Sommaire
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès, M. Jean-Paul Virapoullé.
2. Communication relative à une commission mixte paritaire
3. Répression de la contestation de l’existence du génocide arménien. – Rejet d'une proposition de loi
Discussion générale : MM. Serge Lagauche, auteur de la proposition de loi ; Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur ; Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Guy Fischer, Josselin de Rohan, Charles Gautier, Bruno Gilles, Gérard Collomb, Ambroise Dupont, Robert Badinter.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 1 de la commission. – MM. le rapporteur, Bernard Piras, François Zocchetto, Jacques Blanc, Guy Fischer, Gérard Collomb. – Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance
4. Expulsions locatives. – Rejet d'une proposition de loi
Discussion générale : Mmes Odette Terrade, auteur de la proposition de loi ; Isabelle Pasquet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement.
MM. Thierry Repentin, Jean-Michel Baylet, Alain Gournac, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Clôture de la discussion générale.
Mme Mireille Schurch.
Rejet de l’article.
Amendement no 1 de Mme Christiane Demontès. – MM. Thierry Repentin, Mme le rapporteur, M. le secrétaire d'État, Mme Odette Terrade. – Rejet.
Rejet de l’article.
Mme Évelyne Didier.
Rejet, par scrutin public, de l’article.
Aucun article n’ayant été adopté, la proposition de loi est rejetée.
Suspension et reprise de la séance
6. Saisine du Conseil constitutionnel
7. Communication relative à des nominations
8. Communication du Conseil constitutionnel
9. Lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer. – Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; MM. Georges Patient, rapporteur de la commission de l’économie ; Serge Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
M. Pierre Jarlier, Mme Gélita Hoarau, MM. Soibahadine Ibrahim Ramadani, Yvon Collin, Thierry Repentin, Jean-Paul Virapoullé, Jacques Gillot, Jean-Étienne Antoinette.
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 9 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 6 de M. Jean-Étienne Antoinette. – MM. Jean-Étienne Antoinette, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 4 de M. Dominique Braye. – MM. Dominique Braye, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 8 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 5 de M. Dominique Braye. – MM. Dominique Braye, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 7 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Articles additionnels après l'article 16
Amendement n° 1 de M. Jean-Paul Virapoullé. – MM. Jean-Paul Virapoullé, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, MM. Thierry Repentin, Dominique Braye. – Rejet.
Amendement n° 3 rectifié de M. Daniel Marsin. – MM. Yvon Collin, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 17 (suppression maintenue)
Mmes Raymonde Le Texier, Muguette Dini.
Adoption de la proposition de loi.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès,
M. Jean-Paul Virapoullé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au prix du livre numérique est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
3
Répression de la contestation de l’existence du génocide arménien
Rejet d'une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à réprimer la contestation de l’existence du génocide arménien (proposition n° 607, 2009-2010 ; rapport n° 429).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Serge Lagauche, auteur de la proposition de loi.
M. Serge Lagauche, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le 13 mai 1998, M. Didier Migaud et les membres du groupe socialiste déposaient à l’Assemblée nationale une proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. Ainsi commençait le parcours législatif chaotique de ce qui deviendra la loi du 29 janvier 2001, par laquelle « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 ».
Notre collègue député René Rouquet concluait alors ainsi son rapport, rendu au nom de la commission des affaires étrangères : en reconnaissant le génocide arménien, « la France n’agit nullement contre la Turquie, pays avec lequel elle entretient une amitié traditionnelle fondée sur des liens très anciens. Bien au contraire, la France souhaite participer à l’établissement d’une paix durable entre Turcs et Arméniens, paix qui, selon elle, ne peut s’établir que sur des fondements solides et non sur l’occultation de l’histoire qui pèse lourdement sur toute démocratie ».
Parcours législatif chaotique, vous disais-je. Adoptée le 29 mai 1998 à l’unanimité par l’Assemblée nationale, malgré les réserves du Gouvernement, la proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide arménien fut ensuite transmise au Sénat dont la conférence des présidents, appuyée en cela par le Gouvernement d’alors, disons-le, a longtemps refusé l’inscription à l’ordre du jour de la Haute Assemblée.
Il fallut attendre la séance du 7 novembre 2000 pour que, sous l’impulsion décisive du président Jean-Claude Gaudin et de notre collègue Bernard Piras, une proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide arménien, strictement identique à celle qui avait été adoptée trois ans plus tôt par l’Assemblée nationale, et cosignée par des sénateurs issus de tous les groupes politiques, dont vous, monsieur le garde des sceaux, …
M. Serge Lagauche, auteur de la proposition de loi. … fît l’objet, en application de l’article 30 du règlement du Sénat, d’une demande de discussion immédiate.
C’est ainsi que le 7 novembre 2000 fut adoptée, tard dans la nuit, la proposition de loi de MM. Jacques Pelletier, Robert Bret, Jean-Claude Gaudin, Bernard Piras, Michel Mercier et Jacques Oudin relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.
Le texte adopté par le Sénat, identique, je le répète, à celui qu’avait adopté l’Assemblée nationale mais enregistré dans une proposition de loi nouvelle, dut à nouveau être examiné par l’Assemblée nationale. Le 18 janvier 2001, le groupe UDF ayant saisi l’occasion d’une séance d’initiative parlementaire dont il disposait, nos collègues députés adoptaient, une nouvelle fois à l’unanimité, et définitivement, la proposition de loi précédemment votée par le Sénat.
Elle fut promulguée le 29 janvier 2001 : la France reconnaissait enfin publiquement, par la loi, le génocide arménien de 1915.
Mes chers collègues, je me suis attardé quelques instants sur ce parcours législatif difficile pour rappeler à la représentation nationale que, plus de quatre-vingt-cinq ans après le début des massacres des Arméniens ottomans, la reconnaissance législative par la France du génocide arménien fut jonchée d’obstacles et assortie de pressions de toutes sortes, internes et externes.
Déjà, à l’époque, les parlementaires étaient accusés de jouer le rôle des historiens. Déjà, à l’époque, la Turquie menaçait plus ou moins ouvertement la France de représailles économiques et diplomatiques. C’est grâce à un consensus émanent des parlementaires issus de tous les groupes politiques que nous avons ainsi pu honorer la mémoire du peuple arménien en lui rendant symboliquement la part de lui-même qui lui avait été arrachée de manière épouvantable en 1915.
Bien que tardive, la reconnaissance par la France du génocide arménien ne fut pourtant pas un acte isolé. Cette reconnaissance s’est inscrite dans la logique des institutions internationales et européennes en rejoignant plusieurs États déjà engagés dans cette voie.
Le 29 août 1985, un rapport adopté par l’Organisation des Nations unies classe le génocide arménien parmi d’autres génocides du XXe siècle.
Le 18 juin 1987, le Parlement européen adopte une résolution sur une solution politique de la question arménienne affirmant que « les événements tragiques qui se sont déroulés en 1915-1917 contre les Arméniens établis sur le territoire de l’Empire ottoman constituent un génocide au sens de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU, le 9 décembre 1948 ».
Dans cette même résolution, le Parlement européen reconnaît cependant que « la Turquie actuelle ne saurait être tenue pour responsable du drame vécu par les Arméniens de l’Empire ottoman et souligne avec force que la reconnaissance de ces événements historiques en tant que génocide ne peut donner lieu à aucune revendication d’ordre politique, juridique ou matérielle à l’adresse de la Turquie d’aujourd’hui ».
Le 24 avril 1998, par une déclaration écrite engageant cinquante et un signataires, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe reconnaît que « le 24 avril 1915 a marqué le début de l’exécution du plan visant à l’extermination des Arméniens vivant dans l’Empire ottoman ».
Parmi les États ayant reconnu le génocide arménien comme une réalité historique, il faut citer l’Uruguay, dès 1965, la Russie et la Bulgarie, en 1995, le Liban, en 2000, la Suisse, en 2003, et l’Argentine, en 2004. Au sein de l’Union européenne, le génocide arménien a été officiellement reconnu par la Grèce le 25 avril 1996, par la Belgique le 26 mars 1998, par l’Italie et la Suède en 2000, par la Slovaquie et les Pays-Bas en 2004. Les parlements de l’Ontario, du Québec, de Nouvelle-Galles du Sud ont également reconnu le génocide du peuple arménien.
Non, mes chers collègues, la loi française du 29 janvier 2001 n’est pas une anomalie et, partout dans le monde, des États libres et indépendants ont rendu hommage à la mémoire du peuple arménien en rendant aux victimes du génocide et à leurs descendants la dignité qui leur est due.
La diffusion, le 20 avril dernier, sur la chaîne franco-allemande Arte du remarquable documentaire Aghet – la catastrophe, en arménien – est venue nous rappeler l’horreur des massacres subis par les populations arméniennes ottomanes.
Arrachés à leur foyer, hommes, femmes et enfants furent déportés sur les routes de Syrie et de la steppe mésopotamienne. Torturés, affamés, mutilés, violés, près d’un million cinq cent mille Arméniens furent assassinés en exécution d’un plan élaboré par le gouvernement Jeune-Turc. Depuis Constantinople jusqu’aux rives de l’Euphrate, les corps sans vie des Arméniens étaient abandonnés sans sépulture le long des routes.
C’est cela, mes chers collègues, le génocide arménien de 1915, l’une des plus grandes tragédies de l’histoire humaine, l’extermination planifiée d’une minorité par des procédés barbares employés au nom d’une idéologie nationaliste et raciste, le panturquisme.
Malgré les innombrables preuves irréfutables fournies par les archives diplomatiques allemandes et américaines sur cette horreur que fut le génocide des Arméniens, la Turquie refuse depuis quatre-vingt-seize ans d’ouvrir les yeux sur son passé, réclamant des preuves supplémentaires pour attester la véracité d’un génocide qui ne fait pourtant pas l’ombre d’un doute chez les historiens.
Alors oui, je le regrette, mais les autorités turques se sont enfermées dans un négationnisme d’État.
Les pressions exercées par la Turquie à chaque fois qu’un État a voulu reconnaître officiellement, par la loi ou par un autre moyen, le génocide arménien sont connues.
Le Congrès américain dut renoncer en 2007 au vote d’une résolution reconnaissant le génocide arménien. M. Barack Obama, alors sénateur, était favorable au vote de ce texte, mais le gouvernement américain y renonça pour préserver l’accès à ses bases militaires implantées en Turquie d’où décollaient des avions militaires en partance pour l’Irak et l’Afghanistan.
La France elle-même, comme en 2001 et en 2006, est à nouveau sujette à une forme de chantage ainsi qu’à des menaces à peine voilées de la part de la Turquie.
« Lorsque je me penche sur les études et recherches historiques, je m’aperçois qu’il n’y a pas eu génocide ». « Donc, j’en appelle à tous les sénateurs et les mets en garde : si ce sujet revenait sur le tapis, cela porterait atteinte à nos bonnes relations et provoquerait un dommage durable ! ». Ce sont, mes chers collègues, les mots prononcés le 6 avril dernier par M. Egemen Bagis, ministre d’État et négociateur en chef de la Turquie pour l’adhésion à l’Union européenne, lors de son audition par la commission des affaires européennes et la commission des affaires étrangères du Sénat.
Malgré cela, le peuple turc, tenu dans l’ignorance de l’histoire de son pays depuis des dizaines d’années, commence à s’éveiller.
Le 19 janvier 2007, le journaliste turco-arménien Hrant Dink, qui n’avait cessé d’attirer l’attention sur le génocide arménien de 1915, est assassiné en pleine rue à Istanbul. L’auteur de ce crime, un jeune homme de dix-sept ans, justifie son acte en arguant que Hrant Dink avait offensé l’honneur du peuple turc ; il n’a jamais été condamné.
Pourtant, depuis l’assassinat de ce journaliste, de plus en plus de citoyens turcs exigent qu’un débat public fasse enfin toute la lumière sur le génocide. Il aura fallu que ce journaliste soit assassiné pour que le sujet devienne public et soit débattu comme il ne l’a jamais été auparavant. Après l’assassinat, 200 000 Turcs sont descendus dans la rue pour participer à une des plus grandes manifestations qu’ait connues le pays, par solidarité avec le journaliste et les Arméniens, et pour que la vérité soit faite.
En France et en Europe, les thèses négationnistes sont propagées notamment par des groupuscules d’extrême droite. Nous avons tous en mémoire la manifestation, à Lyon, le 18 mars 2006, organisée contre le Mémorial du génocide arménien en construction.
Plus récemment, lors du dernier Salon du livre de Paris, au stand du ministère de la culture et du tourisme turc a été distribué gratuitement un ouvrage édité par ses soins et intitulé Esquisse de 2 000 ans d’histoire de la Turquie. Au fil des pages, le génocide des Arméniens est ouvertement nié et l’histoire totalement falsifiée.
Sur Internet, bien entendu, les sites faisant la promotion des thèses négationnistes pullulent. Ainsi le génocide des Arméniens est-il fréquemment remis en cause via des sites, blogs, forums et autres groupes sur les réseaux sociaux tels que Facebook.
Si la loi de 2001 représente une victoire pour la mémoire des victimes, un important travail législatif reste à accomplir pour tirer toutes les conséquences de la loi portant reconnaissance du génocide arménien.
Il convient notamment d’intégrer dans notre droit pénal la négation de ce crime contre l’humanité que constitue le génocide arménien de 1915. En effet, son caractère déclaratif prive la loi actuelle de toute effectivité. En l’absence d’un complément de valeur normative, elle reste symbolique et ne permet pas de lutter contre la négation du génocide arménien.
La proposition de loi tendant à réprimer la contestation de l’existence du génocide arménien que j’ai l’honneur de vous présenter et qui est cosignée par trente de mes collègues socialistes, est strictement identique en ses trois articles à celle qui a été adoptée de manière consensuelle par l’Assemblée nationale le 12 octobre 2006.
Après cinq années de blocage de la part du Gouvernement et de la conférence des présidents du Sénat, Mme Martine Aubry a souhaité que le groupe socialiste du Sénat se serve de l’une de ses niches pour inscrire ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée et relancer ainsi la navette parlementaire, afin d’aboutir au vote définitif d’une loi pénalisant la contestation de l’existence du génocide arménien.
Certains ont cru bon de communiquer sur ce qu’ils ont considéré comme une manœuvre dilatoire, voire « hypocrite » comme j’ai pu le lire, pour faire passer des messages politiques à nos compatriotes d’origine arménienne.
Mes chers collègues, le seul message que je veux faire passer à la communauté arménienne est le suivant : assez avec le négationnisme ! Tolérer le négationnisme, c’est « assassiner une seconde fois » les victimes, selon les mots d’Elie Wiesel. Je n’ai aucun autre message politique que celui-là et, sur un sujet aussi douloureux, il me semble que les petites polémiques politiciennes n’ont pas lieu d’être.
La présente proposition de loi est donc justifiée par la nécessité de rendre applicable la loi de 2001 en la dotant d’un contenu normatif, afin de combler ainsi une lacune de notre législation. En effet, les instruments juridiques actuels ne permettent pas de sanctionner les négations du génocide arménien.
Ni les dispositions de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ni celles de son article 24, qui sanctionnent l’apologie de crimes contre l’humanité, ni l’action civile sur le fondement de l’article 1382 du code civil, ne revêtent le caractère exemplaire et préventif de la sanction pénale.
L’article 1er du texte vise donc à compléter la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. Il prévoit la pénalisation de la négation du génocide arménien et punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui auront contesté l’existence du génocide arménien par un des moyens énoncés à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
En l’état actuel de notre droit, deux génocides sont reconnus par la loi française : la Shoah et le génocide arménien. Or seule la négation de l’Holocauste est punie par la loi.
Cette hiérarchisation malsaine des crimes contre l’humanité en fonction de la réponse pénale à leur contestation n’est pas acceptable.
Nous vous proposons donc de sanctionner la contestation de l’existence du génocide arménien par un délit puni des peines applicables à la négation de la Shoah. C’est l’objet de l’article 1er.
L’article 2 permet aux associations de défense des intérêts moraux et de l’honneur des victimes du génocide arménien d’exercer les droits reconnus à la partie civile.
L’article 3 procède à la correction d’un oubli de coordination dans l’article 24 bis de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
Les objections soulevées par la commission des lois du Sénat contre ce texte ne sont pas nouvelles : ce sont peu ou prou les mêmes que celles qui ont été soulevées lors du vote, consensuel, je le répète, de ce texte par nos collègues députés, le 12 octobre 2006.
Cette proposition de loi serait, nous dit-on, de nature à compromettre les relations entre la Turquie et l’Arménie. Ces relations sont malheureusement réduites à leur plus simple expression. Les protocoles de Zurich signés entre la Turquie et l’Arménie en octobre 2009 n’ont pas été ratifiés et la frontière entre les deux pays reste fermée…
La question du Haut-Karabagh, malgré les efforts de la France, de la Russie et des États-Unis au sein du groupe de Minsk, n’a toujours pas trouvé d’issue diplomatique satisfaisante et a malheureusement été instrumentalisée aux dépens du rapprochement arméno-turc.
La principale critique avancée contre cette proposition de loi est qu’elle constituerait une intervention contestable du législateur dans le champ de la recherche scientifique et historique.
Il me semble au contraire, mes chers collègues, que le Parlement est parfaitement légitime dans son intervention lorsqu’il entend défendre les valeurs de la République, au premier rang desquelles figure la dignité humaine.
J’ajoute que le vote de la loi de 2001 a d’ores et déjà tranché le débat sur l’histoire et la mémoire pour ce qui est du génocide arménien. Le présent texte ne fait que tirer les conséquences logiques de la loi reconnaissant le génocide arménien.
La loi de 2001 reconnaissait l’existence officielle du génocide arménien. La présente proposition de loi sanctionne pénalement la contestation de ce crime contre l’humanité.
Il ressort du rapport rendu au nom de la commission des lois par son président, M. Jean-Jacques Hyest, que ce texte serait entaché de plusieurs motifs d’inconstitutionnalité.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Eh oui !
M. Serge Lagauche, auteur de la proposition de loi. L’absence de reconnaissance du génocide arménien par une juridiction internationale interdirait de prévoir une sanction mettant en jeu la liberté d’expression.
Or le génocide arménien a eu lieu voilà près d’un siècle, alors que ni la justice internationale ni la notion même de génocide n’existaient. J’ajoute que, en vertu des principes du règlement des différends qui prévalent à l’échelon international, l’Arménie ne peut soumettre la reconnaissance du génocide à la Cour internationale de justice sans le consentement de la Turquie à cette procédure.
Monsieur Hyest, dans le rapport que vous avez rendu au nom de la commission des lois, vous vous interrogez sur le périmètre exact de la notion de « contestation de l’existence du génocide arménien de 1915 » retenue par ce texte. Je pense que, lorsque cette proposition de loi entrera en vigueur, les juges n’auront aucun mal à comprendre cette notion et l’ignominie qu’elle vise à sanctionner.
Nous parlons de la contestation d’un génocide unanimement reconnu par des centaines de témoignages d’archive concordants, qui ne souffrent aucune équivoque. Les juges sauront très bien s’en accommoder, rassurez-vous !
Cette proposition de loi serait par ailleurs attentatoire au principe de liberté d’opinion et d’expression.
Serge Klarsfeld, dans un appel publié le 20 décembre 2005, s’interrogeait : « L’historien serait-il le seul citoyen à être au-dessus de la loi ? Jouirait-il d’un titre qui l’autorise à transgresser avec désinvolture les règles communes de notre société ? Là n’est pas l’esprit de la République où, comme le rappelle l’article XI de la déclaration des Droits de l’homme, "tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi" ».
Il me semble, monsieur Hyest, que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen fait partie intégrante du bloc de constitutionnalité. L’argumentation de la commission sur ce point est, je le dis avec tout le respect que je vous dois, monsieur le président de la commission, très légère !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Merci !
M. Serge Lagauche auteur de la proposition de loi. Les restrictions à la liberté d’opinion ne seraient valables constitutionnellement que si elles sont proportionnées. Très bien !
Tout d’abord, le négationnisme n’est pas une opinion ; c’est un délit qui porte atteinte gravement à la dignité et à l’identité des victimes et de leurs descendants.
Ensuite, vous relevez qu’aucun discours de nature comparable à l’antisémitisme ne paraît viser aujourd’hui en France nos compatriotes d’origine arménienne. Permettez-moi de dénoncer la confusion. La loi Gayssot ne sanctionne pas uniquement l’antisémitisme, elle incrimine la négation de la Shoah. C’est tout de même différent !
Cette proposition de loi vise précisément à rayer de notre droit de telles comparaisons malsaines entre les victimes de négationnisme. Monsieur le président de la commission, vous vous en expliquerez tout à l’heure, mais la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité que vous avez déposée me semble bien plus guidée par la volonté de faire échouer l’adoption de ce texte que par de réels motifs d’inconstitutionnalité.
Mes chers collègues, le génocide est une forme extrême de crime contre l’humanité. Il est défini par le statut de Rome, acte fondateur de la Cour pénale internationale, comme « l’extermination physique, intentionnelle, systématique et programmée d’un groupe ethnique, national, religieux ou racial ». Le génocide arménien de 1915 a été reconnu dans une loi de la République le 29 janvier 2001. Pouvons-nous accepter qu’il soit impunément nié sur notre territoire ?
Le samedi 30 avril dernier, une délégation du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France, le CCAF, a été reçue par M. le Président de la République. M. Sarkozy a garanti qu’il ne s’opposerait pas au vote de cette proposition de loi, qu’il laisserait le Sénat libre de déterminer son vote et qu’il maintenait sa position sur la nécessité de combattre le négationnisme du génocide des Arméniens en France. Nous prenons acte de cette avancée.
En rejetant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité déposée par M. Hyest, au nom de la commission des lois, et en adoptant cette proposition de loi, le Sénat s’honorera au nom des valeurs humanistes, démocratiques et républicaines qui sont les nôtres.
C’est le fondement même d’une démocratie que d’établir des règles et de faire en sorte que la liberté de l’un n’entrave pas celle de l’autre. La pénalisation de la négation de la Shoah n’a jamais entravé le travail des historiens. Nous ne pouvons plus longtemps nous montrer complices d’une censure en acceptant l’histoire officielle d’une nation qui n’a pas encore fait son travail de mémoire.
Il ne saurait être question en aucune façon de considérer l’actuelle Turquie comme responsable du génocide des Arméniens. Nous voulons simplement dire aux autorités turques qu’un État aussi grand ne peut s’affaiblir en regardant en face son passé. Par ce geste fort, en votant cette proposition de loi, nous éliminerons sur notre territoire la concurrence malsaine entre les victimes du génocide, entretenue par leur inégalité au regard de la loi. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre collègue Serge Lagauche ayant cru pouvoir me citer personnellement, je rappelle que c’est au nom de la commission des lois que je rapporte ce texte.
Il est vrai qu’il est parfois plus aisé de céder à la passion que de s’en tenir à un raisonnement juridique. Je le comprends parfaitement. Ce débat est tellement porteur d’émotions que la discussion sereine de dispositions juridiques n’est pas facile ; elle a d’ailleurs été immédiatement contestée. Il s’en est trouvé, notamment dans une certaine presse, pour affirmer que la commission des lois avait été légère. Je le conteste. Ainsi, ce que certains échotiers, qui ne connaissent pas forcément le droit,…
M. Charles Pasqua. Ils ne peuvent pas tout savoir ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … disent concernant l’article 1382 du code civil ne correspond pas à la réalité.
Le Sénat est aujourd'hui invité à examiner la proposition de loi tendant à réprimer la contestation de l’existence du génocide arménien déposée par Serge Lagauche et trente de ses collègues socialistes.
Je rappelle que la France a officiellement et publiquement reconnu le génocide arménien de 1915 par la loi du 29 janvier 2001. De nombreux autres pays ont, eux aussi, reconnu l’existence du génocide arménien, mais leur Constitution leur permettait de le faire par voie de résolution, ce qui n’était pas possible en 2001 dans notre pays, à une époque où les résolutions étaient interdites. Je tiens à le rappeler à ceux qui auraient la tentation de refaire l’histoire. Le Parlement européen a lui aussi reconnu le génocide arménien par voie de résolution.
Le texte dont nous discutons aujourd’hui prévoit de franchir une étape supplémentaire en punissant d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende les personnes qui contesteraient publiquement l’existence du génocide arménien de 1915, sur le modèle de l’article 9 de la loi du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, dite « loi Gayssot », qui sanctionne pénalement la contestation de l’existence de la Shoah.
Comme vous le savez sans doute, monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission des lois a estimé que ce texte soulevait de réelles difficultés d’un point de vue constitutionnel et elle a, par conséquent, décidé de proposer au Sénat de lui opposer l’irrecevabilité.
Que les choses soient très claires : il n’est pas question pour la commission, comme je l’ai lu, de nier de quelque manière que ce soit l’existence du génocide arménien ; la loi du 29 janvier 2001 l’a reconnu solennellement. Toutefois, la commission des lois a estimé que le recours à la voie pénale soulevait de réelles difficultés juridiques et suscitait un risque de censure assez certain. J’y reviendrai dans un instant.
Avant cela, je souhaite rappeler brièvement les éléments du débat.
Le génocide arménien est une réalité historique aujourd’hui largement reconnue.
Dans le contexte de la Première Guerre mondiale et de l’affrontement russo-turc dans le Caucase, les dirigeants de l’empire ottoman ont décidé, à partir d’avril 1915, de déporter l’ensemble de la population arménienne d’Anatolie et de Cilicie vers les déserts de Syrie et d’Irak. Au total, environ les deux tiers de la population arménienne de l’Empire ottoman – entre 800 000 et 1,25 million de personnes selon les évaluations faites par les historiens – auraient péri dans ces circonstances.
Ces massacres sont souvent d’ailleurs présentés comme le premier génocide du XXe siècle.
Toutefois, il convient de rappeler que ce n’est qu’à l’issue de la Seconde Guerre mondiale que les notions de « crime contre l’humanité » et de « génocide » sont officiellement reconnues comme des concepts juridiques.
Le « crime contre l’humanité » est ainsi défini pour la première fois par le statut du tribunal militaire international de Nuremberg ; la notion de « génocide », évoquée par notre collègue tout à l’heure, fait quant à elle l’objet d’une reconnaissance officielle avec l’adoption, en décembre 1948, de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
J’attire votre attention sur le fait que, pour l’essentiel, les éléments matériels constituant le crime de génocide ou les autres crimes contre l’humanité correspondent à des infractions réprimées par ailleurs par le droit pénal : assassinat, tortures, violences, etc. Ces crimes prennent la qualification de « génocide » ou de « crime contre l’humanité » en présence d’un élément moral spécifique : l’exécution d’une entreprise criminelle de grande envergure guidée par des motifs idéologiques et caractérisée par l’existence d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire.
En l’état actuel de la recherche historique et scientifique, la qualification de génocide peut être appliquée rétroactivement aux massacres commis contre les populations arméniennes en 1915 : la simultanéité dans les meurtres, le caractère identique des méthodes employées, « l’inutilité » sur un plan stratégique de nombreuses déportations plaident pour une planification visant à homogénéiser la population arménienne d’Anatolie plutôt qu’à éliminer une soi-disant « cinquième colonne ».
Néanmoins, aucune organisation internationale ni aucune juridiction internationale ou française ne se sont jamais prononcées sur les responsabilités et la qualification des massacres ainsi perpétrés. C’est ici l’une des sources des difficultés sur lesquelles je reviendrai dans un instant.
Suivant l’exemple donné par une quinzaine de parlements étrangers, par le Parlement européen et par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, entre autres, la France, je le rappelle, a officiellement reconnu l’existence du génocide arménien par la loi du 29 janvier 2001.
Je dirai un mot sur la question de la contestation de l’existence du génocide arménien devant les tribunaux français, surtout après ce que j’ai pu lire dans la presse émanant de certains qui croient connaître le droit mieux que moi. Je ne le connais pas beaucoup, mais un petit peu tout de même ! (Sourires.)
En l’espèce, comme je l’explique dans mon rapport, seule la négation de la Shoah est susceptible de donner lieu à des poursuites pénales, sur le fondement de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, introduit par la loi Gayssot.
De ce fait, la jurisprudence a considéré que les personnes contestant l’existence du génocide arménien pouvaient faire l’objet d’une action au civil, sur le fondement de la responsabilité de droit commun édictée par l’article 1382 du code civil. Et je maintiens cette possibilité, qu’a rappelée la Cour de cassation !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En dépit d’un arrêt de la Cour de cassation de septembre 2005, qui reste résiduel, les abus à la liberté d’expression qui n’entrent pas dans le champ de la loi de 1881 sur la liberté de la presse peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1382 du code civil. Je vous rappelle d’ailleurs un arrêt de la première chambre civile du 30 octobre 2008.
M. Bernard Piras. Je répondrai à cela tout à l’heure !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les juridictions ont ainsi admis la recevabilité d’actions engagées devant le juge civil contre un historien en 1995 ou, plus récemment, contre l’encyclopédie Quid. Je vous renvoie, d’ailleurs, à un arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 mars 2007.
Des voies de recours existent donc bien à l’encontre des personnes qui contestent l’existence du génocide arménien.
M. Bernard Piras. Elles sont totalement insuffisantes !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En revanche, dès lors que les propos tenus entrent dans le cadre de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, seule cette dernière est applicable. C’est notamment le cas en matière de provocation à la haine raciale ou d’apologie de crimes contre l’humanité, qui inclut l’apologie du génocide arménien.
Là aussi, les voies de recours existent.
J’en viens maintenant aux trois difficultés majeures que nous paraît soulever cette proposition de loi.
Tout d’abord – on ne peut le nier –, l’examen de ce texte s’inscrit dans le cadre du débat actuel, plus large, sur la légitimité des « lois mémorielles », notion utilisée pour désigner sept lois, adoptées au cours des vingt dernières années, par lesquelles le législateur a, au nom du devoir de mémoire, porté une appréciation sur des périodes ou des acteurs de l’histoire.
Je citerai à ce titre la loi du 21 mai 2001 sur la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité, la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation en faveur des Français rapatriés.
Ces lois soulèvent une question de principe : nous appartient-il à nous, législateur, de qualifier juridiquement le passé et d’assortir ces qualifications de sanctions pénales ? La commission des lois considère qu’il s’agit là d’un domaine dans lequel il importe d’être extrêmement prudent.
D’ailleurs, s’agissant des massacres commis en 1915, un important travail de recherche historique reste à accomplir sur la compréhension des causes du génocide, la détermination des auteurs ou encore le rôle joué par d’autres minorités dans la perpétration de ces actes, par exemple. Or la crainte de faire l’objet de poursuites pénales pourrait entraver la tâche des historiens qui travaillent pourtant de bonne foi sur ces sujets complexes.
Avec la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, nous pouvons désormais prendre position sur des sujets importants par le biais de résolutions, sans recourir à la loi, qui a vocation à édicter des normes invocables devant les tribunaux. C’est tout à fait autre chose !
En tout état de cause, la commission des lois partage pleinement les conclusions de M. Bernard Accoyer dans son rapport de 2008 sur les lois mémorielles, où il est préconisé de renoncer désormais à la loi pour porter une appréciation sur l’histoire ou la qualifier.
La deuxième difficulté soulevée par ce texte est qu’il ne nous paraît pas possible d’ignorer les répercussions que serait susceptible d’entraîner l’adoption de cette proposition de loi dans la société turque.
Force est en effet de constater que la question du génocide arménien est encore largement taboue en Turquie, même si un début d’évolution semble se manifester au sein de la société civile et du monde universitaire.
À cet égard, comme l’ont affirmé plusieurs intellectuels turcs favorables à une évolution des autorités sur ce sujet, l’adoption de la présente proposition de loi ne pourrait que contrarier ce mouvement, à rebours de l’objectif poursuivi.
Cette proposition de loi ne contribuerait pas non plus à encourager le timide réchauffement des relations entre la Turquie et l’Arménie, engagé depuis l’été 2008.
Comme on l’a rappelé, ces deux États ont signé le 10 octobre 2009 à Zurich deux protocoles sur l’établissement de relations diplomatiques et le développement de relations bilatérales, en présence notamment du ministre français des affaires étrangères et européennes.
Sans doute la mise en œuvre de ces protocoles est-elle lente et difficile. Mais précisément, l’adoption de la présente proposition de loi ne pourrait que nuire aux efforts réalisés par la France pour soutenir ce processus.
Là aussi, soyons très clairs : la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ne doit pas être envisagée comme un débat pour ou contre la Turquie.
La véritable question est la suivante : appartient-il au juge pénal français de s’immiscer dans une question qui regarde avant tout les Turcs et les Arméniens ?
Non seulement nous ne le pensons pas, mais nous estimons en outre que la proposition de loi pose de réels problèmes constitutionnels. Il s’agit là de la troisième difficulté posée par ce texte.
J’en viens en effet au cœur du dispositif de la proposition de loi et aux raisons juridiques qui ont conduit la commission des lois à proposer au Sénat de lui opposer une motion d’irrecevabilité.
La proposition de loi nous paraît en effet présenter le risque d’être contraire à plusieurs principes constitutionnels : risque de contrariété avec le principe de la légalité des délits et des peines, d’une part, risque d’atteinte excessive au droit à la liberté d’expression et d’opinion, d’autre part.
Je développerai plus largement ces deux arguments au moment de défendre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Pour l’instant, je souhaiterais attirer l’attention sur le fait que la proposition de loi diffère très sensiblement de la loi Gayssot.
En effet, la pénalisation de la contestation de la Shoah a fait l’objet de conventions internationales et de décisions de justice revêtues de l’autorité de la chose jugée. Rien de tel – oserais-je dire : hélas ! – s’agissant du génocide arménien.
Mettons-nous à la place d’un tribunal correctionnel qui serait saisi d’écrits ne niant pas frontalement l’existence du génocide arménien, mais le minimisant, affirmant qu’à tel ou tel endroit, il n’a pas eu lieu ou que telle ou telle personne n’y a pas participé. Sur quelle base solide s’appuiera-t-il pour décider si les écrits en question entrent ou non dans le champ de l’infraction pénale que l’on veut créer par cette proposition de loi ? Il y a là une difficulté majeure sur laquelle le Conseil constitutionnel ne manquerait pas de se pencher.
J’attire par ailleurs votre attention, mes chers collègues, sur le fait que le droit européen admet les infractions pénales tendant à limiter la liberté d’expression dès lors que celles-ci se rattachent à un objectif « actuel » de lutte contre la haine raciale et contre les discriminations.
En l’espèce, on ne peut pas dire qu’il y ait aujourd’hui en France, à l’encontre de nos compatriotes d’origine arménienne, un discours de rejet et de haine qui soit comparable à l’antisémitisme de la fin des années quatre-vingt.
Dans ces conditions, la création d’une infraction pénale serait très certainement considérée par le juge constitutionnel et par la Cour européenne des droits de l’homme comme portant une atteinte excessive à la liberté d’opinion et d’expression.
C’est pour ces deux raisons principales que la commission a décidé – à l’unanimité ! – d’opposer une motion d’irrecevabilité à la proposition de loi.
J’espère, mais la tâche était peut-être impossible, avoir dissipé les malentendus qu’a pu susciter chez certains la position adoptée par la commission des lois. En aucun cas il ne s’agit de minimiser l’importance des massacres commis en 1915, ni de prendre position en faveur de la Turquie au détriment de l’Arménie.
Nous considérons simplement que l’intervention du juge pénal dans le jugement de l’histoire soulève des problèmes de droit qui ne manqueraient pas d’être invoqués devant le Conseil constitutionnel.
Aussi la commission des lois vous propose-t-elle d’opposer à la présente proposition de loi l’exception d’irrecevabilité dans les conditions prévues par l’article 44 du règlement du Sénat. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP ainsi que sur quelques travées de l’Union centriste.).
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes appelés à vous prononcer sur la proposition de loi tendant à réprimer la contestation de l’existence du génocide arménien, déposée sur le bureau du Sénat par M. Serge Lagauche et trente membres du groupe socialiste.
Cette proposition de loi vise à inscrire dans la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien une nouvelle infraction pour contestation de l’existence de ce génocide. Le texte prévoit de punir « des peines prévues à l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ceux qui auront contesté […] l’existence du génocide arménien ».
Bien évidemment, on ne peut que comprendre les motivations profondes des auteurs de la proposition de loi et les attentes de la communauté arménienne.
Les faits parlent d’eux-mêmes : le peuple arménien vivant dans l’Empire ottoman a connu une période tragique, qui s’est traduite par la disparition des deux tiers de sa population, soit environ 1,5 million d’Arméniens exterminés, tandis que la majorité des survivants, à savoir 800 000 Arméniens, se sont exilés à travers le monde, notamment en France.
Je tiens à rappeler ici, mesdames, messieurs les sénateurs, que les communautés arméniennes de France se sont parfaitement intégrées à notre population. Beaucoup d’Arméniens sont des éléments moteurs de notre vie en commun et de notre vie sociale, sur le plan politique, sur le plan économique ou encore sur le plan culturel, où ils se sont particulièrement illustrés. Je veux saluer notamment M. Charles Aznavour, qui est présent aujourd’hui dans les tribunes du Sénat.
La preuve suprême de cette intégration a été donnée par l’engagement des Arméniens dans la résistance lors de l’occupation allemande, et notamment celui de Missak Manouchian. Chacun a en mémoire les vers du poème d’Aragon connus sous le titre « L’Affiche rouge » célébrant le sacrifice du groupe Manouchian.
Le Parlement français a reconnu publiquement, par la loi du 29 janvier 2001, l’existence de ce génocide. Comme on a bien voulu le rappeler, j’étais à l’époque l’un des six sénateurs cosignataires de la proposition de loi qui a alors été adoptée.
Par ce texte, la France a accompli un acte solennel fort, consciente de l’importance du souvenir, et de l’importance qu’il y avait à honorer la mémoire des Arméniens, aussi. Le génocide arménien est donc dans la mémoire et dans le cœur du peuple français.
Notre droit réprime la contestation des crimes contre l’humanité commis pendant la Seconde Guerre mondiale qui ont été judiciairement constatés par une juridiction française ou internationale à la suite d’un débat judiciaire contradictoire respectueux des droits de la défense.
L’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, qui est issu de la loi Gayssot du 13 juillet 1990, sanctionne la négation de la Shoah et n’est donc pas applicable à la contestation du génocide arménien. Il est indéniable que toute plainte de cette nature déposée sur le fondement de la loi Gayssot ne pourrait pas prospérer.
En revanche, je tiens à le souligner dès à présent, d’autres qualifications pénales sont susceptibles de fonder la poursuite de tels propos.
Le négationnisme relève le plus souvent d’une logique de provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale, nationale ou religieuse. De tels agissements sont systématiquement poursuivis par le ministère public.
La question qui se pose est donc de savoir si l’adoption de la présente proposition de loi apportera une meilleure protection de la communauté arménienne. La réponse est loin d’être évidente.
En tant que ministre de la justice et des libertés, il est de ma responsabilité de vous indiquer que ce texte répressif pose un certain nombre de problèmes de conformité aux normes juridiques supérieures, internes et internationales.
Nous devons, me semble-t-il, réfléchir ensemble, afin de ne pas nous mettre en situation d’offrir une victoire aux négationnistes, qui pourraient peut-être obtenir la censure du texte grâce à une question prioritaire de constitutionnalité ou à un recours mettant en cause sa conventionnalité.
La proposition de loi qui est soumise au Sénat soulève des interrogations au regard de deux grands principes, que M. Hyest a d’ailleurs rappelés.
D’une part, le principe de légalité des délits et des peines, consacré par l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, emporte obligation pour le législateur de définir les incriminations en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire. Le Conseil constitutionnel l’a expressément indiqué dans sa décision du 20 janvier 1981.
Or la présente proposition de loi ne repose sur aucune définition précise des faits constitutifs du génocide qui seraient inscrits dans une convention internationale ou établis par une décision définitive rendue par une juridiction internationale.
Adosser la sanction pénale à la reconnaissance par la loi du 29 janvier 2001 du génocide arménien de 1915 ne me paraît pas suffisant ; M. Lagauche l’a d’ailleurs indiqué lui-même. Cette loi a une vertu incontestable : elle affirme explicitement, et cela a une signification claire pour le gouvernement de la République française, que le génocide arménien est une réalité. Mais, comme l’a souligné le doyen Georges Vedel, la portée normative de ce texte semble incertaine.
À cet égard, je souligne que, par un arrêt du 7 mai 2010, la Cour de cassation a refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, au motif qu’y est définie de manière claire et précise l’infraction de contestation de l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité établis dans des textes internationaux.
A contrario, la question prioritaire de constitutionnalité aurait été transmise. C’est ce qui peut arriver à la présente proposition de loi. En effet, la Cour ne pourrait très vraisemblablement pas tenir le même raisonnement si une question prioritaire de constitutionnalité lui était soumise. Le risque d’une censure constitutionnelle existe donc.
D’autre part, la liberté d’expression est protégée par les articles XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – MM. Lagauche et Hyest l’ont rappelé – et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Je le rappelle – il s’agit d’un sujet d’actualité –, la Cour européenne des droits de l’homme n’admet de restrictions à la liberté d’expression qu’à des conditions extrêmement précises, dûment motivées et proportionnées à l’objectif recherché, comme la discrimination ou le trouble à l’ordre public. C’est ce qu’a rappelé la Cour de Strasbourg dans sa décision Garaudy contre France du 24 juin 2003 relative à la contestation des crimes contre l’humanité commis pendant la Seconde Guerre mondiale.
La Cour vérifie qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les restrictions imposées à la liberté d’expression et l’objectif légitime visé. De plus, elle protège tout particulièrement le principe de la liberté d’expression dans le cadre des débats sur des faits historiques et politiques.
La spécificité de la loi du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, dite « loi Gayssot », tient au fait qu’elle réprime des propos contestant des faits historiques revêtus de la chose jugée, c’est-à-dire les crimes contre l’humanité condamnés par le tribunal de Nuremberg et la convention de Londres de 1945.
C’est là un point particulièrement important en droit, et mon devoir était de le souligner ici, d’autant plus que le Sénat et l’Assemblée nationale seront saisis d’un texte de transposition d’une décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal.
Conformément à l’article 1er, paragraphe 4, de cette décision-cadre, la France « ne rendra punissables la négation ou la banalisation grossière des crimes visés au paragraphe 1, points c et/ou d, que si ces crimes ont été établis par une décision définitive rendue exclusivement par une juridiction internationale ».
La transposition en droit interne se fera prochainement. Voilà qui pose à l’évidence un problème par rapport au texte soumis aujourd’hui à l’examen du Sénat.
Renoncer à ces garanties juridiques fondamentales dans le cadre de la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui reviendrait à adopter un texte fragile.
En revanche, et quel que soit le sort réservé au texte dont le Sénat débat aujourd'hui et l’Assemblée nationale débattra demain, le Gouvernement ne restera pas inerte. Comme je l’ai indiqué au début de mon intervention, pour la France, le génocide arménien est un fait, une donnée établie.
Aussi, à la demande du Président de la République, qui, comme M. Lagauche l’a rappelé, a rencontré samedi les responsables de la communauté arménienne – je les ai moi-même reçus en début de semaine –, deux actions seront lancées par le Gouvernement.
D’une part, une circulaire sera adressée dès la fin de la semaine à tous les procureurs généraux, en vue d’organiser la répression des infractions dont les membres de la communauté arménienne résidant en France sont susceptibles d’être victimes du fait de leur origine.
Nous rappellerons l’ensemble des dispositions pénales susceptibles d’être mises en œuvre – je les ai évoquées au début de mon intervention – pour que les membres de la communauté arménienne puissent obtenir justice sur la question du génocide subi par leur peuple.
D’autre part, j’ai proposé aux responsables de la communauté arménienne de constituer une collaboration technique régulière entre les juristes de cette communauté et ceux de la Chancellerie, comme cela existe avec les représentants du Conseil représentatif des institutions juives de France, le CRIF. Il s’agira de se réunir très régulièrement pour examiner les cas de négation de génocide ou de racisme envers des membres de la communauté arménienne.
Comme je l’ai indiqué alors à mes interlocuteurs, nous pouvons évidemment travailler ensemble et avancer. Et nous le ferons, quel que soit le sort réservé à la présente proposition de loi.
De toute manière, des actions peuvent être menées sur la base du droit commun, notamment l’article 1382 du code civil. Là encore, nous travaillerons avec les juristes de la communauté arménienne. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 30 octobre 2008 a rappelé ce principe. J’ai bien l’intention de veiller à faire en sorte qu’une telle jurisprudence soit correctement appliquée.
Je ne saurais naturellement ignorer en cet instant, au-delà des simples questions de droit, qui sont fondamentales, mais qui apparaissent toujours comme par trop rationnelles, la dimension émotionnelle, qui a toute sa place ici compte tenu de ce que nous dit de ses souffrances la communauté arménienne.
C’est précisément parce que le Gouvernement est particulièrement conscient de la réalité de ces souffrances que nous voulons répondre par des mesures simples, concrètes, efficaces et immédiatement applicables.
Naturellement, il appartient au Parlement de prendre ses responsabilités. À lui de décider s’il souhaite adopter la présente proposition de loi, avec les problèmes qu’elle soulève. Comme le Président de la République l’a indiqué, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur certaines travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur l’ambassadeur,…
M. Jean-Pierre Michel. On s’adresse à l’hémicycle !
Mme Nathalie Goulet. … mes chers collègues, nous sommes saisis d’un sujet délicat, quelques jours à peine après le 24 avril, date anniversaire du génocide arménien de 1915, qui est reconnu comme tel par le législateur.
La reconnaissance du génocide arménien étant devenue loi de la République, elle est indiscutable et doit être respectée par tous.
À l’instar d’autres dispositions – je pense à celles qui sont relatives au retrait de la nationalité française, retirées grâce à l’action des sénateurs centristes –, la présente proposition de loi, qui concerne le génocide, nous renvoie à notre propre histoire.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire à cette tribune, la quasi-totalité de ma famille a été exterminée dans les camps de concentration, et la notion de génocide est, hélas ! ancrée dans ma mémoire et dans celle de mes enfants ; c’est, en somme, notre mémoire collective.
Je fais partie d’un peuple qui, lui aussi, « dort sans sépulture », « a choisi de mourir sans abdiquer sa foi » et « n’a jamais baissé la tête sous l’injure ». (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Je peux comprendre les blessures, le sentiment d’injustice et l’incompréhension des victimes d’un génocide et de leurs descendants, même quatre-vingt-dix ans après les faits.
La France a accueilli des milliers de réfugiés arméniens qui ont, comme l’illustrent les héros de L’Affiche rouge et Missak Manouchian – M. le garde des sceaux l’a rappelé –, payé cher le droit d’être français.
Néanmoins, si les uns et les autres font preuve d’un peu de bonne volonté, ce débat peut être l’occasion de mettre un terme à une polémique. Puisque nous en avons l’occasion, et puisque nous sommes entre nous, parlons un peu du Caucase, région attachante et si prompte à s’enflammer.
Les Azerbaïdjanais sont totalement étrangers au génocide arménien de 1915. Et je voudrais rappeler ici quelques éléments historiques qui pourront nous servir dans la suite de nos débats.
La Première Guerre mondiale a éclaté à cause et sur la base des traités diplomatiques : d’une part, la « Triple entente », entre la République française, l’empire britannique et l’empire russe, et, d’autre part, la « Triplice », cette triple alliance entre l’empire allemand, l’empire austro-hongrois, puis, en 1914, l’empire ottoman, sous quasi-protectorat allemand.
La Russie avait déjà battu l’empire ottoman lors d’une offensive en 1877. L’armée impériale russe avait intégré dans ses effectifs, à côté des troupes arméniennes russes, des contingents arméniens originaires d’Anatolie orientale ottomane.
Les uns et les autres participent donc directement aux opérations du front oriental. Il est ainsi historiquement prouvé que les Azerbaïdjanais sont totalement étrangers au génocide arménien. Si un litige territorial existe aujourd'hui entre les deux pays, il est donc pour le moins spécieux d’utiliser cet argument pour justifier le maintien de l’Arménie dans des territoires reconnus internationalement comme appartenant à l’Azerbaïdjan.
