M. Alain Milon, rapporteur. Ce n’est pas ce que j’ai dit.
M. Christian Cointat. Nous ne pouvons agir ainsi ! Je remercie donc Mme Alima Boumediene-Thiery – je ne suis pas toujours en accord avec elle, mais il nous arrive de partager des positions communes – ainsi que M. Cazeau d’avoir déposé ces amendements, dont les dispositions posent parfaitement le problème : nous ne pouvons pas laisser ces enfants sans le moindre état civil.
Voilà pourquoi je voterai ces amendements, dont j’espère que les dispositions nous feront réfléchir. En effet, nous devons penser à l’avenir : les cas de ce genre se multiplieront, et on dira alors que nous aurions dû agir plus tôt. Mes chers collègues, c’est ce soir que nous pouvons le faire. Votez ces amendements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.
M. François-Noël Buffet. Comme cela a été dit, voter ces amendements revient à reconnaître le principe de la maternité de substitution et nous met en difficulté par rapport au vote qui vient de s’exercer voilà quelques minutes.
Je reviens à l’arrêt, dont on parle beaucoup, qui a été rendu hier par la Cour de cassation et auquel notre collègue a fait référence concernant l’intervention du procureur de la République.
Permettez-moi de vous donner lecture de la décision telle qu’elle vient d’être prise par la Cour de cassation.
Elle rappelle, d’une part, que « en l’état du droit positif français, il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil ».
Elle indique, d’autre part, que le refus de transcription « ne prive pas les enfants de la filiation maternelle et paternelle que le droit californien leur reconnaît ni ne les empêche de vivre avec [eux] en France ». Il « ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de ces enfants au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, non plus qu’à leur intérêt supérieur garanti par l’article 3.1 de la Convention internationale des droits de l’enfant ».
Ce que la Cour de cassation a jugé, et non pas requis, au travers de l’arrêt qu’elle a rendu hier me paraît extrêmement clair.
J’attire également votre attention sur les conditions de transcription proposées par l’amendement n° 134 et les conséquences qu’elles pourraient avoir. L’une d’elles, qui me paraît essentielle, est que la rédaction retenue par cet amendement ne permettrait plus d’intervenir en cas d’irrégularité, de falsification ou de mensonge dans l’acte étranger. Il n’y aurait donc plus de contrôle possible.
Au-delà, cette rédaction nous amènerait à viser tous les types de gestation pour autrui, ce qui est impossible.
Je voterai donc contre l’amendement n° 134.
L'amendement n° 29 a le même fondement, avec une vision encore plus large puisqu’il laisse imaginer, en l’espèce, le cas extrême d’un enfant qui aurait deux pères ou deux mères !
Je voterai donc également contre l'amendement n° 29.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. J’adhère mot pour mot aux propos tenus par M. Cointat. Mes arguments sont les mêmes que ceux qui ont été développés par M. le rapporteur, mais j’en tirerai une conclusion différente.
Si nous n’avons pas adopté la gestation pour autrui, il n’en demeure pas moins que nous nous devons de régler le problème des enfants étant déjà dans cette situation ou qui vont s’y trouver.
À cette fin, nous aurions bien fait de prendre nous-mêmes des dispositions pour encadrer la GPA – peut-être y viendrons-nous –, plutôt que de la laisser se faire n’importe comment. Quelles que soient les pratiques, plus ou moins correctes selon les pays, on sait à quelles difficultés et à quels drames s’exposent ceux qui, ayant peu de moyens, recherchent les solutions les moins chères pour avoir un enfant.
Ne pas avoir pris ces dispositions me paraît incohérent. Il est peut-être aussi incohérent de voter l’amendement de Mme Boumediene-Thiery, mais je le voterai.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous sommes là au cœur du problème que nous soulevions tout à l’heure.
J’entends dire dans cette enceinte que l’on ne veut pas légiférer et reconnaître dans notre pays les enfants nés de GPA à l’étranger et que l’on attend, en revanche, des autres pays qu’ils changent leur législation ! Je vous souhaite bon courage et beaucoup de plaisir, car, malheureusement, les choses ne changeront pas demain.
