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Souhaits de bienvenue à une délégation afghane
Mme la présidente. Mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer, en votre nom, la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation des deux chambres du Parlement afghan. (M. le ministre, Mme la secrétaire d'État chargée de la santé ainsi que Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Cette délégation est conduite par M. Humayoun Azizi, ministre chargé des relations avec le Parlement. Elle compte dans ses rangs M. Rahmani, président de la commission de l’économie nationale de la Chambre des représentants et M. Erfaani, président de la commission des finances de la Chambre des Anciens, ainsi qu’une quinzaine de députés et de sénateurs membres des commissions des finances.
Elle est accompagnée par M. Mohammad Sharif Sharifi, directeur du bureau d’Audit et de contrôle de l’Afghanistan, équivalent de notre Cour des comptes. Avec l’aide de l'École nationale d'administration, cette importante délégation vient étudier en France la procédure et le contrôle budgétaires auprès de nos assemblées.
Chacun ici se rappelle que ce sont les administrateurs de l’Assemblée nationale et du Sénat français qui, en 2005, ont, dans le cadre d’un programme des Nations unies, aidé, avec succès, les services du Parlement afghan à reprendre leur activité, après plus de vingt ans de silence.
Aujourd’hui, notre coopération technique est très étroite avec les deux chambres afghanes, avec le soutien de notre ministère des affaires étrangères. C’est le signe – il convient de le souligner – que la France ne se borne pas à une présence militaire dans ce beau pays.
Permettez-moi de souhaiter à cette délégation une cordiale bienvenue. (Applaudissements.)
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Bioéthique
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre VI, à l’article 19 B.
Titre VI (suite)
ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION
Article 19 B
I. – Au 11° de l’article L. 1418-1 du même code, les références : « , L. 2131–4–2 et L. 2142–1–1 » sont remplacées par la référence : « et L. 2131–4–2 ».
II. – Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Au premier alinéa de l’article L. 2131–4–2, les mots : « au diagnostic prénatal et » sont supprimés ;
3° Le second alinéa de l’article L. 2131–4–2 est supprimé.
III. – Le chapitre II du titre IV du même livre Ier est ainsi modifié :
1° Au cinquième alinéa de l’article L. 2142–1, après le mot : « doivent », sont insérés les mots : « faire appel à des praticiens en mesure de prouver leur compétence et » ;
2° L’article L. 2142–1–1 est abrogé ;
2° bis La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2142-3-1 est supprimée ;
3° Le 3° de l’article L. 2142–4 est abrogé. – (Adopté.)
Article 19 C (nouveau)
La technique de congélation ultra-rapide des ovocytes est autorisée.
Mme la présidente. L'amendement n° 165, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Cette autorisation peut-être retirée dans les conditions fixées par le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 2141-1 du code de la santé publique.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. L’autorisation d’une technique de conservation des gamètes par la loi soulève plusieurs difficultés, notamment celle de son retrait.
Si la congélation ultrarapide devait poser des problèmes, il faudrait pouvoir y mettre fin sans recourir à la loi. À cette fin, cet amendement prévoit que le retrait de l’autorisation pourra se faire dans les conditions de droit commun.
Cette technique figure dans la loi, sur l’initiative de l'Assemblée nationale et à la demande de médecins qui sont convaincus de son intérêt, mais qui se sont vu interdire toute étude sur le sujet pour des raisons difficiles à saisir.
À mes yeux, il s’agit d’une technique supplémentaire d’assistance médicale à la procréation qui peut améliorer les pratiques, mais qui demande à être évaluée. Elle ne se mettra en place que progressivement et, au moins dans un premier temps, s’ajoutera aux autres techniques, sans s’y substituer. Elle a donc un intérêt, mais qui est encore potentiel et limité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Le Gouvernement émet un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 19 C, modifié.
(L'article 19 C est adopté.)
Articles additionnels après l'article 19 C
Mme la présidente. L'amendement n° 40 rectifié quater, présenté par Mme Hermange, M. P. Blanc, Mme Rozier, M. Revet, Mme Giudicelli, MM. Cantegrit, de Legge, Lardeux, Cazalet, du Luart, Lecerf, Darniche, Gilles, Portelli, B. Fournier, Vial, Cointat, Retailleau, Pozzo di Borgo, Bécot, Couderc, del Picchia, Bailly et P. Dominati et Mme B. Dupont, est ainsi libellé :
Après l'article 19 C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre II du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le chapitre IV du titre IV est abrogé ;
2° Après le titre IV, il est inséré un titre IV bis ainsi rédigé :
« Titre IV bis
« Gamètes
« Chapitre I
« Prélèvement, collecte et conservation de gamètes
« Art. L. 1246-1. - Le prélèvement de gamètes sur une personne ne peut être opéré que dans l'intérêt thérapeutique direct de son couple afin de procéder à une assistance médicale à la procréation définie à l'article L. 2141-1.