La soif de reconnaissance d’événements tragiques ne doit pas masquer les failles de la diplomatie arménienne actuelle. Tout comme la Shoah ne doit pas et ne peut pas excuser les exactions à Gaza, le passé douloureux du peuple arménien ne l’autorise pas à occuper par la force des territoires qui ne sont pas les siens.
Le différend sur son rattachement date des débuts de l’Union soviétique.
Mais, au mois de févier 1992, plusieurs centaines de civils azerbaïdjanais sont tués lors de la prise de Khodjaly, où se trouve l’aéroport de la capitale. C’était bien en 1992 ; pas en 1915 ! Les victimes de Khodjaly, hommes, femmes et enfants innocents, sont elles aussi tombées, et nul n’a élevé la voix !
De l’avancée des forces arméniennes jusqu’au cessez-le-feu du mois de mai 1994, et le gel de la situation, ce sont 20 000 victimes, 1 million de réfugiés et de déplacés qui sont à dénombrer.
La France a une position très claire : elle n’a jamais accepté l’occupation des territoires azerbaïdjanais, ni reconnu l’indépendance du Haut-Karabagh.
M. Philippe Dallier. Quel est le rapport avec le débat d’aujourd'hui ?
Mme Nathalie Goulet. J’y viens, cher collègue !
La France soutient la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et travaille à la paix entre ce pays et l’Arménie. C’est un sujet d’actualité.
M. Philippe Dallier. Nous ne sommes pas dans les questions d’actualité !
Mme Nathalie Goulet. Nous avons reconnu le génocide arménien ; essayons maintenant de faire avancer la paix chaque fois que nous en avons l’occasion ici, au Sénat, au nom des victimes, pour que les enfants du Caucase, auxquels je m’adresse aujourd'hui, puissent continuer à avoir l’enfance que des adultes s’acharnent à leur voler.
L’ensemble du groupe de l’Union centriste, auquel j’appartiens, votera la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité présentée par la commission des lois. Nous espérons que les conflits, notamment ceux qui se déroulent dans le Caucase, région souvent oubliée, se trouveront réglés et apaisés par la visite que le Président de la République avait promise et qu’il n’a pas encore effectuée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini.
M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la reconnaissance du génocide arménien et la pénalisation de sa contestation sont des combats que le groupe socialiste et apparentés du Sénat continue de mener depuis plus de vingt ans.
François Mitterrand, mais aussi Jacques Chirac et de nombreux parlementaires, de gauche comme de droite, ont dit leur volonté de voir reconnue une tragédie que certains, aujourd'hui encore, cherchent à nier.
C’est il y a dix ans, le 29 janvier 2001, que Jacques Chirac, alors Président de la République, a promulgué une loi par laquelle « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. »
Je ne reviendrai pas ici sur la funeste date du 24 avril 1915, qui a vu l’élite arménienne de Constantinople massacrée par les agents d’un régime aveugle, massacre qui a conduit à l’extermination de plus de 1 million de personnes. Il s’agissait, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, du premier génocide du XXe siècle. Des historiens et spécialistes de l’Holocauste, dont Elie Wiesel et Yehuda Bauer, ont fait connaître publiquement leur position à l’orée de ce siècle pour que soit déclarée « incontestable la réalité du génocide arménien et inciter les démocraties occidentales à le reconnaître officiellement ».
En reconnaissant l’existence de ce génocide, la République française a donc symboliquement rendu au peuple arménien la part que certains ont cherché à effacer, à détruire, il y a plus de quatre-vingts ans.
L’Assemblée nationale a voté, le 12 octobre 2006, la pénalisation de la négation du génocide arménien.
Aujourd’hui, je veux insister sur la nécessité qu’il y avait, alors, à légiférer. Mille six cent soixante-trois jours après, la niche parlementaire socialiste permet de poursuivre le travail législatif des députés et met entre les mains des sénateurs une véritable responsabilité.
Devant vous, mes chers collègues, face à des tribunes où je reconnais nombre de visages, conscient de la gravité de cette discussion, je veux, en citant Stefan Zweig, souligner que « presque toujours, la responsabilité confère à l’homme de la grandeur ».
Oui, notre assemblée est face à ses responsabilités. Aujourd’hui, le débat sur la légitimité du Parlement à légiférer ou non est dépassé ; il relève du passé ! Aujourd’hui, nous avons le devoir d’être cohérents avec ce que nous avons voté en reconnaissant les moyens de sanctionner la négation du génocide.
Un parlementaire ne peut accepter que l’on contrevienne impunément à une loi de la République.
Je me permets d’insister sur la valeur d’exemplarité et le caractère préventif de la sanction pénale, qui ne peut – je vous le concède, mes chers collègues – être une fin en soi. L’heure n’est pas aux débats techniques ou juridiques, mais elle est bien au pragmatisme.
Permettez-moi, tout de même, de préciser qu’une loi prévoyant une sanction pénale ne limiterait pas la liberté d’expression. Cette dernière est encadrée, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Je ne suis pas juriste, mais je n’ignore pas qu’une loi ne doit pas être contraire à une convention internationale liant la France. Cependant, en l’absence d’une telle convention, il est logique que le peuple souverain, par l’intermédiaire de ses représentants, puisse voter une loi qu’il considère comme juste.
Quant à la question de la constitutionnalité de la présente proposition de loi, elle me laisse un goût amer : le bon sens aurait voulu que cette question soit soulevée en 2001. Est-il réellement utile et, surtout, est-il réellement judicieux de revenir dix ans après sur cet aspect du dossier ? L’argument est-il véritablement à la hauteur des responsabilités qui sont les nôtres face à l’attente de nos concitoyens d’origine arménienne et à la réalité sordide du négationnisme ?
J’insiste sur le fait que le négationnisme n’est pas un mode d’expression comme les autres ; son objectif premier est de falsifier l’histoire pour nier une réalité historique et effacer toute trace des génocides de la mémoire collective, voire de minimiser certains faits historiques. Personne ne doit accepter une telle attitude.
Je conclus mon propos en réaffirmant que garantir à chacun le respect auquel il a droit en tant qu’être humain est un instrument efficace pour combattre le communautarisme.
Enfin, il me semble que la société turque est plus courageuse que bon nombre d’entre nous, puisqu’elle est capable d’organiser des manifestations pour commémorer le 24 avril 1915,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est très bien !
M. Jean-Noël Guérini. … obligeant ainsi son gouvernement à infléchir sa position et à reconnaître une déportation. Une déportation plutôt qu’un génocide… C’est un début ! À nous, mes chers collègues, d’écrire la suite et d’inscrire dans la loi nos responsabilités afin de conférer à l’homme la grandeur dont parle Stephan Zweig ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le garde de sceaux, mes chers collègues, il y a maintenant dix ans, notre assemblée reconnaissait enfin officiellement le génocide subi par le peuple arménien de 1915 à 1918.
Je me souviens avec émotion de ces instants. Ce fut le 7 novembre 2000 que notre assemblée, réunie – fait historique – autour d’une proposition de loi signée par l’ensemble des familles politiques qui la composent, mit un terme aux tourments de nos frères arméniens, victimes d’un pesant déni de quatre-vingt-cinq années.
Le parallèle a quelque chose de presque surréaliste : quatre-vingt-seize ans après les faits, nous sommes appelés à nous prononcer aujourd’hui sur la proposition de loi de Serge Lagauche et de trente de ses collègues socialistes visant à pénaliser la négation du génocide arménien.
Auteur moi-même, avec Hélène Luc, Robert Bret et la très grande majorité du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, de plusieurs propositions de loi sur la reconnaissance de ce génocide comme sur la pénalisation de son négationnisme, j’ai toujours affirmé que le Parlement était resté au milieu du gué depuis la loi du 29 janvier 2001 reconnaissant officiellement le génocide du peuple arménien.
Je rappelle que la contribution des parlementaires communistes et apparentés a été constante : je peux le dire sans me montrer présomptueux. En effet, dès 1965, notre regretté collègue Guy Ducoloné déposait une proposition de loi à l’Assemblée nationale. Je pourrais ensuite citer mes collègues anciens sénateurs Hélène Luc et Robert Bret, sans oublier nos amis socialistes Jean-Paul Bret et Gilbert Chabroux.
Bien sûr, cette loi que nous avons votée avec enthousiasme a une portée symbolique évidente et considérable, mais elle n’a malheureusement aucune incidence juridique, aucune conséquence en matière de répression du négationnisme.
C’est pourquoi nous devons apporter une réponse pénale à la négation de ce génocide, et c’est l’objet de la présente proposition de loi que nous allons examiner et – je l’espère – adopter.
Dans le même esprit, mon groupe et moi-même avions déposé en 2005 une proposition de loi relative à l’incrimination pénale de la contestation publique des crimes contre l’humanité. Elle avait précisément pour objet de renforcer notre législation concernant la sanction de la contestation des génocides, en visant non seulement le génocide arménien de 1915, mais également les crimes contre l’humanité commis tout au long du XXe siècle, voire ceux qui pourraient malheureusement encore advenir.
Nous pensions et nous pensons toujours qu’une position consensuelle sur un texte de portée générale avait de meilleures chances d’aboutir.
Pourquoi un tel choix ? À l’époque, nous avions beaucoup travaillé, particulièrement à Marseille, avec de nombreuses organisations arméniennes dans le cadre d’un groupe de travail associant juristes et parlementaires afin de définir précisément les écueils à éviter, et auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, pour obtenir l’unanimité du Parlement.
Nous avions recensé trois attitudes à adopter : ne pas appréhender la question de la négation du génocide sous le seul angle de la loi Gayssot,…
M. Guy Fischer. … lequel, reconnaissons-le, est réducteur puisque ce texte est relatif uniquement à la presse ; envisager un texte de portée universelle en vue d’obtenir un avis favorable du Conseil constitutionnel ; enfin, stratégiquement, ne pas prêter le flanc à la pression de la Turquie, que nous estimions devoir considérer comme n’étant pas globalement négationniste.
J’ai d’ailleurs déposé en mai 2010 cette même proposition de loi relative à l’incrimination pénale de la contestation publique des crimes contre l’humanité afin de débloquer la situation et de sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvions.
L’essentiel pour nous ayant toujours été de contribuer, ensemble, au vote d’une loi qui condamne le négationnisme du génocide arménien, j’ai accueilli avec plaisir l’inscription à l’ordre du jour du Sénat de la proposition de loi de Serge Lagauche et de plusieurs de ses collègues.
Afin de renforcer leur position, j’ai déposé une nouvelle proposition de loi, qui reprend exactement les termes de la leur, mais je reconnais que la proposition de loi de 2005 était sans doute plus susceptible de faire l’unanimité, en ce qu’elle évitait notamment l’écueil d’une qualification de loi « mémorielle ».
Au point où nous en sommes aujourd’hui, dans le respect du travail de recherche des historiens et de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la représentation nationale a non seulement le droit, mais aussi le devoir de considérer que le négationnisme n’est pas un mode d’expression comme les autres : l’objectif est en effet alors de falsifier l’histoire pour effacer de la mémoire collective toute trace des génocides.
Aussi pouvons-nous légitimement compléter la portée de la reconnaissance officielle du génocide arménien en autorisant à son propos l’invocation du délit de négationnisme.
Oui, la négation du génocide arménien doit être sanctionnée par les mêmes peines que celles qui sont prévues pour la négation de la Shoah. La reconnaissance du génocide arménien et la condamnation pénale de sa contestation forment une même entité qu’il nous appartient de réunir enfin.
Une telle loi, si elle était adoptée, serait un progrès immense pour la cause arménienne, à laquelle je suis indéfectiblement attaché. Elle aurait le mérite d’envoyer un signal clair à tous les communautaristes qui cherchent à manipuler des femmes et des hommes sur la base d’idéologies racistes et négationnistes. En ce sens, elle constituerait un pas en avant non seulement pour la cause arménienne mais, plus largement, pour l’humanité tout entière.
De surcroît, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui ne tend ni à imposer une histoire d’État ni à stigmatiser la Turquie. Au contraire, elle vise à contribuer à la réconciliation entre les deux communautés, en rendant justice aux victimes du génocide arménien. De ce fait, nous nous prononçons en faveur d’un devoir de vérité et non de revanche. Seule cette préoccupation doit nous guider à l’heure actuelle.
Si la liberté d’expression doit être préservée, nous ne pouvons plus tolérer que, sur le sol de France, des groupuscules extrémistes, comme à Lyon en avril 2005, profanent par des graffitis et des slogans négationnistes le mémorial dédié au génocide des Arméniens de 1915 et à tous les génocides.
Certes, cette proposition de loi était perfectible et elle aurait gagné en légitimité grâce à un travail en intergroupes. Néanmoins, il serait pusillanime aujourd'hui de nous critiquer les uns les autres. L’important est que ce texte existe, qu’il nous soit présenté et qu’il emporte l’assentiment de la plus grande majorité possible de nos collègues de toutes les sensibilités politiques, capables de dépasser leurs différences. C’est ce que je vous exhorte à faire tout à l’heure, mes chers collègues.
Je pense sincèrement que cette proposition de loi est de nature à faire régresser le climat de haine et de tensions communautaires, les thèses et les propos niant une réalité historiquement avérée, celle du génocide subi par les Arméniens au début du XXe siècle.
Je voterai donc en conscience, comme le fera mon groupe, cette proposition de loi, et j’espère modestement avoir aidé à convaincre certains de nos collègues auxquels nous devons nous garder de reprocher leurs doutes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je ne m’embarrasserai ni de préliminaires ni de précautions oratoires pour m’exprimer sur le texte soumis à notre approbation : la proposition de loi que nous discutons est inopportune et inacceptable. Elle est en outre irrecevable car inconstitutionnelle. Notre collègue rapporteur, le président Jean-Jacques Hyest, l’a démontré avec autorité et clarté sans qu’il soit besoin de rien ajouter à son propos.
Je m’attacherai à décrire le caractère inopportun de la proposition de loi, en analysant ses conséquences politiques, puis son caractère inacceptable en m’efforçant de mettre en lumière les graves dérives auxquelles elle risque de conduire.
La proposition de loi ne peut que contribuer à détériorer davantage, s’il en était besoin, les relations entre la France et la Turquie, sans aider en rien la réconciliation nécessaire entre la Turquie et l’Arménie. J’en appelle, sur ce point, au témoignage de tous ceux de nos collègues qui se sont récemment rendus en Turquie.
On l’a dit, et je le répète : les autorités arméniennes n’ont jamais demandé aux pays membres de l’Organisation des Nations unies ou de l’Union européenne de voter pareil texte ; et il nous semble qu’ils sont les premiers intéressés à l’existence de bons rapports avec leur voisin turc.
Mais, au moment où l’onde de choc provoquée en Turquie par le lâche assassinat d’un journaliste d’origine arménienne estimé de tous, Hrant Dink, commence à susciter dans les consciences turques la nécessité d’admettre pour le dénoncer le génocide arménien, cette proposition de loi est particulièrement malvenue.
Elle contrarie les efforts des historiens, journalistes ou associations citoyennes turques qui souhaitent œuvrer en faveur de la réconciliation avec les Arméniens et ont commencé à cet effet un travail de vérité. Elle constitue un encouragement pour les extrémistes nationalistes qui se refusent à envisager par principe la moindre responsabilité dans les massacres dont ils nient la réalité.
Si la France veut jouer un rôle utile pour conduire la Turquie à accepter son passé, elle ne doit pas contribuer à envenimer les débats, mais doit au contraire faciliter les rapprochements entre hommes de bonne volonté, en Arménie et en Turquie.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Josselin de Rohan. Le déplacement à Erevan du président Abdullah Gül va dans ce sens. Nous saluons cette démarche et demandons qu’elle soit suivie de nouveaux gestes qui témoignent de la volonté turque d’entrer dans la voie de la coopération et de la paix véritable avec l’Arménie.
Le signe qu’un dégel s’amorce est le fait notable que de nombreux citoyens turcs qui avaient jusqu’alors caché leurs origines arméniennes n’hésitent plus, désormais, à les dévoiler et à les revendiquer. Cela n’eût pas été possible il y a seulement cinq ans. C’est aussi le signe que quelque chose a changé en Turquie ; nous devons accompagner ce mouvement.
Ce qui rend, à mes yeux, cette proposition de loi inacceptable, ce sont les graves dérives auxquelles elle risque de conduire.
Punir de 45 000 euros d’amende et d’un an d’emprisonnement quiconque aura contesté le génocide arménien et ouvrir à toute association se proposant de défendre les intérêts moraux des victimes du génocide arménien la possibilité de se porter partie civile en cas d’infraction supposée à la loi, voilà qui mène à tous les abus.
Nous en avons eu un exemple à propos de l’affaire Pétré-Grenouilleau. Qualifié par ses pairs d’« historien dont le travail irréprochable n’a jamais rien fait qui contredise les devoirs de l’historien et du citoyen », M. Olivier Pétré-Grenouilleau a été traduit devant les tribunaux par un collectif de Guyanais, d’Antillais et de Réunionnais pour avoir refusé de qualifier l’esclavage de « génocide » parce qu’il estimait, en conscience, qu’en l’occurrence le terme ne s’appliquait pas à cette catégorie de crimes contre l’humanité. Il avait également fait ressortir dans son ouvrage qu’un certain nombre de potentats ou de chefs de tribu africains avaient contribué à fournir des esclaves aux négriers, et cela aussi avait été attaqué.
Avec la proposition de loi que l’on nous propose, il en sera de même pour quiconque émettra le moindre doute sur les intentions de tel ou tel homme politique turc en 1917 de procéder à l’élimination systématique des Arméniens, ou sur l’étendue et la portée des massacres dans telle ou telle partie du territoire turc. Toute interrogation, toute critique sur ce point pourraient devenir délictuelles.
Désormais, il appartiendra au juge de dire l’histoire. Quiconque l’interpréterait dans un sens contraire à la vérité établie sera sanctionné. Mais, pas plus que le législateur, le juge n’a capacité à établir l’histoire.
Quel historien, dans ces conditions, se hasarderait à traiter d’un sujet qui l’exposerait aux foudres des associations de défense des victimes ? Faudra-t-il que les chercheurs publient à l’étranger les résultats de leurs travaux pour être sûrs de ne pas être dénoncés ? Faudra-t-il qu’ils s’exilent pour poursuivre leurs recherches ?
Comme le disait René Rémond, « c’est un trait des régimes totalitaires que de s’arroger le droit de tordre l’histoire à leur avantage et d’exercer un contrôle sur ceux dont c’est le métier d’établir la vérité en histoire ». Est-ce la voie sur laquelle veulent nous engager les auteurs de la proposition de loi ?
Pierre Nora, quant à lui, estime qu’« à travers la remise en cause de la recherche historique, c’est plus généralement la liberté de penser et de communiquer de tous les citoyens qui est en question ».
Je n’hésite pas à le proclamer, cette proposition de loi est liberticide, inquisitoriale et obscurantiste. Elle heurte la communauté des historiens, unanimes à en condamner l’esprit comme la lettre, car elle est une grave entrave à leur tâche.
Permettez-moi, enfin, de m’adresser à nos compatriotes d’origine arménienne.
Le génocide arménien, qui est l’un des pires crimes commis contre l’humanité, est un fait reconnu de tous. Nous l’avons transcrit dans la loi. Nous partageons votre souci de ne pas voir s’effacer la mémoire de ce forfait. Nous éprouvons de la compassion face à la douleur de vos pères, dont vous portez encore les stigmates.
Mais, si désireux que vous soyez de témoigner de votre histoire, vous ne pouvez pas exiger que la défense de vos intérêts moraux soit assurée aux dépens des droits fondamentaux garantis par notre Constitution que sont la liberté de parole et la liberté d’expression.
C’est justement parce que la France est une terre de liberté que tant des vôtres ont voulu s’y établir. C’est pour notre liberté que sont morts des hommes tels que Missak Manouchian et ses compagnons. N’écoutez pas ceux qui veulent dévoyer votre cause en l’entraînant sur la voie du communautarisme et de l’extrémisme ! Elle est trop juste pour que vous la laissiez altérer. (Applaudissements sur la plupart des travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous nous flattons tous que la France soit encore reconnue dans beaucoup de pays comme patrie des droits de l’homme. Cependant, l’attitude de notre pays à l’occasion de certains événements internationaux récents écorne cette réputation. La France n’est déjà plus la référence spontanée dans la conscience universelle.
Mes chers collègues, qu’adviendrait-il si, ici et maintenant, nous convenions de nous ériger en censeurs de l’histoire, de tous les événements du monde, dans l’espace et le temps ?
Cette arrogance serait tout à fait dommageable au rôle que nous voulons jouer.
Qui sommes-nous pour blâmer un peuple au nom des agissements de ses générations passées ? Nous ne sommes ni professeurs de vertu ni conscience du monde, ni comité d’historiens. Nous sommes juste des législateurs français, établissant les codes de vie commune applicables sur notre territoire pour aujourd’hui et pour demain.
Les historiens nous le demandent d’ailleurs, et s’opposent fortement aux lois mémorielles qui deviennent, je le constate, une tendance du Parlement.
Dans le cas qui nous occupe, si le génocide arménien n’est pas contesté, il reste encore cependant beaucoup de recherches à effectuer pour les historiens. Il est donc important de ne pas interférer dans leurs travaux.
Nous devons légiférer pour le bien de tous et non en réponse à l’une ou l’autre des communautés pour de vagues raisons électoralistes.
Loin de moi l’idée de contester l’atrocité des crimes commis au début du siècle dernier. Ils ont été perpétrés à des milliers de kilomètres de notre pays et n’ont en rien impliqué les ressortissants français. Regardons plutôt vers l’avenir, et non vers le passé.
Nous devons légiférer dans l’intérêt commun et prendre en compte les liens diplomatiques de notre pays dans le monde et la recherche de la paix.
Je souligne que des voies de recours existent déjà dans le droit français actuel pour punir les personnes contestant tout génocide. Ce texte me paraît donc au minimum inutile.
Mais je suis persuadé aussi que ce texte est carrément dangereux. En effet, il flatte et même exacerbe le nationalisme, il entrave toute tentative de dialogue entre les peuples turc et arménien. S’il est adopté, les liens entre la France et la Turquie seront à reconstruire entièrement, à un moment où ils sont déjà très détériorés. Quant aux bribes de dialogues entamés entre Turcs et Arméniens, il n’en restera rien.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Charles Gautier. Enfin, ne peut-on pas craindre que les relations entre les Français d’origines turque et arménienne se dégradent de la même manière ? Quel est l’intérêt de la France à opposer l’une à l’autre deux communautés vivant sur son territoire ?
Mes chers collègues, de nombreux autres ressortissants français ont eu aussi à subir de grandes souffrances relevant de crimes contre l’humanité ; ils n’ont pas tous la chance de constituer une communauté assez nombreuse pour faire entendre leur douleur. Partant de ce constat, il me semble que nous introduirions une distorsion de traitement entre nos concitoyens. L’universalisme est une valeur trop précieuse pour être bafouée de la sorte.
La France, qui a inventé la laïcité, cette neutralité de l’État vis-à-vis des opinions religieuses, doit faire de même lorsqu’il s’agit de l’histoire et de sa lecture.
C’est pour toutes ces raisons que je m’opposerai à ce texte.
Quant à l’irrecevabilité, je vous en laisse juges, mes chers collègues.
Cette proposition de loi a toutefois un mérite : celui de poser le débat. Espérons que, demain, il sera définitivement clos. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste ainsi que sur la plupart des travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’associe à mon intervention ma collègue Sophie Joissains, sénatrice des Bouches-du-Rhône et élue d’Aix-en-Provence.
Nous sommes aujourd’hui saisis d’un sujet délicat. La proposition de loi qui nous est présentée a pour objet, comme celle qui a été adoptée en 2006 à l’Assemblée nationale, de punir au moyen de sanctions pénales ceux qui nient les souffrances endurées par les victimes du génocide arménien de 1915 commis par l’État turc. Elle tend à compléter la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance dudit génocide.
Je comprends bien les arguments juridiques de la commission des lois en faveur d’une exception d’irrecevabilité. J’admets parfaitement qu’une majorité de nos collègues, de gauche comme de droite, se rendent à ces arguments. De façon générale, ce que l’on appelle désormais les « lois mémorielles » pose effectivement problème.
Pourtant, lors de mon vote, qui m’est personnel, je ne prendrai pas en compte la solidité des arguments juridiques de la motion d’irrecevabilité, dont les fondements sont indéniables. Par mon vote, mes chers collègues, je veux dénoncer ce qui à mes yeux constitue un scandale.
Tout d’abord, je n’admets pas que l’État turc, toujours candidat à l’entrée dans l’Union européenne, puisse dans sa propre législation continuer, lui, à pénaliser sévèrement ses ressortissants sous le seul prétexte qu’ils sont désireux que leur pays assume la responsabilité dudit génocide.
Je veux également dénoncer l’hypocrisie européenne, dont les responsables, imperturbablement, et en dépit des faits mentionnés, poursuivent, au nom du respect des droits de l’homme et des avancées démocratiques, les négociations sur l’intégration turque au sein de l’Union.
Bien loin des arguments constitutionnels aujourd’hui légitimement invoqués, les motifs avancés par nombre d’opposants à la pénalisation du négationnisme du génocide arménien s’assimilent le plus souvent à de sordides calculs économiques en raison du chantage que la Turquie exercerait sur nos entreprises.
Mes chers collègues, mettre en regard des contrats et les victimes arméniennes massacrées me met, personnellement, très mal à l’aise.
Céder, à contresens de nos valeurs humanistes et démocratiques, aux chantages d’un État étranger est, de mon point de vue, impossible. Ne pas réagir fermement aux exactions commises, à l’instigation d’un État étranger, contre nos compatriotes arméniens de souche relève de la lâcheté et justifie que l’on réprime sévèrement la négation de l’existence du génocide arménien.
Oui, je revendique, à titre personnel, une proximité avec les Français d’origine arménienne, issus d’une diaspora durement éprouvée au début du XXe siècle. Oui, j’assume personnellement et totalement ma reconnaissance du génocide arménien.
En 2006, alors député, j’ai voté la proposition de loi présentée par mon collègue de Marseille, Christophe Masse, pénalisant la négation de ce génocide. En dépit des éléments nouveaux survenus depuis lors et qui fondent sa légitimité, je voterai, pour toutes les raisons évoquées, contre la motion d’irrecevabilité. Je ne me dédirai pas aujourd’hui, et mon vote penchera en faveur du texte présenté par le sénateur socialiste Serge Lagauche.
Il reste, mes chers collègues, que ce débat me laisse un goût amer, en raison de l’hypocrisie de certains. Que nos compatriotes d’origine arménienne ne s’y trompent pas ! Certes, la manœuvre était bien montée : présenter dans la niche parlementaire socialiste un texte satisfaisant la nombreuse diaspora arménienne de France et ne faire aucun effort pour le faire adopter ensuite, faisant ainsi endosser à la majorité et au Gouvernement la responsabilité de l’échec. Mais la ficelle est un peu grosse !
Mesdames, messieurs les socialistes, n’avez-vous donc pas retenu les leçons du vote de 2001, ou de celui de 2006 à l’Assemblée nationale ? Ne savez-vous pas que la seule chance de faire adopter un texte de ce type était de le faire signer par des sénateurs de tous les bords de l’hémicycle, comme naguère, le sénateur maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, qui avait, lui, sollicité l’ensemble des présidents de groupe de la Haute Assemblée pour les associer à son combat en faveur de la reconnaissance du génocide arménien ?
M. Bernard Piras. C’était mon initiative !
M. Bruno Gilles. Si c’est le cas, je vous en félicite, cher collègue !
M. Bernard Piras. Merci !
M. Bruno Gilles. Ce qui est sûr, et quel qu’en soit l’auteur, c’est que M. Gaudin s’était associé à l’initiative.
Oui, comme un ami de longue date des Français arméniens de souche, je voterai en faveur du texte de Serge Lagauche et contre l’exception d’irrecevabilité, mais je proteste devant vous, solennellement, car ce sujet grave et douloureux méritait mieux qu’une petite combine partisane ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.– Protestations sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. Pourquoi alors ne pas avoir pris vous-même l’initiative ?
M. Jean-Pierre Michel. On ne le voit jamais !
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, au moment où notre assemblée entame l’examen de la proposition de loi « tendant à réprimer la contestation de l’existence du génocide arménien », je pense qu’il faut avoir à l’esprit cette maxime latine : summum jus, summa injuria.
J’entends bien les arguments de la commission des lois ainsi que de tous ceux qui, pour repousser cette proposition, invoquent le droit ou la diplomatie.
Le droit, M. le rapporteur l’invoque quand il souligne, au soutien de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, qu’« à l’inverse du dispositif prévu par la “loi Gayssot” s’agissant de la pénalisation de la négation de la Shoah, il n’existe pas de définition précise, attestée par une convention internationale ou par des décisions de justice revêtues de l'autorité de la chose jugée, des actes constituant le génocide arménien de 1915 et des personnes responsables de son déclenchement ».
J’entends également les arguments diplomatiques de M. Hyest quand, dans les conclusions de son rapport, il souligne « les conséquences diplomatiques inopportunes que susciterait l’adoption de la proposition de loi, tant sur les relations bilatérales franco-turques que sur le timide rapprochement engagé, avec le soutien de la France, entre la Turquie et l’Arménie ».
Je m’inscris toutefois en faux contre ces arguments. Car c’est par ce même type de raisonnement que, historiquement, les Arméniens ont été victimes du premier génocide du XXe siècle, dans le silence assourdissant des Nations. En effet, on évoquait déjà à l’époque l’impératif du droit, l’impératif des traités, l’impératif des relations diplomatiques, pour ne pas parler, pour ne pas agir.
Mais, dans ce silence, une voix s’élevait, solitaire. C’était celle de Jean Jaurès, dénonçant, le 3 novembre 1896, devant les représentants de la nation française, le drame abominable qui était en train de se produire, avec ces mots : « Il faut sauver les Arméniens ! […] Ce qui importe, ce qui est grave, ce n’est pas que la brute humaine se soit déchaînée là-bas ; ce n’est pas qu’elle se soit éveillée. Ce qui est grave, c’est qu’elle ne s’est pas éveillée spontanément ; c’est qu’elle a été excitée, encouragée, nourrie dans ses appétits les plus féroces par un gouvernement régulier avec lequel l’Europe avait échangé plus d’une fois, gravement, sa signature. »
Pourtant, malgré cet avertissement, l’histoire allait se poursuivre et le massacre se transformer, en 1915, en un génocide.
Le caractère génocidaire de ces massacres a été connu assez tôt. Les rapports internationaux rédigés pendant la guerre étaient formels. À l’unisson, les diplomates décrivaient le caractère systématique du programme de suppression des Arméniens. Ce furent, par exemple, les mots que le consul des États-Unis à Alep, Jesse B. Jackson, adressa à son gouvernement : « Je ne pense pas que, dans toute l’histoire du monde, il y ait jamais eu un massacre aussi général et méthodique que celui qui a lieu dans cette région ou qu’un plan plus diabolique soit jamais sorti de l’esprit humain ! ».
De tels témoignages furent confirmés dès cette époque, mais les voix éparses qui s’élevèrent eurent pourtant bien du mal à se faire entendre. Un immense silence avait recouvert le génocide arménien : silence des survivants, tout entiers attachés à se reconstruire, silence d’une douleur que l’on tait, silence d’une plaie cachée que l’on garde pour soi, comme s’il y avait déjà quelque honte à avoir été victime de l’ignominie.
Mes chers collègues, le souvenir de toutes ces victimes doit aujourd’hui nous guider dans notre vote. Certains d’entre nous plaideront en faveur du droit ou de la Constitution. Pour notre part, nous plaidons, aujourd’hui, tout simplement, pour l’humanité ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste ainsi que sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui, nous en sommes témoins, suscite les passions, vise à punir de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui auront contesté l’existence du génocide arménien de 1915 reconnu par la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, ainsi que nous l’a rappelé M. Hyest. Elle voudrait la compléter, comme nous l’a expliqué, avec passion, notre collègue Serge Lagauche.
Au-delà de ces deux textes, j’entends bien les attentes de nos compatriotes d’origine arménienne et je comprends leur émotion à l’évocation d’un passé douloureux, parfois odieusement contesté par l’effet d’un nationalisme stérile. S’il ne m’apparaît pas opportun d’adopter cette proposition de loi, je lui reconnais le mérite de nous fournir l’occasion de débattre et de fixer – je l’espère, une fois pour toutes – la place dans notre ordonnancement juridique des lois dites « mémorielles » qui se sont multipliées ces dernières années.
Le rapporteur de la commission des lois, dont je salue la compétence, ainsi que M. le ministre nous ont expliqué les difficultés que ne manquerait pas de susciter cette proposition de loi. Il me semble, en effet, que ce texte pose plus de problèmes qu’il n’en résout.
Adhérant sans réserve aux conclusions juridiques de la commission des lois, je limiterai mon propos à quelques aspects politiques du texte.
La France, en reconnaissant il y a dix ans le génocide arménien, a pris une position claire sur cette question. C’est un fait, et M. le ministre l’a rappelé.
Cependant, l’inflation des lois « mémorielles » doit nous amener à nous interroger sur l’opportunité du recours au législateur pour trancher des questions qui, souvent, ne sont pas d’ordre normatif, mais relèvent de la conscience des peuples et des nations. Le Parlement vote les lois. Il contrôle le Gouvernement. Est-ce à lui d’écrire ou de commenter l’histoire ?
C’est là plutôt, me semble-t-il, le domaine de la recherche et des historiens. M. de Rohan l’a dit avec beaucoup de force et de talent. Chacun ne pourrait-il pas sinon être légitimement tenté de faire valoir ses propres revendications au regard de l’histoire ? Cette perspective ne me paraît pas raisonnable.
Au-delà de la question institutionnelle, on ne peut ignorer les conséquences diplomatiques de la loi du 29 janvier 2001 sur les relations de la France avec la Turquie ou même avec l’Azerbaïdjan turcophone. J’ai encore pu récemment en mesurer les effets. N’oublions pas que nous jouons un rôle particulier dans le Caucase du Sud,…
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Ambroise Dupont. … la France y coprésidant le groupe de Minsk - sous l’égide de l’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe -, chargé de trouver une solution négociée au conflit territorial du Haut-Karabagh qui oppose l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Ambroise Dupont. Cette médiation la contraint, me semble-t-il, à une parfaite neutralité.
En tant que président du groupe interparlementaire France-Caucase du Sénat, j’y suis naturellement très attentif, conscient de l’attente d’une paix nécessaire dans la région.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Ambroise Dupont. Or les deux parties sont plutôt bien disposées en ce début d’année. Les présidents arménien et azerbaïdjanais ont accepté de se retrouver, en juin prochain, avec les négociateurs du groupe de Minsk pour, je l’espère, avancer sur la voie de la paix.
Je pense qu’il serait dès lors contre-productif de voter la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui. Cela reviendrait en effet à attiser les passions et risquerait d’affaiblir la position particulière de la France. En fin de compte, la proposition de loi desservirait la paix que les pays de la région ont légitimement le droit de connaître.
Il serait plus utile, à mon sens, d’encourager les initiatives qui, en Turquie, tendent vers un examen dépassionné du passé pour reconnaître, enfin, le génocide arménien. Mieux vaut favoriser les courageuses initiatives arméno-turques qui sont destinées à permettre l’établissement de relations entre les deux États, dont nous savons qu’elles sont, pour le moment, difficiles.
N’oublions pas enfin les difficultés actuelles de la République arménienne : son développement économique passe par son désenclavement et la réouverture de sa frontière avec la Turquie.
Pour l’ensemble de ces raisons, et sans négliger l’ensemble des aspects développés par nos collègues, je soutiendrai la motion d’irrecevabilité proposée par la commission des lois. (Applaudissements sur la plupart des travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j’aurais toutes les raisons, intellectuelles, humaines et personnelles, de soutenir le texte de cette proposition de loi présentée par les défenseurs de la communauté arménienne et des descendants des Arméniens massacrés au cours du génocide de 1915, perpétré il y a un siècle de cela, en Orient.
Les génocides nous font horreur, les crimes contre l’humanité sont la flétrissure de celle-ci et, depuis un siècle, si le génocide arménien a ouvert tragiquement la voie, celle-ci ne s’est pas refermée : pensons, à la lumière sinistre d’Auschwitz, aux génocides commis plus récemment en Afrique.
Par conséquent, il m’est difficile d’expliquer pourquoi, sur cette proposition de loi, je suivrai la voie tracée par la commission des lois et son rapporteur, M. Hyest. Je la suivrai parce que nous ne pouvons pas, mes chers collègues, et c’est une question de principe, étendre les pouvoirs du Parlement au-delà des limites que la Constitution lui assigne.
Mes chers collègues, chers amis, nous sommes des législateurs et la loi n’existe, comme le rappelait fort bien le Conseil constitutionnel, que dans le respect de la Constitution !
Ici, hélas, le législateur, emporté par une émotion tout à fait respectable, exprimée parfois avec talent, s’est laissé entraîner sur des terres qui ne sont pas les siennes, mais celles de l’histoire, discipline difficile, dont la liberté de recherche, de critique et même de contestation doit être absolument respectée dans une démocratie.
Il n’est pas bon, il n’est pas conforme à notre vocation nationale que nous ayons des lois qui disent l’histoire et, pis encore, sous peine de prison… Cet apanage, nous devons le refuser ! Cela ne saurait relever de notre convenance ni, moins encore, de notre compétence.
Je sais bien que, agi par le mouvement des âmes et par le souci légitime de témoigner sympathie et compassion, le Parlement a voté la loi du 29 janvier 2001. Je ne l’ai pas votée. Bien évidemment, cette loi n’a pas fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel, mais était-elle pour autant constitutionnelle ?
Vous permettrez que je laisse la parole à une voix plus autorisée que la mienne, et que je rappelle ici non sans émotion et avec une certaine nostalgie, celle du doyen Vedel, que j’ai si bien connu, à l’université et au Conseil constitutionnel, et dont le dernier article, publié dans les mélanges consacrés à la mémoire du professeur Luchaire, autre grand constitutionnaliste et ami, est consacré à la loi du 29 janvier 2001. Je n’en dirai pas plus, car je tiens à lui laisser la parole.
À la question de la constitutionnalité de la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, la réponse est « non seulement facile, mais simple. Cette simplicité ne vient pas seulement de ce que la loi en question méconnaît des dispositions constitutionnelles claires et précises. Elle vient aussi de ce que […] aucun effort juridique sérieux n’est venu au secours de la loi. […] Le principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire […] met […] un obstacle infranchissable à ce que le législateur se prononce sur la vérité ou la fausseté de tels ou tels faits, sur leur qualification dans une espèce concrète et sur une condamnation même limitée à une flétrissure. »
« Ce ne sont pas seulement l’article 34 et la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire qui sont méconnus par la loi du 29 janvier 2001. Tout aussi grave est l’usurpation par le législateur de compétences concernant les relations internationales et la conduite de la diplomatie. […]
« Il n’est pas sérieux de proclamer que le législateur est souverain, que le Parlement détient ou peut confisquer toutes les compétences qui peuvent être exercées au nom de l’État. […] » – je rappelle que, dans l’article unique de la loi du 29 janvier 2001, ce n’est pas le Parlement français qui se prononce, c’est la France !
« Il est apparu que la matière sur laquelle porte la loi ne relève pas du législateur dont la compétence est définie par l’article 34 de la Constitution. Le législateur ne saurait empiéter sur la compétence du Président de la République, du Gouvernement – et, au sein de celui-ci, du ministre des affaires étrangères – en matière de relations diplomatiques. Pour ces raisons simples, la loi doit être regardée comme contraire à la Constitution ».
Si je rappelle ces paroles indiscutables du doyen Vedel, ce n’est pas seulement pour honorer la mémoire d’un grand juriste qui a lui-même tant honoré son pays, mais pour une autre raison : en effet, les auteurs de cette proposition de loi se sont laissés emporter par leur élan compassionnel – je le comprends parfaitement – et par leur souci de témoigner leur solidarité face au malheur subi par la communauté arménienne, il y a un siècle – heureusement sans qu’aucun Français, à notre connaissance, n’y ait contribué ou en ait été victime.
Or, sans s’en rendre compte, les auteurs de cette proposition de loi tendent à la communauté arménienne elle-même une sorte de piège. En effet, depuis 2001, une révision constitutionnelle est intervenue, au terme de laquelle la question prioritaire de constitutionnalité, demandée depuis vingt ans, a enfin trouvé sa place. Vous devez savoir que sa jurisprudence constante permet au Conseil constitutionnel, lorsqu’une loi qui ne lui a pas été soumise par la voie de la saisine parlementaire est modifiée ou complétée par une nouvelle loi qui s’enracine dans la première, d’exercer son contrôle sur la première loi et, le cas échéant, de la déclarer contraire à la Constitution !
Tous les motifs évoqués par l’éminent doyen pourraient être invoqués à la première occasion, dès que ce texte-ci serait mis en œuvre, c’est-à-dire lorsqu’une sanction pénale serait requise contre l’auteur d’un libelle ou d’un texte que je conçois nécessairement odieux, car je déteste les révisionnistes. La défense soulèverait immédiatement une question prioritaire de constitutionnalité et, à ce moment-là, le Conseil constitutionnel aurait l’occasion d’apprécier la constitutionnalité de la loi du 29 janvier 2001. Et sa réponse, le doyen Vedel vous la donne !
Donc, loin de servir la cause qui est celle de toutes les femmes et les hommes de cœur – je me garderai, sur ce point, de reprendre une citation célèbre sur le monopole du cœur, même à votre égard, mon cher ami Collomb, mais personne, ici, n’est indifférent au génocide, nous y sommes tous également sensibles –, …
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Robert Badinter. … la voie empruntée conduit non pas même à une impasse, mais pis, à la destruction de ce qui a été acquis, même si, je le redis, je n’ai pas voté la loi de 2001.
Pour autant, nos amis arméniens sont-ils dépourvus de moyens face aux négationnistes ? M. le garde des sceaux les a énoncés, notre collègue Hyest les a rappelés et ils figurent dans le rapport de la commission des lois : des actions sont possibles au pénal, sur le fondement de la loi de 1881, de la non-discrimination, de l’appel à la haine, etc. – je ne les énumérerai pas toutes !
Permettez-moi également de rappeler un souvenir personnel.
Il se trouve que, dans la dernière affaire que j’aurai probablement plaidée dans ma vie, j’ai été confronté à des révisionnistes : nous avons obtenu leur condamnation, parce qu’ils avaient manqué aux devoirs de l’historien, c’est-à-dire la bonne foi, l’étude approfondie des sources, la confrontation des documents, bref, la démarche d’un esprit libre et d’une science qui avance ! Ainsi ont jugé le tribunal, puis la cour d’appel, en condamnant ces révisionnistes, et cela était juste !
Par conséquent, si quiconque, sur le territoire de l’Hexagone, se livre à la contestation de la réalité du génocide arménien, les moyens de le faire punir existent, heureusement !
Mais la voie tracée par cette proposition de loi est erronée : non seulement elle blesse la Constitution, non seulement elle fait de nous des juges de l’histoire, ce que d’aucune manière nous ne souhaiterions ni ne pourrions être, mais en plus, elle va à l’encontre d’intérêts que je considère comme sacrés ! C’est pourquoi je ne suivrai pas les auteurs de ce texte.
Comme l’a appelé de ses vœux M. le ministre, puissent enfin nos amis turcs mesurer que, en ce siècle nouveau, depuis les atroces génocides de la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants de toutes les nations démocratiques s’honorent en reconnaissant les crimes qui furent jadis commis par leurs aïeux, sur le continent européen et ailleurs. Là est l’honneur des grandes démocraties, là est l’honneur des grands chefs d’État ! (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste, du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi par M. Jean-Jacques Hyest, au nom de la commission des lois, d'une motion n°1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi tendant à réprimer la contestation de l'existence du génocide arménien (n° 607, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes au maximum, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes au maximum, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée, pour explication de vote, à un représentant de chaque groupe, pour une durée n’excédant pas cinq minutes.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre la motion.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains préfèrent la simplicité de la passion à la complexité du raisonnement, disait un grand auteur. C’est peut-être la nature humaine qui le veut, mais une telle attitude ne saurait fonder les progrès de l’État de droit, qui garantissent pourtant les libertés publiques, au bénéfice de l’humanité.
Comme je l’ai déjà brièvement expliqué au cours de la discussion générale, la commission des lois a décidé, à l’unanimité, d’opposer l’exception d’irrecevabilité à cette proposition de loi, qui nous paraît notamment contraire à deux principes reconnus par le Conseil constitutionnel : le principe de la légalité des délits et des peines, d’une part, le droit à la liberté d’opinion et d’expression, d’autre part.
Tout d’abord, il existe un risque de contrariété au principe de la légalité des délits et des peines.
En effet, bien qu’il s’en inspire, le dispositif de la présente proposition de loi diffère sensiblement de celui de la loi Gayssot sur la pénalisation de la négation de la Shoah.
Le dispositif de la loi Gayssot est adossé à des faits précis, reconnus par une convention internationale ou par une juridiction nationale ou internationale au terme de débats contradictoires.
Dans un arrêt du 7 mai 2010, la Cour de cassation a estimé que la question de la contrariété de la loi Gayssot aux principes constitutionnels de la légalité des délits et des peines et de la liberté d’opinion et d’expression « ne présentait pas un caractère sérieux dans la mesure où l’incrimination critiquée se réfère à des textes régulièrement introduits en droit interne, définissant de façon claire et précise l’infraction […] dont la répression, dès lors, ne porte pas atteinte aux principes constitutionnels de liberté d’expression et d’opinion ».
La situation est évidemment différente s’agissant du génocide arménien de 1915, perpétré bien antérieurement à l’adoption de la convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide et dont les auteurs n’ont jamais été jugés, ni par une juridiction internationale ni par une juridiction française. Je rappelle à cet instant que la France était partie prenante au traité de Sèvres, qui a reconnu le génocide arménien, même s’il n’a jamais été ratifié.
Sur un plan strictement juridique, il n’existe donc pas de définition précise, attestée par un texte de droit international ou par des décisions de justice revêtues de l’autorité de la chose jugée, des actes constituant ce génocide et des personnes responsables de son déclenchement, ce qui conduit à s’interroger sur le périmètre exact de la notion de « contestation de l’existence du génocide arménien de 1915 » retenue par la proposition de loi.
En outre, le terme « contestation », dont le champ est plus large que celui du terme « négation », soulève un problème : la « contestation » peut en effet porter sur l’ampleur, les méthodes, les lieux, le champ temporel du génocide, sans forcément nier l’existence même de celui-ci.
Au total, le champ de l’infraction créée par la proposition de loi nous paraît présenter un risque sérieux de contrariété au principe de la légalité des délits et des peines.
Je rappelle que le Conseil constitutionnel considère que ce principe est respecté dès lors que l’infraction est définie « dans des conditions qui permettent au juge, auquel le principe de légalité impose d’interpréter strictement la loi pénale, de se prononcer sans que son appréciation puisse encourir la critique d’arbitraire ».
Par ailleurs, il existe un risque de contrariété au principe de liberté d’opinion et d’expression.
Corrélativement, la création d’une infraction pénale paraît contraire au principe de liberté d’opinion et d’expression, protégé par l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi que par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sans doute cette liberté n’est-elle pas absolue et admet-elle des restrictions, destinées à protéger des droits et libertés également reconnus par la loi : respect de la vie privée, maintien de l’ordre public, interdiction des discriminations, etc. Encore faut-il que ces restrictions soient proportionnées au regard des objectifs visés.
