M. Alain Fauconnier. Quelle honte !
Mme Évelyne Didier. Vous nous dites que ces dysfonctionnements sont liés à l’obsolescence du code minier et que vous prévoyez très prochainement une refonte de celui-ci afin de permettre une meilleure transparence et une meilleure information. Soit, mais dois-je rappeler que c’est cette majorité parlementaire qui a fait voter en 1994 l’abrogation de l’enquête publique minière et que vous avez coutume de renvoyer à d’autres textes certaines décisions, ce qui ne nous donne aucune visibilité globale ni aucune garantie concrète sur les futures décisions ? Autrement dit, les choses sont faites à moitié.
Nous aurions pu saisir l’occasion offerte par l’examen de ces propositions de loi, d’autant qu’elles étaient consensuelles, pour répondre aux problèmes posés, mais nous sommes malheureusement passés à côté de cette opportunité.
Ainsi, les propositions de loi initiales ont été édulcorées par les travaux des commissions, d’abord à l’Assemblée nationale puis au Sénat, perdant de leur force. Nous sommes passés d’une interdiction d’exploration et d’exploitation des gaz et huiles de schiste à une formulation ambiguë. Nous voyons bien qu’il s’agit avant tout de gagner du temps en espérant que les esprits s’apaisent et préserver la possibilité de revenir sur le sujet. Les manifestants qui sont aujourd’hui devant nos portes ne sont pas dupes de la manœuvre et sont décidés à ne pas vous laisser faire.
Nous sommes opposés à la réécriture par la commission de l’économie du Sénat de l’article 1er. Si nous reconnaissons tous que la fracturation hydraulique est dangereuse pour l’environnement, chacun l’a dit ici, pourquoi l’autoriser à des fins de recherche ? Cela fait trente ans qu’on fait de la recherche sur le sujet et cela fait trente ans qu’on utilise en réalité cette technique. Cette réécriture traduit parfaitement la contradiction qui existe entre le discours et les dispositions concrètes de la loi. Admettez-le, sous couvert de recherche, votre intention est de légaliser une pratique, que nous souhaitons interdire, en jouant la montre !
L’article 2 pose également problème. Il reste, en effet, difficile de croire qu’il est impossible d’abroger l’ensemble des permis de recherche au motif que ceux-ci sont muets pour l’administration, et ce alors même que le bureau qui s’occupe de cette question a été capable de désigner, selon le rapport rédigé à l’Assemblée nationale, les seize permis qui posent problème. Dans son intervention, Nicole Bricq a très précisément indiqué ce que contiennent ces documents.
On a essayé de nous faire croire que cette réécriture répondait au principe à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi. Force est de constater que l’objectif n’est pas atteint puisque la nouvelle rédaction est beaucoup moins claire et laisse la porte ouverte au maintien de permis de recherche d’exploitation d’huiles et de gaz de schiste, contrairement aux ambitions affichées. Il faut admettre que, en l’état, la présente proposition de loi ne réglera pas la question de manière satisfaisante et pérenne, surtout lorsque l’on sait que les entreprises titulaires des permis n’imaginent pas un seul instant abandonner cette activité. Il est même déjà question de nouvelles techniques. Je pense aux fracturations par azote, par air comprimé ou par propane, qui ont été évoquées en commission ce matin.
De plus, cette nouvelle écriture inverse la charge de la preuve : nous passons d’une abrogation de l’ensemble des permis de recherche pour les hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels à un principe d’autorisation de ces permis, sauf si les industriels déclarent utiliser la fracturation hydraulique. Notons que rien n’est prévu pour évaluer l’impact environnemental du florilège de techniques et sous-techniques envisagées par les industriels depuis que le sujet a été porté au grand jour.
Nous regrettons, par ailleurs, la suppression de l’article 3, qui prévoyait, avant l’octroi du permis, non une simple consultation sur internet, comme l’autorise l’ordonnance du mois de janvier, mais bien une enquête publique, un débat public et une étude d’impact.
Nous ne pouvons accepter que l’enquête publique soit simplement demandée dans le cas de projets réalisés à des fins scientifiques, ainsi que le prévoit l’article 1er. Au vu de la situation actuelle, il est clairement urgent de réaffirmer la nécessité de transparence en ce qui concerne l’utilisation du sous-sol, patrimoine de la nation au sens de l’article L. 110-1 du code de l’environnement.
