M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne l’ai pas dit ainsi !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. … aux parlementaires de continuer à déposer des amendements de nature financière, et au Gouvernement de recourir à l’irrecevabilité ou de laisser les débats aller à leur terme, conférant ainsi au Conseil constitutionnel le rôle de « voiture-balai ».
La commission des affaires sociales a considéré, comme la commission des lois, que les articles 2 bis et 9 bis n’étaient pas acceptables, et c’est pourquoi elle a également déposé des amendements visant à les supprimer. J’espère qu’elle sera suivie par le Sénat.
L’examen concomitant de projets de loi ordinaire et de projets de loi de finances rectificative, qui nous est proposé dans un amendement signé par M. le rapporteur pour avis Philippe Marini, pourrait peut-être constituer un compromis, mais, comme l’a indiqué Jean-Jacques Hyest, il laisse en suspens la question, très importante, des collectivités territoriales. Nous espérions qu’une solution aurait pu être trouvée, peut-être par le dépôt d’un sous-amendement à l’amendement de M. Marini, mais tel ne fut pas le cas.
Mes chers collègues, vos applaudissements tout à l’heure m’ont confirmé combien vous étiez attachés à ce que les textes relatifs aux collectivités territoriales soient examinés en premier par le Sénat. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.) Faute de trouver une solution en ce sens, je vous invite à en rester à la position de la commission des lois et de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
(Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en tant qu’européen convaincu, je suis pleinement conscient de la situation financière de notre pays.
Le Conseil européen, dans un texte très récent, en date du 10 juin, se félicite que la France prévoie d’instaurer « une programmation budgétaire pluriannuelle contraignante ». Mais il s’inquiète dans le même temps des incertitudes qui pèsent sur l’adoption du présent texte.
Mes chers collègues, il est clair que nos partenaires européens nous regardent et attendent un signal fort attestant la volonté de la France de mettre fin à la dérive de ses finances publiques.
Ce signal, c’est ce projet de loi constitutionnelle, qui comporte une disposition phare, la seule que mentionne le Conseil européen : la création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques.
C’est pourquoi je me félicite que le Gouvernement ait déposé ce projet de loi constitutionnelle, qu’il est urgent d’adopter, et j’en appelle à la responsabilité de chacun pour prendre la mesure des attentes de l’Union européenne et des conséquences qui découleraient de la non-adoption de ce texte.
Mais j’attire votre attention, mes chers collègues, en tant que parlementaire et plus encore de sénateur, sur une autre disposition de ce texte, qui nous concerne directement : le monopole des lois financières en matière de prélèvements obligatoires.
Depuis le début de son parcours à l’Assemblée nationale, ce dispositif a déjà été supprimé par cinq commissions permanentes, sur les sept qui ont eu à l’examiner.
Sommes-nous, parlementaires, à ce point irresponsables et dépensiers que, pour lutter contre une dette publique qui a atteint 1 600 milliards d’euros, il soit obligatoire de nous retirer la possibilité d’examiner des propositions de loi comportant des dispositions fiscales et de restreindre notre droit d’amendement en la matière ?
Je ne le pense pas, et ce pour deux raisons majeures.
En premier lieu, il n’a échappé à personne que les parlementaires ne peuvent pas proposer d’augmenter les dépenses publiques : l’article 40 le leur interdit.
En second lieu, la commission des finances relève dans son rapport sur le présent texte que « si des allégements de faible ampleur peuvent être adoptés dans des lois "sectorielles", les allégements qui ont un fort impact sur le solde public sont en pratique instaurés à l’initiative du Gouvernement ».
J’en viens ainsi, justement, à ces lois ordinaires : sont-elles à l’origine du dérapage de nos finances publiques ?
Je ne citerai que deux chiffres : depuis dix ans, l’impact budgétaire des mesures figurant dans des lois non financières est inférieur à 16 %, les 84 % restants provenant de lois financières.
Quelle que soit la commission à laquelle nous appartenions, nous sommes tous animés du même esprit de responsabilité. Nous travaillons régulièrement en commun, comme ce fut le cas pour la loi de modernisation de l’économie, qui comportait de nombreuses mesures fiscales, y compris celles qui avaient été introduites sur l’initiative des rapporteurs.
