Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 31, 71 et 137 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 151 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Maurey et Zocchetto, Mmes Gourault et Morin-Desailly, MM. Merceron, Amoudry et Biwer et Mme Férat, est ainsi libellé :

Alinéa 4

1° Après les mots :

cinq ans d’emprisonnement

insérer les mots :

et qu’il a déjà été condamné au moins une fois pour des infractions similaires ou assimilées

2° Compléter cet alinéa par les mots :

et qu’il a déjà été condamné au moins une fois pour des infractions similaires ou assimilées

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Nous n’avons pas voté les amendements de suppression, mais nous ne trouvons pas l’article 17 parfait pour autant.

Le présent amendement vise à ce que la convocation par officier de police judiciaire devant le tribunal pour enfants ne soit pas applicable à un mineur primo-délinquant. Pour ce faire, le dispositif reprend une formulation identique à celle votée par le Sénat lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 ».

Comme je l’ai rappelé hier dans la discussion générale, je reste convaincu que le mécanisme qui nous est présenté n’est pas satisfaisant sur le fond, notamment au regard du principe du respect de la spécificité de la procédure pénale applicable aux mineurs, spécificité dont chacun convient qu’elle est nécessaire.

Cet amendement ne remet pas en cause le principe de la convocation du mineur par officier de police judiciaire. Il tend simplement à limiter son application à des mineurs qui ont déjà été condamnés au moins une fois pour des infractions « similaires ou assimilées ». Les autres, les primo-délinquants, doivent d’abord être déférés devant le juge des enfants, comme le prévoit la procédure actuelle. En effet, un mineur n’est pas un adulte en réduction, et il convient de le considérer différemment d’un adulte, surtout lors d’une première infraction.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les auteurs de l’amendement souhaitent restreindre la possibilité de convoquer un mineur devant le tribunal pour enfants aux mineurs récidivistes.

Cet amendement va probablement trop loin. En effet, s’il n’est pas opportun d’utiliser cette procédure lorsque le mineur n’a jamais fait l’objet d’investigations approfondies sur sa personnalité, et le texte de la commission a clarifié les choses sur ce point, l’amendement interdirait d’y recourir, par exemple, lorsque le mineur a déjà fait l’objet de mesures éducatives ou qu’il a précédemment été condamné pour une infraction d’une autre nature.

Il nous semble que le critère essentiel permettant d’envisager le renvoi du mineur directement devant le tribunal pour enfants, sans passer par une phase d’instruction préalable devant le juge des enfants, est le caractère complet des informations dont la juridiction disposera, qui lui permettra de statuer en pleine connaissance de cause.

Je rappelle que seulement 1,5 % des infractions commises par des mineurs le sont en état de récidive légale stricto sensu.

Pour cette raison, la commission a émis, dans sa majorité, un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Si, sur d’autres amendements, l’avis du Gouvernement peut diverger de celui de la commission, sur cet amendement n° 151 rectifié, je dois suivre M. le rapporteur.

En exigeant que les mineurs aient déjà été condamnés pour des infractions « similaires ou assimilées », cet amendement réduit en effet considérablement le champ de la convocation par OPJ et ne prend pas en considération un phénomène que les praticiens connaissent bien, celui de ces adolescents qui, dans un bref laps de temps – quelques semaines, parfois deux ou trois mois –, commettent une série d’infractions souvent de plus en plus graves. Dans ces hypothèses, le recours à la convocation par OPJ est tout à fait pertinent, parce qu’il permet d’obtenir un jugement rapide en mesure de mettre fin à cette spirale de la délinquance avant qu’il ne soit trop tard.

Je demande donc à M. Yves Détraigne de bien vouloir retirer son amendement, au bénéfice des suivants.

Mme la présidente. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 151 rectifié est-il maintenu ?

M. Yves Détraigne. J’ai attentivement écouté la commission et le Gouvernement, et je suis prêt à retirer cet amendement, mais je n’oublierai pas que M. le ministre m’a invité à le faire « au bénéfice des suivants »… (Sourires.)

Mme la présidente. L'amendement n° 151 rectifié est retiré.