Enfin, l’article 4, avec la fourniture d’un rapport annuel aux parlementaires, notamment sur l’évolution des techniques, confirme que le Gouvernement ne souhaite pas se priver dans le futur de la possibilité d’explorer et d’exploiter ces hydrocarbures.
Tout cela s’inscrit dans le droit fil du pré-rapport présenté par la mission d’information interministérielle installée le 4 février dernier, qui affirme la nécessaire compatibilité entre environnement et exploitation des huiles et gaz de schiste afin de contribuer à l’émergence et à la formation d’opérateurs et de sous-traitants capables de se positionner sur le marché mondial. Total n’a-t-il pas annoncé le 13 mai dernier avoir pris des participations dans des concessions de gaz de schiste en Pologne ?
Pour une question de méthode, il aurait peut-être été intéressant d’attendre la fin de toutes les missions et le rendu des rapports avant de débattre puisque ces travaux sont censés nous éclairer…
Au final, cette loi ne constitue aucunement une interdiction de l’exploitation du gaz et des huiles de schiste, comme cela était prévu initialement. Le texte qui nous est présenté laisse la porte ouverte à tous les excès, à toutes les pratiques, au plus grand bénéfice des sociétés pétrolières.
Contrairement à ce que l’on aurait pu espérer initialement, aucun consensus n’a pu émerger dans notre assemblée sur cette question importante, ce que nous regrettons. À défaut, bien entendu, de l’adoption des amendements que nous vous présenterons, mes chers collègues, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, à l’instar de Michel Teston, de saluer le public présent dans les tribunes et le féliciter de sa patience. Cependant, j’arrêterai là la comparaison car, contrairement à notre collègue, je ne juge pas les textes que nous examinons au nombre de manifestants ou de visiteurs ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas ce qu’il a fait !
Mme Nicole Bricq. Ça commence bien !
M. Claude Biwer. Notre assemblée examine aujourd’hui trois propositions de loi visant à interdire la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels.
Je tiens, avant d’entrer dans le vif du sujet, à saluer l’apport de l’Assemblée nationale, qui a distingué, d’une part, la technique d’exploration et d’exploitation et, d’autre part, l’exploitation elle-même. Mais c’est bien la technique de la fracturation hydraulique qui semble poser le plus de problèmes.
En effet, on exploite depuis longtemps en France des hydrocarbures conventionnels, notamment du gaz dans le bassin aquitain et du pétrole en Île-de-France depuis les années soixante, sans que cela entraîne une telle levée de boucliers. Je n’ai pas vu non plus de péréquation financière intervenir pour autant.
Pour les hydrocarbures de schiste, autre technologie, je comprends que leur exploitation exige d’être pensée différemment. Pour autant, la discussion ne doit pas prendre la tournure trop électoraliste que nous lui connaissons aujourd'hui.
Ce débat est bien un débat national, car la politique énergétique est un enjeu d’ampleur nationale, voire internationale, et non locale. C’est parce que le sous-sol appartient à l’État et non aux propriétaires des parcelles de surface que nous devons envisager les choses autrement que dans certains pays.
Souhaitons-nous connaître l’étendue des ressources en hydrocarbures non conventionnels de notre territoire ? Oui, parce que cela a un impact sur l’emploi, sur les finances locales, sur la balance commerciale et sur notre indépendance énergétique. Il serait dommage de fermer la porte à ces opportunités pour importer du gaz de schiste exploité en Pologne, pays où les ressources sont comparables aux nôtres et où, cela vient d’être souligné, les autorisations semblent avoir été accordées. Il serait également dommage de continuer à acheter à Gazprom, à des tarifs élevés, le pétrole ou le gaz dont nous avons besoin. Dans le cas où la France disposerait de ressources, je préférerais que nous consommions un gaz dont les méthodes d’exploitation sont connues et contrôlées.
Par ailleurs, souhaitons-nous exploiter d’éventuelles ressources ? Quand on sait que l’importation d’hydrocarbures coûte à la France 45 milliards d’euros chaque année, alors que le potentiel de ressources d’hydrocarbures de schiste représente peut-être 5 000 milliards de mètres cubes, il semble raisonnable, d’un point de vue économique comme géopolitique, d’étudier scientifiquement la question de l’exploration et de définir un cadre à l’exploitation pour protéger l’environnement.
