M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement vise à donner à l’OFPRA une certaine souplesse dans l’examen des dossiers. Nous considérons en effet que l’OFPRA doit décider si l’instruction des dossiers doit se faire selon la voie prioritaire ou selon la voie normale. Une telle mesure constituerait un gage d’objectivité et permettrait d’éviter que les préfets, soumis à l’autorité du ministère de l’intérieur, ne puissent décider souverainement de cette question.
Mme la présidente. L'amendement n° 129, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le quatrième alinéa de l’article L. 723-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est supprimé.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 135, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - L’article L. 742-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En conséquence, aucune mesure d’éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de la Cour nationale du droit d’asile si un recours a été formé auprès de celle-ci. »
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement vise à consacrer le caractère suspensif du recours formé devant la CNDA à l’encontre de toute mesure d’éloignement.
En effet, les demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire peuvent à tout moment être éloignés du territoire si leur demande a été rejetée par l’OFPRA.
Le juge a souvent tendance à s’en remettre à l’appréciation négative faite par l’OFPRA, si bien que les annulations par le juge administratif des mesures d’éloignement sur le fondement de ce recours sont très rares. Pour ces raisons, nous considérons que le droit à un recours effectif devant le juge, tel qu’il est garanti par l’article 13 de la Convention européenne des sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est dénié à l’étranger dont la demande d’asile est examinée selon la procédure prioritaire.
Il est par conséquent essentiel que tous les demandeurs d’asile puissent interjeter un recours suspensif devant la CNDA, car celle-ci, contrairement au juge administratif, est spécialisée pour traiter des questions d’asile. Je note d’ailleurs que la CNDA annule un très grand nombre de décisions de l’OFPRA.
Cela signifie donc que, en l’absence de ce recours, des personnes déboutées par l’OFPRA auraient pu être renvoyées dans leur pays d’origine alors que la CNDA a ensuite reconnu qu’ils y étaient en danger et qu’ils devaient donc rester sur le territoire français.
Nous n’avons pas le droit de prendre ce risque. Telle est la raison du dépôt de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 131, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Un rapport est remis au Parlement par le Gouvernement avant le 31 mai 2011 sur l’application en France du Règlement CE-343/2003 dit « Dublin II » et les coûts de sa mise en œuvre.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement concerne le règlement dit « Dublin II », récemment remis en question par un arrêt de la cour de Strasbourg.
Nous critiquons l’approche gestionnaire de la question de l’asile, qui ne prend pas suffisamment en compte l’aspect humain.
Aujourd’hui, nous proposons à nouveau cet amendement, car nous assistons à un véritable dialogue de sourds au niveau européen sur la question de l’immigration. Les gouvernements refusent en effet d’envisager une quelconque solidarité européenne.
Les événements du 12 avril dernier nous confortent dans cette position.
Au-delà du règlement Dublin II, tout le système de Schengen est aujourd’hui fragilisé et remis en cause. Personnellement, cela ne me chagrine pas beaucoup – je m’étais en effet opposé aux accords de Schengen, à l’époque –, mais la question mérite d’être mieux examinée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je tiens à indiquer aux membres de la Haute Assemblée que l’ensemble de ces amendements ont déjà été examinés en première lecture. Je redonnerai néanmoins le point de vue de la commission des lois sur chacun d’eux.
L’amendement n° 123 tend à supprimer la procédure prioritaire. Permettez-moi de rappeler que le délai moyen d’examen d’une demande en procédure normale est d’environ dix-neuf à vingt mois, en incluant le recours devant la CNDA. Il est donc indispensable de conserver le dispositif de la procédure prioritaire. La commission est par conséquent défavorable à cet amendement.
Pour les mêmes raisons, la commission est défavorable aux amendements nos 175 et 126.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 125. Il paraît en effet essentiel de conserver la possibilité d’examiner une demande d’asile selon la procédure prioritaire, afin d’empêcher que des demandes manifestement dilatoires – c’est bien là le risque que nous tâchons de combattre – ne fassent échec à l’exécution d’une procédure d’éloignement. Je rappelle toutefois que la procédure prioritaire ne fait pas obstacle à ce que l’OFPRA entende le demandeur et, le cas échéant, lui reconnaisse la qualité de réfugié.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 124, qui tend à supprimer les dispositions du code des étrangers relatives à la notion de pays d’origine sûr.