L'amendement n° 154 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Maurey, Zocchetto et Merceron, Mmes Gourault et Morin-Desailly, M. Amoudry, Mme Férat, M. Biwer et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La procédure prévue à l'alinéa précédent ne peut être mise en œuvre que si le mineur a déjà fait l'objet d’une ou plusieurs procédures en application des dispositions de la présente ordonnance.

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Cet amendement, qui tend à prévoir que la procédure de convocation par officier de police judiciaire ne pourra être mise en œuvre que si le mineur a déjà fait l’objet d’une ou plusieurs procédures en application des dispositions de l’ordonnance de 1945, introduit un critère d’application sensiblement différent de celui que je proposais à l’amendement précédent, puisqu’il ne pose plus comme condition exclusive que le mineur ait « été déjà condamné au moins une fois pour des infractions similaires ou assimilées ».

Les délais de jugement étant malheureusement assez longs – ce ne sera peut-être plus le cas demain, monsieur le ministre, le raccourcissement de ces délais étant un des buts de la réforme –, il peut en effet arriver qu’un mineur soit déjà bien connu de la justice sans pour autant avoir encore été condamné.

Le critère proposé dans le présent amendement est donc plus large que celui de la condamnation, mais l’objectif est atteint, puisqu’il s’agit d’exclure de cette procédure un mineur qui ne serait pas encore connu par la justice.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a souhaité, sur cet amendement, s’en remettre à l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Sur cet amendement n° 154 rectifié, le Gouvernement émet un avis favorable. (Exclamations.)

Il apporte en effet une précision qui complète utilement le texte de la commission en même temps qu’une correction nécessaire dans le texte initial du Gouvernement, ce qui démontre, mesdames, messieurs les sénateurs, que je suis toujours réceptif aux débats constructifs menés avec votre assemblée. (Sourires.)

Grâce à cet amendement, la convocation par officier de police judiciaire ne sera jamais délivrée à un primo-délinquant. Pour autant, il sera possible de recourir à cette procédure à l’encontre de mineurs qui commettent des faits à répétition dans un bref laps de temps.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 154 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 156, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La convocation en justice ne peut être délivrée que si les conditions suivantes sont remplies :

« 1° Des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires ;

« 2° Le mineur fait l’objet ou a déjà fait l’objet d’une ou plusieurs procédures en application des dispositions de la présente ordonnance ;

« 3° Des investigations suffisantes sur la personnalité du mineur ont été accomplies ; ces investigations ne doivent pas dater de plus de douze mois ; elles peuvent avoir été réalisées soit sur le fondement de l’article 8, soit sur le fondement de l’article 12, y compris à l’occasion de la procédure en cours, soit, le cas échéant, à la demande du juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative ;

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le tribunal pour enfants peut, d’office ou à la demande d’une des parties, s’il estime que des investigations sur les faits sont nécessaires ou que les renseignements de personnalité recueillis ne sont pas suffisants, renvoyer à une prochaine audience dans un délai qui ne peut être supérieur à deux mois, en décidant de commettre le juge des enfants pour procéder à un supplément d’information ou d’ordonner une des mesures prévues aux articles 8 et 10. »

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Du fait de l’adoption de l’amendement n° 154 rectifié, la première partie l’amendement n° 156 est satisfaite.

La seconde partie est, quant à elle, relative au recueil de renseignements socio-éducatifs.

En l’état de la discussion, il me semble préférable de retirer cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 156 est retiré.

L'amendement n° 150 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Maurey et Zocchetto, Mmes Gourault et Morin-Desailly, MM. Merceron, Amoudry et Biwer et Mme Férat, est ainsi libellé :

Alinéa 5

remplacer les mots :

douze mois

par les mots :

six mois

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. L’article 17 du projet de loi prévoit que la convocation par OPJ « ne peut être délivrée que si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et si des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies au cours des douze mois précédents ».

L’amendement n° 150 rectifié s’attache à cette condition des « douze mois précédents ». Il a pour objet d’assurer le caractère suffisamment récent des informations relatives à la personnalité du mineur, laquelle peut être très évolutive. Rappelons que c’est précisément ce qui justifie l’usage de cette procédure, qui reste dérogatoire s’agissant de mineurs.