Ainsi, si la loi Gayssot paraît compatible avec le principe de liberté d’opinion et d’expression, c’est notamment parce qu’elle tend à prévenir aujourd’hui la résurgence d’un discours antisémite. C’est ce qu’a considéré la Cour européenne des droits de l’homme dans la décision Garaudy du 24 juin 2003 : « La négation ou la révision de faits historiques de ce type remettent en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et sont de nature à troubler gravement l’ordre public. »
Tel est également l’objectif qui a guidé le législateur communautaire lors de l’élaboration de la décision-cadre du 28 novembre 2008 relative à la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal.
L’article 1er de ce texte dispose que « chaque État membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que […] soient punissables l’apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, tels que définis aux articles 6, 7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale, visant un groupe de personnes ou un membre d’un tel groupe défini par référence à la race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique lorsque le comportement est exercé d’une manière qui risque d’inciter à la violence ou à la haine à l’égard d’un groupe de personnes ou d’un membre d’un tel groupe ». La finalité de cette décision-cadre est donc non pas de protéger la mémoire, mais de lutter contre la discrimination.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le Parlement sera prochainement saisi d’un projet de loi de transposition de cette décision-cadre.
En l’espèce, aucun discours de nature comparable à celui de l’antisémitisme ne paraît viser aujourd’hui en France nos compatriotes d’origine arménienne : de ce fait, la création d’une incrimination spécifique de contestation de l’existence du génocide de 1915 paraît excéder les restrictions communément admises pour justifier une atteinte à la liberté d’expression.
Au vu de l’ensemble de ces éléments et des risques de censure qu’encourrait la présente proposition de loi dans le cas où elle serait adoptée – je remercie M. Badinter d’avoir cité le doyen Vedel –, la commission des lois propose au Sénat de lui opposer l’exception d’irrecevabilité, conformément aux dispositions de l’article 44 de notre règlement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste. –M. Richard Yung applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, contre la motion.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il est regrettable que nous soyons contraints de prendre la parole contre une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité à un texte d’initiative parlementaire si attendu et d’une si grande portée symbolique. Cette procédure restrictive porte atteinte à la liberté d’expression des représentants du peuple. Ses auteurs tentent, par tous les moyens à leur disposition, d’éviter que les sénateurs puissent se prononcer sur cette proposition de loi.
M. Dominique Braye. Vous n’êtes pas très gentil avec M. Badinter !
M. Bernard Piras. Je ne suis pas d’accord avec lui sur ce texte, mais je le suis sur d’autres !
En fait, cette procédure est détournée de sa finalité, qui est, selon sa définition, de rejeter un texte soumis au vote qui serait contraire à une disposition en l’espèce constitutionnelle, d’après les auteurs de la motion.
La réalité est tout autre : derrière une argumentation juridique totalement infondée, sur laquelle je reviendrai, se cachent en fait des motifs de pure opportunité. Une nouvelle fois – cela devient une habitude –, la France fait primer des intérêts économiques ou géopolitiques sur la défense de valeurs fondamentales, inhérentes à l’être humain. M. de Rohan l’a très bien exprimé !
M. Dominique Braye. Vous, vous privilégiez l’électoralisme !
M. Bernard Piras. Or notre pays n’est pas isolé devant cette juste cause : plus de quinze parlements nationaux, le Parlement européen et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ont déjà reconnu l’existence du génocide arménien.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous aussi !
M. Bernard Piras. Je suis néanmoins satisfait d’avoir pu lire que même les sénateurs le plus farouchement opposés à cette proposition de loi reconnaissent désormais l’existence du génocide arménien de 1915.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On l’a toujours reconnu !
M. Bernard Piras. Leur refus de voter la présente proposition de loi apparaît d’autant plus incohérent. Ils ne tirent pas les conclusions qui s’imposent, lesquelles fondent les dispositions des trois articles du texte soumis aujourd’hui au Sénat. La loi du 29 janvier 2001 est uniquement déclarative ; il lui manque une dimension normative. Autrement dit, l’absence d’outils juridiques dans l’arsenal législatif français empêche le juge de sanctionner le non-respect des termes de cette loi, en vertu du principe de la légalité des incriminations et des peines. Le juge se trouve démuni, d’où le dépôt de la présente proposition de loi. Dès lors que nous estimons tous que les événements de 1915 constituent bien un génocide, aucune raison objective ne peut légitimer le refus de voter celle-ci.
À ce jour, contrairement à ce qui a été soutenu en commission des lois au Sénat, notre arsenal juridique ne permet pas de sanctionner les négationnistes du génocide arménien.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est faux !
M. Bernard Piras. Affirmer que la responsabilité des négationnistes peut être engagée sur la base de l’article 1382 du code civil est une contrevérité manifeste (M. le rapporteur s’exclame), cette disposition portant responsabilité civile ne pouvant nullement fonder une quelconque sanction pénale.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Évidemment !
M. Bernard Piras. La Cour de cassation a formellement proscrit, par plusieurs arrêts successifs, notamment en 2005, le recours à l’article 1382 du code civil pour limiter la liberté d’expression. Plus encore, le 21 juin 1995, à l’occasion de l’affaire Lewis, le tribunal de grande instance de Paris a révélé ce vide juridique. Il a notamment affirmé que le législateur avait la possibilité de définir le négationnisme du génocide arménien comme une infraction pénale, mais qu’en l’état la juridiction judiciaire n’était pas en mesure de condamner de tels actes négationnistes.
Je balaierai d’un revers de main l’argument de l’illégitimité des lois mémorielles. Ceux qui se retranchent derrière ce prétexte pour se taire sont en retard d’une guerre ! Ce débat est dépassé : il n’est pas demandé aujourd’hui au Sénat de qualifier un fait historique ou de prendre position sur celui-ci ; cela a déjà été fait au travers de la loi du 29 janvier 2001. On attend simplement des membres de la chambre haute qu’ils tirent les conséquences de cette loi et ne laissent pas bafouer la volonté du peuple français, qu’ils incarnent et représentent.
En 2001, nous avons gravé dans la mémoire collective la réalité d’événements tragiques, pouvant être placés au plus haut degré dans l’échelle de l’horreur. Dix ans plus tard, nous souhaitons protéger cette mémoire collective contre les négationnistes. Le négationnisme est consubstantiel du crime de génocide ; il constitue sa phase suprême, son aboutissement, sa perpétuation à travers le temps et l’espace. J’avoue ne pas comprendre l’argument avancé par mes contradicteurs, lesquels estiment inopportun de légiférer dans le sens proposé en raison de l’absence d’un tel négationnisme en France. Cela est inexact : je rappellerai simplement, à cet égard, les faits qui se sont déroulés à Lyon en mars et en avril 2006. Sur le fond, employer un tel argument révèle une méconnaissance de l’effet dissuasif de la sanction pénale.
J’en viens maintenant au risque, évoqué par les auteurs de cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, de contrariété de la proposition de loi à deux principes constitutionnels.
Le premier principe qui serait ainsi bafoué est celui de la légalité des délits et des peines.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
M. Bernard Piras. Cet argument n’est fondé ni en droit ni en fait.
En droit, le législateur français n’est nullement soumis à l’obligation de se référer à des conventions internationales ou à des jugements revêtus de l’autorité de la chose jugée pour définir les éléments légaux constituant une infraction dans notre pays. S’agissant de la loi Gayssot relative au négationnisme de la Shoah, les jugements prononcés à Nuremberg, aussi instructifs qu’ils aient pu être, n’ont en aucun cas été intégrés dans le bloc de constitutionnalité ; c’est indépendamment de ceux-ci que la loi Gayssot a été élaborée.
En fait, il n’existe pas d’incertitude juridique à ce jour quant à la définition du génocide arménien, la loi du 29 janvier 2001 reconnaissant ce dernier et le terme « génocide » renvoyant à une définition de nature internationale et incontestée.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
M. Bernard Piras. De surcroît, il existe bien « des décisions de justice, revêtues de l’autorité de la chose jugée, des actes constituant le génocide arménien de 1915 et des personnes responsables de son déclenchement ».
En 1919, des cours martiales turques ont jugé des auteurs du génocide et ont prononcé des condamnations à mort, parfois par contumace, parfois exécutées.
On peut également évoquer la déclaration alliée du 24 mai 1915 annonçant le jugement des auteurs de « crimes contre l’humanité » à l’égard du peuple arménien, l’article 230 du traité de Sèvres du 10 août 1920 organisant le jugement des criminels de guerre turcs, la reconnaissance en 1985 du génocide, au paragraphe 30 du rapport sur la question du génocide, par la sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme de l’ONU dédiée à la lutte contre les mesures discriminatoires et à la protection des minorités, la reconnaissance du génocide par le Parlement européen, le 18 juin 1987, dans la résolution intitulée « Sur une solution politique de la question arménienne », la reconnaissance du génocide par le Conseil de l’Europe, le 24 avril 1998, dans une déclaration écrite de son assemblée parlementaire.
À un moindre niveau, on peut aussi mentionner la reconnaissance du génocide arménien par le Tribunal permanent des peuples, en 1984, par l’Association internationale des chercheurs sur le génocide, ainsi que par de nombreux États à travers le monde.
Enfin et surtout, il faut citer la décision, rendue le 1er avril dernier, du juge fédéral argentin Norberto Oyabide, lequel affirme précisément que le gouvernement turc a commis un crime de génocide envers le peuple arménien durant la période 1915-1923.
Par ailleurs, la présente proposition de loi contreviendrait, toujours selon les auteurs de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, au principe constitutionnel de liberté d’expression. Cet argument n’est pas plus fondé que le précédent.
En France, cette question a d’ores et déjà été réglée par la loi Gayssot. En effet, la liberté d’opinion et d’expression n’est pas davantage bafouée lorsqu’il s’agit de la contestation de l’existence du génocide arménien que lorsqu’il s’agit de la contestation de l’existence du génocide juif.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est faux, car il y a toujours de l’antisémitisme !
M. Bernard Piras. Soutenir l’inverse amènerait à conclure qu’il existe une hiérarchie entre les génocides, ce qui serait aussi contestable juridiquement que moralement. En réalité, seule la situation actuelle paraît marquer une rupture d’égalité, à laquelle la présente proposition de loi permettra de remédier.
Sur cette question, la jurisprudence est suffisamment précise pour qu’il n’y ait pas d’incertitude sur la portée du terme : c’est ainsi que la loi Gayssot n’a pas empêché les universitaires de poursuivre leurs travaux de recherche sur les conditions dans lesquelles s’est déroulé le génocide juif.
Quoi de plus naturel que d’inscrire le négationnisme du génocide arménien sous le même régime juridique que le négationnisme de l’Holocauste ? Ce ne serait que justice.
Comme l’ont rappelé M. le garde des sceaux et M. le rapporteur, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 28 novembre 2008, une décision-cadre n° 2008/913/JAI disposant que chaque État membre de l’Union européenne, dont la France, devait prendre « les mesures nécessaires pour faire en sorte que les actes intentionnels ci-après soient punissables : […] l’apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre […] ».
Cette décision-cadre appelle un acte de transposition. Or, de même qu’il n’a pas souhaité faire aboutir la navette parlementaire à la suite de l’adoption par l’Assemblée nationale, le 12 octobre 2006, de la loi pénalisant le négationnisme du génocide arménien, le Gouvernement français n’a toujours pas transposé cette décision-cadre. Néanmoins, cette dernière nous permet d’assurer que, aux yeux du législateur européen, la pénalisation du négationnisme ne constitue pas une atteinte à la liberté d’expression.
Sur le plan extracommunautaire, plus précisément à l’échelon de la Cour européenne des droits de l’homme, un recours a été formé par Dogu Perinçek, ultranationaliste turc condamné par la justice suisse pour négation du génocide arménien. Dans les faits, la législation suisse est dotée, depuis de nombreuses années, d’un dispositif antinégationniste. Dès lors que la Suisse a reconnu le génocide arménien, le juge suisse a fort justement étendu le champ d’application de cette disposition à ce génocide.
Il reviendra au juge de Strasbourg de décider si ce jugement est contraire à la liberté d’expression. Je prie M. Badinter d’y être attentif ! Dans l’affirmative, le juge européen se mettrait dans la situation la plus délicate qui soit : non seulement cet arrêt servirait d’appui à tous les négationnistes de la Shoah pour déclarer incompatible avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales toute législation antinégationniste – les arrêts de la Cour étant publics, il y aurait matière, pour pléthore de négationnistes, à former d’innombrables recours ! –, mais le juge de Strasbourg se heurterait à la décision-cadre européenne précitée, qui dispose exactement le contraire !
Enfin, comment le juge constitutionnel français, qui a élevé, par sa jurisprudence de 1994 relative à la bioéthique, le respect de la dignité de la personne humaine au rang de principe à valeur constitutionnelle, pourrait-il considérer qu’en l’espèce le principe de la dignité de la personne humaine serait davantage restreint en France qu’ailleurs en Europe ? Tel serait le cas si la France ne sanctionnait pas pénalement le négationnisme du génocide arménien, tandis que l’Union européenne et fort probablement la Cour de Strasbourg admettraient que la pénalisation du négationnisme n’est pas une atteinte à la liberté d’expression. Il est impératif de rappeler, à ce stade, que le Conseil d’État, dans son fameux arrêt Commune de Morsang-sur-Orge de 1995, a estimé que le respect de la dignité humaine devait être inclus dans la définition de l’ordre public. Or des actes de vandalisme et de haine négationnistes constituent bien une atteinte à l’ordre public.
Ainsi, il est démontré que le texte qui vous est soumis n’est en rien contraire à la Constitution. Un peu de courage, mes chers collègues ! Vous avez l’occasion de montrer votre indépendance d’esprit. Ne passez pas à côté de l’histoire, comme l’a fait pendant près d’un siècle la communauté internationale s’agissant du génocide arménien. Rejetez sans aucune hésitation cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Maigres applaudissements !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je tiens tout d’abord à rappeler que si de nombreux pays, dont la France, ont reconnu le génocide arménien, généralement par le biais de résolutions, et non de lois, aucune législation ne pénalise la négation ou la contestation de celui-ci.
Vous citez la décision d’un juge argentin… Il est vrai que l’Argentine est depuis toujours un modèle en matière de droit ! (M. Alain Gournac sourit.)
Il faut lire jusqu’au bout le texte de la décision-cadre. Celle-ci prescrit expressément que les dispositions prises par les États membres soient liées à la renaissance du racisme ou de l’antisémitisme. On ne peut pas dire tout et le contraire !
Pour toutes les raisons exposées par M. Badinter, j’estime que la commission des lois a bien fait de déposer cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. S’agissant des faits dramatiques survenus en 1915, la position de la République française est très claire : la loi de 2001 reconnaît l’existence du génocide arménien. La question est donc de savoir comment s’opposer à ceux qui la nient.
Tout d’abord, je crois utile de rappeler que le droit ne peut pas tout et qu’il n’est pas une fin en soi. Il faut commencer par expliquer à nos concitoyens, notamment aux plus jeunes, la réalité de ce fait historique, afin qu’elle s’impose comme une évidence, aujourd’hui et dans l’avenir. Voter une loi ne serait donc pas suffisant ; la tâche à accomplir est plus vaste, et elle n’incombe pas qu’au législateur.
Ensuite, il faut poursuivre systématiquement, sur le fondement des dispositions pénales en vigueur, tout acte, toute affirmation ou toute insinuation tendant à nier l’existence du génocide arménien. Je crois très sincèrement que cette proposition de loi n’est pas le bon véhicule pour atteindre l’objectif visé.
Nombre d’orateurs, en particulier M. Badinter, ont souligné que l’inconstitutionnalité de ce texte était certaine. Son adoption risquerait, en outre, de nous ramener en arrière ; j’appelle les auteurs de la proposition de loi à en prendre conscience.
Dans ces conditions, la quasi-totalité des membres du groupe de l’Union centriste voteront la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Je tiens tout d’abord à exprimer toute notre sympathie au président Hyest, qui, malgré des circonstances personnelles difficiles, a tenu à prendre part à ce débat. J’indique d’emblée qu’une très large majorité des membres du groupe UMP voteront la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité qu’il a présentée.
Nous avons voté, en 2001, une proposition de loi tendant à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. Nous avons procédé par voie législative : c’était alors la seule voie offerte à la représentation nationale pour exprimer sa compassion à l’égard de la communauté arménienne. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 nous permettrait aujourd’hui de recourir pour cela à un instrument plus adapté : la résolution.
La France a accueilli un grand nombre d’Arméniens, qui font honneur à leur pays d’adoption. La communauté franco-arménienne figure aujourd’hui parmi les plus beaux exemples d’intégration et d’enrichissement mutuel de la République.
Faut-il, pour autant, solliciter de nouveau le législateur pour instaurer une incrimination pénale contre ceux ou celles qui contesteraient le génocide arménien, comme nous y invitent certains de nos collègues ? Nous ne le pensons pas, et nous nous rangeons à l’avis du président de la commission des lois.
Nous voterons donc cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, comme nous avions approuvé, en 2008, les conclusions du rapport de la commission présidée par M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, sur les lois mémorielles. Permettez-moi d’en rappeler les conclusions : pas de remise en cause des lois existantes, pas de nouvelles « lois qualifiant ou portant une appréciation sur des faits historiques, a fortiori lorsque celles-ci s’accompagnent de sanctions pénales », sauf « lorsqu’il s’agit d’édicter des normes ou des limitations destinées à défendre des principes affirmés par le Préambule de la Constitution, notamment pour lutter contre le racisme et la xénophobie ».
Comme l’a dit M. Accoyer, « le devoir de mémoire est une notion utile, mais dont le maniement est délicat ». En effet, pour qualifier des faits, et donc nous rapprocher de la vérité, nous ne pouvons nous en remettre qu’à la recherche historique. Or la recherche historique n’est jamais achevée. Elle se nourrit toujours de cette culture du doute qui fait ressurgir des débats, qui apporte des contributions nouvelles, des explications différentes. C’est par le débat et par la confrontation des idées que nous approchons de la vérité.
Sceller dans le marbre de la loi l’appréciation de la vérité à un moment donné, c’est figer la recherche historique, la rendre difficile, voire impossible, empêcher la naissance du doute, et peut-être nier une part de la vérité.
Nous ne prenons pas aujourd’hui une position sur le génocide arménien, dont l’existence a été reconnue par un vote ; nous prenons une position de principe, en nous appuyant sur les principes posés par notre Constitution, qui ont été rappelés très fortement par d’éminents juristes, de droite comme de gauche.
Ne cédons pas à la tentation d’enfermer l’histoire dans la loi. Comme l’a écrit Françoise Chandernagor, « ce n’est pas à des majorités politiques d’imposer et de fixer la vérité historique ;…
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jacques Blanc. … pas plus que ce ne serait à de telles majorités, nécessairement changeantes, de fixer, sous peine d’amendes ou d’emprisonnement, la vérité scientifique ». Certains régimes l’ont fait ; ce n’ont jamais été des régimes respectueux des droits de l’homme.
Si nous adoptions cette logique, faudrait-il demain faire entrer dans la loi toute notre histoire, toute celle des autres nations, voire les apports d’autres disciplines scientifiques ?
Nous voterons la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, car, cela a été démontré, la présente proposition de loi est en contradiction avec certaines dispositions du bloc de constitutionnalité qui fonde notre État de droit et sur le respect duquel veille scrupuleusement le Conseil constitutionnel.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jacques Blanc. En conclusion, je dirai que seul le dialogue, l’échange permet d’avancer. Notre débat, enrichi ô combien par les travaux de la commission des lois, nous conduit tout naturellement à soutenir la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Au terme de ce débat, je regrette la frilosité manifestée par certains de nos collègues, en particulier par M. le rapporteur. Je le dis sans aucune animosité : j’ai le plus grand respect pour eux, et j’ai aussi le plus grand souci de voir les historiens travailler en toute liberté.
En définitive, nous sommes tous d’accord ici pour rendre justice au peuple arménien, tourmenté, affligé par une incomplète reconnaissance des tragiques événements vécus par ses ancêtres.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous l’avons fait !
M. Guy Fischer. Comment pourrions-nous remettre en cause le travail des historiens, comme certains de nos collègues nous reprochent de le faire, en créant une incrimination pénale pour réprimer la contestation d’un génocide qui a été clairement désigné comme tel par nombre d’entre eux, et non des moindres ?
Tout d’abord, n’oublions pas que, dans une déclaration commune, la France, la Grande-Bretagne et la Russie ont pour la première fois, en mai 1915, qualifié de « crime contre l’humanité » les massacres d’Arménie et annoncé que leurs auteurs seraient jugés. Le terme « génocide » sera ensuite repris à Nuremberg.
En outre, je crois qu’il s’agit ici d’un débat qui transcende, et c’est heureux, les divisions politiques. Même si quelques-uns, heureusement minoritaires, se lancent sur le terrain de la polémique partisane, ils ne m’y entraîneront pas. Le sujet est trop grave, et j’ai trop vécu dans l’intimité des familles arméniennes, dans mon quartier de Décines, pour ignorer la profonde souffrance des descendants de ceux qui ont survécu au génocide.
Oui, je le concède, nous sommes nombreux à donner une tonalité affective à un débat que les historiens voudraient plus épuré, plus scientifique. Mais c’est simplement que nous sommes des hommes et des femmes qui ne peuvent s’empêcher de penser en termes de mémoire.
On retrouve là le fameux débat que nous avions eu ici même, lors d’un colloque organisé par le Sénat sur les « troubles de la mémoire française ». Évoquant alors l’opposition histoire-mémoire, je m’étais inscrit en faux contre le parti pris, souvent trop schématique, selon lequel ces deux dimensions seraient absolument antinomiques. C’est sur un mode un peu provocateur, me semble-t-il, que l’historien Pierre Nora a écrit un jour que « la mémoire installe le souvenir dans le sacré, l’histoire l’en débusque ».
L’histoire, en effet, ne peut jamais complètement s’abstraire de ce très riche substrat qu’est la représentation que les groupes humains se font d’elle. N’est-il pas significatif, pour l’historien, qu’un peuple ait retenu tel épisode de son vécu collectif, et non pas tel autre ? Quel meilleur témoignage trouver du ressenti d’un pays ? Ces faits, bien que n’étant pas scientifiques, finissent toujours par refaire surface, par nous interroger… et par être utiles aux historiens eux-mêmes.
En outre, avec le recul du temps, on constate que la loi Gayssot n’a nullement empêché les historiens de poursuivre leur travail sur la Shoah ; il n’en irait pas autrement pour le génocide arménien si la présente proposition de loi était adoptée.
Enfin, je ne puis m’empêcher de penser que la reconnaissance du génocide arménien puis la pénalisation de sa négation constitueraient plus qu’un simple rétablissement de la vérité historique. Parce que ce peuple martyr n’a jamais pu se désolidariser du sort de ses frères humains, les Arméniens de France se sont engagés à nos côtés dans la guerre contre le fascisme qui menaçait le monde. Ce peuple qui a connu la torture, le génocide, le déni, ne s’est pas contenté de panser ses plaies : il a été de tous les combats qui avaient pour enjeu l’avenir de l’humanité. C’est dans l’espoir que justice lui soit enfin complètement rendue tout à l’heure que nous nous opposons à cette motion, que Robert Hue, pour sa part, votera. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.
M. Gérard Collomb. Comme chacun l’aura vu, le groupe socialiste n’a pas une position unanime sur la présente proposition de loi.
Je constate malgré tout que les esprits progressent, puisque celles et ceux qui se sont opposés à cette proposition de loi se sont tous référés à la reconnaissance du génocide arménien par le Parlement, voilà dix ans. Or, à l’époque, une telle unanimité n’était pas aussi évidente… Je ne doute pas que, dans l’avenir, les faits nous amèneront à prolonger notre réflexion.
À mes yeux, le négationnisme n’est pas une opinion. Mes chers collègues, je le sais pour l’avoir trop vécu dans ma ville, au sein même de notre université, où, au nom de la liberté d’expression, au nom de la liberté de l’historien, on a propagé les pires thèses, on a contesté l’existence des chambres à gaz…
Plusieurs de nos collègues l’ont dit, les choses évoluent, y compris en Turquie. Je suis un ami du peuple turc ; je suis même de ceux qui, sur le plan politique, soutiennent l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, mais je ne crois pas qu’une amitié retrouvée puisse se sceller dans l’ignorance de l’histoire. Celles et ceux, historiens, intellectuels, qui, aujourd'hui en Turquie, mènent le combat pour la reconnaissance d’un triste passé mènent aussi le combat pour l’avenir. C’est après que le peuple allemand eut pleinement reconnu les horreurs commises par ses dirigeants à l’époque du nazisme que la réconciliation entre la France et l’Allemagne a été possible.
Certes, aujourd’hui encore, un certain nombre de personnes, à l’instar de Hrant Dink, paient de leur vie le fait de porter un tel message, mais je suis persuadé que le mouvement est désormais irrésistible et que, demain, plus personne, nulle part, ne niera le génocide arménien. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?....
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, présentée par M. Jean-Jacques Hyest, au nom de la commission des lois.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 200 :
Nombre de votants | 290 |
Nombre de suffrages exprimés | 270 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 136 |
Pour l’adoption | 196 |
Contre | 74 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, la proposition de loi est rejetée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
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Expulsions locatives
Rejet d'une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux expulsions locatives et à la garantie d’un droit au logement effectif, présentée par Mme Odette Terrade et les membres du groupe CRC-SPG (proposition n° 300, rapport n° 463).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi.
Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà quelques mois, lors de la remise de son rapport annuel, le comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable, le DALO, intimait l’ordre à l’État de ne pas rester hors la loi. Ces mots sont durs et sans appel, mais ils sont à la mesure du drame qui se déroule sous nos yeux.
En effet, alors même que nous avons instauré en grande pompe, dans cet hémicycle, le fameux « droit au logement opposable » en votant la loi du 5 mars 2007, le Conseil d’État continue de qualifier ce droit de « fictif ».
Comme pour confirmer ce jugement, la fondation Abbé Pierre, dans son rapport annuel, vient de nous fournir des chiffres affligeants sur la situation du mal-logement, qui concerne aujourd’hui plus de 3 millions de personnes. Ces chiffres sont corroborés par le rapport de l’INSEE, qui estime à 3,2 millions le nombre de personnes mal logées dans notre pays. Selon un sondage réalisé cet hiver par l’institut BVA, plus de la moitié de nos concitoyens, et jusqu’à 64 % des ouvriers, ont peur de se retrouver à la rue. La crise du logement atteint des sommets, conjuguant absence de politique ambitieuse en termes de construction et baisse du pouvoir d’achat des ménages.
Comment ignorer, en effet, l’arsenal mis en place par ce gouvernement, qui mène une politique ne garantissant pas le droit au logement, mais ouvrant au contraire la voie à la marchandisation de ce dernier ? En raison de la dramatique baisse des dotations budgétaires décidée dans le cadre de la loi de finances, la France consacre aujourd’hui moins de 1 % de son PIB au logement. Il en résulte une diminution sévère du financement des logements sociaux, notamment de celui des logements très sociaux. Les aides à la pierre atteignent ainsi péniblement 480 millions d’euros.
Par ailleurs, la subvention accordée par le Gouvernement pour chaque logement HLM est passée de 2 700 euros à 1 000 euros. De plus, la nouvelle taxe de 245 millions d’euros sur trois ans qui pèsera sur les offices d’HLM va amputer d’autant la capacité de construction de ceux-ci, alors même que, selon les associations, il faudrait construire 900 000 logements.
Cette situation de pénurie de logements sociaux se vérifie tout particulièrement dans la région parisienne et dans la plupart des grandes agglomérations du pays, là où le secteur immobilier est de plus en plus tendu en raison de la spéculation foncière et de la flambée des loyers, dont l’augmentation est supérieure à la progression de l’indice des prix à la consommation. Comment assurer le respect du DALO si le nombre de logements construits ne permet pas de répondre à la demande ?
Parallèlement, le décalage croissant entre le coût du logement et les revenus des ménages rend de plus en plus difficile l’accès au logement. Ainsi, les ménages comptant parmi les 30 % les plus pauvres qui sont logés dans le parc privé consacrent, en moyenne, près de 40 % de leurs ressources au loyer ou aux charges liées à l’accession à la propriété. Pour ce qui concerne cette dernière, depuis 2000, la durée d’endettement pour l’achat d’un même logement est passée de quatorze ans à trente et un ans !
Selon l’INSEE, entre 1998 et 2008, les prix à la consommation ont augmenté de 19 %, les loyers des résidences principales de 25 %, alors que le revenu disponible médian des ménages, quant à lui, n’a progressé que de 13 %. Les dépenses courantes de logement nettes des aides personnelles représentaient en moyenne 17 % du budget des ménages en 1984, contre 21,4 % en 2009. Il apparaît donc clairement que les ménages ont de plus en plus de mal à assumer les dépenses courantes liées au logement, notamment les charges. À titre d’exemple, le prix du gaz a augmenté de 60 % depuis 2004.
Dans le même temps, l’État se désengage du financement des aides personnalisées au logement, les APL, puisque la fin de la rétroactivité de celles-ci a été votée à l’automne dernier.
M. Alain Gournac. Ce n’est pas vrai !
Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. Cette situation engendre une demande sociale particulièrement forte, qui alimente durablement une crise du logement dont les locataires et leurs familles demeurent, en dernière instance, les principales victimes.
Conséquence mécanique de cette crise, la pratique barbare des expulsions locatives a repris de plus belle depuis le 15 mars dernier. Des femmes, des enfants, des familles entières sont jetés à la rue, avec pour seule perspective l’isolement, la précarité et le non-droit. À cet égard, je voudrais citer le rapport de la Cour des comptes intitulé « Les personnes sans domicile », selon lequel « dans l’enchaînement des ruptures qui conduisent à la rue, la perte du logement est un facteur clé ».
Pourtant le Président de la République, lors de sa campagne, assurait, la main sur le cœur, que plus personne ne dormirait dehors s’il était élu. Il est plus que temps de traduire en actes ces promesses ! Il est urgent que cessent ces pratiques d’un autre âge, qui non seulement ne respectent pas la dignité de la personne humaine, mais constituent en outre une absurdité économique, puisqu’il revient souvent plus cher d’héberger des personnes privées de logement que de permettre un maintien dans les lieux. À ce titre, notons que, chaque année, sont dépensés 100 millions d’euros en nuitées d’hôtel en Île-de-France.
Nous avons donc souhaité vous soumettre, mes chers collègues, la présente proposition de loi, dont l’objet principal est d’assurer le respect par l’État des engagements pris en faveur du droit au logement, à l’échelon tant international que national, et dont les expulsions locatives sont l’antithèse.
Le droit au logement est notamment défini comme droit humain dans l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, qui dispose que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ».
Par ailleurs, aux termes de l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté à New York le 16 décembre 1966 par l’Assemblée générale des Nations unies et entré en vigueur le 3 janvier 1976 conformément aux dispositions contenues dans son article 27 suite à sa ratification par un trente-cinquième État, « les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. Les États parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit. »
Cette reconnaissance crée ainsi pour l’État une obligation de mise en œuvre effective du DALO, dans la mesure où l’article 2 du même texte dispose que « chacun des États parties au présent Pacte s’engage à agir […] en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte […] ».
Par un arrêt du 16 décembre 2008, la Cour de cassation a consacré pour la première fois l’effectivité directe du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans notre droit interne et devant les tribunaux.
Parallèlement, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu, dans l’arrêt Larkos contre Chypre du 18 février 1999, qu’une menace d’exécution d’une décision d’expulsion d’un locataire de son logement contrevenait au droit au respect du domicile garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et a ainsi protégé le droit de ne pas être privé du domicile que l’on occupe.
En outre, depuis un arrêt du Conseil constitutionnel du 19 janvier 1995, le droit au logement est reconnu comme un objectif à valeur constitutionnelle. Cela signifie très clairement que ce droit a intégré le bloc de constitutionnalité, au même titre que d’autres droits, notamment celui de la propriété, si cher au Gouvernement.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. À tout le monde !
Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. Effectivement, monsieur le secrétaire d'État !
J’ajoute que la législation de notre pays a lentement évolué vers une reconnaissance de plus en plus forte du droit au logement, symbolisée par l’adoption de la loi dite DALO, qui en a fait un droit opposable à l’État.
Ainsi, l’article 1er de cette loi dispose que « le droit à un logement décent et indépendant, mentionné à l’article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, est garanti par l’État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’État, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir ». Il en résulte que l’État français a contracté l’obligation de faire en sorte qu’aucune famille ne soit privée de son logement faute de ressources suffisantes.
Pourtant, l’expulsion sans relogement de familles en grande difficulté reste une pratique très courante, voire en nette progression : de 1998 à 2008, le nombre de décisions de justice prononçant une expulsion locative a augmenté de 48 %, s’établissant à 105 000 en 2008. Chiffre plus impressionnant encore, la même année, il a été recouru à la force publique dans plus de 11 000 cas, soit une progression de 132 % entre 1998 et 2008. Les chiffres, encore provisoires, pour l’année 2009 font état de 110 246 décisions de justice prononçant une expulsion et de 10 500 cas d’intervention effective de la force publique ; ce sont 10 500 de trop ! Du reste, la Défenseure des enfants a de nombreuses fois dénoncé le caractère particulièrement traumatisant, pour les enfants, des expulsions locatives effectuées avec l’appui de la force publique.
Il existe une véritable contradiction, qu’il convient de lever, entre le respect du droit au logement et la poursuite des procédures civiles d’expulsion locative.
S'agissant plus précisément du DALO, alors même que, pour nombre d’acteurs du droit au logement, l’adoption de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale avait constitué une avancée, on reste aujourd’hui très loin du respect de l’obligation générale de relogement qui avait été posée. Ainsi, il existe des lacunes considérables dans l’application de la loi. Malgré la reconnaissance d’un droit au logement opposable, les expulsions de locataires en difficulté, y compris parmi ceux qui ont été déclarés prioritaires par les commissions de médiation DALO, continuent d’être la règle, et ce en contradiction avec les prescriptions internationales.
À partir de ce constat, le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO a adopté à l’unanimité, en mars 2010, une motion demandant au Gouvernement de prendre toutes mesures utiles afin que les personnes reconnues prioritaires pour l’attribution d’un logement par les commissions départementales de médiation ne puissent être expulsées.
En effet, la loi DALO a ouvert aux personnes menacées d’expulsion une voie de recours leur permettant de faire reconnaître leur droit à un relogement. Ainsi, de janvier 2008 à juin 2010, 15,6 % des recours déposés devant les commissions de médiation l’ont été pour ce motif. Lorsque la commission prend une décision favorable au demandeur, le préfet est tenu de faire en sorte qu’il reçoive une offre de logement adaptée à ses besoins et à ses capacités.
Cependant, le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO a constaté que des personnes désignées comme prioritaires ont été expulsées avec le concours de la force publique, et ce sans avoir reçu d’offre de relogement.
M. Guy Fischer. Absolument !
Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. Outre les souffrances humaines qu’engendrent toutes les expulsions, celles qui concernent des personnes prioritaires au titre du DALO constituent un véritable dysfonctionnement de l’État, garant du droit au logement !
Cette situation a d’ailleurs conduit le Conseil d’État, dans son rapport annuel de 2009, à définir les droits dits opposables à l’État comme des « droits fictifs », ce qui ne peut manquer d’interpeller tout citoyen pensant vivre en République et dans un État de droit…
Le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO a donc demandé que l’État organise sa propre cohérence en appliquant les quatre principes suivants.
Premièrement, toute personne faisant l’objet d’un jugement d’expulsion doit être informée par le préfet de la possibilité de déposer un recours au titre du DALO en vue d’un relogement.
Deuxièmement, lorsqu’une personne a déposé un tel recours, la décision d’accorder le concours de la force publique doit être suspendue dans l’attente de celle de la commission de médiation.
Troisièmement, lorsqu’une personne a été désignée comme prioritaire par la commission de médiation, aucun concours de la force publique ne doit être accordé avant qu’elle ait reçu une offre de logement adaptée à ses besoins et à ses capacités.
Quatrièmement, le refus de concours de la force publique doit donner effectivement lieu à indemnisation du propriétaire, ce qui suppose l’abondement du budget concerné à hauteur des besoins. Je rappelle en effet que la dotation de ce fonds d’indemnisation a été divisée par deux en trois ans, passant de 78 millions d’euros en 2005 à 38 millions d’euros en 2008. Voilà la réalité !
Plus récemment, dans son rapport de décembre 2010, le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO a, d’une manière que l’on pourrait qualifier de virulente, appelé l’État à ne pas « rester hors la loi ».
En effet, selon les chiffres fournis par le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, au 31 décembre 2010, alors que plus de 200 000 demandes ont été déposées auprès des commissions de médiation DALO, seules 25 189 personnes ont pu être logées ou hébergées à la suite d’un recours. Ce chiffre s’élève à 43 000 si l’on prend en compte les ménages relogés ou hébergés avant le passage en commission.
Quoi qu’il en soit, le nombre de personnes déclarées prioritaires et n’ayant pourtant reçu aucune offre de relogement reste donc trop important. Ainsi, au 30 juin 2010, 14 000 ménages étaient dans ce cas, dont 12 500 avaient été déclarés prioritaires par les commissions franciliennes et 10 000 par la seule commission de Paris. Ajoutons que, la procédure DALO visant à « écrémer » au maximum les dossiers, n’est déclarée prioritaire qu’une infime minorité des demandeurs de logement ! C’est ainsi que, à la fin de juin 2010, 43 % des dossiers seulement faisaient l’objet d’un avis favorable.
Nous ne pouvons que nous alarmer de la diminution constante du nombre de demandes acceptées. En Seine-Saint-Denis, par exemple, les commissions de médiation n’ont délivré que 20 % de décisions favorables en 2010 ! De tels chiffres sont inquiétants.
L’écart entre le nombre des ménages déclarés prioritaires et celui des ménages relogés, ou simplement entre le nombre des demandeurs et celui des personnes relogées, écart qui continue à se creuser, est le plus sûr révélateur des carences de l’action publique ! Plus généralement, dans la mesure où, en 2009, on comptait 1 023 000 demandeurs de logement social, les chiffres du DALO nous semblent gravement insuffisants.
Outre ces dysfonctionnements, le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO déplore une confusion dans les critères utilisés par les commissions de médiation pour la définition des ménages prioritaires. En effet, certaines commissions de médiation refusent de désigner comme prioritaires les ménages expulsables tant que ceux-ci ne font pas l’objet d’une décision de recours à la force publique. Cette situation est anormale et n’est pas conforme à la législation actuelle.
La proposition de loi présentée par notre groupe comporte diverses mesures propres à garantir un droit universel au logement effectif.
L’article 1er vise à redéfinir le droit au logement comme un droit universel, accessible à tous, quelle que soit la situation juridique de la personne sur le sol français. Cette conception est d’ailleurs celle qui prévaut dans la décision du Conseil constitutionnel du 19 janvier 1995, qui indique clairement que « toute personne a le droit de disposer d’un logement décent ». Dans cette optique, nous estimons, à l’instar de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité dans sa délibération du 30 novembre 2009, que la définition posée par l’article 1er de la loi DALO ne respecte pas cette dimension universelle, puisqu’elle conditionne le droit au logement à la régularité du séjour sur le territoire français, « dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’État ». La prise en compte de ces conditions crée une discrimination inacceptable !
Certains d’entre vous, mes chers collègues, objecteront qu’il serait vain d’ouvrir le DALO aux sans-papiers, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas éligibles au logement social. Cependant, je voudrais tout de même rappeler que nous considérons cette situation de non-droit comme scandaleuse, s'agissant de personnes qui contribuent pourtant à l’économie de notre pays !
En outre, nous souhaitons, à travers cette disposition, alerter les consciences sur le fait que le Gouvernement s’est engagé sur une pente glissante.
Concernant l’hébergement, tout d'abord, nous avons pu constater, à l’automne, qu’il existait au sein du Gouvernement une tentation d’instaurer une clause de préférence nationale, mais également la volonté de durcir les critères d’accession au logement social dans le cadre de la réforme du fichier des demandeurs de logement HLM, par le biais du décret du 29 avril 2010. Ce décret fixe en effet des conditions de plus en plus drastiques pour les migrants, s'agissant notamment de la durée minimale de validité de leur carte de séjour, portée de un à deux ans. Une telle mesure n’a d’autre vocation que d’exclure un grand nombre de migrants de l’accession au logement social.
Par ailleurs, d’un point de vue tout à fait pragmatique, exclure du droit au logement les personnes ne disposant pas de papiers constitue le plus sûr moyen de faire prospérer les « marchands de sommeil », qui bénéficient ainsi d’une clientèle captive.
Signalons que, face à l’accroissement des demandes d’expulsion, les maires de certaines communes, se fondant sur les obligations internationales contractées par l’État et leur pouvoir de police, ont parfois pris des arrêtés anti-expulsions dont la jurisprudence conteste aujourd'hui la légalité.
Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. C’est pourquoi nous proposons que toute autorité publique ait qualité, sur le territoire de son ressort, pour s’assurer de la mise en œuvre effective du droit au logement opposable. En effet, le non-respect par l’État de ses engagements internationaux, notamment lorsqu’il est procédé à des expulsions locatives sans relogement de personnes ne pouvant se maintenir par leurs propres moyens dans un logement, constitue un trouble grave et manifeste à l’ordre public, qui justifie l’intervention de l’autorité de police municipale, dans le strict respect de la séparation des pouvoirs. Du reste, je le rappelle, c’est bien au nom du maintien de l’ordre public que l’État refuse parfois le concours de la force publique.
Une telle mesure relève également de l’esprit de l’article 28 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, aux termes duquel « toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet ».
Le droit au logement étant ainsi reconnu par ce texte international, nous considérons qu’il est du devoir de toutes les institutions de l’État, de l’échelon local à l’échelon national, ainsi que de toute personne investie d’une mission publique, de veiller à la pleine application dudit principe, c'est-à-dire, concrètement, à ce qu’aucune famille ne puisse faire l’objet d’une expulsion sans être assurée de bénéficier sans aucune solution de continuité d’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités.
L’article 2 de notre proposition de loi prévoit d’interdire le recours par le préfet à la force publique dans une procédure d’expulsion locative décidée en justice lorsque la personne visée n’est pas en mesure d’accéder à un logement ou de s’y maintenir par ses propres moyens et n’a pas obtenu de proposition de relogement adaptée à ses besoins et à ses capacités. Il s’agit là de mettre notre droit en conformité avec les engagements internationaux contractés par la France.
L’article 3 de notre proposition de loi reprend les préconisations formulées par le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO, en vue d’interdire toute expulsion de personne reconnue prioritaire par une commission de médiation DALO ou étant dans l’attente d’une réponse d’une telle commission.
Nous sommes en effet au regret de constater que, s’il existe aujourd’hui des possibilités d’octroi de délais supplémentaires par le juge avant l’intervention de la puissance publique, dans la pratique, à défaut d’intervention législative, des expulsions sans relogement de personnes déclarées prioritaires au titre du DALO pourront encore se produire. Cela nous semble tout à fait intolérable, et en contradiction totale avec non seulement l’esprit de la loi DALO, mais également les prescriptions internationales concernant le droit au logement.
Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas de spolier les propriétaires,…
M. Alain Gournac. Ah ! (Sourires.)
Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. … car, comme le prévoit l’article 16 de la loi du 9 juillet 1991, aux termes duquel « le refus de l’État de prêter son concours ouvre droit à réparation », ceux-ci seront bien évidemment, le cas échéant, indemnisés par le fonds ad hoc.
Enfin, l’article 4 de la proposition de loi tend à garantir l’équilibre financier du dispositif que nous préconisons, en prévoyant la compensation du coût pour l’État de sa mise en œuvre.
Telle est, mes chers collègues, la philosophie de la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous soumettre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Isabelle Pasquet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le droit au logement, érigé en « objectif à valeur constitutionnelle » voilà plus de quinze ans par le Conseil constitutionnel, est encore bien loin d’être effectif.
Ces dernières années, nous avons adopté des lois aux intitulés ambitieux – faisant référence à un « engagement national pour le logement », à un « droit au logement opposable », à une « mobilisation pour le logement », etc. –, mais, dans les faits, nous constatons une indéniable détérioration de la situation du logement, dont la crise économique, qui fait figure de « coupable idéal », est bien loin d’être seule responsable.
La présente proposition de loi vise à y remédier en prévoyant des mesures très concrètes de prévention des expulsions de locataires en difficulté, lesquelles menacent un nombre croissant de ménages et constituent un risque majeur d’exclusion, ainsi qu’en renforçant la portée du droit au logement opposable, le DALO, en vue de garantir un droit effectif au logement.
Avant de présenter le dispositif de ce texte, je voudrais insister sur la persistance de la crise du logement, que reflète l’importance des phénomènes de non-logement et de mal-logement et qui révèle les insuffisances de la politique du logement.
En effet, nous constatons chaque jour « l’extension de l’exclusion par le logement » dénoncée à juste titre dans le seizième rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre. C’est une réalité à laquelle nous sommes tous confrontés, comme l’ont bien montré les discussions très riches et ouvertes qui ont été les nôtres en commission. J’espère que nous aurons le même débat aujourd’hui en séance publique et, surtout, que celui-ci débouchera sur des mesures concrètes.
À partir, notamment, des résultats de la dernière enquête Logement, qui a été réalisée en 2006 – la situation n’a pas dû s’arranger depuis lors ! –, l’INSEE a publié récemment des estimations sur les situations de « grande difficulté » – absence de logement ou mal-logement – dans la deuxième moitié des années 2000. Mes chers collègues, vous en trouverez un compte rendu plus détaillé dans mon rapport écrit, mais je voudrais citer quelques chiffres significatifs.
Ainsi, 133 000 personnes seraient sans domicile, dont 33 000 vivraient dans la rue ou résideraient occasionnellement dans des structures d’hébergement d’urgence et 100 000 seraient accueillies temporairement dans divers dispositifs d’hébergement.
D’autres personnes, également dépourvues de logement personnel, recourent à des solutions individuelles : elles logent à l’hôtel à leurs frais ou sont hébergées chez des particuliers. En 2006, quelque 38 000 personnes vivaient à l’hôtel, y compris un nombre indéterminé de gens pris en charge au titre de l’hébergement social. De nombreux enfants vivaient dans ces conditions : 17 % de ces 38 000 personnes avaient moins de 18 ans.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Isabelle Pasquet, rapporteur. Hors la population étudiante, diverses catégories de personnes sont hébergées par des tiers avec lesquels elles n’ont pas de lien de parenté direct.
Pour l’INSEE, le « noyau dur » des bénéficiaires de cet hébergement contraint représente 79 000 personnes âgées de 17 à 49 ans n’ayant pas les moyens d’avoir un logement indépendant, bien que 43 % d’entre elles travaillent.
Toutefois, plus de 50 000 personnes de plus de 60 ans sont également hébergées chez des tiers : ce sont le plus souvent des femmes et 53 % d’entre elles vivent dans les zones rurales. Leur situation tient à des difficultés financières, mais aussi à des problèmes d’isolement ou de santé.
Enfin, de nombreux jeunes adultes – 282 000, toujours selon les chiffres de l’INSEE – sont hébergés par leur famille non pas par choix, mais faute de pouvoir accéder à un logement personnel ou d’avoir pu s’y maintenir.
Le mal-logement concernerait, quant à lui, 2,9 millions de personnes occupant des habitations de fortune, sans confort ou surpeuplées.
À partir de ces données, l’INSEE estime à 3,2 millions le nombre de ceux qui ne peuvent accéder à un logement satisfaisant.
Le rapport de 2011 de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France évalue même à 3,6 millions le nombre des mal-logés, parmi lesquels sont inclus les gens du voyage ne pouvant accéder, faute de places en aires d’accueil, à des conditions de vie décentes. La différence avec les estimations de l’INSEE tient aussi à la difficulté de dénombrer les personnes sans logis ou recourant à des solutions de fortune : celles qui vivent dans des squats, des bidonvilles, en camping à l’année ou dans des locaux non destinés à l’habitation, ou celles qui dorment, comme un certain nombre de travailleurs pauvres, dans leur véhicule.