L’arrêt de la Cour de cassation, cité par M. Buffet, stipule, vous l’avez rappelé, que les enfants ne sont pas privés d’une filiation maternelle et paternelle que le droit étranger leur reconnaît ni empêchés de vivre avec les requérants. Cela signifie que leur filiation est reconnue par le droit étranger, en l’occurrence le droit californien, mais qu’ils ne sont pas ressortissants français de plein droit. De surcroît, lorsqu’il s’agit de pays qui, à la différence de la Californie ou des États-Unis, ne font pas référence au droit du sol, les enfants n’ont alors plus de filiation reconnue. Ils deviennent apatrides.
Cette situation ne peut perdurer. Il existe une grande ambigüité dans ce domaine : j’entends bien notre rapporteur, dont je sais l’humanisme, dire que l’on ne peut régler le problème de ces enfants, parce que l’on a refusé de légaliser la GPA en France. Mais ce n’est pas un argument à mes yeux.
Les époux Mennesson que vous évoquiez tout à l'heure se battent depuis dix ans simplement pour obtenir que leurs enfants soient inscrits à l’état civil français. Ce n’est tout de même pas la mer à boire, étant donné qu’ils vivent sur notre territoire !
Je ne dispose pas des moyens juridiques, mais je pense qu’il est anormal de camper sur la position qui est prise ce soir, et je rejoins sans réserve le point de vue de M. Cointat à cet égard.
Je le répète, il ne faut pas attendre que les pays étrangers modifient leur législation ou que la Cour de cassation revienne sur son avis, c’est à nous, législateurs, qu’il revient de faire changer les choses !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable, de même que le Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 185 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 154 |
Pour l’adoption | 134 |
Contre | 173 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 29.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Titre VII
RECHERCHE SUR L’EMBRYON ET LES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES
Article 23 A (nouveau)
L’article L. 2151-2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite. » – (Adopté.)
Article 23
L’article L. 2151-5 du même code est ainsi rédigé :
I. – Aucune recherche sur l’embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation. Un protocole de recherche conduit sur un embryon humain ou sur des cellules souches embryonnaires issues d’un embryon humain ne peut être autorisé que si :
– la pertinence scientifique de la recherche est établie,
– la recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs,
– il est impossible, en l’état des connaissances scientifiques, de mener une recherche similaire sans recourir à des cellules souches embryonnaires ou à des embryons,
– le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
II. – Une recherche ne peut être menée qu’à partir d’embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l’objet d’un projet parental. La recherche ne peut être effectuée qu’avec le consentement écrit préalable du couple dont les embryons sont issus, ou du membre survivant de ce couple, par ailleurs dûment informés des possibilités d’accueil des embryons par un autre couple ou d’arrêt de leur conservation. À l’exception des situations mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 2131-4 et au troisième alinéa de l’article L. 2141-3, le consentement doit être confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois. Le consentement des deux membres du couple ou du membre survivant du couple est révocable sans motif tant que des lignées de cellules n’ont pas été dérivées de l’embryon.
III. – Les protocoles de recherche sont autorisés par l’Agence de la biomédecine après vérification que les conditions posées au I du présent article sont satisfaites. La décision de l’agence, assortie de l’avis du conseil d’orientation, est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche qui peuvent, lorsque la décision autorise un protocole, interdire ou suspendre la réalisation de ce protocole si une ou plusieurs des conditions posées au I du présent article ne sont pas satisfaites.
En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l’autorisation, l’agence suspend l’autorisation de la recherche ou la retire. Les ministres chargés de la santé et de la recherche peuvent, en cas de refus d’un protocole de recherche par l’agence, demander à celle-ci, dans l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, de procéder dans un délai de trente jours à un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision.
IV. – Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation.
V. – Les études sur les embryons ne leur portant pas atteinte peuvent être conduites avant et après leur transfert à fin de gestation, si le couple y consent, dans les conditions fixées au III du présent article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. S’appuyant sur les préconisations des rapports du Conseil d’État, de l’Office parlementaire des droits scientifiques et technologiques et de l’Académie nationale de médecine, la commission des affaires sociales a fait le choix de substituer au régime d’interdiction actuelle, assorti de dérogations, un régime d’autorisation encadré. Je rappelle que, tout à l’heure, Mme la secrétaire d'État s’était appuyée sur les rapports de ces mêmes organismes pour justifier le refus de la GPA.