Le projet de loi ouvre la possibilité de prendre en compte des informations sur le mineur qui peuvent remonter à près d’un an, alors que la situation du jeune aura pu largement évoluer dans un tel délai, négativement aussi bien que positivement.

Aussi le présent amendement vise-t-il à réduire le délai de douze mois à six mois. Il nous semble en effet normal et efficace que le tribunal puisse être en mesure d’utiliser les informations réunies sur le mineur au cours des procédures précédentes, surtout avec le dossier unique de personnalité, qui donnera une vision plus complète de cette dernière, mais il est indispensable que les informations trop anciennes et potentiellement obsolètes parce que ne prenant pas en considération les évolutions récentes soient écartées.

Exiger que les informations sur le mineur soient récentes permet justement de s’assurer d’un passage devant le juge des enfants lorsque ce sera nécessaire.

Mme la présidente. L'amendement n° 153 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Maurey et Zocchetto, Mmes Gourault et Morin-Desailly, MM. Amoudry, Merceron et Biwer, Mme Férat et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

de l'article 8

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Dans le même ordre d’idées, cet amendement vise à garantir que les informations relatives à la personnalité du mineur sont limitées à celles qui proviennent de la sphère pénale.

En effet, la fin de l’alinéa 5 de l’article 17 prévoit la possibilité de prendre en compte des investigations réalisées par un juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative. Or cette dernière mission relève du domaine civil, et non du domaine pénal, raison pour laquelle nous proposons la suppression de la fin de l’alinéa.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En exigeant des investigations réalisées au cours des six mois précédents, au lieu des douze mois actuellement prévus par le projet de loi, nos collègues proposent d’introduire une condition plus restrictive pour recourir à la convocation par OPJ devant le tribunal pour enfants que pour recourir à la procédure de présentation immédiate, alors que la première, qui ne prévoit ni le placement sous contrôle judiciaire ni le placement en détention provisoire du mineur en attendant l’audience de jugement, est une procédure moins restrictive de liberté que la seconde.

La distorsion ne paraît pas justifiée à la commission, d’autant que, s’agissant de la présentation immédiate, le Conseil constitutionnel a validé le délai d’un an.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 150 rectifié.

Sur l’amendement n° 153 rectifié, elle s’en remettra à l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. S’agissant de l’amendement n° 150 rectifié, le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Un délai de six mois serait trop court au regard du temps judiciaire et le Conseil constitutionnel vient en effet de valider le délai d’un an dans le cadre de la procédure de présentation immédiate. De plus, le recueil des renseignements socio-éducatifs, qui est actualisé en permanence, fournira si nécessaire les derniers renseignements sur les éléments de personnalité du mineur. J’invite donc M. Détraigne à retirer cet amendement.

Le Gouvernement est en revanche favorable à l’amendement n° 153 rectifié.

Mme la présidente. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 150 rectifié est-il maintenu ?

M. Yves Détraigne. Compte tenu des indications qui viennent d’être données et de la position du Conseil constitutionnel, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 150 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 153 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 17, modifié.

(L'article 17 est adopté.)

Article 17 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs
Article 10 (Texte non modifié par la commission)

Article 29 (priorité)

Après l’article 24 de la même ordonnance, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE III BIS

« Du tribunal correctionnel pour mineurs

« Art. 24-1. – Les mineurs âgés de plus de seize ans sont jugés par le tribunal correctionnel pour mineurs lorsqu’ils sont poursuivis pour un ou plusieurs délits punis d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à trois ans et commis en état de récidive légale.

« Le tribunal correctionnel pour mineurs est composé selon les modalités prévues à l’article 398 du code de procédure pénale, à l’exception des troisième à cinquième alinéas. Il est présidé par un juge des enfants.

« Les dispositions du chapitre III relatives au tribunal pour enfants s’appliquent au tribunal correctionnel pour mineurs, à l’exception de l’article 22. Toutefois, en ce qui concerne l’article 14, la personne poursuivie, mineure au moment des faits et devenue majeure au jour de l’ouverture des débats, peut demander la publicité des débats dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article 400 du code de procédure pénale.

« Le tribunal correctionnel pour mineurs est également compétent pour le jugement des délits et contraventions connexes aux délits reprochés aux mineurs, notamment pour le jugement des coauteurs ou complices majeurs de ceux-ci.