Il nous arrive même, mes chers collègues, d’adopter des dispositions fiscales augmentant les recettes, comme dans la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME, puisque la réforme des taxes locales d’électricité devrait susciter 75 millions d’euros de recettes pour l’État. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Or, si nous adoptions le monopole, cette possibilité nous serait interdite, puisqu’il concerne également les recettes. Je m’interroge à cet égard fortement : en quoi limiter la possibilité pour les parlementaires de créer ou d’augmenter des recettes permettra-t-il de réduire le déficit ? Comment les commissions pourraient apparaître autrement que dépensières, puisqu’elles ne pourront plus proposer la moindre recette venant compenser les dépenses induites par les réformes proposées par le Gouvernement ?
Pour toutes ces raisons, les effets du monopole pour réduire le déficit sont très limités. En revanche, ses effets sur le Parlement, et sur le Sénat en particulier, sont considérables.
Que dirons-nous, demain, aux élus locaux et à nos concitoyens ? Avec le monopole, le Sénat se prive de toute possibilité de faire des propositions en matière de fiscalité locale…
Le texte déposé la semaine dernière par notre collègue Philippe Dallier, qui prévoit de donner un outil fiscal aux maires pour favoriser le conventionnement des logements, ne pourra plus être examiné. Il nous faudra attendre que le Gouvernement dépose un projet de loi de finances pour pouvoir proposer une telle mesure.
En outre, lorsque le Sénat examinera une loi transférant des compétences, il ne pourra plus étudier en même temps la compensation par l’État, parce que le dispositif, intégré dans une loi de finances, sera renvoyé en premier lieu aux députés.
Que dirons-nous, demain, quand nous ferons le bilan de la réforme constitutionnelle de 2008 ? En adoptant le monopole, nous vidons nous-mêmes, trois ans après, l’initiative parlementaire de toute portée financière. Nous concentrons la totalité du pouvoir financier entre les mains d’une seule commission – je ne fais pas le procès de mes collègues président de commission ou rapporteurs pour avis –, et nous acceptons de regrouper tous les dispositifs fiscaux dans les seuls textes qui ne sont pas examinés en séance dans la rédaction issue des travaux de la commission saisie au fond.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis. Comment expliquerons-nous, demain, que nous avons accepté de renvoyer toutes les dispositions ayant une incidence financière aux seuls textes pour l’examen desquels les commissions saisies pour avis n’ont aucun représentant au sein de la commission mixte paritaire ?
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis. Comment expliquerons-nous, demain, à nos nouveaux collègues que nous avons accepté que le Sénat soit systématiquement saisi en second sur le volet financier de toutes les réformes ?
M. Guy Fischer. Encore très bien !
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis. Tout cela, mes chers collègues, ne me paraît pas correspondre aux valeurs qui sont propres au Sénat. À l’image de la diversité des territoires que nous représentons, le Sénat a toujours accordé une place particulière à la pluralité des points de vue. Il fait le pari de l’efficacité de l’action collective et diversifiée, dans laquelle chacune et chacun ont toute leur place et sont traités avec équité.
Dans le respect de l’objet du projet de loi constitutionnelle, la commission de l’économie propose de supprimer le monopole au profit d’un nouveau dispositif qui s’intègre parfaitement dans ce que seront les lois-cadres d’équilibre des finances publiques : son amendement prévoit en effet de différer au 1er janvier suivant l’entrée en vigueur des dépenses fiscales votées dans l’année.
Ainsi, lors de l’examen annuel du projet de loi de finances, le législateur financier, tenu au respect du plancher de recettes fixé par la loi-cadre, aura toute latitude pour modifier ou supprimer des dispositions s’écartant de la trajectoire qu’elle a définie.
Cet amendement lui donne donc tous les moyens de respecter ses obligations constitutionnelles, mais sans en payer le prix fort, c’est-à-dire sans réduire le droit d’initiative des parlementaires.
J’en appelle à vous, monsieur le garde des sceaux : faites confiance aux parlementaires, ils savent tous être responsables. N’altérez pas notre enthousiasme face à ce texte, et acceptez la suppression du monopole ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Bel. Madame la présidente, je souhaiterais attirer votre attention et celle de M. le président du Sénat – si vous voulez bien lui faire part de ce rappel au règlement – sur ce que nous venons de vivre, en introduction de ce débat : deux heures de monologue et sept interventions – deux ministres et cinq rapporteurs – s’exprimant tous dans le même sens pour affirmer en préalable qu’il n’existe aucun problème sur le fond.