La commission a entendu l’argument selon lequel l’actuelle interdiction traduit le principe du « respect de l’être humain dès le commencement de sa vie », qui figure à l’article 16 du code civil.
Mais, loin d’être écarté, ce principe est parfaitement affirmé par l’encadrement spécifique des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires que nous proposons.
En effet, il est bien prévu que l’Agence de la biomédecine n’autorisera pas ces recherches, lorsque des recherches similaires à celles qui sont envisagées sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires pourront être menées différemment, par exemple sur des animaux ou sur des cellules humaines non embryonnaires. Nous consacrons ainsi le fait que les embryons, comme les cellules souches embryonnaires qui en sont issues, sont non pas de simples matériaux scientifiques ou thérapeutiques mais bien le fondement de la vie humaine.
Les scientifiques nous ont clairement exposé que, si des recherches sont menées sur l’embryon et les cellules souches, c’est parce qu’aucune autre solution n’existe à l’heure actuelle. La rédaction de l’article 23 est explicite : le jour où d’autres types de cellules souches permettront des recherches similaires, les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires cesseront.
C’est là une première réponse à l’accusation d’utilitarisme qui nous a parfois été adressée.
Un autre argument me vient à l’esprit. La recherche médicale a pour but de guérir, de trouver de nouvelles thérapies, de soulager ceux qui sont atteints de maladies souvent graves et incurables. Dans ce cadre, nombre de personnes acceptent de se prêter à des recherches, dans la majorité des cas sans même avoir l’espoir d’en tirer elles-mêmes un bénéfice direct, par nature aléatoire, mais dans le but de faire progresser les connaissances médicales et de permettre de soigner les autres. La recherche médicale sur des personnes repose sur l’altruisme.
Or, si l’on peut demander aux personnes vivantes de s’engager dans des protocoles de recherche, pour le bien de tous et non pour le leur, pourquoi s’interdire de demander à ceux qui ont la responsabilité des embryons de les faire participer à la recherche ? Bien sûr, ce consentement doit être éclairé, ce que notre texte prévoit non seulement par l’information des parents mais aussi par le droit qui leur est accordé de retirer leur consentement jusque tard dans l’avancement de la recherche.
J’entends bien l’argument selon lequel la recherche sur l’embryon est singulière en ce qu’elle implique la destruction de l’embryon. Mais il faut ajouter que cette destruction d’un nombre limité d’embryons a pour intention d’en soigner d’autres. D’ailleurs, lorsque l’on parle de recherche impliquant l’embryon, on se focalise trop souvent sur les thérapies utilisant les cellules souches embryonnaires. Or il existe aussi des recherches qui sont conduites au profit des embryons, dans le but de mieux comprendre l’embryogénèse, de soigner les maladies dès les premiers stades de la vie et d’améliorer les procédures d’assistance médicale à la procréation. Elles ne doivent pas être négligées.
Une autorisation encadrée me paraît donc aussi respectueuse de la spécificité de l’embryon que l’interdiction de principe avec dérogation. Elle a surtout pour mérite la clarté : clarté pour les scientifiques, clarté pour l’image internationale de la France. Je crois qu’il vaut mieux des choix assumés et encadrés que des positions ambiguës qui sont toujours moralement contestables.
Mme Alima Boumediene-Thiery et M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, sur l’article.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je rappellerai deux dates importantes qui permettent d’éclairer le débat.
D’une part, 2007 marque une révolution scientifique : la découverte par Yamanaka des cellules souches pluripotentes induites, les IPS. Je souligne à ce sujet les propos tenus par certains scientifiques, tels Pierre-Louis Fagniez ou Arnold Munnich. Lors de son audition par la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique à l'Assemblée nationale, ce dernier déclarait : « L’essor des connaissances retirées des recherches sur les IPS va nous affranchir de la nécessité de travailler sur des cellules souches embryonnaires. »
D’autre part, le 10 mars 2011 marque une révolution juridique. L’avocat général Yves Bot affirmait en effet : pas de brevetabilité quand un procédé implique la destruction d’un embryon ou de cellules souches embryonnaires.