« Art. 24-2.(Non modifié) Le tribunal correctionnel pour mineurs peut être saisi :

« 1° Par ordonnance de renvoi du juge des enfants ou du juge d’instruction en application des articles 8 et 9 ;

« 2° Dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article 8-3 ;

« 3° Dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article 14-2, à l’exception du VI. Les attributions confiées au tribunal des enfants sont confiées au tribunal correctionnel pour mineurs.

« Art. 24-3.(Non modifié) Le service de la protection judiciaire de la jeunesse est consulté, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article 12, avant toute décision du tribunal correctionnel pour mineurs saisi selon les modalités prévues à l’article 24-2.

« Art. 24-4.(Non modifié) Si la prévention est établie à l’égard d’un mineur âgé de plus de seize ans, le tribunal correctionnel pour mineurs peut prononcer les mesures et sanctions éducatives prévues aux articles 15-1 à 17 et 19.

« Il peut également prononcer une peine dans les conditions prévues aux articles 20-2 à 20-8.

« Art. 24-5.(Non modifié) Pour les délits mentionnés à l’article 399-2 du code de procédure pénale le tribunal correctionnel pour mineurs est composé selon les modalités prévues à l’article 399-1 du même code. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet article 29 signe la volonté de déstructuration de la justice des mineurs.

Étant déjà intervenue, je n’ai pas pu leur répondre tout à l’heure, mais d’aucuns se sont référés à l’ordonnance de 1945 d’une façon que je ne peux pas approuver et qui prêterait à rire si ce n’était à pleurer.

Certes, tout a changé depuis – notamment la taille des jeunes – et, nous-mêmes, législateurs, nous ne sommes pas les législateurs d’alors, mais ceux qui insistent sur le fait que nous ne sommes plus en 1945 devraient s’interroger : peut-être la France était-elle alors en avance par rapport à d’autres pays ? Depuis lors, en effet, et souvent bien après 1945, de nombreuses recommandations ou dispositions allant dans le même sens que cette ordonnance ont été arrêtées à l’échelle internationale, par exemple la convention relative aux droits de l’enfant ou encore les règles de Pékin.

L’année 2011 est décidément bien mauvaise pour la protection des mineurs en France ! Nous avions déjà trouvé le moyen de supprimer le Défenseur des enfants, institution dont la convention relative aux droits de l’enfant, justement, recommande la mise en place et qui se développe dans de nombreux pays. Aujourd'hui, c’est à la « casse » de la justice des mineurs et à la disparition de ses spécificités que l’on s’attelle, à rebours de ceux que font nos voisins, puisque la tendance chez certains, pourtant confrontés à des problèmes comparables, est plutôt à l’élargissement aux jeunes majeurs des procédures propres aux mineurs.

L’UNICEF, on le sait, a manifesté son opposition au présent projet de loi. Vérifions, mes chers collègues, si les recommandations de cette organisation, que l’on ne peut qualifier de politique, ont été suivies.

« Éviter une stigmatisation des jeunes » ?... Raté !

M. Charles Gautier. Effectivement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut dire que, depuis cinq ans, le Gouvernement et sa majorité ne cessent de montrer du doigt les jeunes, et même les tout jeunes, dès l’âge de trois ans !

« Préférer le terme “enfant” à celui de “mineur” » ?... Raté !

« Considérer les mineurs “dangereux” d’abord comme des enfants en danger » ?... Raté !

« Défendre les grands principes de l’ordonnance » et, surtout, « préserver son esprit » ?... Raté !

Même si vous prétendez conserver à la justice des mineurs ses spécificités, monsieur le ministre, comment pouvez-vous en préserver l’esprit dès lors que vous vous éloignez des principes qui la fondent en cassant l’unité entre le juge des enfants et le tribunal pour enfants et en créant, en plus, un tribunal correctionnel pour mineurs semblable au tribunal correctionnel des majeurs ?

« Fixer l’âge de la responsabilité pénale au-dessus du seuil de l’inacceptable » ?... Raté ! La majorité des pays européens ont fixé l’âge de la responsabilité pénale à quatorze ans ou plus.