« Art. L. 1246-2. - La femme prélevée, préalablement informée par le médecin des risques qu'elle encourt et des conséquences éventuelles du prélèvement, doit donner son consentement par écrit au prélèvement ainsi qu'à l'éventuelle conservation de ses ovocytes qui n'auraient pas été utilisés pour l'assistance médicale à la procréation. Le consentement est révocable sans forme et à tout moment.
« Art. L. 1246-3. - Aucun prélèvement ou collecte de gamètes ne peut avoir lieu sur une personne mineure ou sur une personne majeure faisant l'objet d'une mesure de protection légale.
« Chapitre II
« Don de gamètes
« Art. L. 1246-4. - Par dérogation à l'article L. 1246-1, un don anonyme et gratuit peut être effectué par un donneur ou une donneuse majeure ayant déjà procréé, en vue d'une assistance médicale à la procréation.
« Son consentement et, s'il fait partie d'un couple, celui de l'autre membre du couple sont recueillis par écrit et peuvent être révoqués à tout moment jusqu'à l'utilisation des gamètes. Il en est de même du consentement des deux membres du couple receveur.
« Art. L. 1246-5. - L'insémination artificielle par sperme frais provenant d'un don et le mélange de spermes sont interdits.
« Art. L. 1246-6. - Le recours aux gamètes d'un même donneur ne peut délibérément conduire à la naissance de plus de dix enfants.
« Art. L. 1246-7. - Les organismes et établissements autorisés dans les conditions prévues à l'article L. 2142-1 fournissent aux autorités sanitaires les informations utiles relatives aux donneurs. Un suivi des donneurs est effectué pour pouvoir informer le médecin de l'enfant issu du don le cas échéant, dans un but de prévention notamment. Un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes en cas de nécessité thérapeutique concernant un enfant conçu à partir de gamètes issus de don.
« Art. L. 1246-8. - Le bénéfice d'un don de gamètes ne peut en aucune manière être subordonné à la désignation par le couple receveur d'une personne ayant volontairement accepté de procéder à un tel don en faveur d'un couple tiers anonyme.
« La donneuse d'ovocytes doit être particulièrement informée des conditions de la stimulation ovarienne et du prélèvement ovocytaire, des risques et des contraintes liés à cette technique, lors des entretiens avec l'équipe médicale pluridisciplinaire. Elle est informée des conditions légales du don, notamment du principe d'anonymat et du principe de gratuité.
« Art. L. 1246-9. – Les modalités d'application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Conséquence du débat que nous avons eu ce matin sur l’anonymat du don de gamètes, cet amendement tend à insérer un nouveau titre au sein du code de la santé publique qui consacre la particularité des gamètes.
En effet, les gamètes ne sont pas assimilables aux autres cellules du corps en ce qu'ils peuvent transmettre la vie et constituent la moitié du patrimoine génétique de la personne qui en sera issue. Étant de nature différente des autres cellules, produits et tissus du corps humain, il est donc normal qu'ils soient soumis à un encadrement différent et ne relèvent plus du titre IV du code de la santé publique « Tissus, cellules, produits du corps humain et leurs dérivés ».
Cela va dans le sens de l’article 16-4, alinéa 3, du code civil, qui confère aux gamètes une valeur particulière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission considère que consacrer un chapitre spécifique aux gamètes est suffisant et qu’il n’est pas nécessaire de créer un titre nouveau.
De plus, la rédaction proposée ajoute des dispositions nouvelles, notamment l’interdiction du principe du prélèvement en dehors de l’intérêt thérapeutique direct du couple, ce qui pose un problème de compatibilité avec l'article L. 2141-11 du code de la santé publique.
L'amendement tend également à supprimer la mention du remboursement des frais engagés par la donneuse, qui figure à l'article L. 1244-7 du même code.