L’enjeu, en termes d’indépendance énergétique, est de taille puisque le mix énergétique, à moyen terme, reste tributaire des énergies fossiles. En ces temps où l’énergie est chère, la France doit pourvoir à ses besoins incompressibles en énergies fossiles au meilleur coût économique.
L’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels aux États-Unis aurait fait chuter le prix du gaz de 60 % sur le marché nord-américain. Les Américains sont même en train de devenir exportateurs !
C’est la raison pour laquelle nous devons avoir une approche rationnelle et non politicienne de la question.
Mme Nicole Bricq. Qu’est-ce que cela signifie ?
M. Claude Biwer. Il est hors de question de condamner les opportunités d’exploitation avant même d’en avoir étudié les tenants et les aboutissants.
M. Didier Guillaume. Et vice-versa !
M. Claude Biwer. Or c’est le contraire de ce que font aujourd’hui certains animateurs du mécontentement. Ils agitent l’opinion publique par des campagnes à charge en éludant le caractère scientifique et économique du débat. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Ce sont les élus et les citoyens qui protestent !
Mme Dominique Voynet. Au moins, ils ne se font pas dicter leur position par les entreprises !
M. Claude Biwer. C’est au Parlement de légiférer, chers collègues !
Je considère qu’il ne faut pas céder au catastrophisme, les aspects négatifs de l’exploitation dans certains pays, comme le montre le film Gasland, n’est pas nécessairement valable dans d’autres et j’ai constaté, moi aussi, que ce film avait bien des aspects négatifs dans sa présentation. Des puits non étanches qui entraînent une pollution des sols, peut-être des nappes phréatiques, ce n’est pas ce que nous voulons en France, et vous le savez bien. Dans notre pays, la réglementation imposant un triple cuvelage des puits est bien plus stricte et sécurisante.
Alors qu’en Angleterre, en Suède, en Allemagne, les gaz de schiste ont reçu un accueil favorable, je comprends mal, en dehors du coût environnemental de la fracturation hydraulique, qui est l’élément de base – je le répète – comment la contestation populaire a pu être aussi forte sur la question « globale » de l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels en France, y compris dans la recherche.
Je le comprends d’autant moins que ni les conclusions du rapport des députés Gonnot et Martin, ni le rapport final du conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et du conseil général du développement durable n’ont été finalisés. Et je le comprends encore moins quand on m’assure, dans mon propre département, la Meuse, que le stockage des déchets radioactifs à 800 mètres de profondeurs est sans risque et que nous pouvons les accepter alors qu’une fracturation de la roche à 3000 mètres en serait un et qu’il faudrait prendre mille précautions supplémentaires.
Mme Dominique Voynet. Eh oui !
M. Claude Biwer. Je vous laisse le soin de répondre à la question.
M. Didier Guillaume. Nous y répondons !
M. Claude Biwer. Il faut donc remettre chaque chose à sa place dans le débat : l’opportunité en termes de ressources, mais aussi le coût environnemental de leur exploitation. Or la méthode de la fracturation hydraulique pose un vrai problème environnemental, c’est vrai…
Mme Nicole Bricq. Ah, quand même !
M. Claude Biwer. Mais je l’ai dit d’emblée, au début de mon propos, chers collègues.
M. Didier Guillaume. Allez encore un effort !
M. Claude Biwer. La grosse consommation d’eau qu’elle exige semble gênante dans l’esprit de certains. Je partage ce sentiment surtout au moment où l’on accuse les agriculteurs de trop utiliser d’eau pour l’irrigation. Il faut en effet essayer de l’économiser. Je crois que nous avons besoin de travailler cette question. Il ne serait pas admissible pour moi de ne pas engager une réflexion sur ce thème.
Il est nécessaire de mener des recherches sur d’autres solutions. C’est la raison pour laquelle j’avais déposé, en commission, trois amendements visant à autoriser les forages à des fins de recherche scientifique pour faire évoluer la technique sur ce point et éviter la fracturation.
Je remercie d’ailleurs la commission et son rapporteur, Michel Houel, d’avoir soutenu cette initiative et de l’avoir utilement complétée en prévoyant, entre autres, la possibilité de faire des recherches sur des techniques alternatives d’extraction.