« Défendre une justice spécialisée jusqu’à 18 ans » ?... Raté ! Vous vous apprêtez à retourner au droit commun, donc non spécifique, à partir de l’âge de seize ans.

« Déployer les moyens nécessaires » ?... Raté ! Il suffit de voir la misère à laquelle est confrontée la PJJ, par exemple, mais nous aurons l’occasion de reparler de cette question.

« Soutenir les parents plutôt que les accabler » ? … Raté ! Vous faites même tout le contraire ! On n’arrête pas de les culpabiliser ! Et certains s’insurgent même contre ceux qui vivent de l’assistance…

« Enfin, instaurer une politique volontaire de prévention de la jeunesse » ?... Raté ! La prévention, ça suffit, nous répondez-vous, il est temps de passer à la sanction !

Tout cela est bien dommage, d’autant que la France a été l’initiatrice, en quelque sorte, de principes ô combien généreux pour la jeunesse, qui ont été, au fil du temps, repris au niveau international, et il reste encore beaucoup à faire en la matière. Mais nous, enfin, vous, devrais-je dire, vous faites marche arrière !

Vous avez voulu une fois encore nous prouver que vous étiez « dans les clous ». Mais non ! Le Conseil constitutionnel s’est prononcé tant sur la procédure que sur les tribunaux, et vous modifiez la procédure s’agissant de la justice des mineurs, en la rapprochant de celle des majeurs ; si vous gardez le tribunal pour enfants – vous ne pouviez tout de même pas le rayer de la carte des tribunaux ! –, vous lui ajoutez un tribunal correctionnel pour mineurs, compétent pour juger les infractions commises par les mineurs récidivistes âgés de plus de seize ans.

Ce tribunal correctionnel pour mineurs sera donc amené à juger de très nombreux jeunes, mais cette justice des mineurs-là ressemblera à s’y méprendre à la justice des majeurs !

Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 29 prévoit de créer une nouvelle juridiction spécialisée, compétente pour juger les mineurs récidivistes de plus de seize ans. Juridiction spécialisée ? On devrait bien plutôt parler de juridiction d’exception !

Vous reprenez ici, une nouvelle fois, l’une des propositions issues du rapport Varinard. Cette nouvelle juridiction, réservée aux jeunes récidivistes âgés de seize à dix-huit ans, place le juge des enfants en minorité dans cette nouvelle formation où les juges issus du tribunal correctionnel seront dès lors majoritaires !

Cet article constitue, à nos yeux, une nouvelle manifestation de défiance du Gouvernement à l’encontre du juge des enfants, soupçonné, à tort, de laxisme dans le traitement de ses dossiers ! Ces mesures accablent évidemment également les assesseurs qui accompagnent le juge des enfants…

Le fait que le juge des enfants préside cette nouvelle formation n’est qu’un leurre et ne suffit pas à remédier aux lacunes évidentes ni à la dangerosité d’une telle disposition.

Il s’agit là d’une atteinte inconstitutionnelle au principe de la juridiction spécialisée et, par ailleurs, d’une dévalorisation du travail pédagogique réalisé par le juge des enfants.

Une fois de plus, on tend ici à traiter les mineurs comme des adultes délinquants, en les faisant passer devant une juridiction semblable à celle des majeurs, comme si cela allait suffire à les dissuader, à terme, de récidiver encore ! Il n’en sera rien ! Cette disposition ne tient absolument pas compte de la complexité des situations de délinquance juvénile.

À cet égard, je rappelle les exigences de l’article 1er de l’ordonnance de 1945 : « Les mineurs auxquels est imputée une infraction qualifiée de crime ou délit ne seront pas déférés aux juridictions pénales de droit commun, et ne seront justiciables que des tribunaux pour enfants ou des cours d’assises des mineurs. »

La composition de ces nouveaux tribunaux correctionnels pour mineurs, dont vous tentez en vain de nous chanter les louanges, monsieur le garde des sceaux, ne garantit donc en rien la spécialisation de la justice des mineurs, puisqu’un seul juge des enfants est appelé à y siéger aux côtés de deux magistrats qui, eux, ne seront pas spécialisés. Mais il y a pire encore, avec l’expérimentation qui sera faite, dès le 1er janvier 2012, dans des cours d’appel, où deux citoyens assesseurs accompagneront les trois magistrats dans ces tribunaux correctionnels pour mineurs, à l’instar du tribunal correctionnel pour majeurs !

