M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou. (M. Yvon Collin applaudit.)
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on affirme souvent que le rugby est « un sport de voyous pratiqué par des gentlemen ». Il n’y a pas de meilleure illustration du respect des règles, de la solidarité, de la pugnacité, du partage, de l’égalité, de la fraternité et du dépassement de soi inhérents au sport. Je ne suis donc pas surpris que la Fédération française de rugby ait été la première, avec celles des arts martiaux, dont vous êtes une fervente pratiquante, madame la ministre, à établir une charte de l’éthique et de la déontologie.
Notre proposition de loi s’attache avant tout à promouvoir les valeurs du sport, qui s’appliquent aux pratiquants, bien entendu, mais aussi à l’encadrement, au cadre financier et au public. Elle répond à un véritable besoin de régulation et d’émulation sportives. De plus, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a utilement complété ou modifié notre texte.
Le développement du sport professionnel a suscité des déviations qui se situent aux antipodes de l’esprit sportif, que l’on peut assimiler à un idéal. Il s’agit, notamment, de la recherche du gain par tous les moyens, de la tricherie par le dopage ou la corruption, des paris faussés et de la violence dans les stades. Je soutiens les amendements adoptés par la commission de la culture qui visent à sanctionner ces types d’infractions.
Les fédérations, « bras armé de notre politique sportive », selon la très juste expression de M. le rapporteur, sont récipiendaires d’une délégation de service public depuis 1975. Elles exercent leur vocation pédagogique en mettant en avant les valeurs sportives qui doivent inspirer tous les sportifs, des plus jeunes aux plus chevronnés.
Notre proposition de loi tend à imposer à chaque fédération l’élaboration et le respect d’une charte, ainsi que la régulation de l’activité administrative, juridique et financière des clubs par une licence club accordée à ceux qui respectent les règles financières. Je me réjouis que la commission de la culture souhaite donner force contraignante à ces chartes éthiques par un décret ; cela va au-delà de notre proposition.
Les ligues professionnelles sont elles aussi détentrices, par délégation des fédérations, d’un pouvoir spécifique d’encadrement, afin que les compétitions qu’elles organisent soient exemplaires. Les chartes éthiques leur seront applicables.
Le sport professionnel géré par les ligues doit, je le répète, être exemplaire et équitable, car les enjeux financiers sont extrêmement importants. L’introduction d’un plafond des salaires et de la rémunération des agents est une mesure pertinente pour désintoxiquer le milieu sportif de ses excès. La question des retraites des sportifs emporte elle aussi des implications financières et éthiques, qu’il nous faut considérer attentivement.
Les préconisations de M. Collin découlent de son rapport sur le football et méritent d’être suivies. Ainsi, notre proposition d’intégrer pleinement le sport dans les politiques éducatives et sociales, afin qu’il soit ouvert à tous, est essentielle.
La commission de la culture a soutenu et approfondi notre texte en renforçant le double projet académique et sportif des centres de formation. Il faut valoriser ce projet pour que tous les sportifs, et pas seulement ceux de haut niveau, puissent pratiquer leur sport tout en poursuivant leurs études, grâce à un aménagement des horaires et à des facilités d’organisation.
Les dispositions sur les centres de formation et les quotas de joueurs locaux me semblent justifiées, car je suis convaincu qu’il faut encourager la découverte de talents locaux et optimiser leur potentiel.
La lutte contre le dopage, dernier volet, et non le moindre, de notre texte, a été le point le plus discuté. La commission de la culture a suivi l’esprit de la proposition de loi du groupe RDSE, car, tous autant que nous sommes, nous considérons que la lutte contre le dopage est inhérente au respect de l’éthique. En effet, la compétition et la comparaison doivent nourrir non pas l’envie, mais la motivation et la volonté de gagner, de se surpasser et d’atteindre l’excellence, loyalement. Au-delà des règles, plus ou moins complexes, de chaque sport, le socle immuable demeure le respect de l’autre et de soi-même.
L’une des conséquences de la pratique d’un sport est la prise de conscience de l’importance de la méritocratie, fondement de la démocratie.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Le dopage méprise cette méritocratie. C’est un fléau qui va à l’encontre de l’éthique et qui porte atteinte à la santé des sportifs.
Depuis le traumatisme causé par la découverte, en 1998, d’un dopage banalisé sur le Tour de France, notre pays est devenu pionnier dans la lutte contre ce phénomène.