En effet, il existe des marges de manœuvre pour réduire la consommation d’eau. Par exemple, dans le cas de la fracturation hydraulique, la récupération et l’injection de l’eau saline contenue dans les poches d’hydrocarbures est une méthode qui mérite d’être expérimentée.
Il existe par ailleurs d’autres techniques qui ont recours au propane, peut-être au gaz comprimé, peu importe…
Mme Nicole Bricq. Pourquoi pas au butagaz !
M. Claude Biwer. Mais vous pouvez vous chauffer comme vous le voulez, ma chère collègue !
Ainsi, on injecte, à la place de l’eau, du propane gélifié permettant l’expansion de la roche mère, ce qui est finalement l’objectif de l’opération.
L’avantage de cette technique brevetée et expérimentée dès 2007 réside dans le fait que 100 % du propane injecté est récupérable et repart dans les pipe-lines avec le gaz qui l’accompagne et que nous recherchons.
Ce sont des perspectives d’avenir, d’autres sont encore à l’étude et nous devons faire confiance aux scientifiques, dont la mission ne manquera pas de déboucher sur des propositions ; c’est ainsi que nous avancerons tranquillement mais sûrement.
Si l’on n’y croit pas a priori, laissons au moins l’expérience se faire et nous constaterons les résultats in situ, une fois que les scientifiques auront accompli leur mission et que les contrôles auront été effectués. Nous trouverons alors la solution qui s’impose.
Madame la ministre, je partage votre point de vue lorsque vous dites que le principe de précaution, c’est aussi l’évaluation du risque et de la recherche. J’ajouterai – si vous le permettez – que c’est avant tout vers la recherche que doivent porter nos efforts. En tout cas, tel est mon souhait.
Mme Dominique Voynet. Votre amour de la science est émouvant !
M. Claude Biwer. Ne fermons donc pas complètement la porte comme nous l’avons fait, certainement à tort, au nom du principe de précaution sur des sujets tels que les nanotechnologies ou encore les OGM : triste expérience ! Soutenons la recherche au lieu de la déclarer mort-née. C’est dans la droite ligne de ce principe que le groupe centriste a apporté sa pierre à l’édifice pour élaborer le texte qui est proposé aujourd’hui. Ce texte, nous le défendrons parce que les enjeux économiques et environnementaux sont tels qu’il est de notre devoir de ne céder ni à la pression électoraliste ni au catastrophisme.
Ainsi, monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la grande majorité des sénateurs centristes soutiendra le texte de la commission, ouvert à la recherche scientifique sous contrôle de l’État. Dans tous les cas, nous avons conscience que ce débat n’est qu’une première étape d’une réforme de plus grande ampleur du code minier, nécessaire afin que l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures sur notre territoire ne causent pas de dommage à nos populations, à l’environnement ou à nos paysages mais servent utilement la transition énergétique de la France. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la raréfaction des énergies fossiles met les gaz de schiste au cœur de notre débat d’aujourd'hui.
Certains disent que, compte tenu de cette raréfaction, il faut, le plus vite possible, utiliser tout ce qui se trouve dans notre sous-sol afin d’obtenir des énergies nouvelles. À l’instar de notre éminent collègue aveyronnais Alain Fauconnier, je voudrais insister sur le fait que ce qui se passe – et le mini-séisme lié à la fracturation hydraulique qui a hier secoué la ville de Blackpool le montre bien – n’a rien à voir avec des raisons électoralistes ou je ne sais quelles autres allégations. Seuls nous importent l’avenir de la planète et notre environnement.
Les permis ont été délivrés – d’autres l’ont dit avant moi – dans la plus grande opacité, en catimini, comme si le Gouvernement avait quelque chose à se reprocher, comme s’il voulait donner la possibilité à des entreprises de forer et d’exploiter sans que cela se sache. Il pensait que cela se passerait sans heurts.
Mais, si nous débattons de ce texte cet après-midi au Sénat, c’est grâce à l’immense mobilisation des citoyens – pas une mobilisation politicienne ! –, celle de femmes et d’hommes de catégories sociales et de régions différentes pour qui il importe avant toute chose que l’environnement et, accessoirement, leur santé soient préservés.