De plus, les investigations spécifiques de l’INSEE sur la population sans domicile et sur l’hébergement sont relativement anciennes : elles remontent à 1996 et à 2001 pour les personnes sans domicile et à 2002 pour l’enquête Logement sur l’hébergement.
La Fondation Abbé Pierre relève aussi que la demande de logement non satisfaite reste importante. Pour n’évoquer que les logements sociaux, qui n’accueillent encore qu’un ménage à bas revenus sur trois, le nombre des demandes s’élevait, en 2009, à 1 230 000. La même année, l’offre disponible était de 448 100 logements HLM, le niveau le plus bas au cours des années 2000 – 411 900 logements – ayant été atteint en 2005.
Cette inadéquation de l’offre s’aggrave, compte tenu de l’insuffisance des moyens de la politique du logement.
Cette insuffisance est d'abord celle des moyens administratifs et juridiques de l’État, relevée par deux rapports récents et importants.
Dans un rapport public de 2009 intitulé « Droit au logement, droit du logement », le Conseil d’État propose un certain nombre de pistes de réflexion pour repenser le droit du logement, par ailleurs défini comme « un arsenal impressionnant à l’efficacité limitée ». Il insiste en particulier sur la nécessité de permettre à l’État de disposer de nouveau « d’un appareil statistique de qualité et d’une expertise de haut niveau en matière d’urbanisme et de construction », outils sans lesquels il est impossible de fixer des objectifs pertinents à la politique du logement et d’élaborer une législation appropriée. Les auteurs de ce rapport soulignent également une autre nécessité : clarifier le rôle de l’État après « l’éclatement de la gouvernance du logement à laquelle on a assisté et qui pénalise d’abord les personnes défavorisées ».
De son côté, le Conseil économique, social et environnemental, dans son rapport de septembre 2010 intitulé « Évaluation de la mise en œuvre du droit au logement opposable », recommande l’élaboration d’une « stratégie de moyen-long terme » permettant de réorienter la politique du logement vers le développement de l’offre accessible.
Dans le domaine du logement et du développement de la cohésion sociale comme en d’autres matières, l’accumulation des textes n’est donc pas un gage d’efficacité de l’action publique, surtout – c’est le second point que je voudrais évoquer – quand l’effort budgétaire est insuffisant et les choix financiers contestables.
Mes chers collègues, il n’y a pas si longtemps que nous avons examiné la loi de finances pour 2011. Chacun se souvient donc des critiques qu’avait suscitées le budget du logement, y compris de la part des rapporteurs des commissions du Sénat, qui avaient relevé, notamment, l’érosion des moyens, la sous-évaluation persistante des dépenses d’hébergement d’urgence et la mise à contribution des organismes d’HLM et de la participation des employeurs à l’effort de construction pour compenser le désengagement de l’État.
Un objectif de construction de 120 000 logements en 2011 a été annoncé, mais ce chiffre élevé est-il réaliste ? Et quelles sont les perspectives de financement à moyen et à long terme de la politique du logement ?
Dans le même temps, malgré le rabotage affiché des niches fiscales, les finances publiques supportent toujours le poids des coûteuses mesures de défiscalisation, qui ont encouragé la réalisation d’investissements locatifs totalement déconnectés des besoins réels. Le seul dispositif Scellier devrait encore coûter cette année 320 millions d’euros, selon les estimations du ministère du budget,…
Mme Annie David. Vous les soignez, les propriétaires !
Mme Isabelle Pasquet, rapporteur. … pour des constructions qui, comme cela a été relevé en commission, ont parfois été réalisées dans des endroits où elles étaient inutiles et ne répondaient à aucune demande.
M. Guy Fischer. Voilà ! Venez à Lyon : de nombreux logements neufs sont vides !
Mme Isabelle Pasquet, rapporteur. La création du nouveau prêt à taux zéro renforcé, le PTZ +, accessible aux catégories de la population qui bénéficient des revenus les plus confortables, avait aussi de quoi surprendre : je me rappelle que notre collègue rapporteur pour avis des crédits de la mission « Ville et logement », Jean-Marie Vanlerenberghe, l’avait jugée « difficilement compréhensible ».
Comme le constatait le Conseil d’État dans son rapport public de 2009, il reste beaucoup à faire pour que le droit du logement soit « au service du droit au logement ». De même, on ne peut que partager les préoccupations exprimées par le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO, qui, dans son quatrième rapport annuel, intitulé « L’État ne peut pas rester hors la loi », entendait lancer « un message d’alerte ».
La présente proposition de loi procède des mêmes constats et son dispositif, très resserré, traduit une double ambition : donner une portée plus générale au DALO et renforcer concrètement les moyens de lutte contre le développement des expulsions, donc contre la précarisation du logement.
Je présenterai brièvement les mesures proposées pour atteindre ces objectifs.
Tout d'abord, il faut élargir la portée du DALO. Personne ne s’attendait à ce que ce droit résolve, comme par magie, les problèmes d’accès au logement, et les rapporteurs du projet de loi au Sénat avaient été les premiers à le dire. De fait, on est loin de cette ambition !
En 2009, le Conseil d’État notait même que le DALO pourrait acquérir rapidement la réputation d’être « un droit en partie fictif ». Les chiffres semblent, hélas, lui donner raison. Pendant les trois premières années d’application de la loi, entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2010, ont été formulées un peu plus de 200 000 demandes – c’est peu, mais le DALO reste mal connu –, et moins de 25 200 personnes ont été effectivement logées ou hébergées à l’issue de la procédure. Même si l’on ajoute à ce chiffre celui des quelque 13 500 demandeurs dont le dossier a été traité avant son examen par la commission de médiation – cela peut d’ailleurs faire craindre qu’il n’ait pas été examiné avec beaucoup de diligence avant le dépôt du recours ! –, le bilan est sans commune mesure avec le nombre des ménages non ou mal logés.
Il me semble que le législateur, qui a voté la loi du 5 mars 2007 instituant le droit opposable au logement, ne peut se satisfaire d’un tel résultat. Il faut donc que le DALO soit effectivement défini comme un droit fondamental et que toutes les autorités publiques contribuent à le faire respecter.
À cette fin, l’article 1er de la présente proposition de loi prévoit, d'une part, d’élargir ce droit à toute personne résidant sur le territoire national, et, d'autre part, de donner compétence à toutes les autorités publiques pour s’assurer de sa mise en œuvre effective.
J’évoquerai successivement ces deux aspects.
Sur le premier point, je rappellerai que la loi du 5 mars 2007 était destinée à rendre effectif un droit fondamental qui est considéré comme universel par nombre de textes internationaux, dans la mesure où il transcende le statut administratif des individus, de même, par exemple, que le droit à une vie familiale, le droit à la santé ou la protection de l’enfance.
C’est pourquoi les auteurs de la proposition de loi considèrent que les clivages opérés par les textes en vigueur entre nationaux et étrangers, d'une part, et entre étrangers européens et extra-européens, d'autre part, contredisent l’affirmation d’un droit au logement opposable et garanti par l’État.
Les dispositions de la loi soumettant à des conditions de régularité et de durée de la résidence en France l’accès des étrangers au DALO ont d’ailleurs été critiquées.
Ainsi, la HALDE a adopté, en novembre 2009, une délibération aux termes de laquelle la différence de traitement entre étrangers communautaires et non communautaires constitue une discrimination.
Le Conseil d’État, pour sa part, a relevé que le texte en vigueur ne règle pas le cas des étrangers en situation régulière sollicitant un regroupement familial.
Cette ouverture du DALO serait par ailleurs cohérente avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle « la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle ».
En outre, laisser les étrangers en situation irrégulière à l’écart du DALO profite aux marchands de sommeil, puisqu’ils constituent pour ces derniers une clientèle captive et très lucrative.
Sur le second point, si la loi a fait de l’État le garant du DALO, il paraît utile, pour rendre ce droit plus effectif et satisfaire la demande de logements, d’inciter à une action concertée de toutes les autorités concernées.
S’il était adopté, cet article renforcerait donc la portée du DALO et exprimerait une volonté politique d’appliquer ce droit.
Toutefois, il faut aussi – c’est l’objet des articles 2 et 3 de la proposition de loi – lutter contre la multiplication des expulsions locatives, qui est la conséquence de la précarisation croissante du logement et qui contredit directement la garantie du droit au logement.
Depuis 2001, les loyers du parc privé ont augmenté de 83 % et ceux du parc HLM de près de 27 %. Avec la stagnation du pouvoir d’achat et la montée du chômage et du travail précaire, les dépenses de logement deviennent insupportables pour les travailleurs pauvres, les ménages à revenus modestes, mais aussi, de plus en plus, pour les personnes disposant de revenus moyens. En outre, les aides existant en la matière ne permettent plus de ramener à un niveau raisonnable le taux d’effort que représentent les dépenses de logement.
On le mesure au travers de l’augmentation continue du nombre des expulsions : 110 000 décisions judiciaires en ce sens ont été prononcées en 2009. Il faut cesser de fabriquer des exclus !
C’est pourquoi l’article 2 tend à interdire à l’État de prêter son concours à l’exécution d’une expulsion locative lorsque le locataire n’est pas en mesure d’accéder à un autre logement par ses propres moyens et n’a pas reçu de proposition de relogement adaptée.
Cette disposition permettrait, d'une part, d’inciter à la recherche de solutions de relogement adaptées lorsqu’un ménage ne peut pas, ou plus, faire face au coût de son logement, et, d'autre part, d’éviter la multiplication des expulsions locatives frappant des ménages qui sont fragilisés par la progression des dépenses de logement et que le moindre accident de parcours peut faire basculer dans l’exclusion.
Les propriétaires ne seraient pas lésés par la mesure proposée, puisque le refus de concours de la force publique leur permet d’obtenir une indemnisation équivalant au loyer et aux charges du logement.
L’article 3, quant à lui, s’inscrit plus spécifiquement dans le cadre du DALO. Il reprend – j’insiste sur ce point – des préconisations communes au Conseil économique, social et environnemental et au comité de suivi de la mise en œuvre du DALO. Il a pour objet de prévoir un sursis à l’expulsion des personnes ayant demandé à bénéficier du droit opposable au logement et d’exclure leur expulsion avec le concours de la force publique si la commission de médiation a conclu au caractère prioritaire de leur demande, tant qu’un logement adapté ne leur a pas été proposé.
Enfin, je ne m’étendrai pas sur l’article 4, qui prévoit un gage, sinon pour souligner que ce dernier ne serait en fait probablement pas nécessaire. En effet, le relogement des familles menacées d’expulsion, qui est la seule mesure conforme aux principes du DALO, est aussi la solution la moins coûteuse pour l’État.
Telles sont, mes chers collègues, les dispositions de cette proposition de loi à laquelle, vous l’aurez compris, je suis pleinement favorable.
Conformément à l’accord passé entre les présidents des groupes politiques, la commission des affaires sociales n’a pas adopté de texte, afin que ce soit la version initiale de la proposition de loi qui soit discutée aujourd’hui. Je souhaite que nos débats permettent d’emporter la conviction du Sénat quant au bien-fondé et à l’intérêt des mesures présentées. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la question des expulsions locatives est bien entendu délicate, car, dans tous les cas, elle touche à des situations humaines particulièrement difficiles et complexes, qui ne manquent pas d’émouvoir légitimement chacun d’entre nous.
Devant ces situations, on peut choisir l’incantation ou l’action. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Oh ! C’est facile !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Votre proposition de loi est tout entière axée sur le refus de l’emploi de la force publique. Tel n’est pas le choix que nous faisons, et je vais m’en expliquer.
Le Gouvernement préfère se donner les moyens de limiter le nombre d’expulsions locatives en pratiquant une politique de prévention le plus en amont possible en cas de situation d’impayés et en recherchant des solutions de relogement quand c’est nécessaire ; j’y reviendrai.
M. Guy Fischer. On a vu ce que cela a donné !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Concernant les expulsions pour impayés de loyers, on peut noter deux cas de figure différents.
Dans le premier cas, qui n’est évidemment pas majoritaire, le locataire dispose de ressources suffisantes pour payer son loyer. S’il refuse de régler celui-ci et d’en tirer les conséquences en quittant de lui-même son logement, il est légitime que la force publique intervienne pour mettre en œuvre une décision de justice. Il n’est en effet pas question de donner raison, de fait, à des personnes de mauvaise foi.
Si ce cas ne concerne, je le répète, qu’une minorité des quelque 100 000 décisions de justice prononçant une expulsion, il n’en va pas nécessairement de même pour les 10 000 expulsions qui sont exécutées avec le concours de la force publique. En effet, tous les préfets que j’interroge sur ce point me disent que, pour l’essentiel, ils n’accordent le concours de la force publique qu’en cas de trouble à l’ordre public ou de mauvaise foi du locataire. (Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi, fait un signe de dénégation.) J’ai donc commandité une enquête sur ce sujet, afin de pouvoir disposer de statistiques fiables quant à la bonne ou à la mauvaise foi des locataires expulsés.
Il s’agit de confirmer les indications données par les préfets, mais aussi de répondre à une question d’importance, qui n’a pourtant pas été soulevée par les auteurs de la proposition de loi : que sont devenus les 90 000 ménages ayant fait l’objet d’une décision de justice prononçant une expulsion sans que le concours de la force publique ait été accordé ? J’ai également demandé que des études de cohorte soient réalisées sur ce point. Ce sujet est plus important encore que le précédent.
Dans le second cas, le locataire ne dispose pas de ressources suffisantes pour payer son loyer. Il convient alors, me semble-t-il, d’étudier de près la situation. C'est la raison pour laquelle une enquête sociale doit être réalisée avant chaque jugement.
Si la situation est temporaire, il y a la possibilité de mobiliser les aides du Fonds de solidarité logement, le FSL, qui est présent dans chaque département.
Si la situation est structurelle, durable, il ne faut pas, à mon sens, chercher à tout prix à maintenir le ménage dans le logement concerné : la solution réside dans un relogement adapté, assorti d’un loyer moins cher, par exemple dans le parc social.
Le chiffre de 10 000 expulsions avec le concours de la force publique doit être rapproché de celui de 480 000 attributions de logement social par an que vous avez cité à l’instant, madame le rapporteur. Il me semble qu’il existe des marges de manœuvre suffisantes pour pratiquer une politique de prévention permettant d’éviter le recours à la force publique.
Nous privilégions la prévention dès lors que le locataire n’est structurellement pas en mesure de payer son loyer, notamment dans le parc privé. Privilégions le relogement par anticipation, en particulier dans le parc social, pour éviter l’expulsion.
Adopter la présente proposition de loi reviendrait, de fait, à interdire au préfet de mettre en œuvre une décision de justice, ce qui n’est pas la bonne solution. La bonne solution, c’est de demander au préfet d’accélérer le relogement des ménages de bonne foi lorsqu’ils habitent dans un logement inadapté à leurs ressources. Hier encore, j’ai demandé aux préfets d’Île-de-France d’amplifier les efforts de relogement, particulièrement en faveur des ménages reconnus prioritaires au titre du DALO, dont certains risquent une expulsion.
Le nombre de relogements de ces ménages a augmenté régulièrement ces dernières années. Contrairement à ce que vous avez dit, mesdames les sénatrices, le DALO n’est pas un « droit fictif ». Je rappelle que, dans quatre-vingt-huit départements sur cent, le taux de relogement des demandeurs au titre du DALO atteint quasiment 100 % et que les problèmes se concentrent presque exclusivement dans l’Île-de-France et dans une partie de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Loin d’être un droit fictif, le DALO est donc, au contraire, un véritable filet de sécurité qui joue pleinement son rôle dans la grande majorité des départements français. Certes, il nous faut accentuer l’effort en Île-de-France et dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, là où se posent les plus grandes difficultés, mais, de grâce, ne résumons pas la situation française à la situation francilienne, dont je reconnais la complexité particulière.
M. Guy Fischer. Il y a aussi la région Rhône-Alpes et les grandes agglomérations !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Selon moi, le véritable enjeu est évidemment la production de logements, notamment en Île-de-France.
Cependant, il importe également de reconquérir le contingent préfectoral. Je rappelle que le préfet dispose normalement de 25 % des droits de réservation pour les ménages mal logés. Or, voilà deux ans, en moyenne nationale, de 10 % à 12 % des attributions de logements étaient décidées par les préfets, soit un taux bien inférieur à 25 %. J’ai engagé la reconquête de ce contingent préfectoral, notamment en Île-de-France. Nous avons quasiment achevé le travail en la matière. C’est un outil aux mains du préfet pour accélérer les relogements, notamment au titre du DALO. Nous sommes ainsi passés de 80 relogements de ce type par mois en 2008 à 250 en 2009, puis à 500 en 2010. Bien qu’encore insuffisante, cette progression est liée à la reconquête du contingent préfectoral.
Mais la question des expulsions locatives ne se limite pas à celle du concours de la force publique. Comme je l’ai indiqué, je suis particulièrement attentif au sort des quelque 90 000 ménages ayant fait l’objet d’une décision de justice prononçant une expulsion non assortie du concours de la force publique.
Le vrai sujet, ce n’est donc pas tant le recours à la force publique que les moyens mobilisés pour réduire les contentieux locatifs. Dans cet esprit, nous venons de créer, dans tous les départements de France, des CCAPEX, des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, afin précisément d’étudier les meilleurs moyens d’organiser cette prévention. Je regrette qu’un certain nombre de conseils généraux, celui du Val-de-Marne par exemple, refusent de siéger dans ces instances et de signer la convention afférente.
Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. Il y a longtemps qu’ils l’ont signée !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je déplore que certains conseils généraux qui veulent nous donner des leçons refusent de participer à cette politique de prévention des expulsions ! Cela me semble dommage ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
La meilleure façon d’éviter les expulsions, c’est évidemment de diagnostiquer les situations difficiles le plus rapidement possible. La vocation des CCAPEX est d’intervenir au plus tôt en cas d’impayés de loyers, si possible dès le troisième mois, afin de prévenir les expulsions.
Sans entrer dans le détail des articles, car nous aurons l’occasion d’y revenir, je voudrais maintenant insister sur deux points.
En premier lieu, sur un plan philosophique, je refuse que l’on oppose, comme vous venez de le faire, droit au logement, de valeur constitutionnelle, et droit de propriété, constitutionnel. Cessons d’opposer les locataires aux propriétaires !
Mme Annie David. Ce n’est pas nous qui le faisons !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Cessons d’opposer le droit au logement au droit à la propriété ! Il nous faut trouver un équilibre entre les deux.
Si vous déséquilibrez la situation au bénéfice du locataire, en interdisant, par exemple, les expulsions, la conséquence sera très simple : les propriétaires ne voudront plus mettre leurs biens sur le marché de la location, eu égard aux difficultés qu’ils rencontreraient pour en reprendre possession en cas d’impayés.
Un sénateur de l’UMP. C’est vrai !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Un tel retrait serait particulièrement négatif pour le marché du logement !
En second lieu, à l’article 3, il est prévu que toute personne ayant déposé un recours au titre du DALO pourra éviter l’expulsion tant que la commission de médiation n’aura pas statué. Je vous laisse imaginer le merveilleux effet d’aubaine que cela créerait ! Sachant qu’il faut environ six mois pour traiter un dossier, il suffira de déposer un recours au titre du DALO juste avant la fin de la trêve hivernale pour bénéficier d’un répit de dix-huit mois ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. Vous ne savez pas ce que c’est que chercher un toit !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je dis les choses telles qu’elles sont ! Il serait irresponsable de favoriser ainsi les personnes de mauvaise foi !
Enfin, beaucoup de parlementaires nous ont reproché la création du PTZ +, jugeant que ce dispositif était accessible à un trop large public. En particulier, ils dénoncent l’affectation de 400 millions d'euros aux tranches 9 et 10 et proposent l’exclusion de celles-ci du champ de la mesure. Or il s’agit ici non pas de déciles de population, mais de tranches de revenus spécifiques au PTZ +. Sachant que la tranche 9 commence en deçà du plafond de ressources pour l’accès au logement social, suivre votre raisonnement conduirait à priver d’une aide à l’accession à la propriété des ménages éligibles au logement social ! La logique d’une telle préconisation m’échappe complètement : selon vous, certains seraient donc suffisamment pauvres pour prétendre à un logement social, mais beaucoup trop riches pour bénéficier d’une aide en vue de devenir propriétaires ! Vous confondez, me semble-t-il, tranches de revenus définies spécifiquement pour le dispositif du PTZ + et déciles de population. Or ce n’est pas la même chose !
En conclusion, je voudrais rappeler que ce gouvernement est celui qui, malgré une diminution des crédits, a battu tous les records en matière de financement de logements sociaux.
M. Alain Gournac. Exactement !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je parle sous le contrôle du président de l’Union sociale pour l’habitat, qui pourra sans doute confirmer ces chiffres : nous avons, au cours de l’année 2010, financé la construction de 131 000 logements sociaux, ce qui constitue un record absolu depuis plus de trente-cinq ans !
M. Alain Gournac. C’est la vérité !
Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. Ils ne sont pas sortis de terre !
Mme Annie David. Combien sont construits ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Pendant les années 1978 à 2004, les gouvernements successifs, tant de droite que de gauche, n’en ont financé, en moyenne, que 50 000 par an. Depuis 2004, cette moyenne est passée à 100 000 logements sociaux financés par an, les années 2009 et 2010 étant marquées par des chiffres records en la matière : respectivement 120 000 et 131 000 ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Adrien Giraud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avoir un toit constitue assurément la sécurité la plus élémentaire de la personne. C’est la sécurité première et dernière, c’est l’endroit où l’on grandit, où l’on se construit et où l’on vieillit, c’est le rempart ultime avant la rue, quand tout le reste a fait défaut. Le perdre, c’est bien souvent être condamné à l’errance : de squats en hôtels meublés, de caravanes en centres d’hébergement.
En 2009, la justice a prononcé 106 938 décisions d’expulsions. Autant le dire tout net, les expulsions signent toujours un échec : échec de notre société à garantir à chacun un logement décent, échec dans les rapports locatifs pour prévenir la précarisation, sentiment d’échec de trajectoires individuelles accidentées.
Pourtant, expulser n’est pas une fatalité. En témoigne l’important travail de prévention réalisé par les bailleurs sociaux. C’est ici l’occasion de battre en brèche une idée reçue : tout impayé de loyer ne se termine pas par une expulsion. (M. le secrétaire d’État opine.) En d’autres termes, la solution aux impayés n’est pas fatalement l’expulsion.
M. Thierry Repentin. Ainsi, sur les 4,3 millions de ménages logés dans le parc social français, 250 000 foyers connaissent des situations d’impayés de loyers de plus de trois mois, soit environ 6 % des locataires. Mais, en bout de chaîne, après avoir activé de nombreuses actions de prévention, seuls 3 500 ménages – c’est encore trop ! – sont expulsés avec le concours des forces de l’ordre.
Comment les bailleurs sociaux, qui doivent faire face à davantage de situations d’impayés que ceux du parc privé, parviennent-ils à moins d’expulsions ? La réponse tient en deux mots : prévention et accompagnement.
En effet, avant l’engagement de toute procédure judiciaire, les bailleurs sociaux alertent le locataire concerné dès le troisième mois d’impayé de loyer. Grâce à un contact de proximité – le gardien, puis un travailleur social –, un dialogue est établi qui permet, d’une part, de réaliser un diagnostic précis de la situation sociale de la famille concernée et, d’autre part, de faire prendre éventuellement conscience à celle-ci des risques d’un effet boule de neige. Au-delà de trois mois d’impayés, l’accumulation de la dette peut très vite devenir insurmontable !
Ce travail de prévention permet au locataire de rééchelonner sa dette et au bailleur de recouvrer les loyers dus. Les trois quarts des situations d’impayés sont ainsi résolues. C’est considérable ! Il faut donc s’en inspirer au-delà du seul parc public.
Les propriétaires privés, qui sont souvent des particuliers, ne disposent évidemment pas des moyens humains pour accomplir ce travail de prévention. On pourrait donc imaginer qu’un système de garantie mutuelle assure cette fonction.
Hélas ! c’est l’inverse qui se produit avec les assurances locatives souscrites par nombre de propriétaires. Je rappelle en effet que ceux-ci sont encore trop peu nombreux à faire appel à la GRL – 200 000 en quatre ans d’existence – et que celle-ci n’est d’ailleurs pas universelle. Comme les assurances incitent fortement les propriétaires à déclencher immédiatement une procédure judiciaire pour pouvoir bénéficier de la couverture du risque locatif, le locataire est d’emblée emporté dans la judiciarisation de sa situation. Or, pendant ce temps, sa dette s’accumule !
Le système assurantiel produit ici des effets pervers particulièrement dommageables, autant pour le propriétaire que pour l’occupant. Cela montre que nous ne pourrons échapper au débat sur l’élargissement du système de garantie universelle et mutualiste des risques locatifs, dans le parc privé comme dans le parc public, que ce soit par conviction ou par obligation. Pour notre part, c’est évidemment la conviction qui nous y pousse. De ce point de vue, cette proposition de loi est opportune et me permet de souligner que nous attendons que des améliorations substantielles soient apportées à ce système inventé au début des années 2000.
J’en viens maintenant aux politiques d’accompagnement.
Sur les 60 000 recours visant à demander la résiliation du bail, 40 000 sont accordés par les tribunaux. Dès lors, un protocole peut être mis en place permettant au locataire de rester dans le logement moyennant le paiement d’une indemnité d’occupation, avec maintien de l’APL, et le remboursement progressif de sa dette locative. Au terme de ce protocole, dont la durée ne peut excéder cinq ans, si le locataire a respecté sa part de contrat, son bail est rétabli. C’est ce qui arrive dans près de 70 % des cas, ce qui est très encourageant.
Là encore, il y a davantage d’enseignements à tirer de ce dispositif et de bonnes solutions à trouver que dans la brutale et traumatisante expulsion. J’appelle donc de mes vœux l’élargissement de ces solutions amiables et contractuelles au parc privé, dans un cadre sécurisé pour les propriétaires.
Au-delà des indispensables efforts de sécurisation des trajectoires résidentielles, nous devons nous interroger, en tant que représentants de la nation, sur les raisons qui ont conduit à la forte croissance des expulsions au cours de la dernière décennie. Les contentieux locatifs avec demande de délivrance de titre exécutoire ont en effet augmenté de 40 % entre 2000 et 2009. C’est considérable et significatif de l’inadéquation entre l’offre de logement et le pouvoir d'achat de nos compatriotes.
Mes chers collègues, permettez-moi d’appeler votre attention sur l’exacte concomitance de l’accroissement des impayés donnant lieu à contentieux et la très forte inflation immobilière au cours de ces dix dernières années.
Plus les loyers grimpent et plus les ménages ont des difficultés pour y faire face ! Il est des vérités simples qui méritent de ne pas être oubliées si l’on veut infléchir les politiques publiques. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Thierry Repentin. Entre 2000 et 2010, les loyers de relocation dans le parc locatif privé ont augmenté de 90 %. Quant à la revalorisation annuelle pour les locataires en place, toujours dans le parc privé, elle a connu une hausse de 26 % sur la même période. La conséquence directe en est l’alourdissement du taux d’effort des ménages, parfois jusqu’à l’impayé, voire la dette locative.
M. Jacky Le Menn. Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. Exactement !
M. Thierry Repentin. Cette situation sur le front du logement est dramatique pour les classes moyennes, pour les habitants des grandes villes et des agglomérations, en particulier pour les jeunes ménages, bref, pour une part sans cesse croissante de la population. La problématique du poids du logement dans le budget familial n’est plus strictement francilienne ni restreinte aux seuls démunis : elle se généralise.
M. Jacky Le Menn. Tout à fait !
M. Thierry Repentin. Or, s’il est de la responsabilité de chacun de payer son loyer, il est de la responsabilité de la nation de sécuriser l’accès et le maintien dans le logement.
Un tel diagnostic appelle un virage de la politique du logement. À ce titre, trois priorités doivent être dégagées.
Première priorité : agir sur les prix.
C’est urgent. La défaillance du marché est patente. Des mesures de régulation doivent être prises, tant sur l’encadrement des loyers de relocation que sur la modération des prix de l’immobilier via les taux d’intérêt et les règlements d’urbanisme.
Deuxième priorité : développer l’offre abordable.
La France a besoin de logements à loyer modéré, et pas seulement dans quelques zones dites tendues.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Thierry Repentin. Les aides à la pierre n’en finissent pas de rapetisser. Bientôt, elles ne pourront plus servir qu’à financer la construction de logements pour Lilliputiens !
M. Guy Fischer. Il a raison !
M. Thierry Repentin. Renforcer l’offre abordable, c’est fixer des contreparties sociales aux aides à l’investissement locatif, c’est développer la mixité sociale dans le parc existant par le conventionnement et l’intermédiation locative.
Troisième priorité : solvabiliser.
Comme la Cour des comptes le pointait dans son rapport de 2007, les aides au logement ont vu leur pouvoir solvabilisateur s’éroder fortement au cours des quinze dernières années. Il faudrait donc au minimum relever les plafonds des loyers de référence des aides au logement et donner un coup de pouce significatif au forfait charges.
Mes chers collègues, les collectivités locales font face aux difficultés de vie de nos concitoyens au maximum de leurs possibilités, y compris parfois par des arrêtés symboliques « anti-expulsion », sur le fondement desquels on peut s’interroger.
M. Guy Fischer. Eh oui ! On le sait à Vénissieux !
M. Thierry Repentin. Les parlementaires socialistes sont convaincus que le législateur doit, lui aussi, prendre ses responsabilités. C’est ce que nous aurons à faire en ayant conscience qu’il nous est impossible de légiférer sur la seule question de l’expulsion sans agir concomitamment sur les autres leviers de la politique de l’habitat et du logement et sans restaurer du pouvoir d'achat pour ceux de nos concitoyens qui ne peuvent accéder à la propriété. Mais peut-être sommes-nous là déjà dans des débats que nous aborderons en 2012 … (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, bien sûr, il n’est jamais bon de légiférer sous le coup de l’émotion, mais reconnaissons que les appels lancés par certains font parfois avancer l’histoire. Il incombe ensuite au législateur de rendre ces utopies réalisables. Ces appels sont indispensables lorsque, alertés par des rapports ou par des hommes, nous ne savons pas réagir avec l’efficacité qui convient.
Dans son récent rapport sur l’état du mal-logement, la Fondation Abbé Pierre estime que 3,6 millions de Français ne bénéficient pas d’un logement satisfaisant.
Mme Raymonde Le Texier. Eh oui !
M. Jean-Michel Baylet. Certains d’entre eux vivent à l’hôtel, dans des campings ou dans des caves toute l’année. Quant à ceux qui ont un logement, ils vivent en surnombre dans un habitat indécent où ils ne disposent pas du confort de base.
On estime entre 500 000 et 600 000 le nombre de logements indignes, souvent exploités par ceux qu’on appelle les « marchands de sommeil », et à 1 million environ les personnes qui vivent dans des conditions inhumaines. En 2010, près de 685 000 personnes étaient dépourvues de logement.
Pourquoi ces millions d’hommes, de femmes et d’enfants connaissent-ils un tel sort ? Cette situation préoccupante et dramatique, tant sur le plan humain que sanitaire, n’est ni acceptable ni justifiable. L’État, malgré ses obligations, ne propose malheureusement rien à ces familles.
Proclamé avec la loi Quilliot en 1982, qui fait du droit à l’habitation un droit fondamental, consacré par la loi Besson de 1990, qui en fait un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation, puis par la loi DALO de 2007, le droit au logement est pourtant tenu en échec.
La loi DALO, élaborée précipitamment à la suite d’un fait divers qui avait suscité l’émotion et dont le Médiateur de la République a rappelé dans son dernier rapport annuel qu’elle était inapplicable, a suscité un immense espoir chez ces centaines de milliers d’hommes et de femmes en attente. Elle devait rendre le droit au logement effectif en imposant aux pouvoirs publics une obligation de résultat, c’est-à-dire en permettant aux citoyens de se retourner contre l’État.
Pourtant, force est de constater que sa mise en œuvre est laborieuse, décevante. À la fin de l’année 2010, moins de 180 000 recours « logement » avaient été déposés auprès des commissions de médiation, les demandes étant d’ailleurs très largement concentrées en Île-de-France. Même si ce chiffre est en progression, il reste toutefois limité au regard de l’ensemble des ménages potentiellement éligibles. Par ailleurs, compte tenu de l’engorgement de certaines commissions de médiation, seuls les trois quarts des recours ont pu être examinés. Finalement, depuis la mise en place de la loi DALO, 19 000 personnes seulement ont pu être relogées.
L’État ne loge pas les gens et ne se donne pas les moyens de le faire. Il se met ainsi lui-même hors la loi.
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Jean-Michel Baylet. Certes, la crise du logement s’est amplifiée avec la crise financière, puis la crise économique qui ont touché la France de plein fouet en 2008. Après une période de baisse, les loyers sont à nouveau aussi élevés qu’avant cette date, alors que le pouvoir d’achat des Français a, lui, largement baissé.
Mme Annie David. Bien sûr !
M. Jean-Michel Baylet. Le coût du logement est devenu inabordable pour beaucoup, insupportable pour les plus démunis, parfois même pour les classes moyennes. Quant à l’accession à la propriété, elle n’est plus envisageable pour la plupart des familles.
Le prix exorbitant des appartements dans le secteur privé et la carence de l’offre sociale poussent de plus en plus de nos concitoyens hors du marché du logement. Je pense notamment aux femmes seules avec enfant, employées en temps partiel subi, en CDD ou en intérim. L’éclatement de la cellule familiale a d’ailleurs eu des répercussions en matière de demande de logements que les prévisionnistes les plus avisés n’avaient pas vu venir.
Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut augmenter la construction de logements et atteindre au minimum 500 000 logements nouveaux par an pendant plusieurs années pour permettre enfin la mise en œuvre d’un droit au logement opposable. Or on dépasse à peine les 300 000 logements par an !
S’ajoute à cela un nombre trop important de logements vacants : plus de 2 millions. Et ce chiffre est en constante augmentation depuis trente ans !
Des solutions doivent être trouvées et mises en œuvre pour toutes ces familles qui se retrouvent à la rue ou en situation très précaire. La question qui se pose désormais à nous est simple : quelle politique mettre en place, et avec quels moyens, pour assurer enfin à chacun de nos concitoyens l’accès à un logement digne ?
Telles sont les raisons pour lesquelles nous soutenons l’initiative du groupe CRC-SPG, qui propose de rendre effectif le droit au logement et, surtout, de renforcer la prévention des expulsions locatives, toujours très insuffisante.
En effet, en 2009, le nombre de décisions de justice prononçant une expulsion a atteint un record historique : 107 000 ménages sont désormais menacés de se retrouver à la rue à la suite de la résiliation de leur bail. Ces chiffres élevés montrent que la réponse apportée aux ménages en difficulté est trop souvent répressive. Elle ne tient pas compte du coût humain, social et économique de l’expulsion et elle s’exerce au détriment de toute cohérence de l’action publique, puisque les familles expulsées devraient être relogées par les préfets dans le cadre du DALO. (Eh oui ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Monsieur le secrétaire d’État, vous aviez pourtant assuré que l’accent serait mis cette année sur une « politique de prévention des expulsions », passant notamment par une taxation des propriétaires louant à des montants abusifs des logements de petite surface et par l’encadrement de l’augmentation des loyers dans le parc social. Je regrette que, pour l’instant, cette annonce n’ait pas véritablement été suivie d’effets.
Les radicaux de gauche ont à cœur de mettre en place une véritable politique du logement, à la hauteur de ses enjeux humains. C’est pourquoi nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le droit au logement est l’un des plus importants qui soit. En effet, il conditionne l’accès à d’autres droits fondamentaux : le droit à la vie familiale et à son intimité ; le droit à la santé, car celle-ci est mise en jeu lorsque les personnes vivent dans des lieux dégradés ou insalubres ; le droit à l’éducation, laquelle est compromise en cas de suroccupation du logement ou de changements continuels de lieu de d’hébergement ; le droit au travail surtout, car celui-ci devient inaccessible pour des personnes ne disposant pas d’un domicile fixe.
Le logement est également une condition de l’exercice de la citoyenneté. Il est la base à partir de laquelle la personne se voit reconnaître une appartenance à la collectivité et peut développer une vie sociale.
Notre majorité a permis une avancée considérable en reconnaissant à tout citoyen français le droit à un logement opposable : c’est la loi DALO, déjà évoquée. Au droit du citoyen correspond dorénavant une obligation pleinement assumée par l’autorité publique.
Le texte que nous examinons aujourd’hui traite de l’effectivité de ce droit et de la question des expulsions locatives. Aussi est-il important de faire le point sur l’action du Gouvernement en la matière.
Contrairement aux allégations de l’opposition, cette action est remarquable en ce qui concerne tant le financement du logement social que la prévention des expulsions.
Concernant le logement social, je citerai quelques chiffres : 500 000 logements financés en cinq ans, dont 131 500 en 2010. Je rappelle que, lorsque M. Jospin était Premier ministre, le financement couvrait seulement 40 000 logements sociaux par an. Je dis bien 40 000 ! Par ailleurs, toujours en 2010, le nombre de logements destinés aux ménages les plus modestes a largement franchi le seuil symbolique de 20 000 – c’était l’objectif inscrit dans la loi DALO – pour atteindre 26 836 prêts locatifs aidés d’intégration, en progression de plus de 25 % par rapport à 2009.
S’agissant de la question des expulsions, je rappelle que M. le secrétaire d’État, dont je salue la détermination, s’est engagé à renforcer leur prévention. J’ai pu le constater dans mon département. La prévention des expulsions repose sur une logique d’intervention précoce, dès les premiers impayés. En effet, si l’action des travailleurs sociaux est trop tardive, les dettes risquent alors de s’être accumulées et il devient très difficile d’y faire face.
Grâce à la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi MOLLE, la constitution de commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives est désormais obligatoire dans chaque département. Ces commissions examinent les dossiers difficiles et font travailler ensemble les services de la préfecture, du conseil général et de la Caisse d’allocations familiales. L’objectif est de généraliser les solutions de médiation avant jugement et d’aider les ménages en mobilisant les aides du Fonds de solidarité pour le logement.
En ce qui concerne le développement de l’intermédiation locative, une association ou un bailleur social peut, avec l’accord du propriétaire, et à la demande du préfet, reprendre le bail, ce qui permet le maintien dans les lieux. À la fin de 2010, 2 364 logements étaient mobilisés en intermédiation locative, le Gouvernement ayant pour objectif d’atteindre 5 000 logements à la fin de l’année 2011.
Un autre élément de prévention réside dans la garantie des risques locatifs, qui a été mise en place à la demande des partenaires sociaux. Ce système permet de limiter les conséquences des impayés, grâce à un traitement social des locataires de bonne foi – j’y insiste –, ceux-ci pouvant être reconnus prioritaires au titre de la loi DALO. À la fin de 2010, 52 000 ménages ayant demandé un logement ont reçu un avis favorable d’une commission DALO et 25 000 d’entre eux ont déjà reçu une offre de logement. En Île-de-France, région où la demande est particulièrement forte, les résultats sont en nette progression par rapport aux années précédentes : 500 « ménages DALO » sont relogés chaque mois par les services de l’État, alors qu’ils n’étaient que 278 en 2009 et 81 en 2008.
Toutefois, lorsque tous les mécanismes de prévention ont été actionnés et ont échoué, la décision judiciaire d’expulsion doit être exécutée. Je tiens à souligner que le recours à la force publique ne concerne, me semble-t-il, que 11 % des décisions de justice prononçant une expulsion, et non 10 % comme l’a indiqué M. le secrétaire d’État.
Je comprends le souci de Mme le rapporteur d’améliorer la situation des personnes en situation précaire et son souhait d’éviter des expulsions. Je tiens d’ailleurs à saluer publiquement la qualité du travail qu’elle a effectué à ce sujet. Je pense cependant que les recommandations de la proposition de loi ne sont pas de bonnes réponses et auraient un effet contre-productif. Je l’ai d’ailleurs dit lors de l’examen du texte en commission : cette solution paraît formidable, généreuse, mais c’est une fausse bonne idée.
Si un propriétaire voit planer au-dessus de sa tête le risque qu’un locataire qui ne paie pas son loyer ne partira jamais, il ne louera plus son bien. Dans ma ville, beaucoup de logements privés restent inoccupés. J’essaie pourtant de convaincre les propriétaires de les proposer à la location, mais, comme ils ont certaines craintes, ils préfèrent garder le logement vide.
Limiter le recours aux expulsions serait un très mauvais signal adressé aux propriétaires. Le droit de propriété est lui aussi un droit fondamental, constitutionnel, reconnu par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Je le répète, si les propriétaires privés étaient conduits à penser qu’ils ne pourront pas récupérer leur bien en cas d’impayé, ils préféreront ne pas le louer ou ils seront plus exigeants en termes de garanties, ce qui serait très dommageable pour les personnes ayant des revenus modestes.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, mon groupe ne votera pas cette proposition de loi.
Mme Annie David. Ce n’est pas un scoop !
M. Alain Gournac. Nous ne voulons pas aller dans la direction qu’elle nous indique. Le secteur du logement étant très difficile, ce serait en effet un très mauvais signal envoyé aux propriétaires de logements inoccupés, logements dont nous tant besoin. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le droit de propriété et le droit au logement sont, certes, deux droits constitutionnels, mais force est de constater que le Gouvernement a beaucoup plus œuvré en faveur du premier que du second.
Nous sommes loin du mythe élyséen d’une France de propriétaires. Le quotidien de bon nombre de nos concitoyens est plutôt celui des difficultés de logement, du surendettement, du chômage, de la précarité galopante, voire des expulsions locatives pour les plus fragiles.
En effet, comme en témoigne la récente enquête de l’INSEE, notre pays compte aujourd’hui huit millions de pauvres – essayez de ne pas l’oublier ! –, c’est-à-dire que 13 % de la population vit avec moins de 949 euros par mois, pour une personne seule, et 2 000 euros, pour un couple. Dans ces conditions, comment accéder à un logement ou simplement s’y maintenir ?
On a évoqué la région de l’Île-de-France en général. Pour ma part, je parlerai de Paris. Selon le collectif Jeudi noir, les loyers y ont augmenté de 50 % en douze ans. L’an dernier, les prix des logements neufs ont encore bondi de près de 6 % par rapport à 2009. Malgré la crise, la spéculation se porte bien ! Ces hausses se situent bien au-delà de l’augmentation du pouvoir d’achat et de l’inflation.
Votre réponse à la crise financière et sociale que traverse notre pays consiste en toujours plus d’austérité pour la grande majorité de nos concitoyens et toujours moins de solidarité nationale. Voilà la réalité !
Ainsi, depuis 2004, si le niveau de vie des plus modestes a stagné, celui des plus aisés a progressé sous l’effet de la hausse des revenus du patrimoine. C’est ce que l’INSEE appelle un accroissement des inégalités « par le haut », accroissement des inégalités bientôt renforcé par la suppression de l’ISF. Pour celui qui se voulait le Président du pouvoir d’achat, il s’agit là d’un échec manifeste. L’effort exceptionnel en faveur du logement, pourtant annoncé, se fait également toujours attendre.
La politique du Gouvernement ne respecte pas les droits fondamentaux, notamment le droit au logement, qu’il a pourtant fait reconnaître dans la loi DALO. Il ne respecte donc pas la loi qu’il a fait voter.
Ce renoncement à mener une politique du logement ambitieuse est d’ailleurs confirmé par le Conseil d’État, dans le cadre de son rapport de 2009 intitulé Droit au logement, droit du logement. Celui-ci déclare en substance : alors que de nombreux plans de rattrapage initiés par le Gouvernement et approuvés par le Parlement supposeraient une augmentation de l’effort budgétaire en faveur du logement, on a assisté de manière paradoxale à une débudgétisation croissante des dépenses de logement, à une baisse du pouvoir « solvabilisateur » des aides personnelles, à un recul des aides à la pierre et à un recours croissant à des aides fiscales dont l’effet n’est pas mesuré. Faisant face à de sérieuses difficultés budgétaires, l’État en est même venu à puiser dans les ressources du 1 % logement, au risque de diminuer l’effort collectif en faveur du logement.
Cela a le mérite d’être clair. Voilà le résultat de votre politique !
Je ne prendrai qu’un simple exemple : la contribution de l’État au financement du logement à Paris, prévue dans la convention signée avec la ville, est passée de 660 millions d’euros pour la période comprise entre 2005 et 2010 à 500 millions d’euros pour les six ans à venir. Voilà qui s’appelle une baisse !
Par ailleurs, le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État, n’a pas souhaité donner quitus à la demande du maire de Paris d’encadrer les loyers à la relocation, au nom de la liberté du marché. Vous avez évoqué l’éventualité d’un encadrement des loyers des petites surfaces, mais nous n’avons pas vu le début du commencement d’une application concrète. (M. Alain Gournac s’exclame.)
Comment ignorer aujourd’hui les impasses de la marchandisation du logement ?
Depuis le milieu des années soixante-dix, le logement est considéré non plus comme un bien devant répondre à des besoins sociaux et humains, mais comme une marchandise. Cette politique s’est traduite par un glissement des aides de l’État en faveur de la construction de logements sociaux, qui atteignent moins de 500 millions d’euros cette année, vers un système de financement de la construction poussant à la spéculation par le biais des dispositifs Robien, Périssol ou Scellier. Et je ne compte pas les affres de la spéculation immobilière en zones tendues …
Dans ces conditions, comment respecter le fameux DALO si le nombre de logements construits ne permet pas de le garantir ? Vous être pris dans vos propres contradictions !
Vous avez également tout fait pour porter atteinte à la loi SRU en ne sanctionnant pas les maires qui la bafouent.
Là encore, je prendrai l’exemple de Paris. Les maires des VIIe et XVIe arrondissements, où la quantité de logements sociaux est proche de zéro, usent ainsi, en toute impunité, de moyens scandaleux pour s’opposer à tout programme de construction voté par la majorité du Conseil de Paris, quitte à engager des procédures judiciaires totalement indignes – elles devraient d’ailleurs être frappées d’illégalité – pour pouvoir empêcher, pendant trois ans, la construction du moindre logement social.
Ainsi, en dépit de la satisfaction ministérielle, que vous avez relayée tout à l’heure, monsieur Gournac, en vous gargarisant d’un bilan de plus de 131 000 logements sociaux construits, et ce alors même que seuls 71 000 logements sont sortis de terre, la crise du logement est à son paroxysme.
Il faut donc trouver des solutions.
S’il importe de renforcer les dotations budgétaires et de les réorienter sur les aides à la pierre, s’il convient, bien évidemment, d’agir sur les salaires et le pouvoir d’achat, je voudrais vous alerter une nouvelle fois sur une piste que le Gouvernement se refuse toujours à mettre en œuvre. Je veux parler de la réquisition de logements vides, solution à laquelle, selon une récente enquête, 74 % de nos concitoyens seraient favorables. Or, si cette réquisition est prévue dans plusieurs articles du code de la construction et de l’habitation, elle n’est pas utilisée par les préfets.
Je vous rappelle pourtant que la situation est grave, notamment à Paris : 119 467 personnes y ont fait une demande de logement social, 26 874 personnes y ont déposé un dossier de recours DALO et 12 500 ménages y attendent toujours une proposition en ayant été déclarés prioritaires par les commissions DALO.
Tout comme la Fondation Abbé Pierre, le DAL et Jeudi noir, nous demandons l’application immédiate de l’ordonnance de 1945. Il s’agit, en outre, d’un levier d’action majeur puisque, selon l’INSEE, on compte 1,8 million de logements vacants en France, dont 330 000 en Île-de-France et 122 000 à Paris. Voilà la réalité ! Il ne faut pas généraliser, avez-vous dit, mais reconnaissez que la situation est, par endroits, extrêmement tendue et difficile.
À nos yeux, la réquisition de logements vides devrait également concerner les bureaux. Actuellement, 4,5 millions de mètres carrés de bureaux sont vacants. Mieux vaudrait utiliser ces surfaces pour répondre à la crise du logement plutôt que pour obtenir un triple A. Telle est en effet la note attribuée selon le système de notation boursière aux entreprises dont 10 % au moins de leur patrimoine immobilier demeure vacant ; c’est aussi cela, la réalité !