Le groupe RDSE propose d’abroger l’ordonnance du 14 avril 2010 afin de mettre notre action de lutte contre le dopage en conformité avec le code du sport et les règles internationales. La commission de la culture souhaite au contraire ratifier l’ordonnance. Notre proposition de loi reprenant les dispositions de ce texte, le choix technique de la commission aboutira au même résultat, comme l’a précédemment souligné M. Collin.
Au-delà de leur nécessaire indépendance, la lutte antidopage doit constituer une priorité absolue pour chacune des fédérations sportives. Notre texte a le mérite de lancer le débat et de rationnaliser un certain nombre de mesures, comme la suppression des déclarations d’usage, qui ne font que compliquer les procédures.
Madame la ministre, vous avez accordé un satisfecit à l’action de notre pays contre le dopage et déclaré que votre Plan national de prévention du dopage et du trafic de produits dopants pour la période 2011-2014 renforçait son volet prévention. En effet, ce fléau touche aussi les amateurs, de plus en plus jeunes qui plus est, et devient donc un problème de santé publique. C’est une réalité très préoccupante !
Je souhaite que nos efforts conjoints parviennent à éradiquer le dopage, grâce à la diffusion pédagogique des valeurs sportives dès le plus jeune âge. Le sport est une source exceptionnelle d’émotions, dans la défaite ou la victoire. Au-delà de l’hédonisme, il incite avant tout au surpassement de soi.
On a pu qualifier les alpinistes, qui illustrent à merveille cette caractéristique, de « conquérants de l’inutile ». Cette conquête nous aide pourtant à nous construire, elle nous permet d’aller plus loin que la limite physique que nous nous attribuons, c’est-à-dire de muscler notre volonté, d’augmenter notre potentiel physique et mental, et, par là même, de diminuer nos faiblesses en la matière.
Je résumerai les effets bénéfiques du sport par une fausse boutade : parmi les personnes présentes dans cet hémicycle, toutes celles qui ont pratiqué ou pratiquent une activité sportive savent qu’elles seraient pires sans le sport. (Sourires.)
M. Alain Dufaut. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la ministre, faisons en sorte que, par le sport, les Français aient envie de se surpasser et de gagner, pour que la France gagne. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord affirmer mon accord avec le constat qui vient d’être dressé par notre collègue Yvon Collin sur les valeurs du sport, donc exprimer mon étonnement devant cette proposition de loi qui, en dépit de son titre, s’apparente plutôt à un projet de loi portant diverses dispositions législatives dans le domaine du sport, dont un certain nombre semblent d’ailleurs reprendre l’avant-projet de loi pour la compétitivité et l’éthique du sport de 2009, que nous avions combattu avec ma collègue députée Marie-Georges Buffet et qui ne vit finalement pas le jour.
En outre, le caractère généraliste de la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui a été renforcé par les modifications apportées par la commission saisie au fond. Nous sommes donc face à un véhicule législatif permettant l’adoption de diverses mesures qui n’ont, me semble-t-il, pas grand-chose à voir les unes avec les autres, si ce n’est, évidemment, de concerner toutes le sport.
M. Alain Dufaut. Et l’éthique !
M. Jean-François Voguet. Aussi est-il difficile d’avoir une appréciation d’ensemble. Nous demeurons interrogatifs sur certains points, nous restons en désaccord avec d’autres, nous sommes enfin intéressés, et même plutôt favorables, à d’autres encore.
Si, dans la version initiale de cette proposition de loi, le renforcement de la place, du rôle et de l’indépendance des ligues professionnelles nous posait problème, nous saluons les transformations apportées par la commission de la culture dans ce domaine.
Cependant, le texte que nous étudions aujourd’hui ne répond pas à toutes nos interrogations, en particulier s'agissant de la suppression du pouvoir de sanction des fédérations dans les affaires de dopage. En effet, il nous semble que nous risquons, ce faisant, de déresponsabiliser les fédérations, alors que nous devrions au contraire renforcer leur intervention dans ce domaine essentiel.
Il est difficile de leur demander de faire plus en matière de prévention et de dissuasion et de leur retirer en même temps tout pouvoir de sanction, d’autant que l’actualité récente n’a pas mis en lumière de cas de dopages qu’elles n’auraient pas sanctionnés. À ce jour, aucun disfonctionnement de la chaine d’enquête et de sanction n’a été constaté dans le sport français. Aussi le transfert du pouvoir de sanction des fédérations à l’AFLD ne nous paraît-il pas opportun. Il pourrait même être interprété comme une mesure de défiance, alors que, à notre sens, celle-ci n’a pas lieu d’être.