La notion de pays d’origine sûr est issue du droit communautaire. En effet, le protocole annexé au traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 prohibe en principe les demandes d’asile entre États membres de l’Union européenne. Selon la directive du 29 avril 2004, un pays est considéré comme sûr s’il veille au respect des principes de liberté, de démocratie et d’état de droit, ainsi qu’au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’article 23 de la directive du 1er décembre 2005 permet d’examiner les demandes présentées par les ressortissants de ces pays selon la procédure prioritaire.
Je ferai trois remarques.
Tout d’abord, cette notion de « pays sûr » n’induit qu’une présomption de sécurité et ne fait pas obstacle, évidemment, à une reconnaissance de la qualité de réfugié par l’OFPRA ou par la Cour nationale du droit d’asile.
Par ailleurs, la liste des pays sûrs est établie par le conseil d’administration de l’OFPRA sous le contrôle du juge administratif, qui examine attentivement si toutes les conditions sont réunies.
Enfin, en toute hypothèse, un demandeur d’asile ressortissant d’un pays d’origine sûr ne peut pas être éloigné avant que l’OFPRA ne se soit prononcé sur sa demande.
L’utilisation de cette notion est donc entourée de nombreuses garanties.
La commission des lois émet également un avis sur l’amendement n° 128, pour les raisons précédemment données, de même que sur les amendements nos 127 et 130.
La commission est aussi défavorable à l’amendement n° 133 qui, je le rappelle, a pour objet de permettre à l’OFPRA de décider qu’une demande d’asile examinée en procédure prioritaire le sera en procédure normale, ce qui permettrait de délivrer une autorisation provisoire de séjour au demandeur.
La décision d’admission au séjour des demandeurs d’asile relève non de l’OFPRA mais de l’autorité préfectorale. Celle-ci ne peut toutefois refuser l’admission au séjour du demandeur que dans quatre hypothèses limitativement énumérées, sous le contrôle du juge administratif saisi, le cas échéant, par la voie d’un référé-liberté. Un mécanisme de contrôle existe donc bien.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 129.
S’agissant de l’amendement n° 135, permettez-moi de formuler quelques observations déjà présentées en première lecture.
Cet amendement tend à instaurer un recours suspensif devant la CNDA contre les décisions de rejet de l’OFPRA.
En 2007, notre droit a été modifié afin d’introduire un recours suspensif contre le refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile, à la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Gebremedhin : désormais, un étranger qui sollicite l’asile à la frontière ne peut pas être refoulé avant que le juge administratif ne se soit prononcé sur le caractère manifestement infondé de sa demande.
Deuxièmement, l’absence de caractère suspensif du recours devant la CNDA, s’agissant des demandes formulées sur le territoire, a été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993.
Troisièmement, dans les faits, d’après les informations que nous avons recueillies au cours de nos auditions, les préfectures s’abstiennent déjà, la plupart du temps, d’éloigner un étranger dont le recours est pendant devant la CNDA. Les choses sont donc assez claires.
Voilà quelques jours, le Conseil constitutionnel a considéré qu’aucun changement de circonstance ne justifiait une modification de sa position adoptée en 1993.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 135.
S’agissant enfin de l’amendement n° 131, la commission y est extrêmement défavorable. Cet amendement prévoit en effet la remise au Parlement d’un rapport supplémentaire, et la jurisprudence de la commission des lois est constante en la matière.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. Comme la commission des lois, le Gouvernement est défavorable aux amendements qui ont été présentés. J’ajouterai simplement quelques éléments de réflexion à ce que vient de dire M. le rapporteur.