Peut-être allons-nous pouvoir dans un instant, dans la suite de la discussion générale, entendre des idées différentes grâce aux trois prochains orateurs… Quoi qu’il en soit, cette discussion sera interrompue à seize heures quarante-cinq, et la séance sera ensuite consacrée aux questions cribles thématiques.
Madame la présidente, mes chers collègues, nous sommes tous chagrinés de l’image que nous donnons parfois de la Haute Assemblée et de cette espèce de langueur qui planerait dans l’hémicycle à l’occasion de nos débats.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !
M. Jean-Pierre Bel. Nous devons nous interroger sur notre fonctionnement, et il nous est arrivé de le faire ensemble, notamment en conférence des présidents.
Le débat d’aujourd’hui est vraiment une illustration, me semble-t-il, de la nécessité de réexaminer le déroulement de nos séances.
Je tenais à attirer l’attention du Sénat et de son président sur l’importance qui s’attache à faire bouger les choses, afin que nous sortions de cette espèce de torpeur, et que n’ayons plus à subir pendant deux heures le monologue de la pensée unique avant que la voix de la confrontation démocratique puisse s’exprimer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Monsieur Bel, je vous donne acte de votre rappel au règlement, que je transmettrai à M. le président du Sénat.
Vous l’avez rappelé, l’organisation de nos débats a été décidée par la conférence des présidents. Mais je vous sais maintenant tout à fait rassuré, puisque les trois prochains intervenants sont des membres de l’opposition. (Sourires.)
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Thierry Foucaud. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord souscrire, au nom de mon groupe, à ce que vient de dire le président du groupe socialiste, notre collègue Jean-Pierre Bel.
La raison d’être de nos travaux est-elle de réduire à néant, à compter de ce jour, ce qui demeure encore d’utile dans le travail accompli par le Parlement, dépositaire de la souveraineté nationale ? C’est cette question que nous ne pouvons manquer de nous poser à l’examen des dispositions de ce projet de loi constitutionnelle qui tend à fixer un cadre étroit et, semble-t-il, définitif pour l’examen des textes budgétaires et financiers dans notre pays, et à mettre sous le boisseau l’initiative parlementaire,…
M. Guy Fischer. Un bâillon !
M. Thierry Foucaud. … d’où qu’elle vienne et sur quelque sujet qu’elle porte !
Mais je laisserai à d’autres de mes collègues le privilège – si c’en est un, évidemment ! – de tirer l’ensemble des enseignements juridiques et constitutionnels du présent texte pour me consacrer à ses aspects les plus significatifs s’agissant des débats budgétaires futurs.
Je ne reviendrai pas non plus, dans la présente intervention, sur les implications de ce texte au regard du financement et de la raison d’être de la sécurité sociale, véritablement mise sous tutelle de l’État, lui-même sous tutelle des politiques de convergence européennes…
M. Guy Fischer. Cela fait déjà quelques années !
M. Thierry Foucaud. … offrant aux pays adhérents du système euro les indépassables horizons du libéralisme économique !
L’Europe, justement, voilà le véritable objet du débat qui va nous occuper pendant quelques heures !
M. Jean-Pierre Chevènement. Exactement !
M. Thierry Foucaud. C’est uniquement en effet parce que Nicolas Sarkozy entend faire de la France le « meilleur élève de la classe européenne »…
Mme Nicole Bricq. Raté !
M. Thierry Foucaud. … que nous sommes aujourd’hui amenés à débattre de ce projet de loi constitutionnelle !
Ce texte, d’une certaine manière, c’est le traité de Lisbonne, ce traité imposé aux peuples européens sans consultation – et pour cause, car les précédentes consultations, vous le savez, n’avaient guère été couronnées de succès – serait gravé en lettres d’or dans le marbre de la Constitution ! J’ai pourtant entendu parler tout à l’heure, dans cet hémicycle, de souveraineté. Souveraineté ?...
C’est, en toutes lettres, la poursuite des politiques que nous connaissons depuis tant d’années et dont nous voyons les effets désastreux se succéder de manière quasi inéluctable au fil du temps !
Quelles politiques ?
La politique de la concurrence fiscale, où chaque pays partie prenante de l’Euroland tente de proposer le système d’imposition le plus alléchant possible pour attirer les investisseurs et les entreprises, quitte à imposer à l’ensemble de la société et aux salariés, à leurs familles d’abord, les contraintes nées d’une fiscalité injustement répartie et de la réduction des dépenses publiques !