En outre, si une telle mesure devait voir le jour, elle ne pourrait être décidée que dans le cadre d’un consensus partagé par l’ensemble des acteurs du mouvement sportif, à partir d’une réelle concertation. Aussi devrions-nous, plutôt que de légiférer, saisir l’occasion de l’installation de la première Assemblée du sport pour en débattre avec l’ensemble des acteurs du mouvement sportif.
Toujours dans le domaine de la lutte contre le dopage, nous ne pouvons accepter un débat à la sauvette, au détour d’un article, sur la ratification de l’ordonnance du 14 avril 2010 qui permet la mise en conformité du code du sport avec les modifications apportées aux principes du code mondial antidopage. En effet, même si nous sommes en accord avec ces dernières, en particulier avec la réduction des autorisations d’utilisation thérapeutique de produits dopants, sur laquelle nous avions émis d’importantes réserves, le débat parlementaire de ratification devrait, à notre sens, s’épanouir à l’occasion d’un ordre du jour particulier. Celui-ci favoriserait l’expression de toutes les sensibilités, l’engagement de chacun et celui de la représentation nationale.
Un vrai débat pédagogique pourrait ainsi avoir lieu, ce qui favoriserait la prise en compte de ces questions dans l’espace public et leur appropriation par le plus grand nombre. Ce choix n’a pas été fait, et nous le regrettons.
Cette proposition de loi, je le disais au début de mon intervention, est un texte quelque peu « fourre-tout ». J’en veux pour preuve, notamment, deux articles nouveaux retenus par notre commission, qui reprennent en réalité les dispositions d’autres lois censurées par le Conseil constitutionnel, ou qui tentent de faire échec à l’annulation, par ce même Conseil, de la loi de validation du contrat de concession du Stade de France.
Nous sommes donc très éloignés de l’intitulé de cette proposition de loi « visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs ». Nous pouvons même parler d’amendements « cavaliers » retenus par la commission de la culture !
L’article 6 bis nouveau introduit ainsi dans le code du sport ce que le Conseil constitutionnel a rejeté dans le code pénal. Dans la mesure où nous avons combattu ce type de mesures législatives au cours du débat sur la LOPPSI 2, vous ne serez pas étonnés, mes chers collègues, que nous votions contre ces dispositions.
Quant à l’article 32 nouveau, qui concerne la convention liant la Fédération française de football, la FFF, au Consortium du Stade de France, son objet a été débattu en séance voilà un mois à peine, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi relative à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA en 2016. Nous avions été pour le moins interrogatifs au sujet d’un amendement tendant à aller dans le même sens que cet article, et je continue de penser qu’il faudrait profiter de la décision du Conseil constitutionnel pour mettre cette convention en conformité avec le droit.
Nous avons tous les éléments en main pour parvenir rapidement à élaborer une nouvelle convention d’exploitation de ce grand équipement qui soit moins onéreuse pour le budget des sports. Par ailleurs, s’il fallait légiférer pour valider cette nouvelle convention, un projet de loi aurait l’immense mérite de nous présenter une étude d’impact, qui nous permettrait de disposer d’éléments d’analyses pour légiférer en pleine connaissance des implications de nos choix.
D’autres articles nouveaux ont été introduits par notre commission, sur lesquels nous portons un regard attentif. Je pense, en particulier, à ceux qui concernent les liens entre le sport et les jeux d’argent. De fait, nous étions hostiles à la libéralisation des jeux d’argent et avions exprimé notre crainte que l’argent des pronostics ne perturbe le cours normal des compétitions. Nous dénoncions également les risques de trafic et de corruption.
Il semble que notre commission partage dorénavant nos préoccupations, puisqu’elle a adopté plusieurs articles visant à mieux encadrer les rapports entre les sportifs, les organisateurs de compétitions et les entreprises de jeux ! Cependant, nous demeurons persuadés que, si certains risques seront ainsi écartés, d’autres, malheureusement, sont appelés à perdurer : ils sont inhérents à ce type de pratiques. Les paris, les jeux d’argent, l’affairisme et l’éthique sportive ne font pas bon ménage.