Or, aujourd'hui, l’ensemble des recherches qui sont menées ne portent pas sur la thérapie cellulaire, mais visent à cribler des molécules et sont donc destinées à l’industrie pharmaceutique.
En conséquence, je propose que nous prenions véritablement acte de ces deux dimensions, scientifique et juridique, par l’adoption d’un amendement qui vise à préciser que la recherche sur l’embryon humain est interdite si et seulement si elle porte atteinte à son intégrité et à sa viabilité. Elle est autorisée dans les autres cas.
Faire de la recherche sur l’embryon humain sans le détruire en encadre les possibilités sans les faire disparaître.
La recherche sur l’embryon humain peut se faire sur un embryon rejeté par le DPI comme ayant un avenir compromis. Ce cas de figure – la conservation d’embryons rejetés par le DPI – est exceptionnel, mais c’est justement là qu’une étude de ces embryons, sans les détruire, serait intéressante, par exemple pour voir s’ils autocorrigent leur défaut ou pour étudier leur métabolisme, leur niveau d’activation de gènes, durant tout le temps permis par leur séjour en culture jusqu’à leur mort naturelle.
Cette recherche peut également se faire sur des embryons in vitro durant les heures précédant leur implantation, grâce à des analyses ultrafines électriques ou à des analyses portant sur l’ADN et les transformations épigénétiques. Il faut bien sûr l’accord des parents, mais de telles microanalyses sont possibles aujourd’hui.
Enfin, cette recherche pourrait se faire sur les embryons congelés orphelins abandonnés par leurs parents biologiques et destinés à la destruction par décongélation. On pourrait les étudier in vitro jusqu’à leur mort spontanée.
Dans de telles conditions, on ne porterait pas atteinte à l’intégrité de l’embryon ni à sa viabilité.
J’en viens à l’embryogénèse. Je sais que les connaissances sur le développement embryonnaire et fœtal humain au niveau anatomique et histologique sont importantes.
Les études sur les embryons humains sont inutiles, car on travaille sur des embryons d’animaux – souris ou grenouilles –, que l’on peut avoir en grand nombre, de façon calibrée et uniforme, et dont le développement rapide est un avantage.
Par conséquent, l’argumentation justifiant la recherche, avec destruction à la clef, sur l’embryon humain au nom de progrès possibles en embryologie ou dans les PMA, à partir d’un tel matériel, me semble erronée.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, en défendant un amendement, je vous proposerai non seulement de faire coïncider le droit avec l’état actuel de la science, mais aussi d’encourager la recherche tout en restant cohérents avec le principe structurant de notre droit, le respect de la dignité humaine.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
M. Bruno Retailleau. Affirmer un principe d’interdiction, quitte à concevoir des exceptions, et y renoncer au profit d’un principe d’autorisation généralisée, fût-il encadré, ce n’est pas la même chose ! Nous sommes en politique et, dans ce domaine, le symbole a de l’importance ; étymologiquement, c’est ce qui relie une réalité à une idée et confère du sens à cette dernière.
Je pense que, même dans le champ symbolique, cette signification est fondamentale dans notre ordre normatif.
Dans le même ordre d’idées, on ne peut qu’être frappé par la logique de chosification de l’embryon qui prévaut depuis des années. En 1994 est posé le principe d’interdiction stricte ; en 2004, il est remplacé par le principe d’interdiction avec dérogation pour des fins thérapeutiques avérées. Aujourd'hui, on veut consacrer le principe général de l’autorisation encadrée. L’embryon est de moins en moins sujet et de plus en plus objet.
Une telle évolution ne peut nous satisfaire, et ce d’autant moins que nous savons, après avoir écouté Marie-Thérèse Hermange, que je tiens à saluer pour le travail remarquable qu’elle a accompli durant ces années, qu’existe une montée en puissance de recherches alternatives plus respectueuses de l’embryon, notamment depuis 2007 avec les découvertes du professeur Yamanaka.
Telles sont les raisons pour lesquelles je soutiendrai les amendements de Marie-Thérèse Hermange, même si je ne pourrai malheureusement pas assister à la fin de nos débats demain.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.