Tout cela empêche l’adoption de cet amendement en l’état. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Mettre en place un principe d’interdiction, même assorti de dérogations, n’est pas de la meilleure logique. Par ailleurs, cela peut accentuer la pénurie de gamètes.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, et j’en suis désolé, il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Hermange, l'amendement n° 40 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. Même si les gamètes font l’objet d’un chapitre dédié au sein du code de la santé publique, ce chapitre est lui-même inséré dans un titre qui consacre les gamètes comme étant de même nature que les autres « tissus, cellules et produits du corps humain » susceptibles de don.
Pour ce qui est du remboursement, j’en conviens, il est nécessaire. Ceux d’entre vous qui se sont rendus dans les laboratoires pour voir comment se passaient les prélèvements d’ovocytes savent que cela nécessite du temps. Il n’en reste pas moins que le principe d’un système monnayable pour l’extraction des ovocytes me pose problème.
C'est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 40 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 112 rectifié, présenté par M. Revet, Mmes Hermange et B. Dupont, M. Bécot, Mme Bruguière, MM. Bailly et Beaumont, Mme Rozier et MM. P. Dominati et Lardeux, est ainsi libellé :
Après l'article 19 C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute disposition législative ou réglementaire ayant trait à la recherche scientifique dans les domaines de santé humaine ou d'aide à la procréation doit en priorité prendre en compte l'intérêt de l'enfant.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Cet amendement se justifie par son texte même.
Il est vrai que, s’il était adopté, cet article additionnel serait de faible portée normative, mais, comme il n’est nulle part fait mention de l’intérêt de l’enfant dans le projet de loi, je pense qu’il serait utile de rappeler ici l’objectif de l’aide à la procréation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
La portée normative de cette disposition est contestable. Certes, tout le monde peut y adhérer sur le fond, mais l’adoption de cet amendement n’empêcherait nullement le législateur d’adopter d’autres dispositions, même contraires.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je voterai contre cet amendement. On marche sur la tête ! Que l’on veuille donner des raisons et des finalités à la recherche scientifique dépasse l’entendement. La recherche scientifique englobe l’ensemble des connaissances, qu’il s’agisse des adultes, du monde végétal, du monde animal. Il va de soi que l’intérêt de l’enfant fait partie des objectifs, mais c’en est un parmi d’autres.
Fixer des règles et des objectifs à la recherche scientifique serait, pour le législateur, s’engager dans une bien mauvaise direction.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 112 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 19
L’article L. 2141-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« L’assistance médicale à la procréation s’entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des embryons, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle. La liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l’Agence de la biomédecine. Un décret en Conseil d’État précise les modalités et les critères d’inscription des procédés sur cette liste. Les critères portent notamment sur le respect des principes fondamentaux de la bioéthique prévus en particulier aux articles 16 à 16-8 du code civil, l’efficacité, la reproductibilité du procédé ainsi que la sécurité de son utilisation pour la femme et l’enfant à naître. L’Agence de la biomédecine remet au ministre chargé de la santé, dans les trois mois après la promulgation de la loi n° … du … relative à la bioéthique, un rapport précisant la liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation ainsi que les modalités et les critères d’inscription des procédés sur cette liste.
« Toute technique visant à améliorer l’efficacité, la reproductibilité et la sécurité des procédés figurant sur la liste mentionnée au premier alinéa du présent article fait l’objet, avant sa mise en œuvre, d’une autorisation délivrée par le directeur général de l’Agence de la biomédecine après avis motivé de son conseil d’orientation.
« Lorsque le conseil d’orientation considère que la modification proposée est susceptible de constituer un nouveau procédé, sa mise en œuvre est subordonnée à son inscription sur la liste mentionnée au même premier alinéa.
« La mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés. L’Agence de la biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisées et des résultats obtenus. » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Le mot : « recommandations » est remplacé par le mot : « règles » ;
b) Sont ajoutés les mots : « fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, sur l'article.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Alors que nous poursuivons l’examen du titre VI relatif à l’assistance médicale à la procréation, je souhaite rappeler que, si le projet de loi a dû être découpé en titres, tous les questionnements éthiques qu’il suscite sont liés, et toutes les pratiques que nous autorisons ont des incidences les unes sur les autres.
Il en est ainsi de l’aide médicale à la procréation et de la recherche sur l’embryon.