La politique qui, en inventant la monnaie unique, prétendait mettre un terme ou, pour le moins ralentir la spéculation monétaire, sœur jumelle – si l’on peut dire – du système monétaire antérieur !
Un pari et une orientation qui se sont fracassés, à notre avis de manière définitive, sur la surchauffe des marchés financiers constatée en 2008 et qui va, demain, mettre à genoux les peuples grec, irlandais, portugais, peut-être aussi espagnol, au prix d’une austérité sans limites…
M. Guy Fischer. L’hyper-austérité !
M. Thierry Foucaud. … et d’un véritable bradage du patrimoine national et public de chacun de ces pays !
La réalité concrète de l’échec du mode de construction européenne choisi dans le traité de Lisbonne, à la suite de celui de Maastricht, est patente et indiscutable !
Inégalités de développement économique entre les pays et, à l’intérieur des pays membres, chômage massif des jeunes, concurrence larvée entre États membres, émergence de problèmes sociaux de plus en plus prégnants, montée de la xénophobie, du racisme et des discriminations, le bilan n’est manifestement pas à la hauteur du projet affirmé ni des mesures prises...
Que veut-on ? Tout simplement continuer à faire des parlementaires de notre pays les garçons de course de la Commission européenne, c’est-à-dire les serviteurs zélés de M. José Manuel Barroso qui estimait, voilà peu encore, que le SMIC français était trop élevé et qu’il constituait un frein à la création d’emplois !
M. Guy Fischer. Scandaleux !
M. Thierry Foucaud. Ce n’est pas caricaturer ce texte que d’affirmer qu’il fait des lois-cadres des finances publiques de véritables lois de finances pluriannuelles qui fonctionneront comme autant de barrières et d’obstacles supplémentaires à l’expression de la moindre originalité politique en matière de gestion des deniers publics.
Ce n’est pas non plus caricaturer ce projet de loi que de dire que cette sorte de hiérarchie des normes ainsi imposée au débat budgétaire conduira au moins les parlementaires à l’impuissance, au mieux – si l’on peut dire – à l’inconséquence, et à coup presque sûr les condamnera à se faire les enfants de chœur de la grand-messe de l’austérité budgétaire !
M. Guy Fischer. Belle formule !
M. Thierry Foucaud. Nous devrons nous attacher à être plus royalistes que le roi, et à rappeler, au cas où, à tout gouvernement démocratiquement élu, quelle que soit son étiquette, que la première priorité ou la priorité des priorités est de respecter les engagements pris devant l’aréopage des experts en orthodoxie budgétaire de la Commission de Bruxelles !
C’est un problème démocratique évident que cette vassalisation du débat parlementaire et des choix budgétaires aux calculs technocratiques, alors même que tout a montré le caractère néfaste de ces derniers.
Mon ami Bernard Vera, qui participe au groupe de travail sur les marchés financiers, m’indiquait voilà peu que la Commission européenne avait demandé aux États membres, notamment au travers de directives ad hoc, de procéder à une libéralisation de l’activité de leurs marchés financiers, de les interconnecter et de favoriser, en particulier, le développement de nouveaux produits.
C’est ainsi que sont apparus des produits dérivés permettant de spéculer sur les cours des matières premières et des produits agricoles, alors même que nous risquons fort d’être confrontés à des tensions en raison de la sécheresse, et de tirer profit de l’organisation de la pénurie !
Mais revenons-en au contenu et à l’esprit du présent texte.
Comme je l’ai indiqué, la règle d’or dont il s’agit s’apparente plutôt à la loi d’airain de l’austérité sans limites, visant à accroître relativement le rendement de la fiscalité tout en jugulant la dépense publique, voire en la réduisant.
J’ai toutefois l’impression que l’application de cette règle d’or présente quelques faiblesses dès qu’il s’agit de s’attaquer au mur de l’argent et de mettre un peu plus à contribution, conformément aux principes fondateurs de notre République, ceux qui ont beaucoup, ceux qui ont tout, pour répondre aux attentes de ceux qui ont peu ou moins.
Cela fait quelque temps que, au travers de la norme « zéro » pour l’évolution des dépenses, du gel de la rémunération des fonctionnaires, de suppressions massives d’emplois ou de lois de programmation des finances publiques abrogées avant même d’avoir pu être appliquées, est mise en œuvre cette orthodoxie budgétaire que l’on nous promet plus stricte encore demain.