Voilà une nouvelle preuve de la folie de l’ultralibéralisme !
La question de l’hébergement reste également problématique. Ainsi, au cours du mois de février 2011, le SAMU social a pris en charge près de 16 000 personnes logées à l’hôtel, pour une somme de 450 000 euros. Que d’argent dépensé de manière parfaitement inutile et qui pourrait être utilisé autrement !
Bien entendu, nos propositions ne s’arrêtent pas au contenu du texte que nous défendons aujourd’hui. Mais avouez tout de même que le fait de le voter permettrait au moins d’envoyer un signal : il n’y a pas que le droit à la propriété à préserver, car personne ne peut vivre sans un toit ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? …
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
Article 1er
Le premier alinéa de l’article L. 300-1 du code de la construction et de l’habitat est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le droit à un logement décent et indépendant, mentionné à l’article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement est garanti par l’État à toute personne qui n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir
« Toute autorité publique a qualité sur le territoire de son ressort pour s’assurer de la conduite à bonnes fins de la mise en œuvre effective de ce droit. »
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l’article.
Mme Mireille Schurch. Selon un récent sondage, nos concitoyens considèrent le logement comme un problème plus important que la sécurité et estiment que cette question devrait être une priorité pour le Gouvernement, au même titre que l’emploi, le pouvoir d’achat, la santé, les retraites et l’éducation.
La crise sociale, l’augmentation du nombre de chômeurs, le sentiment accru de la précarité, l’éclatement des familles, la peur d’être un jour SDF, telle est la réalité vécue par de nombreuses personnes, comme l’ont justement souligné mes collègues.
Jamais l’immobilier, le foncier, les loyers, les charges n’ont représenté une part si élevée du budget des ménages. Les problèmes de logement concernent non plus seulement les personnes défavorisées ou très modestes, mais aussi les jeunes, les salariés, surtout les salariés pauvres, et même les classes moyennes. Le nombre de recours au Fonds de solidarité pour le logement a explosé, jusqu’à plus que doubler dans certains départements.
Pourtant, la politique du Gouvernement n’a été tournée que vers les plus favorisés : 40 % des aides publiques de l’État vont au logement locatif privé, 30 % aux propriétaires et 30 % au logement social ; autrement dit, 70 % des investissements de l’État sont orientés vers le secteur privé.
Je ne prendrai qu’un seul exemple : les allocations logement sont en baisse depuis 2002, notamment les APL, qui, de façon très significative, diminuent de 84 millions d’euros tout en perdant leur caractère rétroactif.
De même, si le droit au logement opposable est aujourd’hui consacré par la loi, si le Conseil constitutionnel le reconnaît comme un objectif à valeur constitutionnel, les expulsions locatives continuent de manière massive.
En juin 2008, la France a été condamnée par le Conseil de l’Europe pour non-respect de sa charte sociale au regard de l’insuffisance de l’offre de logements abordables, des manques des politiques de lutte contre les expulsions et de l’existence de discriminations dans l’accès au logement au détriment des immigrés et des gens du voyage. Le 1 de l’article 3 de la directive du Conseil du 29 juin 2000 prohibe en effet la discrimination selon l’origine raciale ou ethnique pour la fourniture de biens et de services, y compris en matière de logement.
En outre, dans le cadre de son rapport intitulé Droit au logement, droit du logement et destiné à illustrer la gravité de la situation du logement social en France, le Conseil d’État s’est interrogé le 10 juin 2009 : « Comment loger dignement tous les habitants et ainsi honorer le droit opposable au logement ? ».
C’est dans ce contexte de désengagement de l’État et de contravention avec le droit international que nous avons souhaité, par cet article 1er, renforcer les droits de tous les locataires, en élargissant l’accès au DALO à toute personne résidant sur le territoire national et en donnant compétence à l’ensemble des personnes publiques pour s’assurer de la mise en œuvre effective de ce droit.
En effet, la loi de 2007 était destinée à rendre concret un droit considéré comme universel par les textes internationaux, transcendant donc, comme d’autres droits fondamentaux, le statut administratif des individus. C’est pourquoi le clivage opéré entre nationaux et étrangers, entre étrangers européens et extra-européens, contredit, selon nous, l’affirmation d’un DALO garanti par l’État. La législation sur le droit au logement opposable est même plus stricte que les conditions d’attribution des logements sociaux pour les personnes d’origine étrangère.
Les droits fondamentaux, dont le droit au logement fait partie, ne peuvent souffrir d’exception ou d’application à la carte. Il ne peut y avoir de catégories « orphelines » de la protection des droits fondamentaux prévus par les textes. Le Gouvernement de la République ne saurait se contenter d’un « avec » ou « sans » en matière de respect des libertés fondamentales.
C’est pourquoi nous voulons étendre le DALO à toute personne logée sur le territoire, sans condition.
Nous souhaitons aussi assurer la légalité des arrêtés municipaux « anti-expulsion » pris par des maires garants de l’ordre public dans leurs communes pour protéger ces locataires qui sont des parents avec enfants, des personnes souvent en grande difficulté.
Une telle mesure irait dans le sens d’une plus grande solidarité et permettrait de pallier les insuffisances du DALO. De fait, le texte n’instaure qu’un mécanisme d’opposabilité restreint puisque le recours juridictionnel n’est ouvert qu’aux personnes classées prioritaires par décision administrative. Les arrêtés « anti-expulsion » permettent de rechercher des solutions pérennes de relogement dans des conditions décentes et d’assurer une meilleure concertation de tous les acteurs publics concernés par la question du logement.
L’article 1er de notre proposition de loi s’inscrit donc dans la nécessité de voir le droit au logement devenir une réalité pour tous, sans exclusive aucune.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er n’est pas adopté.)
Article 2
Après l’article L. 613-3 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 613-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 613-3-1. - Aucun concours de la force publique ne peut être accordé lorsque la personne visée par la procédure d’expulsion locative mentionnée aux articles précédant et qui ne serait pas en mesure d’accéder à un logement par ses propres moyens ou de s’y maintenir, n’a pas obtenu de proposition de relogement adapté à ses besoins et à ses capacités. »
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme Demontès, MM. Repentin, Daunis et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu des articles L. 613-1 et L. 613-2 du code de la construction et de l’habitation, à titre transitoire jusqu’au 16 mars 2012, aucune expulsion ne pourra être exécutée à l’encontre des personnes reconnues prioritaires par la commission de médiation conformément à l’article L. 441-2-3 du même code, et tant qu’aucune offre de logement ou d’hébergement respectant l’unité et les besoins de la famille ne leur aura été proposée par ladite commission.
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Il s’agit de l’unique amendement déposé par les sénateurs du groupe socialiste sur cette proposition de loi.
Nous suggérons à nos collègues du groupe CRC-SPG d’adopter un dispositif certes plus souple que celui qu’ils proposent, mais aussi plus solide juridiquement.
Lors de l’examen, le 17 novembre 2009, de notre proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement, nous avions proposé de créer un moratoire de trois ans sur les expulsions. À l’époque, le rapporteur Dominique Braye – membre de la majorité – s’était dit « sensible à la philosophie » de ce texte ; d’ailleurs, tout le monde connaît sa « sensibilité » ! (Sourires.)
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Thierry Repentin. Dans le même temps, il avait estimé que les solutions mises en place pour prévenir les expulsions étaient suffisantes, citant les circulaires du 14 octobre 2008 et du 5 mars 2009 et soulignant les possibilités offertes par l’intermédiation locative, principe selon lequel le propriétaire transfère le bail à une association qui sous-loue le logement et assume les impayés.
Qu’en est-il réellement ?
Selon la Fondation Abbé Pierre, 107 000 décisions d’expulsions ont été prononcées en 2009, chiffre en hausse de 5 % sur un an et de 34 % par rapport à 2000.
À l’époque, le rapporteur avait jugé que notre proposition de moratoire revenait à faire perdre des loyers aux propriétaires. Or ce n’est pas vrai. Cette proposition vise tous les ménages de bonne foi reconnus éligibles à la procédure instituée dans le cadre du DALO, en leur accordant de facto la prorogation des délais prévus par les articles du code de la construction et de l’habitation. Ces délais, vous le savez, ouvrent droit à des indemnisations pour les propriétaires.
S’agissant de l’intermédiation locative, vous savez aussi que le Gouvernement n’est pas très favorable à améliorer les avantages liés à ces dispositifs pour les propriétaires. Comment généraliser l’intermédiation locative si les propriétaires privés n’y sont pas incités ?
À nos yeux, une autre politique du logement est possible. L’idée d’un moratoire compléterait nos différentes propositions de loi : il s’agit de parer au plus pressé, à savoir la détresse des familles.
M. Braye rappelait il y a peu sur une grande chaîne de radio l’engagement de la majorité pour que soient relogés tous les demandeurs prioritaires de l’Île-de-France avant la fin de 2011. Pourquoi, alors, ne pas prévenir les catastrophes susceptibles de survenir d’ici là en acceptant ce moratoire qui ne durerait que jusqu’à l’année prochaine ?
Mes chers collègues, le sens de notre amendement, c’est la protection des familles. Nous vous invitons donc à transformer des engagements en actes concrets pour donner, enfin, des signaux aux juges.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Pasquet, rapporteur. J’observe que, concrètement, si elle était mise en œuvre, la mesure proposée dans cet amendement ne produirait ses effets que jusqu’au 31 octobre 2011. En effet, entre le 1er novembre 2011 et le 15 mars 2012 s’appliquera la trêve hivernale prévue par l’article L. 613-3 du code de la construction et de l’habitation : pendant cette période, il ne peut y avoir d’expulsion sans relogement.
Je note également que ce n’est pas la commission de médiation qui propose au demandeur les offres de logement ou d’hébergement.
Par conséquent, la commission a décidé d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
À titre personnel, je considère que le dispositif proposé ici est très en deçà de celui de la proposition de loi. Pour cette raison, je ne le voterai pas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement, à l’instar de la commission, est défavorable à cet amendement, mais pour des raisons inverses.
M. Thierry Repentin. Je l’imagine bien !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Mme le rapporteur considère que cette rédaction ne va pas assez loin ; le Gouvernement estime au contraire qu’elle va trop loin. (Sourires.)
M. Paul Blanc. Les extrêmes se rejoignent !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je le répète, le fait de renoncer à expulser les personnes relevant du DALO, quels que soient les délais prévus, est un signal dont l’impact sera particulièrement négatif et qui risque de produire des effets d’aubaine.
Je conclurai sous forme de boutade : en fait, monsieur le sénateur, vous proposez au Gouvernement de prolonger la période hivernale de six mois et de reprendre les expulsions un mois avant les élections présidentielles ... Je n’y vois aucune malice de votre part. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Thierry Repentin. Et il n’y en a pas !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Néanmoins, je me permets de souligner ce hasard de calendrier. (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Par cet amendement, nos collègues socialistes souhaitent privilégier la notion de moratoire plutôt que de formuler dans la loi un principe simple : l’interdiction des expulsions locatives en l’absence de relogement pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de s’y maintenir ou d’y accéder par leurs propres moyens.
Si nous ne sommes pas opposés à l’idée d’un moratoire, nous estimons pour autant, comme nous l’avons exposé dans notre propos liminaire, que les prescriptions internationales en termes de droit au logement comme le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que la Déclaration universelle des droits de l’homme, directement applicables dans notre droit, ont créé l’obligation pour l’État de garantir que personne ne peut être privé de son logement en raison de conditions de ressources insuffisantes.
L’article 2 de notre proposition de loi tend simplement à garantir ces principes de manière permanente, et non plus temporaire. Une telle mesure, outre son objectif de respect de la dignité humaine, nous semble conforme aux engagements internationaux de la France et en adéquation avec le caractère constitutionnel du droit au logement.
Certains d’entre vous opposent à cette mesure la décision du Conseil constitutionnel de 1998 sur la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions. À cet égard, je voudrais clarifier notre débat.
L’inconstitutionnalité d’une mesure interdisant le recours à la force publique en l’absence de relogement se discute. En effet, si le Conseil constitutionnel s’est fondé sur le principe de séparation des pouvoirs, selon lequel on ne peut soumettre l’exécution d’une décision de justice à une diligence administrative, je vous rappelle que le droit au logement a également valeur constitutionnelle depuis une décision du Conseil constitutionnel de 1995. Les juges ont donc arbitré entre deux principes de même valeur, en privilégiant l’un par rapport à l’autre.
Or, depuis cette décision, il ne faut pas non plus sous-estimer l’apport de la loi DALO et le rôle qu’elle a confié à l’État par la voie des préfets. La question de constitutionnalité se poserait donc certainement de manière très différente.
Depuis, comme cela a été indiqué dans l’exposé liminaire, la Cour européenne des droits de l’homme a par ailleurs sanctionné l’État chypriote pour le non-respect du droit au maintien dans un logement, au nom de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Le contexte juridique n’est donc pas le même et l’inconstitutionnalité d’une telle mesure n’est pas avérée.
En outre, le fait de programmer ce moratoire uniquement jusqu’en 2012 ne résout en rien la question humaine, politique et sociale que posent les expulsions locatives sans relogement. De surcroît, reconnaissons-le, compte tenu de la navette parlementaire, la durée de vie de ce moratoire sera extrêmement courte, comme l’a souligné Mme le rapporteur.
De plus, malheureusement, il y a fort à parier que, au 16 mars 2012, soit dans seulement dix mois, la crise du logement dans notre pays ne sera pas résorbée au regard de la faiblesse des aides à la pierre et du décalage croissant entre la capacité contributive des ménages et le coût du logement.
La bataille de fond reste donc celle de la construction de logements et du pouvoir d’achat des ménages. À ce titre, notons que 80 % de nos concitoyens, selon un sondage réalisé pour l’Union sociale pour l’habitat, estiment qu’il n’y a pas assez de logements sociaux.
Je ne peux manquer également de vous signaler un fait inquiétant : le taux de surendettement des ménages a progressé de 17 % en seulement deux mois, entre décembre et février 2011.
Nous vivons une période sociale particulièrement douloureuse qui nous impose de garantir à chacun le respect des droits fondamentaux, et celui d’avoir un toit en fait partie.
Nous regrettons également que la rédaction proposée par cet amendement restreigne le champ d’application de cet article aux personnes reconnues prioritaires par le DALO, soit 57 000 personnes au 31 décembre 2010, et ce alors même que plus de 3 millions de personnes souffrent aujourd’hui de mal-logement dans notre pays et que plus de 1,3 million de personnes sont en attente d’un logement social.
Pour finir, je souhaiterais évoquer la question du raccourcissement des délais de sursis à l’exécution d’une décision judiciaire d’expulsion octroyés aujourd’hui par les juges.
En effet, vous le savez, depuis 2009 et l’adoption de la loi MOLLE de Mme Boutin, ces délais sont passés d’un maximum de trois années à un maximum d’une année seulement. Une telle mesure de raccourcissement des délais rend donc beaucoup plus difficile la possibilité de trouver un relogement avant le recours à la force publique.
Nous appelons donc le Gouvernement à revenir aux délais existants auparavant.
Chacun l’aura compris, malgré les bonnes intentions de nos collègues socialistes, nous nous abstiendrons sur cet amendement, qui vise à modifier l’article 2 de notre proposition de loi.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 n’est pas adopté.)
Article 3
Après l’article L. 613-3 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 613-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 613-3-2. - Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu des articles précédents, il doit être sursis à toute mesure d’expulsion lorsque la personne visée par cette procédure a fait une demande au titre de la loi n° 2007-290 du 7 mars 2007 instituant un droit au logement opposable et est dans l’attente d’une réponse de la commission départementale de médiation.
« Lorsqu’une personne a été désignée comme prioritaire par la commission de médiation, aucun concours de la force publique ne doit être accordé avant qu’elle ait obtenu une offre de logement adaptée à ses besoins et à ses capacités. »
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. La question des expulsions locatives pose évidemment un sérieux problème dès lors que notre législation a fait du droit au logement opposable l’un des fondements des rapports locatifs, et ce depuis plusieurs années.
Quatre années après la discussion et l’adoption de la loi DALO, où en est-on ?
C’est après des luttes particulièrement vives, ayant fortement touché l’opinion publique, que le Gouvernement a fini par faire entrer dans la loi ce qui n’était jusqu’alors qu’une revendication des acteurs du droit au logement et une recommandation de plusieurs structures s’intéressant aux questions du logement et de la lutte contre les exclusions.
Bien sûr, un certain nombre de précautions avaient été prises afin de restreindre le nombre de demandeurs de logement éligibles au dispositif, en arguant en particulier de leur situation administrative ; le projet de loi ne s’était pas contenté de poser la question du droit au logement opposable, il était agrémenté de dispositions qui avaient notamment tendance à valider l’indice de référence des loyers, qui a été l’instrument idéal du relèvement des loyers dans les zones les plus tendues ces dernières années.
À la vérité, le droit au logement opposable, sur le principe, est un moyen de lutte contre l’exclusion sociale fondamental, mais il ne résout pas tout. Ne plus avoir de toit est l’un des facteurs déclenchant de l’exclusion sociale, et c’est pourquoi nous devons nous mobiliser.
Comme on pouvait s’y attendre, ce que les demandes d’application du principe défini dans la loi du 5 mars 2007 ont prouvé, c’est qu’il existe dans notre pays quelques régions bien précises dans lesquelles les problèmes de logement ont toujours eu une acuité particulière, laquelle s’est accrue avec la persistance de la fièvre spéculative qui continue d’animer le marché.
Ce que prouve en effet le bilan de l’application du droit au logement opposable, c’est que les tensions les plus fortes en matière de logement sont enregistrées en Île-de-France et en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, singulièrement sur la Côte d’Azur.
La même observation vaut pour la région capitale, où les tensions sont d’autant plus fortes que l’on se situe au plus près du centre de Paris, la spéculation immobilière ayant un caractère centrifuge assez nettement affirmé et devenant de moins en moins forte dès lors que l’on s’éloigne de Paris intra-muros.
Le marché immobilier, précisons-le, a connu une certaine tension dans quelques villes de province, comme Strasbourg, Lyon et Lille. En outre, il est évident que certains choix de politique locale en matière d’immobilier – je pense à Marseille – ont également pu contribuer à tendre une situation qui n’a cependant pas conduit aux exclusions massives constatées en Île-de-France.
Dans ce contexte, il nous semble nécessaire de limiter nettement plus qu’aujourd'hui le recours à la force publique, ultime moyen utilisé en matière de contentieux locatif. Un demandeur de logement éligible au droit au logement opposable, correspondant aux critères retenus, dont nous avons dit qu’ils n’étaient d’ailleurs pas aussi ouverts que cela, ne peut et ne doit décemment pas être expulsé de son logement sans solution adaptée à sa situation.
On nous objectera que certaines expulsions ont plus à voir avec les nécessités de l’urbanisme qu’avec le non-respect des normes locatives ou des droits des locataires, mais il n’en demeure pas moins que l’inscription au fichier DALO devrait suffire pour justifier la non-exécution d’une décision de justice, conformément aux préconisations du Comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable, reprises dans un rapport du Conseil économique, social et environnemental.
Tel est l’objet de l’article 3, que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 201 :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 131 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 4
Les conséquences financières éventuelles découlant pour l’État de l’application des dispositions ci-dessus sont compensées à due concurrence par le relèvement du taux prévu au 2 de l’article 200 A du code général des impôts.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que si cet article n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi dans la mesure où les quatre articles qui la composent auraient été rejetés.
Je mets aux voix l’article 4.
(L'article 4 n'est pas adopté.)
M. le président. Les quatre articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés, je constate qu’il n’y a pas lieu de voter sur l’ensemble, puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi est rejetée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd’hui, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE (suite)
Jeudi 5 mai 2011
De 9 heures à 11 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
1°) Proposition de résolution relative à la tenue des sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Roland Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 358, 2010 2011) ;
(La conférence des présidents a attribué un temps d’intervention de vingt minutes à l’auteur de la proposition de résolution.
La durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe a été fixée à une heure.
Les interventions des orateurs des groupes vaudront explications de vote.
Le délai limite pour les inscriptions de parole est expiré) ;
De 11 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe CRC-SPG :
2°) Proposition de résolution relative à la politique énergétique de la France, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Jean-Claude Danglot et les membres du groupe CRC SPG (n° 397, 2010-2011) ;
(La conférence des présidents a attribué un temps d’intervention de vingt minutes à l’auteur de la proposition de résolution.
La durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe a été fixée à une heure.
Les interventions des orateurs des groupes vaudront explications de vote.
Le délai limite pour les inscriptions de parole est expiré) ;
De 15 heures à 19 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
3°) Proposition de loi visant à moderniser le droit de la chasse, présentée par M. Pierre Martin (texte de la commission, n° 444, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les délais limite pour le dépôt des amendements en séance et pour les inscriptions de parole sont expirés) ;
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 19 heures et le soir :
4°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au prix du livre numérique (texte de la commission, n° 485, 2010-2011) (demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication) ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures.
Le délai limite pour les inscriptions de parole est expiré) ;
5°) Proposition de loi relative à la régulation du système de distribution de la presse, présentée par M. Jacques Legendre (texte de la commission, n° 475, 2010-2011) (demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les délais limite pour le dépôt des amendements en séance et pour les inscriptions de parole sont expirés).
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 10 mai 2011
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1214 de Mme Catherine Procaccia à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Mesures préventives pour limiter le vol des câbles en cuivre sur l’A4-A86) ;
- n° 1223 de M. Marc Laménie à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;
(Dotation globale horaire dans les établissements d’enseignement secondaire) ;
- n° 1236 de M. Jean-Pierre Godefroy à M. le ministre de la défense et des anciens combattants ;
(Reconnaissance des maladies professionnelles et accès à l’ACAATA des militaires) ;
- n° 1241 de M. Raymond Couderc à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;
(Taxe d’habitation sur les logements vacants) ;
- n° 1244 de M. Antoine Lefèvre à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Nuisances aériennes) ;
- n° 1245 de Mme Maryvonne Blondin à M. le ministre de la culture et de la communication ;
(Délivrance de visas aux artistes étrangers amateurs dans le cadre de festivals de folklore et d’art traditionnels) ;
- n° 1246 de M. Claude Jeannerot à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Inquiétudes concernant la pérennité des TGV Paris-Lausanne via Pontarlier et Frasne) ;
- n° 1248 de Mme Patricia Schillinger transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Projet de loi concernant les syndics) ;
- n° 1249 de Mme Virginie Klès transmise à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Situation de la gendarmerie mobile en Bretagne) ;
- n° 1250 de M. Bernard Fournier à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Gestion des déchets d’activités de soins à risque infectieux) ;
- n° 1251 de M. Daniel Reiner à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Urgence pour l’accueil et l’hébergement d’urgence) ;
- n° 1253 de M. Michel Boutant à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;
(Rentrée scolaire 2011 en Charente et modalités de calcul de la part variable) ;
- n° 1256 de Mme Renée Nicoux à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;
(Avenir de la politique de cohésion) ;
- n° 1257 de M. Louis Pinton à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Définition des priorités entre nouvelles LGV au sein du schéma national des infrastructures de transport) ;
- n° 1258 de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique ;
(Tarif d’achat de l’électricité photovoltaïque dans le cadre d’un contrat de partenariat public privé) ;
- n° 1260 de Mme Annie David à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Réalisation de la liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin) ;
- n° 1274 de M. Hervé Maurey à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;
(Difficultés rencontrées par les veufs et les veuves) ;
- n° 1292 de M. Gilbert Barbier à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique ;
(Fermeture de l’usine Ideal Standard dans le Jura) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (n° 361, 2010-2011) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 9 mai 2011 ;
- au lundi 9 mai 2011, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mardi 10 mai 2011, le matin).
Mercredi 11 mai 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 :
1°) Suite du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques ;
2°) Projet de loi organique portant diverses mesures de nature organique relatives aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution (procédure accélérée) (texte de la commission, n° 468, 2010-2011) et projet de loi relatif aux collectivités de Guyane et de Martinique (procédure accélérée) (texte de la commission, n° 469, 2010-2011) ;
(La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 10 mai 2011 ;
- au jeudi 5 mai 2011, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance à ces deux textes.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements à ces deux textes le mercredi 11 mai 2011, le matin) ;
Le soir :
3°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 10 mai 2011) ;
4°) Suite de l’ordre du jour de l’après-midi.
Jeudi 12 mai 2011
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite des projets de loi organique et ordinaire relatifs aux collectivités de Guyane et de Martinique ;
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du protocole modifiant le protocole sur les dispositions transitoires annexé au traité sur l’Union européenne, au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (texte de la commission, n° 460, 2010-2011) ;
(La conférence des présidents a fixé au lundi 9 mai 2011, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires étrangères se réunira pour examiner les amendements le mercredi 11 mai 2011, le matin) ;
3°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (texte de la commission, n° 471, 2010-2011) ;
(La conférence des présidents a fixé au jeudi 5 mai 2011, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 11 mai 2011, le matin) ;
(La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mercredi 11 mai 2011) ;
4°) Projet de loi relatif au maintien en fonctions au-delà de la limite d’âge de fonctionnaires nommés dans des emplois à la décision du Gouvernement (procédure accélérée) (texte de la commission, n° 473, 2010-2011) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mercredi 11 mai 2011 ;
- au jeudi 5 mai 2011, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 11 mai 2011, le matin) ;
À 15 heures, le soir et, éventuellement, la nuit :
5°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
6°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Mardi 17 mai 2011
À 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (procédure accélérée) (n° 438, 2010-2011) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 16 mai 2011 ;
- au jeudi 12 mai 2011, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 17 mai 2011, le matin) ;
De 17 heures à 17 heures 45 :
2°) Questions cribles thématiques sur « l’apprentissage dans le cadre des Douzièmes journées de l’apprentissage » ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 12 heures 30) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 18 heures et le soir :
3°) Suite du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale.
Mercredi 18 mai 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale.
Jeudi 19 mai 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale.
Éventuellement, vendredi 20 mai 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale.
SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE
DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT
ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
Mardi 24 mai 2011
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1228 de M. Bernard Vera à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
(Avenir de l’IUFM d’Étiolles (91)) ;
- n° 1259 de M. Jean-Jacques Mirassou à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Situation de la communauté de communes rurales des coteaux du Savès et de l’Aussonnelle en Haute-Garonne) ;
- n° 1261 de Mme Mireille Schurch à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Autorisation d’exercice des médecins titulaires de diplômes obtenus hors Union européenne) ;
- n° 1262 de M. Jean-Luc Fichet à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ;
(Avenir des opticiens en milieu rural face à la politique de conventionnement des complémentaires santé) ;
- n° 1263 de M. Philippe Madrelle à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Protection des digues) ;
- n° 1264 de M. René-Pierre Signé à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
(Conventions CIFRE) ;
- n° 1265 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat à M. le ministre de la défense et des anciens combattants ;
(Disparition d’un mathématicien à Alger en 1957) ;
- n° 1266 de M. François Marc à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;
(Demande de solution technique de soutien pour les campagnes 2012 et 2013 de chanvre et lin) ;
- n° 1268 de M. Martial Bourquin à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;
(Avenir des services publics en milieu rural) ;
- n° 1270 de M. Jean-Pierre Demerliat à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Inscription au SNIT de la mise à 2 x 2 voies de la RN 147) ;
- n° 1271 de M. Guy Fischer à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Difficultés financières des communes confrontées à des risques industriels majeurs) ;
- n° 1273 de M. Daniel Laurent à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;
(Taxation des émissions de composés organiques volatils des chais de stockage et de vieillissement du Cognac) ;
- n° 1275 de Mme Éliane Assassi à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Insuffisance des effectifs du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) en Seine-Saint-Denis) ;
- n° 1277 de Mme Catherine Morin-Desailly à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ;
(Conséquences des réductions des délais de paiement) ;
- n° 1278 de M. Yannick Bodin à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;
(Suppression de l’aide administrative des directeurs d’école) ;
- n° 1281 de M. Alain Fouché à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Bilan et contrôle des engagements pris par les banques) ;
- n° 1283 de M. Michel Billout à Mme la secrétaire d’État chargée de la santé ;
(Avenir de la radiothérapie en Seine-et-Marne) ;
- n° 1296 de Mme Anne-Marie Escoffier à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;
(Lutte contre le campagnol) ;
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
2°) Débat sur la politique forestière et le développement de la filière bois (demandes du groupe socialiste et de la commission de l’économie) ;
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes respectivement au représentant du groupe socialiste et au représentant de la commission de l’économie ;
- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 23 mai 2011) ;
3°) Question orale avec débat n° 6 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire sur la contractualisation dans le secteur agricole (demande du groupe UC) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 23 mai 2011.
Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie du temps de parole pour répondre au Gouvernement).
Mercredi 25 mai 2011
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
1°) Débat sur l’état de la recherche en matière d’obésité (demandes du groupe UMP et de l’OPECST) ;
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes au représentant de l’OPECST ;
- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 24 mai 2011) ;
2°) Débat sur « Quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ? » (demande du groupe CRC-SPG) ;
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes au représentant du groupe CRC-SPG ;
- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 24 mai 2011).
Jeudi 26 mai 2011
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
1°) Débat sur le bilan du dispositif d’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires (demande du groupe UC) ;
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes au représentant du groupe UC ;
- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mercredi 25 mai 2011) ;
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures).
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE
Lundi 30 mai 2011
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
- Proposition de loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues (n° 422, 2010-2011) (demande du groupe RDSE) ;
(La commission de la culture se réunira pour le rapport le mardi 24 mai 2011, l’après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 23 mai 2011, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le vendredi 27 mai 2011 ;
- au vendredi 27 mai 2011, à 12 heures, le délai limite pour le La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements à l’issue de la discussion générale).
Mardi 31 mai 2011
À 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
1°) Projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française (procédure accélérée) (n° 452, 2010-2011) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 18 mai 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 16 mai 2011, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 30 mai 2011 ;
- au jeudi 26 mai 2011, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 31 mai 2011, le matin) ;
2°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à actualiser l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs (n° 370, 2010-2011) (demande du groupe socialiste) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 18 mai 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 16 mai 2011, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 30 mai 2011 ;
- au jeudi 26 mai 2011, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 31 mai 2011, le matin) ;
De 17 heures à 17 heures 45 :
3°) Questions cribles thématiques sur « La politique audiovisuelle extérieure » ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 12 heures 30) ;
À 18 heures, le soir et, éventuellement, la nuit :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
4°) Suite de l’ordre du jour de l’après-midi ;
5°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à proroger le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger (n° 412, 2010-2011) (demande du groupe UMP) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 30 mai 2011 ;
- au lundi 30 mai 2011, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 31 mai 2011, le matin) ;
6°) Proposition de loi relative à la protection de l’identité, présentée par MM. Jean-René Lecerf et Michel Houel (texte de la commission, n° 433, 2010-2011) (demande du groupe UMP) ;
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 30 mai 2011 ;
- au jeudi 26 mai 2011, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 31 mai 2011, le matin) ;
7°) Suite de la proposition de résolution instituant une « journée nationale de la laïcité », présentée, en application de l’article 34 1 de la Constitution, par M. Claude Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 269, 2010-2011) (demande du groupe socialiste).
Mercredi 1er juin 2011
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
1°) Proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l’égalité salariale et sur les conditions d’exercice de la parentalité, présentée par Mme Claire-Lise Campion et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 492, 2009-2010) (demande initiale du groupe socialiste) ;
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 25 mai 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 23 mai 2011, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 31 mai 2011 ;
- au mardi 31 mai 2011, à 15 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 1er juin 2011, le matin) ;
2°) Sous réserve de sa transmission, proposition de loi visant à abroger les permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national (A.N., n° 3301) (demande du groupe de l’UMP) et proposition de loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de schiste, présentée par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 377, 2010 2011) (demande du groupe socialiste) ;
(La commission de l’économie se réunira pour le rapport le mercredi 25 mai 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 23 mai 2011, à 12 heures).
La conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de vingt minutes au groupe RDSE et a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 31 mai 2011 ;
- au lundi 30 mai 2011, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements le mercredi 1er juin 2011, le matin).
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 7 juin 2011
À 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (procédure accélérée) (A.N., n° 3235) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 25 mai 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 23 mai 2011, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 6 juin 2011 ;
- au mercredi 1er juin 2011, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 7 juin 2011, le matin) ;
De 17 heures à 17 heures 45 :
2°) Questions cribles thématiques sur « L’évolution et les perspectives du secteur des services à la personne » ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 12 heures 30) ;
À 18 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite du projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région ;
4°) Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l’Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité (n° 441, 2010-2011) ;
(La commission des affaires étrangères se réunira pour le rapport le mercredi 18 mai 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 16 mai 2011, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 6 juin 2011 ;
- au lundi 6 juin 2011, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires étrangères se réunira pour examiner les amendements le mardi 7 juin 2011, l’après-midi) ;
5°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique concernant l’échange d’informations et de données à caractère personnel relatives aux titulaires du certificat d’immatriculation de véhicules contenues dans les fichiers nationaux d’immatriculation des véhicules dans le but de sanctionner les infractions aux règles de la circulation (texte de la commission, n° 462, 2010-2011) ;
6°) Projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relative à l’approvisionnement de la Principauté de Monaco en électricité (n° 37, 2010-2011) ;
7°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela relatif au statut de leurs forces armées dans le cadre de la coopération militaire (n° 350, 2010-2011) ;
8°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord de coopération en matière militaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan (n° 351, 2010-2011) ;
9°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc sur l’assistance aux personnes détenues et sur le transfèrement des condamnés (n° 445, 2009-2010) ;
10°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine (n° 413, 2010-2011) ;
(Pour les six projets de loi ci-dessus, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ;
Selon cette procédure simplifiée, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le vendredi 3 juin 2011, à 17 heures qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle).
Mercredi 8 juin 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique ;
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mardi 31 mai 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 30 mai 2011, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 7 juin 2011 ;
- au lundi 6 juin 2011, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mardi 7 juin 2011, le matin).
Jeudi 9 juin 2011
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique ;
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique.
Éventuellement vendredi 10 juin 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique.
Mardi 14 juin 2011
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1239 de M. Ronan Kerdraon à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Difficultés rencontrées par les vendeurs de véhicules d’occasion) ;
- n° 1269 de M. Roland Courteau à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Tracé de la ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan) ;
- n° 1272 de M. Christian Cambon à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;
(Communication du détail des rôles supplémentaires des impôts locaux) ;
- n° 1279 de Mme Annie David à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Régime juridique du contrat de travail des saisonniers) ;
- n° 1282 de M. Georges Patient à Mme la secrétaire d’État chargée de la santé ;
(Amélioration de la situation sanitaire de la Guyane) ;
- n° 1284 de M. Marc Daunis à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Situation des demandeurs d’asile dans le département des Alpes Maritimes) ;
- n° 1287 de Mme Catherine Dumas à M. le ministre de la culture et de la communication ;
(Devenir de la salle de spectacle « Élysée Montmartre ») ;
- n° 1289 de Mme Françoise Férat à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Suppression de la direction départementale des territoires de Dizy dans la Marne) ;
- n° 1291 de M. Claude Léonard à M. le ministre chargé des collectivités territoriales ;
(Indemnisation des délégués intercommunaux) ;
- n° 1295 de Mme Marie-France Beaufils à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Avenir du fret ferroviaire à Saint-Pierre-des-Corps) ;
- n° 1299 de Mme Bernadette Bourzai à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Mise en cause des spécificités des missions locales) ;
- n° 1306 de M. Richard Yung à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;
(Déductibilité des charges supportées par les personnes fiscalement non résidentes percevant exclusivement des revenus de source française) ;
- n° 1309 de M. Marcel Rainaud à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;
(Avenir de l'éducation) ;
- n° 1311 de M. Gérard Bailly à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Inquiétudes sur les dessertes ferroviaires du Jura) ;
- n° 1312 de Mme Françoise Cartron à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;
(Fermetures de classes en Gironde) ;
- n° 1313 de Mme Christiane Demontès à Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de la vie associative ;
(Actualité et perspectives du service civique) ;
- n° 1314 de M. Jacques Mézard à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Situation des services de la protection judiciaire de la jeunesse dans le Cantal) ;
- n° 1320 de M. Jean-Paul Fournier à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Statistiques sur la politique de sécurité intérieure) ;
- n° 1323 de M. Alain Houpert à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;
(Épandages aériens de produits phytopharmaceutiques) ;
À 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mardi 31 mai 2011, le matin.
La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 13 juin 2011 ;
- au jeudi 9 juin 2011, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 14 juin 2011, le matin) ;
De 17 heures à 17 heures 45 :
3°) Questions cribles thématiques sur « Le suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (L.R.U.) et de la politique universitaire française » ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 12 heures 30) ;
À 18 heures, le soir et, éventuellement, la nuit :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
4°) Suite du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques.
Mercredi 15 juin 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Éventuellement, suite du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques ;
2°) Sous réserve de son dépôt, projet de loi organique destiné à modifier l’article 121 de la loi organique modifiée n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 8 juin 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 6 juin 2011, à 11 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 14 juin 2011 ;
- au mardi 14 juin 2011, à 15 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 15 juin 2011, le matin) ;
3°) Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ;
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 8 juin 2011, matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 6 juin 2011, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 14 juin 2011 ;
- au mardi 14 juin 2011, à 15 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 15 juin 2011, le matin).
Jeudi 16 juin 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques.
SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE
DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT
ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
Mardi 21 juin 2011
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1247 de Mme Patricia Schillinger à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Risques présentés par l’utilisation des ampoules à basse consommation) ;
- n° 1254 de M. Roland Ries à Mme la secrétaire d’État chargée de la santé ;
(Suppression de trois centres médicaux en Alsace) ;
- n° 1276 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Délai de versement des subventions destinées à l’association pour l’accompagnement social et administratif des travailleurs migrants et de leurs familles) ;
- n° 1288 de M. André Reichardt à M. le secrétaire d’État chargé du logement ;
(Difficultés posées par l’application des dispositions de l’article 55 de la loi SRU) ;
-°n° 1293 de Mme Valérie Létard à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
(Recherche et innovation dans le domaine du ferroviaire) ;
- n° 1300 de Mme Renée Nicoux à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;
(Préparation de l’épreuve d’histoire des arts pour le brevet des collèges) ;
- n° 1302 de M. Michel Boutant à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Situation des médecins hospitaliers étrangers) ;
- n° 1303 de Mme Catherine Deroche à Mme la ministre des sports ;
(Suppression de l’article R. 331-9 du code du sport) ;
- n° 1305 de M. René Vestri à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Valeur juridique d’une charte de fonctionnement d’un EPCI au regard des dispositions de l’article 1379-0 bis du code général des impôts) ;
- n° 1307 de M. Daniel Reiner à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Conséquences de la suppression des exonérations des cotisations patronales pour les particuliers employeurs) ;
- n° 1308 de M. Jean-Pierre Sueur à M. le ministre de la culture et de la communication ;
(Soutien de l’état au théâtre de l’Escabeau de Briare (Loiret)) ;
- n° 1310 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;
(Devenir du CNED et de ses missions de service public) ;
- n° 1315 de Mme Claire-Lise Campion à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;
(Reconnaissance des associations d’assistants maternels) ;
- n° 1316 de Mme Claudine Lepage à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;
(Utilisation des manuels d’histoire franco-allemands après la réforme de l’éducation nationale) ;
- n° 1317 de M. Daniel Laurent à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Exonération des cotisations patronales d’assurances sociales et d’allocations familiales pour les entreprises implantées en zone de restructuration de la défense) ;
- n° 1318 de M. Rémy Pointereau à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(État d’avancement du projet de LGV Paris - Orléans - Clermont-Ferrand - Lyon) ;
- n° 1319 de M. Jean-Paul Amoudry à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ;
(Réforme du classement des hébergements touristiques) ;
- n° 1321 de Mme Annie Jarraud-Vergnolle à M. le ministre chargé des collectivités territoriales ;
(Devenir des services publics sur la zone frontalière d’Hendaye) ;
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
2°) Débat préalable au Conseil européen du 24 juin 2011 ;
(La conférence des présidents a décidé d’attribuer, à la suite de l’intervention liminaire du Gouvernement de 10 minutes, un temps d’intervention de 8 minutes au président de la commission des affaires européennes, au président de la commission des affaires étrangères, au rapporteur général de la commission des finances, ainsi qu’à chaque groupe (5’ pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe) ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 20 juin 2011).
À la suite de la réponse du Gouvernement, les sénateurs pourront, pendant une heure, prendre la parole (deux minutes maximum) dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution :
3°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2011 ;
(La commission des finances se réunira pour le rapport le mercredi 15 juin 2011, le matin.
La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 20 juin 2011 ;
- au lundi 20 juin 2011, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements le mardi 21 juin 2011, à 9 heures 30).
Mercredi 22 juin 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution :
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011.
Jeudi 23 juin 2011
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution :
1°) Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011 ;
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution :
3°) Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011.
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE
Lundi 27 juin 2011
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 16 heures 30 :
- Débat sur « Tourisme et environnement outre-mer » (demande de la commission de l’économie) ;
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes au représentant de la commission de l’économie ;
- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le vendredi 24 juin 2011).
Mardi 28 juin 2011
À 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
1°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap (n° 320, 2010-2011) (demande du groupe UMP) ;
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 15 juin 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : mardi 14 juin 2011, à 15 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 27 juin 2011 ;
- au lundi 27 juin 2011, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mardi 28 juin 2011, le matin) ;
De 17 heures à 17 heures 45 :
2°) Questions cribles thématiques sur « La rentrée scolaire » ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 12 heures 30) ;
À 18 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
3°) Suite éventuelle de la proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées ;
4°) Proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale, présentée par M. Christian Demuynck et plusieurs de ses collègues (n° 720, 2009-2010) (demande de la commission de l’économie) ;
(La commission de l’économie se réunira pour le rapport le mercredi 15 juin 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : jeudi 9 juin 2011, à 16 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 27 juin 2011 ;
- au jeudi 23 juin 2011, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements le mardi 28 juin 2011, l’après-midi).
Mercredi 29 juin 2011
Ordre du jour réservé au groupe UC :
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
- Proposition de loi visant à améliorer et sécuriser l’exercice du droit de préemption, présentée par M. Hervé MAUREY (n° 323, 2010-2011) ;
(La commission de l’économie se réunira pour le rapport le mercredi 15 juin 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : jeudi 9 juin 2011, à 16 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 28 juin 2011 ;
- au jeudi 23 juin 2011, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements le mercredi 29 juin 2011, le matin).
Jeudi 30 juin 2011
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Proposition de loi visant à renforcer l’attractivité et à faciliter l’exercice du mandat local, présentée par M. Bernard Saugey et Mme Marie-Hélène Des Esgaulx (n° 449, 2010-2011) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 15 juin 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : mardi 14 juin 2011, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mercredi 29 juin 2011 ;
- au jeudi 23 juin 2011, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 29 juin 2011, le matin) ;
De 15 heures à 19 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
2°) Proposition de loi relative au développement des langues et cultures régionales, présentée par M. Robert Navarro et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 251 rectifié, 2010 2011) ;
(La commission de la culture se réunira pour le rapport le mercredi 22 juin 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 20 juin 2011, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mercredi 29 juin 2011 ;
- au lundi 27 juin 2011, à 15 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le mercredi 29 juin 2011, le matin) ;
3°) Clôture de la session ordinaire 2010-2011.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ? ...
Ces propositions sont adoptées.
6
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a été informé, par lettre en date du 4 mai 2011, par le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés de la loi relative à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA en 2016.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de cette saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
7
Communication relative à des nominations
M. le président. En application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, la commission de l’économie a émis un vote favorable – vingt-trois voix pour, zéro voix contre – en faveur de la nomination de M. Jean-François Dhainaut à la présidence du Haut Conseil des biotechnologies, en application de l’article L. 531-4 du code de l’environnement ; et la commission de la culture a émis un vote favorable – neuf voix pour, trois votes blancs – en faveur de la nomination de M. Didier Houssin à la présidence du conseil de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, en application de l’article L. 114-3-3 du code de la recherche et de l’article 2 du décret n° 2006-1334 du 3 novembre 2006 modifié.
8
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 4 mai 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011–147 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
9
Lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et de la commission de l’économie, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer (proposition n° 267, texte de la commission n° 425, rapport n° 424, avis n° 464).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens avant tout à vous exprimer toute ma satisfaction de représenter aujourd’hui le Gouvernement au Sénat pour l’examen en première lecture de la proposition de loi portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer, adoptée le 26 janvier dernier à l’unanimité par l’Assemblée nationale.
M. Thierry Repentin. Excellent !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Vous le savez, cette proposition de loi fait suite à une mission que le Gouvernement a confiée au mois d’avril 2009 à M. Serge Letchimy, député de la Martinique, lui demandant d’étudier les moyens de relancer la lutte contre l’habitat insalubre outre-mer.
L’objectif de ce texte est, à la suite de l’élaboration du plan global de lutte contre l’habitat indigne et insalubre en outre-mer, adopté lors du conseil interministériel du 6 novembre 2009, de doter cette politique publique d’outils efficaces.
Le soutien apporté par le Gouvernement à ce texte traduit son engagement en faveur du logement outre-mer afin de mettre en place une véritable politique de relance du logement social en outre-mer et de reconstituer des tissus urbains dégradés.
Dans ce cadre, j’ai eu depuis ma prise de fonction la volonté d’aider nos bailleurs sociaux à développer l’offre de logements avec des moyens nouveaux opérationnels et législatifs. Depuis plusieurs mois, cette mobilisation porte ses fruits. C’est aussi pour moi l’occasion de rappeler que la politique de logement outre-mer repose sur deux piliers : l’un est l’accroissement de l’offre de logements sociaux ; l’autre est l’habitat privé, qui concerne outre-mer beaucoup de propriétaires aux ressources modestes.
Je relève que la présente proposition de loi est un texte particulièrement important pour enclencher une politique publique de rénovation de l’habitat commune à l’ensemble des départements de l’outre-mer. Elle rejoint en cela la loi pour le développement économique des outre-mer, que le Gouvernement a portée et que vous avez adoptée voilà exactement deux ans.
Je souhaite insister sur le fait que cette relance passe par deux volets complémentaires : une intervention forte sur l’habitat informel, dégradé et insalubre ainsi qu’une politique volontariste de développement de l’offre nouvelle de logements.
Concernant le second volet, nous disposons aujourd’hui de deux instruments fondamentaux : la défiscalisation et la ligne budgétaire unique.
Je constate que cette nouvelle ressource crée un véritable effet de levier sur la production neuve. En effet, grâce à la défiscalisation, la production de logements nouveaux engagés a pu connaître un bond de 15 % entre 2009 et 2010, avec plus de 7 000 unités l’année dernière.
La loi de finances pour 2011 a par ailleurs maintenu la capacité d’engagement de la ligne budgétaire unique, puisque, avec 275 millions d’euros en autorisations d’engagement, les crédits sont restés quasiment au même niveau qu’en 2010, traduisant ainsi le souci du Gouvernement de préserver la dynamique du logement à l’œuvre dans les territoires en outre-mer.
M. Daniel Raoul. Et de ne pas la consommer !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. De plus, l’article 169 de cette loi de finances permet désormais à l’État de céder gratuitement ses terrains dès lors qu’ils sont destinés à accueillir des programmes de logements sociaux ou des équipements collectifs.
M. Thierry Repentin. Combien d’opérations réalisées ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Il s’agit d’une mesure importante et très attendue, qui avait été décidée par le conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009. Cela permettra de répondre à la pénurie de foncier dans les départements d’outre-mer et à la cherté du coût des aménagements, puisque la décote totale est de nature à compenser de façon significative le coût lié à l’aménagement des terrains.
Je rappelle en outre que le décret du 9 novembre 2010 offre à l’État la possibilité d’intervenir seul dans la compensation de la surcharge foncière dès lors que la situation financière des collectivités ne leur permet pas de le faire.