Les questions que nous nous posons aujourd’hui tiennent, bien sûr, au stock d’embryons surnuméraires congelés accumulés par notre pratique de l’assistance médicale à la procréation.
Je présenterai donc des amendements visant à faire en sorte que le nombre des embryons constitués corresponde au nombre d’embryons implantés, puisque la congélation des embryons n’apporte plus rien à l’assistance médicale à la procréation. En effet, l’objectif de limitation du nombre d’embryons conservés inscrit par les députés dans le projet de loi ne sera effectif que si l’on précise le nombre d’embryons autorisé par tentative d’AMP.
Il s’agit ici d’amendements de cohérence, puisque tout le monde s’accorde à dire – un certain nombre des personnes qui nous écoutent dans les tribunes partagent ce point de vue – que la vitrification ovocytaire permettra de ne plus avoir d’embryons surnuméraires.
Il est opportun de rappeler qu’en 1994 – relisez les débats - c’est l’impossibilité de conserver les ovocytes qui avait servi d’argument pour autoriser la conservation des embryons.
Prenons-en acte et inscrivons donc dans la loi que le nombre d’embryons à implanter directement est fixé à l’avance, puisque, en parallèle, on nous propose aujourd'hui la vitrification ovocytaire.
Aujourd’hui, on dénombre en France 150 000 embryons congelés. Selon l’Agence de la biomédecine, en 2008, seuls 66 % des 150 000 embryons faisaient encore l’objet d’un « projet parental ».
Pour les embryons dits « surnuméraires », sur lesquels ne reposent pas de projet parental, la loi prévoit qu’au bout d’un certain temps ils soient détruits, donnés à la recherche ou bien confiés à d’autres couples, des options qui posent de multiples problèmes éthiques.
La science masque aux parents les enjeux de la congélation et les dilemmes cornéliens qu’elle pose en se présentant seulement comme la réponse concrète à leur douloureux problème de stérilité. On les met donc devant des choix impossibles à cause de la congélation des embryons qui n’est aujourd’hui plus utile ! Finalement, ce sont les parents qui deviennent les censeurs ou les promoteurs de la recherche.
En effet, aujourd’hui, nous autorisons la vitrification ovocytaire, qui permettra de constituer un embryon « frais » à chaque tentative d’assistance médicale à la procréation plutôt que d’avoir à décongeler des embryons déjà constitués des mois, voire des années avant.
J’ai déjà cité au cours de ce débat l’exemple de cette femme de quarante-deux ans qui avait un embryon congelé depuis vingt ans, qui se l’est fait implanter et qui a donné l’enfant à adopter…
D’ailleurs, un certain nombre de parents qui désirent un autre enfant préféreraient recréer des embryons plutôt que d’utiliser leur « stock » en CECOS, les centres d’études et de conservation du sperme, les jugeant « passés de date » ou s’interrogeant sur leur âge réel par rapport au frère ou à la sœur né de la même « production ». Ainsi, seuls 2 000 bébés par an naissent après une décongélation.
De plus, cela va de pair avec de meilleurs résultats de l’assistance médicale à la procréation, car l’on obtient plus de grossesses en transfert d’embryon « frais » qu’avant.
La congélation des embryons n’est dès lors plus utile pour les couples qui ont recours à l’assistance médicale à la procréation !
En outre, autoriser la vitrification ovocytaire n’a de sens que si cette technique s’accompagne d’un encadrement éthique, sans quoi elle ne servira qu’à transformer progressivement la fonction médicale de l’assistance médicale à la procréation en technique de convenance.
Les ovocytes conservés ne seront-ils pas une tentation pour demander une assistance médicale à la procréation à tout âge ou pour constituer des embryons anonymes ? S’il s’agit de maternités de convenance, seront-elles remboursées par la sécurité sociale ?
Pour autant, afin de prendre en compte la réalité des pratiques médicales et de laisser le temps aux laboratoires de s’approprier la technique de la vitrification ovocytaire, la limitation que nous prévoyons entrera en vigueur un an après la promulgation de la loi.
Mes chers collègues, nous avons donc aujourd’hui la responsabilité de revenir à une pratique d’assistance médicale à la procréation qui réduise notre stock d’embryons, un stock qui pose problème à tous. J’espère que nous prendrons la mesure de cette responsabilité.
Je présenterai en conséquence des amendements au regard de cette nouvelle technique, qui induit une réduction des embryons surnuméraires.