S’agissant de l’amendement n° 123, il n’est en aucune façon question de lutter contre la fraude. Il s’agit simplement d’appliquer un principe de responsabilité de chaque État membre, dans le cadre d’une coopération loyale entre les États européens. Cette coopération constitue la contrepartie de la libre-circulation entre ces mêmes États. Permettez-moi d’ajouter que, bien évidemment, dans chacun des États membres de l’Union européenne, les mêmes principes de l’asile politique s’appliquent. Les droits en vigueur dans les États de l’Union européenne sont à cet égard identiques.
Monsieur Sueur, s’agissant de l’amendement n° 125, vous considérez que les auteurs de demandes d’asile multiples formées sous des identités différentes, ainsi que les personnes se trouvant en France de manière irrégulière et durable qui présentent leur demande d’asile au moment de leur éloignement, doivent bénéficier d’un droit au séjour provisoire, au même titre que l’ensemble des demandeurs d’asile de bonne foi.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Il faut en effet traiter d’une manière particulière les cas des personnes manœuvrant pour prolonger de façon irrégulière leur séjour dans notre pays.
M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ai pas cité ces personnes-là ! Les situations dont j’ai parlé étaient différentes !
M. Claude Guéant, ministre. M. Sueur a fait remarquer, en présentant l'amendement n° 124, que la liste des pays sûrs était établie sous le contrôle du Conseil d’État. C’est une garantie qui mérite d’être soulignée. J’ajoute que ce dispositif préserve pleinement le droit à l’examen individuel de la demande par l’OFPRA, avec toutes les garanties qui en découlent ; il convient simplement d’aménager l’examen procédural des demandes.
Enfin, le préjugé défavorable dont, en défendant l'amendement n° 133, a fait montre M. Michel à l’égard du ministère de l’intérieur me peine quelque peu. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Je lui indique, de façon plus objective, que les préfectures font un usage opportun et équilibré de la procédure prioritaire. Ainsi, en 2010, ce sont moins de 25 % des demandes qui ont été traitées par ce biais.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 75.
(L'article 75 est adopté.)
Article 75 ter
L’article L. 733-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Afin d’assurer une bonne administration de la justice et de faciliter la possibilité ouverte aux intéressés de présenter leurs explications à la cour, le président de cette juridiction peut prévoir que la salle d’audience de la cour est reliée, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité de la transmission avec une salle d’audience spécialement aménagée à cet effet, ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la justice plus aisément accessibles par le demandeur, dans des conditions respectant les droits de l’intéressé prévus par le premier alinéa. Une copie de l’intégralité du dossier est mise à sa disposition. Si l’intéressé est assisté d’un conseil, ce dernier est physiquement présent auprès de lui. Ces opérations donnent lieu à l’établissement d’un procès-verbal dans chacune des salles d’audience ou à un enregistrement audiovisuel ou sonore. Le requérant qui refuse d'être entendu par un moyen de communication audiovisuelle est convoqué, à sa demande, dans les locaux de la cour.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du deuxième alinéa. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 136 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 176 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 202 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 136.
M. Jean-Pierre Michel. L'article 75 ter permet à la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, de recourir à la visioconférence pour entendre les demandeurs d’asile, que ceux-ci se trouvent dans les territoires ou départements d’outre-mer ou en France métropolitaine.
J’aurais été étonné que ce texte ne prévoie pas de visioconférence ! En effet, l’administration du ministère de la justice et celle du ministère de l’intérieur semblent avoir trouvé là la panacée en matière de procédures judiciaires pour remédier à l’absence de personnels, à l’impossibilité de tenir des audiences foraines, etc.
Le recours à ce procédé technique se développe. Il en a déjà été question lors de l’examen du projet de loi relatif à la garde à vue – l’application d’un tel dispositif posera d’ailleurs, à mon avis, de graves problèmes. Il en sera encore question lorsque nous débattrons de la réforme de l’hospitalisation d’office, puisqu’il est envisagé que des patients hospitalisés d’office soient obligatoirement traduits devant le juge par visioconférence. On se demande bien comment l’audience pourra se dérouler dans de telles conditions, ces personnes ayant déjà du mal à s’exprimer quand les entretiens ont lieu en face à face.