Malgré l’intérêt que m’inspirent ces amendements retenus par notre commission, je demeure circonspect quant à l’attribution aux fédérations de la mission de contrôler, en vue d’une éventuelle procédure disciplinaire, les interdictions édictées en matière de paris en ligne à l’égard des acteurs des compétitions sportives. Ce contrôle et les sanctions qui y sont attachées doivent, à notre sens, rester entre les mains de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, d’une part, et de la justice, en cas de poursuite, d’autre part.
En effet, comme l’a noté notre rapporteur, si les fédérations sportives ont la mission de prévoir les conditions de l’interdiction de parier qui frappe les acteurs d’une compétition sportive et, le cas échéant, de faire respecter cette décision, les sanctions qu’elles imposeront éventuellement gagneraient à s’appuyer sur des décisions prises par l’ARJEL ou par une instance judiciaire.
Nul besoin, alors, que les fédérations disposent des fichiers clients des opérateurs pour mener leur propre enquête. Dans ces conditions, je ne pourrai souscrire à l’article 6 quinquies nouveau adopté par la commission.
Compte tenu de la réalité de la présente proposition de loi, dont chaque article comporte un ensemble de mesures législatives spécifiques, je ne pourrai donner mon avis sur l’ensemble du texte. Qu’il me soit permis cependant, avant de conclure, de faire part de l’intérêt que je porte à deux articles concernant respectivement les conditions de diffusion audiovisuelle de brefs extraits de compétitions sportives et la possibilité de passer de courts messages de prévention contre le dopage à la télévision.
Enfin, bien que mon groupe soit relativement satisfait par certaines dispositions proposées, les interrogations, les inquiétudes et les désaccords que je viens d’exposer ne lui permettront pas de voter en faveur du texte qui nous est soumis.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà environ un an, plusieurs parlementaires, au nombre desquels je me trouvais, dénonçaient le manque d’éthique dans le sport, notamment la piètre image qu’avait donnée l’équipe de France de football lors de la Coupe du monde en Afrique du Sud.
Le monde sportif s’est professionnalisé et il devient un objet commercial. En raison de la médiatisation croissante des compétitions, il brasse une quantité d’argent considérable. Comme vous l’avez indiqué, madame la ministre, il doit, dans le même temps, constituer un modèle, tant pour la formation et la structuration des jeunes que pour le consensus social, en France comme dans d’autres pays.
Or les enjeux commerciaux et financiers colossaux du monde sportif prennent le pas sur l’esprit du sport et de la compétition comme sur l’éthique.
Le dopage comme la financiarisation à outrance des compétitions et des clubs sont la partie immergée de l’iceberg. Les conflits d’intérêt, le rôle des agents des joueurs, entre autres, constituent une partie moins visible, mais largement présente, et portent atteinte à l’esprit du sport, porteur de valeurs pour nos jeunes et nos sociétés, comme je l’ai déjà indiqué.
Le sport professionnel n’est pas le seul à devoir être gouverné par une nécessaire éthique. Dans le sport amateur aussi apparaissent des pratiques contraires à l’esprit du sport, notamment le dopage.
C’est pourquoi je salue l’initiative de notre collègue Yvon Colin, qui nous permet aujourd’hui de nous prononcer sur une proposition de loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs.
Jusque-là, hormis celles des arts martiaux et du rugby, les fédérations agréées n’étaient pas soumises au respect des principes éthiques, pourtant fondamentaux dans le secteur sportif. Ne l’oublions pas, ces chartes éthiques sont dans la droite ligne du rôle éducatif des fédérations, qui est reconnu par tous. C’est la raison pour laquelle j’approuve l’extension par la proposition de loi du respect de ces principes à l’ensemble des fédérations. De même, ces dernières doivent pouvoir édicter des règles administratives, juridiques et financières qui encadrent les compétitions. Je pense, notamment, à la règle du fair-play financier exigée par l’UEFA des clubs de son ressort.
Je suis particulièrement sensible à la limitation de la part des salaires des joueurs dans les budgets des clubs professionnels, une mesure qui est proposée dans le présent texte, afin que les discours sur le fair-play financier reçoivent une application concrète et efficace. Je pense que, à défaut de modérer les salaires des joueurs et de contrôler les commissions perçues par leurs agents dans le cadre d’une concurrence sévère entre clubs européens sur les salaires, on peut au moins exiger des clubs que toutes leurs recettes ne soient pas consacrées au paiement de rémunérations exorbitantes !