Aux côtés de ces dizaines de milliers de citoyens, les élus se sont aussi mobilisés. Quelle situation inadmissible en effet de voir un jour sur sa commune un camion arriver pour forer sans que le maire ait été consulté ni même informé ! Voilà ce que refusent des dizaines de milliers de Français et, avec eux, de nombreux élus.
C’est donc grâce à cette mobilisation immense, sans précédent, que nous délibérons, certes dans l’urgence.
Ce que demandent ces citoyens et ces élus, c’est un débat de société. Ils veulent défendre, protéger, sauver notre environnement. Or qu’est devenu le rôle des citoyens, madame la ministre, si bien décrit, démontré dans le Grenelle de l’environnement, qui devait permettre aux uns et aux autres – citoyens, associations, organismes, élus locaux – de nouer entre eux un dialogue ? Ce rôle des citoyens, cette gouvernance, cette volonté affirmée dans le Grenelle de l’environnement ont été totalement oubliés.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Didier Guillaume. Ces citoyens ne veulent pas des paysages de ruines, des champs dévastés, ni que les communes rurales, dont certaines sont situées sur des parcs naturels régionaux, deviennent des sites touristiques abandonnés à la logique du toujours plus.
Où est l’ambition du Grenelle de l’environnement ? Le dialogue et la gouvernance ont été oubliés.
Quel grand écart entre les déclarations du Premier ministre, François Fillon, qui, à la tribune de l’Assemblée nationale, annonçait l’abrogation des permis, et cette proposition de loi amoindrie où il n’est plus question d’abrogation ! Nous apprenons maintenant que pour des raisons juridiques, contrairement ce qu’avait dit le Premier ministre, il ne sera pas possible au Gouvernement d’abroger ces permis. Il a donc changé d’avis, peut-être sous la pression ou après réflexion. En tout état de cause, ce recul n’est pas acceptable. On ne gouverne pas contre les citoyens, contre les élus, on gouverne avec eux, pour eux et pour la nation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
C’est la raison pour laquelle notre groupe demande de nouveau l’abrogation des permis et que nous avons déposé une proposition de loi au mois de mars dernier. Qu’y disions-nous ?
Premièrement, il faut réformer le code minier, qui, aujourd’hui, n’est plus d’actualité, ne permet pas de garantir la transparence ni d’aborder sereinement la situation. Certes, il y a des ordonnances, mais, dans la proposition de loi précipitée qui nous est aujourd'hui soumise, on procède à l’envers. Il aurait fallu d’abord réformer le code minier, cette réforme entraînant un « blindage » juridique qui aurait permis à l’ensemble des territoires de bien mieux s’en sortir.
Deuxièmement, l’objet de notre proposition de loi était de dire que nous ne voulons pas un débat sur la technique, car ce n’est pas le sujet. Nous voulons l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des gaz de schiste, quelle que soit la technique utilisée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Robert Tropeano. Très bien !
M. Didier Guillaume. Nous voulons protéger, sanctuariser la roche-mère ; c’est le b-a-ba si nous voulons assurer l’avenir de notre territoire.
Enfin, nous pensons que la proposition de loi qui nous est soumise est un texte d’affichage et d’opportunité. Face à l’immense mobilisation qui est apparue, le Gouvernement s’est dit qu’il fallait essayer de la freiner, car il ne pouvait plus rien faire d’autre. Mais cette proposition de loi, qui sera vraisemblablement votée tout à l’heure, ne résout absolument rien et laisse la porte ouverte à toutes les dérives, aux explorations et aux exploitations, et c’est contre cela que nous nous battons.
Aujourd’hui, madame la ministre, c’est nous, groupe d’opposition, qui vous demandons de réhabiliter le Grenelle de l’environnement.
M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l'économie. Pourquoi ne l’avez-vous pas votée ?
M. Didier Guillaume. Nous vous demandons de réhabiliter les grands principes qui semblent avoir été oubliés, peut-être d’ailleurs sous la pression de certains de vos amis qui pensaient que les contraintes environnementales, les contraintes du Grenelle poseraient des problèmes dans la vie de tous les jours. Ce n’est pas notre avis.