Le projet de loi que nous examinons prévoit à son tour que les demandeurs d’asile pourront être auditionnés par visioconférence. Tout cela est extravagant ! Une audience suppose un face à face physique entre la personne convoquée et celle qui décide, à savoir le magistrat. Cela me paraît un principe absolu du débat contradictoire.
Certes, le rapporteur a introduit un certain nombre de garanties, notamment l’exigence du consentement de l’intéressé. Mais ces précautions ne pèseront pas lourd et seront vite balayées : les demandeurs d’asile sont, de fait, en situation d’infériorité, et ils auront tendance à accepter ce qui leur sera proposé, par peur que leur refus ne compromette leur avenir.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression pure et simple de l'article 75 ter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 176.
Mme Éliane Assassi. La possibilité d’utiliser la visioconférence pour la tenue d’audience de la Cour nationale du droit d’asile est une entorse à l’égalité de traitement entre les étrangers demandeurs d’asile.
À l’origine, l’article ne prévoyait cette possibilité que pour les demandeurs d’asile se trouvant en outre-mer, mais il est désormais question d’étendre cette possibilité à tous les requérants : ceux de province qui n’ont pas les moyens de se rendre en région parisienne et ceux dont les frais de transport ne sont pas pris en charge.
Si un tel dispositif peut sembler se soucier de l’intérêt des demandeurs d’asile, puisqu’il permettrait à ces derniers de ne pas avoir à se déplacer à Montreuil-sous-Bois, siège de la CNDA, la visioconférence aura surtout pour conséquence la suppression des missions foraines de la CNDA, notamment de ses déplacements en outre-mer, suppression essentiellement motivée par la diminution des dépenses engagées.
Cette présence est pourtant nécessaire, car la visioconférence, même encadrée de toutes les garanties que l’on saurait imaginer, ne remplacera en aucun cas l’instruction d’une audience avec un véritable dialogue. Il s’agit d’un droit pour le requérant, d’une protection qu’il ne faut en aucun cas lui ôter.
C’est pourtant ce à quoi aboutira l’adoption de cet article pour les demandeurs d’asile outre-mer qui, cette possibilité existant, n’auront plus d’autre solution, sinon celle de se rendre dans les locaux de la CNDA, en région parisienne. Or, cela introduit une inégalité de droits.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 202 rectifié.
M. Jacques Mézard. Nous l’avons rappelé lors du vote de la LOPSSI 2, nous ne sommes pas très favorables au recours aux moyens de communication audiovisuelle dans le cadre des procédures juridictionnelles, surtout quand il s’agit de privation des libertés, en raison de l’atteinte qu’il porte de façon inhérente aux droits de la défense.
Moderniser le procès, pourquoi pas ? Nous y sommes tout à fait favorables, mais nous pensons que le moyen le plus efficace pour atteindre un tel objectif est d’apporter aux juridictions les moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.
Le développement du recours aux nouvelles techniques dans l’administration de la justice est inquiétant à partir du moment où l’on se refuse à tout recul objectif et à toute analyse rétrospective. Le contact entre celui qui doit décider, d’une part, et l’ensemble des parties, d’autre part, demeure primordial pour la compréhension et l’équité du procès ou de la décision à prendre. Il s’agit d’apprécier le comportement, les motivations de la personne vis-à-vis de laquelle sera prise une décision extrêmement importante, qui conditionnera son avenir, ce qu’un écran ne pourra jamais fidèlement représenter.
Or cet article touche une question essentielle au regard de l’impératif de protection de l’équilibre de la procédure.
De ce point de vue, l’état du droit est assez clair.
L’arrêt Marcello Viola c/Italie de la Cour européenne des droits de l’homme du 5 octobre 2006 a posé pour principe que, « si la participation de l’accusé aux débats par vidéoconférence n’est pas en soi contraire à la Convention, il appartient à la Cour de s’assurer que son application dans chaque cas d’espèce poursuit un but légitime ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le demandeur d’asile n’est pas un accusé !