En effet, il faut le savoir, non seulement les salaires des joueurs ne cessent de croître, mais, en plus, l’intensification des compétitions a obligé les clubs à augmenter leurs effectifs.
Certes, de leur coté, les recettes ont enregistré une hausse considérable. Ainsi, les droits de retransmission du championnat de Ligue 1 en France ont été multipliés par six entre 1998 et 2005 et ont atteint 650 millions d'euros en 2008.
L’idée de circonscrire relativement la part des salaires des joueurs dans le budget d’un club me semble donc opportune.
Par ailleurs, je me réjouis que le titre III de la présente proposition de loi permette, d’une part, de faire entrer en application les dispositions les plus pertinentes de l’ordonnance du 14 avril 2010 et d’intégrer les dernières évolutions du code mondial antidopage, et, d’autre part, d’améliorer le processus de sanction disciplinaire en matière de dopage, qui fait l’objet de nombreuses contestations.
Alors que l’on parle d’éthique dans le sport, il est indispensable de permettre à l’Agence française de lutte contre le dopage d’exercer sa mission en termes de prévention et de recherche scientifique, d’autant qu’elle dispose d’une véritable expertise dans le domaine de la lutte antidopage et du seul laboratoire accrédité à cet égard.
En outre, il me semble opportun de faire rentrer la recherche dans le giron de l’Agence, puisque, depuis cinq ans, malgré le soutien qui lui a été apporté, le Gouvernement, qui avait le pouvoir de coordonner la recherche, s’est montré plus que timide, à tel point que les Italiens et les Suisses sont en train de reprendre le leadership en la matière.
D’ailleurs, à ce sujet, madame la ministre, je n’ai pas très bien compris l’annonce par votre ministère de la constitution d’un « comité éthique ». Cette question devrait être prise exclusivement en charge par les fédérations, dont le cadre, certes, est fixé par l’État au travers de la présente proposition de loi.
En revanche, je salue l’action de supervision de votre ministère, notamment le récent inventaire des équipements sportifs situés sur tout le territoire français, ainsi que le financement du sport amateur. De telles actions permettent de structurer le développement du sport en France et le travail du ministère.
Dans la perspective de bien déterminer le rôle de chacun des acteurs – État, Agence, fédérations –, je me réjouis que la proposition de loi prévoie l’institution d’une taxe additionnelle pour financer le fonctionnement de l’Agence, une mesure qui permettra à cette instance de se dégager de la tutelle financière de votre ministère, madame la ministre.
Enfin, je me félicite que l’Agence se voie conférer l’intégralité du pouvoir de sanction des sportifs dopés, actuellement détenu par les fédérations en première instance.
Ce système ne pouvait plus durer, puisque la condamnation d’un cas de dopage par une fédération allait très souvent à l’encontre de sa mission de promotion de sa discipline.
J’espère, pour clore mon propos, que le Sénat adoptera l’amendement que j’ai déposé et qui tend à introduire une légère précision relative au pouvoir du CSA de fixer les modalités de diffusion des courts extraits d’événements sportifs, notamment par les journaux télévisés. Cette disposition avait été votée en commission, sur l’initiative de ma collègue Catherine Morin-Desailly.
Je souhaite simplement préciser que les conditions de diffusion de ces extraits doivent permettre de trouver un juste équilibre entre le droit du public à l’information et le droit d’exploitation des organisateurs de manifestations sportives. Il est normal que les organisateurs de manifestations ainsi que le Comité national olympique et sportif français en soient tenus informés.
Mes chers collègues, telles sont les raisons pour lesquelles les sénateurs du groupe de l’Union centriste soutiendront la présente proposition de loi, qui, en instaurant des mesures concrètes et en mettant les fédérations, et non l’État, au cœur de cette problématique, tente de rendre au sport ses lettres de noblesse.
En conclusion, j’aimerais que, un jour, les mesures régissant la régulation et le contrôle des agents des joueurs – très actifs, notamment dans le football et le cyclisme – aillent beaucoup plus loin, car celles qui existent actuellement sont insuffisantes. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après le travail – permettez-moi cette expression – d’élagage constructif opéré par notre excellent rapporteur Jean-François Humbert, les membres du groupe UMP approuveront la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe RDSE visant à renforcer l’éthique dans le sport et les droits des sportifs.