M. Bernard Cazeau. La commission des affaires sociales du Sénat a procédé à une réécriture d’ensemble de cet article afin de substituer au régime d’interdiction actuel, assorti de dérogations, un régime d’autorisation encadrée. Il s’agit là d’une avancée notable, car cela va à l’encontre de l’hypocrisie actuelle. À ce titre, je salue le courage de M. Alain Milon. Nous soutiendrons sa position sur ce dossier.
En effet, il faut choisir !
Soit on rentre dans un débat théologique – j’espère que ce terme ne choque personne – en considérant qu’une cellule souche embryonnaire est un embryon. Mais c’est un faux postulat, puisque, dans la période embryonnaire, la cellule souche implantée dans un utérus forme une tumeur, pas autre chose. Dans ce cas, nous devons maintenir l’interdiction de la recherche sur l’embryon et les cellules souches, et il devient inutile de nous engager plus avant dans une révision des règles de bioéthique qui ne réglerait pas les problèmes existants mais les maintiendrait en l’état.
Soit on décide de revenir sur terre – avec les chercheurs (Sourires.) – en légalisant une fois pour toutes cette recherche, qui a un but curatif, vous l’avez vous-même reconnu, madame Hermange. Vous évoquez les cellules souches pluripotentes induites, mais vous savez très bien que nous n’y sommes pas encore, du moins dans la pratique. Autrement, ce serait plus simple : cela éteindrait toute polémique et nous n’aurions aucun mal à nous mettre d’accord.
Je ne comprends pas la pusillanimité du Gouvernement sur ce sujet, à moins qu’il ait changé d’avis depuis l’examen de ce texte à l'Assemblée nationale. Peut-être cherche-t-il seulement à satisfaire certaines franges de sa majorité que je pense être rétrogrades et qui jouent à nous faire peur en brandissant notamment l’épouvantail de l’eugénisme.
Notre position sur l’utilisation des cellules souches embryonnaires pour des motifs idéologiques a toujours été ferme ; l’interdiction et la forte pénalisation de l’eugénisme reçoivent notre assentiment sans réserve. En revanche, monsieur le ministre, nous ne pouvons faire nôtre votre prise de position sur la recherche des cellules souches embryonnaires pour des raisons thérapeutiques.
En ne levant pas l’interdit théorique concernant la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, vous empêchez les chercheurs d’aller plus loin dans la recherche fondamentale. Vous les empêchez d’explorer des potentialités thérapeutiques existantes.
Mme Marie-Thérèse Hermange. C’est faux !
M. Bernard Cazeau. Il n’y a qu’à les entendre, madame, pour mesurer les complications que tout cela entraîne dans leur travail ; je ne fais que répéter ce qu’ils m’ont dit, n’étant pas chercheur moi-même.
Certes, monsieur le ministre, vous tempérez votre décision en prévoyant une dérogation au principe que vous posez. Mais celle-ci est assortie de conditions telles qu’il apparaît en pratique fort probable que notre pays continue à accentuer son retard sur les autres en ce domaine.
Par ailleurs, un dispositif inchangé, que nul ne comprend en réalité, nuit gravement à l’image de notre recherche et la rend moins attractive. Il nous est aujourd’hui impossible de faire comprendre aux chercheurs que la législation française continuera à autoriser la recherche sur les cellules souches embryonnaires, alors que, littéralement, nous les menaçons en faisant peser, au-dessus de leurs têtes, une épée de Damoclès.
L’autorisation de certaines recherches sur l’embryon est à la base du progrès scientifique. À notre avis, il est temps de franchir ce pas.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, sur l'article.
Mme Anne-Marie Payet. Le choix de la commission des affaires sociales de passer à un régime d’autorisation signe une rupture radicale avec le choix de la France de respecter la vie et la dignité de l’embryon humain dès le commencement de son développement.
De plus, la recherche sur l’embryon est facilitée puisqu’elle est désormais possible lorsqu’elle « est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs », là où l’actuelle loi n’évoque que des « progrès thérapeutiques ».