Monsieur le garde des sceaux, aux assesseurs choisis pour « l’intérêt qu’ils portent aux questions de l’enfance et pour leurs compétences », vous préférez deux jurés populaires formés à la va-vite et dont on n’exige pas qu’ils portent un quelconque intérêt à la problématique spécifique des mineurs !

L’article 29 est malheureusement une nouvelle illustration de l’idée reçue, sans cesse rebattue par le Gouvernement, mais dénoncée à maintes reprises au cours de la discussion générale, selon laquelle les mineurs d’aujourd’hui ne seraient pas ceux d’hier.

Il est éminemment regrettable que ce poncif erroné ait guidé la rédaction de cet article, ainsi d’ailleurs que celle de l’ensemble du titre II de ce projet de loi.

Pour toutes ces raisons, nous voterons massivement contre l’article 29.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 41 est présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 88 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

L'amendement n° 147 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 41.

M. Alain Anziani. L’article 29 est important en ce qu’il vise à créer les fameux tribunaux correctionnels pour mineurs, auxquels nous sommes opposés.

Tout d’abord, permettez-moi de revenir à la raison pour laquelle ces tribunaux ont été créés.

J’ai lu le rapport de notre collègue Jean-René Lecerf, ainsi que l’étude d’impact du Gouvernement. Comme l’a indiqué tout à l'heure notre collègue Virginie Klès, aucun élément statistique ne nous permet de considérer que l’évolution de la délinquance des mineurs est aujourd'hui telle que nous devons prendre des mesures nouvelles pour l’enrayer. Nous savons – il n’y a là aucune originalité ! – que la délinquance des mineurs progresse à un niveau sensiblement identique à celle des majeurs.

Selon nous, ce tribunal présente trois défauts majeurs.

Tout d’abord, le tribunal correctionnel pour mineurs est la négation de la spécificité du mineur dans l’essentiel de ses caractéristiques. En effet, les assesseurs devaient avoir, hier, une qualification et manifester un intérêt précis pour les questions relatives à la jeunesse. Or tel ne sera plus du tout le cas demain ! Vous faites donc disparaître cette spécificité.

Certains, sur d’autres travées, reprennent toujours la même antienne : les jeunes d’aujourd'hui ne sont plus comme ceux d’hier ! Permettez-moi de vous faire observer, chers collègues, que vous êtes peut-être les seuls en Europe à le penser !

Pour avoir lu l’intéressante note de synthèse disponible sur le site du Sénat relative à la législation européenne en la matière, je puis vous dire que le droit des mineurs est applicable en Allemagne aux jeunes âgés de dix-huit à vingt et un ans, et que ce pays n’est pas le seul à avoir opté pour cette solution. Il en va de même au Portugal, aux Pays-Bas et même en Espagne, qui souhaite relever de seize ans actuellement à dix-huit ans le seuil pour certain régime applicable aux mineurs.

On le voit donc, la plupart des pays européens considèrent, certes, que le jeune d’aujourd'hui n’est pas le même que celui de 1945, mais qu’il faut justement conserver les prérogatives que l’on accorde en quelque sorte à la jeunesse au-delà de l’âge de dix-huit ans, jusqu’à vingt et un ans.

Ne sommes-nous pas tous européens, monsieur le garde des sceaux ?... Eh bien, tirons-en les enseignements et essayons d’aligner notre législation sur celle des autres pays européens !

Ensuite, nous déplorons l’automaticité du renvoi des mineurs récidivistes.

La notion de récidive fait évidemment peur, mais que veut-elle dire ? Le mineur qui a, un jour, volé des bonbons à l’étal d’un commerçant et qui, demain, sera convaincu de recel de DVD, par exemple, sera en état de récidive et comparaîtra, de ce fait, directement devant le tribunal correctionnel pour mineurs….

Enfin, avec ce texte, on ne change pas simplement de tribunal, non, on change complètement d’approche, pour s’orienter vers une justice des mineurs conforme à celle des majeurs.

Rien de tout cela ne saurait nous convenir, monsieur le garde des sceaux.