Mme Bernadette Dupont. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. Cet article précise les conditions dans lesquelles de nouvelles techniques d’assistance médicale à la procréation seraient susceptibles d’être autorisées.
Depuis la naissance de Louise Brown en 1978, plus de 4 millions d'enfants dans le monde sont nés grâce à la fécondation in vitro. Les techniques d’assistance médicale à la procréation n’ont cessé d’évoluer depuis, comme le montre d’ailleurs la première naissance française issue d’ovocytes congelés obtenue par le professeur René Frydman en novembre 2000.
Le législateur a peiné à répondre à cette évolution médicale, sans doute en raison de considérations morales. En effet, hormis des problèmes d’origine médicale, la cause la plus fréquente d’infertilité est l’âge. Les femmes veulent ainsi des enfants de plus en plus tard sans toujours réaliser que leur fertilité chute rapidement après trente-cinq ans.
Or l’assistance médicale à la procréation n’est pas une baguette magique. Ses taux de succès diminuent aussi avec l’âge. On peut remarquer que le taux de succès des fécondations in vitro, qui est en moyenne de 25 % par tentative, tombe à 18 % à trente-huit ans et à 6 % à quarante-deux ans.
À cet égard, l’autorisation de nouvelles techniques de procréation permettra à nos concitoyennes d’avoir des enfants dans les meilleures conditions possibles, mais aussi dans les conditions qu’elles désirent.
Ce progrès risque cependant d’être obéré par les capacités limitées des centres de diagnostic préimplantatoire, liées à l’insuffisance de moyens en équipement et en personnel.
Avec cet article, cependant, nous avançons dans la bonne direction. Il apparaît simplement nécessaire de le modifier sur un point, d’ordre juridique, en introduisant un cadre un peu plus souple permettant les innovations médicales en procréation médicale assistée dans de meilleurs délais.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 24, présenté par MM. Mirassou et Cazeau, Mme Le Texier, MM. Godefroy et Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Desessard, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
L’assistance médicale à la procréation fait appel aux pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation de gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Madame la présidente, en l’absence de M. Mirassou, qui est l’inspirateur de ce dispositif, je préfère considérer que l’amendement est défendu, car j’ai entre les mains plusieurs versions qui se contredisent !
Mme la présidente. L’amendement n° 39 rectifié bis, présenté par Mme Hermange, M. P. Blanc, Mme Rozier, M. Revet, Mme Giudicelli, MM. Cantegrit, de Legge, Lardeux, Cazalet, du Luart, Darniche, Gilles, Portelli, B. Fournier, Vial, Retailleau, Pozzo di Borgo, Bécot, Couderc, del Picchia et Bailly et Mme B. Dupont, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
conception in vitro
supprimer les mots :
la conservation des embryons,
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Cet amendement est le premier d’une série d’amendements de cohérence par rapport à la position que j’ai défendue tout à l’heure.
En effet, la vitrification ovocytaire doit avoir pour contrepartie la cessation de la conservation des embryons, qui est source de problèmes. La conservation des embryons ne peut être inscrite comme une technique d’assistance médicale à la procréation dès lors que l’on dispose de la vitrification ovocytaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 24, présenté par M. Cazeau en remplacement de M. Mirassou. Il y a en effet une contradiction manifeste entre l’objet de l’amendement et l’amendement lui-même. (Sourires.)
M. Bernard Cazeau. Je m’en suis aperçu !
M. Xavier Bertrand, ministre. Est-ce à dire, monsieur le rapporteur, que vous auriez pu être favorable à l’amendement ?
M. Alain Milon, rapporteur. Non, monsieur le ministre, nous y sommes en tout état de cause défavorables, et plus encore en raison de cette contradiction majeure que M. Cazeau a d’ailleurs lui-même relevée.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 39 rectifié bis, défendu par Mme Hermange, puisqu’il vise l’interdiction immédiate de la conservation des embryons dans le cadre d’un projet parental. S’il était adopté, il mettrait fin à tous les projets élaborés par un couple sur plusieurs années, ce que nous ne pouvons accepter.
Il faut le souligner encore une fois, la vitrification ovocytaire offre la perspective de congeler des ovocytes plutôt que des embryons, mais une telle évolution, si elle a lieu, ne peut être que progressive.
En tout cas, selon nous, il n’appartient pas au législateur de définir les meilleures pratiques en matière d’assistance médicale à la procréation.