C’est la raison pour laquelle, en conclusion, j’insiste, au nom de notre groupe, pour qu’un grand débat sur l’énergie soit organisé dans notre pays, non pas en catimini, non pas dans l’opacité, comme cela vient d’être fait. Ce grand débat sur l’énergie est nécessaire. On ne peut pas aborder les dossiers de l’énergie les uns après les autres : énergies fossiles, gaz de schiste, énergie nucléaire, centrales thermiques, énergies renouvelables. Cela n’a aucun sens. Il faut mettre en place un grand et beau débat au Parlement, et y associer les citoyens, c’est une urgence.
« À quoi servent les richesses ? », disiez-vous tout à l’heure, madame la ministre. Elles servent à vivre mieux. Nous, ce que nous voulons, c’est vivre mieux en vivant plus longtemps sans les contraintes que nous imposerait le toujours plus. Ce qui nous importe, c’est la sécurité, la santé publique et la préservation de l’environnement, qui doivent toujours prévaloir sur la recherche de profits, même et surtout en matière d’énergie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis quelque peu attristé par ce débat.
Nous sommes tous soucieux de protéger notre environnement et d’empêcher que des explorations ou des exploitations d’huile et de gaz de schiste ne viennent le mettre en danger.
Or, dans ce dossier, Mme la ministre a, me semble-t-il, fait preuve à la fois de courage et d’une grande capacité d’écoute.
À travers ce texte, nous démontrons – j’espérais même que nous pourrions le faire d’un commun élan, en dépassant nos clivages politiques – notre capacité à mettre nos territoires à l’abri de ce risque, sans pour autant nous prononcer définitivement sur les grands problèmes énergétiques, qui ne manqueront pas de faire l’objet de débats à l’avenir.
Il me semble donc que les critiques adressées à Mme la ministre sont quelque peu injustifiées. Reconnaissons que, face à cette situation délicate, et même si l’on a d’abord agi vite et mal, nous réagissons aujourd’hui vite et bien. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Seront en effet interdites, aux termes de ces propositions de loi, toutes les techniques de fracturation hydraulique, celles-là mêmes qui ont suscité l’inquiétude des manifestants et des personnes qui nous ont interpelés au niveau local.
Dans un premier temps, le Gouvernement a eu la sagesse de décider d’un moratoire sur les projets de forage et de lancer des études. Puis, sensible aux arguments des parlementaires de tous horizons qui l’ont sollicité, il a décidé de soutenir une proposition de loi susceptible de mettre nos territoires à l’abri de tout danger.
En ce qui concerne mon département, la Lozère, l’association des maires et des élus, que j’ai l’honneur de présider, avait très clairement exprimé son refus de voir un tel risque peser sur notre environnement, dont nous espérons qu’il sera bientôt inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, au titre de sa tradition d’agropastoralisme.
Il n’y a aucune ambiguïté dans nos positions. Il fallait aller plus loin que le moratoire et, par la loi, garantir qu’il n’y aurait aucun risque d’exploration ou d’exploitation au moyen de techniques susceptibles de mettre en danger l’environnement.
Au terme des débats à l'Assemblée nationale, un accord est intervenu pour interdire les techniques de fracturation hydraulique. En interdisant ces techniques, les seules qui existent à l’heure actuelle, on rend ipso facto caducs les permis de recherche en cours.
Cette solution, qui nous met à l’abri, est sans doute préférable à une négociation, qui aurait pu coûter cher aux différents protagonistes. On ne saurait reprocher au Gouvernement et à l'Assemblée nationale d’avoir choisi cette voie.
On nous dit que des industriels pourraient être tentés de contourner l’interdiction ou de tricher. C’est faux ! Chacun sait bien qu’il est impossible d’utiliser de telles quantités d’eau ou de faire un forage en catimini. Ayons l’honnêteté de dire que ce risque n’existe pas !
Si nous n’avons pas décidé définitivement de ce que seraient les politiques énergétiques à l’avenir – dieu sait si ce sujet est compliqué ! –, nous avons répondu à une urgence, et il me semble qu’il fallait déjà un certain courage politique pour le faire.
J’avais, hélas ! le privilège d’être déjà un acteur de la vie politique lorsque la France a décidé, après la crise du pétrole, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, de s’engager plus avant dans la voie de l’énergie nucléaire. Le sujet fait certes débat aujourd’hui, mais il s’agissait, à l’époque, d’une décision courageuse.