Ces mesures sont dédiées à l’habitat social. Mais la mobilisation du Gouvernement en vue de développer l’offre de logements sociaux outre-mer ne doit pas occulter l’autre enjeu fondamental qu’est l’amélioration de l’habitat privé. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutient les interventions visant également à réparer les tissus urbains dégradés, qu’il s’agisse de la réhabilitation du logement social ou de l’intervention sur le logement privé.
C’est ainsi que les actions contractualisées pour la rénovation urbaine se poursuivent au travers de treize conventions pluriannuelles dans les cinq départements d’outre-mer et du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, qui concerne la ville de Fort-de-France à travers le projet « Porte Caraïbe ».
Avec ces programmes, ce sont plus de 1,8 milliard d’euros de travaux qui bénéficient aux économies des territoires d’outre-mer et qui permettront la reconstruction de 5 000 logements sociaux.
Pour le logement privé, j’ai signé en 2009 et en 2010 deux conventions d’appui, l’une avec le réseau Habitat et développement, l’autre avec le club des PACT des DOM. Ces conventions mobilisent des subventions du ministère de l’outre-mer à hauteur de 253 000 euros sur trois ans.
Dans le cadre de cette politique globale, le Gouvernement a souhaité donner un nouveau souffle volontariste à la politique de lutte contre l’habitat indigne et informel. En effet, devant le développement exponentiel de constructions informelles et insalubres qui touchait et qui continue de toucher les départements d’outre-mer, il s’agissait de relancer la lutte contre toutes ces formes d’habitat sur des bases devant être adaptées au contexte institutionnel et social des outre-mer.
De ce fait, nous avons pris le parti, au stade de la commande gouvernementale, de ne pas limiter les champs d’investigation exclusivement aux dimensions techniques ou opérationnelles, mais d’inciter la mission à questionner le cadre juridique servant de référence à l’action publique en matière de lutte contre l’habitat insalubre. Il en a résulté un rapport remis au Gouvernement en septembre 2009. À cet égard, je tiens à souligner une nouvelle fois la grande qualité du travail fourni dans ce document et la pertinence des propositions formulées par Serge Letchimy.
Sur la base de ces propositions, j’ai souhaité que des mesures d’application immédiate soient mises en œuvre localement par les préfets et les services territoriaux. Je pense à la mise en place des pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne, qui est aujourd'hui effective. Je pense également au soutien des services au lancement des plans communaux de lutte contre l’habitat indigne ainsi qu’à la mise en œuvre de formations au bénéfice des agents de l’État sur les procédures de lutte contre l’habitat insalubre. Ces formations ont été organisées en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à la Réunion.
Ces premières actions ont fait l’objet d’instructions très précises transmises aux préfets dès le mois de mai 2010.
Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, je considère que nous sommes en train de franchir une nouvelle étape importante. La proposition de loi qui vous est soumise est en effet l’aboutissement d’une démarche ambitieuse que le Gouvernement continue de soutenir et qui doit permettre à l’État, aux communes et aux aménageurs de disposer d’outils nouveaux pour agir plus efficacement contre l’habitat insalubre, informel et illégal.
L’habitat insalubre et informel dans les cinq départements d’outre-mer et à Saint-Martin correspond à une réalité particulièrement visible. Il suffit de rappeler quelques chiffres, que vous avez sans aucun doute à l’esprit, pour souligner l’importance du phénomène contre lequel nous voulons lutter.
Nous avons un parc dégradé de 50 000 logements où vivent 200 000 personnes. Le phénomène concerne quasiment une construction sur deux et connaît sur tous ces territoires une croissance de l’ordre de 8 % à 10 % chaque année. Cela signifie que ce sont des dizaines de constructions nouvelles qui sont érigées chaque jour en dehors de toute règle et qui font peser des risques importants sur la santé et la sécurité publiques.
Il s’agit incontestablement d’un phénomène dont le caractère massif est sans comparaison avec le reste du territoire national. Nous sommes donc bien dans le cas de figure où des dispositions sont nécessaires pour traiter des situations qui, par leur ampleur et par la précarité des constructions en cause et la surexposition aux risques naturels, sont spécifiques à l’outre-mer.
En effet, il s’agit de constructions et d’installations à usage d’habitation, construites par des personnes sans droit ni titre, sur des terrains qui forment des zones d’urbanisation de fait, sans desserte, ni assainissement, ni eau potable, ni autres équipements publics de base propres à assurer la salubrité et la sécurité. Malgré l’accélération des opérations de résorption de l’habitat insalubre lancées depuis plus de vingt-cinq ans, le phénomène persiste. Le problème est particulièrement inquiétant à Mayotte, où les bidonvilles se développent.
Les situations sont également très diverses. Dans certains cas, les occupants ont construit sur la base de contrats de location sous seing privé ou d’accords verbaux juridiquement fragiles ; d’autres sont sans droit ni titre. D’autres encore sont locataires de ces habitations.
Ces constructions, autour desquelles se sont développées activités commerciales .et artisanales, constituent souvent le seul patrimoine de leurs occupants. Certaines de ces cases sont correctes ou peuvent être améliorées. La volonté du Gouvernement est d’accélérer le rythme des opérations de résorption.
Pour cette raison, le texte voté à l’Assemblée nationale le 26 janvier 2011, qui constituait la base de vos travaux dans le cadre des commissions, me semble comporter un certain nombre d’avancées fondamentales, au premier rang desquelles je placerai l’institution d’une aide financière compensatoire pour les occupants dont le domicile devra être démoli ou qui devront être expropriés.
Cette aide financière a une finalité importante : faciliter l’intégration de la lutte contre l’habitat insalubre et indigne dans le cadre des opérations d’aménagement. Elle permettra en effet de compenser la perte de domicile résultant des démolitions ou des expropriations qui sont rendues nécessaires lors du déroulement de ces opérations.
Une telle mesure permet de tenir compte de la réalité des constructions érigées sur terrain d’autrui, qui caractérisent l’insalubrité en outre-mer. La compensation qu’elle institue représente une incitation à la transition des personnes occupantes vers une situation normalisée.
Il s’agit d’une disposition équilibrée, dans la mesure où les droits du propriétaire foncier sont préservés et où elle est assortie de conditions d’exécution strictes définies dès l’article 1er de la proposition de loi, notamment la condition de résidence principale, la condition d’occupation continue, paisible et de bonne foi pendant une période de dix ans et, enfin, la condition d’absence d’ordonnance d’expulsion.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous avez fourni un travail important pour apporter des précisions sur les conditions de versement de cette aide et veiller à ce que la loi prévoit sans ambiguïté des modalités adaptées de calcul et de versement.
J’ai bien noté que vos travaux vous ont conduits à limiter le champ d’application de la proposition de loi aux départements d’outre-mer et à Saint-Martin.
Vous avez par ailleurs souhaité que l’exclusion des marchands de sommeil du bénéfice de cette aide financière soit bien précisée. Je crois que nous disposons aujourd’hui sur ce point d’un texte très clair dont les objectifs sont conformes à la volonté du Gouvernement et de l’ensemble des parlementaires de combattre cette pratique inacceptable. En effet, l’article 5 vise très explicitement à ce qu’aucune aide ne puisse être versée aux bailleurs de locaux frappés d’un arrêté d’insalubrité ou de péril. Par ailleurs, il s’agit des bailleurs de bonne foi, notion reconnue dans notre droit et soumise à l’appréciation des tribunaux en cas de contestation des conditions de la location.
Je précise que, si le Gouvernement a accepté le bénéfice d’une aide financière pour ces bailleurs, c’est pour permettre la prise en compte d’une situation réelle dans nombre de quartiers d’habitat informel, où une proportion significative d’environ 35 % des occupations locatives ne sont ni précaires, ni abusives, ni indignes. Majoritairement, cette occupation locative se déroule dans un cadre de mutation professionnelle ou familiale.
La deuxième avancée de la proposition de loi réside dans la flexibilité et la souplesse notables qui sont apportées aux conditions d’intervention du préfet et du maire.
Dans un premier temps, je souhaite relever la définition par arrêté du préfet d’un périmètre insalubre à contenu adapté. Ce périmètre tiendra compte de l’état des diverses constructions rencontrées dans les secteurs d’habitat informel. Ainsi, ce dispositif sera moins rigide dans son contenu et ses effets que le périmètre d’insalubrité actuellement en vigueur dans le code de la santé publique, qui s’avère peu adapté aux réalités de l’outre-mer.
En effet, le périmètre d’insalubrité du code de la santé publique permet le traitement des bidonvilles et autres habitats précaires lorsque le quartier est suffisamment homogène dans sa configuration bâtie pour justifier la démolition de tous les locaux inclus. Cette approche n’est pas adaptée aux situations d’habitat informel outre-mer où nombre de quartiers comportent des cases, des maisons, des constructions en dur, qui, au vu de leur état technique, peuvent être conservées et améliorées.
La définition de ce nouveau périmètre sera donc subordonnée à un travail de repérage que j’ai souhaité, lors des débats à l’Assemblée nationale, mieux encadré.
Il me paraissait raisonnable de prévoir des délais permettant une dynamique opérationnelle indispensable dans la lutte contre l’habitat indigne et insalubre. Je constate que le texte de la commission de l’économie du Sénat a encore amélioré cette adaptation à la réalité de certains territoires.
Dans un deuxième temps, je souhaite aussi souligner les possibilités ouvertes par l’article 16 de la proposition de loi, qui vise à doter les maires du support législatif nécessaire pour mieux gérer les situations d’abandon manifeste des parcelles.
Le problème de l’abandon manifeste, sans être un phénomène propre aux départements d’outre-mer, est assez massif dans nombre de centres-villes et de bourgs.
Dans ces conditions, il est nécessaire de simplifier les procédures afin d’accélérer les travaux et de faciliter la récupération de ces biens. Celle-ci, d’autant plus cruciale que le foncier urbain libre est rare, permettra d’utiliser un foncier urbain disponible lorsque les propriétaires n’engagent ni travaux ni procédure pour régler la situation ayant conduit à cet état d’abandon.
Enfin, je serai très attentive aux modalités de recours au Fonds de prévention des risques naturels majeurs, qui pourra, sous certaines conditions, contribuer au versement d’une aide financière aux occupants sans titre de terrains exposés à des risques naturels.
Pour conclure, je veux saluer particulièrement la qualité du travail réalisé par le président de la commission de l’économie, M. Jean-Paul Emorine, et par le rapporteur, M. Georges Patient, ainsi que par les membres de la commission de l’économie et de la commission des affaires sociales, qui, de manière unanime, ont saisi l’importance de ce texte pour l’outre-mer.
J’affirme une nouvelle fois que le Gouvernement est très attaché à la rénovation des procédures législatives et réglementaires ouvertes par cette proposition de loi. Nous soutenons ce texte, qui, nous le savons, est très attendu dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Georges Patient, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est importante pour nos outre-mer. Il s’agit d’ailleurs du premier texte consacré à l’ensemble des départements d’outre-mer depuis la loi pour le développement économique des outre-mer, dite LODEOM, du 27 mai 2009. Depuis cette loi, le Parlement a examiné plusieurs textes comprenant des dispositions relatives à l’outre-mer, mais ces dernières figuraient à la fin des textes et il s’agissait essentiellement d’habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance.
L’importance de la présente proposition de loi n’a pas échappé à l’Assemblée nationale, qui l’a adoptée à l’unanimité en janvier dernier, ainsi qu’à la commission de l’économie de la Haute Assemblée qui, elle aussi, l’a adoptée à l’unanimité. À cet égard, je remercie de leur soutien le président Jean-Paul Emorine ainsi que l’ensemble des membres de la commission de l’économie.
Avant de vous rappeler le contenu de la proposition de loi et de vous présenter les principales modifications apportées par la commission de l’économie, je souhaite replacer ce texte dans son contexte : la grave crise du logement que connaissent nos outre-mer. Le diagnostic est largement partagé.
Le comité de suivi du DALO, le droit au logement opposable, a comparé, dans son rapport annuel de 2008, la situation des départements d’outre-mer à celle de l’Île-de-France : « Au même titre que la région Île-de-France, les DOM méritent de faire l’objet d’une attention particulière […] compte tenu […] de l’ampleur des besoins de logement non satisfaits ».
Notre ancien collègue Henri Torre a rédigé, au nom de la commission des finances, deux excellents rapports sur la situation du logement en outre-mer. Dans son rapport de 2006, il indiquait qu’une politique ambitieuse était indispensable dans ce domaine, car « les conditions de vie dans certaines zones rappellent […] clairement les pays sous-développés, et sont indignes de la République ».
Cette crise comprend plusieurs volets.
Le premier volet est une grave pénurie de logements sociaux.
En 2008, on comptait dans les quatre DOM près de 166 000 personnes en attente d’un logement social, soit près de 10 % de la population totale. Les constructions restent nettement insuffisantes. Comme l’ont souligné nos collègues Éric Doligé et Marc Massion dans leur rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2011, le nombre de constructions financées en 2009 s’est élevé à un peu plus de 6 000, alors qu’il en faudrait près de 45 000 par an !
La situation de la Guyane est particulièrement alarmante : on y compte 13 000 demandes de logement social pour un parc locatif social de 11 000 logements.
Le deuxième volet de cette crise est la persistance de nombreux logements insalubres.
D’après les données figurant dans les rapports de M. Henri Torre, en 1998, on comptait plus de 26 % de logements insalubres dans les DOM, contre moins de 8 % en métropole. En 2003, le constat était le même : les logements insalubres représentent près du quart du parc immobilier ultramarin.
Dans ce domaine également, la situation est dramatique en Guyane – je reviens souvent sur le cas de mon département qui, avec Mayotte, connaît l’une des situations les plus catastrophiques – : en 2005, on y comptait 13 % de logements sans électricité, 20 % sans eau potable, 27 % sans baignoire ni douche intérieures ou 63 % sans raccordement à l’égout.
Le troisième volet de cette crise est l’habitat informel, qui constitue outre-mer un phénomène de grande ampleur.
Par habitat informel, on désigne les constructions irrégulières qui sont de qualité très diverse. Aux Antilles et à la Réunion, entre 30 % et 40 % des maisons individuelles auraient ainsi été construites sans permis ; en Guyane, 30 % des constructions existantes sont illicites et, sous l’effet de l’immigration clandestine, près de 50 % des constructions nouvelles le sont.
Différents dispositifs législatifs sont intervenus au cours des dernières années, notamment dans le cadre de la LODEOM, afin de relancer la production de logements sociaux. En revanche, aucune initiative législative n’a été prise récemment en matière de logement insalubre et informel ; c’est tout l’intérêt de cette proposition de loi.
Ce texte est issu des travaux du député Serge Letchimy, qui s’est vu confier par le Gouvernement, en avril 2009, la rédaction d’un rapport sur la résorption de l’habitat insalubre dans les DOM. Remis en septembre 2009, celui-ci a effectué plusieurs constats.
Il a estimé à plus de 150 000 le nombre de personnes vivant en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à la Réunion dans quelque 50 000 locaux insalubres, généralement informels. C’est un chiffre très important. Rapporté à la population métropolitaine, cela représente près de 6 millions de personnes.
L’habitat informel est souvent accepté localement. L’occupation est parfois très ancienne et nombre des occupants s’estiment donc, de bonne foi, propriétaires. Plusieurs d’entre eux paient d’ailleurs la taxe d’habitation et la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Les dispositifs mis en place sur le plan national afin de lutter contre l’habitat insalubre sont inadaptés à la réalité ultramarine, caractérisée par une dissociation entre la propriété du sol et la propriété du bâti. Les opérations de résorption de l’habitat insalubre, de RHI, sont ainsi partiellement inefficaces dans les DOM : en Martinique, aucune opération n’a pu être engagée au cours des quatre dernières années. Les outils de police administrative en matière de péril ou d’insalubrité sont également inadaptés, car ils s’adressent aux propriétaires de constructions légales.
Enfin, les acteurs locaux ont pris des initiatives à la limite de la légalité. Je cite un exemple : de nombreux aménageurs versent, dans le cadre d’opérations d’aménagement, une indemnité aux occupants sans titre, après évaluation des constructions par le service des domaines.
En conclusion de son rapport, Serge Letchimy formule quatorze propositions. La présente proposition de loi vise à permettre la mise en œuvre de plusieurs d’entre elles.
J’en viens au contenu de la proposition de loi.
La section 1, les articles 1er à 6 bis, était initialement applicable dans les départements ultramarins et métropolitains. Elle vise à permettre le versement d’une aide financière aux occupants sans titre dans le cadre d’opérations d’aménagements ou pour des raisons de sécurité liées aux risques naturels.
Les différents cas d’occupation sans titre sont visés : l’occupation de la propriété d’une personne publique, à l’article 1er ; l’occupation de la propriété d’une personne privée, à l’article 2 ; le cas des personnes donnant à bail des locaux à usage d’habitation édifiés sans droit ni titre sur la propriété d’une personne publique ou privée, à l’article 3 ; l’occupation sans titre de logements situés dans une zone exposée aux risques naturels, à l’article 6.
Cette aide est très encadrée. Elle ne peut être versée, sauf dans le cas de l’article 6, que dans le cadre d’une opération d’aménagement ou de réalisation d’équipements publics rendant nécessaire la destruction des locaux. Il s’agit d’une faculté et non d’une obligation pour la personne publique. Les occupants doivent justifier de l’occupation des locaux depuis plus de dix ans et n’avoir fait l’objet d’aucune procédure d’expulsion pendant cette période. Pour le cas des logements, ces derniers doivent constituer une résidence principale. L’article 5 précise qu’aucune indemnité ne peut être versée aux bailleurs sans titre dont les locaux sont visés par un arrêté d’insalubrité ou de péril : il s’agit ainsi d’exclure les marchands de sommeil du bénéfice de l’aide.
Il est également prévu que le relogement des occupants évincés est assuré par la personne publique à l’origine de l’opération ou par son concessionnaire, sauf dans le cas des bailleurs sans titre.
J’en viens à la section 2 de la proposition de loi, les articles 7 à 15, qui n’est applicable que dans les DOM et à Saint-Martin.
L’article 7 vise à introduire la notion d’habitat informel dans la définition de l’habitat indigne figurant dans la loi Besson de 1990. Les plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées prévoiront le repérage de l’habitat informel.
Les articles 8 à 10 visent à adapter à l’habitat informel présent outre-mer les dispositifs existant en matière de police de l’insalubrité : périmètre d’insalubrité, arrêté d’insalubrité, arrêté de péril. L’article 8 tend ainsi à permettre au préfet d’instituer un périmètre d’insalubrité adapté à l’état des diverses constructions situées dans les secteurs d’habitat informel.
L’article 12 vise à préciser les sanctions pénales applicables aux bailleurs sans titre qui méconnaîtraient leurs obligations résultant des arrêtés pris en application des articles 8 à 10.
L’article 13 tend à permettre la création de groupements d’intérêt public, GIP, outre-mer pour conduire les actions nécessaires au traitement des quartiers d’habitat dégradé.
L’article 15 vise à permettre la réalisation d’opérations de RHI dans la zone des cinquante pas géométriques de Mayotte.
Enfin, la section 3 est applicable dans les DOM et en métropole. Son article unique, l’article 16, vise à simplifier et à accélérer les procédures en cas d’abandon manifeste de parcelles ou d’immeubles.
Ce texte constitue une avancée importante pour nos outre-mer. Certes, il s’agit d’un texte très dérogatoire et, à la première lecture, certaines de ses dispositions peuvent apparaître étonnantes, voire choquantes. Certains d’entre vous, mes chers collègues, ont peut-être d’ailleurs des interrogations semblables à celles que j’avais moi-même au début de mes travaux sur ce texte. Je vais vous faire part de quelques éléments de réponse à certaines de ces interrogations.
Verser une aide financière à des occupants sans droit ni titre afin que ceux-ci libèrent des terrains qu’ils occupent donc illicitement peut paraître étonnant. En réalité, il s’agit d’adapter le droit à une situation de fait, qui, comme je l’ai dit précédemment, perdure parfois depuis plusieurs décennies.
Le versement de cette aide devrait permettre de débloquer les opérations de RHI qui sont au point mort dans les DOM et d’apporter ainsi une réponse aux nombreuses situations d’insalubrité existant outre-mer.
Verser une aide financière aux bailleurs sans titre, comme le prévoit l’article 3 de la proposition de loi, peut paraître gênant. Pourtant, l’intérêt de cette disposition est évident quand on relève que, dans certains quartiers d’habitat informel, près de 50 % des habitants sont locataires.
Par ailleurs, l’article 5 devrait permettre d’exclure les marchands de sommeil du bénéfice de l’aide, notamment si les préfets édictent effectivement les arrêtés d’insalubrité. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour donner des instructions strictes en ce sens aux préfets.
Si je soutiens totalement ce texte, permettez-moi de renouveler les craintes que j’ai déjà formulées en commission quant à l’efficacité des dispositifs qu’il prévoit.
J’estime que ce texte ne se suffit pas à lui-même. Il revient selon moi au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin qu’il puisse atteindre ses objectifs.
Tout d’abord, ce texte ne pourra être pleinement efficace que si la situation financière des collectivités territoriales ultramarines est assainie.
La mission commune d’information sur la situation des DOM avait ainsi évoqué « la situation globalement très préoccupante des communes des DOM ».
Ce texte prévoit que la personne publique à l’origine de l’opération d’aménagement prendra en charge l’aide financière et assurera le relogement des occupants évincés. Ces dépenses pourront figurer dans le bilan des opérations de RHI, opérations financées à hauteur d’au moins 80 % par l’État. Or les communes ultramarines ont toutes les peines du monde à financer leur participation de 20 %. C’est ainsi ce qui bloque une opération de RHI dans ma propre commune de Mana.
Ensuite, ce texte me paraît formaté pour les Antilles. Il n’est pas adapté à la diversité de nos outre-mer, notamment aux spécificités de la Guyane. Je vous cite un exemple : en Guyane, la majeure partie des occupants sans titre sont des étrangers en situation irrégulière. Face à un risque d’« appel d’air », il est indispensable que la lutte contre les flux d’immigration clandestine soit renforcée dans ce département.
Enfin et surtout, ce texte doit s’intégrer dans une politique ambitieuse en matière de logement social outre-mer, politique qui, à mes yeux, n’existe pas aujourd’hui. La proposition de loi fixe en effet des règles en matière de relogement des occupants sans titre évincés ou concernés par des mesures de police. Or comment assurer leur relogement dans le contexte de grave pénurie que j’évoquais tout à l’heure ?
Ces observations ne remettent en rien en cause l’opportunité de cette proposition de loi. J’estime seulement que ce texte est l’un des éléments d’un puzzle dont certaines pièces manquent encore aujourd’hui.
J’espère donc, madame la ministre, que le Gouvernement prendra les mesures qui s’imposent afin que les dispositifs prévus par ce texte puissent produire leurs effets.
La commission de l’économie a adopté, sur mon initiative, une quarantaine d’amendements, essentiellement rédactionnels ou de précision. Ils ne modifient pas l’esprit du dispositif adopté par les députés.
J’en viens aux trois principales modifications apportées par la commission.
Tout d’abord, en s’appuyant sur l’article 73 de la Constitution et sur la spécificité des DOM en matière d’habitat informel, la commission a réduit le champ d’application de la section 1 aux départements d’outre-mer et à Saint-Martin.
Ensuite, la commission a clarifié les conditions d’éligibilité aux aides financières créées par la section 1, afin d’éviter toute ambiguïté et d’encadrer de façon adéquate le dispositif. Elle a également précisé que ces aides ne pourraient être versées qu’à la libération des locaux par leurs occupants.
Enfin, la commission a renforcé les obligations en matière de relogement pesant sur les bailleurs sans titre bénéficiant de l’aide financière.
Je vous présenterai tout à l’heure, au nom de la commission, quelques amendements complémentaires.
Ce texte est donc très important pour nos outre-mer et, plus généralement, pour la nation. J’espère que nos débats de ce soir seront fructueux et aboutiront à une adoption unanime de ce texte, illustrant ainsi une nouvelle fois le profond attachement de la Haute Assemblée à nos outre-mer. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Serge Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon collègue et ami Georges Patient vient de présenter – brillamment – la problématique de la crise du logement outre-mer et les dispositions de la proposition de loi dont Serge Letchimy, député de la Martinique et ancien maire de Fort-de-France, a pris l’initiative. Je m’en tiendrai donc à exposer ici quelques éléments complémentaires.
La crise du logement que l’on connaît en France hexagonale est encore plus aiguë outre-mer, où elle présente, de surcroît, des particularités qui nécessitent d’adapter les outils juridiques et opérationnels habituels.
Tout d’abord, les finances des collectivités territoriales, surtout celles des communes, sont fragiles ; les collectivités font face à des charges élevées et manquent de ressources fiscales du fait du contexte économique et social, ce qui limite leurs capacités d’investissement.
Ensuite, certaines particularités sont intrinsèques à nos territoires : les risques naturels, sismiques ou climatiques, et les contraintes topologiques entraînent un accroissement des coûts de la construction ou de la réhabilitation des logements.
Cela explique également que – à l’exception peut-être de la Guyane – le foncier disponible et aménagé soit rare et cher. Je voudrais d’ailleurs m’attarder un instant sur ce point.
L’expansion urbaine, concentrée sur quelques communes, a été plus rapide et plus brutale outre-mer que dans l’hexagone, alors même que la question de la propriété n’y était pas du tout réglée. Ainsi, la fin de l’esclavage n’a été que partiellement et tardivement prise en compte en termes de propriété ou d’attribution de terrains aux anciens esclaves ou descendants d’esclaves. En outre, l’indivision est un mal endémique qui n’a jamais été traité par les autorités administratives.
Enfin, l’État, pour des raisons historiques, est le principal propriétaire foncier de nos départements. Or une partie de son domaine public, la zone dite des cinquante pas géométriques, réminiscence du domaine royal, est aujourd’hui largement mitée par une urbanisation diffuse, que l’État n’a pas contrôlée et commence à peine à prendre véritablement en compte.
Madame la ministre, sachant que le thème du foncier a été choisi par le comité de suivi de la mission commune d’information du Sénat sur la situation des départements d’outre-mer pour ses travaux de 2011, je souhaite vous poser trois questions.
Premièrement, où en est la création du groupement d’intérêt public chargé de travailler sur l’indivision, mesure que nous avons adoptée dans la loi pour le développement économique des outre-mer voilà déjà deux ans ?
Deuxièmement, le comité interministériel de l’outre-mer avait décidé la création d’établissements publics fonciers dans les départements d’outre-mer qui n’en disposaient pas ; certaines collectivités ont, depuis lors, fait des propositions constructives. Quelle est aujourd’hui la position de l’État sur cette question ?
Troisièmement, la loi de finances pour 2011 ouvre la possibilité à l’État de céder des terrains à titre gratuit, principalement en vue de construire des logements sociaux. Je rappelle que cela existait déjà pour la Guyane, mais qu’aucune cession n’avait eu lieu. Où en est-on ? Avez-vous une liste de terrains qui pourraient être concernés ? Avez-vous des discussions avec des aménageurs ou des bailleurs sociaux pour monter ces opérations indispensables ?
J’en viens plus directement à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Elle a un mérite tout à fait exceptionnel : elle fait suite aux constatations faites par les acteurs locaux sur le terrain et elle apporte des solutions pragmatiques, adaptées aux réalités de nos territoires.
Je rappellerai que, jusqu’aux années cinquante, l’économie des Antilles françaises était agricole, totalement fondée sur la culture de la canne et sa transformation en sucre exporté vers la métropole.
Avec l’avènement du sucre de betterave en Europe, la culture de la canne a diminué et a parfois été abandonnée. Les îles, appelées jadis « îles à sucre », ont donc presque totalement été désindustrialisées en moins de dix ans, ce qui a entraîné un exode massif vers la ville des populations rurales, qui avaient l’espoir d’y trouver du travail. Des terrains ont dès lors été occupés à la périphérie des villes, où ont été construites des habitations précaires qui seront progressivement « durcifiées », pour reprendre le néologisme créé par Serge Letchimy dans les années quatre-vingt.
Hier bidonvilles, ces quartiers sont aujourd’hui partie intégrante de la ville. Ainsi en est-il de Texaco, de Trénelle-Citron, de Volga-Plage à Fort-de-France ou encore de Carénage à Pointe-à-Pitre. Mais on en trouve également de multiples exemples dans des communes de plus petite taille.
Cette présence massive d’habitations construites sans droit ni titre est souvent ancienne et acceptée. Ces logements sont même parfois donnés en location, de parfaite bonne foi, voire soumis à la taxe d’habitation et à la taxe foncière. Cette occupation sans droit ni titre se traduit par une déconnexion de fait entre le propriétaire du foncier et le propriétaire du bâtiment. Elle produit des effets, pour les habitants de ces quartiers et pour les aménageurs, qu’il est nécessaire de prendre en compte. Qui plus est, elle interfère avec la question, particulièrement grave outre-mer, de l’insalubrité.
Le rapport que Serge Letchimy a réalisé en 2009 a pointé l’acuité de ce problème, puisque la proportion de logements classés comme insalubres est d’environ 8 % en métropole, mais de 26 % outre-mer. Ainsi, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à la Réunion, les services de l’État dénombrent environ 50 000 logements insalubres abritant plus de 150 000 personnes, chiffres que, comme M. le rapporteur, vous avez d'ailleurs cités. Et c’est sans prendre en compte Mayotte, qui vient d’intégrer le cadre départemental !
C’est dans ce contexte que la proposition de loi entend relancer la politique de résorption de l’habitat insalubre, que tout le monde considère comme bloquée depuis de nombreuses années outre-mer, en intégrant la particularité de l’occupation sans droit ni titre.
Ce texte a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale en janvier dernier et, grâce à l’important travail de son rapporteur, notre commission de l’économie en a encore renforcé le caractère opérationnel et la sécurité juridique. Elle a notamment souhaité restreindre aux départements d’outre-mer et à Saint-Martin le bénéfice de l’aide visant à compenser la perte de domicile, et je comprends son choix.
Cette question nous renvoie à la portée de l’article 73 de la Constitution, selon lequel les lois et règlements « peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières » des départements et régions d’outre-mer. Nous avons eu ce même débat en Martinique lors du référendum de l’an passé, et je crois, madame la ministre, que l’État a trop longtemps eu une position timorée sur les possibilités d’adaptation que permet l’article 73.
Sur le papier, cette proposition de loi peut surprendre, car elle déroge évidemment au droit commun. Cependant, il se trouve que celui-ci ne parvient pas à s’appliquer, en l’espèce, dans nos départements ou, en tout cas, qu’il ne répond pas aux situations d’occupation sans droit ni titre de terrains publics ou privés.
Elle constitue donc un outil à la disposition des opérateurs locaux pour lutter contre l’insalubrité et aménager ces quartiers, bien que nous sachions qu’elle restera insuffisante pour régler le problème des bidonvilles, qui, s’ils n’existent presque plus en Martinique, en Guadeloupe ou à la Réunion, continuent de se développer à grande vitesse en Guyane et à Mayotte.
Je continue de plaider pour une politique du logement et de la ville qui prenne en compte la question dans sa globalité. C’est un point sur lequel plusieurs membres de notre commission ont insisté lors de nos débats la semaine dernière. Nous verrons bien, dans le prochain projet de loi de finances, si cette politique est vraiment mise en œuvre.
Pour conclure, j’indique que la commission des affaires sociales a émis, à l’unanimité, un avis favorable à l’adoption de cette proposition de loi. J’espère que nous retrouverons la même unanimité dans cet hémicycle. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans son seizième rapport sur L’état du mal-logement en France, « Carton rouge au mal-logement », la Fondation Abbé Pierre a dressé un état des lieux bien sombre, appelant chacun à s’interroger sur les limites des politiques du logement.
Selon ces informations et malgré les efforts consentis ces dernières années, plus de huit millions de Français seraient en situation de mal-logement ou de fragilité par rapport au logement. Les départements d’outre-mer sont concernés au moins autant, sinon plus, par ces situations préoccupantes que les départements de l’Île-de France, comme l’a rappelé M. le rapporteur.
Ces chiffres alarmants appellent évidemment des mesures urgentes permettant de répondre à ces situations dramatiques.
La proposition de loi soumise ce soir à notre examen va dans ce sens. Elle est importante, car elle vise à remplir un vide juridique qui concerne l’expropriation de personnes résidant dans des logements informels ainsi que les dispositions relatives à l’habitat indigne en outre-mer.
Il est certes difficile de quantifier l’habitat informel, qui correspond à un habitat sans droit ni titre, et l’habitat indigne, qui, lui, concerne des locaux d’habitation impropres par nature à cet usage ou expose ses occupants à des risques pour leur sécurité physique et leur santé.
Mais ce constat est intolérable et trop fréquent. Il suffit de parcourir la périphérie parisienne pour s’en convaincre.
La région d’Île-de-France étant particulièrement concernée, je regrette, à titre personnel, que la commission ait limité à l’outre-mer le champ d’application des mesures relatives à l’habitat informel. Il faut néanmoins reconnaître que c’est bien dans les territoires ultramarins que le phénomène est le plus présent.
Cette situation d’urgence a d’ailleurs été mise en évidence par notre collègue député Serge Letchimy dans son rapport de septembre 2009 : plus de 150 000 personnes habitent en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à la Réunion, dans plus de 50 000 locaux insalubres – pour la très grande majorité, dans des habitats informels. Aussi, avant même d’en combattre les causes, est-il urgent d’adapter le droit de l’expropriation à ce phénomène d’ampleur qui touche les populations les plus pauvres.
L’outre-mer connaît une crise du logement plus préoccupante encore qu’en métropole, en raison notamment d’un grave déficit de logements sociaux. Cela entraîne naturellement la persistance, voire la multiplication des habitats informels, souvent insalubres, en raison des difficultés sociales que connaissent de nombreux départements d’outre-mer. Ce constat est aggravé sur certains territoires par un flux important d’immigrés clandestins. Rappelons que près de 10 % de la population ultramarine est en attente d’un logement social et que près d’un tiers des résidences principales dans les départements et régions d’outre-mer sont des logements précaires. Ces deux chiffres appellent une réaction forte du législateur.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui, en transcrivant dans la loi certaines recommandations du rapport de Serge Letchimy, permet de combler le vide juridique relatif à la définition des habitats informels et insalubres. Elle traite également du régime juridique applicable lors des opérations d’aménagement nécessitant l’expulsion de leurs occupants, pour une cause d’utilité publique.
Les collectivités disposeront donc avec ce texte d’une base juridique solide pour mettre en œuvre et accélérer les programmes de logement en outre-mer, tout en garantissant une certaine protection des populations concernées.
En effet, en l’état actuel du droit, l’expropriation ne s’applique pas à l’habitat informel, puisqu’elle ne concerne que les propriétaires munis de titres « en bonne et due forme ». Or, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, dans les départements et régions d’outre-mer, nombreuses sont les personnes qui n’ont pas d’autre choix que d’occuper des habitats de fortune, sur des domaines publics ou privés, souvent sans autorisation.
Pour autant, ces occupants, sans droit ni titre, ne sont pas ignorés par les pouvoirs publics. En effet, beaucoup paient des impôts locaux sur ce type d’habitation. Ils méritent donc, comme tous les autres contribuables, qu’une attention particulière soit portée à leurs difficultés.
En pratique, la différenciation entre la propriété du sol et la possession du bâtiment édifié sur le même terrain est différente en outre-mer de ce qui existe sur le territoire métropolitain. Il est donc important que la loi puisse régler à titre principal, et non pas accessoire, ce problème d’une ampleur particulière dans les territoires ultramarins. Alors qu’en matière d’insalubrité et d’habitat indigne, nos lois s’appliquent indifféremment sur tout le territoire, la situation très préoccupante que connaît l’outre-mer dans ce domaine justifie les mesures particulières proposées par la proposition de loi. Cette approche territoriale mérite d’être soulignée, car elle constitue une forme de reconnaissance de la spécificité de certains territoires et de la particularité des mesures à adapter à leur diversité.
Quelle est la situation actuelle ?
À ce jour, les territoires ultramarins sont, juridiquement, dans une zone qui n’ouvre pas de droits individuels et collectifs aux populations concernées, puisque les dispositifs nationaux destinés à lutter contre l’habitat insalubre, comme le droit de l’expropriation, ne sont pas adaptés à la réalité ultramarine. La proposition de loi tend par conséquent à sortir de cette zone les occupants de logements informels et insalubres, et donc de les reconnaître juridiquement, mais aussi de reconnaître, par une indemnisation, une valeur au bien qu’ils occupaient.
De même, le texte permet d’adapter le droit en matière de police de l’insalubrité ou de procédures de péril, et surtout de terrains vacants, dans le cadre des procédures d’abandon manifeste.
Sur le fond, ce sont les valeurs mêmes de notre démocratie qui sont en jeu dans ce texte, et notamment la dignité des personnes occupantes « sans droit ni titre », soit des occupants qui ne sauraient subir systématiquement la double peine de l’habitat indigne et de l’expropriation sans droit.
Le groupe centriste se réjouit de cette proposition de loi qui fixe un cadre clair et pragmatique à l’indemnisation de ces personnes, d’autant que les conditions définies par le texte de la proposition de loi pour bénéficier de ces dispositions permettront aussi d’éviter que les marchands de sommeil ne profitent de ces situations de fragilité.
Les objectifs du texte, comme les éléments de procédure, nous semblent donc équilibrés. Nous sommes toutefois conscients que, s’il constitue une première mesure pragmatique pour traiter la question du logement indigne et informel en outre-mer, le texte n’en élimine pas les causes. Je pense non seulement à la forte immigration, mais aussi à la précarité d’une part importante de la population, notamment en Guyane et à Mayotte, ou encore à la mauvaise santé financière des collectivités d’outre-mer, qui ne facilite pas la mise en œuvre de programmes de logements sociaux… Il faudra se préoccuper de ces différents aspects.
Je tiens enfin à saluer le travail, sur ce texte, du rapporteur et de la commission, qui en a largement clarifié la rédaction, même si – je le répète – je regrette à titre personnel que les dispositions relatives à l’habitat informel en métropole n’apparaissent pas dans le projet, d’autant que ces mesures ne sont pas obligatoires.
Au demeurant, parce que ce texte constitue une avancée sociale significative pour l’outre-mer, les sénateurs de l’Union centriste se prononceront en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré les opérations de résorption d’habitat insalubre, débutées depuis les années quatre-vingt, force est de constater la persistance de l’habitat informel dans les départements d’outre-mer. À la Réunion, malgré une baisse de 28 % de l’insalubrité entre 1999 et 2008, le dernier recensement fait état de 16 000 logements insalubres, soit environ 6 % du parc immobilier réunionnais.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui vise à « accélérer le processus de résorption des différentes formes d’habitat indigne dans les départements d'outre-mer », et plus précisément à faire sortir les secteurs d’habitat insalubre des « zones de non-droit ».
Dans cette optique, elle prévoit deux séries de mesures : d’une part, une aide financière aux occupants sans droit ni titre dans le cadre d’une opération d’intérêt public, afin de rendre plus aisée la réalisation de ladite opération et la réinstallation des occupants ; d’autre part, l’adaptation des procédures de police en matière d’insalubrité, pour une efficacité accrue de l’action contre les marchands de sommeil. Il s’agit de doter les opérations de résorption d’habitat insalubre de nouveaux moyens réglementaires, le cadre juridique actuel prévalant en métropole étant « inapplicable outre-mer aux situations d’habitat informel » et renforçant « l’impunité des marchands de sommeil et l’extrême vulnérabilité des occupants ».
Ce texte apporte donc un socle juridique aux particularismes domiens et introduit également la définition de l’habitat informel dans la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, dite « loi Besson ». Ainsi, ce sont des milliers de familles qui pourront dorénavant bénéficier des plans départementaux d’actions pour le logement des personnes défavorisées et voir leurs conditions de vie s’améliorer. Ces apports juridiques marquent donc un nouveau pas vers une égalité entre le territoire métropolitain et celui des outre-mer, tout en reconnaissant à ces derniers leurs spécificités.
L’habitat indigne, véritable déni du droit au logement, n’est pas sans danger pour ceux qui le subissent, notamment les enfants. Les conséquences sont bien connues : échec scolaire, intimité inexistante, vie sociale réduite…
Pour ces raisons, nous espérons, madame la ministre, la parution rapide des décrets d’application de ce texte qui contribuera à lutter contre l’habitat indigne dans les départements d'outre-mer. Je dis bien « contribuer », car la résorption de ce type d’habitat passe aussi, et inévitablement, par la résolution définitive de la question de la propriété foncière. À la Réunion, plus de 80 % de logements indignes concernent les terrains privés. De fait, grand nombre d’opérations d’aménagement public sur le territoire réunionnais exigent que soit réglé préalablement le problème de l’absence de titres de propriété.
La solution peut également passer soit par voie notariale, quand se pose un problème de succession, soit en faisant appel à la procédure d’acquisition, dite « d’usucapion ». Dans les deux cas, la création d’un groupement d’intérêt public, un GIP, serait un appui logistique et technique. Il jouerait également le rôle de facilitateur, de médiateur et de coordonnateur, eu égard aux conflits d’intérêts existant dans ce contexte. Toutefois, alors que la création de ce GIP est prévue à l’article 35 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique de l’outre-mer, la LODEOM, pour « l’établissement des titres de propriétés », ce dispositif n’a jusqu’à présent pas vu le jour. C’est difficilement compréhensible !
La persistance de l’habitat insalubre est symptomatique d’un manque substantiel de logements sociaux. Rappelons que, à la Réunion, plus de 20 000 familles sont dans l’attente d’un logement social. Tous les ans, sur les 6 500 nouveaux ménages, plus de 70 % relèvent de ce type de logement. Or, l’année dernière, seuls 3 000 logements sociaux ont été construits. Ces demandes ne devraient pas baisser, en raison de la paupérisation de la société réunionnaise, due à l’augmentation du chômage ou à la précarisation de l’emploi.
Les collectivités locales mesurent l’ampleur de ce problème et, pour certaines d’entre elles, prennent des dispositions. Ainsi, le conseil général de la Réunion fait du logement des personnes en difficulté une de ses priorités et s’est engagé, dès le début de l’année, à soutenir le secteur du logement social, notamment en apportant sa garantie, à hauteur de plus de 4 millions d’euros, aux emprunts contractés par les bailleurs sociaux auprès de la Caisse des dépôts et consignations, en vue du financement de la construction de logements locatifs sociaux, les LLS, et très sociaux, les LLTS, neufs. Certaines communes, comme celle de Saint-Paul, prennent davantage en compte dans le programme de construction de logement social les critères de la loi SRU du 13 décembre 2000, à savoir un quota de 20 % de logements sociaux. Tous les acteurs du secteur attendent des moyens, notamment financiers, à la hauteur de la pénurie de logements sociaux.
En résumé, nous ne pouvons qu’être d’accord avec les attendus de cette proposition de loi, dont l’aspiration est de redonner une dimension humaine aux habitats des plus défavorisés de nos départements d’outre-mer. Nous espérons que ce texte, outil législatif ambitieux, inaugurera une nouvelle politique du logement et d’urbanisation de l’outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur diverses autres travées.)
M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.
M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui et qui a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 26 janvier dernier, reprend les propositions formulées par le rapport confié par le Gouvernement en 2009 à M. Letchimy et met en exergue trois problèmes : le droit au logement, l’habitat indigne, l’équité et la justice sociale.
Le rapport de Georges Patient, établi au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, rappelle qu’en 2008 166 000 personnes étaient en attente d’un logement dans les quatre départements d'outre-mer, alors qu’en 2009 les 6 000 logements sociaux qui ont été construits se sont révélés insuffisants au regard des besoins, qui se chiffrent à 45 000 constructions nouvelles par an.
À cette carence de logements neufs, s’ajoutent 50 000 logements insalubres et une augmentation constante de l’habitat informel, qui représenterait, comme l’a indiqué le rapporteur, 30 % à 40 % des maisons individuelles construites sans permis aux Antilles et à la Réunion. En Guyane, 30 % des constructions existantes et 50 % des constructions neuves sont le fait de personnes étrangères en situation irrégulière.
En réponse à ce constat alarmant, le présent texte formule, développées en trois sections, les propositions suivantes.
Dans la première section est prévu le versement d’une aide financière aux occupants sans titre, dans le cadre d’opérations d’aménagement ou de la réalisation d’équipements publics nécessitant la destruction des habitations, afin de ne pas porter atteinte au droit de propriété. Toutefois, cette « aide financière pour perte de domicile », dont le barème sera fixé par arrêté ministériel, reste, comme M. le rapporteur l’a indiqué, une faculté et non une obligation pour la personne publique à l’origine de l’opération.
La deuxième section concerne le traitement de 1’« habitat informel » ou « spontané » inclus dans le concept de l’« habitat indigne » : pouvoir est donné au préfet en matière de « police de l’insalubrité » ; est prévue la création d’un groupement d’intérêt public pour la conduite d’actions nécessaires au traitement des quartiers d’habitat dégradé ainsi que la réalisation d’opérations RHI dans la zone des cinquante pas géométriques à Mayotte.
Enfin, la section 3 prévoit, en son article 16, des dispositions qui visent à simplifier et accélérer les procédures en cas d’abandon manifeste de parcelles ou d’immeubles.
Quelle est la situation à Mayotte ? Selon l’INSEE, le parc de logements a progressé de 20 % entre 2002 et 2007, pour atteindre le nombre de 57 225 logements, avec une évolution significative en termes de confort intérieur, selon les résultats du dernier recensement. Cette évolution ne couvre pas le besoin en logement, du fait de l’augmentation rapide de la population et des conséquences de l’immigration clandestine.
Les estimations pour 2017 donnent une population avoisinant les 260 000 personnes, avec une prévision comprise entre 3,7 et 4 personnes par ménage. Ainsi, le projet d’aménagement et de développement durable prévoit, pour la même période, un nombre de résidences principales compris entre 70 000 et 80 000. Selon cette hypothèse, le besoin en logements, évalué à 33 000, nécessite la construction de 2 300 logements nouveaux et la réhabilitation de 600 logements par an. Pour le logement social, le besoin est évalué à 500 constructions par an.
Les efforts actuels en matière de politique de logements ne répondent pas efficacement à ce besoin. Un des facteurs bloquants de la production de logements à Mayotte et dans les autres collectivités d’outre-mer tient à la problématique spécifique du foncier : comme l’ont indiqué d’autres orateurs, il est rare, cher, insuffisamment aménagé et sécurisé.
Malgré les constructions nouvelles enregistrées depuis quelques années, notamment en zone urbaine, témoignant de la hausse du niveau de vie d’un certain nombre d’habitants de Mayotte, l’habitat précaire se développe en périphérie de ladite zone, dans des quartiers très peu fournis en équipements collectifs, principalement autour des pôles d’emploi de Mamoudzou et Longoni, avec l’apparition de « zones d’habitations précaires et informelles ». D’ailleurs, l’INSEE le notait dans le cadre du recensement de 2002, plus de 42 % des résidences principales étaient des logements précaires.
Selon deux rapports du sénateur Henri Torre, en 1998, la proportion de logements précaires parmi les résidences principales était de 50,50 % à Mayotte, alors qu’elle n’était que de 10,50 % en Martinique, de 24,88 % à la Réunion, de 32,47 % en Guyane et de 34,48 % en Guadeloupe ; en 2003, Mayotte comptait 14 277 logements insalubres.
Le rapport Letchimy souligne, quant à lui, que les politiques nationales de lutte contre l’habitat insalubre sont inadaptées à l’outre-mer, avec très peu d’opérations de résorption de l’habitat insalubre, ou RHI. À Mayotte, plusieurs opérations de RHI sont intervenues ces dernières années, notamment à Mamoudzou, dans le quartier de M’Gombani avec l’intervention de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine ; à Chiconi en 2009, dans le quartier d’Antapagna, avec le concours du plan de relance de l’économie. D’autres quartiers méritent d’être classés en zone urbaine sensible ou de bénéficier de la mise en place d’une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale, plus souple et plus efficace.