Les valeurs du sport ont été mises à si rude épreuve ces derniers temps dans notre pays que la représentation nationale se devait de prendre des mesures pour éviter que de tels événements ne se reproduisent. Je partage le point de vue de Mme la ministre, pour qui le sportif doit être avant tout un beau joueur.
Madame la ministre, à de nombreuses reprises, vous avez affirmé votre attachement aux valeurs du sport. Lors de vos vœux aux parlementaires, vous aviez annoncé que l’éthique du sport serait l’un des grands repères de votre politique.
Pour traduire concrètement cette ambition, vous avez récemment mis en place deux instances : un comité des supporters et un comité de lutte contre les discriminations. De plus, vous avez installé l’Assemblée du sport, au sein de laquelle des personnalités du monde sportif, des représentants des collectivités territoriales et des parlementaires réfléchissent à de nouvelles pistes de nature à valoriser l’éthique du sport et à pérenniser les valeurs fondamentales de ce dernier.
Toutes ces initiatives vont dans le bon sens, tout comme la conditionnalité des aides de l’État, qui a été récemment imposée pour inciter les fédérations et les clubs sportifs à s’engager dans une démarche de développement durable.
Je me permets juste de regretter, en termes de chronologie, que la présente proposition de loi soit examinée avant la publication des conclusions de l’Assemblée du sport, qui doit intervenir le 29 juin prochain. Certaines des préconisations de cette instance auraient certainement pu l’enrichir ou aboutir au texte fondateur évoqué tout à l’heure par Jean-Jacques Lozach.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui comporte de nombreuses mesures allant dans le sens des ambitions initiales préconisées par Mme la ministre. Je le répète, les membres du groupe UMP souscrivent à l’esprit qui anime cette initiative. Ils ont d’ailleurs, notamment Pierre Martin et Jean-François Humbert, toujours défendu au Sénat les principes fondamentaux du sport : le dépassement de soi, l’esprit d’équipe, le respect de l’arbitre, la tolérance.
Dès lors, nous soutenons l’idée d’imposer à chaque fédération l’édiction d’une charte éthique telle qu’elle est proposée par nos collègues du groupe du RDSE.
De même, nous jugeons pertinents les dispositifs permettant d’avancer sur les sujets délicats du fair-play financier, du salary cap, ou plafond salarial, et de la licence-club.
Nous souscrivons également à l’aménagement de la scolarité pour les jeunes sportifs accueillis dans les centres de formation agréés par l’État. Nous savons que la pratique intensive d’un sport en vue d’une carrière professionnelle est difficilement conciliable avec une scolarité classique. L’élève ou l’étudiant doit nécessairement bénéficier d’aménagements d’horaires d’études. La présente proposition de loi permettra à ces jeunes sportifs de profiter des mêmes aménagements de scolarité que les jeunes sportifs de haut niveau. C’est le principe affirmé dans la loi de la suite logique des classes « sport-études ».
L’un des combats essentiels permettant de réaffirmer les valeurs du sport est bien évidemment la lutte contre le dopage. De nombreux scandales, toujours d’actualité, ont écorné l’image de plusieurs disciplines. J’en veux pour preuve les récentes accusations portées par Hamilton contre Armstrong, intervenant après l’affaire Floyd Landis. Ainsi, à cause de la perversion du dopage, le Tour de France, épreuve sportive la plus populaire et la plus médiatisée, n’a plus vraiment de vainqueur depuis plus de dix ans !
Le fléau que constitue le dopage touche aux fondements même du sport et remet en cause l’éthique la plus élémentaire. J’ai, vous le savez, mes chers collègues, longuement étudié ce sujet extrêmement délicat. En effet, depuis une quinzaine d’années, j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur au Sénat de tous les textes relatifs à la lutte contre le dopage.
En cet instant, je tiens à rendre un hommage mérité à l’un de vos prédécesseurs, madame la ministre : il s’agit de Jean-François Lamour, qui, par sa volonté, a largement contribué à faire progresser la lutte contre le dopage. Sans revenir sur les péripéties de l’élection, je ne peux que regretter pour ma part que, au dernier moment, il ait renoncé à briguer la présidence de l’AMA, l’Agence mondiale antidopage. En effet, j’en suis convaincu, il aurait fait un excellent président.