De même, nous avons aujourd’hui le courage – je regrette simplement qu’il ne soit pas partagé – de dire non à ces techniques dangereuses pour l’environnement.
Ce faisant, nous sommes fidèles au Grenelle de l’environnement (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), qui a également exigé du courage de notre part. Nous nous appuyons également sur le principe de précaution, que nous avons inscrit dans la Constitution, et dont nous voyons que, loin d’être artificiel, il peut avoir une utilité concrète.
Nous avons fait une erreur ; nous la corrigeons. Le médecin que je suis a appris à faire preuve de modestie : le diagnostic est parfois difficile, et la critique est toujours plus facile que l’action.
Le Gouvernement n’a pas refusé d’admettre que des choses devaient changer, et il nous propose aujourd’hui d’effectuer ces changements dans la dignité, en respectant l’expression des convictions de chacun.
Je souhaite aussi féliciter M. le rapporteur, avec qui j’ai cosigné l’une des propositions de loi. Il a accompli, en peu de temps, un travail approfondi, et il nous invite à ne pas complètement bloquer les perspectives de recherches scientifiques sur l’évolution des techniques de forage. Il me semble que personne ne peut refuser cette proposition, sous réserve bien entendu qu’elle n’ouvre pas la porte à des contournements de la loi que nous pourrions voter et que ces recherches ne se déroulent pas sur des territoires spécifiquement protégés comme les parcs naturels nationaux et régionaux, les zones Natura 2000 et celles classées au patrimoine mondial de l’UNESCO.
À l’heure actuelle, la fracturation hydraulique est la seule technique disponible. On l’interdit : il n’y aura donc aucun risque ! Au demeurant, nous ne devons pas fermer la porte aux technologies qui pourraient voir le jour dans le futur, à condition que leur développement soit maîtrisé sur le plan scientifique.
J’appelle chacun à faire preuve de modestie. Le Gouvernement a eu le courage de reconnaître que la situation exigeait de prendre des mesures. Le Parlement fait son travail, en ayant sur ce sujet un débat respectable et respectueux des positions de chacun. Ce faisant, on prépare le terrain à des débats essentiels sur le problème global de l’énergie. Ce grand débat sera incontournable, nous le savons tous, et en aucun cas nous ne pouvons décider d’exclure pour l’avenir telle ou telle source d’énergie.
Il faudra voir quelles conséquences seront tirées des événements récents dans le domaine de la sécurité de l’énergie nucléaire. Sur ce plan, j’oserai presque dire que la France est exemplaire. Elle est sans doute le pays qui a porté le plus d’attention aux questions de sécurité. Bien sûr, personne n’est jamais à l’abri d’un accident. Mais l’on s’aperçoit aujourd’hui que d’autres pays n’ont pas fait preuve de la même rigueur en matière de sécurité.
De surcroît, à l’heure où la France est touchée par la sécheresse, et où nos agriculteurs, en particulier nos éleveurs, vivent un véritable drame, on ne pouvait pas fermer les yeux sur le problème de l’utilisation massive de la ressource en eau – et je ne parle pas du risque induit par l’utilisation de produits chimiques.
J’ai aujourd’hui le sentiment que nous pouvons répondre pleinement à l’attente de ceux qui, sur le territoire, ont manifesté leur refus de l’exploration et de l’exploitation des gaz de schiste.
Je vous remercie, madame la ministre, d’être venue sur le terrain, en Lozère, parler de ces problèmes avec les élus locaux. Votre message a été compris, et il suffit d’ailleurs de laisser de côté ses a priori pour adhérer à vos arguments.
Évitons donc les procès d’intention et attachons-nous aux faits, de manière objective ! Il me semble que nous pouvons aujourd’hui donner l’exemple de sénateurs sérieux, à l’écoute des élus locaux, soucieux de respecter le principe de précaution, conformément à l’exigence du Grenelle, mais aussi désireux de ne pas freiner des recherches scientifiques qui pourraient aboutir au développement de techniques d’exploration réellement protectrices de notre environnement.
Tel est le message que nous pouvons porter tous ensemble, grâce à vous, madame la ministre, mais aussi grâce au travail exceptionnel de la commission de l’économie et de son rapporteur.
C’est donc avec beaucoup de conviction que le groupe UMP soutiendra la proposition de la commission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)