M. Jacques Mézard. Monsieur le président de la commission, vous intervenez toujours avec beaucoup de pertinence, lorsque je prends la parole, pour me rappeler un certain nombre d’évidences ou de principes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J’y suis bien obligé ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Il est vrai qu’on ne peut pas tout à fait faire le parallèle avec un procès pénal. J’allais y venir !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J’ai l’esprit vif !
M. Jacques Mézard. Monsieur le président de la commission, je sais bien que les débats sont longs, mais il est normal que nous nous exprimions. Je suis toujours sensible à vos excellentes et pertinentes observations (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP), même si je ne les partage pas toujours, ce qui est aussi tout à fait normal. Et je n’ai pas toujours tort, tout comme l’opposition n’a pas toujours tort dans cet hémicycle !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La majorité a parfois raison ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Peut-être aurons-nous l’occasion de vous le rappeler dans quelques mois, si le rapport de force se renverse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Eh oui, on arrive !
M. Jacques Mézard. « En revanche » – j’essaie d’être objectif et je cite le rapport, une évolution ayant eu lieu à cet égard à la suite d’un débat approfondi entre l’Assemblée nationale et le Sénat –, « interdire à un requérant qui refuserait d’être entendu au moyen de la visioconférence de présenter ses observations directement […] risque d’introduire une inégalité de traitement entre les demandeurs d’asile ayant saisi la CNDA. » Nous sommes là face à une difficulté réelle, et nous savons que les modalités prévues à cet article pourront malheureusement faire surgir d’autres problèmes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
L’adoption de la mesure prévue à l'article 75 ter permettra à des demandeurs d’asile qui ont introduit un recours devant la Cour nationale du droit d’asile de s’exprimer et d’être interrogés, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui. En effet, dans les faits, la grande majorité d’entre eux ne viennent pas à l’audience. C’est donc plutôt un avantage que de leur offrir cette possibilité. Il ne faut pas perdre cela de vue.
Actuellement, les demandeurs d’asile ne se rendent pas aux audiences, pour mille et une raisons. Même leur conseil, pour ceux qui en ont un, ne se déplace pas. On a donc tout intérêt à leur permettre de participer au débat – dans ce que vous appelez communément « un procès », même si ce n’est pas le terme approprié d’un point de vue strictement juridique, puisqu’il ne s’agit pas d’une procédure pénale –, afin qu’ils soient entendus et fassent état de leurs observations.
J’attire votre attention sur le fait que la mise en place d’un tel dispositif est fortement attendue par la présidente de la CNDA. En effet, les avocats de province accompagnent rarement les personnes qu’ils assistent et ne se déplacent pas pour les représenter, principalement d’ailleurs pour des raisons pécuniaires. L’adoption de cette mesure permettra à la Cour d’entendre enfin les avocats et leurs clients.
Je précise que la commission a entouré cette possibilité d’un certain nombre de garanties, notamment en réintroduisant l’exigence du consentement de l’intéressé pour le recours à la visioconférence devant la CNDA. Ce n’est pas négligeable. Si le demandeur d’asile refuse cette possibilité, il sera convoqué régulièrement devant la CNDA. Il lui reviendra alors de se rendre ou non aux audiences ; cela relève de sa responsabilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements identiques.
La visioconférence permet d’aller dans le sens d’une bonne administration de la justice. Comme vient de le souligner excellemment M. le rapporteur, elle participe également d’un souci de proximité avec les justiciables, puisqu’elle facilite l’accès des requérants qui n’ont pas les moyens ou la possibilité de se rendre dans les locaux de la CNDA.
Par ailleurs – et ce point n’est pas négligeable –, la visioconférence permettra d’élargir le cercle des avocats disponibles, y compris au titre de l’aide juridictionnelle.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 136, 176 et 202 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 137, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise, Tuheiava, Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Troisième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Si l’intéressé est assisté d’un conseil et, le cas échéant, d’un interprète, ces derniers sont physiquement présents auprès de lui ou bien dans les locaux de la Cour nationale du droit d’asile selon le choix de l’intéressé.
2° Avant-dernière phrase
Remplacer les mots :
d’audience ou
par les mots :
d’audience et
La parole est à M. Richard Yung.