M. Guy Fischer. C’est scandaleux ! Inacceptable !
M. Thierry Foucaud. M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général ne me contrediront pas sur ce point,…
M. Guy Fischer. Ils ne sont pas là !
M. Didier Guillaume. Après avoir parlé deux heures, ils ont déserté !
M. Thierry Foucaud. … les déficits se creusent et la dette publique ne cesse de croître et d’embellir !
Comment cela se peut-il, alors que tout est fait pour se plier au mode de gestion préconisé par Bruxelles ? L’explication est simple : les majorités parlementaires au pouvoir depuis neuf ans désormais, mais aussi certaines de celles qui les ont précédées, ont consacré des nuits et des nuits de discussion budgétaire à l’allégement des impôts, en priorité de ceux qui affectent les grands groupes industriels et commerciaux, les patrimoines les plus importants et les revenus les plus élevés.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Thierry Foucaud. Et ce sont ceux-là mêmes qui nous promettent la camisole de force pour les années à venir qui, la semaine prochaine, à l’occasion de l’examen d’un collectif budgétaire parfaitement scandaleux, vont supprimer près de 2 milliards d’euros annuels de belle et bonne recette fiscale, en divisant par deux le produit de l’ISF !
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
M. Thierry Foucaud. Parler aujourd’hui de rigueur budgétaire pour tous, avant d’offrir demain des millions à ceux qui ont tout, c’est se moquer du monde ! C’est l’hôpital qui se moque de la charité !
M. Guy Fischer. Les pauvres vont payer !
M. Thierry Foucaud. Les déficits publics résultent d’années de cadeaux fiscaux, marquées par des baisses de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu, la multiplication des niches fiscales, la diminution puis la suppression de la taxe professionnelle, des allégements de cotisations sociales et une réduction de la fiscalité sur le patrimoine. Tout cela pour quels résultats ? On enregistre une croissance molle de 2 % au mieux, 2,6 millions de chômeurs officiellement, 3 millions de travailleurs précaires, 3 millions de smicards et 1,8 million d’allocataires du RSA – ces « salauds de pauvres » que d’intègres ministres veulent faire travailler gratuitement, au spécieux motif que la collectivité leur apporte une aide !
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Thierry Foucaud. Hier, grandes entreprises et ménages aisés payaient des impôts ; aujourd’hui, ils se nourrissent sans vergogne des intérêts de la dette publique et des largesses de l’État à leur égard. Les voilà, les vrais assistés : ceux qui ne peuvent investir sans défiscalisation, construire une usine sans aide à l’implantation et sans report de l’imposition sur les bénéfices !
Quand nous serons sortis de cette logique, peut-être pourrons-nous enfin sortir aussi du marasme budgétaire actuel, mes chers collègues ! En tout cas, cela ne sera pas possible sous le joug de Bruxelles et dans le carcan que ce projet de loi tend à nous imposer ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Il reste dix minutes avant que je doive suspendre la séance pour les questions cribles thématiques.
M. Bernard Frimat. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je salue la présence dans l’hémicycle de M. le président de la commission des lois. En revanche, je déplore l’absence du président et du rapporteur général de la commission des finances. Après nous avoir asséné leurs convictions, ils n’éprouvent manifestement pas le besoin d’écouter les orateurs de l’opposition, tant leur argumentation est imparable. Pour certains, le débat parlementaire consiste à se congratuler pendant deux heures, avant de s’en aller…
Il ne me semble pas digne que M. Chevènement ou moi-même prenions la parole dans ces conditions. Nos interventions sont sans doute si médiocres qu’elles ne méritent pas d’être écoutées, cependant, pour ma part, j’attends avec beaucoup d’intérêt d’entendre M. Chevènement, et je souhaite qu’il puisse au moins s’exprimer sereinement, sans être pressé par le temps en raison de la nécessité d’interrompre l’examen du présent texte pour les questions cribles thématiques. Madame la présidente, je propose donc que la séance soit suspendue dès maintenant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour permettre les derniers préparatifs de la retransmission par Public Sénat, à partir de dix-sept heures, des questions cribles thématiques sur le suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités et de la politique universitaire française.
L’examen du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques reprendra à dix-huit heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)