Par ailleurs, le rapport de Georges Patient indique que le développement de l’habitat informel concerne aujourd’hui surtout la Guyane et Mayotte, sous l’effet de l’immigration clandestine. En 2006, la commission d’enquête sénatoriale sur l’immigration clandestine constatait déjà que, « à Mayotte et en Guyane, l’ampleur de l’immigration clandestine aboutit à une multiplication des constructions illicites et à la reconstitution de véritables bidonvilles ».
Or le fait que le dispositif d’aide financière inscrit dans la présente proposition de loi n’exclue pas formellement les occupants étrangers en situation irrégulière, pour une question d’équité et de justice sociale, pourrait créer un important d’appel d’air, difficilement compréhensible, quand l’État lutte parallèlement contre l’immigration clandestine et quand nos compatriotes rencontrent d’énormes difficultés à sortir de l’indivision et à accéder à la propriété, pour les parcelles qu’ils occupent depuis plusieurs générations dans les zones des cinquante pas géométriques.
En outre, l’article 15 vise à mettre en œuvre la proposition n° 7 du rapport de Serge Letchimy en permettant la réalisation d’opérations de RHI dans la zone des cinquante pas géométriques à Mayotte, de la même manière que l’article 32 de la loi portant engagement national pour l’environnement, ou « Grenelle 2 », l’avait permis pour la zone des cinquante pas géométriques des deux départements antillais. Sur ce point, il convient de souligner le bon travail de diagnostic fait par le rapport Letchimy et repris par la présente proposition de loi.
Il convient aussi de poser le débat de l’application à Mayotte des deux décrets du 9 septembre 2009 relatifs à la constitution de droits réels dans le domaine public maritime de l’État, dit de la zone des cinquante pas géométriques, décrets contestés pour leur application différenciée entre les collectivités territoriales et les personnes individuelles, les premières ayant la possibilité d’acquérir gratuitement des parcelles situées en ZPG, notamment pour la construction de logements sociaux, les seconds contraints de s’acquitter d’une certaine somme, selon une décote précise, mais qui handicape lourdement les familles modestes et, de surcroît, représente un frein pour l’accession à la propriété.
C’est la raison pour laquelle j’avais déposé un amendement qui tendait à rendre applicable à Mayotte les dispositions de la loi du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer. Cet amendement a été jugé irrecevable parce qu’il aggravait une charge publique.
Pour autant, le problème demeure : sur les soixante-dix villages que compte le département de Mayotte, soixante-deux sont situés sur le littoral, dont la plupart existaient déjà avant la présence française ; la majorité des occupants actuels du domaine public maritime de l’État dans ces villages, qui aspirent à accéder à la propriété, sont des personnes modestes, du fait de leur situation économique fragile, en lien avec la faiblesse des revenus et la persistance d’un chômage élevé, qui touchait 26 % de la population active en 2007.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Le délai de trois ans pour l’entrée en vigueur de la loi, tel que je le proposais dans mon amendement, laissait un temps raisonnable pour l’envoi d’une mission d’évaluation.
Sous le bénéfice de ces observations, je soutiendrai bien évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, l’accès au logement est devenu la principale préoccupation de nos concitoyens, mais la crise que nous connaissons en France métropolitaine est encore bien plus aiguë outre-mer.
Plus de 12 000 familles attendent un logement social en Guadeloupe, plus de 10 000 en Martinique, plus de 11 000 en Guyane et plus de 26 000 à la Réunion, sans compter Mayotte, dont la situation vient d’être évoquée ! Il faut y ajouter les besoins en logements intermédiaires.
Les conséquences de cette pression sont considérables : effet inflationniste sur le prix des terrains et sur le parc locatif privé, constructions illégales, en bon état ou délabrées, remédiables ou irrémédiables, locations ou sous-locations abusives par des marchands de sommeil. Ainsi, près de 200 000 familles vivent dans des logements de fortune, sans desserte, sans électricité, sans eau potable ou autres équipements publics propres à assurer leur salubrité et leur sécurité. Rien qu’en Guadeloupe, on dénombre 15 000 de ces habitations indignes, situées le plus souvent dans les périphéries des villes et parfois cachées, pour ne pas choquer les touristes. La plupart ont été construites sans droit ni titre sur des terrains souvent publics, mais aussi privés.
Si cet habitat informel s’est développé, disons-le franchement, c’est parce que l’administration a laissé faire pendant des années, sans doute faute de moyens financiers ; elle y a même trouvé son compte, car certains paient des impôts pour ces constructions indécentes – ce qui est un comble ! S’il a pu perdurer, malgré le nombre d’opérations publiques de résorption de l’habitat insalubre lancées depuis vingt-cinq ans, c’est parce que les modes opératoires, tant opérationnels que juridiques, sont inadaptés aux spécificités culturelles et sociales des départements d’outre-mer. On voit bien aujourd’hui que le droit au logement opposable, déjà difficilement applicable dans l’hexagone, n’est qu’un droit virtuel dans nos territoires d’outre-mer.
Il y a donc urgence, car « une proportion significative des habitants des départements d'outre-mer est en dehors de la loi républicaine », selon les termes employés par notre collègue député Serge Letchimy, dans son rapport de 2009. De fait, comment tolérer, en 2011, dans un pays industrialisé comme le nôtre, qui présidera le prochain sommet des huit plus grandes puissances mondiales, que des citoyens français vivent dans des quasi-bidonvilles ? Cette situation est vraiment indigne de la France ! Quand les instruments de développement que donne la République n’ont pas les mêmes effets partout, il faut les corriger, c’est une question d’équité territoriale, mais aussi de justice sociale !
Je ne peux donc que me réjouir de débattre aujourd’hui de cette proposition de loi, déposée par le député Serge Letchimy et ses collègues du groupe socialiste, radical et citoyen, dans la continuité de son rapport, et adoptée par l’Assemblée nationale.
En reconnaissant juridiquement ces situations d’habitat informel et en prévoyant une aide financière strictement encadrée pour les occupants sans droit ni titre, cette proposition de loi permettra peut-être enfin de débloquer des opérations d’aménagement laissées en friche depuis des années.
Initialement applicable à tous les départements français, la section 1 a été limitée par notre commission aux seuls départements d’outre-mer et à Saint-Martin, afin de rassurer les élus de métropole, inquiets de ce texte, il est vrai dérogatoire au droit commun. Ne risquons-nous pas de nous voir reprocher l’inconstitutionnalité de cette disposition ? Espérons que le beau consensus qui s’est formé dans nos assemblées parlementaires autour de cette proposition de loi nous l’évitera !
Bien que souhaitable, ce nouveau cadre juridique pose néanmoins la question des nouvelles charges qu’il crée pour les collectivités territoriales des départements d’outre-mer. L’aide financière comme le relogement des occupants évincés est en effet assurée par la personne publique à l’origine de l’opération d’aménagement.
Comme vous le savez, madame la ministre, nombre de nos communes connaissent déjà une situation financière critique, voire sont exsangues. Comment pourraient-elles assumer de nouvelles charges ? Le Gouvernement a certes pris des initiatives pour les accompagner, mais certaines sont encore loin de l’assainissement financier. Je souscris donc tout à fait aux réserves émises par notre rapporteur sur ce point, comme sur la nécessité d’intégrer ce texte dans une politique ambitieuse en matière de logement outre-mer.
Le logement social et l’habitat informel sont difficilement dissociables ; ils fonctionnent selon le principe des vases communicants : quand la production de logements sociaux ralentit ou diminue, l’habitat informel ou indigne augmente. Vous me direz qu’il faut bien commencer par un bout, mais l’obligation de relogement suppose une offre de logements suffisante, pas uniquement tournée vers le logement social, où la demande est déjà très forte, mais aussi vers l’accession sociale à la propriété, le logement intermédiaire, les foyers, les résidences pour personnes âgées... Il ne faudra pas se contenter d’une solution de facilité en ajoutant uniquement une offre supplémentaire de logements sociaux, mais bien répondre aux besoins spécifiques de chaque occupant sans droit ni titre.
Or le développement de cette offre se heurte à un obstacle. J’avais eu l’occasion de vous alerter en novembre dernier, madame la ministre, sur la situation critique du logement en Guadeloupe. La loi pour le développement économique des outre-mer a modifié largement le régime de défiscalisation en matière de logement, en prévoyant la suppression progressive de la défiscalisation pour le logement locatif libre et intermédiaire et en créant un dispositif de défiscalisation en matière de logement social.
Cette évolution législative a d’abord fortement nui au dynamisme du secteur du bâtiment, secteur essentiel des économies ultramarines. Par ailleurs, alors que la position du Gouvernement avait été particulièrement claire sur le cumul possible de la défiscalisation avec la ligne budgétaire unique, ou LBU, l’interprétation qui en a été faite est différente ; quand les deux sources de financement sont sollicitées, les DDE sont incitées à ne débloquer la LBU que si la défiscalisation ne suffit pas au bouclage du projet. (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) Vous n’avez pas l’air d’accord, madame la ministre, mais vous me répondrez sans doute !
La circulaire du 1er juin 2010 était, il est vrai, ambiguë. Nous y avons remédié lors de l’examen de la loi de finances pour 2011, en adoptant un amendement autorisant expressément le cumul car, nous n’avons cessé de l’affirmer, la LBU doit rester le socle du financement.
M. Thierry Repentin. Absolument !
M. Yvon Collin. Reste la complexité des procédures. Les bailleurs sociaux sont le plus souvent en attente des agréments si précieux de Bercy. Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement depuis novembre dernier pour fluidifier les circuits, notamment en simplifiant les démarches des opérateurs et en rendant les dispositifs de financement plus adaptés aux coûts réels des opérations ?
Madame la ministre, l’outre-mer mérite une politique ambitieuse en matière de logement. Celle-ci devra, notamment, satisfaire deux exigences en répondant, d’une part, aux besoins déjà existants en termes de logements sociaux et, d’autre part, aux besoins qui découleront de la résorption de l’habitat indigne, par une augmentation de l’offre de logements sociaux, avec un financement complémentaire, adapté et distinct de ceux qui sont déjà prévus par la défiscalisation et la ligne budgétaire unique, la LBU.
Bien que mise en place très tardivement, le 13 avril dernier, soit près de deux ans après la promulgation de la LODEOM, je ne doute pas que la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer étudiera de manière approfondie cette politique du logement.
Cependant, pour nous donner toute assurance en la matière, je vous proposerai un amendement visant à consacrer un volet spécifique, au sein du rapport biennal de cette commission, sur la mise en œuvre de la présente proposition de loi sur l’habitat indigne en outre-mer.
Enrichie à l’Assemblée nationale et par notre commission de l’économie, au travers de l’excellent travail de notre rapporteur, Georges Patient, cette proposition de loi est un bon texte proposant des solutions concrètes pour résorber l’habitat informel et indigne sur lequel nous avons buté depuis des années.
Avec mon collègue Daniel Marsin et l’ensemble des membres de mon groupe, le RDSE, je voterai ce texte, en appelant toutefois le Gouvernement à poursuivre une politique de logement ambitieuse pour nos concitoyens ultramarins, sans laquelle notre débat d’aujourd’hui n’aura pas de lendemain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que l’insalubrité dans l’habitat connaît un certain regain outre-mer, la proposition de loi, dont les premiers signataires sont Jean-Marc Ayrault et Serge Letchimy, vise à améliorer le pilotage et les modalités de son traitement.
Son objectif est ainsi de faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement en autorisant des aides financières aux occupants qui ont édifié leur habitation sur des terrains sans droit ni titre, situation très souvent rencontrée outre-mer, pour les raisons historiques excellemment relatées par nos collègues Georges Patient et Serge Larcher voilà quelques minutes.
Seront ainsi légalisées des pratiques d’ores et déjà menées par un certain nombre de collectivités territoriales ultramarines, dont l’action soutenue et exemplaire en faveur des mal logés doit être soulignée à cette tribune. J’ai pu, comme d’autres, en être témoin sur le terrain.
La grande qualité de cette proposition de loi est ainsi d’étoffer la boîte à outils des collectivités territoriales et des élus et de renvoyer à leur connaissance des spécificités locales l’opportunité d’y recourir ou non.
Avec mes collègues socialistes, je me félicite de cette latitude laissée aux collectivités. En outre-mer comme en métropole, l’action publique est d’autant plus pertinente qu’elle est pensée et adaptée au tissu local.
J’ai d’ailleurs pu moi-même apprécier la forte volonté des territoires d’outre-mer à l’occasion de plusieurs déplacements dans le cadre de mes fonctions dans le monde HLM. J’ai mesuré, sur place, la qualité d’opérations de réhabilitation dont certaines sont tout à fait remarquables, dans des cas de figure pourtant extrêmement difficiles et contraints, et fort différents de ce que nous connaissons en métropole.
L’outre-mer est un territoire spécifique et le législateur sait adapter le droit, quand cela est nécessaire, à des secteurs géographiques particuliers. C’est ainsi qu’ont pu voir le jour, par exemple, la loi Montagne, la loi Littoral, mais aussi les mesures spécifiques aux quartiers urbains en difficulté avec la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine ou, vous vous en souvenez, monsieur le président de la commission, celles concernant les zones rurales en revitalisation. (M. le président de la commission de l’économie approuve.)
À ce titre, les modifications au texte apportées par la commission sont satisfaisantes, de même que les amendements proposés par le rapporteur, Georges Patient, dont je tiens, au nom de mes collègues, à saluer la qualité du travail.
L’amendement déposé par MM. Marsin et Collin retient également toute mon attention.
Il vise à introduire la question de l’habitat indigne et de l’habitat insalubre au bilan de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. Cette proposition est tout à fait intéressante, car elle permettra d’évaluer la mise en œuvre effective du texte que nous allons sans doute voter ce soir, et ce, je l’espère, à l’unanimité.
C’est en effet un grief fréquent de nos collègues ultramarins à l’encontre des évolutions législatives : aussi bien conçues soient-elles, elles demeurent parfois inutiles tant les conditions de leur mise en pratique ne sont pas réunies. Cela explique sans doute l’interpellation de notre collègue Daniel Raoul tout à l'heure sur la non-consommation de la LBU.
Madame la ministre, j’espère que vous entendrez cette préoccupation légitime et que vous mettrez tout en œuvre, notamment d’un point de vue réglementaire, pour y répondre.
Cependant, à l’instar de notre rapporteur et de Claude Lise, qui est absent ce soir mais dont je me fais le porte-voix, je m’interroge sur l’incidence de la proposition de loi sur les finances locales. Les collectivités ne seront-elles pas appelées à contribuer fortement au financement des dispositions envisagées ? Notre rapporteur l’a d’ailleurs lui-même évoqué.
M. Guy Fischer. C’est bien vrai !
M. Thierry Repentin. Or on sait que les communes ont le plus grand mal à financer les opérations de résorption de l’habitat insalubre, les RHI, même à hauteur des 20 % seulement qui leur reviennent. La chambre régionale des comptes de Guadeloupe, Guyane, Martinique évoque même, à ce sujet, une situation de « sinistre budgétaire » quelle que soit la strate de la commune.
Certes, le Gouvernement a bien voulu lever le gage à l’Assemblée nationale pour marquer son soutien au texte. Cependant, à la question « qui financera ? », vous avez répondu devant la commission, madame la ministre : « le Fonds régional d'aménagement foncier urbain, ou FRAFU, la LBU, le fonds Barnier » et vous avez ajouté : « Les communes doivent être les acteurs de leur développement ».
Madame la ministre, les dépenses relevant du fonds Barnier s’accroissent. Elles devraient atteindre cette année plus de 191 millions d’euros, alors que les recettes du fonds se limitent à 152 millions d’euros.
Quant à la LBU, elle ne saurait être amputée pour satisfaire ce type d’opérations mobilisant des fonds considérables, tant sont déjà élevés les besoins de crédits pour le logement social. Tous les orateurs avant moi l’ont dit ce soir.
En Martinique, il manque entre 8 000 et 12 000 logements sociaux, alors que la capacité de construction annuelle n’est que de 400.
Sans aucun doute, ces dispositions appelleront la mobilisation de moyens complémentaires à la fois pour indemniser les familles et les accompagner dans leur départ d’un environnement auquel elles se sentent parfois attachées depuis plusieurs générations.
Pour terminer, je veux exprimer les plus grandes réserves du groupe socialiste quant à un amendement qui vise à étendre outre-mer la comptabilisation des logements sociaux au titre de l’article 55 de la loi SRU aux logements en accession aidée.
Cette mesure que la majorité parlementaire et certains gouvernements ont essayé à plusieurs reprises d’inscrire dans la loi n’est pas plus pertinente outre-mer qu’en métropole, je le dis très clairement.
D’une part, l’esprit de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains est d’assurer une offre minimum de logements locatifs sociaux sur l’ensemble des aires urbaines du territoire français.
D’autre part, il faut savoir que les logements sociaux réalisés dans les départements d'outre-mer sont déjà, en moyenne – je l’ai vérifié – plus chers que ceux qui sont construits en métropole, notamment en raison du caractère insulaire de la quasi-totalité de ces territoires.
M. Thierry Repentin. Réduire les obligations de construction de tels logements serait obérer plus encore le pouvoir d’achat des ménages ultramarins, déjà globalement inférieur à celui des ménages en métropole.
Mieux vaudrait que les quelques communes, dont je possède la liste, qui contreviennent, de peu, à l’article 55 de la loi SRU dans les DOM se mettent en conformité avec la loi. Elles n’en sont pas loin.
Cela dit, si nous ne pouvons qu’approuver l’objectif fixé, nous regrettons une sous-estimation manifeste des moyens financiers qui seront nécessaires aux uns et aux autres pour la mise en œuvre concrète du texte.
M. Guy Fischer. C’est évident !
M. Thierry Repentin. Enfin, je m’associe à Claude Lise, sénateur de Martinique, pour souhaiter que les opérations de résorption de l’habitat insalubre ainsi facilitées ne se traduisent pas, au final, par l’éloignement de populations défavorisées au profit d’opérations de spéculation immobilière, tant la pénurie de logement social est manifeste, alors que les organismes dont la mission est de construire sont prêts à construire plus, sous réserve de crédits disponibles et de mise à disposition de terrains appartenant notamment à l'État.
En conclusion, si nous nous en tenons aux seuls amendements qui ont été adoptés par la commission, le groupe socialiste votera ce texte et je souhaite, à l’instant où je m’exprime, qu’il soit adopté à l’unanimité, car il est nécessaire aux départements et régions d’outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Haute Assemblée doit bien comprendre ce soir que la politique du logement social en métropole a très peu de points communs avec celle qui est conduite outre-mer. En comparant des choses qui ne sont pas comparables, vous faites un contresens politique évident, mes chers collègues !
Comment est financé le logement social, ici, en métropole ? D’abord, il est essentiellement en location. Ensuite, son titulaire peut bénéficier de l'Aide personnalisée au logement, l’APL. En outre-mer, contrairement à ce qu’on a pu dire, ce dispositif n’existe pas ! Ici, l’aide principale est l’aide à la personne, l’aide à la pierre étant accessoire. Là-bas, c’est l’aide à la pierre qui est l’aide principale. Les Ultramarins ne bénéficient que de l’allocation logement.
Vouloir établir un parallèle, comme l’a fait notre collègue Thierry Repentin, entre la construction de logement social outre-mer et la construction de logement social en métropole n’a aucun sens.
En effet, depuis 1976, tous les gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche, ont continué à programmer le financement du logement social outre-mer à partir de l’aide à la pierre de la ligne budgétaire unique.
Pour quels produits ? Je rappelle que c’est la loi votée ici qui a défini les produits issus de la LBU en matière de logement social ! Parce que nous avons eu pendant de nombreuses années un foncier disponible et pour répondre à la demande de la quasi-totalité de la population – ne l’oubliez jamais ! – d’avoir une petite maison en accession à la propriété, notamment pour les plus pauvres, la loi a créé le logement évolutif social, qui n’existe pas en métropole.
Ce dispositif n’a pas été mis en place par quelques maires qui l’auraient financé sans autorisation. C’est vous qui, à notre demande relayant celle de la population, l’avez autorisé et encouragé.
En ne nous versant pas l’APL, qui aurait représenté un apport supplémentaire de plusieurs centaines de millions d’euros pour le financement du logement social outre-mer, vous n’avez pas vu, mes chers collègues, qu’il y avait là une injustice à notre égard. Cela arrangeait bien tous les gouvernements de nous priver de ces financements !
Ce soir, je vous exhorte d’ôter enfin vos œillères et de regarder la réalité telle que nous l’avons créée tous ensemble dans cette assemblée. On ne peut la nier : jusque dans les années quatre-vingt-dix, un logement social outre-mer était essentiellement un logement en accession à la propriété, le locatif étant très peu répandu.
Ensuite, avec l’augmentation de la population, la raréfaction du foncier aménagé, nous avons dû construire les logements verticaux, les fameux logements locatifs sociaux, les LLS, qui datent de moins de quinze ans.
En fait, il est dommage qu’au moment du vote de la loi SRU, que j’approuve à l’évidence, les parlementaires des départements d'outre-mer n’aient pas attiré l’attention sur le fait que l’outre-mer avait deux types de logements sociaux.
On a donc concentré les efforts sur les logements locatifs sociaux et l’on a considéré ceux qui occupaient les logements en accession à la propriété comme des privilégiés, à tort. Il s’agissait en réalité des plus pauvres auxquels on avait offert un outil d’intégration, de cohésion sociale.
Savez-vous que, dans ces lotissements regroupant parfois les populations les plus pauvres, la délinquance n’existe pas ? La plupart des enfants qui y habitent, qui ont vu leur maison évoluer, progressent eux aussi socialement. C’est la plus belle réussite sociale en matière de logement de l’outre-mer.
Si nous avions eu suffisamment de terrains en outre-mer, nous n’y aurions construit que des logements évolutifs sociaux. Aujourd’hui encore, ils font partie des promesses électorales de nombre de candidats. Certains veulent même créer des villes dans les Hauts.
Vous avez tous évoqué la situation difficile des communes. Je demande simplement que celles qui mettent la main à la poche pour financer la réalisation de logements sociaux, et dont les budgets sont extrêmement serrés, ne soient pas sanctionnées parce que le législateur, à un moment donné, n’a pas regardé la réalité telle qu’elle est.
Il n’est pire injustice que de traiter de la même manière des régions dont les situations sont tout à fait différentes. Sanctionner les communes qui ont eu le courage de mettre en œuvre cette politique qui répond le plus au souhait des populations les plus pauvres, ce n’est faire œuvre ni d’équité ni de justice sociale, c’est commettre une erreur et une grave injustice.
C’est pour toutes ces raisons que je présente à nouveau un amendement, et non pour ouvrir une quelconque boîte de Pandore ou pour trouver un moyen d’échapper à l’article 55 de la loi SRU. D’ailleurs, pour ma part, je suis favorable au passage de 20 % à 25 % de la part de logements sociaux, également réclamé par les socialistes de la Réunion.
Vous savez, chers collègues du parti socialiste, je n’ai pas inventé cet amendement ! À l’occasion du Forum des idées pour l’outre-mer organisé par le parti socialiste en vue de l’élection présidentielle, qui a eu lieu le 27 avril dernier, le premier secrétaire fédéral du parti socialiste de la Réunion, M. Annette, ainsi que les députés Jean-Claude Fruteau et Patrick Lebreton sont venus à Paris pour demander que cette augmentation de 20 % à 25 % soit inscrite dans le programme présidentiel socialiste pour la période 2012-2017, et que les logements évolutifs sociaux soient pris en compte, car c’est une simple mesure de justice.
M. Thierry Repentin. Cette idée n’a pas été retenue...
M. Jean-Paul Virapoullé. On ne peut pas regarder aujourd’hui l’avenir en sanctionnant les communes, même si quelques-unes seulement sont concernées. Une injustice serait intolérable, d’autant que des sommes importantes sont en jeu. Pour la commune du Tampon, l’amende s’élèverait à 400 000 euros. Dans la commune de Cilaos, à la Réunion, dont le budget est extrêmement tendu, il s’agirait de 20 000 euros. Exonérer ces communes de cette amende injuste leur permettrait de construire l’avenir.
Cette proposition de loi, encensée par tous, je la voterai, quant à moi, sans me faire d’illusions. Les terrains visés par ce texte sont occupés de façon séculaire par cet habitat, et il ne sera sans doute pas facile de les libérer, même si la proposition de loi est adoptée.
Je donne rendez-vous à nos collègues dans dix ans car, dans deux ans, cette loi n’aura produit aucun effet. On pourra toujours commander un rapport sur l’évolution de son application, cela reviendra au même ...
En effet, les habitants de ces terrains, qui ont acquis des droits, refuseront de discuter avec vous. Par ailleurs, avant de reconstruire, il faudra les exproprier, et donc trouver un autre terrain pour les reloger. Ce ne sera pas chose facile !
Cette proposition de loi n’est, selon moi, qu’une condition nécessaire.
S’agissant de la politique mise en œuvre par le Gouvernement en matière de défiscalisation, il est faux de dire, comme l’a fait l’un de nos collègues, que l’on a réduit la loi Girardin en l’intégrant dans la LODEOM. Un amendement que j’ai eu l’honneur de défendre, et qui été voté, a en effet permis de réorienter le flux des logements spéculatifs vers les logements sociaux. C’est un acte vertueux !
Contrairement à ce que certains peuvent penser, le levier de la combinaison du financement de la LBU avec la défiscalisation sociale fonctionne très bien : la construction de 3 500 logements va démarrer, cette année, à la Réunion, et nous atteindrons bientôt une vitesse de croisière de 5 000 logements par an. Ne faisons pas le procès de ce qui fonctionne bien !
Ce levier fonctionne même tellement bien que le Gouvernement a eu le courage de sanctuariser, à notre demande, la défiscalisation du logement social. Lors de la discussion du prochain projet de loi de finances, nous proposerons, en outre, que la viabilisation des logements sociaux soit défiscalisée.
Grâce à cette méthode et à l’établissement foncier qui aide certains départements d’outre-mer à maîtriser l’ensemble du foncier nécessaire, nous mettons en œuvre un dispositif global, qui intégrera ce texte.
Cette proposition de loi n’est pas l’alpha et l’oméga du logement social. En effet, le logement social est une œuvre complète faisant appel à de nombreux leviers, qui se mettent en place progressivement. En votant l’amendement que je vous propose, vous en créerez un nouveau, au service de la justice dans le domaine du logement social en outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui vient offrir un cadre juridique renforcé à la lutte contre l’habitat indigne, sujet crucial qui fait l’objet de l’attention toute particulière des collectivités et de l’État depuis de nombreuses années.
Il s’agit, nous le mesurons tous, d’une problématique qui connaît une acuité encore plus grande dans nos territoires, puisque l’outre-mer compte près de 50 000 logements ne répondant pas aux normes de sécurité, de salubrité et de décence, soit 10 % du nombre recensé sur l’ensemble du territoire national.
Pour la seule Guadeloupe, ce chiffre est estimé à 16 000, dans un contexte où 80 % de la population relèverait du logement social au regard du niveau des revenus. De plus, la chaîne de production est grippée et pâtit du manque de foncier aménagé et de l’insuffisance de documents d’urbanisme exploitables.
En outre, la multiplication des poches d’insalubrité et d’habitat spontané se conjugue aux phénomènes de constructions sur terrain d’autrui ou dans les zones à risque.
La persistance de ces phénomènes d’insalubrité, qui portent atteinte à la dignité humaine, doit donc conduire les pouvoirs publics à faire de la lutte contre l’habitat indigne une priorité absolue.
Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si l’autorité publique a déployé, sur une période déjà longue, de gros moyens pour lutter contre le fléau de l’habitat indigne et indécent. Ainsi, en 2010, la LBU a consacré 14,9 millions d’euros à la lutte contre l’habitat indigne dans le cadre des périmètres RHI. Or, force est de constater que de nombreuses opérations sont « gelées » ou reportées du fait de la faiblesse des modes opératoires, ou à cause de l’incapacité de certaines communes à porter les 20 % de financement nécessaires à l’équilibre de chaque opération.
Cette proposition de loi nous offre donc l’opportunité de définir des priorités au sein des périmètres de RHI, ou entre ces opérations et les périmètres de rénovation urbaine. À cet égard, il convient de souligner que le conseil général de la Guadeloupe, qui n’est pourtant pas compétent pour le financement du logement social, a pris toute sa part dans le démarrage et l’avancée de certaines RHI.
La collectivité a notamment manifesté ce volontarisme solidaire en accompagnant la viabilisation du foncier, en apportant sa garantie aux emprunts contractés par les bailleurs sociaux, et en subventionnant des logements LES en groupé.
Mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons vient surtout donner, s’agissant du traitement des propriétaires sans titre, une base juridique à une situation de fait qui prévalait en Guadeloupe.
En effet, les opérateurs et aménageurs ont pour habitude d’indemniser, à la fois, les propriétaires sans titre ni droit, et les occupants-constructeurs des logements. Le montant de l’indemnité est alors fixé par le juge de l’expropriation, si la procédure d’expropriation est enclenchée. Dans le cas contraire, cette indemnisation se fait à l’amiable selon une grille réglementaire. Dans un tel contexte, il apparaît dès lors fondamental que le décret d’application unique intègre toutes les situations spécifiques enregistrées sur place.
Il faudra donc en particulier veiller, en fixant les barèmes d’indemnisation, à prendre en compte la situation des personnes ayant édifié une habitation sans être propriétaires du sol, mais aussi celle des propriétaires de fait du foncier.
En outre, la définition d’un arrêté ad hoc par le préfet, distinguant les logements à démolir et ceux pouvant être sauvegardés, va dans le bon sens, puisqu’elle permettrait d’éviter de prendre des arrêtés d’insalubrité ou de péril au cas par cas. Son application concrète suscite néanmoins quelques doutes chez les aménageurs, qui craignent que cette partition ne se heurte aux contraintes liées à l’aménagement du site, à la réalisation des réseaux et à l’assainissement.
Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, monsieur le président, madame la ministre, cette proposition de loi portée par notre collègue député Serge Letchimy est un bon texte. Elle favorisera, en particulier pour ce qui concerne le conseil général, au-delà des légitimes interventions en diffus et au coup par coup, la définition de programmes d’intervention d’amélioration de l’habitat, au sein de périmètres d’insalubrité identifiés. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est assez rare que des mesures potentiellement de portée nationale soient prises par le législateur à partir d’une reconnaissance de réalités touchant essentiellement les outre-mer. Cette reconnaissance, elle-même, aboutit à donner un statut, une existence juridique, à des situations de fait jusqu’à présent considérées comme relevant de l’informel.
Indemniser ou accorder une aide financière légale à des occupants sans titre pour perte de logement dans le cadre d’une opération d’aménagement représente en soi une petite révolution, ou une petite revanche de l’histoire, indépendamment même de l’objet du texte, à savoir la lutte contre l’habitat insalubre.
Cette évolution arrive bien tard dans notre droit français, si je songe aux expropriés de Kourou et Sinnamary, à ces familles dépossédées lors de l’implantation de la base spatiale dans les années soixante, parce qu’elles ne possédaient pas de titre reconnu de propriété dans le contexte du processus de construction des sociétés rurales créoles après la fin de l’esclavage. Je songe aussi à certains villages amérindiens et « noirs marrons » auxquels pourrait s’appliquer la définition donnée ici de l’habitat informel.
Lorsque je considère ces différentes situations, je me dis que ce texte, au-delà de sa portée pratique s’agissant d’un problème social ou d’urbanisme, ouvre peut-être une voie, permet de faire un petit pas symbolique, dans la reconnaissance des liens entre le rapport à la terre et l’identité, entre les modes d’habiter et l’expression des cultures et des formes sociétales des outre-mer.
Ce n’est pas sur ce point, hélas, que nous devons nous attarder à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi. Si tel était le cas, j’aurais tenté de franchir quelques pas de plus, en posant la question du relogement de ces « Français sans papiers » qui vivent sur les rives du Maroni et l’Oyapock, alors que l’on vient y implanter des lotissements de logements standardisés.
J’aurais posé la question des droits de ces familles de descendance ancestrale ancrées sur le territoire guyanais, dont la situation est inextricable parce qu’elles sont, à la fois, historiquement inexpulsables et administrativement irrégularisables. Nous y avons été confrontés à Kourou. Par ailleurs, en tant que maire, j’ai aussi assumé le relogement d’urgence de ces familles après l’incendie d’une partie du village saramaca en 2006, village en cours d’opération RHI.
Monsieur le rapporteur et cher collègue, à ce stade de notre discussion, je dois d’ores et déjà affirmer et regretter notre divergence dans l’analyse de la première section de cette proposition de loi. Oui, ce texte a une portée nationale ! Il a aussi de nombreuses limites que le rapporteur, Georges Patient, a bien soulignées. Nous devons d’autant moins nous les cacher qu’elles ne tiennent nullement à la qualité intrinsèque du texte.
Selon moi, deux éléments limitent fondamentalement la portée de ce texte : son applicabilité dans un territoire comme celui de la Guyane, et la mise en perspective de son intérêt au regard de la problématique globale de l’habitat insalubre et, plus généralement, du logement dans les outre-mer.
J’en viens à la question de son applicabilité. Dans le département de la Guyane, on estime à 10 000 le nombre de logements insalubres ou illicites, et il augmente de 10 % par an.
Les constructions illicites représentent, chaque année, jusqu’à 50 % des constructions nouvelles. Dans le contexte d’un tel engrenage, on n’en finira jamais !
Autre élément de contexte, l’immigration clandestine alimente pour une bonne part la prolifération de l’habitat informel, mais les sites d’habitat informel abritent tout aussi bien des personnes en situation régulière qu’irrégulière, qui n’auront donc droit ni aux aides ni au relogement. Nous connaissons bien le phénomène qui se produit en Guyane : à chaque expulsion lors d’opérations d’aménagement, les familles non relogées vont construire ailleurs, sur un autre site.
Enfin, s’agissant de la problématique plus large du logement, quand bien même tout le monde serait relogeable, il est nécessaire de disposer de foncier équipé à hauteur des besoins afin de pouvoir construire, construire, et encore construire...
En l’absence d’opérateurs performants, de moyens adéquats, d’une volonté politique réellement déterminée en matière de construction de logements, l’habitat informel et insalubre a encore de beaux jours devant lui !
M. Jean-Paul Virapoullé. Bravo !
M. Jean-Étienne Antoinette. Mais ne boudons pas notre plaisir : les dispositions de la proposition de loi ajoutent des pièces nouvelles, originales et pragmatiques dans la boîte à outils juridiques de la lutte contre l’insalubrité.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Jean-Étienne Antoinette. Surtout, et j’y insiste, partant de situations essentiellement répandues dans les outre-mer, certaines des réponses apportées revêtent un intérêt pour l’ensemble du territoire national. Le fait est assez rare pour mériter d’être souligné et salué. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Section 1
Dispositions relatives aux quartiers d’habitat informel situés dans les départements et régions d’outre-mer et à Saint-Martin
Article 1er
I. – Lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipements publics rend nécessaire la démolition de locaux à usage d'habitation édifiés sans droit ni titre sur la propriété d'une personne publique ou de son concessionnaire, la personne publique à l'initiative de l'opération ou son concessionnaire peut verser aux occupants une aide financière visant à compenser la perte de domicile si les conditions suivantes sont remplies :
1° Les occupants, leurs ascendants ou leurs descendants sont à l'origine de l'édification de ces locaux ;
2° Ces locaux constituent leur résidence principale ;
3° Les occupants justifient d'une occupation continue et paisible de ces locaux depuis plus de dix ans à la date de la délibération de la collectivité publique ayant engagé l'opération, à celle de l'ouverture de l'enquête publique préalable à la réalisation des travaux ou, en l'absence d'enquête publique, à celle de la décision de la personne publique maître d'ouvrage ;
4° Ils n'ont pas fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion au cours de la période mentionnée au 3° du présent I.
Le relogement ou l’hébergement d’urgence des personnes concernées est assuré par la personne publique ayant engagé l’opération ou par son concessionnaire. L’offre de relogement peut être constituée par une proposition d’accession sociale à la propriété compatible avec les ressources de ces personnes.
Le barème de l’aide financière mentionnée au présent I est fixé par arrêté des ministres chargés du logement, de l’outre-mer et du budget en fonction de l’état technique et sanitaire de la construction, de la valeur des matériaux, de la surface des locaux et de la durée d’occupation. Il tient compte de la situation de la construction au regard des risques naturels.
À défaut de publication de l’arrêté mentionné au septième alinéa au premier jour du cinquième mois suivant la promulgation de la présente loi, le montant de l’aide financière est fixé par la convention visée au III.
II. – Lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipements publics rend nécessaire la démolition de locaux affectés à l'exploitation d'établissements à usage professionnel édifiés sans droit ni titre sur la propriété d'une personne publique ou de son concessionnaire, la personne publique à l'initiative de l'opération ou son concessionnaire peut verser aux exploitants une aide financière liée aux conséquences de cette opération si les conditions suivantes sont remplies :
1° Ces exploitants sont à l'origine de l'édification de ces locaux ;
2° Ils exercent leur activité dans ces locaux de façon continue depuis plus de dix ans à l'une des dates mentionnées au 3° du I ;
3° Ils exercent leur activité dans le respect de leurs obligations légales ;
4° Ils n'ont pas fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion au cours de la période mentionnée au 2° du présent II.
Le relogement des exploitants évincés est assuré par la personne publique à l’initiative de l’opération ou de son concessionnaire. Il est satisfait par une offre d’attribution de locaux compris dans l’opération lorsque l’activité considérée est compatible avec le plan local d’urbanisme ou le document d’urbanisme en tenant lieu, ou en dehors de cette opération en cas contraire.
Le barème de l’aide financière mentionnée au présent II est fixé par arrêté des ministres chargés du logement, de l’outre-mer et du budget en fonction de l’état technique de la construction, de la valeur des matériaux, de la surface des locaux et de la durée d’occupation. Il tient compte de la situation de la construction au regard des risques naturels. L’aide financière s’ajoute à l’indemnité due pour cessation d’activité.
À défaut de publication de l’arrêté mentionné au septième alinéa du présent II au premier jour du cinquième mois suivant la promulgation de la présente loi, le montant de l’aide financière est fixé par la convention visée au III.
III. – Les conditions de versement des aides financières prévues aux I et II font l’objet d’une convention entre la personne publique maître d’ouvrage des équipements publics ou à l’initiative de l’opération d’aménagement, ou son concessionnaire, et la personne bénéficiaire. Ces aides financières sont versées à la libération des locaux.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté à l'unanimité.)
Article 2
Lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipements publics déclarés d'utilité publique rend nécessaire la démolition de locaux à usage d'habitation édifiés sans droit ni titre sur un terrain dont l'expropriation est poursuivie, la personne publique à l'initiative de l'opération ou son concessionnaire peut verser une aide financière aux occupants visant à compenser la perte de domicile si les conditions fixées aux 1° à 4 ° du I de l'article 1er sont remplies.
Lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipements publics déclarés d'utilité publique rend nécessaire la démolition de locaux édifiés sans droit ni titre sur un terrain dont l'expropriation est poursuivie et affectés à l'exploitation d'établissements à usage professionnel, la personne publique à l'initiative de l'opération ou son concessionnaire peut verser aux exploitants une aide financière liée aux conséquences de l'opération si les conditions fixées aux 1° à 4° du II de l'article 1er sont remplies.
Nonobstant les dispositions de l'article L. 13-14 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l’indemnisation du propriétaire foncier est effectuée à la valeur du terrain sans qu’il soit tenu compte de la valeur des locaux visés aux premier et deuxième alinéas du présent article.
Le relogement des occupants et des exploitants est assuré par la personne publique à l'initiative de l'opération ou par son concessionnaire, conformément au sixième alinéa des I et II de l'article 1er.
Le barème de l'aide financière mentionnée aux premier et deuxième alinéas est fixé selon les modalités prévues respectivement au septième alinéa des I et II du même article.
Les conditions de versement des aides financières prévues aux premier et deuxième alinéas du présent article font l’objet d’une convention entre la personne publique maître d’ouvrage des équipements publics ou à l’initiative de l’opération d’aménagement, ou son concessionnaire, et la personne bénéficiaire. Ces aides financières sont versées à la libération des locaux. – (Adopté à l’unanimité.)
Article 3
Lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipements publics rend nécessaire la démolition de locaux à usage d'habitation édifiés sans droit ni titre sur un terrain appartenant à une personne publique ou privée et donnés à bail par les personnes les ayant édifiés ou fait édifier, la personne publique à l'initiative de l'opération ou son concessionnaire peut verser à ces personnes une aide financière liée aux conséquences de cette opération si les conditions suivantes sont remplies :
1° Ces personnes justifient d'une occupation ou de la location continue des locaux concernés depuis plus de dix ans à l'une des dates mentionnées au 3° du I de l'article 1er ;
2° La location est effectuée dans le respect de leurs obligations locatives ou de bonne foi ;
3° Ces personnes n'ont pas fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion au cours de la période mentionnée au 1°.
Le relogement des occupants de bonne foi est effectué par le bailleur dans un logement décent correspondant à leurs ressources et à leurs besoins.
En cas de défaillance du bailleur, le relogement ou l'hébergement d'urgence est effectué par la personne publique maître d'ouvrage des équipements publics ou à l'initiative de l'opération d'aménagement, ou par son concessionnaire. Le bailleur verse alors une participation équivalente à six mois du nouveau loyer ou à six fois le coût mensuel de l'hébergement. L'offre de relogement peut être constituée par une proposition d'accession sociale à la propriété compatible avec les ressources des occupants.
Le barème de l'aide financière prévue au premier alinéa est fixé par arrêté des ministres chargés du logement, de l'outre-mer et du budget en fonction de l'état technique et sanitaire de la construction, de la valeur des matériaux, de la surface des locaux loués et de la durée de location. Il tient compte de la situation de la construction au regard des risques naturels. Est déduite de l'aide la participation du bailleur mentionnée au sixième alinéa.
Les conditions de versement de l’aide financière prévue au premier alinéa font l’objet d’une convention entre la personne publique maître d’ouvrage des équipements publics ou à l’initiative de l’opération d’aménagement, ou son concessionnaire, et la personne bénéficiaire. L'aide financière est versée après le relogement ou l'hébergement d'urgence des occupants de bonne foi. – (Adopté à l’unanimité.)
Article 3 bis
(Supprimé)
Article 4
I. – (Suppression maintenue)
II. – En vue de la fixation des aides financières mentionnées aux articles 1er, 2 et 3, la personne publique à l'initiative de l'opération ou son concessionnaire notifie aux personnes en cause soit l'avis d'ouverture de l'enquête publique préalable à la réalisation des travaux, soit sa décision d'engager des travaux d'équipements publics, soit l'acte déclarant l'utilité publique, soit l'arrêté de cessibilité, soit l'ordonnance d'expropriation.
Les personnes en cause sont tenues d’appeler et de faire connaître à la personne publique ou à son concessionnaire les éventuels locataires des locaux devant être démolis.
Après avis du service des domaines, la personne publique ou son concessionnaire notifie le montant de ses offres aux personnes en cause et les invite à lui faire connaître leurs observations.
III. – Les personnes sans droit ni titre peuvent bénéficier des aides financières mentionnées aux articles 1er, 2 et 3 si elles rapportent tout élément de preuve de leur situation ou de leur bonne foi.
Ne sont pas considérées comme sans droit ni titre les personnes qui ont édifié, fait édifier ou se sont installées sur des terrains en application d'un contrat de location, d'une convention ou d'une autorisation du propriétaire foncier. Le présent III ne fait pas obstacle au respect par les personnes en cause des conditions résultant des contrats, conventions ou concessions passés, notamment avec des personnes publiques, ou d'autorisations temporaires d'occupation du domaine public. – (Adopté à l’unanimité.)
Article 5
L'aide financière mentionnée à l'article 3 ne peut être versée aux personnes qui ont mis à disposition des locaux frappés d'une mesure de police prise en application du I de l'article 8, du I de l'article 9, du I de l'article 10 ou des articles L. 1331-22 à L. 1331-25 du code de la santé publique.
L'aide financière mentionnée au II de l'article 1er et au deuxième alinéa de l'article 2 ne peut être versée aux exploitants d'établissements à usage professionnel frappés d'un arrêté du maire pris en application de l'article 10. – (Adopté à l’unanimité.)
Article 6
L'autorité administrative ayant ordonné la démolition de locaux à usage d'habitation édifiés sans droit ni titre dans une zone d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé délimitée en application des 1° ou 2° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement peut verser une aide financière visant à compenser la perte de domicile aux occupants de bonne foi à l'origine de l'édification de ces locaux si les conditions suivantes sont remplies :
1° Ces locaux constituent leur résidence principale ;
2° Les occupants justifient d'une occupation continue et paisible depuis plus de dix ans à la date d'ouverture de l'enquête publique mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 562-3 du code de l'environnement ;
3° Ils n'ont pas fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion au cours de la période mentionnée au 2°.
L'aide financière et les frais de démolition sont imputés sur le fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l'article L. 561-3 du code de l'environnement. L'aide financière est versée à la libération des locaux.
Le barème de l'aide financière mentionnée au premier alinéa est fixé par arrêté des ministres chargés du logement, de l'outre-mer et du budget en fonction de l'état technique et sanitaire de la construction, de la valeur des matériaux, de la surface des locaux et de la durée d'occupation.
Le propriétaire foncier est tenu de prendre toutes mesures pour empêcher toute occupation future des terrains ainsi libérés. En cas de défaillance du propriétaire, le représentant de l'État dans le département procède d'office, après mise en demeure restée sans effet dans le délai fixé, aux mesures nécessaires aux frais du propriétaire. La créance publique est récupérable comme en matière de contributions directes ; elle est garantie par une hypothèque légale sur le terrain d'assiette.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Patient, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé délimitée en application des 1° ou 2° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement
par les mots :
exposée à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines
La parole est à M. le rapporteur.
M. Georges Patient, rapporteur. Le présent amendement a pour but d'encadrer davantage les zones potentiellement concernées par le dispositif de l’article 6.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Je veux rappeler que l’Assemblée nationale a voté un texte rendant applicables les mesures prévues dans la section 1 à l’ensemble du territoire national avec pour préoccupation légitime d’assurer leur constitutionnalité.
Le texte soumis à l’examen du Sénat limite, lui, le champ d’application des dispositions de cette section à l’outre-mer.
Cette limitation pouvant cependant se fonder sur le caractère massif de l’habitat insalubre en outre-mer, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté à l'unanimité.)
Article 6 bis
I. – La présente section est applicable en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte, en Martinique, à La Réunion et à Saint-Martin.
II. – Pour l'application de l'article 6 à Saint-Martin, la référence au représentant de l'État dans le département est remplacée par la référence au représentant de l'État à Saint-Martin.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Antoinette, est ainsi libellé :
I. - Supprimer cet article.
II. - En conséquence, intitulé de la section 1
Supprimer les mots :
situés dans les départements et les régions d'outre-mer et à Saint-Martin
La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Je crois qu’il faut honnêtement et objectivement reconnaître que les dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne sont de portée générale et nationale.
Leur intérêt est certain, n’en déplaise à ceux qui voudraient préserver les collectivités locales des départements métropolitains de l’effort demandé aux collectivités ultramarines face à des situations, certes plus massives en outre-mer, mais tout aussi indignes et inacceptables dans l’hexagone.
S’il y a une différence de degré entre la métropole et l’outre-mer dans l’habitat informel et insalubre, ce n’est pas une différence de nature, non plus que de définition, et, si je défends farouchement la prise de mesures particulières pour les départements et régions d’outre-mer quand cela se justifie, je dois aussi défendre l’égalité d’accès sur tout le territoire national à une aide sociale relevant de la solidarité républicaine.
Il faut que ceux qui sont dans des situations comparables aient droit aux mêmes aides. Nous défendons ce principe dans un sens quand il s’agit d’étendre ou d’adapter outre-mer des mesures prises au niveau national ; nous devons le faire dans l’autre sens quand cela se justifie.