Ce choix est d’autant plus scandaleux qu’il ne repose sur aucune justification scientifique solide, comme le souligne le professeur Testart, affirmant, à juste titre, que la recherche sur l’embryon ne fait que « confirmer la victoire des avocats de l’instrumentalisation de l’embryon, sans que cela soit raisonnablement bénéfique pour l’espèce humaine ». En effet, ceux-ci font miroiter, en guise de promesses, les prétendus avantages de l’utilisation des cellules souches embryonnaires humaines, tant pour la médecine régénérative que pour l’industrie pharmaceutique, avec le criblage des molécules, ou encore pour l’assistance médicale à la procréation.
Or, selon le professeur Testart, à tous ces « beaux projets », déjà anciens, il manque « des justifications scientifiques qui devraient être exigées, surtout quand le matériau expérimental est l’embryon humain dont tous prétendent reconnaître qu’il n’est pas un objet banal ».
En outre, ces recherches ne font aucunement suite à une démonstration d’efficacité et des résultats satisfaisants probants chez l’animal, alors que cela aurait été la moindre des choses. Au contraire, « cette prétention à utiliser d’emblée du matériel humain échappe au prérequis de l’expérimentation animale, lequel est justifié scientifiquement mais aussi éthiquement puisque c’est une règle affichée en recherche médicale depuis l’après-Seconde Guerre mondiale », poursuit le professeur Testart.
Les travaux utilisant des cellules souches embryonnaires, obtenues après dissection d’embryons humains surnuméraires ne visent ouvertement pas à la connaissance de l’être en développement, mais servent à instrumentaliser certaines de ses parties.
Comment expliquer la précipitation imposée par des ambitions personnelles ou des pressions industrielles ? Rappelons que le législateur ne peut faire fi de l’obligation légale de ne réaliser des recherches sur l’embryon humain que s’’il n’existe pas « de méthodes alternatives d’efficacité comparable ». Or, ces méthodes existent. Les chercheurs savent en effet reprogrammer de simples cellules adultes en cellules souches pluripotentes : il s’agit des cellules IPS, connues depuis les travaux du professeur Yamanaka et capables de se différencier en diverses cellules spécialisées.
Les IPS ont déjà permis la guérison de pathologies chez l’animal. Deux équipes de chercheurs – l’une, japonaise, l’autre, américaine – ont annoncé en novembre 2007 avoir réussi à transformer des cellules de peau humaines en cellules pluripotentes.
Jusqu’à aujourd’hui, nombre de chercheurs pensaient que, pour disposer de cellules pluripotentes, il fallait détruire un embryon humain. Ces publications prouvent le contraire.
Les cellules IPS suscitent désormais chez les chercheurs un immense enthousiasme, après un certain scepticisme, du fait de leur supériorité, pratique et éthique, par rapport aux cellules souches embryonnaires. À l’annonce des résultats du professeur Yamanaka, le professeur Wilmut, « père » scientifique de la brebis clonée Dolly, a annoncé, en novembre 2007, l’abandon de ses recherches sur le clonage, au profit de la production de cellules souches sans embryon. Pour lui, les recherches menées par l’équipe de Yamanaka ont plus d’avenir que l’utilisation d’embryons.
Voilà qui permet de tempérer les affirmations péremptoires du professeur Peschanski ! Ce dernier affirme en effet que l’interdiction de la recherche sur les cellules souches embryonnaires ferait prendre à la France du retard par rapport aux autres pays européens. Cette opinion est totalement contredite par les faits. Rappelons ce que soulignait très justement le professeur Testart : « Nul ne semble prendre en compte que la possibilité de recherche sur les embryons humains, ouverte depuis 1990 en Grande-Bretagne, n’a conduit à aucun résultat d’intérêt. »
Plus prometteuse sur le plan scientifique, la recherche sur les cellules souches adultes ne pose, de surcroît, aucun problème éthique. À l’inverse, il s’agit de bien comprendre que la recherche sur les embryons suppose d’accepter de tuer un être humain en devenir à des fins de recherche.
Comment expliquer l’obstination de certains chercheurs à vouloir travailler sur ces cellules sans résultat probant, alors qu’il existe une méthode fiable de thérapie alternative qui ne pose, par ailleurs, aucun problème éthique ? Faut-il y voir des intérêts économiques ?
N’effectuer aucune congélation et réimplanter immédiatement les embryons artificiellement fécondés me paraît constituer la solution la plus sage.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le législateur ne doit pas se donner un pouvoir illimité sur l’être vivant.