La Convention internationale contre le dopage dans le sport, adoptée dans le cadre de l’UNESCO et ratifiée par la France en 2007, permet – enfin – de fixer un cadre juridique contraignant pour l’application du code mondial antidopage. Nous nous en félicitons tous : à l’évidence, l’efficacité de la lutte antidopage passe par sa mondialisation, c’est-à-dire par la définition d’un corpus de normes harmonisées à l’échelon de toute la planète. Pour garantir l’équité des compétitions et préserver la santé des sportifs, il faut effectivement appliquer les mêmes règles en tout point du globe.
La loi du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs a institué l’Agence française de lutte contre le dopage, dotée de pouvoirs étendus en matière de contrôles, d’analyses et de sanctions. Je m’étais à l’époque félicité de l’équilibre trouvé par ce texte, qui me paraissait susceptible d’améliorer efficacement la lutte antidopage, sans stigmatiser davantage les sportifs utilisateurs des produits.
En outre, afin de lutter efficacement contre ce fléau, nous avons sensiblement modifié notre droit en adoptant la loi du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre le trafic de produits dopants. Comme je l’avais souligné à cette tribune au moment de l’examen de ce texte, il était primordial d’instituer une législation pénale spécifique en matière de dopage.
Cette loi a permis d’accroître notre efficacité en matière de lutte contre le dopage à l’occasion de toutes les compétitions sportives qui se déroulent sur le sol national. Vous le savez, mes chers collègues, la garde à vue peut désormais être prononcée, ce qui permet d’éviter la dissimulation ou le vol des produits dopants. La pénalisation de la détention, mais aussi de la production, du transport, de l’importation et de l’exportation de produits dopants a donné aux services de police judiciaire des moyens accrus pour démanteler les trafics.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour saluer le travail exemplaire effectué par l’AFLD. Cette dernière révèle de plus en plus de cas de dopage – près de 200 en 2010 – et la répression des comportements fautifs progresse. L’efficacité de l’Agence, en particulier sous la longue présidence de Pierre Bordry, a fait de cette instance un acteur incontournable de la lutte internationale contre le dopage. Je rejoins les différents intervenants pour estimer qu’il convient de lui donner les moyens budgétaires de conduire son action en vue de toujours mieux contrôler et sanctionner les pratiques dopantes.
Toutefois, le seul volet répressif n’est pas suffisant : nous le savons, aujourd’hui, les campagnes de prévention doivent être renforcées. C’est l’objet du Plan national de prévention du dopage que vous avez lancé au mois de mars dernier, madame la ministre. J’ai personnellement formulé des propositions, au sein du groupe de travail de l’Assemblée du sport auquel je participe, et j’insiste énormément sur la nécessité de renforcer ce volet préventif, un peu oublié dans les précédents textes, il faut bien le dire.
De plus, si nous voulons lutter efficacement contre le dopage, nous devons disposer d’un arsenal juridique cohérent. De ce point de vue, la ratification des dispositions de l’ordonnance du 14 avril 2010, relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du code du sport avec les principes du code mondial antidopage, me semble parfaitement adaptée et bienvenue.
Pour conclure, je souhaite aborder un sujet peu glorieux. À l’occasion de la Coupe du monde de football de 2010, nous avons constaté un scandaleux manque de transparence en ce qui concerne les salaires et les primes versés non seulement aux joueurs de l’équipe de France, mais aussi au sélectionneur et aux entraîneurs.
Sous la pression médiatique, les joueurs de l’équipe de France se sont, certes, engagés à renoncer à toutes leurs primes après leur élimination, mais le système demeure dans son principe, ce qui n’est pas acceptable. Il n’est ni lisible, ni conforme aux valeurs du sport que nous entendons défendre. Comment pouvons-nous agir ? Nous devrions réfléchir, ensemble, à un dispositif qui garantirait un peu plus de transparence.
Mes chers collègues, l’image du sport s’est tellement dégradée depuis les derniers scandales qu’il était indispensable de réagir !
Une fois de plus, la Haute Assemblée est en première ligne pour rétablir les valeurs fondamentales du sport, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. En votant la proposition de loi du groupe RDSE, le groupe UMP et, plus largement, j’en suis convaincu, l’ensemble du Sénat adressera, comme l’a dit M. Yvon Collin, un message fort à l’ensemble des Français : les abus ne sont plus acceptables et la loi permettra enfin de les combattre ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)