviterons aussi à 200 000 autres ménages, aujourd’hui juste en dessous du seuil de l’ISF, d’y être assujettis au cours des prochaines années. Au total, ce sont donc 500 000 ménages qui seront concernés par la suppression de la première tranche.
Nous proposons ensuite de corriger le barème de l’ISF. Il est devenu non seulement une incongruité française en Europe, mais aussi un véritable encouragement à l’expatriation. Le projet de loi de finances rectificative qui vous est soumis prévoit donc un système simple.
Entre 1,3 million d'euros et 3 millions d’euros de patrimoine, le taux d’imposition serait de 0,25 % et les modalités déclaratives des redevables de cette tranche seraient également simplifiées. Les foyers concernés n’auraient plus à faire de déclaration d’ISF : la valeur totale de leur patrimoine serait désormais portée sur la déclaration d’impôt sur le revenu et le paiement de cet impôt se ferait en même temps que celui de l’impôt sur le revenu. Il s’agit donc à la fois d’une simplification et d’un allégement du pourcentage de prélèvements.
Au-delà de 3 millions d'euros de patrimoine – cela représente environ 30 000 contribuables –, le taux d’imposition atteindrait 0,5 %. Les foyers assujettis concernés auraient encore à remplir une déclaration d’ISF, comme c’est le cas aujourd’hui.
Pour lisser les effets de seuil, le Gouvernement a été attentif à ce qu’il n’y ait pas de perdants : un dispositif de décote serait instauré pour les patrimoines compris entre 1,3 million d'euros et 1,4 million d'euros ainsi que pour ceux qui sont compris entre 3 millions d'euros et 3,2 millions d'euros.