À défaut, seraient à la fois dévoyés le principe d’égalité des citoyens et celui de l’identité législative entre les départements d’outre-mer et la métropole.
De surcroît, le législateur ne prend pas là un grand risque ! Le droit ainsi créé n’est qu’une possibilité, pas une obligation, et sa conditionnalité est étroitement encadrée.
Mes chers collègues, toutes les collectivités locales doivent fournir des efforts pour lutter contre les situations indignes de la République, et cela quel que soit le lieu où elles se produisent.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur. À l’unanimité, la commission de l’économie a, sur mon initiative, réduit le champ de la section 1 aux départements d’outre-mer et à Saint-Martin en s’appuyant sur l’article 73 de la Constitution.
En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 6 bis.
(L'article 6 bis est adopté à l'unanimité.)
Section 2
Dispositions particulières relatives à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer
Article 7
Le deuxième alinéa du g de l'article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Saint-Martin, font, en sus, l'objet d'un repérage les terrains supportant un habitat informel et les secteurs d'habitat informel, constitués par des locaux ou installations à usage d'habitation édifiés majoritairement sans droit ni titre sur le terrain d'assiette, dénués d'alimentation en eau potable ou de réseaux de collecte des eaux usées et des eaux pluviales ou de voiries ou équipements collectifs propres à en assurer la desserte, la salubrité et la sécurité dans des conditions satisfaisantes. Ce repérage débute dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° …du … portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer.
« Aux fins de leur traitement, le comité responsable du plan met en place un observatoire nominatif des logements et locaux visés au premier alinéa du présent g. Cet observatoire comprend, en sus, les terrains et secteurs mentionnés au deuxième alinéa du présent g.
« Les autorités publiques compétentes et les organismes payeurs des aides personnelles au logement transmettent au comité les mesures de police arrêtées et les constats de non-décence effectués ainsi que l'identification des logements, installations et locaux repérés comme indignes et non décents.
« Aux fins de mise en œuvre de la politique de lutte contre l'habitat indigne, les comités transmettent chaque année au ministre chargé du logement et, pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Saint-Martin, au ministre chargé de l'outre-mer, les données statistiques agrégées relatives au stock de locaux, installations ou logements figurant dans l'observatoire ainsi que le nombre de situations traitées au cours de l'année. » – (Adopté à l’unanimité.)
Article 8
I. – Dans les secteurs d'habitat informel tels que définis au deuxième alinéa du g de l'article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, le représentant de l'État dans le département peut, à l'intérieur d'un périmètre qu'il définit et qui fait l'objet d'un projet global d'aménagement et d'assainissement établi par délibération du conseil municipal ou, le cas échéant, de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, déclarer par arrêté l'insalubrité des locaux, ensembles de locaux, installations ou terrains, utilisés aux fins d'habitation mais impropres à cet objet pour des raisons d'hygiène, de salubrité ou de sécurité.
À l'intérieur du périmètre mentionné au premier alinéa, il peut, dans un délai qu'il fixe, ordonner la démolition et interdire à l'habitation les locaux et installations qu'il a désignés. Il prescrit toutes mesures nécessaires pour en empêcher l'accès et l'usage au fur et à mesure de leur évacuation. Ces mesures peuvent être exécutées d'office, après avertissement de la personne à l'origine de l'édification des locaux en cause ou de la personne qui a mis le terrain à disposition aux fins d'habitation. L'avertissement est effectué par affichage sur la façade des bâtiments concernés. Les mêmes mesures peuvent être décidées à tout moment par le maire au nom de l'État et exécutées d'office.
À l'intérieur du même périmètre, il peut également désigner, au vu d'une appréciation sommaire de leur état, les locaux, ensembles de locaux et installations pouvant être conservés ou améliorés. Il peut prescrire les travaux d'amélioration de l'habitat à effectuer dans un délai qu'il fixe, en tenant compte du projet global d'aménagement et d'assainissement mentionné au premier alinéa.
La réalisation des travaux d’amélioration mis à la charge des personnes occupant des locaux à usage d’habitation sans droit ni titre sur le terrain d’assiette, les donnant à bail ou les exploitant n’ouvre aucun droit à leur profit, sous réserve de l’application de l’article 555 du code civil.
II. – L’arrêté du représentant de l’État dans le département est pris sur le rapport de l’agence régionale de santé ou, par application du dernier alinéa de l’article L. 1422-1 du code de la santé publique, du service communal d’hygiène et de santé, après avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à laquelle le maire ou, le cas échéant, le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat est invité à présenter ses observations et après délibération du conseil municipal ou, le cas échéant, de l’organe délibérant de l’établissement public compétent portant sur le projet d’aménagement et d’assainissement mentionné au premier alinéa du I du présent article.
L’arrêté du représentant de l’État dans le département est affiché à la mairie de la commune et fait l’objet d’une publicité dans au moins un journal diffusé localement. Il est publié au recueil des actes administratifs du département.
III. – Pour les locaux ou terrains donnés à bail et inclus dans le périmètre défini par le représentant de l’État dans le département, les loyers ou toute autre somme versée en contrepartie de l’occupation aux fins d’habitation ne sont plus dus par les occupants à compter du premier jour du mois suivant l’affichage de l’arrêté à la mairie du lieu de situation des biens jusqu’à leur relogement définitif ou l’affichage à la mairie de l’attestation des services sanitaires ou du maire constatant l’exécution des travaux. Le présent alinéa n’est pas applicable aux locaux d’habitation inclus dans le périmètre et donnés à bail ne faisant l’objet d’aucune prescription particulière.
Les locaux et terrains vacants ne peuvent être donnés à bail ni utilisés à quelque usage que ce soit avant la délivrance de l’attestation mentionnée au premier alinéa.
Lorsque l’état des locaux ou la nature des travaux prescrits impose un hébergement temporaire des occupants, celui-ci est assuré par la personne publique à l'initiative du projet d'aménagement et d'assainissement ou par son concessionnaire.
Le relogement des occupants de bonne foi des locaux ou terrains faisant l’objet d’une interdiction définitive d’habiter est à la charge de la personne les ayant donnés à bail. En cas de défaillance de cette personne, le relogement ou l’hébergement d’urgence des occupants est assuré par la personne publique à l'initiative du projet d'aménagement et d'assainissement ou par son concessionnaire. L’offre de relogement peut être constituée par une proposition d’accession sociale à la propriété compatible avec les ressources des occupants.
Lorsque la personne tenue au relogement n’a pas proposé aux occupants, dans le délai fixé par le représentant de l’État dans le département, un relogement dans un logement décent répondant à leurs ressources et à leurs besoins, elle est redevable à la personne publique qui a assuré le relogement ou à son concessionnaire d’une indemnité d’un montant correspondant à six mois du nouveau loyer ou à six fois le coût de l'hébergement de chaque ménage.
IV. – Lorsque la personne tenue d'effectuer les travaux de démolition prescrits par l'arrêté du représentant de l'État dans le département n'y a pas procédé, le représentant de l'État dans le département, ou le maire au nom de l'État, après mise en demeure restée infructueuse, les fait exécuter d'office aux frais de la personne défaillante sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés rendue à la demande de l'autorité administrative. Si l'adresse actuelle du propriétaire est inconnue ou si ce dernier ne peut être identifié, la saisine du juge n'est pas requise.
Lorsque la personne tenue d’effectuer les travaux de réparation prescrits par l’arrêté du représentant de l’État dans le département ne les a pas exécutés dans le délai fixé, l'autorité administrative lui adresse une mise en demeure d’y procéder dans un délai qu’il fixe. Si cette personne donne les lieux à bail, l'autorité administrative peut assortir cette mise en demeure d’une astreinte journalière d’un montant compris entre 30 et 300 € qui court à compter de la réception de la mise en demeure jusqu’à complète exécution des mesures prescrites, attestée par les services sanitaires ou par le maire.
Lors de la liquidation de l’astreinte, le total des sommes demandées ne peut être supérieur au montant prévu au I de l’article 12. L’autorité administrative peut consentir une remise ou un reversement partiel ou total du produit de l’astreinte lorsque les travaux prescrits par l’arrêté ont été exécutés et que le redevable peut justifier qu’il n’a pu respecter le délai imposé pour l’exécution totale de ses obligations.
Si après mise en demeure les travaux n’ont pas été exécutés, l'autorité administrative prononce l’interdiction définitive d’habiter les lieux et ordonne la démolition de la construction concernée et, le cas échéant, la fait exécuter d’office aux frais de la personne défaillante. Si la mise en demeure a été accompagnée d’une astreinte journalière, le montant de celle-ci est inclus dans la créance correspondant aux frais de démolition.
Les premier et quatrième alinéas du présent IV ne font pas obstacle à l’application de l’article L. 1331-29 du code de la santé publique lorsque les locaux déclarés insalubres ont été édifiés par une personne titulaire de droits réels sur le terrain d'assiette.
Le bailleur est tenu d’assurer le relogement des occupants ou d’y contribuer selon les dispositions des deux derniers alinéas du III. En cas de défaillance du bailleur, le relogement des occupants est assuré selon les dispositions du quatrième alinéa du même III.
En cas de démolition des locaux à usage d’habitation des occupants à l’origine de leur édification, le relogement de ces personnes est effectué par la personne publique ou le concessionnaire de l’opération d’aménagement ou d’assainissement intéressant le périmètre concerné.
V. – (Non modifié) Le recouvrement des créances relatives à la démolition et à l’obligation de relogement est effectué comme en matière de contributions directes.
VI. – (Non modifié) Le présent article ne fait pas obstacle à l’application de l’article L. 1331-25 du code de la santé publique.
VII. – Lorsque l’assainissement du périmètre délimité par l’arrêté du représentant de l’État dans le département nécessite l’expropriation des terrains d’assiette des locaux utilisés aux fins d’habitation, celle-ci peut être conduite selon les dispositions des articles 13, 14, 15, 17 et 19 de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre.
L’indemnité d’expropriation du propriétaire est calculée sur la valeur du terrain sans qu’il soit tenu compte de celle des locaux et installations à usage d’habitation édifiées par des personnes non titulaires de droits réels sur ce terrain.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Braye, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle n’est pas, non plus, requise lorsque le propriétaire du terrain a donné son accord à la démolition des locaux en cause.
La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. La saisine du juge des référés par le préfet pour être autorisé à démolir des locaux insalubres dont il a prescrit la démolition à la personne qui les a édifiés sans droit ni titre sur le terrain d’autrui est justifiée par le respect du droit de propriété du propriétaire du terrain, que celui-ci soit public ou privé.
Le texte prévoit que cette saisine n’est pas requise lorsque l’adresse du propriétaire est inconnue ou si celui-ci ne peut être identifié, ce qui est tout à fait légitime.
Vous conviendrez avec moi, mes chers collègues, que la saisine paraît également totalement inutile lorsque le propriétaire est identifié, connu, et a de plus donné son accord à la démolition des locaux en cause.
Aussi je propose, tout logiquement, me semble-t-il, s’agissant de surcroît de juridictions très encombrées, de prévoir cette exception pour éviter les procédures inutiles, sachant qu’en cas d’opposition du propriétaire l’autorisation du juge des référés est indispensable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté à l'unanimité.)
Article 9
I. – Lorsque l’état de locaux à usage d’habitation constitue un danger pour la santé ou la sécurité des occupants ou des voisins, le représentant de l’État dans le département, sur rapport motivé de l’agence régionale de santé ou du service communal d’hygiène et de santé par application du dernier alinéa de l’article L. 1422-1 du code de la santé publique, peut mettre en demeure par arrêté la personne qui, sans être titulaire de droits réels immobiliers sur l’immeuble concerné, a mis ces locaux à disposition aux fins d’habitation, à titre gratuit ou onéreux, de prendre les mesures propres à faire cesser ce danger et, le cas échéant, les interdire à l’habitation, dans des délais qu’il fixe.
Il peut ordonner la démolition des locaux si, après évaluation sommaire, des travaux de réparation apparaissent insuffisants pour assurer la salubrité ou la sécurité des occupants ou des voisins.
Il prescrit toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès et l'usage des locaux visés dans l'arrêté, au fur et à mesure de leur évacuation. Ces mesures peuvent être exécutées d’office après avertissement de la personne à l’origine de l’édification des locaux en cause. L’avertissement est effectué par affichage sur la façade du bâtiment concerné. Les mêmes mesures peuvent être décidées à tout moment par le maire au nom de l’État et exécutées d’office.
II. – L'arrêté du représentant de l'État dans le département est pris après avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques. Le propriétaire du terrain, tel qu'il apparaît au fichier immobilier, la personne qui a mis les locaux concernés à disposition aux fins d'habitation et les occupants sont avisés de la date de réunion de la commission soit personnellement soit, à défaut de connaître leur adresse actuelle ou de pouvoir les identifier, par affiche à la mairie de la commune ainsi que sur la façade du bâtiment concerné. Les personnes visées au présent alinéa sont entendues, à leur demande, par la commission précitée.
L’arrêté du représentant de l’État dans le département est notifié à la personne qui a mis ces locaux à disposition. Il est également notifié aux propriétaires et titulaires de droits réels tels qu’ils figurent au fichier immobilier ou, à Mayotte, au livre foncier. Il est affiché à la mairie de la commune ainsi que sur la façade du bâtiment concerné. À défaut de connaître l’adresse actuelle des personnes visées ou de pouvoir les identifier, la notification les concernant est valablement effectuée par l’affichage prévu au présent alinéa.
L’arrêté du représentant de l’État dans le département constatant l’exécution des travaux fait l’objet des notifications et mesures de publicité précisées au deuxième alinéa du présent II.
III. – (Non modifié) À compter du premier jour du mois suivant les mesures de publicité prévues au deuxième alinéa du II, le loyer ou toute autre somme versée en contrepartie de l’occupation aux fins d’habitation cesse d’être dû jusqu’à l’affichage à la mairie de l’arrêté du représentant de l’État dans le département constatant l’exécution des travaux ou jusqu’au relogement définitif des occupants.
Les quatre derniers alinéas du III de l’article 8 sont applicables.
IV. – (Non modifié) Lorsque la personne tenue d’effectuer les travaux de réparation ou de démolition prescrits par le représentant de l’État dans le département en application du I n’y a pas procédé, il est fait application du IV de l’article 8.
V. – (Non modifié) Le V de l’article 8 est applicable.
VI. – (Non modifié) Le présent article ne fait pas obstacle à l’application des articles L. 1331-22 et suivants du code de la santé publique.
VII. – (Non modifié) Lorsque la résorption de l’habitat insalubre ayant fait l’objet d’un arrêté du représentant de l’État dans le département pris en application du I du présent article nécessite l’expropriation du terrain d’assiette, le VII de l’article 8 est applicable.
VIII. – (Non modifié) La réalisation des mesures prescrites en application du I, mises à la charge des personnes qui, sans droit ni titre sur le terrain d’assiette du bâtiment concerné, ont mis ces locaux à disposition aux fins d’habitation, n’ouvre aucun droit à leur profit, sous réserve de l’application de l’article 555 du code civil.
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Patient, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4, deuxième phrase
Remplacer le mot :
affiche
par le mot :
affichage
La parole est à M. le rapporteur.
M. Georges Patient, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté à l'unanimité.)
Article 10
I. – Lorsque des bâtiments ou édifices quelconques édifiés par des personnes non titulaires de droits réels immobiliers sur le terrain d'assiette menacent ruine et pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, le maire peut, après avertissement et sur rapport motivé, mettre en demeure par arrêté la personne qui a édifié ou fait édifier la construction de prendre les mesures propres à faire cesser ce danger dans un délai qu'il fixe. Il peut ordonner la démolition du bâtiment si, après évaluation sommaire, des travaux de réparation apparaissent insuffisants pour assurer la sécurité publique.
Si tout ou partie de ces bâtiments est utilisé aux fins d’habitation ou occupé à d’autres fins, il peut les interdire à l’habitation ou à toute autre utilisation dans un délai qu’il fixe.
Toutefois, si l’état du bâtiment fait courir un péril imminent, le maire ordonne par arrêté les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril et peut notamment faire évacuer les lieux.
Le maire peut prescrire toutes mesures nécessaires pour empêcher l’accès et l’usage des bâtiments visés dans l’arrêté pris en application des premier ou troisième alinéas du présent I, au fur et à mesure de leur évacuation. Ces mesures peuvent être exécutées d’office après avertissement de la personne à l’origine de l’édification de la construction.
L’avertissement prévu aux premier et quatrième alinéas est effectué par affichage sur la façade du bâtiment concerné.
L’arrêté du maire pris en application des premier ou troisième alinéas est notifié à la personne visée au premier alinéa. Il est également notifié aux propriétaires et titulaires de droits réels, tels qu’ils figurent au fichier immobilier ou, à Mayotte, au livre foncier, sauf dans le cas où le terrain appartient à la commune. Il est affiché à la mairie de la commune ainsi que sur la façade du bâtiment concerné. À défaut de connaître l’adresse actuelle de ces personnes ou de pouvoir les identifier, la notification les concernant est valablement effectuée par les affichages prévus au présent alinéa.
Lorsque les travaux de réparation ou de démolition sont exécutés, le maire en prend acte par arrêté. Le sixième alinéa est applicable à cet arrêté.
II. – (Non modifié) Lorsque les locaux frappés d’un arrêté de péril du maire sont donnés à bail aux fins d’habitation, le loyer ou toute autre somme versée en contrepartie de l’occupation cesse d’être dû à compter du premier jour du mois qui suit les mesures de publicité prévues au sixième alinéa du I jusqu’à l’affichage de l’arrêté du maire constatant l’exécution des travaux ou jusqu’au relogement définitif des occupants.
La personne qui a mis à disposition tout ou partie des bâtiments à usage d’habitation dont la démolition a été ordonnée par arrêté du maire est tenue d’assurer le relogement des occupants de bonne foi ou de contribuer à son coût dans les conditions prévues au dernier alinéa du III de l’article 8. En cas de défaillance de cette personne, le relogement ou l’hébergement d’urgence des occupants est assuré par le maire.
En cas de démolition des locaux à usage d’habitation des occupants à l’origine de leur édification, le relogement de ces personnes est effectué par le maire.
Les bâtiments vacants frappés d’un arrêté du maire pris en application des premier ou troisième alinéas du I du présent article ne peuvent être donnés à bail, ni utilisés à quelque usage que ce soit avant l’affichage à la mairie de l’arrêté mentionné au dernier alinéa du même I.
Lorsque les bâtiments concernés sont situés dans une opération d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, la personne publique à l’initiative de l’opération ou son concessionnaire prend les dispositions nécessaires au relogement, temporaire ou définitif, des occupants.
L’offre de relogement peut être constituée par une proposition d’accession sociale à la propriété compatible avec les ressources des occupants.
III. – Lorsque la personne tenue d'effectuer les travaux de démolition prescrits par l'arrêté du maire n'y a pas procédé, le maire, après mise en demeure restée infructueuse, les fait exécuter d'office aux frais de la personne défaillante sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés rendue à la demande du maire. Si l'adresse actuelle du propriétaire est inconnue ou si celui-ci ne peut être identifié, la saisine du juge n'est pas requise.
Lorsque la personne tenue d’effectuer les travaux de réparation prescrits par l’arrêté du maire ne les a pas exécutés dans le délai fixé, le maire lui adresse une mise en demeure d’y procéder dans un délai qu’il fixe.
Lorsque les bâtiments concernés sont à usage principal d’habitation et donnés à bail, le maire peut assortir cette mise en demeure d’une astreinte journalière d’un montant compris entre 30 et 300 € qui court à compter de la réception de la mise en demeure jusqu’à complète exécution des mesures prescrites, attestée par arrêté du maire.
Lors de la liquidation de l’astreinte, le total des sommes demandées ne peut être supérieur au montant prévu au I de l’article 12. Le maire peut consentir une remise ou un reversement partiel ou total du produit de l’astreinte lorsque les travaux prescrits par l’arrêté ont été exécutés et que le redevable peut justifier qu’il n’a pu respecter le délai imposé pour l’exécution totale de ses obligations.
Si après mise en demeure les travaux n’ont pas été exécutés, le maire ordonne la démolition totale ou partielle de la construction concernée et, le cas échéant, la fait exécuter d’office aux frais de la personne défaillante. Si ces locaux sont occupés, la démolition est précédée d’une interdiction définitive d’habiter ou d’utiliser les lieux. Si la mise en demeure a été accompagnée d’une astreinte journalière, le montant de celle-ci est inclus dans le montant de la créance correspondant aux frais de démolition.
IV. – (Non modifié) Le recouvrement des créances relatives aux travaux de démolition et au relogement est effectué comme en matière de contributions directes.
V. – (Non modifié) Le présent article ne fait pas obstacle à l’application des articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation.
VI. – (Non modifié) Lorsque la résorption de l’habitat indigne ayant fait l’objet d’un arrêté de péril du maire pris en application du I du présent article nécessite l’expropriation du terrain d’assiette, le VII de l’article 8 est applicable.
VII. – (Non modifié) La réalisation des travaux de réparation mis à la charge des personnes qui, sans droit ni titre sur le terrain d’assiette du bâtiment concerné, occupent ou utilisent les locaux en cause n’ouvre aucun droit à leur profit, sous réserve de l’application de l’article 555 du code civil.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Braye, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle n’est pas, non plus, requise lorsque le propriétaire du terrain a donné son accord à la démolition des locaux en cause.
La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. C’est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté à l'unanimité.)
Article 11
(Non modifié)
Les arrêtés pris en application des articles 8, 9 et 10, lorsqu’ils concernent des locaux à usage d’habitation, sont transmis au procureur de la République ainsi qu’aux caisses d’allocations familiales et de mutualité sociale agricole. – (Adopté à l’unanimité.)
Article 12
I. – (Non modifié) Est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 30 000 € le fait de refuser, sans motif légitime et après une mise en demeure, d’exécuter les mesures prescrites en application du I des articles 8, 9 ou 10.
II. – Est puni d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 100 000 € le fait :
1° Pour la personne qui a mis à disposition des locaux faisant l’objet d’un arrêté du représentant de l’État dans le département pris en application de l’article 9, ou des locaux frappés d’une interdiction d’habiter et désignés par le représentant de l’État dans le département en application du I de l’article 8, de menacer un occupant, de commettre à son égard tout acte d’intimidation ou de rendre impropres à l’habitation les locaux qu’il occupe, en vue de le contraindre à renoncer aux droits qu’il détient en application des articles 8 ou 9 ou dans le but de lui faire quitter les locaux ;
2° De mauvaise foi, de ne pas respecter une interdiction d’habiter des locaux prise en application du I des articles 8 ou 9 et le fait de remettre à disposition des locaux vacants déclarés insalubres, contrairement aux dispositions du III des articles 8 ou 9 ;
3° Pour la personne qui a mis à disposition aux fins d’habitation des bâtiments faisant l’objet d’un arrêté du maire en application du I de l’article 10 de menacer un occupant, de commettre à son égard tout acte d’intimidation ou de rendre impropres à l’habitation les locaux qu’il occupe, en vue de le contraindre à renoncer aux droits qu’il détient en application du même article 10 ou dans le but de lui faire quitter les locaux ;
4° De mauvaise foi, de ne pas respecter une interdiction d’habiter et d’utiliser des locaux prise en application du I de l’article 10 ou une interdiction de les louer ou mettre à disposition prévue par le II du même article 10 ;
5° De percevoir un loyer ou toute autre somme en contrepartie de l’occupation du logement, y compris rétroactivement, en méconnaissance du III des articles 8 ou 9 ou du II de l’article 10 ;
6° De refuser de procéder au relogement de l’occupant, bien qu’étant en mesure de le faire, en méconnaissance du III des articles 8 ou 9 ou du II de l’article 10.
III. – (Non modifié) Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :
1° La confiscation du fonds de commerce ou, le cas échéant, de l’immeuble destiné à l’hébergement des personnes et ayant servi à commettre l’infraction ;
2° L’interdiction pour une durée de cinq ans au plus d’exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. Cette interdiction n’est toutefois pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales.
IV. – (Non modifié) Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du même code, les peines prévues aux 2°, 4°, 8° et 9° de l’article 131-39 du même code.
La confiscation mentionnée au 8° de ce même article porte sur le fonds de commerce ou, le cas échéant, l’immeuble destiné à l’hébergement des personnes et ayant servi à commettre l’infraction.
V. – (Non modifié) Lorsque les poursuites sont effectuées à l’encontre d’exploitants de fonds de commerce aux fins d’hébergement, il est fait application de l’article L. 651-10 du code de la construction et de l’habitation. – (Adopté à l’unanimité.)
Article 13
(Non modifié)
Des groupements d’intérêt public dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière constitués entre deux ou plusieurs personnes morales de droit public ou de droit privé, comportant au moins une personne morale de droit public, peuvent être créés pour assurer ensemble, pendant une durée déterminée, le traitement des quartiers d’habitat dégradé et les activités contribuant dans ces quartiers au développement social urbain.
Les articles L. 341-1 à L. 341-4 du code de la recherche sont applicables à ces groupements d’intérêt public.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Patient, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Georges Patient, rapporteur. Les articles 58 à 82 de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, adoptée définitivement par le Parlement à la mi-avril, visent à fixer un cadre général pour les GIP, les groupements d’intérêt public.
L'article 13 de la présente proposition de loi ne paraît donc plus utile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'article 13 est supprimé.
Article 14
I. – Les articles 8 à 13 s'appliquent en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Saint-Martin.
Les mêmes articles 8 à 13 s'appliquent à Mayotte, à l'exception du VII des articles 8 et 9 et du VI de l'article 10. Pour l'application du V de l'article 12, l'article L. 651-10 du code de la construction et de l'habitation est applicable à Mayotte.
II. – Pour l'application des articles 8 à 13 à Saint-Martin :
1° La référence au représentant de l'État dans le département est remplacée par la référence au représentant de l'État à Saint-Martin ;
2° La référence au maire est remplacée par la référence au président du conseil territorial ;
3° Les références à la commune et au département sont remplacées par la référence à la collectivité ;
4° La référence au conseil municipal est remplacée par la référence au conseil territorial ;
5° La référence à la mairie est remplacée par la référence à l'hôtel de la collectivité. – (Adopté à l’unanimité.)
Article 15
Après l'article L. 5331-6-2 du code général de la propriété des personnes publiques, il est inséré un article L. 5331-6-2-1ainsi rédigé :
« Art. L. 5331-6-2-1. – Le représentant de l'État dans le département peut, après avis des communes ou des établissements de coopération intercommunale compétents en matière de logement ou d'urbanisme, délimiter, à l'intérieur de la zone définie à l'article L. 5331-5, des quartiers inclus dans une zone classée, en application de l'article L. 5331-6-1, en espaces urbains et d'urbanisation future où l'état des constructions à usage d'habitation et d'activités annexes justifie leur traitement par une opération publique comportant la division foncière, la démolition, la reconstruction ou l'amélioration de l'habitat, au bénéfice des personnes qui les occupent ou les donnent à bail, à titre de résidence principale, ou qui y exercent une activité professionnelle, ainsi que la réalisation des travaux de voirie et réseaux divers nécessaires à l'équipement du quartier.
« Pour la réalisation de ces opérations, le premier alinéa de l'article L. 5331-6-2 est applicable.
« Dans les opérations publiques mentionnées au premier alinéa, les articles L. 5331-6-3 et L. 5331-6-4 ne sont pas applicables. » – (Adopté à l’unanimité.)
Section 3
Dispositions diverses
Article 16
I. – L’article L. 2243-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
Le maire saisit le conseil municipal qui décide s'il y a lieu de déclarer la parcelle en état d'abandon manifeste et d'en poursuivre l'expropriation au profit de la commune, d'un organisme y ayant vocation ou d'un concessionnaire d'une opération d'aménagement visé à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, en vue soit de la construction ou de la réhabilitation aux fins d'habitat, soit de tout objet d'intérêt collectif relevant d'une opération de restauration, de rénovation ou d'aménagement.
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Après la seconde occurrence du mot : « abandon », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « ou se sont engagés à effectuer les travaux propres à y mettre fin définis par convention avec le maire, dans un délai fixé par cette dernière. » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
3° Après la seconde occurrence du mot : « soit », la fin de la seconde phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée : « à l'expiration du délai fixé par la convention mentionnée au deuxième alinéa » ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le propriétaire de la parcelle visée par la procédure tendant à la déclaration d’état d’abandon manifeste ne peut arguer du fait que les constructions ou installations implantées sur sa parcelle auraient été édifiées sans droit ni titre par un tiers pour être libéré de l’obligation de mettre fin à l’état d’abandon de son bien. »
II. – L’article L. 2243-4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2243-4. – L'expropriation des immeubles, parties d'immeubles, voies privées assorties d'une servitude de passage public, installations et terrains ayant fait l'objet d'une déclaration d'état d'abandon manifeste peut être poursuivie dans les conditions prévues au présent article.
« Le maire constitue un dossier présentant le projet simplifié d’acquisition publique, ainsi que l’évaluation sommaire de son coût, qui est mis à la disposition du public, pendant une durée minimale d'un mois, appelé à formuler ses observations dans des conditions précisées par la délibération du conseil municipal.
« Par dérogation aux dispositions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le représentant de l’État dans le département, au vu du dossier et des observations du public, par arrêté :
« 1° Déclare l'utilité publique du projet mentionné au deuxième alinéa et détermine la liste des immeubles ou parties d’immeubles, des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier ainsi que l'identité des propriétaires ou titulaires de ces droits réels ;
« 2° Déclare cessibles lesdits immeubles, parties d’immeubles, parcelles ou droits réels immobiliers concernés ;
« 3° Indique la collectivité publique ou l'organisme au profit duquel est poursuivie l'expropriation ;
« 4° Fixe le montant de l’indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires ou titulaires de droits réels immobiliers, cette indemnité ne pouvant être inférieure à l’évaluation effectuée par le service chargé des domaines ;
« 5° Fixe la date à laquelle il pourra être pris possession après paiement ou, en cas d’obstacle au paiement, après consignation de l’indemnité provisionnelle. Cette date doit être postérieure d’au moins deux mois à la publication de l’arrêté déclaratif d’utilité publique.
« Cet arrêté est publié au recueil des actes administratifs du département et affiché à la mairie du lieu de situation des biens. Il est notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels immobiliers.
« Dans le mois qui suit la prise de possession, l'autorité expropriante est tenue de poursuivre la procédure d'expropriation dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
« L’ordonnance d’expropriation ou la cession amiable consentie après l’intervention de l’arrêté prévu au présent article produit les effets visés à l’article L. 12-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
« Les modalités de transfert de propriété des immeubles ou de droits réels immobiliers et d’indemnisation des propriétaires sont régies par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. » – (Adopté à l’unanimité.)
Articles additionnels après l'article 16
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Virapoullé, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 4° de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Dans les départements d’outre-mer, l’ensemble des logements sociaux subventionnés par une aide publique aux bailleurs ou aux personnes accédant à la propriété et soumise à des conditions de ressources. »
II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus pour les fonds régionaux d’aménagement foncier et urbain prévus à l’article L. 340-2 du code de l’urbanisme sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. La discussion générale m’a donné l’occasion d’exposer longuement cet amendement qu’au vu de l’heure tardive je considère donc comme défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur. Je suis défavorable, et cela pour plusieurs raisons, à cet amendement qui vise à assouplir dans les départements d'outre-mer le seuil de 20 % fixé par l’article 55 de la loi SRU.
En premier lieu, cet amendement n’a pas de lien avec la proposition de loi, qui porte, je le rappelle, sur la lutte contre l’habitat insalubre.
En second lieu, il me paraît inopportun de toucher à l’article 55 de la loi SRU.
Je rappelle d’ailleurs que, lors de l’examen de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, notre commission s’était opposée à l’intégration des logements en accession sociale à la propriété dans le décompte des logements sociaux.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Cet amendement fait référence au LES, le logement évolutif social, qui correspond au logement en accession sociale à la propriété et n’a d’existence juridique que dans les seuls départements d’outre-mer. Il n’y a donc pas d’équivalent dans les instruments de la politique du logement mise en œuvre en métropole.
Ces logements, dont la construction bénéficie d’une subvention publique importante – 40 % de l’assiette – et est réalisée par des opérateurs agréés, viennent en complément du développement de l’offre locative nécessaire dans les départements d’outre-mer.
J’ajoute que les ressources des accédants sont compatibles avec les plafonds de ressources du logement locatif très social.
Il est vrai que ces logements, alors même qu’ils sont destinés à des familles relevant des plafonds du logement locatif très social, ne sont pas aujourd'hui inclus dans l’appréciation de la situation des communes d’outre-mer par rapport au seuil de 20 % de logements sociaux prévu à l’article 55 de la loi SRU.
J’entends donc vos arguments, monsieur Virapoullé, et il me semble de surcroît qu’il serait injuste d’exposer les communes d’outre-mer aux pénalités prévues par cette loi connaissant la situation financière de ces collectivités, situation que vous avez vous-même soulignée à plusieurs reprises. Aujourd'hui, je l’ai déjà dit, dix-neuf communes de la Réunion sur trente-deux et vingt et une communes de la Martinique sont concernées.
De plus, il ne faudrait pas que ces pénalités conduisent ces communes à ne pas mettre en œuvre des programmes de logements évolutifs sociaux alors que ces programmes correspondent à la demande des populations et aux modes de vie outre-mer.
Je considère donc que la question de M. Virapoullé peut justifier, dans le respect des équilibres que je viens d’indiquer puisqu’il s’agit d’un texte dont la portée est limitée à l’outre-mer, une position favorable, ce qui me conduit à m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée sur son amendement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Nous voterons contre l’amendement n° 1.
D’abord, il s’agit en effet d’un « cavalier »… surgi sans doute du fond de la nuit. (Sourires.) Comme nous ne souhaitons pas que le texte fasse l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel, nous ne pouvons adopter cet amendement sans rapport avec l’objet de la proposition de loi – la lutte contre l’habitat indigne outre-mer – qui rendrait possible une telle saisine.
Sur le fond, je dirai que le LES est effectivement le pendant du logement en accession sociale à la propriété, que beaucoup de collectivités soutiennent en métropole, par des subventions, afin qu’il soit adapté au pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Si l’on ouvre le débat dans le cadre du présent texte, il faudra l’ouvrir dans d’autres textes.
Par ailleurs, madame la ministre, je suis d’accord avec vous pour dire qu’il y a dix-neuf communes à la Réunion qui relèvent de l’article 55 de la loi « SRU », sauf que, après l’avoir vérifier, je dois préciser qu’il n’y en a que dix qui paient des pénalités,…
M. Thierry Repentin. … ce qui, pour un total de 700 000 euros pour toute la Réunion, fait une moyenne de 70 000 euros par commune. Or, aucune de ces dix communes n’a fait l’objet d’un constat de carence.
Par le passé, il pouvait arriver qu’un maire refuse de payer les pénalités et l’annonce même dans ses campagnes électorales – je pense notamment à un maire de la commune du Tampon, que vous avez citée –, parce qu’il ne voulait pas de logements locatifs sociaux sur sa commune.
Ce n’est plus vrai aujourd'hui et, s’il n’y a pas de constat de carence, cela signifie que les maires de ce territoire souhaitent rattraper – et ils le font avec vigueur – leur retard.
Mes chers collègues, il ne faut pas casser la dynamique. Disant cela, je pense également aux organismes qui veulent construire davantage de logements locatifs, en particulier à la SHLMR. En effet, dans des territoires où le niveau de vie moyen est inférieur à celui de la métropole mais où les logements locatifs sociaux sont plus chers, il faut au contraire renforcer les obligations de faire, car, plus qu’aux maires, il faut songer aux populations, notamment aux ménages concernés par ces politiques.
On ne peut pas ériger en exemple un ou deux maires dont les communes n’ont pas voulu par le passé construire des logements et qui cherchent des solutions ; la véritable solution, elle est dans le « construire plus » et, pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter contre l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Monsieur Virapoullé, lors de la discussion générale, j’ai bien écouté votre intervention, de qualité, qui, en réalité, a porté exclusivement sur le présent amendement.
Certes, sur la forme, je reconnais que vous êtes un excellent orateur, mais sur le fond, mon appréciation est totalement différente.
Mme Lucette Michaux-Chevry, lors de l’examen de la loi portant engagement national pour le logement – ou loi ENL –, texte dont j’étais rapporteur, m’ayant reproché de ne pas connaître le logement outre-mer, j’ai étudié avec attention le dossier. Je reconnais d’ailleurs tout à fait les spécificités du logement en outre-mer.
Si je comprends votre position, monsieur Virapoullé – vous devez bien évidemment ménager les élus des communes de votre territoire –, celle de Mme la ministre m’étonne. Vous semblez sur ce point, madame, quelque peu isolée au sein du Gouvernement…
Comme nous l’a indiqué notre collègue Georges Patient, c’est en outre-mer que le besoin de logements sociaux, autrement dit à loyer accessible, se fait le plus sentir, quelle que soit la forme que revêtent ces logements. Le manque de logements de ce type y est considérable : il faudrait en construire 45 000 par an, et non pas 6 000 seulement, comme actuellement.
Dans ces conditions, comment un ministre de la République peut-il s’en remettre à la sagesse du Sénat sur un amendement tel que celui dont nous parlons, alors qu’il faut stimuler toutes les collectivités et les inciter à construire du logement social ? (M. Guy Fischer applaudit.) J’en reste pantois !
Sachez, mon cher collègue, que la construction de logements, bien moins onéreuse en outre-mer, y est beaucoup plus facile. Ainsi, demain, comme l’a rappelé notre collègue Georges Patient, l’État cédera des terrains à titre gratuit. Cet après-midi, en ma qualité de membre du comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable en Île-de-France, j’évoquais cette question avec M. Lacharme et M. Bouchet du Haut Comité au logement pour le logement des personnes défavorisées. Vous avez dit, monsieur Virapoullé, que la situation en outre-mer était comparable à celle de l’Île-de-France ; il convient de mettre en œuvre un plan Marshall en outre-mer, et vous avez la possibilité de le faire.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Dominique Braye. Il n’y a pas de pénalités pour les communes en question, mes chers collègues et le produit des pénalités qui ont été retenues, à ma demande, dans la loi ENL, doit être affecté à la construction du logement social.
Si vous deviez formuler une quelconque proposition, vis-à-vis de l’outre-mer, monsieur Virapoullé, ce serait plutôt d’augmenter le pourcentage actuel de 20 %. Que vous protégiez les élus de votre territoire, c’est un peu normal, et je vous le pardonne. En tout état de cause, notre préoccupation de ce jour concerne le logement. Il est souhaitable que nous construisions le plus possible en outre-mer. Adresser un mauvais signal aux collectivités serait catastrophique.
M. Guy Fischer. Il faut construire le plus possible et assurer des loyers accessibles !
M. Dominique Braye. Je vous rappelle, mes chers collègues, que, alors que j’étais rapporteur du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, j’ai obtenu la suppression de l’article 17 relatif à l’accession sociale à la propriété, en dépit de la volonté de Christine Boutin, ministre chargé du dossier à l’époque. Je l’avais fait battre ; cela avait fait la une de la presse d’ailleurs.
N’oubliez pas que l’article 55 de la loi SRU, imposant aux communes 20 % de logements sociaux, a été quasiment sacralisé. Dans un territoire comme le vôtre, mon cher collègue, il faut permettre aux 83 % de la population qui, compte tenu de leurs revenus, ont accès au logement social, de pouvoir y accéder.
Ceux qui peuvent revendiquer l’accession sociale à la propriété n’ont pas les mêmes revenus que les autres. Certes, comme en métropole, l’accession sociale à la propriété doit être stimulée. Mais pensons aux plus modestes !
Je vous signale de surcroît que, si la future loi fonctionne, un certain nombre de logements insalubres et informels seront détruits. Par conséquent, il faudra bien reloger leurs occupants actuels dans des logements qui devront être construits, donc dans des logements sociaux… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, je ne comprends pas cette polémique. Pour ma part, j’ai la conscience tranquille…
M. Jean-Paul Virapoullé. … et je n’ai de leçons à recevoir de personne, mes chers collègues, de quelque travée que ce soit.
Dans ce même hémicycle, avec l’accord du Gouvernement, j’ai fait adopter un amendement, qui porte mon nom d’ailleurs, et qui tendait à orienter la défiscalisation vers le logement social. Cette mesure sera le principal levier pour la construction de logements sociaux dans les départements d'outre-mer, complété par la ligne budgétaire unique.
M. Dominique Braye. Hélas !
M. Jean-Paul Virapoullé. Mais non, mon cher collègue ! Et ne vous érigez pas en expert dans les domaines que vous ne maîtrisez pas ! L’opposition que vous faîtes, tant M. Repentin que vous-même, entre le logement évolutif social et le logement locatif social est un non-sens.
La population qui habite dans des logements évolutifs sociaux à la Réunion – toutes les communes de l’île, sans exception, en disposent, y compris les communes de gauche, parce que ce type de logement a constitué le mode privilégié permettant aux personnes concernées de s’élever socialement –, est composée, pour moitié, de RMIstes, qui vivent avec 700 euros par mois. Cette population va se demander pour qui on la prend ce soir, elle qui connaît tant de difficultés, mais à laquelle la puissance publique a permis d’accéder à la propriété dans des conditions viables par rapport à ses faibles revenus.
Pour ma part, j’ai été maire pendant trente-sept ans et je n’ai jamais payé de pénalités. Dans ma commune, les logements locatifs sociaux dépassaient largement les 30 %, mais, dans le même temps, les logements évolutifs sociaux atteignaient entre 15 % et 20 %. Les deux types de logement coexistaient, sans qu’il y ait d’opposition entre eux.
M. Dominique Braye. Il faudrait que tout le monde fasse la même chose !
M. Jean-Paul Virapoullé. Mon cher collègue, je voudrais que vous compreniez qu’il n’y a pas d’opposition entre les deux formules.
Par ailleurs, il convient de rétablir une vérité. La plupart des communes des départements d’outre-mer ne disposent pas gratuitement de terrains de l’État. En réalité, le nombre de communes concernées ne se compte même pas sur les doigts d’une main !
Le présent débat aurait dû être abordé sereinement. Loin de moi l’idée de faire plaisir aux maires les moins vertueux. Je constate seulement que la loi, qui respecte la Constitution, texte suprême, a longtemps incité les communes à construire des logements évolutifs sociaux en accession à la propriété, puis, en raison de la raréfaction du foncier, a privilégié les logements locatifs sociaux. L’article 73 de la Constitution dispose que la loi peut être adaptée aux réalités de l’outre-mer. Ce soir, mes chers collègues, je vous demande donc de regarder la réalité sociale outre-mer, sans commettre d’injustice par rapport à la loi SRU.
Selon certains, j’encouragerais les mauvais maires et je voudrais sanctionner les populations les plus pauvres. Mais vous avez tout faux ! Cessez de porter des œillères, cessez de polémiquer ! De grâce, rendez-vous dans ces lotissements au Port, à La Rivière des Galets, à La Possession, à Saint-André, discutez avec les habitants, demandez-leur le montant de leurs revenus, leur origine sociale. Vous constaterez que ce sont les plus pauvres qui demeurent dans ces lotissements !
C'est pourquoi, très sereinement, je souscris à la position de Mme la ministre, qui connaît cette réalité de par ses fonctions et qui estime qu’il n’est pas incohérent de tenir compte, au nom de l’article 73 de la Constitution, d’une réalité humaine, sociale, économique. Il n’y a pas outre-mer d’opposition entre le logement évolutif social destiné aux très pauvres et le logement locatif social. En métropole, le logement évolutif social est aidé par toute sorte de dispositifs hors du processus commun. Outre-mer, il fait partie du processus de base. Nous avons deux leviers : l’accession à la propriété et le locatif social.
Je m’en remets au vote de la Haute Assemblée. Mais sachez, mon cher collègue, que tous ceux qui auront observé, ce soir, que vous avez tourné le dos à une réalité se demanderont comment vous pouvez penser résoudre les problèmes de logement outre-mer en niant les réalités du terrain…
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Marsin et Collin, est ainsi libellé :
Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin du quatrième alinéa de l'article 74 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il comporte en outre un volet spécifique sur la mise en œuvre de la loi n° … du … portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer. »
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, cet amendement a été excellemment défendu par Thierry Repentin. Je propose tout simplement au Sénat de l’adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 16.
Article 17
(Suppression maintenue)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. J’ai eu la chance de faire partie de la délégation de la commission des affaires sociales qui s’est récemment rendue en Martinique et en Guyane pour y étudier les questions particulières qui peuvent s’y poser en termes de logement et de santé.
Sans ce déplacement, je n’aurais sans doute pas abordé de la même manière les rapports de Georges Patient et de Serge Larcher, que je remercie d’ailleurs de leur accueil, de leur disponibilité, des explications tout à fait passionnantes qu’ils nous ont données au cours des visites que nous avons effectuées. Surtout, sans ce déplacement, mon vote n’aurait pas été fondé sur la même intime conviction.
Je crois tout d’abord que la Guyane – et c’est sûrement aussi le cas de Mayotte – doit faire l’objet d’un traitement spécifique, eu égard à la pression démographique et à l’immigration. Nous y avons vu des bidonvilles !
En effet, comment ne pas avoir en tête le fameux tonneau des Danaïdes quand on pense à ce département bordé d’un côté par le Brésil et de l’autre par le Surinam, dont des centaines de kilomètres de frontières sont impossibles à contrôler ?
En revanche, la présente proposition de loi paraît convenir très bien à ce que nous avons vu en Martinique. Là, dans le département et la ville d’Aimé Césaire, nous avons malheureusement constaté l’inertie historique des pouvoirs publics : certes, la départementalisation a été adoptée, mais la France n’a pas mis en place les politiques à la mesure de la tâche.
Au moment où nous construisions en banlieue ces villes nouvelles et ces logements dotés, à l’époque, du confort moderne, qui sont malheureusement devenus peu à peu des cités ghettos, l’exode rural a été plus massif encore à l’échelle des Antilles.
Chassées des campagnes par la chute brutale de la production de la canne à sucre, des milliers de personnes ont été contraintes de se loger comme elles le pouvaient, occupant des terrains sans autorisation. Ces familles se sont installées dans des lieux disponibles en raison de leur insalubrité ou de leur caractère inconstructible, comme à Volga-Plage, conquis sur la mangrove en bord de mer, ou à Trénelle.
Peu à peu, ces immigrés de l’intérieur ont fait venir leur famille, ont consolidé leur première case avec quelques parpaings. Aujourd’hui, ces quartiers, qui rassemblent plusieurs milliers d’habitants, sont composés de maisons, pas totalement insalubres, mais mal raccordées aux différents réseaux.
Mes chers collègues, compte tenu de l’heure, je suis obligé de conclure. Compte tenu de tout ce qui précède, je vous engage fortement à voter la présente proposition de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
Mme Muguette Dini. J’avais préparé une longue intervention, mais, à cette heure tardive, je me limiterai à dire que, dans la mesure où j’ai conduit la mission dont a parlé Mme Le Texier, pour les mêmes raisons qu’elle, je voterai la présente proposition de loi. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.)
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 5 mai 2011 :
De neuf heures à onze heures :
1. Proposition de résolution relative à la tenue des sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution (n° 358, 2010 2011).
De onze heures à treize heures :
2. Proposition de résolution relative à la politique énergétique de la France, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution (n° 397, 2010 2011).
De quinze heures à dix-neuf heures :
3. Proposition de loi visant à moderniser le droit de la chasse (n° 355, 2009-2010).
Rapport de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission de l’économie (n° 443, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 444, 2010-2011).
À dix-neuf heures et le soir :
4. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au prix du livre numérique.
Rapport de Mme Colette Mélot, rapporteur pour le Sénat (n° 484, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 485, 2010-2011).
5. Proposition de loi relative à la régulation du système de distribution de la presse (n° 378, 2010-2011).
Rapport de M. David Assouline, fait au nom de la commission de l’économie (n° 474, 2010 2011).
Texte de la commission (n° 475, 2010-2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART