Article 38
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 40

Article 39

Après l'article L. 552–12 du même code, il est inséré un article L. 552–13 ainsi rédigé :

« Art. L. 552–13. – En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d’une demande d’annulation ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 100 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 165 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 100.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous êtes toutes et tous des juristes avisés. Pour défendre la suppression – ô combien justifiée ! – de cet article, il suffit de le lire : « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d’une demande d’annulation ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger. »

C’est extraordinaire ! (Mme Catherine Tasca opine.) Si une telle disposition était votée, on instaurerait dans notre législation ce que j’appellerais le droit à géométrie variable, la décision par essence aléatoire. Bien entendu, le juge a un pouvoir d’appréciation, mais l’existence d’un motif de nullité est irréfutable !

On nous affirme que certains motifs de nullité ne sont pas sérieux ou qu’il est préférable de ne pas examiner, que certaines formalités substantielles ne le seraient pas réellement. La question est de savoir si le motif porte atteinte aux droits de l’étranger ; mais à quoi cela correspond-il ?

À mon sens, si la procédure est nulle, le fait même de pouvoir décider de ne pas relever la nullité au motif que l’irrégularité à l’origine de celle-ci ne porterait pas atteinte aux droits de l’étranger est insoutenable sur le plan juridique ; tout le monde le comprend. Dans ces conditions, une nullité est une nullité, et on ne peut distinguer les nullités qui seraient avantageuses pour les étrangers de celles qu’il faudrait méconnaître.

Monsieur le ministre, on parle parfois en mathématiques des formes souples ; nous considérons que cette conception relève d’une sorte de droit mou, bizarre, à géométrie extrêmement variable. Ce n’est tout simplement pas conforme au droit, et en tous les cas irrespectueux des droits des étrangers.

J’espère de tout cœur que vous n’allez pas persister dans votre volonté de voir adopté un tel article. C’est pourquoi, vous l’avez compris, nous plaidons pour sa suppression.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 165.

Mme Éliane Assassi. La disposition prévue à l’article 39, qui, comme le précise le rapport écrit, est identique à celle que l’article 10 du projet de loi tend à introduire relativement aux zones d’attente, limite le pouvoir d’appréciation du juge judiciaire.

Désormais, une irrégularité n’entraînera la mainlevée de la mesure de maintien en rétention que si elle présente un caractère substantiel et a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger.

Selon nous, une telle mesure, réalisée au détriment des droits des étrangers, vise à passer sous silence des irrégularités de procédure, ce qui ne peut se justifier.

C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous demandons purement et simplement la suppression de l’article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Imaginons qu’un étranger rencontre un interprète, lui explique sa situation ; l’interprète émarge la feuille justifiant son intervention. On oublie cependant de préciser le nom de l’interprète qui est intervenu, ce qui constitue une irrégularité formelle. Une telle erreur doit-elle entraîner la nullité totale de la procédure, alors que l’on sait pertinemment que l’interprète a été vu et qu’il a signé le document ? Telle est la nature des irrégularités visées.

Pour se prémunir contre ces nullités non substantielles, la commission des lois a modifié l’article 39 et repris quasiment in extenso les dispositions de l’article 802 du code de procédure pénale, dont l’application est parfaitement connue dans ces circonstances et qui a fait l’objet, de la part la Cour de cassation, d’une abondante jurisprudence qui n’est pas sujette à interprétation, bien au contraire ! Nous avons donc toute garantie à cet égard.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.

En l’occurrence, il ne s’agit pas de formes souples ou de géométrie variable ; il s’agit simplement de droit. Les décisions de la Cour de cassation font autorité en la matière. Cet article est strictement conforme à la jurisprudence constante de la Haute juridiction.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Pour notre part, nous pensons que les dispositions de l’article 39 visent de manière implicite à empêcher les juges de se prononcer.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Mais non !

M. Richard Yung. En effet, les éléments sur lesquels ces derniers pourraient se prononcer sont placés hors de leur portée, alors même que cette décision est bien de leur ressort. En outre, cet article vise tous les juges, y compris la Cour de cassation, juge suprême de l’ordre judiciaire ; vous bâillonnez la Cour de cassation ! Voilà qui est tout de même extraordinaire !

Vous aurez à vous justifier auprès du Conseil constitutionnel, qui sera sans doute très intéressé par les explications que vous pourrez lui donner.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien ! Nous le saisirons !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Afin d’éclairer tout à fait la Haute Assemblée, je souhaite donner lecture de l’article 802 du code de procédure pénale : « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d’une demande d’annulation ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne. »

M. André Reichardt. Silence radio ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 100 et 165.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 217, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

ne peut prononcer la nullité 

par les mots :

ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 217.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 39, modifié.

(L'article 39 est adopté.)

Article 39
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Article 41

Article 40

À l’article L. 552-3 du même code, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « quatre jours ». –  (Adopté.)

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Article 40
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Article 43

Article 41

L’article L. 552–7 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 552–7. – Quand un délai de vingt jours s’est écoulé depuis l’expiration du délai de quatre jours mentionné à l’article L. 552–1 et en cas d’urgence absolue ou de menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, ou lorsque l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement, le juge des libertés et de la détention est à nouveau saisi.

« Le juge peut également être saisi lorsque, malgré les diligences de l’administration, la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou de l’absence de moyens de transport, et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que l’une ou l’autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai. Il peut également être saisi aux mêmes fins lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement, malgré les diligences de l’administration, pour pouvoir procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement dans le délai de vingt jours mentionné au premier alinéa.

« Le juge statue par ordonnance dans les conditions prévues aux articles L. 552–1 et L. 552–2. S’il ordonne la prolongation de la rétention, l’ordonnance de prolongation court à compter de l’expiration du délai de vingt jours mentionné au premier alinéa du présent article et pour une nouvelle période d’une durée maximale de vingt jours.

« Par dérogation aux dispositions de l’alinéa précédent, si l’étranger a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou si une mesure d’expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées, le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris peut, dès lors qu’il existe une perspective raisonnable d’exécution de la mesure d’éloignement et qu’aucune décision d’assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de cet étranger, ordonner la prolongation de la rétention pour une durée d’un mois qui peut être renouvelée. La durée maximale de la rétention ne doit pas excéder six mois. Toutefois, lorsque, malgré les diligences de l’administration, l’éloignement ne peut être exécuté en raison soit du manque de coopération de l’étranger, soit des retards subis pour obtenir du consulat dont il relève les documents de voyage nécessaires, la durée maximale de la rétention est prolongée de douze mois supplémentaires.

« L’article L. 552–6 est applicable. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 102 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 167 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 199 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 102.

M. David Assouline. L’article 41 allonge à quarante-cinq jours la durée maximale de rétention administrative, au lieu de trente-deux jours aujourd’hui, et met en place un régime dérogatoire de rétention administrative pouvant atteindre jusqu’à dix-huit mois pour les étrangers sous mesure d’interdiction pénale du territoire national ou d’expulsion en raison d’activités terroristes. Nous parlerons plus précisément de ce régime dérogatoire lors de l’examen du prochain amendement.

L’allongement à quarante-cinq jours serait justifié, selon le Gouvernement, par la nécessité de transposer la directive Retour, par la nécessité d’augmenter l’ « efficacité » de la procédure d’éloignement et par celle de disposer de plus de temps pour obtenir un plus grand nombre de laissez-passer consulaires, documents indispensables afin de pouvoir expulser un étranger retenu.

Aucun de ces arguments ne résiste à l’analyse.

D’abord, cette mesure n’est dictée par aucun impératif de transposition d’une quelconque directive européenne ; elle est même en contradiction avec les engagements pris par le Gouvernement français au moment de l’adoption de la directive Retour.

Mes chers collègues, souvenez-vous : la directive Retour contenait alors des fourchettes tellement larges pour la durée de rétention qu’un certain nombre d’associations s’étaient en effet élevées contre la directive Retour, arguant que celle-ci permettait des durées de rétention de plusieurs mois. Le Gouvernement s’était engagé à ne pas augmenter la durée alors en vigueur en France.

Ensuite, le taux d’obtention de laissez-passer après les trente-deux jours actuels de rétention n’ayant été, en 2008, que de 2,28 %, et la grande majorité des reconduites étant réalisée durant les dix premiers jours de rétention, la quasi-totalité avant le dix-septième jour, cette mesure ne conduira qu’à une augmentation « à la marge » du nombre de mesures d’éloignement.

Une telle mesure ne se justifie donc pas au regard des objectifs que cherche à atteindre le Gouvernement.

En revanche, le recours accru à la rétention administrative et l’allongement de sa durée auront malheureusement une incidence certaine et considérable sur les souffrances infligées aux étrangers.

Pour ceux qui ont visité ces centres de rétention ou qui le font régulièrement – c’est le cas de certains d’entre nous dans cet hémicycle (L’orateur se tourne vers ses collègues du groupe socialiste.) –, ce qui frappe le plus c’est que ces mesures de rétention administrative qui, par définition, ne s’appliquent pas à des délinquants, à des personnes jugées pour avoir commis un acte répréhensible juridiquement, concernent des êtres humains en souffrance et accablées psychologiquement ; et je ne parle même pas des enfants.

Or nous savons – et le personnel présent dans les centres ne cesse de nous le répéter – que plus le temps passe plus les souffrances et le désespoir grandissent, entraînant une multiplication des tentatives de suicide. Il est impensable que nous ayons sans cesse allongé le nombre de jours de rétention depuis les années quatre-vingt et que, aujourd’hui, nous passions de trente-deux à quarante-cinq jours. Une telle mesure est incompréhensible, et les centres ne sont pas prêts à y faire face.

Je développerai un exemple tiré de ma propre expérience de visite de ces centres lors de mon explication de vote.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 167.

Mme Marie-Agnès Labarre. L’article 41 porte à quarante-cinq jours, au lieu de trente-deux jours actuellement, la durée maximale de rétention administrative des étrangers et met également en place un régime dérogatoire pour les étrangers qui font l’objet d’une interdiction pénale ou d’une expulsion pour terrorisme pour lesquels la durée de la rétention peut aller jusqu’à un an.

Cette disposition est abusive car la rétention administrative doit, par définition, être la plus courte possible : sa seule fin étant l’attente de l’éloignement de l’étranger, elle ne peut se muer en une mesure punitive devant déboucher sur une privation de liberté. C’est pourtant ce qu’instaure cet article, et nous nous inquiétons de la banalisation de la privation de liberté des étrangers.

De plus, l’argument de la transposition de la directive Retour invoqué par le Gouvernement est peu crédible. En effet, la directive dispose que la rétention doit être le dernier recours possible en vue de garantir l’éloignement, et si elle fixe un seuil maximal pour la durée de rétention, elle n’impose aucunement aux États membres d’augmenter cette durée !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° 199 rectifié.

Mme Anne-Marie Escoffier. L’article 41 porte de quinze à vingt jours la durée de la première prolongation de la rétention, et à vingt jours la durée maximale de la seconde prolongation, soit un allongement de la durée totale de rétention de trente-deux à quarante-cinq jours. Il conduit, une nouvelle fois, à une banalisation de la privation de liberté en instituant la rétention en « mode de gestion » de la politique d’immigration, pour reprendre les termes de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Encore une fois, la directive Retour vise au contraire à faire de la privation de liberté l’ultime recours, au bénéfice de mesures alternatives à l’enfermement. Par conséquent, devrait, en toute logique, s’appliquer la clause du droit national plus favorable. Or les mesures alternatives sont marginalisées, au profit de la généralisation de la mesure la plus sévère.

Rappelons que l’objectif annoncé est de permettre de faciliter l’éloignement dans les cas où l’obtention de laissez-passer aurait échoué. Mais, de fait, en allongeant la durée maximale de rétention, la durée moyenne de rétention, pourtant de dix jours, devrait augmenter. Pourquoi alors allonger dans de telles proportions la durée maximale, si la durée moyenne est aussi faible ? Dans ces conditions, à quoi sert une telle mesure puisque, selon la CIMADE, en 2009, seules 3 000 personnes ont fait l’objet d’une rétention au-delà du vingt-huitième jour ? Quel en est la véritable finalité ?

Nous sommes, me semble-t-il, en décalage total avec ce que devrait être une gestion maîtrisée de la politique migratoire. En 2007, dans son rapport public, la Cour des comptes relevait : « La relance de la politique d’éloignement du territoire des étrangers en situation irrégulière, partie intégrante d’une politique globale d’immigration a été engagée avant même que l’adaptation nécessaire des capacités des centres de rétention ne soit assurée. [...] Le doublement du nombre de reconduites à la frontière a été obtenu au prix d’un accroissement important des moyens mobilisés pour le fonctionnement des centres, mais aussi dans les préfectures et dans les services de police et de gendarmerie, sans que l’ensemble des dysfonctionnements existant en amont de la rétention ait été corrigé. Il conviendrait d’avoir une mesure plus précise de l’efficacité de l’action publique à chaque stade de la procédure. »

S’ajoute à cela un surcoût budgétaire peu opportun, vous en conviendrez, dans la période actuelle. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que l’article 41 soit supprimé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les propos qui ont été tenus sont assez justes. La directive Retour n’impose aucun délai en la matière. Le délai de rétention maximal, actuellement de trente-deux jours, passera à quarante-cinq jours.

Au-delà de l’aspect théorique, il faut regarder factuellement comment les choses se passent.

La durée de rétention moyenne est de l’ordre de onze à douze jours. Depuis longtemps, nous sommes confrontés à des difficultés au cours des derniers jours de rétention, notamment faute de laissez-passer consulaires. Le passage de trente-deux à quarante-cinq jours vise à aider le Gouvernement à obtenir de tels laissez-passer. Ainsi, dorénavant, les personnes qui doivent manifestement être éloignées et qui ne peuvent pas l’être en raison de la carence d’un tel document ne seront pas remises en liberté.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.

Il est tout à fait clair que l’allongement du délai ne se justifie que s’il est utile. L’autorisation de maintien en rétention, je le rappelle, est délivrée par le juge des libertés et de la détention au vu des justificatifs que lui fournit l’administration sur la crédibilité du délai nécessaire jusqu’au retour.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Mes chers collègues, je souhaite vous faire part du coût de cette mesure pour la collectivité. Chacun appréciera…

Il nous est, une fois encore, confirmé que le délai moyen de rétention est de dix à douze jours. Ce dispositif marginal coûtera 533 millions d’euros, hors coût d’intervention des préfectures et des juridictions. Cette somme est importante, alors que nous avons tant besoin de moyens pour permettre à nos concitoyens de vivre mieux.

Les débats sur la durée de rétention ont une histoire. Chaque fois que ce délai a été prolongé, l’argument fut le même : dans certains cas, un délai supplémentaire est nécessaire afin de pouvoir obtenir les papiers permettant l’expulsion des personnes concernées. Le délai est passé de douze à vingt jours, etc.

Aujourd’hui, vous voulez le faire passer de trente-deux à quarante-cinq jours. Et pourquoi pas demain à cinquante ou soixante jours ? Dans certaines situations, ce laps de temps sera nécessaire. Continuez !

En attendant, c’est l’esprit même, si je puis dire, du centre de rétention et de la rétention administrative qui est en jeu. Vous banalisez la situation ! Passer dix, vingt, trente-deux jours dans un centre de rétention, ce n’est pas la même chose que d’y rester quarante-cinq jours. D’ailleurs, les centres de cette nature ne sont même pas adaptés à leur destination. Allez à Vincennes, au Mesnil-Amelot : il est impossible d’y demeurer quarante-cinq jours sans être réellement affecté par les conditions de vie ! De nombreux droits accordés, y compris aux personnes emprisonnées, ne le sont pas aux personnes placées en rétention.

Vous continuez sur une pente qui met la préservation d’un minimum de dignité, de droits humains au second plan par rapport à des objectifs chiffrés. Trois mille personnes seraient maintenues en rétention au-delà de vingt-huit jours. Certes, cette donnée témoigne d’une certaine efficacité eu égard aux chiffres que vous vous êtes fixés. Mais les chiffres ne sont pas tout, et nous voulons défendre certaines valeurs dans cet hémicycle.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 102, 167 et 199 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 104, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. L’alinéa 5 de l’article 41 est le fruit du vote d’un amendement du Gouvernement adopté en première lecture par le Sénat.

Il s’agit de mettre en place un régime dérogatoire de rétention administrative au-delà de la période maximale de quarante-cinq jours inscrite dans le projet de loi pour les étrangers condamnés à une peine d’interdiction du territoire français pour des actes de terrorisme ou qui font l’objet d’une mesure d’expulsion pour « un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées ».

En première lecture, nous avions déjà demandé la suppression de cette disposition. Nous réitérons aujourd'hui notre demande, d’autant que, lors des débats, la réponse du ministre avait été laconique.

Si cette mesure était définitivement adoptée, elle permettrait de maintenir en rétention administrative, et ce jusqu’à dix-huit mois, des personnes étrangères qui, même si elles ont entièrement purgé leur peine, sont frappées d’une peine supplémentaire, c’est-à-dire d’une interdiction du territoire français ou d’un arrêté d’expulsion. Le juge des libertés et de la détention se prononcerait une première fois pour prolonger la rétention d’un mois, puis plusieurs fois jusqu’à six mois. Si, dans ce laps de temps, les autorités n’ont pas été en mesure d’expulser la personne, soit en raison de « l’obstruction volontaire » imputable à l’étranger, soit du fait de retards dans l’obtention des documents de voyage nécessaires, le juge pourra alors décider de prolonger la rétention de douze mois supplémentaires.

Nous sommes totalement opposés à une telle mesure.

Tout d’abord, cette nouvelle rétention administrative servirait dans les cas où il y aurait toutes raisons de croire que l’assignation à résidence ne permettrait pas un « contrôle suffisant » de la personne. Le Gouvernement n’a pas démontré en quoi le système des assignations à résidence, bien qu’il soit loin d’être satisfaisant sur le plan des garanties procédurales, ne constituerait pas, dans ce cas d’espèce, une alternative valable. Pourquoi proposer une telle mesure, alors que le Gouvernement lui-même vient d’introduire dans la LOPPSI un dispositif répondant à la même finalité et permettant de soumettre au bracelet électronique certains étrangers condamnés pour terrorisme, mais non expulsables ?

Par ailleurs, le placement d’une telle personne dans un cadre de rétention des migrants, jusqu’à une durée de dix-huit mois, entrerait en infraction avec le droit à la liberté inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme.

Le Gouvernement affirme en effet que cette mesure est nécessaire non seulement lorsque la personne n’a pas de documents de voyage, mais aussi dans les cas où la Cour européenne des droits de l’homme a ordonné à la France de surseoir à une expulsion pendant qu’elle examine la requête d’un individu, ainsi que dans ceux où l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d’asile ont conclu que l’intéressé risque d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements à son retour, tout en refusant à cette personne le statut de réfugié.

Mais alors, dans cette hypothèse, l’enfermement de cette personne jusqu’à dix-huit mois serait contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Les personnes visées ont certes commis des faits graves, mais elles ont été punies et ont purgé leur peine.

Autre point préoccupant, porter plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme ou encore tenter de se protéger du retour en raison d’un risque de torture peut conduire à une privation de liberté de dix-huit mois. Cela va dissuader plus d’un étranger qui va y réfléchir à deux fois avant d’exercer ses droits.

De surcroît, il faut tout de même rappeler que la seule finalité de la rétention administrative est d’organiser le départ d’un étranger et qu’elle ne peut être ordonnée que le temps strictement nécessaire à la mise en œuvre de ce dernier.